utiliser des bactéries pour dépolluer les … · utiliser des bactéries pour dépolluer les...

4
BIOFUTUR 295 • JANVIER 2009 33 Utiliser des bactéries pour dépolluer les environnements contaminés par des radionucléides Les bactéries sont capables de réduire, oxyder, séquestrer, volatiliser ou dégrader les polluants. L’exploitation de leurs extraordinaires capacités métaboliques permet d’envisager leur utilisation dans des procédés efficaces et peu coûteux de bioremédiation des eaux ou sols contaminés, notamment par des métaux traces ou des radionucléides toxiques. Catherine Berthomieu*, Virginie Chapon*, Rodolphe Gilbin** L a pollution des sols est le résultat d’activités minières et d’industries lourdes, comme l’indus- trie pétrolière et la sidérurgie, ou d’industries chimiques. Les polluants sont majoritairement des composés organiques (hydrocarbures, composés phénolés et chlorés,…) mais la contamination par des métaux est également importante (voir p37). Elle concerne notamment l’aluminium (Al), le chrome (Cr), le manganèse (Mn), le zinc (Zn), le plomb (Pb), le cuivre (Cu), le nickel (Ni), l’arsenic (As), l’étain (Sn), le cadmium (Cd), le titane (Ti), le mercure (Hg),… (1). Certains radioéléments comme l’uranium (U) sont naturellement présents dans l’environnement et peuvent être disséminés lors de l’exploitation de mines ou d’accidents, tel celui de Tchernobyl en 1986. Contrairement aux composés organiques, les métaux et les radionucléides ne peuvent pas être dégradés. La dépollution des sols implique des processus qui visent à diminuer leur biodisponibilité, en évitant leur transfert vers les nappes phréatiques ou les chaînes alimentaires. Pour cela, on peut soit augmenter leur solubilité afin de les extraire du milieu contaminé, soit, au contraire, les immobiliser in situ afin de les confiner. La biodépollution de sols ou d’eaux par les micro- organismes repose sur l’exploitation de leurs capacités à réaliser l’ensemble de ces réactions. Les métaux peuvent être présents sous différents états de valence (degré d’oxydation) et de complexation, auxquels correspondent des comportements différents dans les sols. Les caractéristiques physicochimiques du sol (composition minéralogique, acidité, potentiel d’oxydoréduction, teneur en matière organique) affec- tent la forme chimique et donc la biodisponibilité ou la toxicité des métaux. Les micro-organismes des sols, et notamment les bactéries, peuvent également modi- fier la forme chimique des métaux, parfois de façon spectaculaire (figure 1). Le développement d’approches moléculaires a permis, ces dix dernières années, d’accroître considérablement nos connaissances de la biodiversité bactérienne. À l’heure actuelle, plus de 815 000 séquences de gènes d’ARN ribosomaux 16S sont répertoriées et environ 45 000 espèces cultivables sont recensées. Dans un gramme de sol, on peut dénombrer en moyenne un milliard de cellules, correspondant à plusieurs milliers d’espèces différentes. L’exploration de biotopes variés a révélé la présence de micro-organismes dans des milieux extrêmes comme les déserts arides, les glaces polaires, les sources chaudes, les fumeurs noirs sur les dorsales océaniques, mais aussi dans des environnements fortement pollués par l’acti- vité anthropique. Un des derniers dont le génome ait été séquencé, Candidatus Desulforudis audaxviator, est une bactérie chimio-autotrophe* 1 qui vit à 2,8 km de profondeur et à 60 °C en utilisant comme source d’énergie l’hydrogène produit par la radiolyse de l’eau, résultat de la décroissance radioactive de l’uranium (2). Les bactéries constituent donc un réservoir énorme de diversité avec une impressionnante étendue d’habitats colonisés, grâce à des métabolismes énergétiques très variés et une large palette de processus biochimiques et moléculaires. Cette diversité est à l’origine de la capacité des bactéries à dégrader ou à transformer de nombreux polluants organiques mais aussi inorganiques, comme les complexes métalliques. D ans l’environnement, il est encore très difficile de prévoir * CEA/IBEB/Laboratoire des interactions protéine métal 13108 Saint Paul-lez-Durance, France [email protected] ** IRSN/DEI/Laboratoire de radioécologie et d’écotoxicologie 13115 Saint Paul-lez-Durance, France * 1 Qui utilise une substance chimique inorganique comme source d’énergie et une source de carbone inorganique pour synthétiser ses composés organiques (1) http://sites-pollues. ecologie.gouv.fr (2) Chivian D et al. (2008) Science 322, 275-8 05-3-Berthomieu 18/12/08 16:59 Page 33

Upload: trinhnguyet

Post on 12-Sep-2018

223 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Utiliser des bactéries pour dépolluer les … · Utiliser des bactéries pour dépolluer les environnements contaminés par ... Les polluants sont majoritairement des composés

BIOFUTUR 295 • JANVIER 2009 33

Utiliser des bactéries pourdépolluer les environnements contaminés par des radionucléidesLes bactéries sont capables de réduire, oxyder, séquestrer, volatiliser oudégrader les polluants. L’exploitation de leurs extraordinaires capacitésmétaboliques permet d’envisager leur utilisation dans des procédésefficaces et peu coûteux de bioremédiation des eaux ou sols contaminés,notamment par des métaux traces ou des radionucléides toxiques.

Catherine Berthomieu*, Virginie Chapon*, Rodolphe Gilbin**

La pollution des sols est le résultat d’activitésminières et d’industries lourdes, comme l’indus-trie pétrolière et la sidérurgie, ou d’industries chimiques. Les polluants sont majoritairement des

composés organiques (hydrocarbures, composés phénolés et chlorés,…) mais la contamination par desmétaux est également importante (voir p37). Elleconcerne notamment l’aluminium (Al), le chrome (Cr),le manganèse (Mn), le zinc (Zn), le plomb (Pb), le cuivre(Cu), le nickel (Ni), l’arsenic (As), l’étain (Sn), le cadmium (Cd), le titane (Ti), le mercure (Hg),… (1).Certains radioéléments comme l’uranium (U) sont naturellement présents dans l’environnement et peuvent être disséminés lors de l’exploitation de minesou d’accidents, tel celui de Tchernobyl en 1986.Contrairement aux composés organiques, les métauxet les radionucléides ne peuvent pas être dégradés.La dépollution des sols implique des processus quivisent à diminuer leur biodisponibilité, en évitant leurtransfert vers les nappes phréatiques ou les chaînes alimentaires. Pour cela, on peut soit augmenter leursolubilité afin de les extraire du milieu contaminé, soit,au contraire, les immobiliser in situ afin de les confiner.La biodépollution de sols ou d’eaux par les micro-organismes repose sur l’exploitation de leurs capacitésà réaliser l’ensemble de ces réactions.Les métaux peuvent être présents sous différents étatsde valence (degré d’oxydation) et de complexation,auxquels correspondent des comportements différentsdans les sols. Les caractéristiques physicochimiquesdu sol (composition minéralogique, acidité, potentield’oxydoréduction, teneur en matière organique) affec-tent la forme chimique et donc la biodisponibilité ou

la toxicité des métaux. Les micro-organismes des sols,et notamment les bactéries, peuvent également modi-fier la forme chimique des métaux, parfois de façon spectaculaire (figure 1).Le développement d’approches moléculaires a permis,ces dix dernières années, d’accroître considérablementnos connaissances de la biodiversité bactérienne. Àl’heure actuelle, plus de 815 000 séquences de gènesd’ARN ribosomaux 16S sont répertoriées et environ45 000 espèces cultivables sont recensées. Dans ungramme de sol, on peut dénombrer en moyenne unmilliard de cellules, correspondant à plusieurs milliersd’espèces différentes.L’exploration de biotopes variés a révélé la présencede micro-organismes dans des milieux extrêmes commeles déserts arides, les glaces polaires, les sources chaudes,les fumeurs noirs sur les dorsales océaniques, mais aussidans des environnements fortement pollués par l’acti-vité anthropique. Un des derniers dont le génome aitété séquencé, Candidatus Desulforudis audaxviator,est une bactérie chimio-autotrophe*1 qui vit à 2,8 kmde profondeur et à 60 °C en utilisant comme sourced’énergie l’hydrogène produit par la radiolyse de l’eau,résultat de la décroissance radioactive de l’uranium (2).Les bactéries constituent donc un réservoir énorme dediversité avec une impressionnante étendue d’habitatscolonisés, grâce à des métabolismes énergétiques trèsvariés et une large palette de processus biochimiques etmoléculaires. Cette diversité est à l’origine de la capacitédes bactéries à dégrader ou à transformer de nombreuxpolluants organiques mais aussi inorganiques, commeles complexes métalliques.Dans l’environnement, il est encore très difficile de prévoir

* CEA/IBEB/Laboratoire des interactions protéine métal13108 Saint Paul-lez-Durance,[email protected]

** IRSN/DEI/Laboratoire de radioécologie et d’écotoxicologie13115 Saint Paul-lez-Durance,France

*1 Qui utilise une substance chimique inorganique comme source d’énergie et une source de carbone inorganique pour synthétiserses composés organiques

(1) http://sites-pollues.ecologie.gouv.fr(2) Chivian D et al. (2008)Science 322, 275-8

05-3-Berthomieu 18/12/08 16:59 Page 33

Page 2: Utiliser des bactéries pour dépolluer les … · Utiliser des bactéries pour dépolluer les environnements contaminés par ... Les polluants sont majoritairement des composés

BIOFUTUR 295 • JANVIER 200934

Dossier Toxicologie nucléaire

l’action des bactéries sur les métaux. D’une part ladiversité rencontrée est très étendue et d’autre part,une très faible fraction (1 % en moyenne) des bacté-ries peut être cultivée en conditions de laboratoire,ce qui limite énormément la connaissance des méta-bolismes existants. La mise en place de procédés debioremédiation implique donc dans un premier tempsde mieux comprendre les interactions entre bactérieset métaux, puis d’identifier des candidates intéressantesavant d’appuyer leur action dans les sols par différentesméthodes. Parmi celles-ci, la biorestauration a pourbut de favoriser le développement des bactéries indi-gènes par ajout de nutriments spécifiques. La bio-stimulation consiste à réensemencer des populationsprélevées sur site et cultivées en laboratoire tandis quela bioaugmentation consiste à injecter des bactériesexogènes adaptées à la pollution à traiter dans les sols.

Les interactions bactéries - métaux

Il existe différents types d’interactions entre bacté-ries et métal. Sous le terme de biotransformation, onretrouvera des mécanismes de modification de la formechimique du métal (ou spéciation du métal), soit paroxydation ou réduction, soit par substitution desligands du métal (agents complexants), soit, commedans le cas du mercure, par changement de phase (vola-tilisation).

Réduction des métaux toxiques : l’exemple de l’uraniumPour une grande majorité de métaux, la forme réduiteest beaucoup moins soluble que la forme oxydée. C’estle cas en particulier pour l’uranium, le technétium,le plutonium et le chrome. Les réactions de réduc-tion des oxydes métalliques sont ainsi très étudiéespour envisager la maîtrise de la dispersion des métauxtoxiques dans l’environnement. Dans le cas de l’ura-nium, la forme soluble trouvée dans les sols, l’uranyleUO2

2+ (U(VI)), est réduite en UO2 (U(IV)) qui peut précipiter sous une forme minérale, l’uraninite. Cetteréaction de réduction a pu être mesurée in situ aprèsstimulation des populations bactériennes indigènes desédiments ou d’eaux pollués. On connaît aujourd’huiplusieurs dizaines d’espèces réductrices d’uranium quiprésentent une grande diversité phylogénétique. Parmicelles-ci, on peut citer Desulfovibrio desulfuricans,Geobacter metallireducens et sulfurreducens ainsi queShewanella oneidensis pour les plus étudiées (3).Les mécanismes moléculaires de la réduction ne sontencore que très partiellement caractérisés, voire inconnuspour certains. La grande majorité des études disponiblesconcerne la réduction de l’uranium en anaérobiose. Ceprocessus a été décrit pour la première fois il y a une quinzaine d’année (4). Certaines espèces comme G. metallireducens, G. sulfurreducens et S. oneidensissont capables de coupler cette réduction à la produc-tion d’énergie. On parle alors de réduction dissimilatrice.Ce sont des enzymes de la chaîne respiratoire, les cytochromes c, qui interviennent dans la réaction (5). Chezla bactérie sulfatoréductrice D. desulfuricans, la réduc-tion de l’uranium implique un transfert d’électrons depuisun cytochrome de type-c3 vers une hydrogénase, maisn’est pas productrice d’énergie (6).Ces mécanismes qui ont lieu à la surface des cellulessont intéressants mais les formes réduites de l’uraniumsont susceptibles, dans le milieu d’observation et dansles sols, d’être rapidement réoxydées en présence defaibles concentrations d’oxygène. C’est pourquoi desmécanismes de réduction intracytoplasmique, qui permettraient d’obtenir des formes plus stables d’uranium réduit, sont également recherchés. On saitainsi, depuis peu, que la chromate réductase catalyseaussi la réduction de l’uranyle UO2

2+ dans le cytoplasmede certaines bactéries comme Escherichia coli etPseudomonas putida (7).

L’oxydation et la biolixiviationÀ l’inverse de la réduction, l’oxydation des sulfuresmétalliques peut être intéressante pour extraire lestoxiques métalliques par remise en solution. Il s’agitde la biolixiviation. Cette approche est utilisée pourtraiter des stériles miniers ou des eaux acides de drainage de mines. Les bactéries peuvent être utiliséesde façon directe ou indirecte pour réaliser la bio-solubilisation de métaux toxiques ou précieux.Les micro-organismes qui participent à ces transfor-mations sont principalement des bactéries du genreThiobacillus (ferrooxidans, thiooxidans, acidophilus)ou Leptospirillum (ferrooxidans). Elles se développentdans des environnements très acides (1<pH<2) et supportent de fortes concentrations en métaux toxiquescomme le cadmium, l’uranium ou le thorium.Acidothiophilus ferrooxidans a été découverte en 1947dans les drainages acides de mines de houille grasse.

Figure 1 Peintures de bactériesDépôts d’oxydes de manganèse (gris-bleu) formés en présence de bactéries sur des roches en milieu désertique (Valley of fire park, Nevada).

© R

. SE

AM

AN

(3) Wall JD, Krumholz LR(2006) Annu Rev Microbiol 60,149-66(4) Lovley DR et al. (1991)Nature 350, 413-6(5) Shebolina ES et al. (2007)BMC Microbiol 7, 16(6) Payne RB et al. (2002)Appl Environ Microbiol 68,3129-32(7) Barak Y et al. (2006) Appl Environ Microbiol 72,7074-82

05-3-Berthomieu 18/12/08 8:45 Page 34

Page 3: Utiliser des bactéries pour dépolluer les … · Utiliser des bactéries pour dépolluer les environnements contaminés par ... Les polluants sont majoritairement des composés

BIOFUTUR 295 • JANVIER 2009 35

Ces bactéries sont chimiolithotrophes : elles utilisentl’énergie issue de l’oxydation du Fe2+ et/ou du soufreS0 pour synthétiser des molécules organiques à partirdu dioxyde de carbone.La solubilisation des sulfures métalliques peut êtredirecte ou indirecte, selon que les bactéries oxydentdirectement les sulfures métalliques (MeS2) ou qu’ellesoxydent la pyrite (FeS2) en sulfate ferrique. Les solu-tions acides riches en Fe3+ oxydent à leur tour les sulfures métalliques (Zn, Cd, Ni, Pb, Cu, Au (or), Mn,U). Des opérations commerciales de biolixiviation existent au Brésil, en Chine, au Pérou et au Ghana pourdes métaux comme l’or, le cobalt et le nickel (8). Denouvelles approches en bioréacteur utilisent des bactéries thermophiles ou des archées qui se déve-loppent à des températures élevées pour optimiserles réactions de biolixiviation (Thiobacillus caldus à45-50 °C, Sulfolobus metallicus à 70-80 °C, ouAcidianus brierleyi à 70-90 °C) (figure 2).La biolixiviation de stériles miniers (d’uranium, parexemple) résulte de la nécessité de développer des processus avantageux sur le plan économique. Ces processus sont rentables pour des minerais contenantde 0,05 % à 0,15 % d’oxyde d’uranium U3O8 (9).

La biominéralisation et la bioimmobilisationDe nombreux articles témoignent de la capacité desbactéries à catalyser la formation de précipités miné-raux insolubles contenant un métal, ce qui peut repré-senter un procédé intéressant pour immobiliser etconfiner un métal toxique. C’est le cas notamment pourl’uranium puisque l’on peut obtenir des précipités insolubles même pour la forme oxydée UO2

2+ .Un mécanisme connu depuis longtemps, et utilisé pourdes procédés de bioremédiation, consiste en l’exploi-tation de la capacité des bactéries sulfatoréductrices àproduire, au cours de la réduction anaérobie du soufreélémentaire ou du sulfate, du sulfure d’hydrogène (H2S)qui fait précipiter les cations métalliques (Me2+) sousforme de sulfures MeS2 insolubles (figure 3). Ce mécanisme existe chez des espèces affiliées auxgenres Desulfovibrio et Desulfotomaculum. Il a ainsiété montré dans des échantillons de sols et d’eau quece couplage de réactions, initié par des bactéries sulfatoréductrices, peut entraîner la précipitation del’uranium et du zinc in situ (10). Ce dispositif est utilisédans plusieurs exploitations, en Amérique du Nord etau Mexique, pour extraire des métaux à des fins indus-trielles (Cu, Zn, Ni, Co) ou pour retirer des élémentstoxiques comme As, Pb, Cd, Mn (11). Un des avantagesest que le sulfure d’hydrogène généré par les bactériescoûte moins cher que sa source chimique NaHS.D’autre part, la mise en place d’un système de bioréacteur indépendant permet d’optimiser la culture des bactéries et d’adapter le système au volumed’eau à traiter.Des phénomènes de biominéralisation en aérobiose ontégalement été décrits chez Pseudomonas aeruginosaainsi que chez diverses souches affiliées aux genresCitrobacter, Rahnella, Bacillus et Arthrobacter. Chezces bactéries, la formation intra- ou extracellulaire deprécipités minéraux insolubles de phosphate d’uranylea été observée.Dans le cas de Citrobacter, la réaction met en jeu unephosphatase acide membranaire qui catalyse la synthèse de phosphate dans le périplasme*2. Le phos-phate se complexe avec le métal, formant des préci-pités insolubles de NaUO2PO4 ou NH4UO2PO4. Cescomplexes s’accumulent alors en microcristaux à lasurface de la cellule selon un processus de nucléation

H2S

Eau chargée ensels métalliques

Bioréacteur à bactériessulfato-réductrices

Filtre

Eau traitée

Précipités métalliques MeS2

Décantation

© D

.MO

RIN

/B

RG

M

Figure 2 Cuves de biolixiviation du minerai cobaltifère deKasese, Ouganda. Chaque cuve a un volume de 1 350 m3.

Retraitement par biolixivation de stériles miniers. Le projetKCCL a été l’occasion pour le BRGM de développer un procédé innovant visant à exploiter économiquement un sous-produit miner cobaltifère dont le stockage avait de graves conséquences sur l’environnement local.

Figure 3 BioprécipitationLe sulfure d’hydrogène produit par les bactéries sulfato-réductrices dans un premier bioréacteur anaérobie est transferé à undeuxième biotank contenant l’eau contaminée à traiter. Le gaz précipite les cations métalliques en sulfures insoubles qui sontensuite séparés de l’eau traitée par décantation et filtration. (source : schéma adapté de (11))

*2 Zone séparant les membranes interne et externe de la paroi bactérienne

(8) Rawlings DE et al. (2003)Trends in Biotechnology 21, 38-44(9) Munioz JA et al. (1995) Hydrometallurgy 38, 39-57(10) Lebranz M et al. (2000)Science 290, 1744-7(11) www.bioteq.ca

05-3-Berthomieu 18/12/08 8:45 Page 35

Page 4: Utiliser des bactéries pour dépolluer les … · Utiliser des bactéries pour dépolluer les environnements contaminés par ... Les polluants sont majoritairement des composés

BIOFUTUR 295 • JANVIER 200936

Dossier Toxicologie nucléaire

impliquant les lipopolysaccharides (12). Pour P. aeruginosa, le mécanisme de formation des préci-pités met en jeu le système de synthèse/dégradation despolyphosphates cellulaires, catalysé par la poly-phosphate kinase (Ppk). Lorsque le phosphate est libéré,le phosphate d’uranyle s’accumule à la surface de lacellule. Dans ce cas, à la différence de ce qui a été décritchez Citrobacter, le phénomène de biominéralisationpeut avoir lieu même si les bactéries sont mortes, cequi permet d’envisager d’utiliser ces cellules commepièges à uranium pour décontaminer des solutionsaqueuses (13). Des précipités d’uranium ont égalementété observés chez Rhodobacter palustris (figure 4).

La chélation à la surface des bactériesLa chélation est un phénomène de fixation à la surfacedes bactéries indépendant de l’activité biologique desbactéries. Certaines bactéries à gram positif(Arthrobacter nicotianae, Bacillus subtillis ouMicrococcus luteus) fixent ainsi des quantités impor-tantes d’uranium à leur surface et ce, qu’elles soientvivantes ou mortes. Pour d’autres bactéries à gramnégatif, la chélation de l’uranium implique les lipopolysaccharides de la paroi, comme cela a été décritpour Pseudomonas aeruginosa ou Rhizobium (14). Cephénomène de biosorption, notamment lorsqu’il estréversible, présente un intérêt particulier pour la bioremédiation des eaux.Les protéines de surface d’une souche de Bacillus sphaericus, JG-A12, isolée d’un sol contaminé par l’uranium, fixent jusqu’à 20 mg d’uranium par grammede protéine (14) et fixent également des métaux nobles(palladium, platine, or). À la surface des cellules, cetteprotéine s’auto-organise en un réseau pseudo cristallinqui délimite des pores de 2 à 8 nm de diamètre (figure 5A). L’uranium ainsi que d’autres métaux sontfixés au niveau de ces pores. Une approche pour inclureces protéines ou les bactéries dans des biocéramiquesa été développée à l’institut de radiochimie du centrede recherche de Rossendorf, en Allemagne, et pourraitêtre utilisée pour traiter des eaux contaminées par l’uranium (figure 5B).

Chercher de nouvelles souches

Les techniques de bioremédiation d’eaux ou de solspollués utilisant des bactéries sont très prometteuses,d’une part parce que ces approches peuvent concernerune vaste gamme de métaux, d’autre part parce qu’ellesengendrent de faibles coûts de traitement. La très

grande diversité d’espèces bactériennes et leur capa-cité à vivre dans des environnements extrêmes permet d’envisager l’utilisation de la bioremédiation dansun grand nombre de situations polluées. Dans ce cadre,une meilleure connaissance des métabolismes impliquésdans la biotransformation des métaux traces et radio-nucléides toxiques est un préalable nécessaire pouroptimiser les stratégies utilisées. Une voie de rechercheconcerne l’identification de nouvelles souches bacté-riennes et l’étude au niveau moléculaire des mécanismesde transport et de chélation des métaux. Enfin, uneautre voie de recherche concerne l’analyse des comportements des communautés bactériennes dansleur ensemble pour mieux appréhender la complexitédes situations observées dans les sols pollués et prévoir l’impact des approches de bioaugmentation oubiostimulation. �

Figure 5A Image de microscopie électronique à transmissiondes protéines de surface de la souche Lysinibacillus sphaericusFZR JG-A12 isolée sur des stériles de mine d’uranium, colorationnégative à l’acétate d’uranyle.

Figure 4 Observation en microscopie électronique en trans-mission de précipité d’uranium à la surface de la bactérie Rhodobacter palustris.

Figure 5B Supports pour biocéramiques.a) Spores d’Aspergillus dans une poudre de SiO2

b) Supports de verre recouverts de spores d’Aspergillus sur SiO2.Biocéramiques renforcées par des fibres (AlO3/SiO2) contenantdes spores d’Aspergillus (c), ou des chlorelles (d). D’après (15)

© F

OR

SC

HU

NG

SZ

EN

TRU

M D

RE

SD

EN

-RO

SS

EN

DO

RF

E.V

TH

E R

OYA

L S

OC

IETY

OF

CH

EM

ISTR

Y 2

004

© G. UNTEREINER / M. CARRIÈRE / CEA

(12) Macaskie LE et al. (2000)Microbiology 146, 1855-67(13) Renninger N et al. (2004)Appl Environ Microbiol 70,7404-12(14) Pollman K et al. (2006)Biotechnology Advances 24,58-68(15) Böttcher H et al. (2004) J Mater Chem 14, 2176-88

05-3-Berthomieu 18/12/08 8:45 Page 36