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Université Robert Schuman Faculté de droit, de sciences politiques et de gestion *************************** DEA de droit des affaires *************************** Le statut du contribuable dans la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés *************************** Mémoire présenté par Arnaud Gag Sous la direction du Professeur Philippe Marchessou Année 2003/2004 1

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Université Robert Schuman

Faculté de droit, de sciences politiques et de gestion

***************************

DEA de droit des affaires

***************************

Le statut du contribuable dans la jurisprudence

de la Cour de justice des Communautés

***************************

Mémoire présenté par Arnaud Gag

Sous la direction du Professeur Philippe Marchessou

Année 2003/2004

1

SOMMAIRE

INTRODUCTION TITRE 1er : L’affirmation des droits du contribuable communautaire : l’émergence du statut CHAPITRE 1er : Les deux facettes du contribuable communautaire Section 1 : Le contribuable opérateur économique §.1 L’article 39 (ex-article 48) TCE : la libre circulation des travailleurs §.2.L’article 43 (ex-article 52) TCE : la liberté d’établissement Section 2 : Le contribuable citoyen de l’Union européenne §.1 Le statut de citoyen de l’union européenne §.2 Le droit de circuler et de séjourner librement CHAPITRE 2nd : La résistance des Etats face à ce statut communautaire : la tentative de justification des entraves. Section 1 : Les raisons impérieuses d’intérêt général §1. La cohérence du système fiscal §2. La prévention de l’évasion fiscale Section 2 : Les autres arguments des Etats §1. Le cas Werner §2. L’absence de discrimination fondée sur la nationalité TITRE 2nd : La protection des droits du contribuable communautaire CHAPITRE 1er : Une protection encore insuffisante Section 1 : Une harmonisation de la fiscalité directe à l’état embryonnaire

2

§.1 Le traité et l’harmonisation de la fiscalité §.2 L’absence de fondement juridique spécifique à la fiscalité directe dans le Traité §.3 L’insuffisance de l’harmonisation prétorienne Section 2 : L’action complémentaire des Etats membres §.1 L’article 293 (ex-article 220) TCE §.2 Les conventions fiscales bilatérales CHAPITRE 2nd : Sanction de la violation de ces droits : le contentieux fiscal communautaire Section 1 : Le droit au remboursement et la réparation §.1 Les fondements §.2 L’autonomie procédurale Section 2 : Analyse des deux actions §.1 L’action en remboursement ou en décharge §.2 L’action en réparation pour violation du droit communautaire CONCLUSION

3

LISTE DES ABREVIATIONS PRINCIPALES

aff. affaire AJDA Actualité juridique de droit administratif BFFL Bulletin fiscal Francis Lefebvre BDCF Bulletin des conclusions fiscales Bull. civ. Bulletin civil (recueil des arrêts de la Cour de cassation) CAA Cour administrative d’appel Cass. civ. Cour de cassation chambre civile Cass. com. Cour de cassation chambre commerciale CDE Cahiers de droit européen CE Conseil d’Etat CEDH Convention européenne des droits de l’Homme Cf. Confère CGI Code général des impôts chron. chronique coll. collection comm. commentaire CJCE Cour de justice des Communautés européennes D Recueil Dalloz D aff. Recueil Dalloz affaires DF Droit fiscal éd. Edition EStG Einkommensteuergesetz (loi relative à l’impôt sur le revenu

en Allemagne) Europe Revue Europe fasc. fascicule GP Gazette du Palais JOCE Journal officiel des Communautés européennes JO Journal officiel Leb. Recueil des arrêts du CE LPA Les petites affiches LPF Livre des procédures fiscales n° numéro p. page OCDE Organisation de coopération et de développement

économique op. cit. opere citato (dans l’ouvrage cité) RAE Revue des affaires européennes RDP Revue de droit public

4

Rec. Recueil des arrêts de la CJCE req. requête RFEDIA Revue de fiscalité européenne et droit international des

affaires RFFP Revue française de finances publiques RJF Revue de jurisprudence fiscale RMC Revue du Marché commun RMCUE Revue du Marché commun et de l’Union européenne RMUE Revue du Marché unique et de l’union européenne RTDE Revue trimestrielle de droit européen TA Tribunal administratif TCE Traité de la Communauté européenne TPICE Tribunal de première instance des Communautés

européennes TVA Taxe sur la valeur ajoutée

5

INTRODUCTION

Le contribuable et son statut

Le statut du contribuable a fait l’objet de nombreuses études. C’est le Professeur Louis

Trotabas qui a crée cette expression sur le modèle de « statut du fonctionnaire ». Pour lui, « le

caractère légal de l’impôt détermine la nature des rapports juridiques qui existent entre le

contribuable et le fisc en fixant le statut du contribuable, qui est du type général et

impersonnel, comme pour toute situation légale ou réglementaire », il poursuit en affirmant

que « les rapports entre le contribuable et le fisc n’ont jamais le caractère contractuel »1.

Ce concept de statut de contribuable a petit à petit été construit par la doctrine avec comme

fondement le principe de légalité de l’impôt.

Seul, le Professeur Jean-Claude Martinez dans sa thèse sur « Le statut du contribuable »2

essaie de démontrer que ce statut n’est pas uniforme mais éclaté. Il va même plus loin en

affirmant que le contribuable n’est pas dans une situation statutaire mais contractuelle.

Pour la Direction Générale des Impôts, le terme de contribuable peut être employé comme

terme générique pour désigner « toute personne astreinte au paiement des contributions,

impôts, droits ou taxes dont le recouvrement est autorisé par la loi ». A l’origine, le terme

s’appliquait à toute personne tenue de verser une contribution directe. Aujourd’hui il est de

préférence utilisé lorsque l’impôt est perçu par voie de rôle3.

Le contribuable du XIXe siècle est généralement une personne physique, presque toujours

nationale, à statut de citoyen. En effet, la législation de 1789 veut redonner vie au principe du

consentement à l’impôt, une certaine relation entre Etat et contribuable est impliquée qui ne

1 TROTABAS (Louis) et COTTERET (Jean-Marie), Droit fiscal, 8e éd., Dalloz, 1997, n° 64, p. 86. 2 MARTINEZ (Jean-Claude), Le statut du contribuable, LGDJ, 1980. 3 AGRON (Laure), Histoire du vocabulaire fiscale, LGDJ, Bibliothèque de science financière, Tome 36, p. 161.

6

peut être qu’un lien de citoyenneté pour permettre au citoyen contribuable de consentir à

l’impôt par l’intermédiaire de l’élection qu Parlement. Ainsi, on ne peut être contribuable sans

être électeur ni citoyen. Ainsi, jusqu’à la fin du XIXe siècle le contribuable est resté un fait

national4.

Au XXe siècle, on assiste à un accroissement du nombre d’étrangers soumis au prélèvement

fiscal. Ce phénomène dissocie la relation entre le concept de contribuable et celui de national.

Le contribuable n’est plus exclusivement le national et en bien des points la législation fiscale

se met à distinguer entre étranger et ressortissant. Déjà des dérogations, sinon des

discriminations, existent sous la forme d’impositions spéciales aux étrangers ou plus souvent

par des particularités dans l’application des impôts de droit commun.

De façon plus générale, la réalité de l’élément d’extranéité dans la fiscalité contemporaine

n’est guère contestée.

Le statut du contribuable est de plus en plus perméable, il ne s’identifie plus forcément au

citoyen pas même au national5.

Signalons dès à présent que notre étude se limitera à l’étude du contribuable personne

physique.

Un statut nouveau : le statut de contribuable communautaire

La formule peut étonner car elle postule nécessairement l’existence d’un droit fiscal

communautaire.

Le droit fiscal a communément pour objet les règles qui assurent efficacement la juste

contribution des membres de la collectivité à la couverture des besoins collectifs. Dans cette

acception, le droit fiscal communautaire aurait pour objet, d’une part les règles assurant le

financement de la Communauté par les Etats membres, d’autre part, les règles relevant des

4 MARTINEZ (Jean-Claude), Le statut du contribuable, LGDJ, 1980, Tome 1 : L’élaboration du statut, p. 29 à 41. 5 MARTINEZ (Jean-Claude), op. cit., même passage.

7

secteurs où la Communauté dispose de moyens propres6 et d’un pouvoir fiscal direct : union

douanière, organisations de marché, fiscalité des fonctionnaires.

Or, la Communauté n’est pas un Etat, et elle ne perçoit pas de recettes fiscales directement.

Par conséquent, il ne peut pas s’établir une relation de fisc à contribuable entre la

Communauté et chacune des personnes résidant sur le territoire de l’espace communautaire7.

Ce n’est donc pas dans cette acception que s’est forgée la notion de droit fiscal

communautaire : on y voit généralement l’études des règles communautaires qui influencent

le droit fiscal national des Etats membres. Dès lors, si le droit douanier ou d’autres secteurs

n’en font pas partie, c’est précisément parce qu’il ne sont plus nationaux.

C’est seulement dans cette conception de droit fiscal communautaire qu’apparaît le

contribuable communautaire.

Ainsi, les libertés communautaires sont de nouvelles armes pour le contribuable, elles

viennent renforcer son statut.

Une atteinte à la souveraineté fiscale

La notion de souveraineté fiscale n’a que rarement retenue l’attention des auteurs. Les

définitions proposées sont peu nombreuses.

Il apparaît malgré tout que les caractères de la souveraineté fiscale8 sont l’exclusivité et

l’autonomie pour élaborer l’impôt et l’appliquer. L’exclusivité signifie que le système fiscal

s’appliquera, à l’exclusion de tout système concurrent, dans un territoire géographique

déterminé. L’autonomie est établie quand le système fiscal contient toutes les règles

nécessaires à sa mise en œuvre.

Les auteurs ayant tous indiqué que la souveraineté fiscale peut être reconnue à des

collectivités infra-étatiques comme supra-étatiques.

6 Article 269 (ex-article 201) TCE. 7 MARCHESSOU (Philippe), « L’incidence du droit communautaire sur le statut du contribuable national », LPA, 1997, n° 112, p. 38. 8 JARNEVIC (Jean-Pierre), note sous décision du Conseil constitutionnel, 19 juillet 1983, AJDA 1984, p. 33.

8

L’Etat parce qu’il est souverain peut limiter sa souveraineté fiscale. Il le fait alors par un acte

de volonté clairement manifesté qui peut avoir des effets tant dans l’ordre interne que dans

l’ordre international.

Ainsi, trois situations peuvent se rencontrer 9:

- L’Etat limite sa souveraineté fiscale dans son ordre interne, il confère un pouvoir fiscal à des

autorités publiques qui lui sont subordonnées. C’est le cas de la France avec ses territoires

d’outre-mer.

- L’Etat limite sa souveraineté fiscale en raison des risques de conflits qui peuvent exister

avec un autre Etat. En effet, pour éliminer les phénomènes de double imposition, l’Etat va

conclure avec un autre Etat un traité qui attribuera la souveraineté fiscale, c’est-à-dire le droit

d’imposer, à un seul Etat.

- Enfin, la dernière situation, plus rare, vise l’hypothèse qui nous intéresse : l’Etat

politiquement souverain limite sa souveraineté fiscale, toujours dans l’ordre international, en

étant partie à un traité qui contient des dispositions fiscales. Tel est précisément le cas du

TCE.

L’érosion de la souveraineté fiscale est acceptée concernant la TVA et plus généralement à la

fiscalité indirecte qui est largement harmonisée. S’agissant de la fiscalité directe, le TCE ne

parle que de rapprochement des législations10. Ce qui implique l’unanimité et donc la

préservation de la souveraineté fiscale des Etats membres.

Cependant, nous verrons que l’Union européenne exige plus qu’un rapprochement et devant

le blocage des autorités communautaires, la CJCE aura la légitimité pour prendre le relais et

cela au prix d’atteintes à la souveraineté fiscale des Etats membres.

Notre étude se limitera donc à la fiscalité directe des personnes physiques c’est-à-dire l’impôt

sur le revenu. Impôt sensible politiquement, il a fourni à la Cour de justice l’occasion de

réfléchir sur l’étendue respective des pouvoirs de l’Etat sur son contribuable et sur le statut

communautaire de ce contribuable.

9 BUISSON (Jacques), « L’érosion de la souveraineté fiscale dans les Etats membres de la Communauté : l’exemple de la France », D. 1999, chron. p. 129. 10 Article 94 (ex-article 100) TCE.

9

Ainsi, le Traité va conférer un ensemble de droits aux contribuables communautaires qui vont

ressortir des arrêts de la Cour de justice et lui forger peu à peu un statut (Titre 1er). La

pérennité de ce statut passant nécessairement par la protection de ses droits (Titre 2nd).

10

TITRE 1er : L’affirmation des droits du contribuable communautaire : l’émergence du

statut

Dans le premier chapitre nous verrons que le contribuable communautaire était

traditionnellement envisagé comme un opérateur économique et qui ne pouvait invoquer le

droit communautaire que comme tel. Cela n’allant pas automatiquement de soi, certains

domaines relève de la compétence des Etats membres -comme la fiscalité directe des

particuliers- et l’absence d’harmonisation ne peut justifier la carence de certains Etats à

adopter des réglementations respectueuses des grandes libertés définies par le droit

communautaire. C’est ce qu’un auteur a mis en évidence par l’expression « l’obligation de

neutralité fiscale des Etats membres »11.

Ce n’est que dans la mesure où ces réglementations ont un impact sur ces libertés qu’elles

sont appréhendées par le droit communautaire12.

S’il s’agit d’une compétence exclusive des Etats membres celle-ci n’est pas discrétionnaire.

Puis à la fin des années 1990, la Cour de justice eut à connaître de recours se fondant sur les

articles du Traité instituant la Citoyenneté européenne et notamment sur le droit de circuler et

séjourner librement dans la Communauté européenne. Ce nouveau statut est aujourd’hui, et

cela quelques années après son entrée en vigueur13, invoqué par les contribuables qui n’ont

pas la possibilité d’invoquer les articles du Traité relatifs aux libertés fondamentales.

Les décisions qui seront analysées concernent l’étendue et les limites de la compétence des

Etats en matière d’imposition des revenus. L’intervention du juge fiscal communautaire est

souhaitable et est devenue une réalité, à partir de 1990 par l’arrêt Biehl14.

En tout état de cause il faut se poser la question suivante : la norme fiscale interne a-t-elle

pour effet de restreindre l’exercice d’une liberté de circulation ? Et cela même si aucune

discrimination même indirecte n’est décelée.

11 LAMARQUE (Jean), Source du doit fiscal, Juris-Classeur Procédures fiscales, fasc. n° 116-36. 12 Points 24 et 25 des conclusions de l’Avocat général J. Léger sur l’arrêt Schumacker, CJCE, 14 février 1995, aff. C-279/93, Rec., p. I-225. 13 Le Traité de Maastricht est entrée en vigueur le 1er novembre 1993. 14 CJCE, 8 mai 1990, aff. C-175/88, Rec., p. I-1779.

11

Nous n’envisagerons dans le premier chapitre que les arguments qui ont pu être invoqués par

les contribuables. Les arguments des Etats membres visant à colmater les brèches de leurs

systèmes fiscaux causées par la pression communautaire feront eux l’objet du chapitre second.

CHAPITRE 1er : Les deux facettes du contribuable communautaire

Il s’agit ici de donner une application en matière fiscale aux grandes libertés de circulation

que consacre le traité. Ecartons tout de suite la libre circulation des marchandises15 qui met en

jeu majoritairement les impôts directs qui ne font pas l’objet de notre étude. Cependant,

concerne les impôts directs les articles relatifs à la libre circulation des personnes16, des

services17 et des capitaux18.

Nous n’étudierons cependant que la portée fiscale de la libre circulation des travailleurs

salariés et des travailleurs exerçant une activité libérale. La liberté de circulation des

services19 et des capitaux20 ont bien entendu aussi incidence sur les systèmes fiscaux

nationaux mais elles ne touchent qu’indirectement notre contribuable. Pour ce qui concerne

notre étude la liberté de circulation des travailleurs est plus intéressante parce qu’elle affecte

directement l’imposition du revenu des personnes physiques. Aussi, les points que nous

analyserons suffiront à mettre en évidence l’impact de la Cour de justice dans son œuvre

d’élaboration du statut de contribuable communautaire.

Les solutions dégagées concernent essentiellement les non-résidents qui exercent une activité,

salariée ou non, dans un Etat dont il n’ont pas la nationalité, et qui font l’objet de mesures

discriminatoires en matière d’imposition des revenus.

Depuis toujours les Etats distinguent les résidents des non-résidents, réservant à ces derniers

un traitement fiscal que l’on peut qualifier de plus rigoureux. Les Etats arguant de difficultés

de perception particulières les concernant…mais aussi, plus prosaïquement, parce qu’il s’agit

d’étrangers21. Cependant, la CJCE a pu connaître de situation plus complexe en ce sens que

15 Articles 25, 29, et 90 TCE 16 Articles 39, 43 et 48 TCE 17 Article 49 TCE 18 Articles 56, 57 et 58 TCE 19 CJCE, 14 novembre 1995, Svensson et Gustavsson, aff. C-484/93, Rec., p. I-3955. 20 CJCE, 6 juin 2000, Verkooijen, aff. C-35/98, Rec., p.I-4071. 21 MAUBLANC (Jean-Pierre), « Liberté de circulation des travailleurs, égalité fiscale et imposition des revenus », RMCUE 2001, juillet-août, n° 450, p. 487.

12

l’Etat d’emploi peut prendre des mesures discriminatoires à l’égard d’un national mais non-

résidents22.

Ainsi, vont principalement nous intéresser : le contribuable désirant travailler ou s’établir dans

un Etat membre autre que le sien (Section 1) ; mais également le contribuable en tant que

citoyen de l’Union usant de sa faculté d’évoluer dans un espace qui n’a plus vocation à n’être

qu’uniquement économique (Section 2).

Section 1 : Le contribuable opérateur économique

L’Etat de résidence ne doit pas être l’auteur d’une discrimination, directe ou indirecte, fondée

sur la nationalité, ni d’une entrave à l’exercice d’une liberté fondamentale garantie par le

Traité.

§.1 L’article 39 (ex-article 48) TCE : la libre circulation des travailleurs

Le principe de libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne est contenu

dans l’article 39 (ex-article 48) du Traité. Cet article implique l’abolition de toute

discrimination fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des Etats membres, concernant

l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

Les Etats ne peuvent ignorer cela même dans un domaine relevant de leur compétence à

savoir la fiscalité directe. Nous analyserons donc la situation du travailleur salarié du point de

vue de l’Etat d’emploi (A) puis de celui de l’Etat de résidence (B).

Les justifications aux restrictions seront étudiées dans le second chapitre.

22 CJCE, 27 juin 1996, Asscher, aff. C-107/94, Rec., p. I-3089.

13

A. Obligations incombant à l’Etat d’emploi

1. Remboursement et déduction

a. L’arrêt Biehl

Le premier arrêt mettant en relief la dimension fiscale de l’article 39 (ex-article 48) TCE est

l’arrêt Biehl23.

M. Biehl, ressortissant allemand et résident fiscal luxembourgeois, a exercé pendant les dix

premiers mois de l’année 1983 une activité salariée au Luxembourg où il a supporté une

imposition sur le revenu par voie de retenue à la source. Le fisc luxembourgeois refuse de lui

restituer le trop perçu parce qu’un tel remboursement est subordonné à une condition de

résidence permanente pendant l’année de référence.

La Cour va juger que le Traité fait obstacle à ce que la législation fiscale d’un Etat membre

prévoie que les retenues d’impôt sur les traitements et salaires opérées à charge d’un salarié

ressortissant d’un Etat membre, qui est contribuable résident pendant une partie de l’année

seulement parce qu’il s’établit au pays ou parce qu’il quitte le pays au courant de l’année

fiscale, restent acquises au Trésor et ne puissent être sujettes à restitution. En effet, bien qu’il

s’applique indépendamment de la nationalité du contribuable concerné, le critère de résidence

permanente sur le territoire national pour obtenir un éventuel remboursement d’un trop perçu

d’impôt risque de jouer, en particulier, au détriment des contribuables ressortissants d’autres

Etats membres, qui seront nombreux, en pratique, à quitter le pays en cours d’année ou à s’y

établir.

En effet, « les règles d’égalité de traitement prohibent non seulement les discriminations

ostensibles fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes dissimulées de

discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au

23 CJCE, 8 mai 1990, Biehl, aff. C-175/88, Rec., p. I-1779.

14

même résultat », selon la formule habituelle de la Cour de justice24. Au-delà des

discriminations directes sont également interdites les différences de traitement dissimulées,

dans la mesure où les non-résidents d’un Etat membre sont le plus souvent des non-nationaux.

M. Biehl est donc en droit d’obtenir le remboursement de l’excédant de retenue sur

l’imposition réellement due. La subordination d’un tel remboursement à une condition de

résidence permanente sur l’ensemble de l’année est contraire à l’article 39 (ex-article 48).

Cet arrêt est l’illustration qu’une disposition sans avoir un but purement fiscal peut être

invoquée par un contribuable, avec succès, pour sanctionner un dispositif fiscal.

Les espoirs qu’ont pu susciter cette jurisprudence, notamment chez les fiscalistes, vont être

momentanément balayés par l’arrêt Bachmann qui fait aujourd’hui figure de curiosité dans

l’élaboration du statut du contribuable communautaire par la Cour de justice.

b. L’arrêt Bachmann

Le second arrêt en ce domaine est constitué par l’affaire Bachmann25.

Il s’agit d’un citoyen allemand qui avait conclu en Allemagne plusieurs contrats d’assurance

libre auprès de sociétés allemandes avant de s’établir en Belgique où l’Administration fiscale

belge avait refusé, sur le fondement de l’article 54 du Code des impôts sur les revenus, la

déductibilité de ses cotisations du total de ses revenus professionnels belges.

Le régime fiscal d’un Etat membre (Belgique) qui, en matière d’impôt sur le revenu,

subordonne la déductibilité de cotisations d’assurance contre la maladie et d’invalidité ou

contre la vieillesse et le décès à la condition que ces cotisations soient versées à des

entreprises établies en Belgique constitue une restriction à la libre circulation des travailleurs.

Cette condition risque en effet de jouer en particulier au détriment des travailleurs

ressortissants d’autres Etats membres ayant exercé une activité professionnelle dans un

premier Etat membre (Allemagne) et qui, occupant par la suite un emploi dans un second Etat

24 CJCE, 12 février 1974, Sotgiu, aff. 152/73, Rec., p. 153. 25 CJCE, 28 janvier 1992, Bachmann, aff. C-204/90, Rec., p. I-249.

15

membre (Belgique), conservent les contrats d’assurance souscrits auprès d’assureurs établis

dans le premier Etat.

Notons que cet arrêt fait figure d’exception quant à l’issue finale de l’affaire car la

discrimination indirecte sur la nationalité a pu être justifiée et donc la restriction à une liberté

de circulation acceptée !

Signalons enfin que cette affaire en tant qu’elle opère une distinction selon le lieu

d’établissement du prestataire constitue une entrave à la libre prestation de service. En effet,

des dispositions qui impliquent l’établissement de l’assureur dans un Etat membre pour que

les assurés puissent bénéficier, dans cet Etat, de certaines déductions fiscales, découragent les

assurés de s’adresser aux assureurs établis dans un autre Etat membre et constituent donc,

pour ces derniers, un obstacle à la libre prestation des services.

2. Prise en compte de la situation personnelle et familiale

En ce domaine nous pouvons citer trois affaires : Schumacker26, Gschwind 27 et Zurstrassen28.

a. L’arrêt Schumacker

Il s’agit d’un arrêt important car il assouplit la jurisprudence Bachmann offrant ainsi aux

contribuables de nouvelles perspectives.

Roland Schumacker est un ressortissant belge et réside avec sa famille dans cet Etat. Il tire la

totalité de ses revenus d’une activité salariée en Allemagne. Le droit fiscal allemand exclut les

non-résidents de la classe d’imposition des contribuables mariés, de la régularisation annuelle

de la retenue à la source sur salaires et de certaines déductions.

Le Bundesfinanzhof a donc interrogé la Cour dans le cadre d’une question préjudicielle, sur la

compatibilité de ces mesures avec la libre circulation des travailleurs garantie par le Traité.

26 CJCE, 14 février 1995, Schumacker, aff. C-279/93, Rec., p. I-225. 27 CJCE, 14 septembre 1999, Gschwind, aff. C-391/97, Rec., p. I-5451. 28 CJCE, 16 mai 2000, Zurstassen, aff. C-87/99, Rec., p. I-3337.

16

La CJCE dispose qu’en matière d’impôts directs, la situation des résidents et celle des non-

résidents ne sont en règle générale, pas comparables. Il en va différemment lorsque le non-

résident ne perçoit pas de revenus significatifs dans son Etat de résidence et tire l’essentiel de

ses ressources imposables d’une activité exercée dans l’Etat d’emploi, de sorte que l’Etat de

résidence n’est pas en mesure de lui accorder les avantages résultant de la prise en compte de

situation personnelle et familiale, ces avantages étant par ailleurs refusés par l’Etat d’emploi

car réservés aux résidents. Notamment le bénéfice du splitting tarif29 des revenus des

contribuables mariés.

Il existe entre un tel non-résident et un résident exerçant une activité salariée comparable

aucune différence de situation objective de nature à fonder la différence de traitement

consistant à réserver aux résidents la prise en considération de leur situation personnelle et

familiale.

Ainsi, en refusant à un non-résident qui perçoit la totalité de ses revenus sur son territoire le

bénéfice de certains avantages fiscaux, l’Allemagne se rend coupable d’une discrimination

indirecte, qui aboutit au même résultat qu’une discrimination ostensible fondée sur la

nationalité.

Cependant le critère dégagé par la CJCE demeure aléatoire : a partir de quel seuil un

travailleur non-résident tire-t-il l’essentiel des ses revenus professionnels dans l’Etat

d’emploi ?

M. Schumacker percevait la totalité de ses revenus en Allemagne, sa situation était donc

simple.

Dans une recommandation30 du 21 décembre 199331 la Commission souhaite que lorsqu’un

contribuable réalise au moins 75% de son revenu dans un Etat membre, celui-ci doit l’imposer

29 Le régime allemand du « splitting » a été institué pour atténuer la progressivité du barème de l’impôt sur le revenu. Il consiste à additionner le revenu global des conjoints pour l’imputer ensuite fictivement à chaque conjoint à hauteur de 50 % et l’imposer en conséquence. Ainsi, si le revenu de l’un des époux est élevé et le revenu de l’autre faible, le « splitting » nivelle la base imposable et atténue la progressivité du barème de l’impôt sur le revenu. 30 Pour rappel les recommandations n’ont pas de force obligatoire, article 249 (ex-article 189) TCE. 31 Recommandation de la Commission, JOCE du 10 février 1994, n° L 39/22. Cette recommandation a été adoptée à la suite du retrait de la proposition de directive du 21 décembre 1979, JOCE du 26 janvier 1980, n° C 21, concernant l’harmonisation des dispositions relatives à l’imposition des revenus en relation avec la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté.

17

comme un résident. La preuve de l’origine des revenus appartient à l’intéressé. Mais, comme

le relève un auteur32, la recommandation ne fait pas état des revenus du conjoint.

La CJCE ne fait pas référence à cette recommandation mais elle invite simplement les Etats à

déterminer les critères d’assimilation d’un non-résident communautaire à leurs résidents.

Signalons également qu’un élément a été déterminant dans l’élaboration de la solution par la

Cour ; celle-ci s’est appuyée sur le régime découlant de la convention fiscale germano-

néerlandaise33 qui prévoit que les travailleurs frontaliers résidant aux Pays- Bas et exerçant

une activité salariée en Allemagne seraient assimilés aux travailleurs résidant en Allemagne

s’ils perçoivent au moins 90 % de leurs revenus sur le territoire allemand34.

Il s’agit donc de déterminer dans quelle situation l’Etat de la source des revenus doit retenir la

situation personnelle du bénéficiaire et dans quel cas il abandonne cette modulation de la

charge fiscale à l’Etat de résidence.

Il n’y aura pas discrimination pour non prise en compte de la situation personnelle et

familiale, que si le non-résident ne perçoit pas de revenus significatifs dans l’Etat de sa

résidence et tire l’essentiel de ses ressources imposables d’une activité exercée dans l’Etat

d’emploi.

La reconnaissance de l’égalité de traitement fiscal, en matière d’imposition des revenus entre

non-résidents et résidents procède d’une appréciation circonstanciée de la Cour.

A la suite de cet arrêt, la Commission européenne a demandé à tous les Etats membres de lui

communiquer les dispositions qu’ils envisageaient -le cas échéant- de prendre pour conformer

leur législation à la jurisprudence de la CJCE.

b. L’arrêt Gschwind

Frans Gschwind est néerlandais et réside avec sa famille aux Pays-Bas. Il était salarié en

Allemagne de 1991 à 1992 tandis que son épouse occupait aux Pays-Bas une activité

32 SCHAFFNER (Jean), « L’arrêt Schumacker du 14 février 1995 : synthèse de la jurisprudence fiscale de la CJCE en matière de libre circulation des travailleurs », RAE 1995/2, p. 92. 33 La convention germano-belge, applicable à l’espèce, ne comportait pas un tel dispositif. 34 TRACANELLI (Christophe), « L’interaction entre les libertés économiques fondamentales du Traité de Rome et les conventions fiscales bilatérales », RFEDIA 2004, n° 136, p. 9.

18

identique. M. Gschwind a perçu au cours de chaque année des revenus salariaux de l’ordre de

74 000 DM ce qui représente alors 58 % des revenus cumulés du ménage. Les 42 % restant

étant perçus par sa femme dans l’Etat batave.

Les faits de cette affaire sont quasi similaires à ceux de l’affaire Schumacker. La différence, et

elle est de taille, réside dans l’origine des revenus des deux ménages. Alors que M.

Schumacker percevait la quasi-totalité des revenus de son ménage dans un Etat dont il n’était

pas le résident, les revenus des Gschwind proviennent d’une part de Mme Gschwind dans

l’Etat de résidence du ménage (Pays-Bas) et d’autre part de l’Etat d’emploi de M. Gschwind

(Allemagne).

Aussi, le droit applicable à cette affaire n’est plus le même en Allemagne, suite à l’affaire

Schumacker, l’ Einkommensteuergesetz (EstG), loi relative à l’impôt sur le revenu,

subordonne l’octroi du splitting tarif35 aux couples mariés non-résidents réalisant au moins 90

% de leur revenu mondial soumis à l’impôt en Allemagne ou, si ce pourcentage n’est pas

atteint, que leurs revenus de source étrangère -c’est-à-dire non allemande- non soumis à

l’impôt en Allemagne ne dépassent pas un plafond de 24 000 DM.

En vertu de cette nouvelle loi, applicable aux impôts non encore liquidés, le fisc allemand a

imposé en 1997, les revenus de 1991 et de 1992 de M. Gschwind en tant que célibataire, au

motif que les revenus perçus par son épouse aux Pays-Bas excédaient à la fois le seuil de

24 000 DM (celle-ci apportant plus de 53 000 DM) et que ses revenus de source allemande ne

représentaient que 58 % du revenu mondial du ménage alors qu’il devrait constituer au moins

90 % de ce même revenu. Cette liquidation entraîna une charge fiscale supplémentaire par

rapport à l’impôt qu’il aurait supporté en application de la procédure du splitting tarif.

Il soutient donc auprès du Finanzgericht Köln, qui décida de surseoir à statuer en posant une

question préjudicielle à la CJCE, que le refus d’appliquer le splitting tarif à un ressortissant

communautaire marié, travaillant en Allemagne et résidant dans un autre Etat membre, est

contraire à la libre circulation des travailleurs.

35 Cf. note n°29.

19

La Cour va admettre que l’article 39 (ex-article 48) ne s’oppose pas au régime fiscal d’un Etat

membre qui, d’une part accorde aux couples mariés résidents le bénéfice d’un avantage fiscal,

et d’autre part subordonne l’octroi d’un même avantage fiscal aux couples mariés non

résidents à la condition que 90% au moins de leur revenu mondial soient soumis à l’impôt

dans cet Etat membre ou, si ce pourcentage n’est pas atteint, que leurs revenus de source

étrangère non soumis à l’impôt dans cet Etat ne dépassent pas un certain plafond (en

l’occurrence 24 000 DM), en préservant ainsi la possibilité de prise en compte de leur

situation personnelle et familiale dans leur Etat de résidence.

En effet, la Cour estime que les Pays-Bas (Etat de résidence) peuvent prendre en compte la

situation personnelle et familiale de la famille Gschwind étant donné que la base imposable y

est suffisante pour permettre cette prise en compte.

Cette décision peut se justifier par le fait que l’interdiction des discriminations ne doit pas non

plus conduire à des avantages fiscaux injustifiés car cumulés. En effet, il faut éviter qu’un

contribuable ne bénéficie des réductions ou abattements personnels dans plusieurs Etats.

Cependant la solution n’est pas satisfaisante car M. Gschwind sera valablement imposé en

Allemagne comme un célibataire ce qui engendrera quand même une surcharge fiscale.

c) L’arrêt Zurstrassen

Patrick Zurstrassen (ressortissant belge) est dans une situation relativement analogue à celle

de son compatriote M. Schumacker.

En effet, ces deux contribuables salariés perçoivent la quasi-totalité des revenus du foyer

fiscal dans un Etat dont ils ne sont pas les ressortissants. Aussi, leur famille réside dans un

autre Etat.

Cependant, M. Zurstrassen, lui, a la qualité de résident de l’Etat de l’emploi (Luxembourg)

tandis que sa femme et ses enfants ont conservé leur résidence dans l’Etat dont ils sont les

ressortissants, à savoir la Belgique.

Lui aussi souhaite que son Etat d’emploi prenne en compte sa situation personnelle et

familiale dès lors qu’il en est également le résident. En outre, cela est impossible dans l’Etat

20

de résidence de sa femme car celle-ci n’y perçoit pas de revenus significatifs. Mais le Grand

Duché du Luxembourg (Etat de résidence de M. Zurstrassen), pose une condition, qui en

l’occurrence fait défaut, pour bénéficier de la prise en compte de sa situation personnelle et

familiale du ménage Zurstrassen : sa femme devrait être résidente luxembourgeoise.

La Cour va disposer que, l’article 39 (ex-article 48) s’oppose à une réglementation nationale

en matière d’impôt sur le revenu qui soumet le bénéfice de l’imposition collective des

conjoints à la condition qu’ils soient tous deux résidents sur le territoire national et refuse cet

avantage fiscal à un travailleur résident dans cet Etat, dans lequel il perçoit la quasi-totalité

des revenus du foyer, et dont le conjoint réside dans un autre Etat membre.

Dans l’arrêt Schumacker la CJCE énonce une méthode de raisonnement36 pour apprécier la

compatibilité au droit communautaire des distinctions entre résidents et non-résidents pour

l’imposition du revenu des personnes physiques.

B. Obligations incombant à l’Etat de résidence

C’est dans l’arrêt De Groot37, que la Cour aura l’occasion de mettre en perspective ce cas de

figure.

M. De Groot, ressortissant et résident néerlandais, a exercé une activité salariée dans plusieurs

Etats membres, à savoir : aux Pays-Bas, en Allemagne, en France et au Royaume-Uni. Par

application de la loi néerlandaise, il perd 60 % de la réduction fiscale à laquelle il a droit car

cela serait compensé par le fait qu’il acquiert des revenus dans trois autres Etats membres qui

ne tiennent pas compte de son revenu mondial pour déterminer la progressivité des taux.

Ainsi, il bénéficierait d’un important avantage de progressivité, parce que si les Etats en cause

tenaient compte de son revenu mondial, M. De Groot tomberait dans des tranches

d’imposition supérieures dans les trois Etats d’emploi et paierait donc davantage d’impôt.

36 Pour une application, TA Paris, 3 juillet 2002, req. n° 96-5437, Moukhaiber, RJF, 8-9/03, n° 941. 37 CJCE, 12 décembre 2002, De Groot, aff. C-385/00, Rec., p. I-11819.

21

M. De Groot a par conséquent perdu le bénéfice d’une partie des abattements fiscaux prévus

par la législation néerlandaise et aux quels il pouvait prétendre en sa qualité de résident aux

Pays-Bas du fait de l’exercice de son droit à la libre circulation.

C’est en principe à l’Etat de résidence qu’il incombe d’accorder au contribuable la totalité des

avantages fiscaux liés à sa situation personnelle et familiale, cette obligation ne pèse sur l’Etat

d’emploi que lorsque le contribuable tire la quasi-totalité de ses revenus imposables d’une

activité dans cet Etat.

La CJCE va disposer que l'article 39 du Traité CE (ex-article 48) s'oppose à une

réglementation telle que celle en cause au principal, reprise ou non dans une convention

tendant à éviter les doubles impositions, en vertu de laquelle un contribuable perd, pour le

calcul de ses impôts sur le revenu dans l'Etat de résidence, une partie de ses avantages fiscaux

personnels au prorata des rémunérations perçues et imposées dans un autre Etat membre, alors

que ce dernier ne prend pas en compte sa situation personnelle et familiale.

Le droit communautaire ne contient aucune exigence spécifique quant à la manière dont l'Etat

de résidence est tenu de prendre en compte la situation personnelle et familiale d'un travailleur

salarié qui, au cours d'un exercice fiscal déterminé, a perçu des revenus dans cet Etat et dans

un autre Etat membre, pour autant que les conditions de prise en compte par l'Etat de

résidence de ladite situation ne constituent pas une discrimination, directe ou indirecte, fondée

sur la nationalité, ni une entrave à l'exercice d'une liberté fondamentale garantie par le Traité

CE.

§.2.L’article 43 (ex-article 52) TCE : la liberté d’établissement

L’article 43 (ex-article 52) TCE dispose que : « Dans le cadre des dispositions ci-après, les

restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un Etat membre dans le territoire

d’un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s’étend également aux restrictions à

22

la création d’agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d’un Etat membre

établis sur le territoire d’un Etat membre.

La liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariés et leur exercice, (…) ».

Cet article consacre, pour ce qui nous intéresse, le libre exercice des professions libérales à

l’intérieur de la Communauté. Ainsi, nous verrons la reconnaissance de la porté fiscale de cet

liberté (A) puis les conséquences en découlant pour les professions libérales par quelques

illustrations (B).

A. Reconnaissance de la portée fiscale de l’article 43 (ex-article 52) TCE

La portée fiscale de cet article a cependant été reconnue par la CJCE38 dans une affaire

concernant la liberté d’établissement des sociétés.

En effet, la Commission avait introduit un recours en manquement à l’égard de la France en

raison de la non-conformité du régime fiscal institué par l’article 158ter du CGI qui prévoyait

que le bénéfice de l’avoir fiscal de l’article 158bis était « réservé aux personnes qui ont leur

domicile réel ou leur siège social en France ». De ce fait, les succursales et les agences en

France de sociétés ayant leur siège social dans un autre Etat membre ne pouvaient en

bénéficier ce qui constituait manifestement une entrave à l’exercice de la liberté

d’établissement reconnue par le Traité.

Car admettre que l’Etat membre d’accueil de la société puisse librement appliquer un

traitement différent en raison du seul fait que le siège de la société est situé dans un autre Etat

membre viderait cette disposition de son contenu.

B. Illustrations pour les professions libérales

Comme pour les salariés, les discriminations fiscales condamnées sur le fondement de la

liberté d’établissement sont liées essentiellement à des questions de résidence. Cependant, et

38 CJCE, 28 janvier 1986, Commission /France, aff. 270/83, Rec., p. 285.

23

en dehors de toute discrimination fondée même indirectement sur la nationalité, les Etats

peuvent adopter des régimes fiscaux entravant en tant que tel cette liberté fondamentale.

L’affaire Werner39 sera étudié dans le chapitre consacré aux justifications invoquées par les

Etats étant donné que dans cet arrêt la Cour, comme dans l’affaire Bachmann40, a suivi

l’argumentation de l’Etat allemand et se faisant n’analysera même pas les griefs de M.

Werner.

1. Les discriminations en fonction du lieu de résidence

Deux affaires sont particulièrement significatives sur les discriminations fiscales que peuvent

subir les professions libérales qui usent de leur liberté de circulation au sein de la

Communauté. Il s’agit des affaires Wielockx41 et Asscher42.

a. L’arrêt Wielockx

M. Wielockx est un ressortissant belge qui exerce une activité libérale de physiothérapeute

aux Pays-Bas d’où il tire l’ensemble de ses revenus. Il est résident belge.

En application de la convention fiscale belgo-néerlandaise, il est imposable aux Pays-Bas. Le

fisc néerlandais lui refuse la déduction de ses cotisations de retraite complémentaire en raison

du régime fiscal des rentes qu’il percevra à la sortie de son régime de retraite complémentaire.

En effet, ces rentes seront taxables en Belgique et non aux Pays-Bas étant donné que leur

imposition est attribuée à l’Etat de résidence du contribuable.

Sa situation est comparable à celle de l’affaire Bachmann43, les arguments échangés étaient

les mêmes : discrimination justifiée à raison de la résidence, cohérence du système fiscal

39 CJCE, 26 janvier 1993, aff. C-112/91, Rec., p. I-429. 40 CJCE, 28 janvier 1992, aff. C-204/90, Rec., p. I-249. 41 CJCE, 11 août 1995, aff. C-80/94, Rec., p. I-2493. 42 CJCE, 27 juin 1996, aff. C-107/94, Rec., p. I-3089. 43 CJCE, 28 janvier 1992, aff. C-204/90, Rec., p. I-249.

24

national, mais heureusement le dénouement en sera différent du fait de la nouvelle approche

globale développée par la Cour44.

Une règle édictée par un Etat membre qui permet aux personnes résidant dans cet Etat de

déduire du revenu soumis à l’impôt des bénéfices d’une entreprise qu’elles affectent à la

constitution d’une réserve-vieillesse, mais refuse cet avantage aux ressortissants

communautaires contribuables qui, quoique demeurant dans un autre Etat membre, perçoivent

dans le premier Etat la totalité ou la quasi-totalité de leurs revenus, ne peut être justifiée par le

fait que les rentes, retirées postérieurement de la réserve-vieillesse par le contribuable non

résident, ne sont pas imposées dans cet Etat mais dans l’Etat de résidence avec lequel cet Etat

a conclu une convention fiscale bilatérale contre les doubles impositions.

Peu importe que la généralisation de l’avantage ne permette pas de garantir, dans le système

fiscal en vigueur dans le premier Etat, une stricte correspondance entre la déductibilité des

montants ajoutés à la réserve-vieillesse et le caractère imposable des montants qui en sont

retirés. Une telle discrimination est dès lors contraire à l’article 43 (ex-article 52) TCE.

b. L’arrêt Asscher

M. Asscher, ressortissant néerlandais, est directeur d’une SARL aux Pays-Bas et exerce

parallèlement une activité professionnelle en Belgique où il dirigeait également une société et

résidait depuis 1986. En application de la convention fiscale intervenue entre ces deux Etats,

il était imposable aux Pays-Bas pour le revenu versé par la société batave tandis que les autres

revenus étaient imposables en Belgique. Il était également affilié exclusivement, depuis son

changement de résidence, au régime belge d’assurances sociales.

La fiscalité directe des personnes physiques a fait aux Pays-Bas l’objet d’une réforme entrée

en vigueur le 1er janvier 1990. L’objectif étant de faire coïncider les assiettes de l’impôt et des

cotisations sociales.

Pour les contribuables résidents et assimilés45, le premier taux de l’impôt, de la première

tranche, est de 13 % tandis que pour les cotisations sociales le taux est de 22,1 %, soit un total

44 Cf. p. 41.

25

de 35,1 %. En revanche pour les non-résidents, le premier taux de l’impôt est de 25 %. C’est

ce taux qui a été appliqué à M. Asscher qui l’a contesté en considérant qu’il y avait une

discrimination indirecte contraire aux articles 12 (ex-article 6) et 43 (ex-article 52) TCE46.

La Cour va constater que la loi batave utilise le critère de résidence qui joue principalement

au détriment des non ressortissants et qui peut donc s’avérer discriminatoire.

Ainsi, le fait que les contribuables non-résidents percevant moins de 90 % de leur revenu

mondial aux Pays-Bas, soient imposés à un taux supérieur à celui applicable aux

contribuables résidents et assimilés est susceptible de constituer une discrimination indirecte.

Il y aura discrimination si les situations sont comparables, or a priori, la situation de résident

et de non-résident n’est pas comparable. Il y aura une différence de traitement discriminatoire

entre ces deux catégories si aucune différence objective de situation n’est prouvée.

En l’occurrence, les deux catégories de contribuables sont dans une situation comparable

notamment par le fait qu’elles sont toutes les deux soumises à la règle de la progressivité de

l’impôt car l’Etat de résidence de M. Asscher, en application de la convention fiscale belgo-

néerlandaise, va tenir compte de l’ensemble de ses revenus pour justement appliquer la règle

de la progressivité.

La différence de taux entre les résidents et les non-résidents est donc discriminatoire.

45 Le revenu mondial de ce contribuable non-résident devant être composé d’au moins 90 % de revenus néerlandais pour être qualifié d’assimilé à un résident. 46 La Cour a requalifié la situation juridique de M. Asscher car celui-ci invoqua l’article 39 (ex-article 48) TCE. En effet, en l’absence de lien de subordination, le directeur d’une société dont il est l’actionnaire unique ne peut être considéré comme un travailleur salarié mais comme une personne exerçant une activité non salariée au sens de l’article 43 (ex-article 52) TCE. Cela ne modifiant pas les données car les principes sont les mêmes.

26

2. L’entrave sans discrimination fondée sur la nationalité : l’affaire Lasteyrie du

Saillant47

a. les faits

L’article 24 de la loi de finances pour 199948 codifié aux articles 167-1 bis et 167 bis du Code

Général des Impôts a institué le principe d’une imposition immédiate des plus-values latentes

afférentes aux participations substantielles, c’est-à-dire supérieures à 25 % ainsi que des plus-

values placées en report d’imposition, due par toute personne qui, ayant résidé sur le territoire

français, part s’établir à l’étranger.

Concernant les modalités de paiement de cet impôt, le contribuable peut toutefois différé le

paiement, jusqu’au moment où s’effectuera la transmission, le rachat, le remboursement ou

l’annulation des droits sociaux en cause, si le contribuable en fait la demande, désigne un

représentant fiscal établi en France susceptible de recevoir les communications relatives à cet

impôt et constitue auprès du comptable chargé d’en assurer le recouvrement, les garanties

propres à en assurer le paiement.

Ce dispositif, qualifié d’« exit tax », est applicable à toutes les personnes qui ont transféré leur

domicile fiscal à l’étranger depuis le 9 septembre 1998.

Contrairement à ce qui est la règle en matière de fiscalité directe des particuliers, ce texte a

pour effet de rendre imposables des plus-values latentes c'est-à-dire non réalisées. La

spécificité de ce dispositif réside dans la taxation du contribuable sur un revenu dont il ne

dispose pas49.

47 CJCE, 11 mars 2004, Hugues de Lasteyrie du Saillant, aff. C-9/02, DF, 2004, n° 20, p. 882. 48 Loi n° 98-1266, 30 déc. 1998, JO du 31 décembre 1998, p. 20050. 49 Article 12 CGI qui pose le principe que le revenu imposable est le revenu disponible c'est-à-dire que sa perception ne dépend que de la seule volonté du bénéficiaire.

27

Le requérant s’est établi en Belgique le 12 septembre 1998 pour y exercer ses activités

professionnelles. Disposant de participations substantielles dans différentes sociétés

françaises, il était donc susceptible de se voir appliquer l’imposition prévue à l’article 167 bis.

Estimant que cette obligation était contraire à son droit de s’établir dans un autre Etat de la

Communauté, le requérant a formé devant le Conseil d’Etat50 un recours en annulation du

décret n° 99-590 du 6 juillet 1999 pris pour l’application des dispositions légales précitées.

b) Réponse de la Cour

Ici il est question d’une loi fiscale qui entrave la liberté d’établissement sans par ailleurs

opérer de discrimination sur la nationalité.

Ce que l’on nomme l’exit tax est une mesure de dissuasion pour lutter contre les

délocalisations et pour se faire ne contient aucune discrimination même indirecte.

La CJCE va décider que le principe de liberté d’établissement posé par l’article 52 (devenu

article 43) TCE, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un Etat membre institue,

à des fins de prévention d’un risque d’évasion fiscale, un mécanisme d’imposition des plus-

values non encore réalisées, tel que celui prévu à l’article 167bis du CGI, en cas de transfert

du domicile fiscal d’un contribuable hors de cet Etat.

Le dispositif incriminé constitue donc une entrave fiscale. La Cour n’a pas précisément défini

ce qu’il faut entendre par « entrave fiscale à l’exercice de la liberté d’établissement » mais

dans ses conclusions sous l’affaire « Daily Mail », l’avocat général la définissait « comme un

dispositif restrictif » qui a pour effet de limiter le droit des ressortissants d’un Etat membre de

s’établir dans un autre Etat « ou du moins qui les décourage de le faire »51.

Si le Gouvernement français n’a pas contesté l’existence d’une entrave, les Gouvernements

danois et néerlandais estimaient que le dispositif mis en place n’avait pas pour effet

d’empêcher l’établissement dans un autre Etat membre, et qu’il n’existe aucun indice

permettant d’affirmer que l’imposition limite la possibilité de s’établir dans un autre Etat

50 CE Ass., 14 décembre 2001, M. Lasteyrie du Saillant, req. n° 211341, RJF 2/02 n° 160. 51 Voir conclusions de M. Tesauro, BDCF, 6/98, n° 138, p 77.

28

membre. Ils ajoutèrent encore qu’il n’y a pas nécessairement perception de l’impôt au

moment du transfert du domicile grâce au mécanisme du sursis de paiement ou du

dégrèvement d’office.

L’Avocat général a répondu à cela en invoquant une jurisprudence52 constante disposant que

« la liberté d’établissement peut être entravée par une mesure nationale qui ne comporterait

pas d’interdiction mais serait simplement de nature à dissuader un opérateur de faire usage

de cette liberté ».

Au surplus, la Cour a jugé que des mesures restreignant la liberté d’établissement, mêmes

minimes, sont en principe prohibées53. Elles ne peuvent être justifiées que par des raisons

impérieuses d’intérêt général, et ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour

atteindre cet objectif54.

En effet, force est de constater que ce régime fait subir à un contribuable, désireux de quitter

le territoire français, de considérables désavantages par rapport à une personne qui

continuerait à résider en France. La restriction qui en découle ne peut être affectée par les

modalités dont est assortie l’imposition. Le sursis de paiement n’est pas automatique et,

soumis à de nombreuses conditions, est très contraignant pour le contribuable qui se

délocalise. Il apparaît très nettement que ces modalités ne sont pas des facilités susceptibles

d’atténuer le caractère pénalisant du dispositif et qu’elles peuvent même être considérées

comme sanctionnant un peu plus les contribuables qui décident de quitter le territoire français.

La cour considérant même que : « ces garanties comportent par elles-mêmes un effet

restrictif, dans la mesure où elles privent le contribuable de la jouissance du patrimoine

donné en garantie ».

Faisant application de ces principes, la Cour a affirmé avec beaucoup de clarté que ces

dispositions « s’opposent également à ce que l’Etat d’origine entrave l’établissement dans un

autre Etat membre d’un de ses ressortissants »55.

52 CJCE, 13 avril 2000, Baars, aff. C-251/98, Rec., p. I-2787. 53 CJCE 13 décembre 1989, aff. 48/89, Corsica Ferries France, Rec. p. 4441 et CJCE 15 février. 2000, aff. 34/98, Commission / France, Rec. 2000 p.I-0995 54 CJCE 30 novembre 1995, Aff. C 55/94, Gebhard, Rec. p 4165 55 CJCE 27 septembre 1988, aff. 81/87, Daily Mail, Rec., p 5483 et CJCE 14 juillet 1994, aff. C 379/92, Peralta, Rec., p 3487.

29

Or, il est permis de penser que les dispositions attaquées, dont l’objectif est manifestement de

restreindre la liberté d’établissement de certains contribuables français, vont, en raison de leur

caractère très général, bien au-delà de ce qu’autorise la jurisprudence de la Cour.

La réponse à la question posée ne semblait d’ailleurs guère faire de doute pas pour le

Commissaire du Gouvernement G. Goulard. Selon lui, le renvoi de l’affaire devant la CJCE

devait permettre à la Commission et aux Etats-membres ayant pris des mesures semblables de

faire valoir leurs observations, ce qu’ils ne pouvaient faire devant le Conseil d’Etat. L’intérêt

de la décision ne se limite donc pas seulement au dispositif français et a vocation à être

d’application générale pour tous les Etats membres. Ainsi, les contribuables des autres Etats

membres pourront s’appuyer sur cette jurisprudence pour mettre à mal les dispositifs

similaires, dans leurs Etats respectifs, qui portent atteinte au statut du contribuable.

CONCLUSION :

La Cour ne reconnaît pas l’existence d’un principe d’égalité de traitement entre les

ressortissants des différents Etats pour l’application des législations fiscales nationales. La

jurisprudence communautaire suit une voie moyenne. Si les discriminations de toutes sortes

fondées sur la nationalité sont prohibées, les Etats demeurent en droit d’appliquer des règles

spécifiques à leurs non-résidents. Le droit fiscal communautaire confirme ainsi une pratique

traditionnelle des Etats, fondée sur la méfiance qu’inspire l’absence de localisation

géographique sur le territoire national56. Cette faculté offerte aux Etats de taxer de façon

spécifique et discriminatoire les non-résidents ne doit pas les conduire en réalité à surtaxer les

ressortissants des autres Etats membres et à avantager les nationaux. En conséquence, en

matière d’imposition des revenus, le contentieux fiscal communautaire distingue l’imposition

des résidents et des non-résidents, qui est a priori licite, et la discrimination selon la

nationalité, qui est toujours prohibée, et qui peut selon le cas être sous-jacente ou non à la

précédente57.

56 MAUBLANC (Jean-Pierre), « Liberté de circulation des travailleurs, égalité fiscale et imposition des revenus », RMCUE 2001, juillet-août, n° 450, p. 489. 57 MAUBLANC (Jean-Pierre), même passage.

30

Section 2 : Le contribuable citoyen de l’Union européenne

La citoyenneté européenne a été reconnue les 9 et 10 décembre à Maastricht mais l’idée

n’était pas nouvelle. La volonté de dépasser la dimension économique de l’intégration

communautaire vers une union à caractère politique impliquait sa création. Notons ici que le

traité de Maastricht modifie l’intitulé du traitée instituant la Communauté Economique

Européenne qui devient dès lors le traité de la Communauté Européenne. La « logique du tout

économique »58 est ainsi rompue.

Le sommet de Paris de 1974, ou le Rapport Tindenmans de 1976, avait déjà mis l’accent sur

le souci de développer une vision spécifique de la citoyenneté. Par ailleurs, l’élection au

suffrage universel direct du Parlement européen a constitué la première étape tangible de

l’émergence d’une citoyenneté européenne.

Cependant, il a fallu attendre le Conseil européen de Fontainebleau et la mise en place du

Comité pour l’Europe des citoyens, pour que ce projet revienne en tête de ligne. Ce sera

finalement le Conseil européen de Rome qui inscrira cette perspective sur l’agenda des

conférences intergouvernementales chargées de procéder à la révision des traités originaires.

§1. Le statut de citoyen de l’Union européenne

A. Les caractères de ce statut

Notons tout d’abord que les dispositions relatives à cette citoyenneté de l’UE sont inscrites

dans le traité instituant la CEE, ce qui les rend « justiciables ». De ce fait, la Cour pourra

exercer un contrôle sur la mise en œuvre concrète de ces articles.

La notion renvoie également à un statut politique et non plus seulement économique et social.

58 DAVID (Franck), note sous l’arrêt Grzelczyk, RTDE 2003, n° 39, juill.-sept., p. 560.

31

Originairement, un ressortissant d’un Etat membre n’était envisagé par le droit

communautaire que comme un agent économique.

La citoyenneté de l’Union est une citoyenneté d’attribution59 par rapport à celle de droit

commun (c’est-à-dire l’étatique) car elle ne confère que des droits limités qui ne pourront être

complétés qu’en suivant une procédure qui exige l’accord de tous les Etats60, exprimé

conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Ainsi la citoyenneté européenne

doit être conçue dans une « perspective dynamique »61.

Les rapports entre la nationalité d’un Etat membre et la citoyenneté de l’Union sont à la fois

indifférents et liés. En effet, l’article 17§1 (ex-article 8§1) dispose qu’ : « Il est institué une

citoyenneté de l’Union. Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité ayant la

nationalité d’un Etat membre. La citoyenneté de l’Union complète la citoyenneté nationale et

ne la remplace pas ». Loin de supprimer les citoyennetés nationales, la citoyenneté

européenne s’ajoute à elles. Les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne

bénéficient ainsi d’une double citoyenneté. Un ressortissant français est à la fois citoyen

français et citoyen européen. Les deux citoyennetés ne sauraient se confondre. La citoyenneté

européenne étant régi par le droit communautaire, la citoyenneté nationale ne relève que du

droit national.

En droit international, la nationalité est regardée comme ressortissant de la compétence des

Etats, ce qui implique que chacun d’eux définit quelles sont les personnes bénéficiant de sa

nationalité. Cependant, le droit international n’oblige pas les autres Etats à reconnaître et à

donner effet à toute décision d’un Etat attribuant sa nationalité à une personne. Dans le

célèbre arrêt Nottebohm62, la CIJ a admis qu’un Etat pouvait refuser de donner effet à une

nationalité accorée par un autre Etat, notamment lorsque cette nationalité ne se révèle pas

effective.

Dans ce dernier cas, le droit communautaire se différencie du droit international. La CJCE63,

pour une affaire concernant la liberté d’établissement, décide que les Etats membres ne sont 59 Article 17§2 TCE (ex-article 8§2) : « Les citoyens de l’Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par le présent traité ». 60 Le traité de Nice, signé le 26 février 2001, supprime l’exigence de l’unanimité pour les décisions qu’arrête le Conseil, sauf en ce qui concerne les passeports, les cartes d’identité, les titres de séjour et les dispositions qui ont trait à la sécurité sociale ou à la protection sociale. 61 KOVAR (Robert) et SIMON (Denys), « La citoyenneté européenne », CDE, 1993, p. 285. 62 CIJ, 6 avril 1955, Nottebohm c. Guatemala, Rec CIJ., p. 4. 63 CJCE, 7 juillet 1992, Micheletti, aff. C-369/90, Rec., p. I-4239.

32

pas en droit de contester la qualité de ressortissant communautaire au motif que les personnes

concernées posséderaient également la nationalité d’un Etat tiers. Ainsi, l’Etat membre

d’accueil (Espagne) ne peut faire prévaloir la nationalité de l’Etat tiers (Argentine) sur celle

d’un autre Etat membre (Italie). Il n’y a aucune exigence d’effectivité concernant le droit

communautaire. Cette affaire est aisément transposable pour un litige mettant en cause

l’application du statut de citoyen de l’Union.

La qualité de citoyen européen est donc subordonnée à la possession ou l’acquisition de la

nationalité d’un Etat membre.

1. La citoyenneté de l’Union : statut fondamental

C’est par l’arrêt Grzelczyk64 que la Cour va ériger en statut fondamental le statut de citoyen de

l’Union : « (…) le statut de citoyen de l’Union a vocation à être le statut fondamental des

ressortissants des Etats membres »65.

M. Grzelczyk est un étudiant français poursuivant son cursus à l’Université de Louvain en

Belgique. Sa dernière année d’études ne lui permettait plus de travailler étant donné la

lourdeur du programme. Il décida alors de s’adresser au Centre Public d’Aide Sociale (CPAS)

qui par une décision du 16 octobre 1998 lui alloua le -minimex- (revenu minimum belge) pour

la durée de sa dernière année. Mais le 29 janvier 1999, le CPAS lui retire le bénéfice du

minimex étant donné qu’il n’a pas la qualité de travailleur et de ce fait n’entre pas dans le

champ d’application du règlement66 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de

la Communauté. Injustice caractérisée car les étudiants belges peuvent bénéficier du minimex

sans posséder par ailleurs la qualité de travailleur au sens du droit communautaire.

Le juge belge se rendit compte à l’évidence que la décision du CPAS, se fondant sur du droit

interne, entrait en contrariété avec le droit communautaire au regarde de l’article 12 TCE

(principe général de non-discrimination à raison de la nationalité) et des articles 17 et s. TCE

(citoyenneté européenne). Il jugea nécessaire de saisir la CJCE par voie préjudicielle aux fins 64 CJCE, 20 septembre 2001, Grzelczyk, aff. C-184/99, Rec., p. I-6193. 65 Notons que cette formule a été reprise par la CJCE dans les arrêts D’Hoop, 11 juillet 2002, aff. C-224/98, Rec., p. I-6191 et Baumbast, 17 septembre 2002, aff. 413/99, Rec., p. I-7091. 66 Règlement du Conseil n° 1612/68 du 15 octobre 1968, JOCE, L, 257, p. 2.

33

de savoir si les dispositions du traité mentionnées plus haut s’opposaient à un traitement

discriminatoire fondé sur la nationalité.

La CJCE67 constate qu’en l’espèce la discrimination était bien fondée uniquement sur la

nationalité, toutefois l’article 12 TCE n’est pas d’application générale et

inconditionnée : « Cet article doit être lu en combinaison avec les dispositions du traité sur la

citoyenneté de l’Union pour apprécier le domaine d’application de celui-ci ».

Il en résulte que la Cour après avoir affirmer que « le statut de CUE a vocation à être le statut

fondamental des ressortissants des Etats membres » va en déduire que des citoyens de

l’Union, indépendamment de leur nationalité et se trouvant dans la même situation, doivent

bénéficier du même traitement juridique.

La condition de l’existence d’un lien économique entre le ressortissant et l’Union n’est donc

plus requise.

2. Un statut fondamental et autonome

Le terme d’autonome signifie ici que ce statut a vocation à s’appliquer peut importe l’exercice

ou non par l’intéressé d’une quelconque activité économique. Ainsi, la liberté de circulation et

de séjour est indépendante de la qualité de l’intéressé : travailleur salarié, travailleur

indépendant, simple contribuable…

Soulignons à cet égard la réticence des Etats membres, fors le Portugal, qui s’est manifestée

dans les observations relatives à l’affaire Grzelczyk. Pour le gouvernement français en

particulier, la citoyenneté de l’Union ne permettrait pas de créer un droit global à l’égalité de

traitement, dans la mesure où une telle position paraîtrait difficilement conciliable au regard

des droits attachés à la nationalité. En effet, les Etats craignent de devoir assumer des

ressortissants communautaires indigents et par là-même un surcoût pour les finances

publiques.

67 C’est dans son arrêt Martinez Sala, 12 mai 1998, aff. C-85/96, Rec., p. I-2708, que la CJCE a été la première fois invitée à se prononcer sur la portée de l’article 8A (devenu article 18 TCE) et elle y attache au statut de CUE le droit tiré de l’article 6 (devenu article 12 TCE) de ne pas subir de discrimination en raison e sa nationalité.

34

Ainsi, si le droit de circuler et de séjourner librement constitue un droit matériel autonome

pour les citoyens de l’Union, c’est sans préjudice des limitations et conditions dont est

susceptible d’être assorti ce droit. Dans l’affaire Grzelczyk, la Cour va conclure que l’article

17 TCE n’ouvre pas directement droit à des prestations sociales.

Cependant, il faut noter que le domaine d’application rationae personae du droit

communautaire s’est considérablement élargi étant donné que lien économique n’est plus

exigé.

En fait, on peut dire qu’il s’agit d’un statut autonome car la Cour a, dans la même affaire,

d’emblée fait appel à la notion de citoyenneté européenne peu important que le requérant ait

en l’espèce la qualité de travailleur ou d’étudiant. C’est un citoyen de l’Union alors il doit

bénéficier des droits contenus dans le traité.

B. Les droits du citoyen de l’Union

Notons que l’article 17§2 (ex-article 8§2) évoque non seulement des droits mais également

des devoirs. Cependant, leur contenu n’est pas précisé. La reconnaissance de la citoyenneté

européenne semble dépourvue de tout contenu spécifique en ce qui concerne les devoirs.

C’est peut-être la manifestation de ce que la solidarité entre les citoyens de l’Union n’a pas

encore atteint un degré suffisant pour constituer le fondement d’obligations68.

Les droits du citoyen de l’Union sont hétérogènes. Nous n’évoquerons qu’ici les droits

politiques (droit de vote et éligibilité aux élections européennes et aux élections municipales),

le droit de pétition, le droit de communication avec les institutions ; il bénéfice également de

protections (protection diplomatique et consulaire) et peut se plaindre auprès du médiateur.

Le droit de circulation et de séjour fera l’objet du paragraphe 2. Ce droit attaché au statut du

citoyen de l’Union n’est certes pas nouveau mais ici est attaché au fait même d’être un

ressortissant communautaire. En effet, la libre circulation des personnes était

traditionnellement entendue comme comprenant le droit de se déplacer et de séjourner et le

68 DUBOUIS (Louis) et BLUMANN (Claude), Droit matériel de l’Union européenne, Montchrestien, coll. Domat Droit Public, 2ème éd. 2001.

35

droit d’exercer librement une activité professionnelle. Aujourd’hui, le traité de Maastricht

rend l’exercice du droit qu’a tout citoyen de l’Union de se déplacer librement et de vivre dans

l’Etat membre de son choix indépendant de toute activité professionnelle. Cependant, ce droit

du citoyen de l’Union n’est pas inconditionnel.

§2. Le droit de circuler et de séjourner librement

C’est l’article 18§1 TCE (ex-article 8A §1) qui confère ce droit « sous réserve des limitations

et conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son

application. » Ce droit est désormais reconnu au niveau constitutionnel.

Comme nous l’avons déjà vu, le bénéfice du de droit ce circuler et de séjourner est ici reconnu

alors qu’il n’existe aucun lien avec l’exercice d’une activité économique. C’est une différence

essentielle par rapport à l’état de droit antérieur (fors les directives de 1990). C’est un droit

propre relevant des libertés personnelles.

A. Articulation et rapports entre les différents statuts

Il faut tout d’abord distinguer les bénéficiaires de ce droit dès l’origine (les salariés, les

personnes relevant du régime de l’établissement et du régime de la prestation de service) qui

n’était alors reconnu qu’indirectement comme l’accessoire de l’objet principal : l’activité

économique.

Puis, début 1990 deux directives sont intervenues pour reconnaître un droit de séjour à

certaines catégories de personnes : les inactifs69, les étudiants70. Ainsi, leur droit de séjour

n’est pas lié à l’exercice d’une activité économique et celui-ci ne résulte pas directement du

traité mais du droit dérivé.

69 Directive 90/365 du 28 juin 1990, JOCE, L, 180/28, 13 juillet 1990. 70 Directive 90/366 du 28 juin 1990 (annulée du fait d’une erreur de base juridique et remplacée par la directive 93/96 du 29 octobre 1993 qui en reprend les dispositions), JOCE, L, 317/59, 18 décembre 1993.

36

Cependant, d’autres conditions ont été prévues : avoir des ressources suffisantes et une

couverture sociale suffisante.

Enfin, dans un troisième temps consécration du statut de citoyen de l’Union européenne par le

traité instituant l’Union européenne le 7 février 1992 ; et qui lui reconnaît le droit de séjour

sans condition d’exercice d’une activité économique. Cependant, ce droit n’est pas

inconditionnel, ce qui ressort de l’article lui-même. Il s’agit de la protection de l’ordre public,

de la sécurité et de la santé publique. Aussi, les conditions vues concernant les étudiants et les

inactifs valent également pour le CUE car aucune condition d’exercice d’une activité

économique n’est exigée.

Cependant, restait à la CJCE de reconnaître que l’article 18§1 présentait les caractères requis

pour être d’effet direct, ce qui n’allait pas sans difficultés71. La Cour a franchi le pas avec

l’arrêt Baumbast72. Elle y reconnaît que le doit de séjour est conditionné mais un contrôle

judiciaire sera toujours possible.

Notons tout d’abord que le statut de CUE ne fait pas disparaître les anciens statuts qui

continuent d’avoir leur raison d’être. Mais il a vocation à constituer le statut fondamental c’est

en quelque sorte la loi générale et les autres statuts seraient des lois spéciales.

Ce qui est essentiel réside dans le fait que si l’un des statuts particuliers n’est pas applicable

(absence d’activité économique), l’intéressé pourra toujours se prévaloir du statut de CUE ce

qui dans l’affaire Werner73 aurait eu un intérêt certain. Etant donné que les conditions de

ressources et de couverture sociale suffisantes doivent toujours être remplies.

B. L’incidence fiscale du droit de circuler et de séjourner librement

71 CJCE, 11 avril 2000, Kaba, aff. C-356/98, Rec., p. I-2623. Cet arrêt ne reconnaît pas l’effet direct à l’article 18§1 TCE étant donné le renvoi que cet article fait aux « limitations et conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son application ». 72 CJCE, 17 septembre 2002, Baumbast, aff. 413/99, Rec., p. I-7091. 73 CJCE, 26 janvier 1993, Werner, aff. C-112/91, Rec., p. I-429.

37

Les effets sur la fiscalité directe sont simples : l’Etat de départ ou l’Etat d’accueil ne peut

entraver l’exercice de ce liberté garantissant un objectif de l’Union.

C’est par le biais de l’affaire Lasteyrie du Saillant que l’on peut entrevoir les possibilités

offertes par la citoyenneté de l’Union aux contribuables. Mais, c’est l’affaire Schempp (en

cours devant la CJCE) qui pourra nous donner la réelle mesure de la portée fiscale du statut de

citoyen de l’Union.

1. L’affaire Hugues de Lasteyrie du Saillant

M. Lasteyrie du Saillant invoqua, outre une entrave à la liberté d’établissement, une atteinte à

sa liberté d’aller et venir. Mais le Conseil d’Etat considéra que les dispositions attaquées

n’avaient « ni pour objet, ni pour effet de soumettre à de quelconques restrictions ou

conditions, l’exercice effectif, par les personnes qu’elles visent, de la liberté d’aller et venir,

contrairement à ce que soutenait le requérant ».

Ceci peut paraître curieux car le texte avait pour objet même la limitation de la liberté d’aller

et venir de contribuables bien identifiés74 en les soumettant à un dispositif fiscalement

contraignant. D’ailleurs, la Cour de Cassation a sanctionné comme voies de fait des refus ou

retraits de passeports à des débiteurs du Trésor et, visant spécifiquement la Convention

Européenne des Droits de l’Homme, a jugé que « la liberté fondamentale d’aller et venir n’est

pas limitée au territoire national mais comporte également le droit de le quitter »75. Ce qui

correspond au droit de circuler et de séjourner librement.

Ainsi, le Conseil d’Etat ici, a manqué une occasion de renvoyer l’examen de cette question

devant la CJCE afin qu’elle se prononce sur la compatibilité des dispositions attaquées avec

les articles 17 et 18 (ex-articles 8 et 8A) du traité CE qui instituent « une citoyenneté de

l’Union » et qui prévoient (art. 18) que « tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de

74 « (…) dissuader les délocalisations des grandes fortunes » Extrait du rapport de D. Migaud à l’Assemblée Nationale sur le projet de loi de finances pour 1999, p. 305. 75 Cass. Civ. 1ère 28 novembre 1984, Bull. Civ., I, p. 321

38

séjourner librement sur le territoire des Etats membres, sous réserve des limitations et

conditions prévues par le présent Traité et par les dispositions prévues pour son application .

Il eut été intéressant d’interroger la Cour sur la compatibilité des dispositions attaquées avec

les principes de la citoyenneté européenne, mais l’article 167 bis du CGI n’a été examiné

qu’au regard de la liberté d’établissement76, le caractère professionnel du transfert de domicile

en Belgique ayant été présumé dans les conclusions de l’avocat général J. Mischo77.

Cependant devant la Cour de Justice, les gouvernements allemand et néerlandais ont fait

remarquer que l’ordonnance de renvoi du Conseil d’Etat ne contenait pas d’éléments propres

à établir que le contribuable aurait fait usage de la liberté d’établissement. De même, le

requérant soutenait qu’il transférait son domicile fiscal en Belgique pour y exercer son activité

professionnelle. Celui-ci estimant que seule une liberté économique pourrait venir à son

secours. Cela prouve en outre, le peu d’impact que revêt à l’heure actuelle le statut de citoyen

de l’Union et les droits y afférents. En effet, cette affaire témoigne encore d’une logique que

l’on peut qualifier d’ancienne en ce sens qu’il faille absolument exciper d’un lien économique

entre le ressortissant communautaire et l’Union pour bénéficier de la protection du droit

communautaire.

Le contentieux fondé sur la citoyenneté européenne reste donc ouvert pour le contribuable car

non abordé au cas d’espèce.

Mais il ne fait aucun doute que le sens dans lequel la CJCE a répondu à la question relative à

la liberté d’établissement n’aurait pas été différent si elle avait été invitée à apprécier la

compatibilité du même article 167 bis avec les dispositions du droit communautaire

précitées78.

Occasion que n’a pas laissé passer le Bundesfinanhof allemand.

2. L’affaire Egon Schempp 76 Cf. sur ce point : Titre 1er, Chapitre 1er, Section 1, §2. 77 JUILHARD (Philippe), « Chronique de la mort annoncée de l’exit tax », Option Finances, 24 novembre 2003. 78 En ce sens, GROUX (Jean), « L’exit tax de l’article 167 bis du CGI, mise à mal par la Cour de justice de Luxembourg, a-t-elle encore un avenir ? », BFFL, Etude, 5/ 04, p. 301, point 8.

39

Il s’agit d’une affaire pendante devant la CJCE suite à une demande de décision

préjudicielle79 présentée par ordonnance du Bundesfinanhof rendue le 22 juillet 2003 dans

l’affaire Egon Schempp contre Finanzamt München, et qui est parvenue au greffe de la Cour

le 29 septembre 2003. Le Bundesfinanzhof demande à la Cour de justice de statuer sur les

questions suivantes :

« 1. L’article 12 CE (dans le version du traité d’Amsterdam) doit-il être interprété en ce sens

qu’il s’oppose aux dispositions des articles 1a, paragraphe 1, point 1, et 10, paragraphe 1,

point 1, de l’EStG80, en vertu desquelles un contribuable résidant en Allemagne ne peut

déduire les pensions alimentaires versées à son épouse divorcée qui habite en Autriche, alors

qu’il en aurait le droit si celle-ci résidait encore en Allemagne ?

2. Pour le cas où il serait répondu par la négative à la première question : l’article 18,

paragraphe 1, CE doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose aux dispositions des articles

1a, paragraphe 1, point 1, et 10, paragraphe 1, point 1, de l’EStG, en vertu desquelles un

contribuable résidant en Allemagne ne peut déduire les pensions alimentaires versées à son

épouse divorcée qui habite en Autriche, alors qu’il en aurait le droit si celle-ci résidait encore

en Allemagne ? ».

Il s’agit là d’une belle opportunité qu’à la Cour pour consacrer sans discussion possible la

dimension fiscale du statut de citoyen de l’Union. On peut espérer qu’elle ne la laissera pas

passer.

CHAPITRE 2nd : La résistance des Etats face à ce statut communautaire : la tentative de

justification des entraves.

79 C-403/03, JOCE, C 304, 13 décembre 2003, p. 11. 80 Einkommensteuergesetz : loi relative à l’impôt sur le revenu.

40

Les Etats vont essayer de justifier des entraves liées à leurs systèmes fiscaux en utilisant de

multiples arguments. Ces derniers n’étant pas d’égale valeur mais l’on retrouve

systématiquement les mêmes.

Ainsi, les Etats vont arguer qu’il n’y a pas de discrimination car la différence de traitement

fiscal est justifiée par la différence de situation entre les deux catégories considérées.

Et même, encore plus efficace, Les Etats vont estimer que le droit communautaire n’est pas

applicable en l’espèce puisqu’il s’agit d’une situation purement interne.

Ou encore, la nécessité de combler un vide fiscal, la prévention de la réduction de recettes

fiscales ou la volonté de compenser un avantage fiscal d’une autre nature n’ont jamais été des

justifications admissibles car étant des objectifs de nature purement économique elles ne

peuvent constituer des raisons impérieuses d’intérêt général81.

Ainsi, les Etats disposent de plusieurs types de moyens de défense :

- démontrer que le droit communautaire n’est pas applicable au litige (cas d’une situation

purement interne)

- justifier la restriction à la liberté de circulation au moyen d’une raison impérieuse d’intérêt

général

- ou simplement prouver que la règle fiscale mise en cause n’est pas contraire au droit

communautaire (le plus souvent en alléguant qu’il n’y a pas de discrimination).

Nous n’envisagerons donc que les arguments les plus pertinents.

Section 1 : Les raisons impérieuses d’intérêt général

Les mesures discriminatoires ne sont compatibles avec le droit communautaire que si elles

font l’objet d’une dérogation expresse, alors que les mesures non ouvertement

discriminatoires82 peuvent être justifiées par des exigences ou raisons impérieuses d’intérêt

général. Il s’agit de toute exigence impérative ou objectif légitime digne de protection.

81 CJCE, 16 juillet 1998, ICI, aff. C-264/96, DF, 1998, n°48, p. 1481. 82 Ces mesures sont encore qualifiées d’indistinctement applicables, c'est-à-dire ne faisant pas de distinction selon la nationalité ou le lieu d’établissement de l’intéressé.

41

Pour être efficacement invoqué, cet intérêt ne doit pas déjà être assuré par les règles de l’Etat

membre concerné et le résultat ne doit pas pouvoir être obtenu par des règles moins

contraignantes.

Selon la Cour, « les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant

l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité doivent remplir quatre

conditions : qu’elles s’appliquent de manière non discriminatoire, qu’elles se justifient par

des raisons impérieuses d’intérêt général, qu’elles soient propres à garantir la réalisation de

l’objectif qu’elles poursuivent et qu’elles n’ailent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour

l’atteindre »83.

Nous allons donc étudier les raisons impérieuses d’intérêt général qui ont pu être invoquées

par les Etats afin de justifier des restrictions à libre circulation des personnes.

§ 1. La cohérence du système fiscal

A. L’unique cas d’acceptation de cette justification : l’arrêt Bachmann

Le principe de cohérence fiscale permet à un Etat membre de protéger une règle fiscale

particulière sous couvert du respect et de la sauvegarde de son système fiscal national84. Ce

principe est une illustration de la multitude des systèmes fiscaux et de leurs particularités au

sein de l'Union européenne et de l'absence d'harmonisation fiscale.

La Cour s'est prononcée sur le principe de la cohérence fiscale dans l'arrêt Bachmann à propos

d'une assurance-vie conclue en Allemagne par un ressortissant allemand, employé en

Belgique, et dont les services des impôts belges refusaient la déduction de son revenu

imposable des cotisations versées en Allemagne. La Cour, tout en identifiant qu'il s'agissait

bien d'une discrimination préjudiciable aux travailleurs migrants non résidents, incompatible

83 CJCE, 30 novembre 1995, Gebhard, aff. 55/94, Rec., p. I-4165. 84 SEBASTIEN (Gilles), note sous l’arrêt Wielockx, D. 1996, p. 417.

42

avec l'art. 48 du Traité, l'a cependant justifiée par le principe de cohérence fiscale qui permet

de déroger aux libertés de circulation énoncées par le Traité.

Le gouvernement belge fit valoir que dans la logique de son système fiscal, la déduction des

primes d’assurance-vie ou maladie-invalidité complémentaire, était liée à la taxation

postérieure de la rente ou du capital versé par la compagnie d’assurances. Or, il estimai que

cette corrélation mise en place entre la déduction des primes et l’imposition des prestations de

l’assureur serait compromise si l’on laissait la possibilité au contribuable de déduire des

primes versées à des compagnies non établies en Belgique. Le fisc belge ne peut donc pas

s’assurer, dans ce cas de figure, que la rente ou le capital touché par la personne qui avait

bénéficié de la déduction serait imposé.

La Cour va alors faire un contrôle de proportionnalité de la mesure ne cause. Elle va

reconnaître que l’objectif du maintien de la cohérence d’un système fiscal est un objectif

légitime. Ensuite, elle va juger que la mesure est strictement nécessaire pour atteindre

l’objectif recherché, dès lors que d’autres solutions (directive du Conseil ou convention

bilatérale ente Etat membre) n’offrent pas des garanties identiques. La Cour va alors constater

que la solution retenue par le législateur belge est la seule capable d’atteindre l’objectif visé

avec certitude et donc que l’article 39 (ex-article 48) n’est pas violé.

Cette solution fournissait surtout aux Etats membres un argument commode pour justifier des

impositions restreignant les libertés fondamentales du Traité.

Cette justification vague, trop extensible, d’une mesure discriminatoire, reconnue dans l’arrêt

Bachmann, s’était heurtée à de vives critiques85.

Malgré tout, la loi belge du 28 décembre 1992 portant des dispositions fiscales, financières et

diverses a remplacé le régime de déductibilité des primes/cotisations par un système de

réduction d’impôt.

B. L’évolution de la Cour de justice par rapport à cette justification 85 GOUTHIERE (Bruno), « Trois questions relatives au principe de non-discrimination », BFFL, 6/93, p. 399.

43

1. La cohérence fiscale n’est pas la panacée

Avec l’arrêt Schumacker, la Cour laisse clairement entendre que l’argument de la cohérence

fiscale à ses limites et qu’il serait utopique de croire qu’il convaincra le juge communautaire

en toute circonstance86. Dans cette affaire, le gouvernement allemand avait avancé que le

traitement discriminatoire était justifié par les nécessités d’une application cohérente des

régimes fiscaux aux non-résidents. Ainsi, l’Etat sur le territoire duquel travaille le non-

résident, en l’occurrence l’Allemagne, n’aurait pas à prendre en compte sa situation

personnelle et familiale, sous peine de voir celle-ci prise en compte doublement et de permette

au non-résident de bénéficier dans les deux Etats des avantages fiscaux y afférents.

La CJCE rejeta aisément cet argument, étant donné que dans l’Etat de résidence la charge

fiscale y était insuffisante pour permettre cette prise en compte, étant donné qu’il n’y

percevait presque aucun revenu. Il incombe donc à l’Etat d’emploi de prendre en compte sa

situation personnelle et familiale.

2. L’approche macro-économique de la CJCE

L’arrêt Wielockx ne fera que confirmer la nouvelle analyse de la Cour. Dans cet arrêt, la CJCE

va restreindre considérablement l’exception tirée de la cohérence du système fiscal.

La volonté de la Cour de justice de ne pas laisser hors de la portée de son contrôle les

fiscalités directes nationales apparaît donc dans le fait qu’elle rejette désormais

systématiquement, après l’avoir admis une seule fois dans l’arrêt Bachmann, la justification

tirée de la nécessité de préserver la cohérence du système fiscal national87.

86 BINON (Jean-Marc), « Avantages fiscaux en assurance de personnes et droit européen », RMUE 1996/2, p. 133, point 6. 87 CJCE, 11 août 1995, Wielockx, aff. C-80/94, Rec., p. I-2493; CJCE, 27 juin 1996, Asscher, aff. C-107/94, Rec., p. I-3089.

44

Il importe désormais, selon la Cour de justice, d’apprécier le respect de ce principe non plus

au niveau individuel mais au niveau global : ce que perd l’Etat néerlandais pour un résident

belge, il le gagne pour un résident néerlandais placé dans des conditions symétriques à celles

de M. Wielockx88.

Aussi, ce principe ne saurait être invoqué pour justifier le refus d’une déduction telle que celle

en cause dans l’affaire Wielockx étant donné que la cohérence fiscale est assurée sur la base

d’une convention bilatérale. C’est ce qu’un auteur exprime très bien à travers cette formule :

« la cohérence fiscale interne doit s’effacer devant la cohérence fiscale internationale »89.

Reportant l’appréciation de la cohérence fiscale au niveau macro-économique en s’appuyant

sur l’existence de conventions bilatérales conclues sur le modèle OCDE, la CJCE réduit

considérablement la portée de cette justification invoqué par les Etats membres90.

§.2 La prévention de l’évasion fiscale

Nous retrouvons cet argument dans l’affaire Lasteyrie du Saillant, la France invoquait

principalement la prévention de l’évasion fiscale comme justificatif aux restrictions instaurées

par l’article 167 bis du CGI. Cet objectif de prévention de l’évasion fiscale ressortait

d’ailleurs des débats parlementaires : « les pays qui n’imposent pas les plus-values ou qui

procèdent à des impositions plus faibles que les nôtres sont relativement nombreux. Il faut

donc se protéger »91.

Pour le Gouvernement français le dispositif litigieux vise à empêcher un abus de droit par

l’utilisation frauduleuse par un contribuable des libertés découlant pour lui du droit

communautaire.

Cependant, après avoir relevé que « l’article 167 bis du CGI n’a pas pour objet spécifique

d’exclure d’un avantage fiscal les montages purement artificiels dont le but serait de 88 NGUYEN (Bruno), « Bachmann, Werner, Schumacker, Wielockx et les autres…ou quand la Cour de justice harmonise la fiscalité européenne », Europe 1995, décembre, p. 2. 89 BINON (Jean-Marc), « Avantages fiscaux en assurance de personnes et droit européen », RMUE 1996/2, p. 134, point 7. 90 Par exemple, la France a signé des conventions bilatérales avec tous les Etats de l’Union. 91 MIGAUD (D.), JOAN, 2e séance, 16 octobre 1998, p. 6816.

45

contourner la législation fiscale française mais vise, de manière générale, toute situation

dans laquelle un contribuable détenant des participations substantielles dans une société

soumise à l’impôt sur les sociétés transfère, pour quelque raison que ce soit son domicile hors

de France », la Cour va estimer que la présomption générale d’évasion ou de fraude fiscale,

instaurée par l’article 167 bis, établie du seul constat d’un transfert de domicile fiscal à

l’étranger, était disproportionné par rapport à l’objectif poursuivi. La Cour de justice va

estimer que le but envisagé, à savoir empêcher que le redevable transfère temporairement son

domicile à l’étranger pour éluder le paiement sur les plus-values en France, peut être atteint

par des mesures moins restrictives à la liberté d’établissement.

La Cour a notamment rappelé que les Etats membres peuvent mettre en œuvre les dispositions

de la directive n° 77/799/CEE modifiée, en date du 19 décembre 1977, relative à l’assistance

mutuelle dans le domaine des impôts directs pour obtenir les informations nécessaires au

recouvrement de l’impôt.

La Cour n’admet donc la justification tirée de la lutte contre l’évasion fiscale que quand la

législation restreignant la liberté d’établissement a pour objet spécifique d’exclure d’un

avantage fiscal les montages purement artificiels dont le but serait de contourner la loi

fiscale92.

Le dispositif litigieux va très au-delà de ces limites jusqu'à créer une présomption irréfragable

de fraude fiscale.

Le dispositif est trop systématique et ne tient pas compte des raisons qui ont pu pousser le

contribuable à émigrer à l’étranger. L’établissement du contribuable à l’étranger n’implique

pas en soi la fraude fiscale. C’est à l’Administration qu’il reviendra de prouver, au cas par cas,

qu’il existe un risque d’évasion fiscale. La mesure française est donc incontestablement

excessive par rapport au but recherché.

Au-delà de l’article incriminé, le raisonnement suivi par les juges communautaires devrait

pouvoir être appliqué à d’autres dispositions du CGI93 comme par exemple a l’article 123 bis

92 DIBOUT (Patrick), « Territorialité de l’impôt, répression de l’évasion fiscale et liberté d’établissement dans la communauté européenne », DF, 1998, n° 48, p. 1478. 93 BOUTEMY (Bernard) et MEIER (Eric), note sous l’arrêt Lasteyrie du Saillant, DF, 2004, n° 20, p. 882.

46

du CGI94 qui permet à la France d’imposer un résident fiscal français qui détient une

participation d’au moins 10 % dans une personne morale établie dans un pays à fiscalité

privilégiée à raison des revenus correspondants y compris si ceux-ci ne sont pas distribués. A

l’instar de l’article 167 bis du CGI, ce dispositif établit une présomption d’évasion fiscale du

seul constat d’une implantation dans un tel Etat et pourrait en conséquence, constituer une

restriction à la sortie en ce qu’ils dissuadent les personnes physiques de s’établir ou de créer

des sociétés dans un autre Etat membre de l’Union européenne.

Tout est donc une question d’équilibre entre la lutte contre la concurrence fiscale

dommageable et les libertés fondamentales du Traité

Section 2 : Les autres arguments des Etats

§1. Le cas Werner

A. Les faits

M. Werner, de nationalité allemande, avait acquis un diplôme de dentiste en Allemagne et s’y

était installé professionnellement tout en continuant à résider aux Pays-Bas avec son épouse,

de nationalité néerlandaise, qui travaille comme salariée au sein du cabinet de son mari.

Par application de la convention germano-néerlandaise, M. Werner est réputé résident aux

Pays-Bas. En vertu de la loi relative à l’impôt sur les revenus, les personnes physiques n’ayant

pas de résidence en Allemagne n’y sont assujetties à l’impôt que sur les revenus réalisés en

Allemagne.

M. Werner pensait donc être intégralement assujetti à l’impôt et donc non seulement

bénéficier du barème préférentiel, par le biais du système du splitting tarif, applicable aux

couples mariés, mais aussi qu’il lui serait permis de déduire de son revenu imposable

certaines dépenses (diverses cotisations d’assurances, des dépenses de formation

94 Pour la condamnation d’un dispositif similaire pour les personnes morales car contraire à la liberté d’établissement voir CE Ass. 28 juin 2002, Schneider Electric, n° 232276, DF, 2002, n° 36, p. 1133.

47

professionnelle…). Or, lors de l’établissement de l’impôt, au motif que M. Werner ne résidait

pas en Allemagne, le fisc de cet Etat décida qu’il ne pouvait être que partiellement assujetti.

Ceci ayant pour conséquence le refus du bénéfice du splitting tarif et des déductions ci-dessus

évoquées.

Saisie d’une question préjudicielle par la Cour des finances de Cologne, la CJCE devait

déterminer si la différence de traitement fiscal fondé sur la notion de résidence pouvait

s’analyser en une restriction à la liberté d’établissement, ou en une discrimination déguisée

fondée sur la nationalité contraire à l’article 12 TCE.

B. Les deux justifications acceptées

Le fait qu’il s’agisse d’une situation purement interne va en quelque sorte permettre la

discrimination à rebours. Ces deux justifications sont en liées.

1. L’absence d’extranéité professionnelle

La Cour éluda ces deux questions en décidant qu’en l’espèce, la situation de M. Werner

n’entrait pas dans la sphère protégée par le droit communautaire. L’article 43 (ex-article 52)

ne concerne que les personnes qui font usage de la liberté de circulation à finalité

économique. Or, M. Werner ne s’est pas déplacé en Allemagne pour faire valoir des droits

acquis aux Pays-Bas (diplôme), mais s’est borné à s’installer dans l’Etat où il a acquis son

titre professionnel, en continuant de résider pour des raisons personnelles, dans un autre Etat

membre. Indiquant, par ailleurs que l’article 12 TCE ne s’appliquait qu’à défaut de règles

spécifiques, telles que celles de l’article 43 (ex-article 52).

Dans l’arrêt Asscher, la Cour de justice a écarté fort logiquement l’argument de

l’incompétence de la Cour fondé sur l’existence d’une situation purement interne. Ce

contribuable ayant une dose d’extranéité dans sa situation étant donné qu’il travaillait à la fois

aux Pays-Bas et en Belgique.

48

Ou encore dans l’affaire Gilly95, la France contestait l’application de l’article 39 (ex-article

48) au motif que l’épouse, travaillait dans son Etat d’origine, n’avait pas exercé ses droits à la

libre circulation. La Cour va confirmer l’applicabilité en l’espèce de cet article, dès lors que

l’intéressé a acquis la nationalité française par mariage et exerce son activité professionnelle

en Allemagne tout en résident en France.

Ainsi, la CJCE ne répond pas à la véritable question : à situation comparable d’imposition, le

désavantage fiscal d’un non-résident percevant dans l’Etat membre la quasi-totalité des

revenus, y disposant de la quasi-totalité de son patrimoine et qui subit une imposition plus

lourde que celle applicable à un résident, constitue-t-il une discrimination à raison de la

nationalité prohibée par l’article 12 du Traité.

La jurisprudence Werner est « périmée »96 depuis l’entrée en vigueur du traité instituant

l’Union européenne et la reconnaissance de la citoyenneté de l’Union. Heureusement, la

liberté de circulation n’est plus divisible entre une liberté professionnelle et une liberté « à des

fins privés »97, comme la Cour a pu l’opérer dans cette affaire.

2. La discrimination à rebours

L’interprétation de l’article 43 (ex-article 52) aboutit à créer une situation paradoxale : comme

il ne s’applique pas à des situations purement internes. Dès lors, un Etat pourrait maintenir des

situations discriminatoires à l’égard de ses propres ressortissants qui n’auraient pas leur

résidence fiscale dans cet Etat.

C’est un peu la situation de l’affaire Lasteyrie du Saillant mais entre ces deux affaires le

Traité de Maastricht est entré en vigueur et a institué la citoyenneté de l’Union. Cependant,

95 CJCE, 12 mai 1998, Epoux Gilly, aff. C-336/96, Rec., p…. 96 DEROUIN (Philippe) et MARTIN (Philippe), « Droit communautaire et fiscalité », Litec fiscal, Juris Classeur, 2004, p. 48. 97 NGUYEN (Bruno), « Bachmann, Werner, Schumacker, Wielockx et les autres…ou quand la Cour de justice harmonise la fiscalité européenne », Europe 1995, décembre, p. 2.

49

dans cette dernière affaire le litige n’a pas été réglé grâce au droit de circulation et de séjour

attaché au statut du citoyen de l’Union mais sur le seul terrain de la liberté d’établissement98.

Dans son arrêt Knoors, la Cour a jugé que même si les dispositions du Traité en matière

d’établissement et de prestations de services ne sauraient être appliquées à des situations

purement internes à un Etat membre, un Etat déterminé ne peut exclure du bénéfice du droit

communautaire ses propres ressortissants lorsque ceux-ci -après avoir résidé sur le territoire

d’un autre Etat membre et y avoir acquis une qualification professionnelle reconnue par des

dispositions communautaires- se trouvent, à son égard, dans une situation assimilable à celle

de tout autre ressortissant communautaire bénéficiant des droits et libertés garantis par le

Traité. Mais contrairement à M. Knoors, M. Werner avait acquis sa qualification

professionnelle dans son Etat d’origine.

Il est regrettable que la CJCE n’ait pas condamné lors de la présente affaire l’existence d’une

discrimination insidieuse et se soit cantonnée à constater l’existence d’une situation purement

nationale.

Le seul tort de M. Werner en fin de compte est d’avoir eu le coup de foudre pour une batave.

Pas d’obstacle à une simple discrimination à rebours.

§2. L’absence de discrimination fondée sur la nationalité

Il s’agit là d’un argument systématiquement invoqué par les Etats qui allèguent que la ou les

dispositions incriminées sont applicables sans qu’il n’y ait à distinguer si le contribuable est

un national ou un ressortissant d’un autre Etat membre.

C’est là adopter une vision étroite des discriminations interdites par le traité c’est-à-dire que le

cas d’une discrimination formelle.

98 Cf. p. 36.

50

Cependant, depuis l’arrêt Sotgiu, il est établi que « les règles d’égalité de traitement prohibent

non seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité, mais encore toutes

formes dissimulées de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction,

aboutissent en fait au même résultat », selon la formule habituelle de la Cour de justice99.

CONCLUSION :

Ainsi, si étendue que soit la marge de manœuvre des Etats en matière de fiscalité directe, en

l’absence de législation communautaire spécifique, elle est limitée par l’obligation faite aux

Etats de respecter les grandes libertés, qui s’appliquent en matière fiscale comme en toute

autre matière. La CJCE a exploité toutes les potentialités des articles du traité relatifs à ces

libertés essentielles en leur reconnaissant une portée très large et en excluant en principe les

dérogations ou exceptions apportées par les Etats membres et cela quel que soit le rang

hiérarchique de la règle nationale.

En outre, Les arrêts postérieurs à l’accident de 1992, démontrent une fois de plus le rôle de la

Cour de justice des Communautés européennes dans la réalisation de la construction

européenne. En l'absence d'une harmonisation fiscale, et afin d'éviter une entrave dans

l'exercice des libertés fondamentales du Marché unique européen fixées par le Traité, des

solutions sont énoncées par le juge au cas par cas afin de combler les lacunes de la législation

européenne.

La Cour a fixé des limites aux techniques nationales d’imposition des revenus des personnes

physiques. Il en résulte que pour être conforme au TCE, l’impôt sur le revenu d’un Etat

membre doit respecter deux contraintes communautaires : il doit respecter les principes de

libre circulation, il doit respecter ensuite le principe de non-discrimination à raison de la

nationalité.

99 CJCE, 12 février 1974, Sotgiu, aff. 152/73, Rec., p. 153.

51

TITRE 2nd : La protection des droits du contribuable communautaire

L’absence d’objectif d’harmonisation des fiscalités directes des Etats ne peut conduire à des

résultats satisfaisant concernant la protection du contribuable notamment sur le plan de

l’égalité de traitement fiscal entre résidents et non-résidents d’un Etat ou encore entre

résidents d’un Etat et ceux d’un autre Etat100.

100 MAUBLANC (Jean-Pierre), « Liberté de circulation des travailleurs, égalité fiscale et imposition des revenus », RMCUE 2001, juillet-août, n° 450, p. 486.

52

CHAPITRE 1er : Une protection encore insuffisante

Selon une formule presque toujours rappelée par les arrêts, la fiscalité directe relève de la

compétence des Etats membres, mais ils doivent l’exercer dans le respect du droit

communautaire. La formulation de cette règle de compétence étatique en matière de fiscalité

directe est ambiguë. Elle signifie qu’à la différence de la fiscalité indirecte, largement

harmonisée au moyen de directives communautaires, la fiscalité de l’imposition des revenus

ou des bénéfices n’a pas fait l’objet d’une harmonisation européenne, en l’absence de

disposition du Traité le prévoyant expressément et parce que les Etats ont considérés que le

rapprochement des fiscalités nationales dans cette matière n’était pas nécessaire pour

l’établissement et le fonctionnement du marché commun. A plusieurs reprises, la Cour a

constaté l’absence de disposition communautaire pertinente en matière de fiscalité directe de

nature à faire obstacle à la double imposition des mêmes revenus ou à des inégalités de

traitement entre des ressortissants communautaires placés dans la même situation.

L’état de l’harmonisation fiscale est la cause de la jurisprudence développée plus haut. La

CJCE devant pallier l’incapacité de la Communauté mais surtout des Etats membres à

s’entendre dans un domaine où la souveraineté étatique demeure quasi inébranlable.

C’est ce qu’un auteur exprime en ces termes : « Pendant que les Etats membres et la

Commission discutent et rediscutent des mérites et des places respectives de la coordination

des politiques fiscales nationales et de l’harmonisation des législations fiscales, la Cour de

justice poursuit imperturbablement l’élimination des discriminations constitutives d’entraves

fiscales aux droits fondamentaux, notamment sur le terrain de la fiscalité directe »101.

Section 1 : Une harmonisation de la fiscalité directe à l’état embryonnaire

101 DIBOUT (Patrick), « Territorialité de l’impôt, répression de l’évasion fiscale et liberté d’établissement dans la communauté européenne », DF 1998, n° 48, p. 1475.

53

L’harmonisation de l’impôt sur le revenu serait un gage de protection des contribuables car de

nombreuses différences existent entre les pays de l’Union, notamment : la définition de

l’assiette de l’impôt, l’unité d’imposition (c’est-à-dire l’option entre l’imposition conjointe

des revenus du groupe familial comme en France, en Belgique ou au Luxembourg, entre

l’imposition conjointe des époux avec généralement un droit d’option pour l’imposition

séparée comme en Irlande ou au Royaume-Uni, enfin certains pays pratiquent l’imposition

séparée qui rend chaque membre de la famille redevable sur ses revenus propres comme au

Danemark ou en Grèce), les modalités de personnalisation de l’imposition à travers les

kyrielles d'abattements sur le revenu ou les déductions d’impôts et les barèmes

d’imposition…si bien que les modalités de calcul de l’impôt présentent une diversité

quasiment sans limite qui ne facilite guère le rapprochement ni même les comparaisons de

charges fiscales d’un pays à l’autre102.

Quant aux taux d’imposition lui-même, la progressivité est généralement de mise mais le

barème peut être très différent suivant les pays : les taux marginaux, le nombre de tranches…

Ainsi comme nous l’avons vu dans notre première partie ces différences de régime sont le

vecteur d’entraves aux libertés fondamentales du Traité.

Ici se pose la question des aspects fiscaux de la construction communautaire.

§.1 Le Traité et l’harmonisation de la fiscalité

A. Historique

Les dispositions du traité relatives à l’harmonisation fiscale sont peu nombreuses et

imprécises quant à la signification exacte et à l’étendue d’un tel processus.

102 BELTRAME (Pierre) et MONTAGNIER (Gabriel), « L’Europe des impôts », AJDA 1990, p. 242.

54

Historiquement c’est le Comité Neumark qui en 1962 a fixé les principes directeurs de

l’harmonisation fiscale. La première proposition consistait à supprimer les taxes en cascade

sur le chiffre d’affaires au profit de la taxe sur la valeur ajoutée. A moyen terme,

l’harmonisation devait concerner les accises, l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu.

Enfin, la dernière étape de l’harmonisation devait mener à la création d’un service commun de

renseignements aux fins d’assurer un contrôle fiscal efficace.

Le rapport Neumark n’a pas eu l’impact escompté mais il a servi de base de travail à la

Commission qui va, dans le cadre d’une communication du 8 février 1967, développer un

programme d’action fiscale. Mais au final, ce programme a davantage été la définition d’une

ambition qu’un calendrier précis de rapprochements des législations fiscales.

Puis c’est en 1972 que fut établi le rapport Werner concernant la réalisation de l’Union

économique et monétaire et notamment ses aspects fiscaux. Cependant, la crise pétrolière

freina cet élan et le nouveau programme d’action fiscale de la Commission n’a été présenté

que le 30 juillet 1975. Mais une fois de plus ce programme a fait long feu, faute de volonté

politique de la part des Etats membres soucieux de conserver la maîtrise de leur souveraineté

fiscale.

La Commission a poursuivi ses réflexions sur le sujet et a présenté 27 mars 1980 le rapport

Burke au Conseil sur les perspectives de convergence des systèmes fiscaux. Dans ce rapport

l’harmonisation ne figure pas parmi les missions de la Communauté, elle ne sera qu’un

instrument au service de la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et

des capitaux.

Ainsi, l’on devenait plus réaliste car attaché à leur souveraineté fiscale les Etats membres

souhaitent conserver une certaine souplesse sur leurs systèmes fiscaux nationaux pour des

raisons politiques, économiques et budgétaires.

Dans ces conditions, l’harmonisation devenait secondaire et limitée à la TVA et aux accises.

C’est sous l’impulsion de Jacques Delors que le serpent de mer de l’harmonisation fiscale va

être relancée pour l’achèvement du marché intérieur. La Commission va alors établir, en juin

1985, un Livre Blanc qui pour réaliser cet objectif fondamental va notamment mettre en avant

la nécessité d’éliminer les frontières fiscales103. Pour ce qui nous intéresse, la Commission a

103 Comme l’explique D. Berlin, Juris-classeur Europe, fasicule1611, point n° 73 et 74, en matière de fiscalité directe l’expression -frontières fiscales- n’a pas la même signification que celle que l’on peut déduire en matière de fiscalité indirecte où l’impôt est dû au passage de la frontière. En matière de fiscalité directe, le terme -frontière- départage ici le résident du non-résident (l’impôt étant dû à l’intérieur du pays), il faudrait plutôt parler

55

limité les implications fiscales du Marché intérieur à la fiscalité indirecte, mais le débat va

peu à peu se déplacer sur le terrain de la fiscalité directe. Cependant, ce sera essentiellement

sur celui de la fiscalité des entreprises qui ne fait pas l’objet de notre étude.

La nécessité d’une politique fiscale communautaire est apparue dans le discours de la

Commission en 1993 et a été confirmée dans les rapports Monti en 1996. La Commission a

proposé une stabilisation, voire une réduction des prélèvements obligatoires et une

modification de leurs structures qui aura une incidence sur la politique d’harmonisation.

Elle a également suggéré une coordination des politiques fiscales nationales pour infléchir la

tendance générale d’accroissement des prélèvements et recentrer la pression fiscale sur le

revenu du capital afin d’alléger la taxation des revenus salariaux.

Il en résulte qu’à la fin des années 1990, on se trouve dans une situation de blocage des

directives en ce qui concerne le rapprochement de la fiscalité directe.

B. L’harmonisation adéquate

Nous voyons bien que la fiscalité directe a souffert des non-dits du Traité de Rome. Et plus

particulièrement sur le thème qui nous intéresse. En effet, la fiscalité du revenu des personnes

physiques est et a toujours été considérée par certains Etats comme hors du champ

d’application du Traité. Comme le dit parfaitement un auteur ce n’est qu’en tant qu’ « homo

economicus »104 qu’une personne physique verra sa fiscalité examinée sous le prisme

communautaire. Ce n’est qu’indirectement, c'est-à-dire qu’en tant qu’acteur économique et

pas sous les traits d’un contribuable, qu’une personne physique et sa situation fiscale seront

atteintes par le droit communautaire.

de distinction. En réalité, la cause réelle des obstacles liés à la « frontière » est due à la territorialité des lois fiscales. Pour davantage de détails sur les notions de résident et de non-résident : cf. Titre 1, Chapitre 1, Section 1. 104 Berlin (Dominique), Juris-classeur Europe, fasicule1611, point n° 44.

56

Cependant, la Commission, tout en veillant à ce que la fiscalité appliquée aux personnes

physiques ne contrevienne pas au droit communautaire, a toujours affirmé qu’elle

n’envisageait pas l’harmonisation de l’impôt sur le revenu des personnes physiques105.

Par voie de conséquence, le contribuable introduisant une dose d’extranéité dans sa situation

tant professionnelle que personnelle, ne peut se référer à une base juridique communautaire

autonome pour voir son statut être respecté et sanctionné On peut donc affirmer que pour la

protection de ses droits il n’est pas dans une situation optimum.

Mais de quelle type d’harmonisation notre contribuable personne physique pourrait-il tirer

davantage de profit ? Aussi faut-il distinguer entre l’harmonisation du régime de l’impôt et

celle du niveau de taxation :

-L’harmonisation du régime de l’impôt

Il s’agit évidemment de la méthode la plus complète d’harmonisation en matière de fiscalité

directe. Cette méthode consiste à harmoniser les règles nationales applicables aux situations

transnationales : seule la fiscalité des opérations transfrontalières va faire l’objet d’une

harmonisation. Ainsi l’harmonisation a consiste a imposé un régime communautaire aux Etats

membres.

-L’harmonisation du niveau de taxation

A la différence de l’harmonisation du régime de l’impôt, la méthode s’attaquant au niveau de

la taxation semble plus respectueuse de l’autonomie fiscale des Etats membres. Cette

affirmation ne vaut que si, seul, le niveau de taxation fait l’objet d’une harmonisation, sans

que la structure de l’impôt ne soit touchée. De sorte que les différences de structures des

fiscalités nationales peuvent subsister pourvu que l’impôt applicable au contribuable

s’établisse dans chaque état à un niveau identique ou du moins similaire.

§.2 L’absence de fondement juridique spécifique à la fiscalité directe dans le Traité

A. Les dispositions fiscales du Traité

105 Réponse à une question écrite adressée à la Commission, n° 127/87, JOCE du 8 octobre 1987, n° C-270, p. 65.

57

Un seul article du Traité de Rome vise la fiscalité directe : il s’agit de l’article 92 (ex-article

98). Il faut tout de suite nuancer le propos106 car il ne s’agit que d’une référence a contrario. Il

impose aux Etats membres une sorte de code de « bonne conduite » fiscale afin que les Etats

ne réintroduisent, par le biais d’exonérations et de remboursements à l’exportation, les

mesures protectrices de leur économie nationale au moyen de leur fiscalité indirecte en

général. Signalons également que cette article n’a jamais trouvé à s’appliquer et qu’il est bien

peu probable que cet article puisse constituer de base juridique spécifique à l’action de la

Communauté en matière d’impôts directs.

Les autres dispositions fiscales du Traité, articles 90, 91 et 93 (ex-articles95, 96 et 99), sont

muettes. Ainsi, la fiscalité directe semble fondamentalement relever de la compétence

exclusive des Etats. Ce qui est confirmé par l’article 293 du Traité (ex-article 220)107 : « Les

Etats membres engageront entre eux, en tant que de besoin, des négociations en vue

d’assurer, en faveur de leurs ressortissants : (…) l’élimination de la double imposition à

l’intérieur de la Communauté ».

B. Le rapprochement des législations

La fiscalité directe est de fait reléguée au nombre des : « dispositions législatives,

réglementaires et administratives des Etats membres qui ont une incidence directe sur

l’établissement ou le fonctionnement du marché commun »108. Elle relève donc du processus

de rapprochement des législations prévu à l’article 94 (ex-article100) TCE.

Dans cette perspective les Etats de l’Union ne sont soumis qu’à l’article 10 (ex-article 5) qui

institue un devoir de loyauté afin de ne pas « mettre en péril la réalisation des buts du (…)

traité ». Les Etats ont l’obligation de ne pas inclure dans leurs législations fiscales

respectives, ou d’y laisser perdurer, toutes dispositions entrant en conflit, dans les domaines 106 GEST (Guy), « Les contraintes d’origine communautaire en matière de fiscalité directe », RFFP, 1997, n° 60, p. 110. 107 Cf. Section 2, §1. 108 Article 94 (ex-article 100) TCE.

58

relevant de la compétence de la Communauté, avec celles du droit communautaire. En

d’autres termes il s’agit ne pas affecter le contenu de l’effet utile.

Dans le doit originaire, la fiscalité directe peut ainsi interférer avec la libre circulation des

personnes ou la prohibition des discriminations à raison de la nationalité.

Mais au-delà du traité, cette surveillance des fiscalités nationales s’étend aux dispositions

invocables des règlements ou directives intervenus pour l’application du traité, dans tous les

domaines où la Communauté dispose d’une compétence normative.

L’article 94 (ex-article 100) impose aux instances communautaires de recourir à la directive.

Or, la directive n’est sans doute pas le moyen le plus efficace du rapprochements des fiscalités

directes109. Trois principes gouvernent son adoption et ils représentent autant de contraintes à

l’action fiscale de la Communauté :

-le principe du vote à l’unanimité,

-le principe de subsidiarité,

-le principe de proportionnalité.

Mais avant de développer ces trois points, il faut noter que l’article 94 (ex-article 100) ne

confère pas une habilitation générale pour entreprendre toute harmonisation jugée utile : la

Commission et le Conseil doivent démontrer que la disparité de certaines législations en

matière de fiscalité directe avait « une incidence directe sur l’établissement ou le

fonctionnement du Marché commun » afin de justifier l’applicabilité de l’article 94 (ex-article

100) comme fondement juridique au rapprochement envisagé.

1. Le principe du vote à l’unanimité

109 G. GEST, « Réforme fiscale Les contraintes d’origine communautaire en matière de fiscalité directe », RFFP, n°60, novembre 1997, p.112.

59

Le vote à l’unanimité est la disposition qui a sans doute le plus bloqué le rapprochement des

législations nationales en matière fiscale. L’article 95 (ex-article 100A), introduit en 1986

dans le traité par l’Acte unique, organise ce rapprochement à la majorité qualifiée, mais pas en

matière fiscale. Il est question depuis longtemps en Europe d’y inclure la fiscalité, mais ce

débat n’a toujours pas trouvé de consensus. Soucieux de préserver autant que possible leur

souveraineté en matière fiscale, les Etats attachent à cette règle une grande importance.

M.MONTI avait proposé de ne conserver l’unanimité que pour les « décisions cruciales »,

laissant le vote à la majorité qualifiée pour les décisions les moins stratégiques110.

La règle de l’unanimité en matière fiscale aboutit à bloquer le processus de rapprochement

des législations des Etats membres. De nombreux projets de la Commission sont sur le bureau

du Conseil. Pour sortir de l’impasse que créée la règle de l’unanimité, des efforts ont été

entrepris à la fin de l’année 2000 pour généraliser le vote à la majorité qualifiée. Mais le traité

de Nice adopté le 11 décembre 2000 n’a pas étendu cette dernière procédure au domaine de la

fiscalité. Devant l’opposition formelle du Royaume-Uni, il a été décidé de renvoyer à 2004

pour rouvrir le débat sur l’abandon du vote à l’unanimité111.

Un auteur112 doute du succès de l’instauration du vote à la majorité qualifiée pour deux

raisons :

- en premier lieu, depuis la mise en place de l’Union économique et monétaire, le seul levier

économique dont dispose les Etats membres est celui de la fiscalité, en effet, selon lui, la

création de la monnaie unique fait ainsi émerger un nouveau paradoxe dans la construction

européenne alors qu’elle exigerait une coordination fiscale accrue des Etats membres, elle

engendre, dans le même temps, une réaction de renforcement du sentiment de souveraineté

fiscale ;

- en second lieu, il semble difficile d’envisager comment, dans le cadre d’une Europe élargie à

de nouveaux Etats, il sera possible de parvenir à un accord dans un domaine aussi sensible.

110. MONTAGNIER (Gabriel), « Harmonisation fiscale communautaire », RTDE, oct.-déc. 1999, n°4, p. 742. 111 LACOUDRE (A), « Harmonisation fiscale européenne : une fin de millénaire laborieuse », LPA, 20 février 2001, n° 36, p. 4. 112 MERLAND (Guillaume), « La coordination de la fiscalité de l’épargne : un exemple de la difficulté de la construction européenne », RTDE, oct.-déc. 2003, p. 637.

60

2. Le principe de subsidiarité

L’article 5§2 (ex-article 3B) TCE précise que « dans les domaines qui ne relèvent pas de sa

compétence exclusive, la Communauté n’intervient, conformément au principe de

subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs envisagés ne peuvent être réalisés de

manière suffisante par les états membres et peuvent donc en raison des dimensions ou des

effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire ». Comme dans

tous les domaines où la Communauté peut intervenir mais où les Etats conservent une

compétence de principe, l’exercice par les instances communautaires de leurs compétences

fiscales se trouve régulé par le principe de subsidiarité.

En d’autres termes, ce principe revient à rechercher le meilleur lieu de décision.

3. Le principe de proportionnalité

L’article 5§3 (ex-article 3B) TCE dispose que : « L’action de la Communauté n’excède pas ce

qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du présent traité ». Ce principe implique que

l’intervention communautaire ne doit pas aller au-delà de ce qui est requis pour mettre en

œuvre les principes communautaires.

Si ces principes justifient et fondent une harmonisation fiscale, il n’est pourtant pas

négligeable de noter que ces trois mêmes principes peuvent être l’objet d’un blocage

politique.

La subordination de toute tentative d’harmonisation à la règle de l’unanimité et au principe de

subsidiarité laisse penser que l’Europe était dans une situation de quasi-blocage de

l’harmonisation des fiscalités directes113.

113 G. GEST, « Réforme fiscale Les contraintes d’origine communautaire en matière de fiscalité directe », Revue française de finances publiques, n°60, novembre 1997, p.113.

61

Pour conclure on peut donc observer que le contribuable communautaire ne peut s’appuyer

sur aucune règle spécifique qui pourrait lui être appliquée ; et cela ne semble pas aller en

s’améliorant. Une solution reviendrait à modifier toute la logique de l’harmonisation de la

fiscalité directe en abandonnant notamment le principe de l’unanimité.

Et même, notre contribuable communautaire se satisferait d’une simple organisation des

cadres fiscaux nécessaires au plein exercice des libertés du Traité dont il peut faire usage.

§.3 L’insuffisance de l’harmonisation prétorienne

Comme pour toute juridiction, il n’entre pas dans la mission de la CJCE de construire des

édifices fiscaux. De ce fait, l’harmonisation prétorienne est imprévisible et par nature

rétroactive. Elle ne permet pas aux opérateurs économiques de prévoir les conséquences

fiscales de leurs actes ; aussi est-il nécessaire de faire appel au contentieux.

La Cour ne fait pas le droit : elle ne dispose pas des moyens d’atténuer les conséquences

budgétaires de ses décisions. Tels que des périodes transitoires ou des dérogations

sectorielles. Seules les Etats membres disposent, soit par voie de convention bilatérale soit par

voie de directive communautaire, des moyens pour définir une harmonisation fiscale

concertée et organiser ainsi le prolongement fiscal des libertés du Traité.

Aussi, une méthode d’harmonisation fiscale d’origine prétorienne manque de précision. Par

exemple, à partir de quel seuil, un non-résident peut être assimilé à un résident fiscal : faudra-

t-il se fier aux dispositions d’une convention bilatérale, à celles de la communication de la

Commission de 1993 ou à l’appréciation souveraine des juges nationaux ?

Enfin, un autre inconvénient majeur est exposé par Guillaume Goulard, commissaire du

gouvernement114, en posant la question de l’absence d’harmonisation fiscale dans l’Union

européenne, il constate à juste titre qu’il est pour le moins paradoxal que les Etats membres

aient échoué à harmoniser leurs fiscalités directes, et que la jurisprudence de la Cour de

114 Conclusions de Guillaume Goulard sur CE Ass., 14 décembre 2001, M. Lasteyrie du Saillant, req. n° 211341, RJF 2/02, p. 112.

62

justice interdise, dans les faits, toute restriction à la sortie du territoire. En effet, en privant les

Etats d’instruments de lutte contre l’évasion fiscale, la jurisprudence de la Cour de justice

conduit à ce que, dans les faits, la concurrence fiscale s’exacerbe, au prix d’un nivellement

par le bas des outils de taxation : en d’autres termes, ce que les politiques n’ont pas su ou

voulu faire, les juges européens sont en train de le réaliser.

Section 2 : L’action complémentaire des Etats membres

Parallèlement à l’action de la Commission européenne pour harmoniser les législations

fiscales nationales et tenter de définir une véritable politique fiscale, le droit communautaire

permet aux Etats membres de compléter cette action par l’adoption de conventions

internationales afin d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur et se faisant

améliorer la protection du contribuable communautaire.

L’action des Etats membres s’est d’ailleurs portée sur la conclusion de conventions fiscales

bilatérales, alors qu’une approche multilatérale paraissait plus appropriée pour assurer de

manière uniforme l’élimination des doubles impositions et des discriminations.

§.1 Les conventions de l’article 293 (ex-article 220) TCE

63

L’article 293 (ex-article 220) énonce que : « les Etats membres engageront entre eux, en tant

que de besoin, des négociations en vue d’assurer, en faveur de leurs ressortissants (…)

l’élimination de la double imposition à l’intérieur de la Communauté »115.

Cette disposition figurant dans la partie -dispositions générales et finales- du TCE prévoit

l’utilisation des conventions multilatérales entre les Etats membres afin de faciliter la

réalisation du marché commun, notamment en matière fiscale.

A. Le mécanisme général

Lorsque les autorités communautaires n’ont pas légiféré dans certains domaines énumérés à

l’article 293 (ex-article 220) TCE, les Etats membres sont compétents à titre subsidiaire pour

régler ces questions par voie conventionnelle dès que le bon fonctionnement du marché

commun est en cause. Bien qu’il s’agisse de négociations menées entre les Etats membres de

la Communauté européenne, la Commission comme le Conseil sont généralement à

l’initiative de telles négociations et en suivent la procédure.

A l’issue de la procédure de négociation, les autorités communautaires donnent leur avis sur

le texte adopté.

Cette disposition ne pose donc pas de règles juridiques mais fixe un cadre pour l’adoption de

telles conventions. Dans la mesure où ces conventions ne font pas partie de l’ordre juridique

communautaire stricto sensu du terme mais se rattache au droit international public, la Cour

de justice n’est pas compétente pour les interpréter sauf quand cela est prévu par une clause

compromissoire ou un protocole additionnel et elles ne s’imposent pas aux Etats adhérents au

titre de l’acquis communautaire. Néanmoins, un auteur fait remarquer qu’un « faisceau

d’indices les intègrent au droit communautaire lato sensu » 116, en effet, leur utilisation est

limitée aux Etats membres : ce sont des conventions « fermées »117, leur entrée en vigueur est

subordonnée à la ratification de tous les Etats membres, ou encore par le fait que la signature

de ces conventions a lieu à l’issue d’une réunion du Conseil.

115 Cet article prévoit également cette procédure pour la protection des personnes et des droits individuels, pour la reconnaissance mutuelle des sociétés et pour la reconnaissance et l’exécution des décisions juridictionnelles. 116 SIMON (Denys), Le système juridique communautaire, PUF, coll. Droit fondamental, 3e éd., 2001, p. 343, n° 280. Pour l’auteur, il s’agit d’une source secondaire complémentaire du droit complémentaire. 117 SIMON (Denys), op. cit., p. 343, n° 280.

64

B. Le rôle de l’article 293 (ex-article 220) TCE en matière fiscale

Ainsi, cet article prévoit, pour ce qui nous intéresse, le recours à des conventions entre Etats

membres pour éliminer les situations de double imposition dans la Communauté. A ce jour, il

n’y a qu’une convention fiscale qui a été adoptée sur cette base juridique : il s’agit de la

Convention du 23 juillet 1990 sur l’élimination des doubles impositions en cas de correction

des bénéfices d’entreprises associées118.

Si la directive est adoptée selon une procédure communautaire, la convention est négociée

hors du cadre communautaire sans proposition de la Commission. En outre, contrairement à la

directive, la convention doit faire l’objet d’une ratification préalable des parlements nationaux

pour entrer en vigueur. On voit donc que cette procédure est plus respectueuse de la

souveraineté fiscale des Etats membres et résulte essentiellement d’un compromis

politique119.

Ainsi, parallèlement aux directives et aux règlements, l’article 293 (ex-article 220) TCE

permet d’utiliser une autre méthode que l’harmonisation pour accorder les régimes juridiques

nationaux avec les principes régissant la construction européenne. En effet, vue l’état de

l’harmonisation de la fiscalité directe et plus spécialement de l’impôt sur le revenu des

personnes physiques, cette procédure pourrait faire office de pis-aller afin d’améliorer la

protection de notre contribuable communautaire.

Enfin, comme l’a rappelé la CJCE120, l’article 293 (ex-article220) n’exprime qu’un simple

objectif communautaire, dans la mesure où cette disposition est de nature pragmatique et est

non susceptible de produire un effet direct. Les contribuables ne peuvent combattre les

imperfections résultant de la mise en place par les Etats membres de dispositifs

conventionnels destinés à éviter la double imposition, dès lors que ces dispositifs ne

118 Convention n° 90/436/CEE, JOCE, n° L 225 du 20 août 1990, p. 10. Les Etats membres ont signé un protocole modifiant la convention au Conseil Ecofin du 25 mai 1999, JOCE, n° C 202 du 16 juillet 1999. 119 L’adoption de la convention faisait suite au refus de certains Etats membres de la directive en tant qu’acte approprié pour la coordination des législations fiscales nationales. 120 CJCE, 12 mai 1998, Gilly, aff. C-336/96, Rec., p. I-2793.

65

permettent pas d’éliminer en totalité la double imposition à laquelle peut être sujet un

ressortissant communautaire.

§.2 Les conventions fiscales bilatérales

La multiplication des échanges créée de plus en plus de situation qui ne relèvent plus d’une

seule souveraineté fiscale ce qui explique la multiplication des sources internationales du droit

fiscal121. Ainsi, nous allons voir ce que le réseau des conventions fiscales bilatérales entre

Etats membres peut apporter au statut du contribuable communautaire.

A. Les relations des conventions conclues entre Etats membres avec les normes

communautaires

1. Les conventions antérieures au TCE

Si une convention signée entre Etats membres avant l’entrée en vigueur du Traité entre en

conflit avec celui-ci, la Cour estime que les Etats membres doivent respecter leurs

engagements communautaires sur la convention contraire au nom de la primauté du droit

communautaire122.

2. Les convenions postérieures au TCE

121 MARTINEZ (Jean-Claude) et DI MALTA (Pierre), Droit fiscal contemporain, Tome 1 : L’impôt, le fisc, le contribuable, 1986, p. 63. 122 CJCE, 26 janvier 1986, Commission c/ France, aff. 270/83, Rec., p. 285.

66

L’article 10 (ex-article 5) TCE oblige les Etats membres à prendre toutes les mesures

générales pour assurer l’exécution des obligations communautaires. Par voie de conséquence,

cette disposition a notamment pour objet de dissuader les Etats membres de conclure entre

eux des conventions comportant des dispositions contraires au droit communautaire. Dans

l’hypothèse où un tel conflit serait susceptible d’apparaître, la primauté du droit

communautaire l’emporterait. Cette priorité du droit communautaire a d’ailleurs été

expressément énoncée dans la convention de Luxembourg du 15 décembre 1975 et la

convention de Rome du 19 juin 1980, négociées sur la base de l’article 293 (ex-article 220).

Ainsi, en matière de fiscalité directe, les Etats membres peuvent recourir à des conventions

fiscales en l’absence d’harmonisation des règles fiscales nationales. Cependant, ils sont tenus

de respecter le droit communautaire en évitant de créer toute forme de discrimination.

B. Le droit international conventionnel ne garantit pas une protection optimale du

contribuable

1. L’affaire Epoux Gilly123

La démarche suivie par la Cour de justice dans cette affaire illustre la carence du droit fiscal

communautaire en matière d’élimination des doubles impositions sur le revenu et d’égalité de

traitement fiscal face aux différents systèmes d’imposition étatiques.

a. Les faits

M. Gilly a la nationalité française et travaille comme professeur de l’enseignement public en

France. Son épouse, à l’origine de nationalité allemande et ayant acquis la nationalité

123 CJCE, 12 mai 1998, Epoux Gilly, aff. C-336/96, RJF, 1998, n° 890.

67

française par mariage, travaille comme institutrice dans l’enseignement public en Allemagne.

Le couple réside en France.

Les revenus de Mme Gilly ont été imposés en Allemagne comme le prévoit la convention

fiscale franco-allemande, car il s’agit de rémunérations publiques et qu’elle possède la

nationalité allemande. Ces mêmes revenus sont également imposés en France, mais

bénéficient, au titre des impôts acquittés à l’étranger, d’un crédit d’impôt égal au montant de

l’impôt français correspondant à ces revenus.

Ainsi, les époux Gilly soutiennent que l’application des dispositions de la convention franco-

allemande entraîne, concernant leur situation, une taxation excessive et discriminatoire,

incompatible notamment avec les articles 12 (ex-article 6), 39 (ex-article 48) et 293 (ex-article

220) du Traité. En effet, le crédit d’impôt dont bénéficie les Gilly en France est inférieur à

l’impôt acquitté en Allemagne dans la mesure où Mme Gilly y est imposée comme si elle était

célibataire.

b. Compatibilité de la convention fiscale franco-allemande avec l’article 39 (ex-article

48) TCE

L’essentiel de l’apport de cet arrêt réside dans le fait que la Cour se prononce sur la

compatibilité entre les dispositions d’une convention fiscale bilatérale et un article du Traité.

Elle va juger que les inégalités d’imposition et les surtaxations qui résultent des dispositions

conventionnelles ne sont pas incompatibles avec les dispositions de l’article 39 (ex-article 48)

TCE.

La Cour relève d’abord la carence des dispositions textuelles de source communautaire visant

l’égalité de traitement fiscal. L’article 293 (ex-article 220) TCE prescrivant notamment

comme objectif l’élimination des doubles impositions n’a pas d’effet direct et ne confère

aucun droit dont les particuliers pourraient se prévaloir devant leurs juridictions nationales.

Aussi, l’article 12 (ex-article 6) TCE, qui interdit toute discrimination en raison de la

nationalité n’est pas susceptible d’être invoqué lorsqu’il existe des dispositions particulières

dans le Traité qui mettent en œuvre, dans un domaine déterminé, ce principe général. Cet

68

article s’applique donc de manière autonome que quand le Traité ne prévoit pas de règles

spécifiques de non-discrimination.

Dès lors face à cette carence du droit communautaire, la Cour approuve la référence faite par

cette convention124 à divers critères de rattachement dont celui de la nationalité, pour répartir

les compétences fiscales entre les Etats, alors qu’une telle référence paraît non pertinente au

regard du droit communautaire.

Enfin, la Cour de justice va affirmer que : « l’objet des conventions fiscales internationales

sur les doubles impositions (…) n’est pas de garantir que l’imposition à laquelle est assujetti

le contribuable dans un Etat ne soit pas supérieure à celle à laquelle il serait assujetti dans

l’autre »125.

La Cour reconnaît ainsi la marge de manœuvre des Etats en matière de fiscalité directe ce qui

se traduit dans les faits à une surtaxation.

2. L’action de la Cour en vue de limiter les entraves résultant des conventions elles-

mêmes

En plus de ne pas garantir une protection satisfaisante, la différence de traitement fiscal entre

ressortissants communautaires peut résulter de l’application d’une convention fiscale.

L’hétérogénéité du réseau conventionnel, découlant de l’éclatement de la lutte contre la

double imposition au sein de la Communauté, peut ainsi dans certains cas produire des

entraves fiscales à l’exercice par les contribuables des libertés fondamentales du Traité.

La situation est simple : deux Etats membres concluent une convention fiscale qui octroie

certains avantages fiscaux ou le bénéfice d’une clause de non-discrimination aux seuls

124 Les dispositions en cause dans la convention franco-allemande s’inspirent de la pratique internationale et notamment du modèle de convention élaboré par l’OCDE. 125 Point 46 de l’arrêt.

69

nationaux126 des Etats contractants au détriment d’autres ressortissants communautaires

établis dans l’un des ces deux Etats. Que la discrimination selon la nationalité provienne

d’une législation nationale ou d’une convention fiscale bilatérale, l’entrave à une liberté du

traité est constituée.

Dans l’affaire Schumacker127, la Cour de justice va censurer une entrave fiscale à l’exercice

de la libre circulation des travailleurs, en appliquant l’égalité de traitement qu’implique cette

liberté, par référence au dispositif d’une convention fiscale conclue entre Etats membres128.

La Cour s’appuie sur cette convention pour conclure qu’entre l’Allemagne et la Belgique le

même régime aurait dû être appliqué, afin de ne pas créer d’entrave à la libre circulation des

travailleurs. Cette affaire illustre un renforcement du lien entre les conventions fiscales

internationales et le droit communautaire.

La Cour, tirant les conséquences de sa jurisprudence, va condamner les entraves pouvant

résulter des conventions fiscales bilatérales conclues entre Etats membres. Elle va étendre

l’obligation de traitement national inhérente à l’exercice des libertés fondamentales jusqu’au

bénéfice des conventions fiscales129.

Les ressortissants communautaires sont ainsi fondés à se prévaloir du bénéfice des

conventions conclues par l’Etat membre, sur le territoire duquel ils usent de leur liberté de

circuler, avec un autre Etat membre.

CONCLUSION :

126 La circonstance que les conventions réservent parfois leur champ d’application aux résidents et non aux ressortissants des Etats signataires ne changent pas fondamentalement la problématique car comme nous l’avons vu l’utilisation du critère de la résidence peut parfois cacher une discrimination déguisée aboutissant dans les faits à un résultat identique à celui d’une discrimination en raison de la nationalité. 127 CJCE, 14 février 1995, Schumacker, aff. C-279/93, Rec., p. I-225. 128 TRACANELLI (Christophe), « L’interaction entre les libertés économiques fondamentales du Traité de Rome et les conventions fiscales bilatérales », RFEDIA 2004, n° 136, p. 10. 129 CJCE, 18 novembre 1999, X AB et Y AB, aff. C-200/98, Rec., p. I-8261.

70

Ainsi est mis en exergue l’importance des conventions bilatérales dans l’élaboration du

marché intérieur. Les conventions peuvent en effet lever les obstacles à la libre circulation au

sein de l’Union européenne ou au contraire en dresser130.

CHAPITRE 2nd : Sanction de la violation de ces droits : le contentieux fiscal

communautaire

130 SCHAFFNER (Jean), « L’arrêt Schumacker du 14 février 1995 : synthèse de la jurisprudence fiscale de la CJCE en matière de libre circulation des travailleurs », RAE 1995/2, p. 98.

71

Sans sanction, l’efficacité d’une règle juridique est réduite à peau de chagrin. L’œuvre de la

Cour de justice menant à la consécration d’un statut supranational au bénéfice des

contribuables nationaux exige qu’il soit respecté par les Etats membres.

Ainsi, la Cour doit admettre le droit du contribuable lésé à obtenir une réparation plus large

que la seule décharge, par le juge national -juge communautaire de droit commun-, des

impositions établies selon des modalités incompatibles avec le droit communautaire.

Lorsqu’un impôt national a été perçu en violation du droit communautaire, les particuliers ont

droit au rétablissement de leurs situations juridiques et financières. Cependant le droit à la

répétition de l’indu est entendu de manière restrictive par la Cour.

Nous allons voir dans cet ultime chapitre que l’action de la Cour de justice visant à faire

respecter la primauté du droit communautaire renforce le statut du contribuable

communautaire

Section 1 : Le droit au remboursement et la réparation

§.1 Les fondements

A. L’immédiateté du droit communautaire

Tout le droit communautaire bénéficie en principe d’une caractéristique que l’on peut

appeler : l’immédiateté ou l’effet immédiat. Ce qui signifie qu’il ne nécessite aucune

médiatisation par une quelconque norme nationale131. La CJCE a clairement énoncé que le

traité de Rome se différencie des traités internationaux car il institue « un ordre juridique

131 CJCE, 3 avril 1968, Firma Molkerei-Zentrale, aff. 28/67, Rec., p. 211.

72

propre intégré au système juridique des Etats membres … et qui s’impose à leurs

juridictions »132 Il en va de même pour les directives dont les mesures de transposition dans

l’ordre interne ne s’apparentes pas à une opération de réception. Le juge national reconnaît

que leur seule publication les intègre dans la légalité interne133. Le droit communautaire fait

partie du droit national. Cette caractéristique du droit communautaire consacre une approche

moniste des relations entre ce droit et celui des Etats membres. En effet, les mécanismes de

réception inhérents à la logique dualiste qui imprègnent certains systèmes constitutionnels des

Etats membres sont en quelque sorte « neutralisés »134.

B. L’effet direct du droit communautaire

Le droit communautaire possède une aptitude virtuelle à produire des effets qui affectent la

situation juridique des ressortissants communautaires. A la lecture du traité aucune disposition

ne parle d’effet direct ou d’applicabilité directe. C’est la CJCE qui va énoncer la justification

de l’effet direct135. La logique communautaire implique que les justiciables puissent se

prévaloir du droit communautaire devant les tribunaux nationaux qui doivent protéger et

sauvegarder les droits issus du droit communautaire. La Communauté européenne engendre

un nouvel ordre juridique dont les sujets sont les Etats membres mais également les

particuliers.

La norme communautaire doit répondre à certains critères pour qu’elle puisse produire un tel

effet direct c'est-à-dire qu’elle puisse être appliquée par les juridictions nationales. Puis nous

verrons les différentes normes communautaires au regard de l’effet direct.

1. Les critères de l’effet direct

132 CJCE, 15 juillet 1964, Costa, aff. 6/64, Rec., p. 1141. 133 CE Ass., 22 décembre 1978, Cohn-Bendit, Leb., p. 524. 134 SIMON (Denys), Le système juridique communautaire, PUF, coll. Droit fondamental, 3e éd., 2001. 135 CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, aff. 26/62, Rec., p. 1.

73

Pour qu’une norme soit directement applicable il faut qu’elle soit :

- claire et précise

- inconditionnelle

- juridiquement complète (ce qui signifie applicable sans intervention complémentaire des

Etats membres ou de la Communauté).

Concernant cette dernière condition, ne fait obstacle à l’effet direct, que l’existence d’un

pouvoir discrétionnaire des autorités dans la mise en œuvre du droit communautaire ; alors le

juge ne peut se substituer à l’Etat136.

Il s’agit là de simples conditions techniques qui doivent être réunies afin que le juge national

puisse appliquer effectivement la norme communautaire.

2. Les principales normes communautaires au regard de l’effet direct

a. Le droit originaire : les dispositions des traités constitutifs n’ont un effet direct que si elles

remplissent les critères dégagés par la Cour. Ainsi, certains articles n’ont pas d’effet direct

(ceux conférant une compétence discrétionnaire aux Etats membres) ; aussi certaines

dispositions n’édictent aucune obligation. Mais les articles ayant explicitement pour

destinataires les ressortissants de la Communauté ont un effet direct. Les articles 39 (ex-

article 40)137 et 43 (ex-article 52)138 possèdent cette qualité.

b. Les règlements : leur applicabilité directe est prévue par le traité de Rome. En effet,

l’article 249 (ex-article 189) dispose que : « Le règlement … est directement applicable dans

tout Etat membre ». Ils ont un effet direct par eux-mêmes comme l’a reconnu la Cour dans

l’arrêt « Politi »139.

c. Les directives : a priori elle nécessite une intervention des Etats membres : en d’autres

termes une mesure de transposition comportant une marge d’appréciation. Cette dernière

caractéristique est un obstacle à l’effet direct. Mais progressivement la CJCE a inversé sa

jurisprudence en admettant que dans certaines conditions certaines dispositions de certaines 136 CJCE, 19 novembre 1991, Francovich, aff. C-6/90, Rec., I-5403. 137 CJCE, 12 décembre 1974, Walrave, aff. 36/74, Rec., p. 1420. 138 CJCE, 21 juin 1974, Reyners, aff. 2/74, Rec., p. 631. 139 CJCE, 14 décembre 1971, Politi, aff. 43/71, Rec., p. 1039.

74

directives étaient susceptibles de produire un effet direct140. Cependant la directive n’aura un

effet direct que dans un contexte « pathologique » ; c'est-à-dire dans les seules hypothèses où

un Etat membre aurait omis ou adopté des mesures non conformes à la directive. Cela dans le

souci de sanctionner indirectement le non-respect des Etats de leurs obligations de transposer

correctement et dans le délai imparti. Aussi, l’invocabilité de la directive est toujours

subordonnée au fait que les dispositions en cause remplissent les conditions techniques de

l’effet direct. L’affaire « Francovich »141 en est une bonne illustration. L’Italie n’avait pas

transposé une directive qui offrait aux Etats membres le choix entre trois systèmes

d’indemnisation si des salariés n’étaient pas payés après la faillite de leur entreprise. Ainsi,

une marge d’appréciation était laissée aux Etats quant au débiteur et donc faisait obstacle à

l’effet direct : la norme n’était pas juridiquement complète.

C. La primauté du droit communautaire

Les traités communautaires ne comportent aucune disposition exprimant la supériorité du

droit originaire ou dérivé par rapport aux droits nationaux des Etats membres. En droit

international classique si un Etat ne respecte pas un traité, la sanction interviendra dans l’ordre

international et non dans l’ordre interne. En réalité, les Etats ont le choix dans l’ordre interne :

tout dépend du choix constitutionnel c'est-à-dire entre le monisme et le dualisme. Pour

exemple en France la Constitution, par son article 55, opte pour un système moniste…alors

que dans un système dualiste les deux ordres juridiques sont étanches il faut donc une norme

de réception interne. Ainsi, si on applique cela au droit communautaire, les normes auraient

dans chaque Etat membre la place hiérarchique déterminée par chaque Constitution interne

comme pour les traités classiques, or cette solution est jugée incompatible avec les exigences

du droit communautaire.

Le fondement de la primauté va être recherché dans les caractères économiques de la

construction. En effet, le droit communautaire doit s’appliquer de la même manière sinon vont

réapparaître les distorsions de concurrence, les délocalisations d’activités économiques…qui

mèneraient à un rétablissement des cloisonnements.

140 CJCE, 4 décembre 1971, Van Duyn, aff. 41/74, Rec., p. 1337. 141 CJCE, 19 novembre 1991, Francovich, aff. C-6/90, Rec., I-5403.

75

Il faut donc admettre le postulat affirmant que le droit communautaire n’est pas du droit

international.

La CJCE a solennellement énoncé ce principe en ces termes : « (…) le droit né du traité ne

pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un

texte quel qu’il soit, sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause

la base de la Communauté elle-même »142.

En fait, le principe de primauté va permettre une unité d’application du droit communautaire

dans les différents pays de l’Union.

§.2 L’autonomie procédurale

Le droit au remboursement et à réparation s’opère en application des voies procédurales

internes. La CJCE a précisé les conditions d’application de ce principe afin de permettre aux

autorités nationales de mettre en œuvre les voies procédurales internes dans le respect des

impératifs communautaires.

A. L’affirmation de l’autonomie procédurale

Le traité CE ne contient aucune disposition relative à une procédure de réparation ou de

restitution. Une fois de plus, la CJCE va pallier ce vide juridique en tirant les conséquences de

l’article 10 du traité (ex-article 5) qui dispose : « Les Etats membres prennent toutes mesures

générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du présent

traité ou résultant des actes des institution de la Communauté. Ils facilitent à celle-ci

l’accomplissement de sa mission. Ils s’abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en

péril la réalisation des buts du présent traité ». De cette disposition, la Cour déduit

qu’ : « (…) en l’absence de réglementation communautaire, il appartient à l’ordre juridique

de chaque Etat membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités

142 CJCE, 15 juillet 1964, Costa, aff. 6/64, Rec., p. 1141.

76

procédurales des recours en justice destinées à assurer la sauvegarde des droits que les

justiciables tirent du droit communautaire »143.

Ainsi, le renvoi au droit national repose sur un article du traité CE et sur la primauté du droit

communautaire qui implique qu’en cas de conflit entre le droit communautaire et le droit

national c’est la norme communautaire qui prévaudra mais la mise en œuvre de cette

prévalence est confiée aux autorités nationales. En, effet la Cour n’a pas le pouvoir d’annuler

un acte juridique interne contraire à la règle communautaire. Ce sont nécessairement les

autorités nationales qui annuleront ou abrogeront, d’où l’autonomie procédurale. Les Etats de

l’Union doivent assurer avec leur propre procédure la garantir effective du respect du droit

communautaire.

Mais ce recours au droit national peut engendrer un défaut de protection des droits que les

particuliers tirent du droit communautaire, voire l’inexistence d’une telle protection. La CJCE

a donc encadré le principe de l’autonomie procédurale.

B. Encadrement du principe

1. La délimitation de l’autonomie procédurale

a. Le principe d’équivalence de la protection juridictionnelle

143 CJCE, 22 janvier 1976, Russo, aff. 60/75, Rec., p. 45.

77

Les règles procédurales applicables à litige concernant l’action en réparation ou en restitution

doivent être aussi favorables que les règles procédurales qui seraient applicables à un litige

interne similaire.

b. Le principe d’effectivité minimale

Il signifie que les règles nationales ne doivent pas rendre pratiquement impossible ou très

difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire144.

c. La notion de délai raisonnable

La Cour fait ici application d’un principe qui lui est cher : la sécurité juridique. Ce dernier

impliquant que la restitution se fasse dans un délai raisonnable.

2. Le principe du recours juridictionnel effectif

Les justiciables ne doivent jamais être privés par l’effet de l’autonomie procédurale d’un

recours effectif. Les juridictions nationales doivent appliquer le droit communautaire « sans

que puisse lui être opposées des règles de droit national quelles qu’elles soient, (…) il

appartient à l’ordre juridique interne de chaque Etat membre de déterminer le procédé

juridique aboutissant à ce résultat »145. Les Etats membres doivent permettre un contrôle

juridictionnel effectif afin de concilier le principe du renvoi au droit national avec les

impératifs du droit communautaire146.

144 CJCE, 27 mars 1980, Denkavit, aff. 61/79, Rec., p. 1226. 145 CJCE, 11 décembre 1973, Markmann, aff. 121/73, Rec., p. 1509. 146 CJCE, 15 mai 1986, Johnston, aff. 222/84, Rec., p. 1651.

78

Le juge national ne doit pas être limité par les conditions de recevabilité du recours par le

droit interne. Ainsi, il doit recevoir favorablement un recours non prévu par les procédures

nationales147.

Un arrêt de la CEDH148 va conclure à la nécessité pour les Etats de prévoir des voies de droit

effectives de nature à protéger les droits que les ressortissants tirent du droit communautaire.

Si cette possibilité n’existe pas, il appartient à l’Etat, en vertu de son obligation de

coopération loyale, de modifier et d’adapter son système juridique à cette exigence

d’effectivité.

Section 2 : Analyse des deux actions

En droit français, les actions en restitution de sommes versées, en paiement de droit à

déduction et en réparation de préjudice subi pour violation d’une règle communautaire

n’étaient pas clairement encadrées.

La Cour de cassation appliquait le régime de la répétition de l’indu une fois que la non-

conformité avec le droit communautaire avait été constatée par la CJCE. Depuis la loi de

finances rectificative pour 1989, les actions en restitution et en réparation relèvent de règles

procédurales communes énoncées à l’article L.190 du LPF.

Ainsi, est expressément prévue la possibilité de recourir à une action fiscale ainsi qu’à une

action en responsabilité pour tirer les conséquences de la non-conformité d’une règle fiscale

nationale avec une norme de droit supérieure.

L’action en remboursement ou en décharge sera envisagée de manière plus technique (§.1)

que celle visant à réparer le préjudice éventuellement subi par le contribuable qui, comme

nous allons le voir, renferme des enjeux bien plus importants et complexes (§.2).

147 CJCE, 3 décembre 1992, Oleificio Borelli, aff. C-97/91, Rec., I-6313. 148 CEDH, 16 avril 2002, SA Dangeville c/ France, req., n° 36677/97, Europe, 2002, août-septembre, n° 309 ; voir également l’ordonnance du TPCIE, 23 novembre 1999, Union de Pequeños Agricultores, Rec. II, p. 3357.

79

§.1 L’action en remboursement ou en décharge

A. Le recours préalable devant l’Administration fiscale

Les recours contentieux en matière fiscale, même fondés sur une contrariété avec le droit

communautaire, contiennent obligatoirement une réclamation administrative préalable devant

le service fiscal compétent. Une demande en restitution portée directement devant le juge sera

naturellement irrecevable. La réclamation doit être présentée par le contribuable qui a seul

qualité pour demander le remboursement.

La juridiction compétente dépend de la nature de l’impôt contesté. Les règles de compétences

en matière fiscale sont posées par l’article L. 199 du LPF. Ainsi, notre contribuable devra

saisir le juge administratif qui est compétent pour les impôts directs et la TVA.

B. Les actions concernées

L’article L. 190 alinéa 2 du LPF vise expressément les réclamations relatives à la réduction ou

à la décharge d’une imposition mise en recouvrement ou d’avis de mise en recouvrement, la

restitution de sommes acquittés sans émission d’un titre exécutoire, l’exercice d’un droit à

déduction, les actions en « reprise de l’indu » en matière fiscale fondées sur la non-conformité

d’une règle nationale avec une règle de droit supérieure.

En revanche, ne sont pas concernés par cette disposition, les recours pour excès de pouvoir et

les actions en responsabilité qui pourraient être engagés et qui auraient le même fondement.

Cette règle de droit supérieure peut émaner de la loi lorsqu’il a été fait application d’un décret

ou d’un arrêté dont la légalité est contestée au regard de cette même loi. Bien entendu, ce peut

aussi être une norme internationale, et notamment communautaire.

L’article L. 190 alinéa 3 du LPF concerne trois catégories d’actions : l’action en restitution

des sommes versées, l’action en paiement des droits à déductions non exercés et l’action en

80

réparation du préjudice subi. Ces actions ne peuvent être exercées que si la non-conformité

d’une règle nationale avec une norme supérieure a été révélée par une décision de justice.

Une instruction fiscale du 10 mai 1990149 précise que la décision de justice peut être nationale

(à condition qu’elle soit insusceptible de recours) ou communautaire sur la base d’un recours

en manquement ou d’un recours préjudiciel

Quand bien même l’article L. 190 alinéa 3 du LPF vise les actions en responsabilité qui

seraient engagées suite au constat par une décision de justice d’une violation du droit

communautaire, elles ne relèveront pas du contentieux fiscal ordinaire. L’Administration,

toujours dans l’instruction fiscale du 10 mai 1990, indique que ces actions se situent sur le

plan du droit commun de la responsabilité de la puissance publique. Cet article pose

simplement, pour ce type d’action, le principe de la réclamation préalable et fixe les règles

relatives à la période répétible.

C. Les délais de réclamation

La loi du 29 décembre 1989 est respectueuse des principes posés par la Cour de justice en la

matière150. En effet, elle renvoie au délai de droit commun pour les réclamations de taxes

perçues en violation du droit communautaire. C’est ce qu’a affirmé la Cour de cassation en

ces termes : « les dispositions nouvelles de l’alinéa 2151 n’ont pas pour effet de rendre

excessivement difficiles les possibilités d’agir en répétition de l‘indu et ne sont pas moins

favorables que les recours similaires de droit interne, lesquels ne sont pas tous régis par la

prescription trentenaire »152.

L’article R.* 196-1 LPF précise que le recours doit être exercé au plus tard le 31 décembre de

la deuxième année suivant celle, selon le cas, de la mise en recouvrement ou encore de la

survenance de l’événement qui permet de contester le bien-fondé de l’impôt.

149 DF, 1990, II, 10023. 150 CJCE, 16 décembre 1976, Rewe-Zentral, aff. 33/76, Rec., p. 1989. 151 De l’article L. 190 du LPF. 152 Cass. com., 13 décembre 1994, Abelsohn, Bull. civ. IV, n° 381 ; RJF, 1995, n° 284 ; DF, 1995, comm. n° 669.

81

Lorsque le contribuable fonde sa réclamation sur une décision de justice constatant la

contrariété de l’imposition avec le droit communautaire, le point de départ du délai court à

compter de cette décision qui constitue -l’événement- visé à l’article R.* 196-1 LPF.

D. La période répétible

Pour les demandes de restitution qui ne sont pas fondées sur une décision juridictionnelle

constatant une incompatibilité avec le droit communautaire, le juge octroie le remboursement

sur quatre ans mais pas au-delà en application de la prescription quadriennale.

Pour les demandes de restitution fondées sur une décision juridictionnelle constatant une

incompatibilité avec le droit communautaire, l’article L. 190 alinéa 3 du LPF dispose que

l’action en restitution ne peut porter que sur une période postérieure au 1er janvier de la

quatrième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue.

E. Les intérêts moratoires

Dans le cadre d’une action fiscale, les intérêts sont calculés en application de l’article L. 208

du LPF. A ce titre, ils courent du jour du paiement de l’impôt litigieux et non à compter de la

date d’assignation ou de la requête.

F. Le sursis de paiement

Lorsqu’un contribuable dépose une réclamation destinée à contester une imposition dont il est

redevable, il n’est pas en principe dispensé d’acquitter cet impôt dans les délais prévus.

82

Cependant, il peut demander le sursis de paiement total ou partiel des sommes réclamées par

l’Administration à condition d’agir dans les délais de réclamation153.

§.2 L’action en réparation pour violation du droit communautaire

Dans son arrêt Francovich154, la Cour avait précisé que les modalités d’exercice de l’action en

responsabilité ne sauraient être moins favorables que celles qui concernent des réclamations

semblables de nature interne et ne sauraient être aménagées de manière à rendre pratiquement

impossible ou excessivement difficile l’obtention de la réparation. Cependant, la mise en

œuvre de ces exigences s’avère bien plus complexe dans le domaine de la responsabilité de la

puissance publique, compte tenu des particularismes nationaux en matière de régime de

responsabilité, que dans le domaine d’une action en remboursement ou en décharge.

Ainsi, nous nous cantonnerons à étudier le cas de la France.

A. L’imputation de la responsabilité

Dans un premier temps, le juge administratif a retenu la responsabilité sans faute pour le non-

respect d’une norme communautaire par l’Administration155. Le requérant fut indemnisé à

raison de la rupture d’égalité des citoyens devant les charges publiques. L’application du

régime de la responsabilité sans faute aux manquements de l’Etat à ses obligations

communautaires n’était pas satisfaisante dans la mesure où un tel manquement se rattache

nécessairement à l’existence d’une faute : ne pas respecter ses engagements communautaires.

Quelques années plus tard, le Conseil d’Etat, avec l’affaire Rothmans, va retenir la

responsabilité pour faute de la puissance publique pour un acte réglementaire pris

illégalement sur la base d’une loi inapplicable pour incompatibilité avec les objectifs d’une

153 Articles L. 277 et suivant du LPF. 154 CJCE, 19 novembre 1991, Francovich, aff. C-6/90, Rec., I-5403. 155 CE, 23 mars 1984, Société Alivar, AJDA, 1984, p. 396.

83

directive156. Cependant, le Conseil d’Etat va déplacer « le centre de gravité de

l’imputation »157. En effet, c’est bien la loi qui est contraire à la directive, toutefois, le

commissaire du gouvernement va dire que la loi n’exprime qu’une faculté en l’espèce et non

une obligation et donc l’origine du dommage résulte du pouvoir réglementaire. Mais selon

une jurisprudence ancienne, la responsabilité du fait des lois est une responsabilité sans

faute158, ce qui dans cette affaire ne pouvait tenir la distance et donc au prix de contorsions

juridiques le Conseil d’Etat a statué dans le sens de son commissaire du gouvernement, c’est-

à-dire a admis la responsabilité pour faute de l’Etat mais en raison d’un acte réglementaire.

En réalité, le responsable fautif était le législateur. Un auteur autorisé écrira même en

évoquant les raisonnements du Conseil d’Etat dans les affaires Alivar et Rothmans : « Ce sont

là des exercices qu’on ne fait qu’une fois »159.

Le problème de l’imputation de la responsabilité va être clarifié par une série de renvois

préjudiciels160, qui l’ont conduit à accentuer l’emprise des contraintes du droit communautaire

sur l’autonomie des régimes nationaux de responsabilité. La Cour va affirmer que le principe

du droit à réparation en cas de violation du droit communautaire « est valable pour toute

hypothèse de violation du droit communautaire par un Etat membre, et quel que soit l’organe

de l’Etat membre dont l’action ou l’omission est à l’origine du manquement ».

Cette solution s’imposait d’autant plus que l’uniformité d’application du droit communautaire

ne saurait dépendre des règles internes de répartition de compétences entre les pouvoirs

constitutionnels nationaux. Le fait que le manquement soit imputable au législateur national

ne remet pas en cause le droit d’obtenir réparation du préjudice causé par ce manquement

devant les juridictions nationales.

B. Une responsabilité pour faute nécessaire

156 CE Ass. 28 février 1992, SA Rothmans international France, AJDA, 1992, p. 210. 157 SIMON (Denys), Le système juridique communautaire, PUF, coll. Droit fondamental, 3e éd., 2001, n° 339. 158CE Ass., 14 janvier 1938, Soc. des produits laitiers La Fleurette, Leb., p. 25. 159 CHAPUS (René), Droit administratif général, Tome 1, Montchrestien, coll. Domat Droit public n ° 1519. 160 Notamment CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du Pêcheur et Factortame III, aff. C-46/93 et C-48/93, Rec., p. I-1029.

84

1. Une reconnaissance fort incertaine

Comme le fait remarquer un auteur, en l’état actuel du droit et conformément à une très

ancienne et forte tradition juridique, le juge n’a pas le pouvoir d’apprécier la validité de la loi

au regard de la Constitution. Ainsi, le juge, poursuit cet auteur, ne saurait traiter le législateur

comme étant l’auteur d’une irrégularité (résultant d’un manquement à la Constitution), c’est-

à-dire comme étant l’auteur d’une faute161.

Si l’on met cela en parallèle avec, un arrêt récent du Conseil d’Etat162 qui vient de reconnaître

que la suprématie des engagements internationaux ne s’appliquent pas dans l’ordre interne

aux dispositions de valeur constitutionnelle, et que le droit communautaire ne saurait

conduire, dans l’ordre interne, à remettre en cause la suprématie de la Constitution ; cela ne

semble pas aller vers une reconnaissance de la responsabilité pour faute du fait des lois.

Car si l’on suit cette logique, comment le juge national pourrait-il clouer au pilori le

législateur face au droit communautaire (c’est-à-dire une norme inférieure), alors qu’il ne peut

selon la tradition juridique française, admettre une faute du législateur même par rapport à la

norme suprême interne : la Constitution.

Cela en méconnaissant sciemment le principe de primauté du droit communautaire qui

implique une soumission de toutes les normes internes ce qui englobe les règles

constitutionnelles.

La protection du statut du contribuable communautaire ne s’en trouve pas renforcé étant

donné que la responsabilité sans faute est subordonnée à des conditions restrictives qui

limitent l’engagement de cette responsabilité fondée sur le principe d’égalité devant les

charges publiques. L’engagement de cette responsabilité nécessite un dommage anormal et

spécial difficile à démontrer.

161 CHAPUS (René), op. cit, même passage. 162 CE, 3 décembre 2001, Syndicat National de l’Industrie Pharmaceutique, DF, 2002, n° 41, comm. 806.

85

2. Une touche d’optimisme : la saga Dangeville

Cette affaire peut laisser nourrir quelques espérances dans le sens du respect des exigences du

droit communautaire et partant au profit du contribuable communautaire.

Tout débute par un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris163qui va reconnaître la

responsabilité pour faute du législateur, celui-ci n’ayant pas transposé à l’époque la 6ème

directive TVA. La société requérante ne put donc bénéficier de l’exemption du paiement de la

TVA. La CAA Paris lui alloua une réparation d’un montant équivalent à la somme versée

indûment par la société. Le préjudice « résultant de la situation illicite » créée par la non-

transposition de la directive.

Rendu en matière fiscale, l’arrêt de la CAA Paris présente une certaine cohérence avec le

régime de responsabilité pour faute du fisc et semble marquer une étape importante vers la

reconnaissance d’un régime de responsabilité pour faute du fait des lois.

Cependant le Conseil d’Etat164 va casser cette décision en se fondant sur le principe de

distinction des contentieux, lequel interdit que soit recherchée, sur le fondement d’une action

en responsabilité, une satisfaction refusée sur le terrain d’un recours spécialisé. La société

requérante avait eu la malchance de saisir le Conseil d’Etat en 1986 dans le cadre d’une

procédure fiscale où elle fut déboutée pour vice de forme en l’absence de saisine préalable de

l’Administration et au motif que les dispositions d’une directive non encore transposée ne

peuvent pas être invoquées directement par un justiciable.

En 1996, le Conseil d’Etat va donc éviter de se prononcer sur le bien-fondé de la solution

retenue par la CAA Paris en déclarant irrecevable une action en responsabilité pour faute pour

laquelle il était demandé le même montant que celui sollicité lors de la procédure en

réparation de l’indu. C’est une application opportuniste du principe de l’exception des voies

de recours parallèles reconnu par la majorité des Etats de l’Union.

163 CAA Paris, 1er juillet 1992, Soc. Jacques Dangeville, DF, 1992, n° 33, p. 1420. 164 CE Ass., 30 octobre 1996, Dangeville, Europe, 1996, décembre, n° 453.

86

Enfin, la société Dangeville va obtenir gain de cause devant la Cour Européenne des Droits de

l’Homme165. La CEDH va constater une violation de l’article 1 du Protocole n° 1 parce que la

société Dangeville a subi une atteinte à ses biens (tenant en une créance sur l’Etat du fait du

paiement indu d’une imposition) non justifiée par un intérêt général de l’Etat. Notons que cet

arrêt est également important sur un autre point de vue166.

On peut donc espérer…le Conseil d’Etat ne pourra pas toujours se retrancher derrière

l’exception de recoure parallèle.

C. Les conditions d’engagement de la responsabilité

Le droit à réparation n’est reconnu que si la règle de droit violée avait pour objet de conférer

des droits aux particuliers, s’il existe un lien de causalité direct entre le fait générateur et le

dommage, et si la violation est suffisamment caractérisée.

La réparation n’existera que dans les domaines où les Etats membres disposent d’une marge

d’appréciation.

L’appréciation de la violation suffisamment caractérisée incombe en principe au juge

national, toutefois la CJCE va encadrer cette mission. Ainsi, elle va déterminer des

hypothèses dans lesquelles la violation sera toujours considérée a priori comme suffisamment

caractérisée. Par exemple, si la CJCE a préalablement condamné un Etat membre en

constatant l’illégalité de son comportement et que néanmoins il persiste dans son

comportement167. Aussi, une violation sera toujours suffisante si elle consiste en une non-

transposition de directive168.

Reste maintenant à tous les Etats membres d’accepter de reconnaître une telle responsabilité,

même au prix d’un bouleversement de quelques traditions juridiques fondées sur l’idée que le

165 CEDH, 16 avril 2002, SA Dangeville c/ France, req., n° 36677/97, Europe, 2002, août-septembre, n° 309. 166 Cf. p. 77. 167 Cass. com., 21 février 1995 United Distillers France, Bull. civ. IV, n° 52, p. 50. 168 CJCE, 8 octobre 1996, Dillenkoffer, aff. C-178/94, Rec., p. I-4845.

87

législateur ne peut mal faire. Le statut du contribuable communautaire en sera d’autant plus

complet.

88

CONCLUSION

Le statut du contribuable dans la jurisprudence de la CJCE se compose des libertés

fondamentales du Traité et du droit de ne pas être discriminé à raison de sa nationalité.

Cependant, « si remarquable que soit la jurisprudence qu’elle a suscitée, l’action des

contribuables et de la Commission en vue de la protection des droits et libertés garantis par

le droit communautaire s’est essentiellement concrétisée par la multiplication des obligations

d’abstention des Etats membres et ne s’est traduite dans les législations fiscales nationales,

étant donné son caractère à la fois défensif et ponctuel, que par des réformes relativement

marginales portant sur des aspects limités des impositions directes »169.

Le statut de contribuable communautaire s’il s’affirme de plus en plus n’en demeure pas

moins fragile et nécessite souvent d’aller au contentieux pour être respecté.

Mais la consécration ultime du statut du contribuable communautaire ne passerai-t-elle pas

par la création d’un impôt européen ?

Il assurerait l’autonomie de la Communauté et permettrait d’établir un lien direct avec les

contribuables170.

Bien entendu les Etats membres ne sont pas encore disposés à accepter ce genre d’initiative et

même l’opinion publique européenne, sensible à toute augmentation de la pression fiscale, ne

comprendrait pas cette nouvelle forme de prélèvement. Or, toute imposition doit faire l’objet

d’un du consentement des contribuables concernés.

Cela ne ferait qu’accentuer l’image négative de l’Europe, ainsi, l’instauration d’un impôt

européen relève du mythe.

Enfin, avec l’élargissement de la Communauté à 25 membres, la consolidation du statut de ce

contribuable communautaire par le biais d’une harmonisation est de plus en plus compromise.

169 GEST (Guy), « Les contraintes d’origine communautaire en matière de fiscalité directe », RFFP, 1997, n° 60, p. 117. 170 CLERGERIE (Jean-Louis), « L’impôt européen : mythe ou réalité ? », LPA 1995, n° 51, p. 20.

89

A moins d’aménager le processus décisionnel en ce domaine (suppression du principe de

l’unanimité), il sera impossible de relayer la Cour de justice dans son œuvre.

90

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94

TABLE DES MATIERES SOMMAIRE LISTE DES ABREVIATIONS PRINCIPALES INTRODUCTION TITRE 1er : L’affirmation des droits du contribuable communautaire : l’émergence du statut CHAPITRE 1er : Les deux facettes du contribuable communautaire Section 1 : Le contribuable opérateur économique §.1 L’article 39 (ex-article 48) TCE : la libre circulation des travailleurs A. Obligations incombant à l’Etat d’emploi 1. Remboursement et déduction a. L’arrêt Biehl b. L’arrêt Bachmann 2. Prise en compte de la situation personnelle et familiale a. L’arrêt Schumacker b. L’arrêt Gschwind c. L’arrêt Zurstrassen B. Obligations incombant à l’Etat se résidence §.2.L’article 43 (ex-article 52) TCE : la liberté d’établissement A. Reconnaissance de la portée fiscale de l’article 43 (ex-article 52) TCE B. Illustrations pour les professions libérales 1. Les discriminations en fonction du lieu de résidence

95

a. L’arrêt Wielockx b. L’arrêt Asscher 2. L’entrave sans discrimination fondée sur la nationalité : l’affaire Lasteyrie du Saillant a. Les faits b. Réponse de la Cour Section 2 : Le contribuable citoyen de l’Union européenne §.1 Le statut de citoyen de l’union européenne A. Les caractères de ce statut 1. La citoyenneté de l’Union : statut fondamental 2. Un statut fondamental et autonome B. Les droits du citoyen de l’Union §.2 Le droit de circuler et de séjourner librement A. Articulation et rapports entre les différents statuts B. L’incidence fiscale du droit de circuler et séjourner librement 1. L’affaire Hugues de Lasteyrie du Saillant 2. L’affaire Egon Schempp CHAPITRE 2nd : La résistance des Etats face à ce statut communautaire : la tentative de justification des entraves. Section 1 : Les raisons impérieuses d’intérêt général §1. La cohérence du système fiscal A. L’unique cas d’acceptation de cette justification : l’arrêt Bachmann B. L’évolution de la Cour de justice par rapport à cette justification 1. La cohérence fiscale n’est pas la panacée 2. L’approche macro-économique de la CJCE §2. La prévention de l’évasion fiscale

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Section 2 : Les autres arguments des Etats §1. Le cas Werner A. les faits B. les deux justifications acceptées 1. L’absence d’extranéité professionnelle 2. La discrimination à rebours §2. L’absence de discrimination fondée sur la nationalité TITRE 2nd : La protection des droits du contribuable communautaire CHAPITRE 1er : Une protection encore insuffisante Section 1 : Une harmonisation de la fiscalité directe à l’état embryonnaire §.1 Le traité et l’harmonisation de la fiscalité A. Historique B. L’harmonisation adéquate §.2 L’absence de fondement juridique spécifique à la fiscalité directe dans le Traité A. Les dispositions fiscales du Traité B. Le rapprochement des législations 1. Le principe du vote à l’unanimité 2. Le principe de subsidiarité 3. Le principe de proportionnalité §.3 L’insuffisance de l’harmonisation prétorienne Section 2 : L’action complémentaire des Etats membres §.1 Les conventions de l’article 293 (ex-article 220) TCE A. Le mécanisme général

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B. Le rôle de l’article 293 (ex-article 220) TCE en matière fiscale §.2 Les conventions fiscales bilatérales A. Les relations des conventions conclues entre Etats membres avec les normes communautaires 1. Les conventions antérieures au TCE 2. Les convenions postérieures au TCE B. Le droit international conventionnel ne garantit pas une protection optimale du contribuable 1. L’affaire Epoux Gilly a. Les faits b. Compatibilité de la convention fiscale franco-allemande avec l’article 39 (ex-article 48) TCE 2. L’action de la Cour en vue de limiter les entraves résultant des conventions elles-mêmes CHAPITRE 2nd : Sanction de la violation de ces droits : le contentieux fiscal communautaire Section 1 : Le droit au remboursement et la réparation §.1 Les fondements A. L’immédiateté du droit communautaire B. L’effet direct du droit communautaire 1. Les critères de l’effet direct 2. Les principales normes communautaires au regard de l’effet direct a. Le droit originaire b. Les directives c. Les règlements C. La primauté du droit communautaire §.2 L’autonomie procédurale A. L’affirmation de l’autonomie procédurale

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B. Encadrement du principe 1. La délimitation de l’autonomie procédurale a. Le principe d’équivalence de la protection juridictionnelle b. Le principe d’effectivité minimale c. La notion de délai raisonnable 2. Le principe du recours juridictionnel effectif Section 2 : Analyse des deux actions §.1 L’action en remboursement ou en décharge A. Le recours préalable devant l’Administration fiscale B. Les actions concernées C. Les délais de réclamation D. La période répétible E. Les intérêts moratoires F. Le sursis de paiement §.2 L’action en réparation pour violation du droit communautaire A. L’imputation de la responsabilité B. Une responsabilité pour faute nécessaire 1. Une reconnaissance fort incertaine 2. Une touche d’optimisme : la saga Dangeville C. Les conditions d’engagement de la responsabilité CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE TABLE DES MATIERES

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