une lésion congénitale cutanée inhabituelle

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Ann Pathol 2004 ; 24 : 453-4 © Masson, Paris, 2004 453 Cas pour diagnostic Accepté pour publication le 05 janvier 2003 Tirés à part : G. Granier, voir adresse en début d’article. Une lésion congénitale cutanée inhabituelle An unusual dermal congenital entity Guillaume Granier (1) , Christine Pignodel (1) , Edith Sabatier-Laval (2) , Jean-Marie Joujoux (1) , Anne-Florence Gaujoux (1) , Heliette Chapuis (1) , Christiane Marty-Double (1) (1) Service d’anatomie et cytologie pathologiques, (2) Service de néonatalogie groupe hospitalier universitaire Carémeau, avenue du Professeur Robert Debré, 30029 Nîmes Cedex 9. Granier G, Pignodel C, Sabatier-Laval E, Joujoux JM, Gaujoux AF, Chapuis H et al. Une lésion congénitale cutanée inhabituelle. Ann Pathol 2004 ; 24 : 453-4. Observation Un nouveau-né âgé de 6 jours a subi l’exérèse d’une lésion cutanée congénitale, molle, polypoïde et pédi- culé mesurant 2 cm de grand axe, appendue au menton. La grossesse s’était déroulé normalement, et cette lésion avait été découverte au cours du troisième trimestre à la suite d’une échographie systématique. Il n’existait aucune autre anomalie morphologique, ni aucun retard de croissance in utero. Histologique- ment, après des techniques de fixa- tion dans l’AFA et une coloration standard en HES, la lésion était revê- tue d’un épiderme d’architecture conservé auquel étaient appendues, dans la région sous épidermique, de nombreuses annexes pilo-sébacées normales, ainsi que des glandes sudorales (figure 1). Le derme papil- laire apparaissait œdémateux, lâche et dissocié par quelques vaisseaux parfois à paroi épaisse. La partie cen- trale de la lésion était entièrement occupée par une prolifération poly- morphe associant adipocytes matu- res, fibres musculaires striées et rameaux nerveux hyperplasiques (figure 2). Ces trois composantes, inti- mement liées, ne présentant toutefois pas d’organisation particulière, ne présentaient aucune atypie cytonu- cléaire ou mitose. Quel est votre diagnostic ? FIG. 1. — Lésion dermique anarchique associant tissu adipeux et fibres musculaires (HES × 40). FIG. 1. — Dermal lesion with adipocytes and striated muscle (HES×40). FIG. 2. — Prolifération de fibres musculaires striées, d’adi- pocytes et de rameaux nerveux (HES × 200). FIG. 2. — Proliferation of striated muscle cells, adipocytes and nerve fibers (HES×200).

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Page 1: Une lésion congénitale cutanée inhabituelle

A n n P a t h o l 2 0 0 4 ; 2 4 : 4 5 3 - 4

© M a s s o n , P a r i s , 2 0 0 4 453

Caspour diagnostic

Accepté pour publication le 05 janvier 2003

Tirés à part : G. Granier, voir adresse en début d’article.

Une lésion congénitale cutanée inhabituelle

An unusual dermal congenital entity

Guillaume Granier (1), Christine Pignodel(1), Edith Sabatier-Laval(2), Jean-Marie Joujoux(1),Anne-Florence Gaujoux(1), Heliette Chapuis(1), Christiane Marty-Double(1)

(1) Service d’anatomie et cytologie pathologiques,(2) Service de néonatalogie groupe hospitalier universitaire Carémeau, avenue du Professeur Robert Debré,

30029 Nîmes Cedex 9.

Granier G, Pignodel C, Sabatier-Laval E, Joujoux JM, Gaujoux AF, Chapuis H et al. Une lésion congénitalecutanée inhabituelle. Ann Pathol 2004 ; 24 : 453-4.

Observation

Un nouveau-né âgé de 6 jours asubi l’exérèse d’une lésion cutanéecongénitale, molle, polypoïde et pédi-culé mesurant 2 cm de grand axe,appendue au menton. La grossesses’était déroulé normalement, et cettelésion avait été découverte au coursdu troisième trimestre à la suited’une échographie systématique. Iln’existait aucune autre anomaliemorphologique, ni aucun retard decroissance in utero. Histologique-ment, après des techniques de fixa-tion dans l’AFA et une colorationstandard en HES, la lésion était revê-tue d’un épiderme d’architectureconservé auquel étaient appendues,dans la région sous épidermique, denombreuses annexes pilo-sébacéesnormales, ainsi que des glandessudorales (figure 1). Le derme papil-laire apparaissait œdémateux, lâcheet dissocié par quelques vaisseauxparfois à paroi épaisse. La partie cen-trale de la lésion était entièrementoccupée par une prolifération poly-morphe associant adipocytes matu-res, fibres musculaires striées etrameaux nerveux hyperplasiques(figure 2). Ces trois composantes, inti-mement liées, ne présentant toutefoispas d’organisation particulière, neprésentaient aucune atypie cytonu-cléaire ou mitose.

Quel est votre diagnostic ?

FIG. 1. — Lésion dermique anarchique associant tissu adipeux et fibres musculaires (HES × 40).

FIG. 1. — Dermal lesion with adipocytes and striated muscle (HES×40).

FIG. 2. — Prolifération de fibres musculaires striées, d’adi-pocytes et de rameaux nerveux (HES × 200).

FIG. 2. — Proliferation of striated muscle cells, adipocytes and nerve fibers (HES×200).

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Guillaume Granier et al. A n n P a t h o l 2 0 0 4 ; 2 4 : 4 5 3 - 4

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Diagnostic : Hamartome mesenchymateuxrhabdomyomateux

L’hamartome mésenchymateux rhabdomyo-mateux (HMR) est une lésion congénitalerare du derme et des tissus mous. Moinsd’une trentaine de cas ont été rapportéesdans la littérature. La lésion se localise pré-férentiellement à la face et au cou. Elle secaractérise par l’association d’adipocytesmatures, de muscle strié squelettique et defilets nerveux. Il peut exister également dutissu cartilagineux mêlé au adipocytes. Lederme renferme généralement de nom-breuses glandes eccrines et des annexespilo-sébacées. Cette lésion peut être macro-scopiquement sessile ou pédiculée, uniqueou multiple. Du point de vue histopathogé-nique, cet hamartome semblerait dériver dusecond arc branchial, tout comme les mus-cles orbiculaires des paupières, les musclespeauciers et les muscles orbiculaires deslèvres [1, 2]. Le diagnostic différentiel del’HMR amène à discuter la tumeur bénigneTriton ou l’hamartome neuromusculaire. Latumeur Triton correspond à une proliféra-tion nodulaire de muscle strié, de taillevariable et de fibres nerveuses myéliniséesou non [3]. Elle ne comporte jamais d’adipo-cytes. Le traitement de l’HMR se limite à uneexérèse chirurgicale. La présence d’un telhamartome, quelle que soit sa taille ou salocalisation, ne présume en rien du niveaude développement de l’enfant. La gravité del’HMR réside dans le fait que cette lésion estparfois associée à des malformations oculai-res (coloboma, kystes oculaires, microphtal-mie) ou à un syndrome de Delleman [4, 5].

Le syndrome de Delleman se caractérisepar des colobomes oculaires, des kystesorbitaires, des kystes prosencéphaliques etl’absence de corps calleux. L’incidence detelles malformations associées à l’HMR nepeut pas être établi, en raison du peu de casrapportés. Ces malformations n’ont pas étéretrouvées chez ce nouveau-né à la nais-sance. À 6 mois de vie, l’enfant ne présenteaucun trouble neurologique ou retard psy-chomoteur ■

Key words: rhabdomyomatous mesenchymal hamartome, cuta-neous hamartoma, benign Triton tumor.

Mots-clés : hamartome mésenchymateux rhabdomyomateux,hamartome cutané, tumeur bénigne Triton.

Références

[1] Rosenberg AS, Kirk J et Morgan MB. Rhabdomyo-matous mesenchymal hamartoma: an unusual dermalentity with a report of two cases and review of theliterature. J Cutan Pathol 2002 ; 29 : 238-43.

[2] Ashfaq R, Timmons CF. Rhabdomyomatous mesen-chymal hamartoma of skin. Pediatr Pathol 1992 ; 12 :731.

[3] Kempson RL, Fletcher C, Evans HL, Hendrickson MR,Sibley RK. Tumors of the soft tissues. Washington:AFIP, 2001.

[4] Sanchez RL, Raimer SS. Clinical and histologic fea-tures of striated muscle hamartoma : possible rela-tionship to Delleman’s syndrome. J Cutan Pathol1994 ; 21 : 40.

[5] Ferguson JW, Hutchison HT, Rouse BM. Ocular,cerebral and cutaneous malformations: confirmationof an association. Clin Genet 1984 ; 25 : 464.