tumeurs du rein et des voies excrétrices chez l’enfant

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Tumeurs du rein et des voies excrétrices chez l’enfant P. Devred G. Gorincour B. Bourlière P. Petit K. Lambot C. Coze F. Faure Résumé. Le diagnostic des tumeurs du rein repose sur des éléments cliniques : âge, symptomatologie, et des éléments échographiques : taille de la masse et extension de celle-ci. Le néphroblastome ou tumeur de Wilms est l’étiologie principale de l’âge de 18 mois à 5 ans ; il peut survenir dans un contexte malformatif évocateur. Le diagnostic différentiel avec les autres tumeurs possibles du rein est parfois très difficile ; il repose sur une discussion pluridisciplinaire car la prise en charge thérapeutique en dépend. Les tumeurs de la voie excrétrice sont exceptionnelles ; leur signe d’appel est l’hématurie. Le rhabdomyosarcome vésical est l’étiologie maligne la plus fréquente mais de nombreuses autres tumeurs ou pseudotumeurs ont été rapportées : l’exploration repose sur l’échographie, l’opacification des cavités et l’imagerie par résonance magnétique. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : Tumeurs de l’enfant ; Rein ; Néphroblastome ; Tumeur de Wilms ; Uretère ; Vessie ; Urètre Introduction Les tumeurs du rein de l’enfant ne sont pas exceptionnelles ; elles sont essentiellement malignes et la tumeur de Wilms ou néphroblastome est de loin la plus fréquente ; à l’inverse, à l’âge pédiatrique, les tumeurs des voies excrétrices sont exceptionnelles aussi bien au niveau urétéral qu’au niveau urétral. Des tumeurs ou pseudotumeurs de vessie peuvent se rencontrer ; elles demeurent cependant très rares. Tumeurs rénales Tout radiologiste ayant un exercice polyvalent peut être confronté, dans son exercice habituel, à la découverte et donc au bilan initial d’une masse rénale chez un enfant. [1] Son premier objectif est de rapporter avec certitude l’origine de la masse au rein, puis d’en affirmer la nature tumorale. L’échographie est dans la grande majorité des cas suffisante. Quand il s’agit à l’évidence d’une tumeur, le bilan préthérapeutique doit être réalisé en accord avec l’équipe oncologique pédiatrique qui va prendre en charge l’enfant, et la réalisation d’une tomodensitométrie (TDM) ou d’une imagerie par résonance magnétique (IRM) ne sera contributive que si elle est intégrée dans une réflexion d’équipe. Le diagnostic radiologique a un intérêt majeur puisque la décision thérapeutique d’instaurer une chimiothérapie préopératoire dans le néphroblastome chez l’enfant est prise sans preuve anatomopathologique. Le radiologue a donc une responsabilité essentielle ; il doit : – affirmer qu’il s’agit bien d’une masse d’origine rénale ; – réunir les arguments d’imagerie en faveur du néphroblastome ; – confronter ces arguments avec ceux des cliniciens, pour aboutir ensemble à une proposition diagnostique cohérente. CLASSIFICATION DES TUMEURS DU REIN DE L’ENFANT La tumeur du rein la plus fréquente chez l’enfant est le néphroblastome ou tumeur de Wilms (87 à 90 % des tumeurs rénales), mais dans les premiers mois de la vie, une tumeur bénigne, le néphrome mésoblastique congénital ou tumeur de Bolande, prédomine. Cette approche simplifiée n’est pas fausse ; cependant, elle est insuffisante devant la diversité des formes histologiques progressivement identifiées et décrites expliquant en partie l’hétérogénéité pronostique observée. Ainsi, un certain nombre de classifications ont vu le jour, associant l’histologie et le pronostic. [2, 3, 4, 5] Il existe une classification usuelle reposant sur les données histopathologiques (Tableau 1). En France, les équipes d’oncologie pédiatrique travaillent dans le cadre de la Société internationale d’oncologie pédiatrique (SIOP) ; cette société propose une classification basée sur le pronostic [5] (Tableau 2). Ces classifications montrent la variété des types possibles de tumeurs du rein, avec un pronostic très différent et donc une prise en charge thérapeutique très différente. Nous nous attacherons à préciser, chaque fois que cela est possible, les éléments pouvant intéresser l’équipe prenant en charge l’enfant. NÉPHROBLASTOME Le néphroblastome est donc la tumeur rénale la plus fréquente chez l’enfant (87 à 90 %), sans prédominance de sexe ; le pic de fréquence se situe à 3 ans et demi, mais 15 % sont observés avant l’âge de 1 an et des cas peuvent être observés au-delà de l’âge de 7 ans (2 %), voire même chez l’adulte. P. Devred (Professeur des Universités, praticien hospitalier) Adresse e-mail : [email protected] G. Gorincour (DES) B. Bourlière (Praticien hospitalier) P. Petit (Professeur des Universités, praticien hospitalier) K. Lambot (Chef de clinique-assistant) Service de radiologie pédiatrique, Hôpital d’Enfants de La Timone, chemin de l’Armée-d’Afrique, 13385 Marseille cedex 5, France. C. Coze (Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier) Service d’oncologie pédiatrique, Hôpital d’Enfants de La Timone, chemin de l’Armée-d’Afrique, 13385 Marseille cedex 5, France. F. Faure (Praticien hospitalier) Service de radiologie pédiatrique, Hôpital d’Enfants de La Timone, chemin de l’Armée-d’Afrique, 13385 Marseille cedex 5, France. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 34-117-A-20 (2004) 34-117-A-20

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Page 1: Tumeurs du rein et des voies excrétrices chez l’enfant

Tumeurs du rein et des voies excrétriceschez l’enfant

P. DevredG. GorincourB. BourlièreP. PetitK. LambotC. CozeF. Faure

Résumé. – Le diagnostic des tumeurs du rein repose sur des éléments cliniques : âge, symptomatologie, etdes éléments échographiques : taille de la masse et extension de celle-ci. Le néphroblastome ou tumeur deWilms est l’étiologie principale de l’âge de 18 mois à 5 ans ; il peut survenir dans un contexte malformatifévocateur. Le diagnostic différentiel avec les autres tumeurs possibles du rein est parfois très difficile ; il reposesur une discussion pluridisciplinaire car la prise en charge thérapeutique en dépend. Les tumeurs de la voieexcrétrice sont exceptionnelles ; leur signe d’appel est l’hématurie. Le rhabdomyosarcome vésical estl’étiologie maligne la plus fréquente mais de nombreuses autres tumeurs ou pseudotumeurs ont étérapportées : l’exploration repose sur l’échographie, l’opacification des cavités et l’imagerie par résonancemagnétique.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Tumeurs de l’enfant ; Rein ; Néphroblastome ; Tumeur de Wilms ; Uretère ; Vessie ; Urètre

Introduction

Les tumeurs du rein de l’enfant ne sont pas exceptionnelles ; ellessont essentiellement malignes et la tumeur de Wilms ounéphroblastome est de loin la plus fréquente ; à l’inverse, à l’âgepédiatrique, les tumeurs des voies excrétrices sont exceptionnellesaussi bien au niveau urétéral qu’au niveau urétral. Des tumeurs oupseudotumeurs de vessie peuvent se rencontrer ; elles demeurentcependant très rares.

Tumeurs rénales

Tout radiologiste ayant un exercice polyvalent peut être confronté,dans son exercice habituel, à la découverte et donc au bilan initiald’une masse rénale chez un enfant. [1] Son premier objectif est derapporter avec certitude l’origine de la masse au rein, puis d’enaffirmer la nature tumorale. L’échographie est dans la grandemajorité des cas suffisante. Quand il s’agit à l’évidence d’unetumeur, le bilan préthérapeutique doit être réalisé en accord avecl’équipe oncologique pédiatrique qui va prendre en charge l’enfant,et la réalisation d’une tomodensitométrie (TDM) ou d’une imageriepar résonance magnétique (IRM) ne sera contributive que si elle estintégrée dans une réflexion d’équipe.Le diagnostic radiologique a un intérêt majeur puisque la décisionthérapeutique d’instaurer une chimiothérapie préopératoire dans le

néphroblastome chez l’enfant est prise sans preuveanatomopathologique. Le radiologue a donc une responsabilitéessentielle ; il doit :

– affirmer qu’il s’agit bien d’une masse d’origine rénale ;– réunir les arguments d’imagerie en faveur du néphroblastome ;– confronter ces arguments avec ceux des cliniciens, pour aboutirensemble à une proposition diagnostique cohérente.

CLASSIFICATION DES TUMEURS DU REIN DE L’ENFANT

La tumeur du rein la plus fréquente chez l’enfant est lenéphroblastome ou tumeur de Wilms (87 à 90 % des tumeursrénales), mais dans les premiers mois de la vie, une tumeur bénigne,le néphrome mésoblastique congénital ou tumeur de Bolande,prédomine. Cette approche simplifiée n’est pas fausse ; cependant,elle est insuffisante devant la diversité des formes histologiquesprogressivement identifiées et décrites expliquant en partiel’hétérogénéité pronostique observée. Ainsi, un certain nombre declassifications ont vu le jour, associant l’histologie et le pronostic. [2, 3,

4, 5]

Il existe une classification usuelle reposant sur les donnéeshistopathologiques (Tableau 1).En France, les équipes d’oncologie pédiatrique travaillent dans lecadre de la Société internationale d’oncologie pédiatrique (SIOP) ;cette société propose une classification basée sur le pronostic [5]

(Tableau 2).Ces classifications montrent la variété des types possibles detumeurs du rein, avec un pronostic très différent et donc une priseen charge thérapeutique très différente. Nous nous attacherons àpréciser, chaque fois que cela est possible, les éléments pouvantintéresser l’équipe prenant en charge l’enfant.

NÉPHROBLASTOME

Le néphroblastome est donc la tumeur rénale la plus fréquente chezl’enfant (87 à 90 %), sans prédominance de sexe ; le pic de fréquencese situe à 3 ans et demi, mais 15 % sont observés avant l’âge de 1 anet des cas peuvent être observés au-delà de l’âge de 7 ans (2 %),voire même chez l’adulte.

P. Devred (Professeur des Universités, praticien hospitalier)Adresse e-mail : [email protected]. Gorincour (DES)B. Bourlière (Praticien hospitalier)P. Petit (Professeur des Universités, praticien hospitalier)K. Lambot (Chef de clinique-assistant)Service de radiologie pédiatrique, Hôpital d’Enfants de La Timone, chemin de l’Armée-d’Afrique, 13385Marseille cedex 5, France.C. Coze (Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier)Service d’oncologie pédiatrique, Hôpital d’Enfants de La Timone, chemin de l’Armée-d’Afrique, 13385Marseille cedex 5, France.F. Faure (Praticien hospitalier)Service de radiologie pédiatrique, Hôpital d’Enfants de La Timone, chemin de l’Armée-d’Afrique, 13385Marseille cedex 5, France.

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Le néphroblastome représente en France 6 à 8 % des cancers del’enfant et son incidence est estimée entre cinq et dix cas par milliond’enfants et par an.Des anomalies sur le chromosome 11 ont pu être mises en évidencedans un petit nombre de tumeurs de Wilms associées à des

syndromes polymalformatifs ; gène WT1 pour le syndrome Wilm’stumor-aniridia-genitourinary anomalies-mental retardation (WAGR)et de Drash, gène WT2 pour le syndrome de Beckwith-Wiedemannet l’hémihypertrophie corporelle (ces syndromes sont décrits infra).

¶ Anatomie [3]

Il s’agit d’une tumeur rénale maligne embryonnaire à troiscomposantes : blastémateuse, épithéliale et mésenchymateuse. Samalignité est variable en fonction du type histologique ; celui-ci n’esten général évalué que secondairement, lors de la néphrectomie,après une chimiothérapie préopératoire. Les principaux types sontessentiels à prendre en compte ; ils conditionnent le pronostic etdonc le traitement postopératoire. La tumeur entièrement nécroséepar la chimiothérapie a un bon pronostic alors que l’existence d’unimportant contingent blastémateux résiduel ou a fortiori anaplasiqueest de nettement moins bon pronostic.

Le développement de la tumeur de Wilms est très rapide et aumoment de sa découverte, elle est le plus souvent volumineuse(diamètre de 8 à 10 cm) et bien limitée. Elle est solide et peutprésenter des zones de nécrose et d’hémorragie d’allurepseudokystique ou des contingents réellement kystiques. Descalcifications sont découvertes dans 15 % des spécimensanatomiques.

Le néphroblastome franchit souvent la capsule rénale, mais restebien limité dans la plupart des cas par une pseudocapsule. Il refouleles structures de voisinage, en particulier les structures artériellessans les englober. Il peut envahir la veine rénale, gagner la veinecave inférieure et réaliser ainsi un thrombus néoplasique qui peuts’étendre jusqu’aux cavités cardiaques droites. Une atteinteganglionnaire locorégionale est possible. Les métastases à distancesont essentiellement pulmonaires (85 % de l’ensemble desmétastases), beaucoup plus rarement hépatiques.

L’atteinte rénale bilatérale existe dans 5 à 13 % des cas (de façonsynchrone pour les deux tiers), posant des problèmes nosologiquesavec la néphroblastomatose.

En fonction de l’extension, la classification comporte cinq stades(Encadré 1).

Cette classification est établie sur le plan local lors de l’interventionchirurgicale, après chimiothérapie, et sur le plan général, au momentdu bilan initial.

Il a été rapporté des formes survenant sur des sites extrarénauxrétropéritonéaux, médiastinaux, pelviens ou inguinaux, développéesprobablement à partir d’éléments mésonéphrotiques résiduels. [6, 7]

Tableau 1. – Classification histopathologique des tumeurs du rein del’enfant

I- Tumeurs bénignesNéphrome mésoblastique congénital ou tumeur de Bolande (5 %)Néphrome kystique ou cystadénome rénal ou kyste multiloculaire du reinNéphrome néphrogène ou adénome embryonnaire ou adénome métanéphriqueII- Lésions de pronostic indéterminéÎlots néphrogéniques résiduels et néphroblastomatose diffuseIII- Tumeurs malignesNéphroblastomes vrais ou tumeurs de Wilms

histologie favorable : néphroblastome kystiquehistologie intermédiaire : néphroblastome sans anaplasiehistologie défavorable : néphroblastome avec anaplasie diffuse (4 %)

Tumeurs non Wilms (pronostic très défavorable)tumeur rhabdoïde du rein (2 %)sarcome indifférencié à cellules claires (4 %)tumeur neuroépithéliale du rein ou PNET

Adénocarcinome à cellule claire ou tumeur de Grawitz

Encadré 1Stade 1 (25 %)– tumeur limitée au rein, ou entourée par une pseudocapsule fibreuse quand elle a un développement extrarénal– sont également considérées de type 1 les tumeurs prolabées dans le bassinet ou l’uretère sans envahissement de la paroi urothéliale. Lesvaisseaux ne sont pas envahis dans le sinus du reinStade 2 (45 %)– tumeur avec franchissement de la capsule ou pseudocapsule et envahissant la graisse périrénale, voire les organes de voisinage, mais avecrésection chirurgicale complète– tumeurs infiltrant le sinus du rein et/ou ses éléments vasculaires en dehors du rein, voire la veine cave inférieure, mais avec résectionchirurgicale complèteStade 3 (20 %)– résidu tumoral postchirurgical– envahissement ganglionnaire– rupture tumorale peropératoire– contamination péritonéale locale ou à distance– thromboses vasculaires ou envahissement urétéral au niveau de la zone de section chirurgicale– biopsie chirurgicale préopératoireStade 4 (10 %)– métastases hématogènes : poumon, foie, os ou cerveau– envahissement ganglionnaire à distanceStade 5 : atteinte bilatérale (5 à 10 %)

Tableau 2. – Classification pronostique des tumeurs du rein del’enfant

A- Tumeurs à faible risquenéphroblastome kystique, partiellement différenciénéphroblastome contenant des structures de type fibroadénomateuxnéphroblastome de type épithélial hautement différenciénéphroblastome complètement nécrotique (après chimiothérapie)néphrome mésoblastiqueB- Tumeurs à risque intermédiairenéphroblastome non anaplasiquenéphroblastome nécrotique (avec quelques particularités) (inférieur à 10 %)C- Tumeurs à haut risquenéphroblastome avec composante anaplasiquesarcome à cellules claires du reintumeur rhabdoïde du reinD- Autres tumeurs et lésionsnéphrome kystiquecarcinome rénaltumeur neuroépithélialelymphome rénalangiomyolipomesadénomesmétastases

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¶ CliniqueHabituellement, il s’agit d’une masse abdominale nonsymptomatique à croissance très rapide. Plus rarement, la masse estdécouverte à l’occasion de douleurs abdominales, d’une fièvre,d’une hématurie (dans les suites d’un traumatisme minime plutôtque spontané) ou d’une hypertension artérielle (sécrétion tumoralede rénine).La plupart des cas sont sporadiques ; un caractère familial n’estretenu que dans moins de 1 % des cas sans anomalie duchromosome 11 identifiée. En revanche, il existe des anomaliesassociées dans 15 % des cas, avec anomalies fréquentes duchromosome 11 :

– aniridie sporadique, tumeur de Wilms, bilatérale dans un tiers descas [8] ;

– syndrome de Drash ou de Denys-Drash, caractérisé par unpseudohermaphrodisme masculin, une dysgénésie gonadique, unepathologie glomérulaire progressive à type de sclérose mésangialeaboutissant à une insuffisance rénale (Fig. 1) [9] ;

– syndrome WAGR qui associe une aniridie, des anomalies génito-urinaires et un retard mental ;

– syndrome de Beckwith-Wiedemann caractérisé par un gigantismeavec viscéromégalie et macroglossie, associé à des anomalies de laparoi abdominale (omphalocèle, hernie ombilicale ou diastasis desgrands droits), fréquence de la tumeur de Wilms accrue, surtout encas de gigantisme asymétrique [10] ;

– hémihypertrophie corporelle [11] ;

– syndrome de Sotos ou gigantisme cérébral, associant un excès decroissance avec disproportion au niveau des extrémités et retardmental [12] ;

– syndrome de Perlman associant une viscéromégalie, ungigantisme, une cryptorchidie, une dysmorphie, une dysplasierénale et parfois un retard mental ;

– rein en « fer à cheval » et ectopies croisées (Fig. 2).En cas d’anomalies associées, l’âge de survenue est plus précoce.Une surveillance systématique et régulière tous les 3 mois jusqu’àl’âge de 6 ans est recommandée ; il ne faut pas cependant sous-évaluer les répercussions psychologiques significatives sur lesparents. [10, 11, 13]

Imagerie

L’exploration, par l’imagerie, d’une masse abdominale de l’enfantdoit toujours débuter par une échographie ; l’apport du clichésimple de l’abdomen est minime, celui-ci n’est en pratique plusréalisé.

Échographie

Elle met en évidence une masse qui, dans la plupart des cas, estvolumineuse, de diamètre supérieur à 8 cm, bien limitée. Lastructure est en général échogène, plus ou moins hétérogène avec

assez fréquemment des plages transsonores, correspondant auxzones nécrotiques ou kystiques (Fig. 3). La masse peut apparaîtreparfois à dominante kystique, encapsulée avec des cloisonsd’épaisseur variable (Fig. 4). Cette tumeur présente, en doppler, unevascularisation variable, sans caractéristique. Le pédicule artérielrénal est en général refoulé par la tumeur (Fig. 5).L’origine de cette tumeur est le rein, le parenchyme rénal sain étantrefoulé à la périphérie, moulé sur la masse. Le rein peut êtreinvisible, la masse étant trop volumineuse. Parfois, au contraire, lerein paraît normal et la tumeur semble posée sur sa corticale en cas

Figure 1 Néphroblastome droit en tomodensitométrie (A), associé àun hypospadias, une ectopie testiculaire et une glomérulopathie, cons-tituant le syndrome de Drash. Le cliché mictionnel de cystographiemontre un utricule prostatique de grande taille associé à l’hypospadias(B).

Figure 2 Néphroblastome sur rein en « fer à cheval » en tomodensitométrie encoupe transversale.

Figure 3 Néphroblastome droit, aspect échographique : volumineuse tumeur bienlimitée, échogène, hétérogène avec de petites zones anéchogènes, kystiques ou nécroti-ques.

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de néphroblastome à développement exorénal (Fig. 6). [7] Il fautmontrer dans ces cas la continuité entre la tumeur et le parenchymerénal. Il existe d’autres formes moins caractéristiques : tumeurs depetite taille ou tumeur à développement intrarénal prédominant(Fig. 7).L’évaluation du volume de la tumeur est essentielle pour letraitement et le pronostic ; il faut donc mesurer, suivant les trois plusgrands diamètres, la masse principale et en cas de localisationsmultiples, chaque nodule séparément.

La découverte échographique de cette masse rénale doit conduire àréaliser un bilan d’extension locorégionale :

– recherche d’une extension dans la veine rénale et la veine caveinférieure (Fig. 8, 9), parfois prolapsus dans les cavités excrétrices ;

– recherche d’anomalies sur le rein controlatéral : nodules tumorauxou anomalies corticales ; [14]

– recherche d’adénomégalies rétropéritonéales ;

– recherche de métastases hépatiques.

Figure 4 Néphroblastome droit, aspect échographique : volumineuse tumeur bienlimitée, très hétérogène, d’aspect kystique cloisonné dominant, avec zone tissulaire (flè-che).

Figure 5 Néphroblastome : vascularisation artérielle rénale refoulée par la tumeur.

Figure 6 Néphroblastome droit : petite tumeur « posée » sur le pôle supérieur durein ; diagnostic difficile avec une tumeur extrarénale.

Figure 7 Néphroblastome droit atypique : petite tumeur ne déformant pas lecontour du rein refoulant les vaisseaux.

Figure 8 Néphroblastome : thrombus cave (flèches) dans le bilan initial.A. Coupe sagittale.B. Coupe transversale.

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Radiographie du thorax face et profil

Elle doit être systématique lors du bilan initial, à la recherche demétastases pulmonaires qui existent dans 10 % des cas (Fig. 10). Levolume tumoral sous-diaphragmatique ne favorise pas la réalisationd’un cliché en parfaite inspiration, ce qui rend son analyse difficile.

Tomodensitométrie

Un examen TDM est essentiel pour l’évaluation initiale. Il doit êtreréalisé en concertation avec l’équipe d’oncologie pédiatrique qui doitprendre en charge l’enfant car il va servir de base à la surveillancedu volume tumoral (reproductibilité des mesures) (Fig. 11), et sonanalyse doit prendre en compte les éléments requis dans le protocolethérapeutique dans lequel va être inclus l’enfant.Aspect de la masse. Sur les coupes sans injection intraveineuse deproduit de contraste, la masse apparaît solide et hétérogène ; descalcifications et des îlots graisseux intratumoraux sont parfoisvisibles. Cette hétérogénéité se renforce par le rehaussement aprèsinjection intraveineuse de produit de contraste. L’existence d’unépanchement sanguin intracapsulaire ou périrénal est facilementreconnue. Parfois, la tumeur peut apparaître majoritairementkystique et cloisonnée, toujours très bien limitée.La TDM permet, avec plus de précision que l’échographie, derépondre à certaines questions : extension vers les voies excrétrices(Fig. 12), atteinte ganglionnaire, franchissement capsulaire avecenvahissement de la graisse périrénale (Fig. 13), et surtout atteintedu rein controlatéral (Fig. 14, 15). La TDM permet également uneévaluation volumétrique plus reproductible qu’en échographie.Enfin, la TDM doit permettre actuellement d’établir unecartographie vasculaire suffisante en bilan préopératoire, à lademande du chirurgien.

Métastases pulmonaires. L’étude pulmonaire à la recherche demétastases est essentielle, la TDM permettant de mettre en évidencedes nodules invisibles sur la radiographie simple (Fig. 16). Cesnodules peuvent parfois s’excaver. [15] Actuellement, dans lesprotocoles thérapeutiques, la mise en évidence par TDM demétastases pulmonaires non visibles sur le cliché thoracique simplelors du bilan initial ne sont prises en compte que dans les stades 1 ;dans les autres stades, elles ne modifient pas les protocolesthérapeutiques.

Figure 9 Thrombus cave étendu à l’oreillette droite dans un néphroblastome(flèches).

Figure 10 Métastases pul-monaires dans un néphroblas-tome lors du bilan initial.

Figure 11 Néphroblastome gauche : les mensurations, indispensables pour la sur-veillance de l’efficacité thérapeutique, sont plus fiables en tomodensitométrie.

Figure 12 Néphroblastome droit en tomodensitométrie : la tumeur centrorénale estprolabée dans le bassinet et la partie haute de l’uretère.

Figure 13 Néphroblastome droit en tomodensitométrie : franchissement capsu-laire, envahissement de la graisse périrénale et thrombose cave.

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Imagerie par résonance magnétique

En pondération T1, la masse présente un signal plus faible que leparenchyme rénal, avec perte de la visibilité des pyramides ; enpondération T2, le signal de la tumeur devient intense, plus difficileà dissocier du parenchyme sain . L’hétérogénéité de la masseapparaît bien également en IRM.Cette technique permet également de répondre aux objectifs du bilanabdominal et en particulier de l’atteinte de la veine cave, mais nepermet pas l’évaluation pulmonaire ; aussi, nous lui préféronsencore la TDM qui permet de réaliser un bilan complet d’extensiondans le même temps.

Angiographie

L’angiographie rénale est encore régulièrement citée dans lesprotocoles en précisant que ses indications concernent les tumeursde Wilms sur rein en « fer à cheval », les tumeurs de Wilmsbilatérales ou sur rein unique, et chaque fois que le chirurgien en ala nécessité en préopératoire. En pratique, cet examen a disparu dansla plupart des équipes. Une enquête rapide par mail auprès desradiopédiatres de la Société francophone de radiopédiatrie (SFIP),réalisée à l’occasion de la rédaction de cette mise au point, confirmecette donnée.

Surveillance par imagerie

En France, les protocoles utilisés débutent par une chimiothérapiependant environ 4 semaines (variations suivant protocole). L’effet de

cette chimiothérapie est contrôlé par des échographieshebdomadaires. En dehors des formes kystiques ou nécrotiques, laréduction de volume est en général rapide ; elle s’accompagne demodifications de l’échostructure. La néphrectomie est effectuéeensuite. La stadification définitive est faite à ce moment-là.Une absence ou une faible régression du volume tumoral d’unetumeur à prédominance tissulaire (non kystique ou non nécrotique)est un élément défavorable en cas de tumeur de Wilms ou doit fairereconsidérer le diagnostic si d’autres éléments discordants existent,et conduire éventuellement à une ponction à l’aiguille de la tumeur.

Figure 14 Découverte d’un néphroblastome gauche chez un enfant présentant unehémihypertrophie.

A. Le rein droit présente des nodules hyperéchogènes sous-corticaux.B. En tomodensitométrie, tumeur du rein gauche et « croûte » hypodense sous-capsulaire après injection, caractéristique de néphroblastomatose.

Figure 15 Syndrome de Beckwith-Wiedemann : en tomodensitométrie, plusieursnodules tumoraux à gauche, et « croûte » hypodense bilatérale d’une néphroblastoma-tose.

Figure 16 Néphroblastome : la radiographie thoracique (A) lors du bilan initial nemontre pas de métastase pulmonaire, alors que plusieurs nodules sont visualisés en to-modensitométrie (B).

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NÉPHROBLASTOMATOSE

¶ Données anatomocliniques

La néphroblastomatose représente un groupe de lésions caractérisépar la persistance d’îlots corticaux de blastème rénal, de façondiffuse ou multifocale. La néphronogenèse est habituellementterminée à la 34e semaine de gestation mais des îlots périphériquesde blastème peuvent persister chez le petit nourrisson (1 % desautopsies d’enfants de moins de 3 mois). Il s’agit d’un étatintermédiaire entre dysplasie et tumeur mais la néphroblastomatosedoit être considérée comme un précurseur de la tumeur de Wilms.Des foyers de néphroblastomatose sont retrouvés dans 30 à 40 % desreins porteurs d’une tumeur de Wilms et surtout dans 99 % desformes bilatérales de Wilms (Fig. 17). [14, 16, 17]

Les vestiges néphrogéniques peuvent être périlobaires (corticale etcolonne de Bertin) ; cette forme est associée plus fréquemment ausyndrome de Beckwith-Wiedemann [11], à l’hémihypertrophiecorporelle et au syndrome de Perlman. Les vestiges néphrogéniquespeuvent être intralobaires ; cette forme est associée à 78 % dessyndrome de Drash, et à près de 100 % des aniridies sporadiques ;elle peut se rencontrer dans le syndrome WAGR.

La symptomatologie est variable selon l’étendue des lésions. Lanéphroblastomatose diffuse réalise habituellement unenéphromégalie bilatérale découverte in utero ou avant l’âge de4 mois. La forme multifocale se traduit par des reins bosselés.Ailleurs, c’est dans le bilan d’une tumeur rénale que l’existence defoyers de néphroblastomatose peut être découverte ou bien dans lebilan d’un syndrome prédisposant.

Imagerie

La présentation en imagerie n’est pas univoque. Les formes diffusesse traduisent, en échographie, par deux gros reins dont l’architectureest désorganisée par la présence de nodules plutôt hypoéchogènes.En TDM, les lésions apparaissent de type solide hypodense, ne serehaussant que très faiblement par le produit de contraste. Lalocalisation sous-capsulaire est très évocatrice du diagnostic ; ellepeut réaliser une espèce de croûte sous-corticale de plusieursmillimètres d’épaisseur, entourant le parenchyme rénal normal(Fig. 14, 15). En IRM, il s’agit de lésions en hyposignal en T1 et enT2.

Les formes multifocales ne peuvent être distinguées d’uneauthentique tumeur de Wilms bilatérale.

AUTRES TUMEURS RÉNALES

D’autres masses et/ou tumeurs du rein sont possibles. Leurdiagnostic n’est pas facile car il n’y a pas beaucoup d’éléments

spécifiques permettant de les différencier du néphroblastome outumeur de Wilms. Ce diagnostic différentiel repose sur un faisceaud’arguments à la fois cliniques et radiologiques (Tableau 3).

¶ Néphrome mésoblastique congénital

Encore appelé tumeur de Bolande ou hamartome rénal fœtal, lenéphrome mésoblastique est la tumeur rénale solide la plusfréquemment rencontrée avant l’âge de 3 mois. Il existe une petiteprédominance masculine. Son diagnostic échographique est possibleen période anténatale où l’association à un hydramnios estrapportée. Il s’agit d’une lésion solide, volumineuse, non encapsulée,intéressant une part importante du rein, sans limite nette avec leparenchyme fonctionnel restant. Elle envahit fréquemment le sinusdu rein et la graisse périrénale. Le néphrome est constitué d’uneprolifération de cellules mésenchymateuses fusiformes. Des zoneshémorragiques, nécrotiques ou kystiques sont rarement rencontrées.

Les moyens d’imagerie ne permettent pas de distinguer cette tumeurd’une tumeur de Wilms en dehors d’un élément particulier : deséléments glomérulaires et tubulaires inclus dans la tumeur peuvententraîner une excrétion intratumorale de produit de contraste(Fig. 18). [18] Le pronostic du néphrome mésoblastique congénitalaprès néphrectomie est bon, mais il faut connaître la possibilité derécidive locale en cas de résection incomplète ou d’exceptionnellesmétastases pulmonaires, cérébrales ou osseuses.

¶ Cystadénome multiloculaire

Le cystadénome multiloculaire englobe un groupe de tumeurs allantdu néphrome kystique, constitué de kystes bordés par des septafibreux contenant des tubules matures, au néphroblastome kystiquedans lequel les septa contiennent des îlots blastémateux.

Le néphrome kystique est une tumeur rénale rare. Son pic defréquence se situe avant l’âge de 5 ans ; il existe une prédominancemasculine. La tumeur est caractérisée par de multiples kystes noncommunicants et une capsule épaisse.

En échographie, la masse apparaît bien limitée, enchâssée dans leparenchyme rénal sain qu’elle refoule. Elle est constituée de kystesmultiples, de taille variable, séparés par des cloisons fines, sans tissucharnu visible. Les autres examens d’imagerie n’apportent pasd’éléments supplémentaires au diagnostic (Fig. 19).

Il n’est pas possible, par l’imagerie, de différencier une tumeur deWilms kystique d’un néphrome kystique.

Le traitement repose sur la néphrectomie, éventuellement suivie dechimiothérapie si des éléments malins sont mis en évidence àl’examen anatomopathologique.

¶ Tumeur rhabdoïde

La tumeur rhabdoïde est une lésion rare, excessivement agressive,de très mauvais pronostic, touchant préférentiellement le

Figure 17 Pièce de néphrectomie pour néphroblastome : la tumeur au pôle supé-rieur est presque nécrosée ; nombreux îlots sous-corticaux de néphroblastomatose.

Tableau 3. – Éléments devant faire suspecter, en cas de tumeur rénale,une autre étiologie que la tumeur de Wilms

CliniqueÂge : moins de 6 mois- plus de 5 ansHématurie en dehors d’un traumatismeContexte infectieux (infection urinaire, septicémie, psoïtis)Éléments d’imagerieTumeur de taille inférieure à 4 cm de diamètreMal limitéeHomogène et hypoéchogène en USHomogène et faiblement rehaussée en tomodensitométrieExistence de calcificationsAdénomégalies importantesMétastases osseuses ou hépatiques

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nourrisson ; l’âge moyen est de 11 mois. [19] Les âges extrêmesvont cependant de la naissance à plus de 9 ans. La tumeur infiltrele parenchyme rénal plus qu’elle ne le refoule. Le point de départcentrorénal est habituel (Fig. 20). Le diagnostic en esthistologique. Son appellation vient de la similitude des cellulestumorales avec les myoblastes du muscle squelettique.L’hématurie est fréquente, mais une métastase peut être le signed’appel. Il n’y a pas de sémiologie radiologique spécifiquepouvant la différencier d’une tumeur de Wilms. L’associationpossible à une tumeur neurogliale de la fosse postérieure suggèreune origine neuroectodermique.

¶ Sarcome à cellules claires

Le sarcome à cellules claires est une lésion agressive s’accompagnantde métastases osseuses dans plus de la moitié des cas. [20] L’âge desurvenue est le même que celui de la tumeur de Wilms et elle estpour certains considérée comme une forme particulière de tumeurde Wilms. Comme dans le cas de la tumeur rhabdoïde, le caractèreinfiltrant du sarcome est prédominant, mais aucun élémentd’imagerie ne le différencie formellement d’une tumeur de Wilms(Fig. 21). Il existe des formes kystiques ; le diagnostic avec lecystadénome multiloculaire et la tumeur de Wilms kystique est

Figure 18 Tumeur de Bolande ou hamartomerénal : volumineuse tumeur rénale chez un nour-risson de 4 mois.

A. Bien limitée en échographie, hétérogèneavec des zones kystiques.B. Aspect confirmé en tomodensitométrie.C. Sécrétion intratumorale de produit decontraste sur les clichés tardifs (flèche).

Figure 19 Cystadénome multiloculaire.A. Masse rénale bien limitée, arrondie, constituée de multiples kystes de taille va-riable.B. La tomodensitométrie montre bien le caractère kystique cloisonné et le paren-chyme rénal refoulé en arrière et en dedans.

C. La pièce anatomique confirme l’aspect en imagerie. Rien ne permet cependant, avantl’analyse histologique, d’écarter un néphroblastome kystique.

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impossible. Enfin, rappelons la possibilité de formes frontières entrele néphrome mésoblastique congénital et le sarcome à cellulesclaires. La survie globale est d’environ 60 % après chirurgie etchimiothérapie.

¶ Adénocarcinome ou tumeur de Grawitz

L’adénocarcinome du rein est rarement rencontré en pratiquepédiatrique (moins de 2 % des adénocarcinomes du rein surviennentà l’âge pédiatrique). Dans cette période, l’âge moyen est de 10 ans,beaucoup plus élevé que celui de la tumeur de Wilms. L’hématurieest souvent un mode de découverte. Au moment du diagnostic, latumeur est rarement volumineuse. À l’échographie, elle se présentecomme une masse intrarénale, solide, mal limitée, envahissant leparenchyme. Des calcifications sont beaucoup plus fréquentes quedans la tumeur de Wilms (25 % des cas). L’extension se fait vers les

ganglions lymphatiques rétropéritonéaux et la veine cave inférieure ;les métastases pulmonaires ou hépatiques se rencontrent dans 20 %des cas. La bilatéralité est fréquente. En cas d’association ausyndrome de von Hippel-Lindau, les localisations multiples sontclassiques. La survie est d’environ 65 % après chirurgie larged’exérèse et chimiothérapie.

¶ Carcinome médullaire rénal

Il s’agit d’une tumeur agressive décrite récemment chez lesadolescents drépanocytaires hétérozygotes. [21] Elle survient aprèsl’âge de 10 ans. Elle n’a pas de spécificité en imagerie mais elle estplutôt centrorénale avec envahissement rapide des éléments dusinus du rein. Le diagnostic repose sur le contexte hématologiqueparticulier ; le pronostic est mauvais.

Figure 20 Tumeur rhab-doïde découverte chez un enfantde 6 mois présentant une héma-turie.

A. Échographie : tumeurrénale hétérogène aux limi-tes imprécises.B. En tomodensitométrie :tumeur centrorénale.Il n’y a pas, en imagerie,d’élément différentiel déci-sif avec le néphroblastome.

Figure 21 Garçon de12 ans, présentant une hé-maturie.

A. Découverte, enéchographie, d’unemasse rénale volumi-neuse bien limitée.B. Confirmée en tomo-densitométrie, sansaucune spécificité.C. Découverte d’unemétastase osseuse fé-morale gauche : sar-come à cellules claires.

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¶ Adénome métanéphrique

Il s’agit d’une tumeur bénigne pouvant survenir à tout âge. [22, 23]

Les cas les plus jeunes ont été rapportés à partir de l’âge de 15 mois.Les signes d’appel sont variables, douleur, syndrome de masse,découverte d’un hématome à l’occasion d’un traumatisme minime.Il existe une prédominance féminine.

C’est une masse bien limitée, d’échostructure variable, pouvantparfois être partiellement kystique. En TDM, le rehaussement aprèscontraste est inférieur à celui du parenchyme normal (Fig. 22).Évoquer le diagnostic est important car une néphrectomie partielleest suffisante.

¶ Tumeur rénale ossifiante de l’enfant

Il s’agit d’une tumeur très rare (11 cas décrits), bénigne, rapportéechez des enfants âgés de 6 jours à 14 mois et découverte à l’occasiond’une hématurie. L’origine de la masse se situe au sommet despyramides ; la masse est de type pédiculé et s’étend dans la tigecalicielle vers le bassinet. Une origine urothéliale est discutée. Lamasse est caractérisée, sur le plan anatomique, par un centre ossifié,des ostéoblastes et des cellules en fuseau. [24, 25]

En imagerie, il s’agit d’une masse bien limitée, calcifiée en soncentre, de 2 à 3 cm de diamètre, pouvant entraîner une obstructionlocalisée du système collecteur. Le risque est de la confondre avecun calcul enclavé, voire une pyélonéphrite xanthogranulomateuse.

¶ Angiomyolipome

La lésion présente divers composants en quantité variable : graisse,vaisseaux, muscles lisses. Dans la plupart des cas, les lésions sontmultiples, bilatérales et de petite taille ; très rarement, il s’agit d’unelésion unique et de grande taille. Les angiomyolipomes serencontrent chez plus de 50 % des enfants porteurs d’une sclérose

tubéreuse de Bourneville (STB), et donc, tout enfant porteur d’unangiomyolipome est très suspect de STB. Il existe cependant souventdes cas sporadiques. [26]

Chaque lésion a un aspect échographique évocateur ; l’échostructureest fine et homogène, supérieure à celle du parenchyme rénal, ouparfois, hétérogène avec des zones d’échogénicité très élevéecorrespondant aux amas graisseux. Les aspects TDM varient selonles composants tumoraux. Habituellement, le contingent graisseuxsuffit à faire le diagnostic. Des calcifications intratumorales sontparfois rencontrées. Des hémorragies intratumorales peuventsurvenir dans les tumeurs les plus grosses (diamètre supérieur à4 cm), expliquant des augmentations brutales de volume et unemodification de la structure en échographie ou en TDM.

L’association à de petites lésions kystiques complète lesmanifestations rénales de la STB.

¶ Lymphome

Rare avant l’âge de 6 ans, l’atteinte rénale du lymphome peut seprésenter sous différentes formes : multiples nodulesintraparenchymateux (Fig. 23), infiltration bilatérale diffuseresponsable d’une néphromégalie et, plus rarement, nodule solitaireou envahissement par contiguïté par une masse lymphomateuserétropéritonéale. Dans les formes uni- ou multinodulaires, la lésionélémentaire est plutôt homogène et faiblement échogène. En TDM,le rehaussement des nodules après injection intraveineuse deproduit de contraste est faible. Des adénopathies rétropéritonéales,une atteinte hépatique et/ou splénique, voire médiastinale sontfréquemment associées (Fig. 24).

En cas d’atteinte nodulaire unique, l’âge et l’aspect en imageriedoivent éveiller le doute et faire recourir à une ponction

Figure 22 Petite tumeur découverte chezune fille de 6 ans à l’occasion d’un traumatisme :aspect échographique (A, B) et tomodensitomé-trique (C) sans spécificités : il existe une infiltra-tion périrénale en rapport avec le traumatisme ;adénome métanéphrique.

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diagnostique, le traitement reposant essentiellement sur lachimiothérapie et non la chirurgie.

¶ Métastase et envahissement rénal par contiguïté

L’atteinte secondaire du rein de l’enfant par un processus malin nonhématologique peut se faire par contiguïté ou par voie hématogène.

Dans le premier cas, il s’agit essentiellement de l’envahissement parun neuroblastome surrénalien ou médian. Dans ce cas,l’englobement éventuel du pédicule artériel rénal dans la tumeurest un élément en faveur de l’origine extrarénale alors que dans lestumeurs d’origine rénale, celui-ci est refoulé (Fig. 25).

Le second cas, beaucoup plus exceptionnel, est le fait de sarcomesindifférenciés de topographie variable ; l’atteinte secondaire rénaleest alors rarement isolée.

¶ Fausses tumeurs et pseudomassesParfois, des images peuvent induire en erreur en échographie :hypertrophie d’une colonne de Bertin, nodule de régénération… Lecontexte clinique et éventuellement un examen TDM permettent decorriger le diagnostic.Dans un contexte infectieux, il n’est pas toujours facile dereconnaître en échographie un abcès en cours de constitution(Fig. 26).

Figure 23 Lymphome du rein : aspects écho-graphiques différents.

A. Nodule cortical hypoéchogène.B. Masse polycyclique relativement homo-gène.C. Corticale hyperéchogène de façon diffuse,témoignant d’une infiltration lymphoma-teuse.

Figure 24 Enfant de 8 ans présentant un lymphome.A. Masse rénale volumineuse, rehaussée faiblement par le produit de contraste ;nodule controlatéral.

B. Masse thymique volumineuse.

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Tumeurs de la voie excrétrice

Plusieurs lésions sont rapportées chez l’enfant, toutes très rares.Dans le chapitre des tumeurs rénales, nous avons déjà décrit latumeur ossifiante rénale de l’enfant dont l’origine urothéliale estpossible, ce qui en ferait anatomiquement une tumeur des voiesexcrétrices. Il existe par ailleurs des tumeurs ou pseudotumeurspossibles à trois niveaux : uretères, vessie et urètre chez le garçon.

TUMEURS OU PSEUDOTUMEURS URÉTÉRALES

Elles sont représentées essentiellement par le polype fibroépithélial.Il s’agit d’une lésion bénigne et très rare qui peut se situer à tous lesniveaux de l’arbre urinaire : bassinet, jonction pyélo-urétérale,uretère, vessie et urètre. Des cas ont été rapportés à tous les âgesdès la période néonatale. Les signes d’appels sont variés : hématurie,douleurs abdominales par obstruction intermittente urinaire sont lessituations les plus fréquentes.La localisation la plus fréquente est la jonction pyélo-urétérale et letableau est celui d’une distension intermittente. Mais cette lésionpeut se rencontrer également à tout niveau de l’uretère. En

urographie intraveineuse, le polype peut apparaître sous formed’une lacune intraluminale ; le diagnostic, dans tous les cas, est faitlors de l’intervention. [27, 28, 29]

TUMEURS ET PSEUDOTUMEURS DE VESSIE

La découverte d’une lésion développée aux dépens de la paroivésicale est une situation très rare en pédiatrie. Le signe d’appelessentiel est l’hématurie. Les possibilités diagnostiques sont trèsvariées (Tableau 4), bénignes ou malignes. Deux types de lésionsdoivent toujours être évoqués : la cystite pseudotumorale et lerhabdomyosarcome du sinus urogénital.La cystite pseudotumorale peut prendre un aspect très exubérant,mais les différentes techniques d’imagerie, échographie ou IRM,montrent que la lésion est développée à partir de la paroi sur sonversant endovésical sans aucun envahissement en profondeur.Le rhabdomyosarcome se révèle par une hématurie ou une dysurie ;l’échographie et l’IRM montrent une masse polycyclique développéedans la vessie mais avec une extension extravésicale vers le sinusurogénital dans la majorité des cas (Fig. 27).Les autres lésions sont encore plus rares. Le Tableau 4 cite lesobservations rapportées dans la littérature. [30, 31] Le diagnostic est enrègle fait par la biopsie, sur des signes d’appels non spécifiques :hématurie, dysurie…

POLYPE URÉTRAL

Il s’agit d’une anomalie rare, se manifestant par des blocagesmictionnels intermittents, une hématurie ou d’autres symptômesurinaires. Le polype, de nature hamartomateuse, présente un longpédicule qui est implanté dans la région du veru montanum, sur laparoi postérieure de l’urètre prostatique. Le polype est très mobile :lors de la cystographie, il apparaît sous forme d’une image lacunairequi peut se situer en regard du col vésical ou dans l’urètre postérieuret se déplacer vers le bas au cours de la miction (Fig. 28).

Figure 26 Découverteen échographie (A), dans uncontexte fébrile, d’une massepolaire supérieure du reindroit. Aspect mal limité et li-quidien pseudocloisonné entomodensitométrie (B) ; ils’agit d’un abcès du rein.

Figure 25 Volumineuse tumeur droite intéressant le rein. La tumeur englobe le pé-dicule vasculaire artériel ; il s’agit d’un neuroblastome envahissant le rein par conti-guïté.

Tableau 4. – Tumeurs et pseudotumeurs de vessie chez l’enfant

Bénin Malin

Cystite pseudotumorale RhabdomyosarcomePolype fibroépithélial AdénocarcinomeLéiomyome LymphomeHémangiome LéiomyosarcomePapillome inversé

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Figure 28 Polype urétral : découverte d’une masse intravésicale en échographie (A), confirmée sur le cliché de remplissage de la cystographie rétrograde (B). En miction, mi-gration du polype dont l’implantation est visible sur le veru montanum, et dont le corps vient s’enclaver dans l’urètre membraneux (C).

Figure 27 Tumeur rhabdoïde du plancher vésical.A. Aspect échographique sur une coupe sagittale.B. Aspect d’imagerie par résonance magnétique sur unecoupe frontale pondérée T1.

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