traitement de la maladie de darier par 5-fluorouracile topique : quelle efficacité, quels...

5
Annales de dermatologie et de vénéréologie (2010) 137, 455—459 CAS CLINIQUE Traitement de la maladie de Darier par 5-fluorouracile topique : quelle efficacité, quels risques ? Efficacy and risks of topical 5-fluorouracil in Darier’s disease E. Le Bidre a,, M. Delage a , P. Celerier b , A. De Muret c , G. Lorette a a Service de dermatologie, hôpital Trousseau, CHRU de Tours, université Franc ¸ois-Rabelais, avenue de la République, 37044 Tours cedex 9, France b Service de dermatologie, CHR, Le Mans, France c Service d’anatomie pathologique, hôpital Trousseau, CHU de Tours, 37000 Tours, France Rec ¸u le 1 er novembre 2009 ; accepté le 8 avril 2010 Disponible sur Internet le 20 mai 2010 MOTS CLÉS Maladie de Darier ; Efudix ® ; 5-Fluorouracile topique Résumé Introduction. — La maladie de Darier est une dermatose autosomique dominante dont les trai- tements conventionnels sont souvent peu satisfaisants. Ces dernières années ont été publiées quelques observations mentionnant une nette efficacité du 5-fluorouracile topique (5FU) dans cette indication. Nous rapportons trois cas de maladie de Darier traitée par 5FU (Efudix ® ). Dans les trois cas, une nette amélioration a été rapidement constatée mais une perte d’efficacité est survenue en cours de traitement. Observations. — Cas n o 1 : une jeune fille a consulté à l’âge de 16 ans pour une maladie de Darier résistante aux thérapeutiques usuelles. Un traitement par 5FU topique a été débuté. Après trois semaines d’applications, les lésions avaient quasiment disparu, ne laissant que des cicatrices pigmentées. À six mois de traitement, la patiente a eu une poussée de la maladie qui a été contrôlée par l’intensification du traitement. À 11 mois, la maladie s’est aggravée, sans aucune efficacité du 5FU. Cas n o 2 : une femme de 59 ans atteinte de maladie de Darier avait été traitée successivement par acitrétine orale (Soriatane ® ), ciclosporine orale (Néoral ® ) et laser Erbium, avec une efficacité insuffisante ou transitoire. Un traitement par 5FU topique a été débuté. À sept jours de traitement, on constatait un début d’amélioration ; à quatre mois, il y avait une nette amélioration. À 13 mois de traitement, la patiente a eu une poussée de sa maladie, pour laquelle l’intensification du traitement par 5FU n’a eu aucune efficacité. Celui-ci a alors été arrêté. Le taux sanguin de 5FU était inférieur au seuil de détection (< 50 g/l). Il n’y avait pas Auteur correspondant. Adresse e-mail : emmanuelle [email protected] (E. Le Bidre). 0151-9638/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annder.2010.04.002

Upload: g

Post on 31-Dec-2016

224 views

Category:

Documents


6 download

TRANSCRIPT

Page 1: Traitement de la maladie de Darier par 5-fluorouracile topique : quelle efficacité, quels risques ?

Annales de dermatologie et de vénéréologie (2010) 137, 455—459

CAS CLINIQUE

Traitement de la maladie de Darier par5-fluorouracile topique :quelle efficacité, quels risques ?

Efficacy and risks of topical 5-fluorouracil in Darier’s disease

E. Le Bidrea,∗, M. Delagea, P. Celerierb,A. De Muretc, G. Lorettea

a Service de dermatologie, hôpital Trousseau, CHRU de Tours, université Francois-Rabelais,avenue de la République, 37044 Tours cedex 9, Franceb Service de dermatologie, CHR, Le Mans, Francec Service d’anatomie pathologique, hôpital Trousseau, CHU de Tours, 37000 Tours, France

Recu le 1er novembre 2009 ; accepté le 8 avril 2010Disponible sur Internet le 20 mai 2010

MOTS CLÉSMaladie de Darier ;Efudix® ;5-Fluorouraciletopique

RésuméIntroduction. — La maladie de Darier est une dermatose autosomique dominante dont les trai-tements conventionnels sont souvent peu satisfaisants. Ces dernières années ont été publiéesquelques observations mentionnant une nette efficacité du 5-fluorouracile topique (5FU) danscette indication. Nous rapportons trois cas de maladie de Darier traitée par 5FU (Efudix®). Dansles trois cas, une nette amélioration a été rapidement constatée mais une perte d’efficacitéest survenue en cours de traitement.Observations. — Cas no 1 : une jeune fille a consulté à l’âge de 16 ans pour une maladie de Darierrésistante aux thérapeutiques usuelles. Un traitement par 5FU topique a été débuté. Après troissemaines d’applications, les lésions avaient quasiment disparu, ne laissant que des cicatricespigmentées. À six mois de traitement, la patiente a eu une poussée de la maladie qui a étécontrôlée par l’intensification du traitement. À 11 mois, la maladie s’est aggravée, sans aucuneefficacité du 5FU. Cas no 2 : une femme de 59 ans atteinte de maladie de Darier avait été traitéesuccessivement par acitrétine orale (Soriatane®), ciclosporine orale (Néoral®) et laser Erbium,avec une efficacité insuffisante ou transitoire. Un traitement par 5FU topique a été débuté. À

sept jours de traitement, on constatait un début d’amélioration ; à quatre mois, il y avait unenette amélioration. À 13 mois de traitement, la patiente a eu une poussée de sa maladie, pourlaquelle l’intensification du traitement par 5FU n’a eu aucune efficacité. Celui-ci a alors étéarrêté. Le taux sanguin de 5FU était inférieur au seuil de détection (< 50 �g/l). Il n’y avait pas

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : emmanuelle [email protected] (E. Le Bidre).

0151-9638/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.annder.2010.04.002

Page 2: Traitement de la maladie de Darier par 5-fluorouracile topique : quelle efficacité, quels risques ?

456

KEYWORDSDarier’s disease;Efudix®;5-Fluorouracil

following initial success, coupled with its poorly evaluated safety, caution must be exercisedwhen prescribing it, particularly in patients with dihydropyriminidine dehydrogenase (DPD)

aged skin.. All rights reserved.

Lnltscsaeflt«

mSs

lmccadsltgBp

deficiency or for use on dam© 2010 Elsevier Masson SAS

a maladie de Darier est une dermatose autosomique domi-ante de pénétrance variable, dont le tableau clinique eta présentation histologique sont caractéristiques. La symp-omatologie débute généralement dans la première ou laeconde décennie, par des papules jaunâtres recouvertes deroûtes grisâtres et adhérentes, prédominant sur les zoneséborrhéiques. Une atteinte unguéale est fréquemmentssociée (ongles striés avec présence de bandes blanchest hyperkératose sous-unguéale). L’histologie montre desentes acantholytiques au-dessus de la couche basale de’épiderme et une dyskératose concernant quelques kéra-inocytes qui forment des « corps ronds » et donneront les

grains cornés » au sein de la couche cornée.

Les traitements actuels de la maladie de Darier, pure-ent palliatifs et suspensifs, sont souvent peu satisfaisants.

euls les rétinoïdes oraux ont fait preuve d’une efficacité,ouvent partielle ; ils constituent actuellement malgré tout

[

5dd

e traitement de référence. Aussi différents autres traite-ents ont-ils été essayés avec, pour certains, une efficacité

hez quelques patients : trétinoïne topique, adapalène, cal-ipotriol, lasers. . . [1,2]. Le 5-fluorouracile (5FU) est unnticancéreux de la classe des antimétabolites antipyrimi-iques. Le 5FU est transformé en métabolites actifs qui’incorporent dans la biosynthèse des acides nucléiques eta perturbent. L’Efudix® est une forme topique de 5FU adap-ée au traitement des kératoses actiniques, des condylomesénitaux, des carcinomes basocellulaires et des maladies deowen. Quelques observations de maladie de Darier traitéear 5FU topique avec une nette efficacité ont été publiées3—7].

E. Le Bidre et al.

de déficit en dihydropyrimidine déshydrogénase (DHD). Cas no 3 : une femme de 29 ans étaithospitalisée pour une poussée inflammatoire de sa maladie de Darier. Un traitement par 5FUtopique a été débuté sur l’hémicorps gauche, associé à une corticothérapie orale courte. Àdix jours de traitement, il y avait une nette amélioration ; à un mois et demi, des intervallesde peau saine étaient apparus. Après trois mois, le traitement a été arrêté par la patiente enraison d’une perte d’efficacité.Discussion. — Malgré un succès thérapeutique initial, il semble que l’efficacité du traitementde la maladie de Darier par 5FU topique s’épuise avec le temps. Aucun effet indésirable n’aété observé chez nos trois patientes ; cependant, l’application de 5FU peut entraîner des effetssecondaires graves. La perte d’efficacité de ce traitement malgré un succès thérapeutiqueimmédiat, et son risque mal évalué, doivent rendre très prudent vis-à-vis de son utilisation, enparticulier sur des peaux lésées ou chez des patients ayant un déficit en DHD.© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

SummaryBackground. — Darier’s disease, an autosomal dominant disorder, is often resistant to the-rapy. There have been few encouraging reports in recent years of treatment using topical5-fluorouracil (5FU) in this indication. We describe three cases of Darier’s disease treated withEfudix®: though it initially proved very effective, after several months this treatment becameinefficacious.Patients and methods. — Case 1: a 16-year-old girl with Darier’s disease refractory to conven-tional treatments. Treatment with topical 5FU was initiated. After 3 weeks, her cutaneouslesions had practically disappeared, leaving only pigmented scars. At 6 months, worsening ofthe disease was controlled by increasing 5FU. At 11 months, the disease worsened and 5FU,which proved inefficient, was stopped. Case 2: a 59-year-old woman presenting treatment-resistant Darier’s disease was given 5FU. After 1 week, improvement began and was evident at4 months. However, after 13 months of treatment, the disease progressed, and increased 5FUproved completely ineffective. Case 3: a 29-year-old woman was hospitalized for inflammatoryDarier’s disease. Topical 5FU was applied to the left half of the body and a short course oforal corticosteroids was prescribed. After 10 days of treatment, there was a clear improve-ment. After 6 weeks, the patient showed episodes of healthy skin. However after 3 months,the patient stopped taking her treatment due to inefficacy.Discussion. — While topical 5FU seems to be effective initially in treating Darier’s disease, thisefficacy subsides over time. Although no adverse effects were noted in our patients, use of5FU can result in serious adverse reactions. Because of the loss of efficacy of this treatment

Nous rapportons trois cas de maladie de Darier traitée parFU topique. Une nette amélioration des lésions a été rapi-ement constatée. Dans les trois cas cependant, une perte’efficacité est survenue en cours de traitement.

Page 3: Traitement de la maladie de Darier par 5-fluorouracile topique : quelle efficacité, quels risques ?

ue

st5adunL52Daaparapsvpdpr4éu(d

C

UDdic

Traitement de la maladie de Darier par 5-fluorouracile topiq

Observations

Cas no 1

Une jeune fille consultait à 16 ans pour une maladie de Darierrésistant aux traitements usuels. Elle avait eu une atteintediscrète pendant l’enfance, puis l’évolution avait été len-tement extensive. Elle présentait des lésions papuleusesde couleur rouge à brun-chamois sur les faces latéralesdu cou et les régions temporales, associées à une atteinteunguéale. Elle avait recu des applications de tazarotène(Zorac®), dermocorticoïdes et calcipotriol (Daivobet®), vita-mine A acide, ainsi que de l’acitrétine par voie orale(Soriatane®). Ces traitements n’avaient pas été suffisam-ment efficaces. Un traitement par 5FU topique, pommadeà 5 %, a été débuté en novembre 2006 (une application unjour sur deux pendant 15 jours puis deux fois par semaine).Après trois semaines de traitement, les lésions avaient qua-siment disparu ; il ne restait que des cicatrices pigmentées.Les applications ont été progressivement espacées (jusqu’àune fois tous les 15 jours à trois mois de traitement). Enavril 2007, est survenue une poussée de la maladie, avecréapparition de papules érythémateuses. Les applicationsde 5FU ont été rapprochées à trois fois par semaine, asso-ciées à des applications de trétinoïne topique (Ketrel®), cequi a permis une amélioration des lésions cutanées. En sep-tembre 2007, malgré la poursuite des applications de 5FUune fois par semaine, les lésions cutanées se sont aggra-vées : apparition de papules érythémateuses des régionsclaviculaires, sus-claviculaires et latérocervicales, associéesà des papules brun-chamois des aisselles et du front. Le 5FUn’étant plus efficace (malgré une augmentation du rythmedes applications), ce traitement a finalement été inter-rompu et l’acitrétine orale (Soriatane®) a été reprise.

Cas no 2

Une femme de 59 ans avait une maladie de Darier avec despapules kératosiques symétriques de la face dorsale desmains, des pieds, des plis inguinaux, des aisselles, de lazone intermammaire, du front et du menton. Elle avait recudifférents traitements : acitrétine orale (Soriatane®), ciclo-

igafid

Figure 1. Lésions papuleuses érythémateuses et fissuraires du dos. atraitement par Efudix® : diminution des fissures et de l’érythème.

457

porine orale (Néoral®), laser Erbium, avec une efficacitéransitoire ou nulle. En septembre 2007, un traitement parFU topique (Efudix®) a été débuté. Le médicament étaitppliqué un jour sur deux sur la face dorsale du pied droit ete la main droite. À sept jours de traitement, on constataitn début d’amélioration. Après quatre mois, il y avait uneette amélioration avec diminution des lésions papuleuses.e traitement a alors été poursuivi, avec applications deFU sur tout l’hémicorps deux fois par semaine. En février008, la patiente a eu une poussée de sa maladie dearier avec des papules érythémateuses des creux poplités,isselles, cou, tronc et régions inguinales. Le 5FU a alors étéppliqué sur toutes les lésions du corps, un jour sur deuxendant 15 jours, associé à des applications de pommadeu clobétasol (Dermoval®). Ce traitement a permis uneégression de la poussée. En novembre 2008, la patiente

eu une nouvelle poussée alors que le traitement étaitoursuivi à la même fréquence. Les applications de 5FUont alors devenues quotidiennes, associées à un topique aualérate de bêtaméthasone (Betneval®). Ce traitement n’aas été suffisamment efficace. Devant la perte d’efficacitéu 5FU, l’acitrétine orale a été reprise en décembre 2008,ermettant une régression des lésions. Le 5FU a été inter-ompu en janvier 2009. De septembre 2007 à janvier 2009,0 tubes d’Efudix® (800 g de crème, soit 40 g de 5FU) ontté appliqués. Un dosage réalisé en janvier 2009 a montrén taux sanguin de 5FU inférieur au seuil de détection< 50 �g/l). Il n’y avait pas de déficit en dihydropyrimidineéshydrogénase (DHD) (absence de mutation du gène).

as no 3

ne femme de 28 ans était atteinte d’une maladie dearier diagnostiquée à l’âge de neuf ans. Elle avait recues traitements généraux par acitrétine (Soriatane®) etsotrétinoïne (Roaccutane®) pendant l’enfance, sans effica-ité. Elle a été hospitalisée en juin 2008 pour une poussée

nflammatoire de sa maladie. Elle avait alors des papulesrisâtres kératosiques disséminées sur l’ensemble du corps,ssociées à une xérose et à un érythème kératosiquessuraire généralisé (Fig. 1). Sur les jambes, il y avaites lésions hyperkératosiques inflammatoires disposées

: avant traitement par Efudix® (cas no 3) ; b : après sept jours de

Page 4: Traitement de la maladie de Darier par 5-fluorouracile topique : quelle efficacité, quels risques ?

458 E. Le Bidre et al.

F a : ak menl

eodpdaé5dlukekiaétgpMp

D

Ctmtéempe[dvl

o1laadlC5dt

cdqecrcrcmqcélmcmlndav

igure 2. Lésions atypiques de maladie de Darier sur la jambe.ératosiques de disposition linéaire ; b : après sept jours de traite’érythème.

n mailles (Fig. 2). Il existait une atteinte unguéale avecnychoschizie et hyperkératose périunguéale. Compte tenue la poussée inflammatoire, une corticothérapie oralear prednisone (Cortancyl®) a été débutée à la posologiee 40 mg/j, puis rapidement diminuée en dix jours. Unentibiothérapie orale par pristinamycine (Pyostacine®) até associée les sept premiers jours et un traitement parFU a été débuté : applications d’Efudix® dilué à 20 % danse la vaseline, initialement sur le bras gauche puis sur tout’hémicorps. Après dix jours de traitement, on constataitne nette amélioration : la peau était plus souple, moinsératosique et moins inflammatoire (Fig. 1 et 2). À un moist demi de traitement, les lésions fissuraires et les lésionsératosiques des deux jambes avaient régressé et desntervalles de peau saine étaient apparus ; 70 g d’Efudix®vaient alors été utilisés. Un dosage sanguin de 5FU até réalisé à un mois et demi de traitement, montrant unaux inférieur à 50 �g/l. Il n’y avait pas de mutation duène de la DHD. Le traitement par 5FU topique était alorsoursuivi au rythme d’une application un jour sur deux.ais trois mois plus tard, ce traitement était interrompuar la patiente en raison d’une perte d’efficacité.

iscussion

hez les trois patientes dont nous rapportons les observa-ions, une nette amélioration des lésions cutanées de laaladie de Darier a été observée en une à trois semaines de

raitement par 5FU topique. L’amélioration sous traitementtait également très rapide dans les cas de la littérature,n une à quatre semaines [3—6]. Huit observations dealadie de Darier traitée par 5FU topique ont été publiéesrécédemment dans la littérature ; seules deux d’entre

lles ne décrivent aucune amélioration sous ce traitement3—7]. Le 5FU topique semble donc efficace dans la maladiee Darier. Une étude comparative serait nécessaire pouralider ces premières impressions et établir la posologie ete rythme d’application les plus efficaces.

ddd

t

vant traitement par Efudix® (cas no 3) : papules érythémateusest par Efudix® : diminution de l’aspect kératosique, diminution de

Cependant, une perte d’efficacité apparaît dans nosbservations après une période variant entre trois et4 mois. Chez cinq patients de la littérature améliorés pare 5FU, une persistance de l’efficacité du traitement a ététtestée sur des durées de suivi de trois ans [6], quatrens [5], sept mois [4] et deux à quatre mois [3]. Une perte’efficacité a cependant été décrite dans un cas, pourequel la rémission clinique n’a été que de deux mois [6].ompte tenu de cette perte d’efficacité à moyen terme, leFU topique ne semble pas indiqué en traitement de fonde la maladie de Darier ; il pourrait cependant être utile enraitement de courte durée des poussées de la maladie.

La physiopathologie de la maladie de Darier n’est pasomplètement élucidée. L’affection est due à une mutationu gène ATP2A2, lequel code une pompe calcique (SERCA2)ui transporte le calcium du cytosol vers le réticulumndoplasmique et joue un rôle central dans la signalisationalcique intracellulaire. La mutation provoquerait deséductions d’affinité de la pompe calcique pour l’ATP et lealcium, ainsi qu’un trouble des phosphorylations de l’ATP,esponsable d’une diminution de l’activité de la pompealcique. La perturbation de cette voie de signalisationodifie les complexes d’adhésion des kératinocytes, ceui aboutit à une acantholyse. De plus, l’excès de cal-ium intracytoplasmique provoquerait une différenciationpidermique aberrante. Plusieurs hypothèses ont été formu-ées pour expliquer l’efficacité du 5FU topique. Le 5FU estétabolisé en molécule active par l’intermédiaire de pro-

essus de phosphorylation—déphosphorylation. De par sonode d’activation, il pourrait interférer directement avec

’activité de la pompe calcique, venant suppléer les méca-ismes défaillants de phosphorylation—déphosphorylatione l’ATP par libération d’acides phosphoriques et rétablirinsi le pompage du calcium intracellulaire du cytosolers le réticulum endoplasmique. Le métabolite actif

u 5FU interfère également avec la synthèse d’ADN et’ARN. L’inhibition de cette synthèse pourrait diminuer layskératose présente dans la maladie de Darier [4,8].

Les effets indésirables potentiels de l’Efudix® men-ionnés dans le Résumé des caractéristiques du produit

Page 5: Traitement de la maladie de Darier par 5-fluorouracile topique : quelle efficacité, quels risques ?

ue

R

[

[

[

[

[

Traitement de la maladie de Darier par 5-fluorouracile topiq

(RCP) du médicament concernent uniquement des réac-tions cutanées locales (irritation, érythème, brûlure,eczéma. . .). Le 5FU utilisé par voie intraveineuse dans lecadre de chimiothérapies anticancéreuses a de nombreuxeffets indésirables : troubles hématologiques, cardiolo-giques, gastro-intestinaux. . . L’absorption systémique aprèsapplication topique de 5FU est estimée à environ 10 % ;cependant, en cas d’applications sur peau lésée, cetteabsorption peut être jusqu’à 75 fois plus importante [9,10].Des effets indésirables comparables au traitement systé-mique sont donc possibles. Deux cas d’atteinte systémiquesévère secondaire à un traitement par Efudix® ont étérapportés : une ischémie myocardique [11] et une toxicitéhématologique et gastro-intestinale sévère. Cette dernièreest survenue chez un patient ayant un déficit en DHD [12].La DHD est une enzyme clé dans le catabolisme du 5FU. Lespatients présentant un déficit d’activité de cette enzymeont un risque accru de toxicité avec le 5FU. La fréquencedes déficits partiels et complets en DHD dans la popu-lation est estimée respectivement à 3—5 % et 0,2 % [13].L’application de 5FU topique sur des peaux lésées ou chezdes patients avec un déficit en DHD pourrait donc entraînerdes effets indésirables graves [14]. Dans le cadre de trai-tement intraveineux par 5FU, la recherche d’un déficit enDHD est recommandée par de nombreux auteurs [15]. Aucuneffet indésirable clinique ou biologique du 5FU topique n’estsurvenu chez les trois patientes dont nous rapportons lesobservations et le 5FU sanguin dosé chez deux d’entre ellesétait indétectable. Cependant, ces patientes n’avaient pasde déficit en DHD.

Malgré le peu de cas d’effets secondaires graves publiés,le traitement par 5FU topique doit être prescrit avec pru-dence, surtout sur de grandes surfaces. Un déficit en DHDpourrait être systématiquement recherché avant traite-ment, en particulier en cas d’application sur peau léséeou sur une surface corporelle importante. Dans la mala-die de Darier, la perte d’efficacité de ce traitement malgréun succès thérapeutique immédiat et ses risques potentielsdoivent rendre très prudent vis-à-vis de son utilisation.

Conflit d’intérêt

Absence de conflit d’intérêt.

[

459

éférences

[1] Sehgal VN, Srivastava G. Darier’s disease/kératosis follicularis.Int J Dermatol 2005;44:184—92.

[2] Zeglaoui F, Zaraa I, Fazaa B, Houimli S, El Fekih N, EzzineN, et al. Dyskeratosis follicularis disease: case reports andreview of the literature. J Eur Acad Dermatol Venereol 2005;19:114—7.

[3] Schmidt H, Ochsendorf FR, Wolter M, Geisslinger G, LudwigRJ, Kaufmann R. Topical 5-fluorouracil in Darier disease. Br JDermatol 2008;158:1393—6.

[4] Velasco S, Guillet G. Amélioration d’une maladie de Dariertraitée par 5 fluorouracil topique. Ann Dermatol Venereol2006;133:366—8.

[5] Yoon TY, Kim JW, Kim MK. Successful treatment ofDarier disease with topical 5-fluorouracil. Br J Dermatol2006;154:1210—2.

[6] Knulst AC, De La Faille HB, Van Vloten WA. Topical 5-fluorouracil in the treatment of Darier’s disease. Br J Dermatol1995;133:463—6.

[7] De Panfilis G, Manara GC, Ferrari C, Tedeschi F, Allegra F.Darier’s keratosis follicularis: an ultrastructural study duringand after topical treatment with retinoic acid alone or in com-bination with 5-fluorouracil. J Cutan Pathol 1981;8:214—8.

[8] Pani B, Singh BB. Darier’s disease: a calcium-signaling perspec-tive. Cell Mol Life Sci 2008;65:205—11.

[9] Levy S, Furst K, Chern W. A pharmacokinetic evaluation of 0.5 %fluorouracil topical cream in patients with actinic keratosis.Clin Ther 2001;23:908—20.

10] van Ruth S, Jansman FG, Sanders CJ. Total body topical 5-fluorouracil for extensive non-melanoma skin cancer. PharmWorld Sci 2006;28:159—62.

11] Rozenman Y, Gurewich J, Gotsman MS. Myocardial ische-mia induced by topical use of 5-fluorouracil. Int J Cardiol1995;49:282—3.

12] Johnson MR, Hageboutros A, Wang K, High L, Smith JB,Diasio RB. Life-threatening toxicity in a dihydropyrimidinedehydrogenase-deficient patient after treatment with topical5-fluorouracil. Clin Cancer Res 1999;5:2006—11.

13] Gamelin E, Boisdron-Celle M, Morel A. Pharmacogénétique dumétabolisme des pyrimidines. La dihydropyrimidine déshydro-génase. Oncologie 2005;7:33—9.

14] Jonville-Béra AP, Lorette G. Quelle est la toxicité potentielle de

l’Efudix® 5 % dans la maladie de Darier ? Ann Dermatol Venereol2009;136:732—3.

15] Gamelin E, Boisdron-Celle M, Morel A. Dépistage des patientsdéficitaires en dihydropyrimidine déhydrogénase avant traite-ment par fluoropyrimidines. Thérapie 2007;62:99—103.