toxocarose oculaire : à propos d’un cas

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Pour citer cet article : Trabelsi H, et al. Toxocarose oculaire : à propos d’un cas. J Fr Ophtalmol (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2013.10.005 ARTICLE IN PRESS Modele + JFO-938; No. of Pages 2 Journal français d’ophtalmologie (2014) xxx, xxx.e1—xxx.e2 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com LETTRE À L’ÉDITEUR Toxocarose oculaire : à propos d’un cas Ocular toxocariasis : A case report La toxocarose humaine est une zoonose parasitaire cosmo- polite causée par Toxocara canis et Toxocara cati, qui sont des larves ascarides des chiens et des chats. La transmis- sion est oro-fécale et la contamination chez l’homme peut se faire par absorption de terre (géophagie des enfants) ou par ingestion d’aliments contenant des œufs embryonés ou par contact avec des chiens ou des chats [1]. La toxocarose oculaire est une atteinte rare qui est due, souvent à la localisation accidentelle d’une seule larve de T. canis au niveau de l’œil. Elle est plus fréquente chez l’enfant et l’adulte jeune. Elle peut entraîner des lésions irréversibles et même la perte de la vision. Nous rapportons un cas de toxocarose oculaire unilatérale chez un adulte avec une atteinte inflammatoire rétino- choroidienne. Un patient âgé de 58 ans, diabétique sous glucophage ® , a consulté pour un flou visuel unilatéral, un ptosis modéré et une baisse de l’acuité visuelle (AV) de l’œil droit (OD) évoluant depuis 2 mois. Dans ces antécédents, il a signalé la notion d’élevage d’un chien pendant 10 ans, des activités d’agriculture et de jardinage. L’examen ophtalmologique de l’OD a trouvé une panu- véite, une baisse de l’AV avec une vision réduite à 50 cm et un strabisme divergent. Celui de l’œil gauche (OG) était normal. Une échographie oculaire droite a montré un décol- lement choroïdien avec une accumulation séreuse entre la sclère et la choroïde et un remaniement marqué du vitré (Fig. 1). L’angiographie rétinienne à la fluorescéine a montré au niveau de l’OD un granulome inflammatoire avec décolle- ment rétinien tractionnel allant de la périphérie de la rétine jusqu’au nerf optique (Fig. 2). Le bilan biologique a objectivé une vitesse de sédi- mentation élevée : 34 (1 re heure) et 66 (2 e heure). À l’hémogramme, pas d’hyperleucocytose (GB : 5300/mm 3 ) ni d’hyperéosinophilie (PNE : 3 %). La glycémie : 1,56 g/L, l’hémoglobine glyquée : 7 %. La sérologie de la toxoplasmose a été négative. La sérologie de la toxocarose a été positive en révélant des IgG spécifiques à l’Elisa (DO = 0,958, valeur seuil = 0,536) et des bandes spécifiques de toxocarose (entre 24 et 35 kDa et entre 132 et 200 kDa) au Western-blot (WB). Figure 1. Échographie oculaire droite montrant un décollement choroïdien avec accumulation séreuse entre la sclère et la choroïde et un remaniement marqué du vitré. Le patient a été traité par l’albendazole pendant 2 mois associé à des corticoïdes par voie locale et générale pendant 6 mois. L’évolution a été marquée par une amélioration de l’acuité visuelle (vision à 2 mètres), la disparition totale de l’inflammation et la persistance d’une fibrose rétinienne séquellaire importante. Le contrôle sérologique après 6 mois de traitement a constaté une légère élévation des IgG à l’Elisa (DO = 1,146, valeur seuil = 0,678) et une persistance des bandes spécifiques au WB. Dans notre pays, la prévalence de la toxocarose oculaire n’est pas exactement connue avec 8 cas qui ont été décrits dans la bibliographie depuis 1992 [2,3]. L’âge moyen des patients est de 5,7 ans et 80 % sont âgés moins de 16 ans [4]. En effet, cette atteinte constitue 1—2 % des uvéites chez les enfants [5]. Peu d’études ont été rapportées quant à sa fréquence chez l’adulte [1]. La toxocarose oculaire est, souvent, unilatérale et isolée. Des atteintes bilatérales ont été rarement décrites dans la littérature [6]. La baisse de l’acuité visuelle est le signe d’appel majeur. Elle est présente dans environ 80 % des cas et elle est en général prononcée comme chez notre patient. Moins fréquemment, les patients peuvent consulter pour un strabisme, une leucocorie ou plus rarement pour un œdème périorbitaire. Cliniquement, la toxocarose oculaire est généralement trompeuse et peu spécifique. Les signes d’envahissement oculaire sont, surtout, un granulome rétinochoroidien péri- phérique ou du pôle postérieur, des panuvéites ou une http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2013.10.005 0181-5512/© 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

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Page 1: Toxocarose oculaire : à propos d’un cas

ARTICLE IN PRESSModele +JFO-938; No. of Pages 2

Journal français d’ophtalmologie (2014) xxx, xxx.e1—xxx.e2

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

Figure 1. Échographie oculaire droite montrant un décollementce

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LETTRE À L’ÉDITEUR

Toxocarose oculaire : à proposd’un cas

Ocular toxocariasis : A case report

La toxocarose humaine est une zoonose parasitaire cosmo-polite causée par Toxocara canis et Toxocara cati, qui sontdes larves ascarides des chiens et des chats. La transmis-sion est oro-fécale et la contamination chez l’homme peutse faire par absorption de terre (géophagie des enfants) oupar ingestion d’aliments contenant des œufs embryonés oupar contact avec des chiens ou des chats [1].

La toxocarose oculaire est une atteinte rare qui est due,souvent à la localisation accidentelle d’une seule larve deT. canis au niveau de l’œil. Elle est plus fréquente chezl’enfant et l’adulte jeune. Elle peut entraîner des lésionsirréversibles et même la perte de la vision.

Nous rapportons un cas de toxocarose oculaire unilatéralechez un adulte avec une atteinte inflammatoire rétino-choroidienne.

Un patient âgé de 58 ans, diabétique sous glucophage®,a consulté pour un flou visuel unilatéral, un ptosis modéréet une baisse de l’acuité visuelle (AV) de l’œil droit (OD)évoluant depuis 2 mois. Dans ces antécédents, il a signalé lanotion d’élevage d’un chien pendant 10 ans, des activitésd’agriculture et de jardinage.

L’examen ophtalmologique de l’OD a trouvé une panu-véite, une baisse de l’AV avec une vision réduite à 50 cmet un strabisme divergent. Celui de l’œil gauche (OG) étaitnormal. Une échographie oculaire droite a montré un décol-lement choroïdien avec une accumulation séreuse entre lasclère et la choroïde et un remaniement marqué du vitré(Fig. 1). L’angiographie rétinienne à la fluorescéine a montréau niveau de l’OD un granulome inflammatoire avec décolle-ment rétinien tractionnel allant de la périphérie de la rétinejusqu’au nerf optique (Fig. 2).

Le bilan biologique a objectivé une vitesse de sédi-mentation élevée : 34 (1re heure) et 66 (2e heure). Àl’hémogramme, pas d’hyperleucocytose (GB : 5300/mm3)ni d’hyperéosinophilie (PNE : 3 %). La glycémie : 1,56 g/L,l’hémoglobine glyquée : 7 %. La sérologie de la toxoplasmose

Pour citer cet article : Trabelsi H, et al. Toxocarose ohttp://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2013.10.005

a été négative. La sérologie de la toxocarose a été positiveen révélant des IgG spécifiques à l’Elisa (DO = 0,958, valeurseuil = 0,536) et des bandes spécifiques de toxocarose (entre24 et 35 kDa et entre 132 et 200 kDa) au Western-blot (WB).

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http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2013.10.0050181-5512/© 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

horoïdien avec accumulation séreuse entre la sclère et la choroïdet un remaniement marqué du vitré.

e patient a été traité par l’albendazole pendant 2 moisssocié à des corticoïdes par voie locale et générale pendant

mois.L’évolution a été marquée par une amélioration de

’acuité visuelle (vision à 2 mètres), la disparition totalee l’inflammation et la persistance d’une fibrose rétinienneéquellaire importante. Le contrôle sérologique après 6 moise traitement a constaté une légère élévation des IgG à’Elisa (DO = 1,146, valeur seuil = 0,678) et une persistancees bandes spécifiques au WB.

Dans notre pays, la prévalence de la toxocarose oculaire’est pas exactement connue avec 8 cas qui ont été décritsans la bibliographie depuis 1992 [2,3]. L’âge moyen desatients est de 5,7 ans et 80 % sont âgés moins de 16 ans [4].n effet, cette atteinte constitue 1—2 % des uvéites chezes enfants [5]. Peu d’études ont été rapportées quant à saréquence chez l’adulte [1].

La toxocarose oculaire est, souvent, unilatérale et isolée.es atteintes bilatérales ont été rarement décrites dans la

ittérature [6]. La baisse de l’acuité visuelle est le signe’appel majeur. Elle est présente dans environ 80 % des cast elle est en général prononcée comme chez notre patient.oins fréquemment, les patients peuvent consulter pour un

trabisme, une leucocorie ou plus rarement pour un œdèmeériorbitaire.

Cliniquement, la toxocarose oculaire est généralement

culaire : à propos d’un cas. J Fr Ophtalmol (2014),

rompeuse et peu spécifique. Les signes d’envahissementculaire sont, surtout, un granulome rétinochoroidien péri-hérique ou du pôle postérieur, des panuvéites ou une

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igure 2. Angiographie rétinienne à la fluorescéine de l’œil drractionnel allant de la périphérie de la rétine jusqu’au nerf optiqu

ndophtalmie chronique [1]. La perte de la vision est duerincipalement à la sévérité de l’atteinte vitréenne (52,6 %),

l’œdème maculaire cystoïde (47,4 %) et au détachementétinien tractionnel (36,8 %) [7].

Sur le plan biologique, le diagnostic est basé essentiel-ement sur la sérologie. La technique Elisa et Western-blotont les méthodes les plus utilisées pour détecter les anti-orps anti-Toxocara.

La technique Elisa pour la recherche d’IgG spécifiquesans le sérum constitue actuellement un bon moyen diag-ostique avec une sensibilité et une spécificité de 90 % [5].ependant, les taux des anticorps dans le sérum sont sou-ent faibles ou indétectables [8] et leur absence n’exclutas le diagnostic. Ainsi, même un titre bas d’anticorps spé-ifiques dans le sérum peut avoir une valeur diagnostiqueais il n’y a pas de consensus qui définit un titre seuil pour

e diagnostic [8]. La détection d’anticorps spécifiques parlisa dans l’humeur aqueuse ou le vitré s’avère plus sensiblet permet de confirmer le diagnostic [4].

La technique Western-blot est plus spécifique en mon-rant 7 bandes spécifiques réparties en deux groupes :

fractions de faible PM (24, 28, 30 et 35 kDa) et 3 fractionse haut PM (132, 147, 200 kDa) comme c’était le cas pourotre patient [9].

Le traitement de la toxocarose oculaire est difficile. Lesntihelminthiques, de pénétration oculaire faible, agissentssentiellement sur la localisation viscérale. Les anti-nflammatoires, administrés seuls ou en association aveces antihelminthiques, visent à réduire la réaction inflam-atoire et éviter la formation de membranes tractives

itréo-rétiniennes. La chirurgie à type de vitrectomie estndiquée en présence de brides vitréo-rétiniennes et pourrévenir et traiter les détachements rétiniens. La photo-oagulation a des indications limitées et permet de détruirea larve mobile dans l’espace rétinien et traiter les mem-ranes choroïdiennes néo-vascularisées [5].

Pour citer cet article : Trabelsi H, et al. Toxocarose ohttp://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2013.10.005

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt enelation avec cet article.

ontrant un granulome inflammatoire avec décollement rétinien

éférences

1] Verallo O, Fragiotta S, Verboschi F, Vingolo EM. Diagnosticaspects and retinal imaging in ocular toxocarosis: a case reportfrom Italy. Case Rep Med 2012:984512.

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4] De Visser L, Rothova A, De Boer JH, Van Loon AM, Kerkhoff FT,Canninga-van Dijk MR, et al. Diagnosis of ocular toxocariasis byestablishing intraocular antibody production. Am J Ophthalmol2007;145:369—74.

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H. Trabelsi , S. Néji , F. Cheikhrouhou ,H. Sellami , R. Guidara , W. Mhiri , F. Makni ,

A. Ayadi ∗

Laboratoire de biologie moléculaire parasitaire etfongique, faculté de médecine, université de

culaire : à propos d’un cas. J Fr Ophtalmol (2014),

Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (A. Ayadi)