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Book de Thierry Verbeke, travaux récents

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Thierry verbeke

51 rue Victor Hugo 59113 Seclin France / 33(0)6 65 72 86 49 / [email protected] / http://thierry.verbeke.free.fr

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Depuis 1997, je développe un travail qui recycle, détourne et interroge les images des médias. Ce questionnement recouvre l'image d'information, de publicité, de communication officielle lors de conflit…

Dans la plupart des cas, je réalise des pièges visuels, forçant le spectateur attentif à se poser des questions sur ce qui lui est présenté. J'aime à croire que mon travail ne s'offre pas au premier regard et qu'il recèle une part d'ambiguïté. Cette ambiguïté revendiquée passe par l'utilisation de formes visuelles très codifiées, ( images de paparazzi, images infrarouges, images de caméra vidéo amateur, illustration du monde du travail par des banques d'images…), dans le but d'induire le spectateur en erreur dans un premier temps, puis de déjouer ses réflexes de lecture et instaurer le doute.

En 2003, j'ai décidé de systématiser ce principe en réalisant la banque d'images freecopy-imagebank, sorte de " superstructure" explicitant mes travaux précédents. On y retrouve les grands principes de détournements, de « décorticage » et de mise en garde d'une lecture trop hâtive des images qui nous entourent.

Parallèlement à ce travail, je développe depuis 2000, avec l'exposition « 's wonderfull » réalisée au Confort Moderne à Poitiers (1), et plus tard avec l'exposition « le travail c'est la santé » au bon accueil de Rennes et à la ZOO galerie de Nantes (2), un travail plus politique au sens large, qui interroge le monde du travail, sa représentation, la communication officielle des hommes politiques...

Cet axe de travail se retrouve dans l'exposition intitulée « On voit enfin le bout du tunnel ». Le titre de cette exposition provient d'une allocution de Raymond Barre en 1976 lors de laquelle il prophétisait « le bout du tunnel », promesse régulièrement renouvelée mais jamais effective avec en toile de fond la faillite des idéologies de tout bord.

(1) Voir la vidéo « vidéo rose », et le carton affiche « test », qui détourne les tests des magazines féminins. Ici quelles que soient vos réponses, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

(2) Voir la vidéo «!ANPE concept car!», prototype pour ramener des chômeurs vers l'agence nationale pour l'emploi. Ce concept car a été développé suite aux annonces officielles de la baisse du chômage en 2000.

T.V.

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La barricadeimpression sur vinyle contre-collé sur bois,490 / 200 cm, HP, bande son, 2008

La barricade est un ensemble de 5 planches d’aggloméré d’1M de large sur des hauteurs variables, présentée ici superposée au wall-drawing New-York 2007. Ces différents morceaux reçoivent chacun une partie d’une photographie traitée à la manière d’une photocopie. Cette dernière représente une barricade faite d’enceintes de chaîne hi-fi, derr ière laquelle on ret rouve un personnage au poing levé. Sur l’une des planches, deux hauts parleurs ont été insérés. La bande son mélange des musiques punk, de la fin des années 70 au milieu des années 80, des bruits de manifestations et une interview d’une adolescente qui nous parle de musique, de révolte et des jeunes de son âge.

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New-york 2007

La barricade + New-york 2007

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La barricade, image de travail

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Meeting,Vidéo 32’, 2010

Cette vidéo nous présente le contre champ du meeting d e Mar i e-Geo r g es Buffet l o r s d es él ect i o ns présidentielles de 2007.Nous entendons le discours officiel de la candidate mais c’est son auditoire que nous voyons avec au premier plan les parents de l’artiste. Ces deux derniers ont participé par la suite à une discussion avec leur fils sur leur engagement politique de 1968 à aujourd’hui. C’est la retranscription de cette discussion qui tient lieu de sous titre à la vidéo Meeting. Cette vidéo à plusieurs voix nous parle de différentes époques, de filiation, d’espoirs perdus, d’échec des vieilles idéologies et de la possible reconstruction de nouvelles utopies.

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B comme Babibel,cire et emballage de babibel,13x13 cm, 2010

Réinjecter du politique dans le quotidien regroupe une série de multiples. Il s’agit ici d’utiliser des signes politiques en les apposant sur des objets quotidiens. La série de multiples oscille entre désirs de re-politisation et constat de la perte de signification des dits signes transformés pour l’occasion en logos. Elle met en évidence la récupération des signes de toutes sortes par le secteur marchand et la publicité. Aujourd’hui tout fait vendre, même la révolution.

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Absolut Bassora,tirage sous plexiglas,70 / 45 cm, 2008

Cette photographie d'une page du journal Libération met en lumière la rencontre accidentelle d’une publicité pour de la vodka, avec une image de sévices sur des prisonniers Irakiens, imprimée au verso. Cette pièce illustre la confusion des genres entretenue par les agences de publicité et les médias, ainsi que leur imbrication avec le pouvoir économique.

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Bleus de chauffe, Bleus de travail usagés, bois, dimensions variables, 2009

Oeuvre réalisée à partir de bleus de travail, décousus et recousus différemment. Dans ce travail, je m’interroge sur le passage du monde du travail à celui du folklore du travail. “Les manufactures Lilloises deviennent des salles de spectacles, les bleus de travail ne sont plus portés, ils sont partie prenante du carnaval, folklore de la grève” *

*Comité invisible, l'insurrection qui vient

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Participation au défilé du 32 mars à Roubaix, sur une proposition du Bureau d’Art et de Recherche.

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Invasion,photographies contre-collées sur aluminium24 x 36 cm, 2011

Cette série de photographies tire son titre du film de John Carpenter “invasion Los Angeles”. Le personnage principal Nada y parcourt les routes à la recherche d’un travail comme ouvrier sur les chantiers. Embauché à Los Angeles, il rejoint un bidonville où il va entrer en possession d’une paire de lunettes hors du commun. Elles permettent de voir la réalité telle qu’elle est : le monde est gouverné par des extra-terrestres.

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Can do it,serviette Nike, pancarte électorale dimensions 80 / 140 cm + 75 / 165 cm, 2010

"Can do it" résulte de la rencontre entre le slogan de la marque Nike et celui d’une affiche électorale, du candidat à la maiso n b lanche Barack Obama. Par leur rapprochement, physique, ces deux slogans semblent engager ici un dialogue.Il ne reste plus qu'à apprendre que "Yes we can" est la traduction quasi littérale du vieux slogan d'ouvriers Latinos "Si, se puede!» et Que "Just do it" provient du livre "Do it", du militant activiste Jerry Rubin, figure essentielle de la contestation des sixties aux U.S.A. Leur retranscription sur du carton d’emballage de produits manufacturés, à la manière de pancartes de manifestants, propose une ré-appropriation des codes détournés par la communication et l’univers marchand.

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Parachute doré,wall-drawing d’après Léonard de Vinci, paint ball couleur or,dimensions variables, 2010

Ce travail donne une forme visible à l’expression récente de « parachute doré » employée par les média. La mise en couleur du dessin original de Léonard de Vinci prend des allures de tir aux pigeons à travers l’utilisation d’une arme de paint-ball tirant des billes remplies de peinture dorée. Dans sa tentative de donner une forme visuelle à cette expression, «!parachute doré!» fait écho au travail précédent « on voit enfin le bout du tunnel!».

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L’avenirenseigne et vidéo, 2013

L’enseigne l’avenir est celle d’un local syndical de Dunkerque. Au début du XXe siècle il y avait une bourse du travail portant ce nom à Dunkerque. Détruite pendant la seconde guerre mondiale, elle a pu être reconstruite grâce aux fonds des dommages de guerre.Aujourd’hui, je propose au syndicat, d’échanger son vieil avenir (l’enseigne) contre un nouvel avenir, construit à l’identique de la précédente enseigne. C’est donc ici la troisième renaissance symbolique pour «l’avenir».

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IWOULD PREFER TOtampon géant, encre, papier à la disposition du public, 20X53 cm, 2013

"I would prefer to" est une référence directe au livre Bartleby d'Herman Melville dans lequel le personnage principal répond aux demandes de son employeur par "i would prefer not to!», engageant avec lui une forme de résistance en refusant toute forme d'action. En utilisant une forme positive de cette phrase, ce travail se situe sous des hospices plus volontaristes en laissant une porte ouverte à l’engagement tout en étant conscient de la complexité du monde qui nous entoure.

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PEZ (paradise Economic Zone)drapeau, sandows, container panneau de chantier, palmier artificiel, 2014

D’avril à septembre 2014, Thierry Verbeke s'installe sur la ligne frontière de Rekkem-Ferrain et la transforme en zone autonome. Son projet, aux multiples facettes, interroge l'idée de la frontière aujourd'hui, zone de transfert humain, mais également monétaire. À travers la création d'une P.E.Z. (Paradise Economic Zone) qui sera implantée à proximité de la Paradijsstraat (rue du Paradis), Thierry Verbeke évoque une tentation liée à l'idée même de frontière, celle de la fraude fiscale.

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United Colors ii,Ptchwork en tissus usagés160 / 220 cm, 2014

United Colors II a été réalisé avec l’aide de l’atelier 240 rue Nationale à Lille. Cette association, à travers sa vision qu’on pourrait qualifier de politique du recyclage textile, ainsi que le mode de construction du drapeau (patchwork), participent à recharger symboliquement cette icône dévoyé qu’est le drapeau de pirate. Ce drapeau flottera bientôt sur la façade du BPS 22, centre d’art à Charleroi. Quand il commencera à s’abimer, il sera décroché pour rejoindre la collection de la province du Hainaut.

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Expositions personnelles / sélection

2014 -PEZ (Paradise Economic Zone), aire d’autoroute de l’ancienne douane de Rekkem-Ferrain -L’AVENIR, zone portuaire de Dunkerque2008 -On voit enfin le bout du tunnel, Bureau d’Art et de Recherche, Roubaix2006 -Customize Your Garden, Bureau d’Art et de Recherche, Roubaix2005 -Customize Your Car, Borderline, Nantes2001 -‘S wonderfull, le Confort Moderne, Poitiers1999 -Stickers, T.Shirts & V.I.P.’s artconnexion, Lille

Expositions collectives / sélection

2014 -J’M mon travail, maison folie hospice d’Havré, Tourcoing2012 -L’équilibre des forces, Centre d’Arts Plastiques et Visuels, Lille2011 -Design reloaded, Bureau d’Art et de Recherche, Roubaix -Living room, moquette partout... , sur une invitation de Grégoire Motte, artconnexion, Lille2009 -Sélection “vidéo rose”, festival instants vidéo, Marseille2008 -Sélection “meeting”, festival instants vidéo, Marseille -“Ida juillet 2005” vidéo en ligne dans le cadre de la saison vidéo 2006 -Photo-Trafic avec C.Closky, C. Draeger, W. Du, T. Ruff... B.A.C., Genève. -Festival Traverse vidéo, ( projection de six de mes vidéos ), Toulouse2005 -Saison vidéo “l’axe du mal”, Centre d’Arts Plastiques, Lille -5° Festival du court métrage, Lille2003 -10° Biennale de l’image en mouvement, C.I.C., Genève -Meanwhile in the Real World les 20 ans des F.R.A.C., la Sorbonne, Paris -Slippery, Centre d’Art Espace Croisée, Roubaix2000 -Plan B, Vidéo lounge, Dortmund -Le travail c’ est la santé, Zoo Galerie, Nantes1999 -Vidéothèque Ephémère : Espace croisé, Lille / Accès Local, Paris / Musée d’ Art Contemporain, Brême -8° Biennale de l’image en mouvement, C.I.C., Genève

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Presse, radio, publications, bourses ...

2012 -Carte blanche revue 50 ° Nord -Revue Semaine 15.12 / L’équilibre des forces2011 -Bourse d’aide à la création Région Nord-pas de Calais -Acquisition de United Colors pour la collection de la province de Hainaut / B.P.S.22, Charleroi -Magazine NEXT avril 2010 entretien Nassim Daghighian /Joerg Bader2009 -Revue 50° Nord, texte de Pierre-Olivier Rollin2008 -Bourse d’aide à la création D.R.A.C. Nord-pas de Calais2007 -Mise en ligne du site http://thierry.verbeke.free.fr2006 -Exporama art press -Kunstbulletin, juin 06, page 50, par Donatella Bernardi -Connaissance des arts spécial photo, juin page 34 -La Une, radio Suisse Romande, exposition Photo-Trafic, commissaire Joerg Bader -Mise en ligne du site http://freecopy-imagebank.com2005 -Edition de Customize your car & Customize your garden avec le soutien de -Résidence à Genève avec le soutien du Fonds Cantonal d’ Art Visuel -B.P.S . 22 PROJECT, Charleroi et du Bureau d’ Art et de Recherche, Roubaix 2004 -Résidence à Genève avec le soutien du Fonds Cantonal d’ Art Visuel, d’ artconnexion et de l’ A.F.A.A. 2003 -Bourse d’aide à la création D.R.A.C. Nord-pas de Calais2002 -Edition calendrier 2002, Bureau d’Art et de Recherche, Roubaix2001 -Exporama art press, mars 20011999 -Art press, 254 page 88

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Thierry Verbeke, génération Béruriers

Dans un entretien désormais célèbre avec Hans Haacke, et fort ironiquement intitulé Libre-Echange, Pierre Bourdieu formulait cette question incisive : Quelles formes symboliques peut-on aujourd’hui opposer aux formes modernes de domination symbolique ? Les intellectuels mais aussi les syndicats, les partis, sont très désarmés face à cela. Vous [Hans Haacke, mais cela s’adressait à tous les artistes] prouvez, par les faits, en acte, qu’il est possible d’inventer des formes d’actions symboliques, inouïes, qui nous changeraient de nos éternelles pétitions et qui mettraient les ressources de l’imagination littéraires et artistiques au service des luttes symboliques contre les dominations symboliques.

Car l’enjeu est bien celui-là dans l’œuvre de Thierry Verbeke, même si l’artiste l’a formulé différemment, notamment avec Ré-injecter du politique dans le quotidien, délicieuse petite série de multiples aux couleurs et aux formes de fromages Babibel marqués d’un marteau et d’une faucille. Comment manifester, témoigner de son refus de soumission à un ordre du monde qui se prétend naturel voire a-historique; ce qui revient au même? Tout en étant conscient des limites et de la portée réelle de ses actes. C’est dans ce cadre étroit que se répandent, ou plutôt slaloment, ses propositions plastiques.

Dès lors, celles-ci peuvent circuler dans l’espace public, comme certaines de ses interventions précédentes, mais elles se retrouvent aussi dans les lieux d’exposition, alors symboliquement associés à une terre franche, ces zones enclavées, échappant à l’autorité extérieure. C’est d’ailleurs un drapeau de pirates qui flottait à l’entrée du B.A.R., lors d’une exposition de l’artiste, en 2008. Un drapeau fait d’un patchwork de tissu noir, bien sûr marqué du crâne aux os croisés du fameux Jolly Roger.

Ce faisant, Thierry Verbeke brouille deux références socioculturelles en les associant : la première, celle du patchwork, longtemps associé à une pratique expressive exclusivement féminine, fréquente notamment dans les associations d’occupation de femmes ouvrières ; et la seconde, celle de la flibuste historico-mythique qui rappelle, à la suite des écrits du célèbre historien anglais Christopher Hill, que la piraterie est aussi un monde inversé; soit une tentative de mettre sur pied une contre-société plus égalitaire que celle dans laquelle vivaient les marins, un espoir de mettre sur pied ce qui, à l’époque, n’est encore qu’une utopie démocratique (Eleutheria, Libertalia etc.). L’œuvre lie ainsi deux systèmes d’organisations sociales, induisant des échanges entre eux.

De surcroît, cette bannière pirate annonçait également la couleur de l’exposition ; celle d’une critique du système médiatico-économique, clos et vicieux comme peut l’être un cercle. Car, sous un premier aspect badin, léger, fun serait-on tenté d’écrire, l’artiste va enchaîner une succession de paradoxes visuels, culturels, sémantiques, etc. qui, s’ils se perçoivent dans un premier temps comme des apories amusantes, révèlent in fine les inégalités structurelles de notre système.

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Roland Barthes n’a-t-il d’ailleurs pas démontré que l’exposition ostensible des termes d’un paradoxe renforçait leurs différences intrinsèques ?

Ainsi, sur la vitrine du B.A.R., pouvait-on lire cette phrase prononcée, en 1976, lors d’un débat télévisé, par Raymond Barre, alors Premier Ministre : On voit enfin le bout du tunnel, retranscrite dans un graphisme emprunté au graffiti urbain. Ce premier paradoxe, dont chaque détail devrait être analysé plus longuement, expose sa contradiction : Qui a vu le bout du tunnel de cette crise économique dont on disait alors qu’elle était née du premier choc pétrolier ? Si le paradoxe nous est évident entre le fond (la phrase) et la forme choisie (le graphisme urbain), c’est justement parce qu’il se fonde sur l’acceptation inconsciente d’une inégalité de nature entre ces termes, face aux crises quelles qu’elles soient.

Le carton d’invitation - l’artiste n’épargne aucun de ces détails significatifs qui constituent cet autre système qu’est celui de l’art - répétait la citation, mais dans un lettrage de diamant, référence explicite à cette propension au bling bling ostentatoire des rappeurs de la côte ouest américaine. Tandis que dans l’exposition, une peinture murale livrait les traits d’un Hummer, autre symbole du pimp américain, rehaussé cette fois de lustres d’apparat démesurés ; ajout directement emprunté à la limousine du personnage du Duc, dans le film d’anticipation de John Carpenter, New York 1997. Les signes empruntés à divers registres culturels s’entrelacent et s’accentuent ainsi, pour apparaître à nouveau comme d’apparents paradoxes et se livrer, finalement, comme les points d’exacerbation d’une même logique.

Après quelques semaines, la peinture murale était recouverte par des panneaux d’aggloméré représentant une barricade faite de haut-parleurs, où apparaissait un personnage brandissant le poing, capuche relevée à la manière d’un black blocker (une autre fiction médiatique). Les haut-parleurs diffusaient une construction sonore de Christophe Debrandère, alternant l’interview d’une adolescente avouant ses désirs de révolte, ses goûts musicaux, ses espoirs…, et des extraits de morceaux de groupes punks des années 70 et 80 qui, pour les français en tous cas (Lukrate Milk, Béruriers Noirs, Ludwig von 88 etc.), contribuèrent à la conscience politique d’une génération. Les difficultés de l’idéal politique punk (de la 2e génération, ne blessons pas Pierre Mikaïloff) se frottent ainsi à la luxuriance arriviste des stars du hip hop !

Un autre paradoxe, le plus violent de l’exposition probablement parce qu’il est involontaire, est Absolut Basora : sur une page de journal se livre une pleine page de publicité pour la marque de vodka éponyme exceptionnellement en grève, c’est à dire sans image autre qu’une focale de lumière, accompagnée des mots Absolut en grève. Outre un mépris affiché pour le droit de grève, la marque use de ce paradoxe que Jean Baudrillart avait déjà relevé, à savoir que la première caractéristique d’une grève est de ne rien produire, d’être un non-événement (il ne se passe rien) mais qui est toujours médiatiquement présenté comme un événement. Par là, la marque tente de substituer un discours informatif à un discours publicitaire.

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Toutefois, par surimpression et surexposition, l’image imprimée au verso profite de cette absence pour apparaître et livrer son information sur les sévices infligés à des prisonniers irakiens, dans une prison de Basora. Quand, comme l’ont écrit Michael Hardt et Toni Negri, l’état d’exception devient la règle et la guerre, une condition permanente, la distinction traditionnelle entre guerre et politique tend à s’estomper. Profitant de cette apparition impromptue pour cause de grève publicitaire, Thierry Verbeke isole un des dilemmes fondamentaux de nos sociétés : le choix de la sécurité au prix fort des libertés. Dilemme dont il est nécessaire de mesurer toutes les conséquences.

1 Haacke Hans et Bourdieu Pierre, Libre-Echange, Paris, Seuil, 1993.Par exemple Rouge, un projet d’affichage pour six abribus consécutifs, ou son vaste projet Freecopy-imagebank2 banque d’images modifiées qui perturbe l’imagerie clean et artificiellement parfaite de la publicité ou de la communication politique (www.freecopy-imagebank).3 En Belgique, il s’agissait d’associations comme Vie Féminines, Les Femmes Prévoyantes Socialistes, intimement liées aux partis politiques.4 Le Monde à l’envers est le titre français du livre de Christopher Hill The World Turn upside down dans lequel il confirme que la piraterie est une contre-société, qui se nourrit des idées émancipatrices à l’origine de la Révolution anglaise.5 Il faut particulièrement relire La Croisière du Sang bleu, dans Mythologies.6 Chacun de ces détails, qui témoignent de la pertinence de la proposition de l’artiste, mériterait un regard plus fouillé : histoire du débat télévisé, rhétorique politico-médiatique de la petite phrase, etc.7 Hardt Michael et Negri Toni, Multitude : guerre et démocratie à l’époque de l’Empire. Bonnes feuilles, in Multitudes, n°18, Automne 2004.

Pierre-Olivier Rollin

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À contes dʼauteur

Selon d’aucuns, l’art contemporain serait comme la cristallisation symbolique du capitalisme néolibéral, puisque capable de produire de la valeur avec tout et en particulier avec rien. Offerts aux jeux spéculatifs, objets trouvés, gestes du quotidien et cogitations mentales, «!fabriquent de la valeur sans fabriquer de richesse (…) c’est-à-dire sans travail humain!»1. Agitations boursières au moindre souffle neuf, surenchère des cotes à chaque appel d’air, obsolescence programmée de toute trouvaille, même la plus hardie : la soif insatiable de nouveauté et la dématérialisation des supports à l’œuvre dans l’art contemporain seraient l’expression culturelle de l’inanité productive du CAC 40. Un peu hâtif, somme toute, mais à creuser.En tout état de cause, nous sommes ici face à un processus inverse!: dans un contexte de virtualisation de l’économie et de labilité des flux financiers, de surmédiatisation de notre rapport au réel et de difficulté croissante à nous le représenter, le projet PEZ de Thierry Verbeke s’attache à concrétiser des réalités au demeurant intangibles. Qu’est-ce qu’un paradis fiscal!? Qu’est-ce qui le détermine et le rend possible!? L’opacité du secret bancaire et l’existence d’une frontière aussi perméable aux transits pécuniaires qu’elle est hermétique aux législations fiscales. Qu’est ce qu’une société offshore sinon une boîte aux lettres, un en-tête!?

D’où les éléments composant, in situ, la Paradise Economic Zone!: d’abord, un tracé délimitant une zone 2. Un territoire enclavé sur l’ancienne aire de douane de Rekkem-Ferrain, aujourd’hui simple parking pour poids lourds, régulièrement visité par les coqs du village mitoyen (Menin). Sur cette bande frontalière reconfigurée, un container coiffé d’un palmier, des affichages publicitaires et un placard invitant le chaland à domicilier le siège social de sa société dans ce «!paradis fiscal de proximité!». Ce campement financier vêtu d’un décorum de zoning commercial offre une image perceptible des caprices transitoires de l’ingénierie fiscale.

Quand le rouge fout l’campDevant cet aménagement, une visée permet de zoomer sur un dispositif longeant le bitume, sur l’autre rive de l’autoroute!: un double drapeau – belge et français – tendu à plusieurs mètres de haut. Bleu – blanc – rouge – jaune – noir!: le rouge central est le rouge commun, celui du sang versé pour abattre l’Ancien Régime, celui de la fierté indépendantiste brabançonne. Ce rouge rassemble, unit les deux terres. Il s’étire également, à la limite du déchirement, exprimant de la sorte les tensions qui traversent les communautés frontalières du fait, entre autres, des pathétiques joutes linguistiques livrées dans le Royaume. L’Europe a dissipé l’activité douanière aux frontières nationales,!mais, conjointement, les rivalités interrégionales se sont avivées et les Régions présentement privilégiées (Catalogne, Flandre, Lombardie…) entendent bien décramponner les flancs-mous de la Croissance.

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Devant cet aménagement, une visée permet de zoomer sur un dispositif longeant le bitume, sur l’autre rive de l’autoroute!: un double drapeau – belge et français – tendu à plusieurs mètres de haut. Bleu – blanc – rouge – jaune – noir!: le rouge central est le rouge commun, celui du sang versé pour abattre l’Ancien Régime, celui de la fierté indépendantiste brabançonne. Ce rouge rassemble, unit les deux terres. Il s’étire également, à la limite du déchirement, exprimant de la sorte les tensions qui traversent les communautés frontalières du fait, entre autres, des pathétiques joutes linguistiques livrées dans le Royaume. L’Europe a dissipé l’activité douanière aux frontières nationales,!mais, conjointement, les rivalités interrégionales se sont avivées et les Régions présentement privilégiées (Catalogne, Flandre, Lombardie…) entendent bien décramponner les flancs-mous de la Croissance.Du reste, le double drapeau planté par Thierry Verbeke – dont l’installation succède directement au démantèlement du poste de douane – réaffirme la réalité de la frontière franco-belge dont le valeureux franchissement, rappelons-le, a permis à quelques fortunés d’échapper à l’implacable voracité fiscale républicaine. À cet égard encore, l’entreprise de Thierry Verbeke tend à matérialiser l’intrication de réalités échappant à la perception!: évasion fiscale, tensions frontalières, désirs de rapprochement, tentations de l’éloignement…

Paradise Now Fiction traduisant une part du réel, PEZ habite également une réalité territorialisée avec laquelle elle interagit temporairement. Son créateur-directeur-animateur est en effet devenu un acteur du site, suscitant questions et discussions, renseignant les routiers sur l’achat des vignettes, sillonnant le village, discutant au bistrot (le National, tout un programme…). Observant beaucoup également et documentant l’insolite des situations, le trafic autoroutier, la manière dont hommes et bêtes habitent les lieux!: les cantines improvisées par les routiers sur le parking, le séjour des coqs, vraisemblablement peu investis de leurs connotations symboliques et linguistiques…

Image à connotations multiples, PEZ s’offre également comme un territoire d’expériences, d’échanges et d’observations. Un outil de lecture par ailleurs, un support de réflexion et de formulation. L’initiative atteste donc à nos yeux, qu’à l’inverse de ce que d’aucuns prétendent, certaines pratiques artistiques demeurent aptes à poser des indices permettant de mettre le monde en perspective, de le questionner, d’en modifier la perception autant que l’horizon.

Laurent Courtens

1 Franck Lepage, L’éducation populaire, Monsieur, ils n’en ont pas voulu… , Éditions du Cerisier, Cuesmes, 2007, p. 88.2 La zone épouse les contours d’un tronçon de la bien nommée rue du Paradis, partant de Menin pour butter sur l’aire de stationnement et retrouver son parcours de l’autre côté de l’autoroute.

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