syndrome de demons-meigs. À propos de deux cas et revue de la littérature

3

Click here to load reader

Upload: s-errarhay

Post on 15-Jul-2016

220 views

Category:

Documents


3 download

TRANSCRIPT

Page 1: Syndrome de Demons-Meigs. À propos de deux cas et revue de la littérature

Syndrome de Demons-Meigs. A propos de deux caset revue de la litterature

S. Errarhay, C. Bouchikhi, H. Chaara, H. Bouguern, A. Melhouf, A. Banani

Service de gynecologie et d’obstetrique, CHU Hassan-II, 30000, Fes, Maroc

Correspondance : e-mail : [email protected]

Resume : Les auteurs rapportent

deux observations d’un syndrome

de Demons-Meigs survenant chez

deux femmescolligeesauservicede

gynecologie et d’obstetrique, CHU

Hassan-II, Fes. Il s’agit d’une ascite,

d’une pleuresie et d’une tumeur

ovarienne benigne fibrothecome.

L’evolution est favorable apres

l’ablation de la tumeur. Les auteurs

soulignent les caracteristiques clini-

ques, therapeutiques, evolutives et

pronostiques de ce syndrome.

Mots cles : Syndrome de Demons-

Meigs – Tumeur ovarienne

Demons-Meigs syndrome.

Report of 2 cases and review

of the literature

Abstract: The authors report a case

of Demons-Meigs syndrome asso-

ciated in two women. This syn-

drome associates ascitic effusion,

pleural effusion and benign ovarian

fibrothecoma. The evolution is

favourable after total excision of

the tumor. The authors underline

theclinical, therapeuticandpronosis

features of the syndrome.

Keywords: Demons-Meigs syn-

drome – Ovary tumor

Introduction

La premiere description du syn-

drome de Demons-Meigs (SDM)

revient a Demons en 1987.

En 1937, Meigs decrit quatre-

vingt-quatre cas de tumeurs

ovariennes associees a un epan-

chement pleural avec une ascite

qui se resorbent completement

apres exerese de la tumeur

ovarienne [1, 2].

En 1949, Funck-Brentano a

reconnu la double paternite de ce

syndrome en le denommant ainsi

syndrome de Demons-Meigs.

Observation no 1

Mme C.F., agee de 26 ans, cin-

quieme geste, cinquieme pare, cinq

enfants vivants, sans antecedents

pathologiques particuliers, qui a ete

hospitalisee dans notre service pour

douleurs pelviennes aigues evo-

luant depuis trois jours avec appari-

tion d’un syndrome subocclusif

sans trouble du cycle menstruel.

L’examen clinique objective une

matite declive des flancs avec une

volumineuse masse prenant tout

l’abdomen, un col d’aspect normal

et un uterus de taille difficile a

apprecier vu la presence d’ascite et

un syndrome d’epanchement pleu-

ral droit liquidien. La radiographie

du thorax a montre un epanche-

ment pleural droit. Une echographie

abdomino-pelvienne faite a objec-

tive une image multiloculaire a

double composante kystique et tis-

sulaire prenant tout l’abdomen et le

pelvis avec un uterus de taille nor-

male et un epanchement liquidien.

La tomodensitometrie objective une

masse solidokystique probablement

d’origine ovarienne.

Au cours de son hospitalisation,

la patiente a presente une detresse

respiratoire necessitant une ponc-

tion d’ascite (1 l) et l’etude cytolo-

gique du liquide preleve n’avait pas

montre la presence de cellules

cancereuses. La patiente fut operee

et l’exploration trouve une ascite de

grande abondance, une tumeur de

l’ovaire gauche d’aspect cerebroıde

mesurant 118/80 mm (Fig. 1-4),

l’ovaire droit, le foie, le diaphragme,

les gouttieres parietocoliques sont

sans anomalies. Une annexectomie

gauche a ete realisee. L’etude ana-

tomopathologique a mis en evi-

dence une proliferation de cellules

fusiformes sur un fond de collagene

avec remaniements kystiques et

luteinisation sansmitose ni necrose

et l’etude cytologique du liquide

d’ascite n’a pas objective de cellules

cancereuses. Le diagnostic de fibro-

thecome a ete retenu. Les suites

operatoires etaient simples. La

pleuresie s’est assechee definitive-

ment une semaine apres l’inter-

vention. La patiente est revenue en

consultation un mois plus tard puis

tous les six mois. Actuellement, elle

est en guerison complete.

Observation no 2

Mme E.M., agee de 30 ans, primi-

geste, primipare, ayant un enfant

vivant, sans antecedents pathologi-

ques particuliers, hospitalisee pour

douleurs pelviennes chroniques a

type de pesanteur non cycliques

avec periode d’oligomenorrhee

depuis six mois. L’examen clinique

objective une matite declive des

flancs avec un col d’aspect normal,

un uterus de taille normale, une

masse retro-uterine tres doulou-

reuse et un syndrome d’epan-

chement pleural liquidien droit. La

radiographie du thorax a montre un

epanchement pleural droit. Une

echographie pelvienne faite a objec-

tive une image echogene bien limi-

tee aux depens de l’ovaire droit

faisant 47/41 mm avec un uterus de

taille normale et un epanchement

liquidien. La patiente fut operee et

l’exploration trouve une ascite, une

masse de l’ovaire droit mesurant

5 cm, l’ovaire gauche, le foie, le

diaphragme, les gouttieres parieto-

coliques sont sans anomalies. Une

Oncologie (2007) 9: 581–583© Springer 2007DOI 10.1007/s10269-007-0364-4

CA

SC

LIN

IQ

UE

581

Page 2: Syndrome de Demons-Meigs. À propos de deux cas et revue de la littérature

annexectomie droite a ete realisee.

L’ouverture de la piece a montre

un contenu fait de sebum et de

cheveux. L’etude cytologique du

liquide d’ascite n’avait pas montre

la presence de cellules cancereuses

et l’etude anatomopathologique de

la piece operatoire a mis en evi-

dence un teratome ovarien mature

et pluritissulaire. L’evolution imme-

diate a ete marquee par l’asse-

chement de l’epanchement pleural.

La patiente est revenue en consulta-

tion un mois plus tard puis tous les

six mois et elle est en guerison

complete.

Discussion

Le syndrome de Demons-Meigs est

une entite clinique rare, definie

comme l’association d’une tumeur

ovarienne benigne, d’un hydrotho-

rax et d’une ascite recidivants [3, 4].

Funck-Brentano a decrit les qua-

tre criteres diagnostiques de ce

syndrome [5, 6] :

– anatomocliniques : fibrothe-

come ovarien, une ascite et une

pleuresie ;

– physicochimiques : le liquide

pleural et l’ascite sont sereux

ne contenant pas de cellules

neoplasiques ;

– evolutives : elle est favorable

apres ablation de la tumeur

ovarienne.

Cesquatrecriteressontretrouves

chez nos deux patientes.

La pathogenie de ce syndrome

reste encore obscure a nos connais-

sances actuelles. La theorie meca-

nique soutenue par Dockerty et

Masson, et la theorie secretoire de

L. Leger pourraient s’appliquer loca-

lement a la formation d’ascite

intarissable, mais non pas a l’hydro-

thorax.

Seule la theorie vasculaire

semble plus convaincante. L’ascite

proviendrait de la liberation du

liquide par l’œdeme tumoral. Le

transfert du liquide d’ascite entre

la cavite peritoneale et la cavite

pleurale emprunterait les voies lym-

phatiques transdiaphragmatiques.

Sur le plan epidemiologique, le

syndrome de Demons-Meigs est

rare. Seulement deux cents cas

sont rapportes dans la litterature

[1] et il existe des cas associes a

l’etat gravidopuerperal [9].

Cliniquement, la triade : ascite,

pleuresie et tumeur ovarienne beni-

gne est necessaire pour parler de ce

syndrome. Les signes cliniques peu-

vent se resumer a des troubles de

cycle menstruel, des douleurs pel-

viennes avec ou sans signes de

compression et une augmentation

du volume abdominal. L’epanche-

ment pleural est surtout a droite [7].

Certains examens paraclini-

ques peuvent orienter vers le diag-

nostic :

– l’echographie abdominopel-

vienne pouvant montrer une masse

hypo-echogene sans calcifications

avec un cone d’ombre posterieur

tres evocateur du syndrome de

Demons-Meigs. Cependant, les

images peuvent etre non speci-

fiques. En outre, l’echographie met

en evidence l’ascite et etudie les

autres organes ;

– le scanner ne montre pas

d’images specifiques de ce

syndrome cherchant la carcinose

peritoneale en cas demalignite [7] ;

– la radiographie pulmonaire

montre l’epanchement pleural ;

Fig. 1.

Aspect macroscopique cerebroıde de la tumeur ovarienne

Fig. 2.

Aspect macroscopique cerebroıde de la tumeur ovarienne

ON

CO

LO

GIE

582

Page 3: Syndrome de Demons-Meigs. À propos de deux cas et revue de la littérature

– la biologie repose sur le

dosage du taux de CA125 qui peut

etreaugmenteetrevient a lanormale

apres ablation de la tumeur

ovarienne. Faute de moyen, nos

patientes n’ont pas pu beneficier de

ce dosage ;

– l’etude extemporanee permet

de confirmer le diagnostic, mais

reste difficile a realiser et donne de

faux negatifs [1] ;

– l’etude histologique defini-

tive permet de confirmer le

diagnostic.

Le fibrome ovarien constitue la

tumeur la plus rencontree dans ce

syndrome (80 %) alors que les

thecomes sont plus rares (10 %)

[3, 5, 6]. Cependant, de nombreux

fibromes contiennent des ılots de

proliferation thecale constituant

ainsi des fibrothecomes [3].

Sur le plan evolutif, l’ablation de

la tumeur ovarienne entraıne une

disparition complete de l’ascite et

de la pleuresie. Les tumeurs sont

benignes et leur ablation est suivie

d’une guerison complete d’ou

l’interet de penser au diagnostic en

preoperatoire pour ne pas radicali-

ser la chirurgie gynecologique chez

une femme jeune en croyant avoir

affaire a une tumeur maligne.

Conclusion

Le syndrome de Demons-Meigs est

uneaffectionchirurgicale.L’examen

clinique d’une patiente porteuse

d’un hydrothorax doit etre complet.

L’association d’une ascite et d’un

epanchement pleural a une tumeur

de l’ovaire ne signifie pas obligatoi-

rement sa naturemaligne.

Le traitement de ce syndrome

est base uniquement sur l’exerese

chirurgicale de la tumeur ova-

rienne.

References

1. Rouzier R, Berger A, Cugnenc PH (1998)

Syndrome de Demons-Meigs : peut-on

faire le diagnostic en preoperatoire ?

J Gynecol Obstet Biol. Reprod 27: 517-522

2. Dumont M (1993) Le syndrome de Demons-

Meigs J Gynecol Obstet Biol Reprod

22: 112

3. Simon GCL, Delavierre PH (1981) Syn-

drome de Demons-Meigs au cours d’un

seminome ovarien. Sem Ho Paris 57: 13-

14, 653-656

4. Le Bouedec G, Glowaczower E, Daupalt J

(1992) Le syndrome de Demons-Meigs. A

propos d’un fibrothecome et d’un fibrome

ovarien. J Gynecol Obstet Biol. Reprod

21: 651-654

5. Martin F, Bouche S, Haidar A (1990) Le

syndrome de Demons-Meigs a propos

d’un cas avec tumeur ovarienne de la

granulosa. Rev Pneumol Clin 46: 123-124

6. Gerradas A, Tary P, Cloup N (1991)

Syndrome de Demons-Meigs du a un

goitre ovarien. Rev Pneumol Clin

47: 194-197

7. Moulin G, Bouchet A, Barrut D, et al.

(1983) Elephantiasis condylomateux,

lymphangiosarcome de Demons-Meigs.

Ann Dermatol Venerol 110: 243-248

8. Lurie S, et al. (2000) Meig’s syndrome.

The history of the eponym. Obstet

Gynecol 92: 199-204

9. El Mansouri. A, Aderdour M (1992)

Tumeur de l’ovaire et grossesse a propos

de 30 cas. Med Maghreb 33: 29-34

Fig. 3.

Aspect macroscopique cerebroıde de la tumeur ovarienne

Fig. 4.

Aspect macroscopique cerebroıde de la tumeur ovarienne

CA

SC

LIN

IQ

UE

583