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r \ Société Saint-Antoni n * / m Bulletin 1999-2000

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Société

Saint-Antoni n

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Bulletin 1999-2000

Société des Amisdu Vieux

Sain t-Anto m i n

Animations 20ÜÜ.,,,....................... ^Points forts 2000 ........................................................ , 4

La vie de la Société................................. .................... 16. . . . . . . . . . . . H * , , M i I M t l I H i J U

L Atelier d'Ocdtan a fermé ses portes, par Mary Charles ......... 28Au musée, par Henri de L a stic ........................................................ 3 0Saint-Antonin au fil de l'eau, par André Vignoîes.................... 31Le Tombeau du Géant, par Michel Ferrer................................... 30

Les comptes consulaires médiévaux du XIV' et XVe siècles,par Pierre Perillous................................................ 101 -...... JORévolution dans les prénoms saint-antoninoisen 1794*1795, par Françoise Tînayre-Blom.................................. 43

Souvenirs, souvenirs, par Paulette Bornes-Vidaillac ........... 51Justes parmi les Nations- Incrits dans la mémoire des hommes, par Jean Spénale 54• Mon témoignage sur Alice et Armand, par le Dr Bronstein 5 5- Alice, par Claude Harmalle ........................ 60

Sauvegarde des murets de pierres sèches, par Michel Ferrer... 66Süuterrain-refuge du Martinet, par Antoine Galan 68

A ma mère» A mon père, poèmes en occitan,parMaigaridaGartià ...................... 76

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Animations 2000

Lac 1 ïvilô de lu Société tins Amis du Vieux Saint-Antonin ne se résume pas à la tenue d ’une assemblée générale annuelle, l'ont au long de l'année scolaire, des activités régulières sont proposées aux adhérents. Leur fréquentation ne se dénient pas ut la Société aide les responsables bénévoles à assurer leur bon fonctionnement ;

A T E L I E R D O C C I T A N M É D I É V A L

TOUS LES MARDIS de 8 h à I2h,Animateur : Roger BEAtJMONT (Tél. 05 63 68 23 51)

N.B. - La consultation des Archives de TEtat-CîviL est actuellement assurée par les services de la Mairie (chambre du Prieur Mage) le vendredi de 9h à 12b.

Responsable : Madame Dominique CIGOI.

T(JUS ILS MERCREDIS de 9h30 à 1 2 h : salle du consultation des archives. Animateur : André VIGNOLES.

C H O R A L ETOUS LES MARDIS de 20h30 à 2 2 b : an loyer. Chef de chœur : Mary CHARLES

R A N I X 5NTSJLE P É D E S T R Efruisième dimanche du mois.

Animateur : Roger H EAU MONT (Tél. 05 63 68 23 51) Re11 dir/rvnils p 1 ace des Tilleuls, a 14h .

Les points forts de Lan 2000

• 4 janvier 2000 :La chorale chante pour les résidents de la Maison de retraite

de Saint-Antonio

• 8 janvier 2 0 0 0 :La chorale chante h la Salle des Fêtes de Ver lé il

m 27 et 28 mai 2 0 0 0 : Chœurs en Fête

■sfc samedi 27 a 2 1 h, Salle des Fêtes de Saint-AntoninOPU3 SWING : 1 2 chanteurs, t* instrumentistes

dans un Concert de JazzChef : Régis Oessières

dimanche 28 :i lGti30t Salle des Fêtes de Saint-Antanin RASSEMBLEMENT CHORAL s

Vensemble vocal de l'école do musique de Saint-Antonio la chorale des Amis du Vieux SainNAntonin

la chorale de Saint-Ni colas de la Grave dans la Petite Suite Acudienne de Bernard Lallement

Chef : Jean-Pierre Renié

• Samedi 15 juillet 2000 a I 8 h t Mairie de Saint-Antonin

V ern issag e d u S A L O N D 'É T É

• Du samedi 15 juillet au mardi 15 août

2 3 ” S A L O N D 'É T É D 'A R T C O N T E M P O R A I N 60 peintres et sculpteurs exposent à la Mairie de Saint-Antonin

• Dimanche 13 août 2 0 0 0 de 9h h 16h, Mairie de Saint-Antonin

C O N C O U R S D E P A Y S A G E S

• Dimanche 13 août 2 0 0 0 , à 16h30, Salle des Congrès,Mairie de Saint-Antonin

A S S E M B L É E G É N É R A L Edes Amis du Vieux Saint-Antonin

• Mercredi 16 août à 2 l h , église de Sainl-Antonin Jeudi 17 août à 2 l h t église de Cayîus Vendredi 3 H août à 2 ih , collégiale de Monlpezat

LE PETIT CHŒUR D'ATH (Belgique) en concertChef : Yves Wuyts

• Un dimanche de septembre 2 0 0 0

2 5 L! A n n iv e rs a ire d e la C h o ra le des A m is du V ieu x S a in t -A n to n in q u i in v ite

SOTTO VOCE de Castelsarrasin le QUATUOR PASTEL dr Aiguës-Vives

• Automne 2 0 0 0 : Conférence sur rhistoira locale

• Hiver 2 0 0 0 : reprise de Ja Petite Suite Acadienne dans le cadre de « Nos Villages Chantent » : Va ren, Verte il,Puy la garde...

S A N S O U B L I E R L E S P E R M A N E N C E S de la Soc ié té à la M A I S O N R O M A N E , s u r le marché, le d i m a n c h e nui t in, durant les vacances de printemps et d ’été (contact a v e c les adhérents, diffusion du bullet in, exposi t ion et vente des publ icat ions) .

R a p p o r t d ' a c t i v i t é

p a r le a n n in e ISAB ET H , V i c e - P r é s i d e n t e

Chers sociétaires et amis,le vous parlerai au jourd 'hui rapidem ent des activités

passées afin de vous entretenir plus longuement et de recueillir votre avis sur quelques activités à venir.

L’A T E L I E R P H O T O : fonctionne régulièrement sous la h o u le t te cle notre sy m p a th iq u e p h o to g rap h e , Gérard GRQSBORNE.

L E G R O U P E S A U V E G A R D E D U P A T R IM O IN E A R C H E O L O G I E : se réunit régulièrement et son action, bien qu'elle ne soit pas forcément médiatique, est Importante et reconnue. Ainsi après notre assemblée générale du 16 août 1998, une lettre ouverte a été adressée à la Municipalité et dil [usée auprès de nos s o c ié ta ire s et c o n c i to y e n s saint antoninois. Elle a eu un profond retentissement. Plusieurs courriers ont été adressés à la Municipalité en décembre : la Société alerte les élus sur Létal inacceptable du point de vue du cirque de Rûne. On a noté une amélioration mais la difficulté du maintien de la propreté du site est visible. Dans le même courrier la Société émet le vœu qu'une action municipale soit e n trep r ise pour fre in er la m u lt ip l ic a t io n des an ten n e s paraboliques qui défigurent parfois la cité médiévale. Sans suite. Sans suite encore la proposition d'associer véritablement nnlre commune à ranimation H la gestion de la MAISON DU PATRIMOINE que Caylus semble avoir annexée,

En février, le Conseil d 'A dm iiiistrat ion s 'ém eut de la pollution du site d© PECH-B1EL et notre Président signe à titre personnel la pétition qui circule en attendant de plus amples informations.

En mai, le Conseil d'Administration décide d'adresser un courrier à l'A.B.F. (Architecte des Bâtiments de France), M. RADOVITCH, à propos des croix du CALVAIRE (lecture de la lettre dont une copie a été remise à Monsieur le Curé CASTAN pour le con se il paroissial ; réponse de l 'A JL F , : aucune demande n'a été déposée r l'A.B.F. ira sur le site. Réponse attendue).

Afin de commémorer un moment historique de l'histoire de notre ville, un panneau d'information sur le Siège de Saint- Anlonin par le roi Louis XIII lui-même a été réalisé. Il sera inauguré un samedi de novembre 99 et vous êtes à l'avance invités à cette manifestation.

La Société a acquis 67 cartes postales anciennes de notre ville pour la somme de 800 F, frais d'envoi compris. L’album est à la disposition des sociétaires pour consultation sur place.

Dons notre dernier bulletin, plusieurs articles évoquaient les quelque cinquante émissions de Radio Noble Val en 83/84 au cours desquelles Georges et Madeleine JULIEN donnent vie à 1 histoire do Saint-Antonin « Ln parcourant les archives »... Les cinquante cassettes, précieusement gardées par Patrick MILLE ont été prêtées à la Société afin qu’elle en assure La sauvegarde. Ce travail de sauvegarde décidé par le Conseil rî* Administrai ion est déjà bien avancé puisque 33 émissions sont déjà gravées sur 18 CD. 11 en coûtera 1 0 000 F environ à la Société, dont un peu plus de 6 0 0 Ü F ont été remis à l'entreprise Ciybersonic de Saint- A ntonin , dirigée par O liv ier CAO RS. Il reste à envisager I éventuelle diffusion de ce patrimoine incroyable, digne de figurer dans les discothèques de ceux qui aiment leur ville et s'intéressent à son passé, de ceux qui veulent laisser une trace de cette histoire à leurs descendants. Nous en reparlerons.

Le BULLETIN 98 a été publié pour Pâques 99. ïl est tout naturellement consacré à Georges JULIEN.

Pour l ’an prochain, nous pensons demander à quelques étudiants qui ont trav a il lé avec M. JULIEN de nous faire parvenir un résumé de leur travail de recherches à partir des archives de Saint-A ntt >nm. Que pense/.-vu il,-- do eotte idée Y Si certains d ’entre vous connaissent des jeunes qui pourraient répondre à noire appel, faites-nous signe dès aujourd’hui.

L E G R O U P E R A N D O N N É E est tou jo u rs aussi vaillant. Chaque lundi matin, sauf en été, le groupe (Roger. Jean- Louis et les autres,..) débroussaille, nettoie. C'est ainsi que le pigeon nier de Nibouzou a été dégagé et qu’une action concertée av ec la C o m m u n a u té de C o m m u n e s est m e n é e p o u r sa r é h a b i l i t a t io n . B rav o p o u r la r é é d i t io n du G u id e des Promenades (la septièm e a 2UZ5 exem plaires) ; le nouveau Guide, toujours notre best-seller, est d isponible pour 35 F depuis le mois d'avril. Monsieur Aveline en assure la diffusion auprès des différents dépôts-vente et offices de Tourisme.

L E S A L O N d ’E T E 9 9 est un bon cru si l'on en juge par sa fréquentation : 5143 visiteurs, par le volume de ses ventes et par les écrits élogieux dans le livre d’or.

Grand merci à Monsieur et Madame S PENALE qui, toute l'année, avec le groupe issu du Conseil d'Administration ont oeuvré à la r é u s s i te do c e t te im p o r ta n te m a n ife s ta t io n participant à Limage rayonnante que notre ville est capable de donner.

L E C O N C O U R S D E P A Y S A G E S o u J O U R N E E D E P E I N T U R E comporte cette année quelques modifications quant à la date (dimanche 15 aoûl jour de clôture du salon et jour de LA,G.) el quant aux modalités d'attribution des prix : c est l 'ensem ble (les sociétaires présents qui attribuera les récompenses en votant h main levée tandis que l'on dépouillera les b u lle t in s de vote pour le ren o u v ellem en t du Conseil d'Administration, A suivre...

L A C H O R A L E a bien chanté tout au long de l'année. J'ai mission de vous présenter tes excuses de notre chef de chœur Mary Charles qui ne peut être avec nous (elle a subi une petite intervention sans gravité, début août et ne doit absolument pas parler jusqu'à fin août. Elle tient à vous rassurer sur son état de santé el donne rendez-vous aux choristes le mardi 7 septembre comme prévu), Le grand moment pour notre chorale» cette année, fut Vaccueil du 5 au I L avril du PETIT CHŒUR d‘ATH» venu de Belgique avec suri répertoire dont notre formation avait travaillé 4 chants. Quelle motivation, quelle joie cîe partager ces moments privilégiés oit l'on se sent porté par une force, une émoi ion qui vous dépassent !

C 'est le lundi 1 I octobre à 2 ih à l 'Eglise» que les 33 choristes de la Chapelle biélorusse de thest-LHovsk viendront nous charm er au cours d un con cerl qui nous rappellera sûrement les bons souvenirs de 07. Nous ferons appel aux choristes, sociétaires, volontaires» pour l 'hébergement de nos prestigieux invités les 1 1 el 12 octobre.

L ’ A T E L I E R D ’O C C I T A N a fonctionné encore cette année avec le même enthousiasm e. Hélas, André Vignoles « noslre mestre tant ai mat » n ’assurera pas Lan prochain cet atelier qu’il anime depuis 18 ans. Nous en sommes bien tristes mais comprenons sa décision. La Sociélé lient à le remercier de ses bons et loyaux services par ce cadeau cpii devrait compléter une collection qui lui est chère. De tout cœur, André, MERCI !

André ne nous quitte pas complètement car le petit noyau qui, sous sa direction, travaille sur les comptes consulaires, portera désormais le nom d ‘ATELIER d OCCITAN MEDIEVAL.

En conclusion, notre Société a fait preuve cette année encore d'une intense activité dans les grandes lignes de ses object ifs.

Pour Lan 2 0 0 0 , les p ro je ts ne m anquent pas outre la poursuite des animations régulières ou ponctuelles» la Société avec votre accord, entreprendra la publication d ’un premier recueil des Comptes Consulaires et la diffusion des compacls- discs « En parcourant les Archives ».

Merci de votre attention.

c l 0 c c t t a n ci9Æ/l t ) \Qj à .«A ' p ü

a c ) a t n I - C l n l a m n

A/teA

c n ’est ni sur un constat d'échec ni par pénuried'élèves qu i) s 'achève et nous en avons tonsbien du regret. Qu’etnil-il dune, ce cours» pourque nous soyons à ce point certains qu i) va manquer à Saint-Antonin, comme un volet qui se ferme sur une maison désormais vide ?

D’abord» l! était inattendu, à peine structuré, plutôt l ’allure d ’une auberge espagnole (histoire ancienne : les officiels dut o u r i s me s on 1 p a s ses p a r l à ). On y I rou ve q ne c e q n o n yapporte.

Chacun pouvait y am ener sa p ièce a co n v ic t io n : une expression entendue, un mot saisi au vol ; parfois aussi un objet surgissait du fond d’une grange : il fallait alors les explications, les mots occitans remplissaient le tableau noir, et la classe se changeait en scène car il fallait mimer les gestes nécessaires à l’outil.

Nous y faisions le tour de telle coutume villageoise, de la vendange [ah ! Ce petit fagot d'asperges sauvages déposé devant la « cane la » pour filtrer déjà la part de ta vendange) à la « bugada » en ses différents états ; un soir, le fonctionnement d ’un moulin à eau devenait clair et on y ajoutait aussi bien quelque dicton sur les moeurs, et même une chanson sur t âne apportant le blé..,

Cette « lenga nostra » combien nous aimions l'entendre à travers les textes de Pierre Bavrou ou des frères Bessières, ou ceu x q u ’A ndré V ign oles traduisait pour nous, ht qu elles contestations passionnées quand cela se disait différemment à Caylus ou à Saint-Antonio ou ailleurs : on fouillait un arbre g én éa lo g iq u e , on évoqua i t la grand mère, on fo u illa it sa mémoire dans un joli charivari auquel devait mettre fin la cloche du maître !

Et nous qui venions de loin , qui avions dans l ’ore ille d'autres musiques de langues populaires, nous nous régalions de les entendre discuter des différences d'expression en des pays é lo ignés de quelques lieues ei dont les frontières se décelaient h une lettre déplacée dans un mot.

Hien sûr qu’un cours de langue ne devrait pas être di flic île à instaurer : un livre, un bon dictionnaire et <1 suffira d’aligner les mots et quelques principes de base. Mais notre cours, ce n ’était pas cela.

Dans ce cours* nos mots à nous, nous les rencontrions familièrement, nous les saluions au passage* Ce n’était [tas des mots tout nus, comme le squelette d'une langue, ils nous arrivaient tout enveloppés de choir, gonflés de la sève de via quotidienne qu’avaient vécue « mi cop era » la plupart de ceux qui étaient là. C'était un cours qui résonnait des coups de m ar t e a u du « fa b r e » et du c h u i u t e ment d e ï a faux d u « dalhaire »*

Vous qui aimez cette langue d'oc, que vous la parliez ou non, ne souhaitez pas son officialisation, internationalisation, politisai ion. La seule manière de garder vivantes toutes nos « lengas nostras » c'est de les bouturer dans leurs terres* de les yla i re gn m d i r, c ’es t -à- t l in - d e les p e r l e r , d e l es Mm el dene pas cesser de les chanter. Car une langue qui a roulé sa bosse dans une région, qui a donné des appellations à son territoire des qenéralinns durant, qui s'est laissé polir > < mime un galet pm le courant des siècles doit se transmettre toute vivante, chargée de notre haleine et de sa propre musique*

El tant pis si elle nous marque, si elle nous laisse comme une estampille sur le bout de langue : cela prouvera, ou que nous nous trouvions, que nous sommes de quelque part.

Mary CHARLES

D an s ce B u l le t in * c 'e s tI l i So c c a s io n p o u r m o i

d 'e x p r im e r m es v ifs re m e rc ie m e n ts o tous ceu x qui ont contribué à la vie du m u sée soit par leur travail, soit par leurs dons.

Merci* tout d'abord* à la M U NICI FA L IT E de S a in t -

A n t o n in qui a b ie n v ou lu affecter une personne chaque matin

d'hiver pour compléter l ’inventaire* nettoyer et sauvegarder les objets les plus anciens. C ’est avec beaucoup d 'intérêt et de bonnes idées que Madame IL BAILLI VET effectue son travail* avec rigueur el le sourire en plus, Le nettoyage des combles est également en cours.

Des nouveautés è admirer vous attendent :— une forme en bois pour faire des chaussures, offerte par

Madame P. B1GÜU,— une hache de bûcheron spéciale pour enlever Pécorce des

chênes* et trois pèse-alcool donnés par Madame MALVY,— une très vieille baignoire en zinc, sorte de grand bidet qui

aurait appartenu à M adam e Kécam ier. Le donateu r a souhaité garder l'anonymat,

“ Madame GU1LHEM a offert une œuvre de son mari : une très jolie table de poupée finement sculptée avec sa petite chaise,

— Madame LAPON (IJENAC) vidant grange el maison pour déménager un peu plus loin a fait don au musée d ’une cape de facteur de 1920* Ce vêtement* en beau drap bleu m arine avec encore tous ses boutons en cu ivre gravés « Postes et Télégrammes » avait été remis a son père lors de sa retraite. Madame LAPON a aussi donné une très belle brouette en bois des années 1900, une sc ie , une planche à laver avec son battoir, souvenir émouvant des lessives sur les bords de notre rivière.

- e t puis encore* un papillon, des douilles d ’obus décorées d ans les t r a n c h é e s de 1 9 1 4 -1 8 * des c u i l l è r e s et des fourchettes en étain.

Toutes ces choses témoignent assurément du passé, mais surtout elles pérennisent la richesse de notre musée. Soyez tous les bienvenus quand vous viendrez les voir.

Henry de LASTÏC SAINT-f AL

SainVAntonin au fil de l’eaupar André Vignoies

l Jrm bulle du Pape Urbain ïl du 2B mars lOî'IÛ lait mention de l 'ancien nuin rie Saint-A nlonin (San et mi An ton inus in condatensi tenu i no s i i i , . .), or « coudât » est un mot gaulois signifiant « confluent Ainsi par son premier nom et par sa situation entre « tioneta » et <♦ Avairou » notre cité s'affirme dès les origines comme la ville de Peau, La légende môme qui lui a v a l u sa dénomination moderne nous rapporte que le corps du saint martyrisé à Pamitas Fut ramené aux rivages de Saint- Antonin, via PAriège et la Garonne dans une barque gouvernée par deux aigles»

C’est toujours grâce à Peau que ta ville assurera sa défense à travers les années tourmentées de son histoire. En effet les imposants remparts (en occitan « fo mur ») qui protégeaient l ’a g g lo m é ra t io n é ta ien t d o u b lé s par des lussés dont Palimentatkm était assurée dans la partie haute par la « Font dos asrfs » (source ses ânes) qui coule encore du Deymier ; dans la partie basse, c ’est-à-dire rem placem ent du boulevard Renet actuel Peau était fournie par la Dunette et enfin PAveyran renforçait les défenses de la partie sud. Pour entrer ou sortir de 3aint“Antonin on était dune lorué d’emprunter des ponts» Ntais savons qu’il existait un pont sur PAvoyrun à remplacement du pont actuel, un pool sur la BQuelle (la pont dois Stafets) qui enjambait le cours d’eau à P endroit où se trouve le pont actuel à côté du garage Renault, Tl y en avait un « porte des Carmes », un « porte Kodanéze » ni un « porte de La Couda mine ».

On utilisait aussi des gués constitués de pierres assez grosses permettant de passer la rivière sans trop se mouillée En temps de guerre, notamment pendant ta Guerre de Cent ans on les détruisait pour faire obstacle a la progression des ennemis. Ainsi en janvier 1359, les comptes consulaires nous apprennent que « îo se n e sc a lc a via m an d at a nos ( ...) que avizasoin îj os très vizis (...) Cjue au ri on gas d a ig u s que Is tranquesso » (le sénéchal nous a chargés de demander à nos voisins de détruire les gilus qu ils pourraient avoir) uu encore « Paguem als homes

que ani'io Iren car l a gua de Lasde qu e b e g u e sso . . . » (nous avons payé de quoi I)oire au x hommes qui allèrent détruire le gué des Croix qui est près de Fenavrols).

L' eau fut a u ss i p e n d a n t lo n g te m p s u n e v o ie de communication fort utile à la ville. Ainsi c'est par l'Aveyron que les prunes, les draps, les peaux... étaient acheminés vers les pays importateurs. C ’est encore par l'Aveyron qu'en février 1359, par exem ple, on amena deux « b r id a s » (catapultes) destinées aux assiégeants de Fénairols qui avait été pris par les Anglais : « Fuguent pur pu e vi e carn que tramezeni a i ters dia uis dihs fu s tiers que ajudavou par tiiiihtas pescairesque g u id a va la s nu u s » (nous avons payé le troisième jour pour le pain, le vin et la viande que nous avons fait parvenir aux charpentiers qui aidaient à conduire le bois (des brides) par l’eau et aux pêcheurs qui guidaient les barques).

Sans eau, aucune des industries qui firent la prospérité de Saint-Antonin n ’aurait pu exister. En effet les moulins à foulon (m o lis p a r a d o r s } étaient n o m breu x sur l ’Aveyron et sur la Bonette qui permettaient la producti on tin d reps de grande qualité exportés jusqu'en Allem agne, Ces m oulins a foulon étaient aussi souvent en même temps des « m olis bladîers », moulins à céréales. La plupart ont aujourd'hui disparu mais quelques-uns d ’entre eux ont traversé les siècles et après hien des vicissitudes sont encore présents de nos jours bien qu ’ils n ’aient plus de moulin que le nom. Ce sont :

sur l'Aveyron :— le moulin de Salet (rive droite) qui était à la fois « m oli

bladier » et « p a rad e r » ou « batan » mentionné ainsi au livre des manifestes « ung moli a Salet c o n fa m las terras de Johan C u râ tP d ou a de ce s X s * L a l m a s t ie » (un m oulin à Salet jouxtant les terres de Johan Curât, donne X sols tournois de cens au moustier) ;

— le moulin de la Palhole ou du Gravier ou de la Grave, moulin à foulon situé a rem p lacem en t de l 'an cien n e usine Rodolausse ;

— le moulin « dels m alautes » (des lépreux), de la Grave ou de G élîs , Lui aussi bladier. Il d ép en d ait de la M alad rerie d'Qrbaneste (d’oii 3e nom inolin des mulautes). C'est l'actuelle guinguette.

Le moulin de Roumegous moulin à céréales et à foulon, siège actuel de 1'A.R.O.E.V.E.N. ;

— Le moulin de Fontalès ou « m olis nous » (moulin neuf)* M o u lin à c é ré a le s et à fou lon tra n s fo rm é , p o u r f in ir , en

papeterie par la famille Formés ;- Le moulin des Ondes situé à remplacement de Factuelle

microcentraie électrique, moulin à céréales puis à foulon ;- Le m oulin de M iravoy était s itu é au bas de las

Castagnarède. C'était un moulin à foulon disparu a F époque- des guerres de religions, Le pas est visible sur les cartes postales et quelques pierres sont encore en place ;

- Les moulins de Bone et de Caussetz ment intimés dans le partage du vicomte de Sainl-Antnnin mais dont Fempl&CêtXI&nt rFa pu être déterminé ;

sur la Bonetle :- La m o u lin e de V il len eu v e s itu ée san s doute sur

1 en vp 1 ace men I de Fact i \ el garag( * Rena u 11 ;- Le moulin des Claustres, moulin à céréales situé sur

remplacement de la caserne des pompiers ;- Le moulin du BessareL moulin à céréales situé rue du

Moidin du BessareL La retenue d'eau est encore visible depuis la rue ;

- Le moulin « de! cup de! prut » (du bout du pré) situé sur la chaussée des chanoines ;

- Le m oulin de F on gel autrefois moulin à foulon el à né ré a les.

sur le ruisseau de Saint-Sulpice (de la Courgue) i- Le moulin du Martinet (à foulon et à céréales). Il n'y a pas

si longtemps on y fabriquait encore des clous.sur ILstola-se-plou (Ecoute s ’il pleut) :- Le moulin de Santa Alausa la pmpdann (Sainte-Alause

la | jroella îj ie) était mi mou 1 in à « :éréales ;- Un ou plusieurs << tornulhs » c ’est-à-dire des fabriques de

cou teau x . Au Moyen Age S a in t-A n to n in produisait des couteaux de qualité. Les comptes consulaires de 132B relatent l'offrande de couteaux à un certain Sire \ Je Uelperier « Pagaern a mestre fohan Costa par un parelh de ganivets (...) e a mestre IV.gainier per las colelieras que donnai a AT't/c D e!p arier » (Nous avons payé à n mitre Jolian Costa pour deux couteaux (...) et à W. fabricant de fourreaux pour les gaines que nous avons donnés à Sire Uc Delperrier).

La pêche était une activité importante au point qu’une rue de la ville (dont l'emplacement n a pu être déterminé) portail [<■ nom de « Carrièra de la Peissonaria » (rue do la poissonnerie). Des professionnels donc s'adonnaient à la pêche sur différents biefs de FAveyron. Moyennant le paiement d ’une redevance

annuel le ils avaient l 'e x c lu s i vité d 'ex p lo ita t io n des biefs suivants ; de Ucafol à Salet, de Salet au Gravier, du Gravier à RiHimégous, de Ruimiéguus aux Ondes, des Ondes à Turlanda. Nous relevons notamment pour le bief du Gravier à Roumégous 1 a p r e 11 v e i le T e x e r c i c e d e c e d r o il d 'expl o dation e ii i 4 1 i 4 (comptes consulaires) : « Vendu cia 1 ’ayga de la p a iss ie ra de Rcmu'gos entra la paissiera de la Pal ha la que degu no i deu p es car del dia de Toatzans entra a P ascas » (Vendue l ’eau de la chausson de Roumégous jusqu'à la chaussée de la Palhola où personne ne doit pêcher du jour de la T ou ssa in t jusqu 'à Pâques).

Novis savons que la tannerie fui longtemps une activité industrielle importante. Les restes de plusieurs tanneries sont encore visibles sur le canal de la Bonelte détournée à la lois pour a c t io n n e r les m e u le s des m o u lin s et fo u rn ir Teau nécessaire au lavage et au traitement des peaux. Grâce aux différents cours d'eau» le chanvre cultivé à Lenteur pouvait être truité inmissagn)- ( hi o donc, mentiumiées dans le liv io desmanifestes de Lan 1500 des chenevières fcan ab a Js) le plus souvent près des ruisseaux ou rivières (Fontalès, Gelis, La Gondamnie}. Dans ce document par exemple, Feyre Fersaubut déclare avoir à Fontalès << nieja cartavradn de can abaî » (une demi-carterée de chenevière).

L'eau encore favorise la croissance des saules dont l'osier était u tilisé en vannerie ; le cadastre de 1500 fait état de nombreuses saulaies comme celle que le même Feyre Fersaubut déclare posséder à fontalès <* una albareda a Foetales que ht a XV a XVI al bars » (une saulaie à Fontalès contenant 15 ou 16 sanies).

O utre l 'A v ey ron et la B o n n e tte la v il le d is p o s a it de nombre n ses sources d'eau potable pour l'a Liment al ion des Saint-Antoninois : on trouve fréquemment m entionnées les sources de Botelhu , la Font D aurade , Fontalès, la Gorge, On connaissait aussi les vertues bénéfiques de la source de Salet. En 1710 l 'Intendant de Haute-Guyenne à Montauban vient séjourner « quelque temps en notre ville pour y boire les eaux minérales ». A la même époque existait aussi une autre source, celle de Peyrègues dont les eaux étaient considérées comme meilleures. Aujourd'hui nul ne sait où se trouvait cette source.

Cette eau qui, pour une large part, conditionnait l'activité et la vie de Saint-Antonin, était parfois en revanche la cause de bien des m alheurs. L 'h isto ire de notre v il le es! ja lo n n é e d'inondations qui la ruinaient et l'endeuillaient. Les documents d'archives ne les mentionnent pas toutes directement, mais il

b s t so u v en t fai t m e n tio n d a n s les te r r ie rs ou les l iv res cadastraux de moulin ou de bâtiments minés par les eaux. Seuls deux documents relatent de graves inondations, Georges Julien les avait publiés en 1081, je les reproduis :

- Le prem ier daté de 1394 ; « l 'an f/iif? Itont co n tav a MCCCLXXXXIII (...) !o X î jorn de dazauthra art aqtwl jorn la fluvi d ’Avairo cwsquat tant que entrava p er la porta grande de S Mlquel (*..). A la Condamina las nous yntravo e yssio par la porta... » (en Lan 1304 le onzième jour de décembre ce jour-la le fleuve d’Aveyron grossit tant qu'il entrait par la grande porte de Saint-M ichel. A la Condam ine les barques entraient et sortaient par la pu rte J .

- Le second date de 1618 ; « Sûicl mémoire que l’an mil six cens dix huit et le jeudy matin huit; lies me jour de février (...) la rivyere d'Avairun et Bonete furent sy grosses que n ’est mémoire d'homm e vivant, tellement que des personnes lavarent les mains au pont levys du pont ri Avairon ». Des inondations plus récentes ont laissé des traces dans la mémoire collective de Saint-An lu ni n : 1906, 1930, 1940, 1981.

Ainsi à la fois pour son bonheur et sa prospérité mais aussi à l ’in v erse p arfo is pour son m a lh e u r et sa ru in e , l 'eau bienfaisante ou maléfique a toujours été étroitement mêlée a I"histoire du la ville de Saint-Antonio.

Bibliographie :— C om p tes C on su la ires C C 44 et C C 4 5 , A r c h iv e s m u n ic ip a le s de

Saint*Antonin.- L i v r e des manifestes C C 4 2 et CC 4 3 t A r c h i v e s m u n ic ip a le s de

Saint-Antonio .— Bulletin de la Société des Am is du Vieux Saint-An ton in 1 9 7 8 ,

1 9 8 1 , 1 9 8 9 , (Articles de Georges Julien).— Inédit : Inventaire des Moulins, Tornalhs, Pas et eaux de Saint-

Antunin par Jean-Louis Laborie

E i f f e l

Le ‘.Tombeau du Qéant ou La Légende du Çéant de (Péparoul

par ‘Michel 'Terrer

D'abord* il y eut l'histoire ; ensuite, il y eut la légende ; celle du Géant de Péparoul lu.

Comme toutes les légendes, ce l le -c i est née d'un fait authentique, dont la mémoire s'est transmise oralement, de génération en génération, liîen évidemment déformée depuis son origine, celle histoire dit qu’au retour d une croisade, ruiné et affaibli par la maladie qu'il aurait contractée en Orient, un chevalier mourut entre Servanac et Tabarly, au lien-dit de Péparoul.

Celui qui, au cri de « Dieu le veut ! », avait guerroyé en Terre Sainte, fut enterré là, loin de chez lus eî des siens, dans une tombe à peine creusée à cause « del roc traoucat » [du roc troué), à quelques dix métrés de la route. La sépulture fut entourée d’un périmètre de pierres alignées, afin qu’une grande pierre tombale soit posée sur le cadavre sans Lécraser, pour le proléger de la sauvagine et des chiens errants. S'agissait-il d'un grand seigneur, d’un grand chef de guerre auquel sa suite avait voulu rendre l'hommage dû à son rang ? C'est ce que semble dire la légende.

La pierre tombale a disparu, Isa no! de Go miel et sa mère l ’ont vu en 1939, appuyée contre le mur de ce qui, aujourd’hui, n'est plus qu'un chemin de traverse. Aucune inscription n’était gravée dessus.

La tom be, quant à e l le , est to u jo u rs là. E l le est perpendiculaire au chemin. Sa longueur est de 2,6 mètres (d’où son appellation de « Tombeau du Géant »} alors que sa largeur est de 1,2 mètre. Il est vrai que les guerriers du XII0 siècle étaient de grands gaillards, d'autant plus s ’ils étaient nordistes.

Ainsi donc, une fois encore, la légende se vérifie.

111 Sera publiée dans un o u v rag e inti tulé « Le p ig e o n n ie r de Nibouzou » 1 à paraître en 2 0 0 0 .

La croix (nu centre du plan) indique remplacement approximatif du tombeau.

Pour y accéder , il faut prendre le ch em in dit « du Caminnrd », qui se trouve à environ itfM) moires à g a u c h i 1

après la sortie du ham eau de Tabarly en direction de Troyne.

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Les Comptes Consulaires Médiévaux de Saint-Antonin Noble-Val

XIVe et XVe siècles

par Pierre PÉRILLGUSRésumé de sort Mémoire de maîtrise, Toulouse 1998

Les archives m unicipales de S a in t-A nlunin conservent entre autres d o cu m en ts de valeur, p lu s ieu rs registres de comptes consulaires datant du Fias Moyen Age. Ce type de source quoiqu'assez répandu de me lire trop méconnu. Il s'agit pourtant d 'une base d o cu m e n ta ire ex trê m e m e n t r ich e et intéressante pour aborder l'histoire des villes méridionales. Ces comptes m unicipaux n'ont pas J’aspecl froid et aride d'une comptabilité actuelle, lis foisonnent de données, d'informalions variées, de détails souvent pittoresques qui, alliés à un style a lerte , les rendent v ivants, Georges Ju lien a c o n sa cré les dernières années de sa vio à la transcription de ces registres. Il a ainsi mis au jour et rendu accessibles di-.s pans passionnants de l'histoire de notre ville. Lorsque j'ai rencontre Georges Julien au mois de septem bre 1997 pour lui parler de mon projet de rech erch e , j ’ai d écouvert un hom m e p ass io n n é , avide rie partager son savoir et son amour de Sain t-A ntonin . Il m ’a patiemment guidé dans ma découverte des complus consulaires. Je lui dois mon travail de maîtrise et je le lui dédie.

Je n'ai pas abordé les comptes consulaires de Saint-Antonin sous l 'angle d 'une m o n og rap h ie c la ss iq u e ni dans le but d’étudier un aspect précis de la ville médiévale. J ’ai plutôt mené un travail d'évaluation, de recension, Ma maîtrise ne constitue q u 'u n e in t r o d u c t io n à l 'é tu d e r ig o u re u s e des c o m p te s consulaires de Saint-A ntonin , Je me suis d’abord attaché a décrire et à comprendre la fonction dos comptes consulaires.

Puis, suivant un second axe, jai relevé les possibilités ut les limites de cette source particulière pour analyser trois thèmes majeurs de la recherche en histoire médiéval© urbaine : le gouvernement urbain, le domaine public et enfin ce que l'on appelle la vie de relation, c'est à dire les rapports qu’entretient la cité avec les autres villes* avec les représentants de l'autorité royale, La publication prochaine des transcriptions de Georges Julien devrait éveiller ! intérêt de nombreux étudiants el chercheurs.

D e s c r i p t i o n e t F o n c t i o n

d e s C o m p t e s C o n s u l a i r e sLes comptes consulaires surprennent le profane par leur

variété et leur r i c h e s s e . Ils d o n n e n t une image vivante et directe de la ville médiévale. On a parfois le sentiment de parcourir un journal intime et de pouvoir pénétrer le cœur de la cité* Les archives municipales de Saint-Antonin possèdent huit registres de comptes des XIV® et XV'* siècles* Ils se présentent sous ta forme d’un cahier ou d 'u n registre de papier chiffon avec une couverture en parchemin. Le nombre de folios, généralement écrit au recto et au verso, fluctue d'un registre à l'autre, de 4 2 a 122 feuillets. Mises a part quelques pièces écrites en bas latin (pii sont intégrées à certains registres, tes comptes sont en occitan. Les registres sont divisés en deux grands chapitres souvent séparés par quelques feuilles vierges, les Recettes et les Dépenses qui sont généralement placés léte-bêche* Les comptes ont donc une double entrée et parfois une double pagination. Les huit registres représentent huit exercices com ptables singuliers et isolés dans le temps. Ils ne forment pas une série c o n t i n u e , Le tableau ci-après met en lumière la distribution chronologique des comptes*

COTES EXE RCI CES COM PI A t î 1 MSCC43 1325 - 1326CC44 1356 - 1359 et 1362 - 1363CC45 1376 - 1377CC46 1433 - 1434CC47 1452 - 1453CC48 1455 1456CC49 1464 - 1465

Les comptes ont été rédigés dans dos circonstances* dans des conjonctures politiques et économiques très diverses.

L’histoire des deux derniers siècles du Moyen Age est troublée. Si le premier registre de 1325-1326 se situe dans un contexte plulnt p.-usiblep les Irais comptes qui suivent sont immergés dans les a lire s de la Guerre de Cent Ans. Les derniers registres s ’intégrent quant à eux dans une phrase de rep rise et de croissance.

Les registres des comptes sont composés de deux grands chapitres. Le premier est consacré aux recettes, le second plus long, aux dépenses. Dans le livre des recettes on trouve, outres les recettes proprement dites* la liste des Consuls (« Cassais »), des Conseillers (« cosselhs ») et des gardes (« gardas ») dont je reparlerai. L'essentiel des revenus du consulat est représenté par les rentrées fiscales. Le principal impôt urbain s'appelle la Quête (« Quista »). La fisca lité urbaine est plus ou moins sophistiquée suivant les périodes. An X V e siècle la Quête est répartie en fonction des biens mobiliers ut du cheptel vif. Dans les registres de comptes apparaissent des listes de contribuables avec le montant de leur contribution. Les contribuables sont classés généralement suivant des données topographiques. La ville de Saint-Antonio est en effet divisée en quatre quartiers appelés « gâches » : « Bodaural », « Fayt ». « Roca Escaliers » et « Bocaria ». Le chapitre consacré aux dépenses commence par une déclaration solennelle consuls sortants présentent etre m e tte n t les c o m p te s de leu r a d m in is t r a t io n à leu rs successeurs,

« Nos dihs (co sso ls} redem qte (compte) a vosautros son hors cossols sucxessors nostres... loqual qte saperte ad auzir de tôt as las casas prezas (recettes) ho nwzas (dépenses) en nostra aministracio. A/n protestacio fezem par nos que se nos avîam fui il adescriure de may ho do menh, que non aveni près ho mes, que loi a s veguadas que fauta de bon qte y fos trobada que nos y est a n et que a vos autres s (ni h ors vos plagues que nos y agites adestar... », f°2r,ÇC44.

Les comptes consulaires sont un instrument do contrôle des finances publiques. Toutes les dépensés du mandat son! ensuite soigneusement répertoriées, Le trésorier ne se contente pas de signaler brièvement la dépense au moyen d’un titre générique ou de 3a définir en économisant ses mots comme il semble n a tu r e l de l 'e n v is a g e r a u jo u rd 'h u i pour un d o cu m e n t comptable. Chaque dépense fait l'objet d"un article détaillé. Les articles de dépense sont composés suivant un même modèle. Ils commencent en général par la formule « item paguem » suivi du prestataire de service nu du fournisseur, La date ou la mention « dia dessus » apparaît ensuite. Après un descriptif précis de la dépense, parfois justifié par un reçu (« bilheta »} le

scribe note le mentant, exprime soit en monnaie réelle (par exemple au XIVp siècle en florins] soit 011 monnaie de compte (c'est-à-dire en livres tournois). Les quelques articles suivants pefinelLüiil de se rendre compte de la diversité des dépenses du consulat. La vie, l'accumulation de détails qui caractérisent les articles de dépenses donnent aux livres de comptes l'aspect d’une chronique urbaine.

Exemples d’articles de dépense :w « Paguein aïs trom paîres, uls carn am uzaires per la

pi ta nsa de la fe sta de pan ta ca s la a XXVIII de m a i ... » , f°23r,CC44. '

« Item pagem a XXV de Ginier a B. Hyhiera per fa r iloas a i d a s que las gens vengesso a la processif) et que degus tavertiie no balles vi... », f*9r,CC47.

« Item a XVII Doast paguein per un prezen que fezem a I frayre m en or estranh laquai sennonet al nujstie.. . f 45r.CIC45.

« Hem donem a Moss O. Avearn per so que fos fengut de cantar massas del S a ni H s périt que dios gardes vnostre loc de la mas de n astres anomies... », fù55r,CC45,

« Pctguem a X! dei mes de fulet a I home estranh que Uiy fessem gitar un eu mort que lo avion ausit en la p lassa que era fo l... », f ° l 5 v, CX14 8.

« Item paguem a XII del mes dessetnbre a G. Litac que ihy fessem adobar lo pon de Roda nés sa que ara os ai ut que Ihy mes ÎIÎ pesas vie!h a... » t f°6rtCC48.

« Item paguem a G. Cornai per II le e X t eu les que ne compren per cubry las guachiols... », f°60r,CC49.

Les comptes consulaires ont connue leur nom l'indique une fonction comptable. Leur structure bipartite met clairement en évidence cette finalité précise qui est d’établir un bilan financier en confrontant dépenses et recettes, Cependant, les livres de comptes n ’ont pas pour vocation d ’être un oui il de gestion utilisé au quotidien. Il n'est pas possible de comparer recettes et dépenses en cours d'année puisque si les dépenses sont datées, il n’en va pas de même des recettes. Ce n’est naturellement pas parce que le boursier ne maîtrise pas la technique comptable mais bol et bien parce que le livre de comptes n ’a pas pour fonction première d'être un instrument de gestion. Les comptes consulaires sont « bien davantage des états récapitulatifs qu'une com ptabilité effective » (J. GLENISSON et Ci. I l Jü O U N L L Finances et comptabilité urbaines du XIIF au XVI1 siècle, 1964), Les comptes consulaires sont plus un outil de contrôle qu’un outil de gestion. Le registre de com ptes est un rapport, un compte rendu de la gestion consulaire.

L e G o u v e r n e m e n t U r b a i n

Les comptes consulaires émanent du consulat. Le consulat est une forme de gouvernement urbain qui apparaît et su répand dans les régions méridionales du royaume de France, dans le premier tiers du X IF siècle. Â Saint-Antonin, c'est dans le courant do ce XJI° s iè c le , que les p rem ières v e llé ités de gouvernement urbain se font jour. Tout à la fois symbole ut d éfen seu r des l ib ertés de la v il le , le c o n su la t s ' in s ta l le progressivement, affirme ses prérogatives. Le gouvernement consulaire est au XIV” siècle une institution parfaitement réglée et établie. Les comptes consulaires sont un témoignage probant du degré de développem ent a d m in is tra t i f qu ’a atteint te consulat saint-antoninois à « l’automne du Moyen Age », Les comptes consulaires ne permettent pas d'aborder tous lus aspects de la vie municipale. Us ne donnent par exemple q u e ( ! i e ■ I q 111, ' s indices pour t i mi prend re le four :l i ( inneninn I dns institutions urbaines. Les comptes ne sont pas des registres de délibérations.

Les principaux acteurs du gouvernement urbain sont lus consuls, les conseillers et les gardes. Leur nom et leur effectif nous sont connus pour chaque exercice. Les consuls sont des magistrats urbains. Ce sont des citoyens investis d’une charge ou fonction publique pour un mandat limité. Lus conseillers nu sont réunis que lorsqu'on doit prendre une décision importante. Lus gardes ont pour mission de surveiller le domaine public et de réglementer les différents secteurs économiques notamment la production textile. Le consulat s'appuie sur divers agents municipaux qu'il emploie pour des missions durables ou pour, au contraire, certaines vacations très limitées dans le temps. Le principal de ces agents est le déguier. Le déguier est un garde champêtre. On trouvé dans les textes les termes de « rieguiers » niais aussi « sirvens ». Le consulat en emploie environ une demi-douzaine. Ils procèdent aux saisies lors des perceptions d impôt. Us surveillent les foires. Lorsque la ville est menacée, ils sont chargés d'aller prévenir les habitants des hameaux qui dépendent de Saint-Antonin. Ils doivent aussi espionner la progression des troupes anglaises... Le consulat fait souvent appel à des m u sic ie n s p u b lics , « m e n e s tr ie s . trom pilh , îrompaires, cornamuzaires », qui jouent lors des grandes fêtes religieuses. Le gouvernement urbain utilise des crieurs publics, rémunérés a la criée ou pensionnés à l'année, pour diffuser les décisions des consuls. Le consulat recourt enfin a un boursier chargé de tenir les comptes et à des tabellions.

D o m a i n e P u b l i c e t S e r v i c e P u b l i c

Les co m p te s c o n s u la i r e s r e p r é s e n te n t une so u rce in té r e s s a n te pour c o m p r e n d r e et é v a lu e r l 'a c t io n du gouvernement urbain dans sa juridiction, terme employé par les hommes du temps eux-mêmes pour désigner le territoire de la ville, c'est-à-dire l'espace défini ou s'exerce l'autorité de la cité ou de son gouvernement. Cette action a deux dimensions. Il s'agit premièrement de l'entre lion ou do la mise en valeur économ ique du dom aine public . Le gouvernem ent urbain propose et assure ensuite un certain nombre de services publics.

Les comptes sont une documentation riche pour aborder la dimension spatiale du domaine public. Les rues et tes murs doivent être entre-tenus, fin grand nombre d'articles de dépenses concernent les travaux publics, Ces travaux sont plus ou moins importants suivant les années et la conjoncture. Le premier grand cfiuiihm porlr Mtr les rem parts don! le rôle esl bien sûr d assumer l'un des tout premiers services publics, la sécurité collective, Los murs do la ville sont le symbole de l'autonomie,wtils m onopolisent la m ajeu re partie du budget de travaux publics, La ville esl souvent m enacée notam m enl par les Anglais et les Routiers dans la seconde partie du XIV1 siècle. Dès que l'on signale la p résen ce d 'en n em is , aux travaux d entre tien cou ran t s 'a jo u te la c o n s tr u c t io n d 'u n e sér ie d'ouvrages provisoires. Il s'agit par exemple de hérisser les m u r s de piquants ou do constru ire dos palissades. Ces travaux mobilisent diverses catégories de persturnes, artisans qualifiés, m aîtres, app rentis et s im p les m anœ uvres. Le mur est un ensemble composé de divers éléments. Il y a par exemple les portes au nombre de cinq (Porte de la Cnndamine, Porte du Pré, Porte Rodanèze, Forte Peyrière, Porte du Pont], Certaines sont éq uipées de pont-levis (« pon leva dis »). Les remparts son! munis de tours de guet appelées « guachials » ou « guachinls », Ces tours sont couvertes. L'entretien de la couverture de tuiles est courant. La protection des gardes sur les remparts esl assurée par des espèces de Lourds {« amhans »). La ville dispose de machines d© guerre (« brida ») et au XV" siècle de canons (« boubardella »). Le domaine public ne se limite pas aux murs ou aux rues, Saint-Antonin possède aussi un patrimoine que l'on pourrait qualifier de productif.

Le pré communal est un symbole important de 1 autonomie de la ville. Le « Prat » a été cédé par les vicomtes de Saint* Antonin en 1198. Le pré rapporte un revenu au consulat. Cependant le gouvernement urbain n'exploite pas directement le pré. Il se charge de le protéger par des murs, des portes mais il en afferme l'exploitation à un particulier. La ville possède

aussi les fours (four du « Mazel vielh », four de Saint Michel). LU le vend à l 'e n ca n te droil non d e louer m ais de taxer l'utilisation du four par les habitants,

La notion de service public n'est pas étrangère à la ville médiévale. Le gouvernement urbain mène un certain nombre d'actions qui ont pour objet de satisfaire un besoin collectif. Le service public n’était pas concepl ualisé et ne correspondait pus à une valeur démocratique mais répondait bel et bien à une nécessité morale et politique. Le bas Moyen Age se caractérise par des périodes de disette et de maladie. Le gouvernement urbain dispose de moyens somme toute dérisoires pour lutter contre les épidémies. Il s'agit de prévenir et d'essayer d'éviter la contagion. Ce sont bien sûr l'information et le renseignement qui constituent les premiers instrum ents de la prévention. Lorsque l'épidémie se rapproche. Saint-Antonin se met en état de siège. On terme les portes qui sont surveillées par des hommes en arme. On remet en place un système de guet et de défense comme an pire moment de la guerre. On expulse les p erson n es s u s c e p t ib le s de propager la m alad ie . La v il le p e n s io n n e un m é d e c in (« m egg e » ) et un a p o th ic a ir e (« poth ican »), entretient une maladrerio située à l'extérieur des murs, Le gouvernement assure d'autres services comme par exemple 1 instruction. On rémunère un maître d'école même si l'instruction ne concerne que les familles les plus aisées.

L a V ie de R e l a t io n

Le gouvernement urbain consacre une grande partie de son budget à ce qu'on pourrait appeler des relations extérieures. Sain C An ton in n'est pas une entité autonome et autarcique dans un désert. La ville est immergée dans un milieu, entretient cl tisse tout un faisceau de relations avec d'autres ci lés, avec le Sénéchal, représentant du roi, ei ses subordonnés. Les comptes consulaires permettent de se rendre compte que « l'image figée de la ville qui vit dans ses murs est assurément fausse pour les XIV* et XV* s iè c le s » (A. R1GAUDIERB, S a in t-F lo u r v ille d'Auvergne an bas Moyen Age, 1982). La ville de Saint-Antonin s intègre dans un milieu hostile. La guerre menace et limite I a u to n o m ie de S a in t -A n to n in , E l le grève un budget en nécessitant d'importants investissements pour la construction et la réfection des fortifications. Il faut gérer un service de guet et assurer la logistique pour des opérations militaires extérieures.

Le livre de compte le plus intéressant pour aborder le thème de la guerre est sans nul doute celui de l'exercice 1358-1359, C'est une période difficile pour le royaume de France. Elle se

situe trois ans après la cuisante défaite de Poitiers (1356) au cours de laquelle le roi, Jean II le Bon, a été fait prisonnier par le Prince Noir. Le dauphin Charles a du un temps composer avec les Etats co n v o q u é s par son pore , puis fa ire face à la « révolution communaliste » d'Etiennc Marcel. Malgré le retour triompha] du régent Charles à Paris en août 1358, la monarchie fran ça ise est très a ffa ib lie et devra co n cé d e r le tra ité de B rétign y -G al ai s en 1 3 6 0 aux A nglais . S i l 'on se p en ch e maintenant sur la situation du Rouergue et particulièrement de la basse marche tic Rouergue, c'est-à-dire la partie sud de la sénéchaussée, englobant des villes com m e V illefranche de Rouergue, Najac et Saint-Antonin, la menace anglaise est très pressante. Saint-Antonin a déjà été occupé par Jean de Grailly, Captai de Buch, « Cap de San Anioni » de 1352 à 1354. Les « ennem is » ont pris la place forte de Fenayrnls située à quelques encablures de Saint-Antonin, en amont de l’Aveyron. Le registre de compte décrit avec force détails les opérations militaires menées pour reprendre Fennyrnis. Au-delà de ce que le scribe appelle « guerra de Feneyrols », le livre de 1358-1359 permet de com prendre ce qu'a été la stratégie anglaise en Quercy»Roue.rgue et finalement le visage de la guerre h cette époque. C'est la technique de « chevauchée » ; celle du Prince Noir de 1355 dans un large Sud-Ouest est demeurée célèbre. Il s'agit d'un coup de main, d'un raid contre un château ennemi. La chevauchée apparaît dans ce registre comme une menace constante et pesante. La reprise de Feneyrols nécessite un long siège et d'importantes opérations m ilitaires dirigées par le sénéchal. Une grande partie de la logistique est assumée par la ville de Saint-Antonin qui fournit ravitaillement et matériaux de construction. A Saint-Antonin même sont fabriquées les « bridas » (baliste) et « m anguanels » (mangonneau) qui sont des machines de guerre h lancer des [lierres. La construction de ces armes nécessite une mobilisation de la population de Saint- Antonin qui doit fournir pièces de bois (« fustas »). cordes de chanvre {« p esas de cainbe por fa r la s cordas »), du cuir et des pièces métalliques (« lias de fer »). Les maîtres charpentiers de toute la région, de Caylus. de Najac doivent venir aider les s p é c ia l is te s arrivés de T ou lou se , U ne fois les m a ch in es terminées, il faut les envoyer à Feneyrols. C'est par voie d'eau qu'on les transporte. Ce sont les pêcheurs {« pescaires ») de Saint-Antonin qui en sont chargés. La ville doit aussi équiper des hommes pour le combat, participer à la fortification d'une église située face au château de Feneyrols, la pièce maîtresse du siège. Le Sénéchal exige en outre la surveillance du territoire de la ville pour éviter q u ’une chevauchée anglaise ne vienne attaquer les troupes du siège et ainsi desserrer l'étau.

Le premier contact que l'on a avec la guerre dans les comptes consulaires n’est pas une vision nette et précise mais un bruit. On r entend venir, arriver comme une rumeur qui se répand de proche en proche. Sainl-Antanin appartient à un réseau de renseignements assez vaste composé d'autres villes, de seigneurs et potentats locaux, de représentants du sénéchaL., Le registre de 1358-1359 est à ce propos passionnant. A mesure que l'on tourne les pages, on sent la tension monter, le danger se rapprocher. Les quatre arlides suivants montrent comment ce service de renseignements fonctionne. Le Livre de comptes devient un journal, une chronique émouvante.

Circulation du renseignement (1358-1359, CC44 [ !))i:iï « Item paguem îo dia dessu s (15 janvier 1359) a un

vaîlet que tram ezem a m eia nueh al sen ech a l at seti que sa vises car de Monpesat nos avion m andat quel enamixs fasio gran am as , . , y, f ° J / r.

« Item paguem Io XXV dia de febricr (1359) a un vailet que nos trameiro Ios cossols de Setfons (pie fessessem bona garda car els avion Qgadas unas 1 et ras de Moss, Augier de la Barta quels en am ixs sera a ju sta tz II c g lav is p e r venir en Ctq 11 es t p ay s .... /° / 3 v.

« Item paguem Io dia dessus {19 mars 1359) a un vailet que tram ezem a la Va or a l Sen h e de S a lv a g n a c que nos mandes se al CIuzcl fasia gran a nuis,.. », f°15v,

« Item p a g u e m îo d ia d e s s u s (28 m a r s î 3 5 9 ) a II m esatgiers de Vi lu franco que veniou de Gascuenha que îos avloa trames Ios cassais de Vilafranca per espiur sels enamixs fa zi ou gran am as e d iss ira nas que Castelsagrat se a > be aiustat V‘ g l a v i s . f ° l 6 r .

« Item paguem îo XII dia dabrial (1359) a un vailet que nos trameiro Ios cossols de Pueh la Roqua que nos avizem de far bona garda car los angles deviou tost e per penre un îoe segon que home sert io avia m andat,.. », f°î7v .

MONTAI'BAN *4>ENNEBRLMQUEL

NAJAC

CORDES

11 Nous il ils Consuls rendons com p le n vous messieurs lus consuls nos su c cesseurs , lequel c o m p te est dest iné à faire état de toutes les recolles ou dépenses lai les sous notre administration. Nous déclarons solennellement que si nous avions failli a décrire en plus ou en moins, ce que nous n'aurions pas porté en recettes mi en dépenses, que chaque fois que faute de bon c o m p te y serait trouvée, nous en soyons tenus pour responsables et qu ’a vous messieurs il vous plaise de nous en déclarer responsables (I 2 rCC44(l ) J .

Avons payé aux joueurs de t rom pe, aux c o r n e m u s e u x pour la nourriture de ta Fête de Pentecôte le 2 H mai (P23rCG44(2) ) . De m êm e a v o n s p a y e le 2 5 j a n v i e r à B , R y b i e r a p o u r p r o c é d e r ù d e u x proclamations afin que les gens viennent à la procession et qu'aucun (lulufrj’isle ne délivre du vin.. . Il MrGC4 7 ). De même le 17 .mût avons payé pour un présent que nous avons fait a u n frère m ineur étranger lequel prononça un sermon au monastère (f 45rCG45). De m êm e avons d o n n é à m o n s i e u r O livier Avearn qui dût c h a n te r m e sse s du Saint E s p r i t a f in q u e Dieu p r o t è g e n o t r e l i e u d e r a t t e i n t e de n o s e n n e m i s . . . (f°f»5rCC45). A v o n s p ay é le 11 du m o is de juillet à un h om m e étranger que nous avons chargé de nous débarrasser d'un ch ion mort dont on avait dit ici qu i! était enragé . . , (Fc 15rCC 48) . De m ê m e avons payé le 12 du mois de d écem bre à G. Lit ne h qui nous avons fait ré p a r e r le pont de R o d a n è z e qui s 'était é c ro u lé auquel il mit trois vieilles pièces. , . (lv>6rGC48). De m ê m e avons payé à G. Garnnl pour 3 1 0 l ui les q u e nous lut a v o n s a c h e t é e s p o u r c o u v r i r les é c h a u g u e t t e s (f°G0rCC49),

t:ii De m ê m e avons payé le jour c i -dessus (15 janvier 1 3 5 0 ) a un em p loyé que nous avons envoyé? a minuit au siège du S én éch al afin qu'il prenne garde, car de Montpezat on nous avait Fait savoir que les enn em is se rassemblaient en grand nombre (f l l r ) , De m ê m e avons p ayé le 2 5 v jour de février à un e m p l o y é que nous e n v o y è r e n t tes c o n s u ls de S e p tf o n d s afin que nous fassions bonn e g a r d e cor e u x avalent reçu cer ta ines lettres de m o n sieu r Augier de la Barta selon lesquelles les ennem is avaient reçu 20Ü h o m m e s d 'arm es en renfort pour venir dans ce pays,* . (I ’13v). De m ê m e avons p a y é le jour ci- dessus (19 mars 1359) à un em p lo y é que nous avons envoyé à Vaour au Sire de Salvagnac afin q u ’il nous fasse savoir si. au Gluzel, se faisait un grand rassemblement . . . (I l5v) . De m ême avons payé le jour ci-dessus ( 2 8 m a rs 1 3 5 9 ) à d e u x m e s s a g e r s de V il lef ran ch e qui v enaien t de Gascogne où les avaient envoyés les consuls de Villefranche pour voir si les ennemis se rassemblaient en grand nombre et ils nous dirent qu'à Caslelsagrat s 'étaient bien ajoutés 5 0 0 h o m m es d ’a r m e s . . . (fù16r) . De m ê m e avon s payé le 1 2 M jour d'avril 1 3 5 9 à un e m p l o y é que nous envoyèrent les consuls de Puylaroque afin que nous prenions soin de faire b o n n e g a r d e c a r les A n g la is d e v a i e n t bientôt et r a p i d e m e n t prendre une localité suivant c e que leur avait dît un h o m m e sûr . . . (f°l 7v),

Révolution dans les prénoms saint-antoninois en 1794 et 1795

par Françoise Trnayre-Blom, membre du Conseil cf Administration

« Qu y a-t-il en un n o m ?Ce que nous nommons mser sous un tout autre nom sentirait aussi bo n ... »

« Roméo et Juliette de Shakespeare, (Acte 11. scène IIJ

Le m é co n te n te m e n t des F ra n ça is avait cou vé durant quelques années avant d'éclater dans toute sa violence débridée un 1700 avec la Révolution du peuple contre la monarchie, les nobles et l'Eglise. La méfiance de certains meneurs intellectuels do la Révolution envers le christianisme a en des retombées assez étonnantes pour ne pas dire exagérées et un peu ridicules niais qui mon iraient à quel point une partie du peuple français rejetait jusq u 'aux symboles chrétiens des noms.

En parcourant la liste des naissances dans les registres de l ’Etat Civil de 1794, quelle ne fut pas ma surprise de trouver que la femme d ’un cultivateur avait accouché d*un enfant à qui elle et son marî avaient donné le nom de Demis Citron. Pauvre petit î « Demis Citron, viens manger ta soupe ! ». J ’essaye d'imaginer ce que ce petit garçon a pu dire à ses parents quant il est arrivé à l'adolescence, handicapé d’un nom si bizarre*

La lenuno d un autre citoyen de Saint-Antonin a accouché de jumeaux à qui elle a donné les noms ©n vogue. Ecoutez bien : pour l'un HerpoIet-lMiocion et pour l’autre Cumin-Milthiade, Quelle élégance, n ’est-ce pas ?

C'est aussi en 1794 que Saint-Antonin Noble-Val est devenu Libre-Val. E s t-ce parce que la v i l le a dû re n o n ce r à son protestantisme quand Louis XIV a voulu, par la Révocation de 1 Edi t de Nantes, un pays uni dans la religion catholique que la v i l le s 'e s t d o n n é ce nouveau nom ? Qui l 'y a a u to r isé , encouragé ? Sans doute l'esprit de 1793. On soupçonne bien quelques règlements de comptes avec l ’histoire antérieure et peut-être l’esprit d indépendance cathare releva-t-il la tête pour quelques mois.

Nous voyons bien que les temps étaient assez perturbés puisque le registre des mariages de 1794 noie le mariage d'un i i'] tain Georges tàô’damsé:, Cl c M l t c uré âgé <•[» ■ 57 ans avec une dame de 64 ans : en aimerai! savoir s'il a dû quitte! sa fonction pour épouser la dame.

L'explication de ces faits étonnants est peuI-être a trouver dans une note que j'ai extraite! du registre de 1794T note écrite, me semble-t-il, par notre cher archiviste Georges Julien, Je cite ; « la loi du 20 septembre 1792, promulgué© par l'Assemblée Législative laïcise l'Etat Civil citait le clergé tenait les registres depuis trois siècles. Désormais les régi s 1res cTElat Civil sont confiés à un offic ier d ’Etat Civil, soit le maire, soit son représentant... 11 y eut une court© période de lutte contre la « superstition » où les prénoms de résonance chrétienne ne sont plus de mise et sont remplacés par des noms de i leurs, de 1 ég 11 m t ïs. d ' a rl > res, r 1 e 1i ê r o s et d ' h t: r r I k ?s de c u i s i i te »,

Cette période a duré de 1794 à 1795 ; ce qui n’est pas dit, Lest s'il y avait moyen pour les pauvres enfants dotés de noms comme Persil, Céleri, Bouleau, Chêne, de changer de nom, ime fois la vague « anti-surperstition » passée. Avec ces noms pouvez-vous deviner si l'enfant en question était un garçon ou une fille ?

Voici une petite devinette : 11 y a 5 garçons et 5 filles. Pouvez-vous les trouver 7 Bon courage !

G eillet-Léonidas, Fougère, Muguet, Pigeon. Roquette, M yrthe-Voltaire, Orange, Pensée, Valériane, H ipparchie- Bigarade,

Archives Communales de Saint-AntoninHegistre des naissances

1 7 9 3 - 1 7 9 4 - 1 7 9 5

’oS utbjq ‘o .ueqo/v«oiprAtAI ‘uooStcï qemBnixj ‘sep i uopq-î.a| | iqq ‘ siiaùJuf)

é | >irj iïH i n - a i 11 l u i?t 11 i 11-| m sjiïi?i.u>[e/\ ’o o su o j 'oaan b o y ‘o.ig^noj : <î3//y : asuod^>j

Famille de meuniers devant le moulin de Roumégous(avant les inondations)

g) O U \21211 l t A J A O 11 S1 € 1111 ô . . .

oLêè Oacutice^ a C^ai n I - ( i n l o i n n

CI n ri ce^ '19 2 8 / 19 2 9

par Paulette B O LIRE S-VID AIL LAC

Le train ralentit, s'arrête, vite la portière ouverte, les bagages descendus, Pair de Saint-A ntonin nous enivre déjà, nous sommes heureux de fouler cette terre, de retrouver la famille : ma cousine Jeanne nous al tend, gros baisers échangés, ri res joyeux. Nous sommes sur le quai, le train repart, s'engouffre sous le tunnel, laisse derrière lui une écharpe de fumée blanche.

Uès la sortie de la gare, le paysage est déjà beau. La route est bordée de splendides platanes, en contre bas coule LAveyrou, et nous pouvons voir, quand notre regard traverse la rivière, le jardin des Moines avec ses escaliers qui descendent au boni du l'eau.

Nous traversons le pont et nous faisons un grand arrêt au « Café du Pont » : ma tante Maria, la sœur de Maman, et tonton Louis nous attendent : quelle joie de se retrouver ! Ici c'est la maison où tout le monde su sent bien, jeunes et vieux ; dans la cuisine ou dans la salle il y a toujours du monde.

Pour moi cette salle est magique parfois muette, parfois pleine de voix : des tables au dessus de marbre blanc et aux pieds noirs sont réparties dans la pièce, des glaces pendent aux murs, un gros poêle au milieu réchauffe la pièce pendant L hiver et dans le fond un grand billard attend les joueurs ; près de la porte de la cuisine se dresse un petit comptoir où est posé un phonographe muni d'un grand pavillon.

Le malin, après avoir conduit leur charrette jusqu'à la petite gare de marchandises, les courtiers en foin s ’arrêtent pour prendre un vin blanc ou un café et échangent amicalement quelques mots. Le soir quelques personnes âgées viennent faire une m anille , iis consom m ent un ti l leu l ou une verveine.

Que nous sommes heureuses avec ma soeur de tourner autour de ces tables et de sauter sur lu terrasse ombragée par des acacias : tous ces souvenirs vivent au présent.

Il faut arriver ch ez grand-père , m eu nier au B essare l , destination des vacances. La petite troupe, mon père» ma mère, ma sœur et moi nous nous engageons dans les petites ruelles ; à certains endroits on ne peut inarcher tous de front tellement elles sont étroites, A notre arrivée au Bessarel où quelques personnes parlent, passent un moment pour se distraire, des connaissances viennent au devant de nous, demandent à mon père s ’il est là pour quelques jours. Mais mon père entend les meules qui tournent ; Fadeur du grain, de la farine, arrive jusqu'à nous, il lui tarde d'arriver, de rentrer dans ce moulin où il a grandi et travaillé toute sa jeunesse, Fépé est là, il regarde ses meules de pierre ; c 'est un petit homme avec des yeux bleus, une moustache blonde ; il est vêtu d ’une blouse blanche et coiffé d'un grand béret ; il est tout heureux de retrouver une partie de la famille ; après avoir reçu de « gros pontons », avec ma sœur nous allons vit© mettre les mains sous la farine : elle coule, nous caresse les mains.

Ces m eu les qui to u rn e n t , le b ru it de l 'ea u , tout est merveilleux* l.es sacs de grains sont empilés, tes mesures en bois sont rangées sur une étagère, sur la bascule un sac de blé al tend d'être pesé ; des toiles d araignées servent de draperies, elles sont blanchies par la poussière de farine.

Accompagnées de Fépé nous finissons tout de même par monter les escaliers de pierre usés par l’âge, sans oublier de nous arrêter devant la « bonde » du réservoir d’eau ; quelques pieds de fougères poussent sur tes vieilles pierres ; quelques marches encore el nous voilà arrivés ; Tonton Paul, ma tante, mes cousines très jeunes enfants encore» tout le monde esl là pour nous accueillir le plus chaleureusement possible.

Mon père prend souvent ses congés pour la fête et pour aider à nettoyer le moulue Les meules sont levées : Papa a vêtu un pantalon et un veston gris ; assis sur les meules, les jambes en tailleur, des lunettes noires sur les yeux il pique la meule : parfois des étincelles jaillissent, mais comme il est heureux, c'esl le moulin ! c'est sa jeunesse î c'est Saint-Antonin !

Souvent le matin nous sommes réveillés par un grand appel « Adrien ! » ou bien « Moulinier î » et quelques mots en patois se font entendre : c ’est un client qui arrive avec sa charrette attelée soit d ’un bœuf, soit d un cheval : il porte son grain à moudre.

La Fête, quelle fête en famille ! Des festins î Dans les maisons des odeurs de poule-au-poL de civet, de gigot, de pâtisseries, des repas de Gargantua, des repas trop longs pour nous les enfants. Nous préférons aller voir les stands rangés le long de F Hôpital jusquTà la pharmacie ; nous regardons ceux qui vendent des jouets, des ballons qui s ’envolent à notre grand regret, des cerceaux à grelots, des paquets de surprises, des pétards qui ne plaisent pas â tout le monde... Le soir à la nuit, grand Mal : entre les danses, de nions! meures batailles de confettis : certaines personnes achètent des sacs do jute aux trois quarts pleins et, sans pitié, elles barbouillent le visage d'amis nu de connaissances, et nous enfants nous sommes trop heureux de circuler au milieu de tout ce monde.

Pendant ces quelques jours de vacances que de fois je parcours le chemin du moulin au café ! Je passe devant l ’Hôtel Lu faut où Maurice exerce ses talents de cuisinier. Je monte et descends souvent la rue Droite nid habitent dos tantes et des cousins, un retraité, un charcutier, un autre boucher : une tante très grosse qui m ’impressionne beaucoup par ses rondeurs. Quand je passe devant la petite boulangerie, Podeur du pain chaud est bien agréable et si nous entrons dans la boutique on peut entendre le « cri-cri » des grillons.

Le chevrier ! Il faut en parler, il est pittoresque dans le pays, mais son troupeau de chèvres ne parfume pas les rues ! Il traverse une pariîe de la ville, le pont et conduit son bétail vers le rocher d'Anglars, les gens s'éloignent sur son passage et se bouchent le nez î

Certains jours, de grandes roulades de tambour attirent les gens à la fenêtre c ’est le « tambourinaire » : d’une grosse voix il crie « Avis à la population ! ». Suivent quelques instructions données par la Mairie.

Pin Ibis le soir avec mes cousines jeunes filles, je fais le tour de ville ; la chaleur est tombée, il fait bon. nous partons du pont, passons devant la poste, la mairie et l'église, chemin faisant chacune raconte sa petite histoire, c'est une journée qui se termine emplie de paix et de douceur.

Les vacances finies, le cœur gros, le train nous reprend. Moulin. Café du Pont, petites ruelles, belles promenades, rocher d' Anglars, combien d’années ont passé ? Mais de vous je garde de très doux souvenirs.

Inscrits dans la mémoire des hommes

par Jean Spénale, M aire de Saint-Antonin

' /îlloctttiuïi p m n o n ré ilo rs ch la n m ise à titre posthume* ele Ui ntédai/le des «Justes p a n a i le s * dations >

a. ■// Un (tr /Sn ne un h h eu jsse

Alice et Armand Fraysse sont dans une modeste lombe du cimetière protestant, ils n ’habitent plus face au temple, dans la maison jaune où Jacques Bronstein, un petit garçon recueilli par eux à moins de six ans, échappa ainsi aux camps de la mort et aux fours crématoires. Ceux où disparurent un million et demi d'enfants qui n étaient pas de la « bonne » race.

Ce lundi 1 0 janvier 2 01)!), Monsieur Francis lourdes, au cours d’une cérémonie organisée par la Mairie, a reçu la plus haute distinction réservée à un non-juif par l'Etat d'Israël. Il a reçu pour Alice et Armand Fraysse, son grand-oncle et sa grand- tante, la médaille des « [listes parmi les nations », Ites élèves du collège F, Bayrou étaient présents.

« Pour îei célébration de deux « Justes parmi /es Nations ». je su is h e u re u x f et notre C onseil M u n ic ip a l est honoré

cifaccueillir Madame Tamar Sainosh, Consul Général d Israël, Monsieur Robert Mizrahi, Président de l Institut Yad Vashem de Jérusalem, Monsieur le Président de la Communauté Juive de Montauban Jacques Levi, Monsieur Jacques Bronstein qui s est spécialement déplacé de Jérusalem. Je salue également la présence a nos côtés du Député-Maire Roland Garrigues, du Conseiller cent ont s ! Monsieur Jean-Paul Havnal, représentant le Président du C onseil G énéral , J e M adam e M arie-Rose Gineste dont on nie dit qu'elle est actuellement le seul Juste connu de notre département.

Mesd am es, Mesdemoiselles > Mes si ours,11 me semble que les circonstances ne se prêtent p as aux

banalités quand on évoque la vie d'nn Juste, d'une Juste . Je suis fier que notre ville, en dépit de l'occupation allem ande, de la g e s ta p o et d e s m e n a c e s de tou s o rd r e s , a it eu la ressource d'abriter en son sein un couple d ’âm es fortes, deux témoins de la permanence des vraies valeurs hum aines. De ces va leu rs qu i ne dem an den t q u 'à d isp a ra ître d a n s un environnement hostile. surtout quand on habite à cent mètres à peine de la Kom m andantur, très précisém ent q u an d les difficultés de l'heure rendent le courage nécessaire pour vivre la s im p le ju s t ic e . M a d a m e le C o n su l G én éra l d 'I s r a ë l , remerciez pour nous l'Etat d'Israël et la Communauté juive d a va i r i n s fit né I a d is t i n c t ion d es Ju st e s , No 11 s soin m e s honorés que deux d ’entre eux aient vécu parmi nous , Je veux dire au ss i combien j'ap p réc ie que le temps ne soit p a s un obstacle a la reconnaissance de ce que furent Alice et Armand Fraysse et l'exemple qu'ils doivent demeurer pour nous tous. Q uand le racism e oublie ses crim es p a ssé s pour tenter de renaître de ses cendres, il est des comportements admirables dont l'exemplarité incite à lu réflexion. Je forme le vœu qu'une plaque soit apposée à leur ancienne demeure, et je veux croire que les c irc o n sta n c e s s 'y p rêteron t. Que la m ém oire de Madame Alice Fraysse e/ Monsieur Armand Fraysse reste dans nos cœurs aussi vive que les jeunes vies qui furent sauvées des cam p s de la m ort> tout naturellem ent, san s en fa ire une histoire, p a r sim ple am our d u ne enfance à protéger de la bêtise inventive des hommes ; à protéger du racisme ordinaire institué en système de gouvernement, en misérables cortèges de souffrance, de mort, d ’humanité perdue dans les nuits et brouillards de la raison des hommes. Et puisque nous sommes fiers qu 'un coupla de Ju ste s ait vécu p arm i n ous , fa iso n s en sem b le q u 'i l la i s s e d u rab le m e n t d e s trac e s d a n s nos consciences et nos mémoires, pour qu'aujourd'hui et demain ne ressemblent pas à ce posséda ».

Mon témoignagesu r filic e etjîrmmdJraysse

/%

de Sainl-ÿln toi liip a r lt Docteur Jac<fLt(s Broitsh tu. uphiahnologinU à j ( rusaient

Mes souvenirs sur l ’époque de la guerre sont assez lions et épars, et ceux qui me restent en mémoire sont peut-être plus des images de récits que m ’en ont fait mes parents, que dos images directes de l'époque incriminée, Oc court récil sera donc un mélange de souvenirs réels et de souvenirs au second degré-

Je suis le fils unique de Rïwka et Bar u ch B rn n sle in , immigrés de Kowel en Ukraine, et arrivés en France au début des années trente. Je suis né à Rouen (Seine-M aritim e) le 29 octobre 1936, Nous nous sommes repliés dans la zone sud de la France et avons pérégriné des Alpes aux Pyrénées* Dans un village appelé Alet-les-Bains, mon père a trouvé un emploi de bfteheron. Un jour, mon père a subi un grave accident* et a eu une jambe brisée. Hospitalisé à l ’hôpital de Carcassonne, il y passera un au, subissant de nombreuses interventions.

L'infimière qui s'occupait de lui, a proposé à maman de la loger chez sa mère, pour lui éviter des voyages fatigants et dangereux. Nous avons donc pris refuge chez Madame Olive â Carcassonne.

La vie d'un jeune enfant de cinq ans n’était pas des plus faciles. Je n’allais pas à l ’école, on me sortait très peu* les jardins publics n ’étaient pas des plus accueillants puisqu'ils étaient « interdits aux chiens et aux Juifs », Dans ces conditions* ma mère craignant une rafle (les Allemands occupaient la ville) a demandé à des amis de Rouen, Sonia cl Max Ashkenasi* qui s ’étaient repliés à Saint-Antonin-Noble-Val dans le Tarn-et- Garonne, de rechercher une famille qui pourrait nie cachée Ils trouvèrent un couple protestant* sans enfants, qui acceptèrent sans hésitation de me prendre chez eux. Il s ’agissait d Alice et Armand Fraysse, père et mère aubergistes avant la guerre, et cultiva leurs pendant l'occupation*

Grâce à un sauf-conduit, ma mère put m’amener elle-même à Saiut-Antonin, car elle voulait voir entre les mains de qui elle allait me confier. Elle laissa son adresse ainsi que celle de sa sœur qui vivait à Haifa avec sa Famille, pour le cas où îl leur arriverait malheur. Les Fraysse étaient des gens adorables et

donnèrent beaucoup de courage à maman, lui promettant de m'éduquèr comme leur enfant* sans oublier mes origines. Ils m ’expliquèrent qu'il fallait que je les appelle « Tantine » et « Tonton », surnom qui allait leur rester pour le restant do leur vie*

l ’ai un souvenir très précis de la première nuit passée chez eux. C ’était, d'après mes calculs, en 1943. j'avais six ans. Il faisait très froid. Me mettant en pyjama, Tantine me dit : « je t’ai mis un moine dans ton Ht ». Je fus effrayé et pleurant à chaudes larmes, je lui dit que je ne voulais pas dormir avec un moine. Avec un grand sourire, elle m'expliqua qu'il s'agissait d ’un appareil de chauffage à base de braises qu'on introduisait dans le lit pour le réchauffer, A moitié rassuré, j'acceptais de me coucher dans un lit délicieusem ent chaud et accu eillan t. Tantine s'assis sur le bord du lit. me caressa doucement les cheveux, et nie dit avec une douceur angélique, que je n ’avais rien à craindre, qu elle ferait tout pour que je me sente en famille chez eux, que je ne devais rien raconter aux enfants avec lesquels j ’allais être en contact. Je devais dire qu'ils étaient mes oncle et tante et c'est tout. Elle se leva, alla chercher un livre qu’elle me montra et me dit : « tu vois, ce livre s ’appelle la Bible, il raconte l'histoire de ton peuple, le peuple juif. Pour nous aussi, Protestants, ce livre est Saint, car il raconte aussi l'histoire de Jésus. Tu doit être fier d’être Juif, et nous, nous aimons les Juifs parce que Jésus était juif ». Ce fut le premier souvenir de mes origines. I) ne m a plus quitté.

Tantine et Tonton étaient des Protestants pratiquants. Le Temple était situé à une dizaine de mètres de leur maison, sur une petite place ombragée par de hauts platanes. Tous les dimanches matin, Tantine m'emmenait avec: elle a I office ; j'étais assis sagement entre Tantine et Tonton, et à la fin du Service, Tantine sortait d’une petite boîte en fer blanc, un petit carré de chocolat que je suçais avec délice, Chaque dimanche, le même rituel se renouvelait. Inutile de dire que pour rien au monde je n'aurais raté un office,

Tantine devait avoir la quarantaine et Tontuu dix un quinze ans de plus. Elle ôtait une assez jolie femme, avec un visage d’une douceur angélique. Un chignon trônait sur le sommet de sa tête et lui donnait un air de noblesse et de charme tout à fait exceptionnel. Tnntori avait un physiquexTalJilèto. Une casquette était vissée en permanence sur sa tête, à tel point que j ’étais persuadé qu’il dormait avec. Je pense qu’en réalité, il devait être chauve, Une grosse moustache barrait son visage bourru. Je j ’aimais beaucoup, Il m’emmenait avec lui labourer son champ,

il ni apprenait à pocher au bord de TAveyron, me racontait des tas d'histoires qui me passionnaient.

Un jour, un groupe de soldats allemands, en route vers la plage au bord de la rivière, entra dans notre maison et demanda à boire. Tantine s ’empressa de répondre à leur demande, et avec une politesse obséquieuse que je ne lui connaissais pas, les invita à s'asseoir et à trinquer à leur santé. L’un de ces soldats, s ’approcha de moi et m’offrit des bonbons, puis me prit dans ses bras et me soulevant au-dessus de sa tête, dit à ses amis : « regardez quel beau petit aryen », Je dois dire qu’à l'époque mes cheveux élaienl d une blondeur toute germanique et c'est ce qui me sauva. Dès qu'ils eurent tourné les talons, jetant mes bonbons, je me précipitais, très choqué, vers Tantine, en lui 1 ' ' [111,1 ha n I d «ivoii lait lmp do /.oh1 av/a: nos occupants, bien plus tard, elle raconta à maman, la panique qui l'envahit à partir de ce moment, Elle pleurai! lous les jours» craignant que la C j e s ! a p o ne v ie n n e m e p r e o dre. C ’ é t a i I s o n a n g o î s s e permanente, d autant que ses voisins lui disait qu'elle était folle de cacher un petit Juif chez elle, et que si on venait me prendre, e l le aurait cela sur la co n sc ie n ce . Que d ira it-t-e lle à mes parants : Sans parler du htU qn ils pouvaient èln* détuiriés eux aussi.

Tantine et Tonton tinrent b o n T et passé les prem ières angoisses, décidèrent que j ’étais plus en sécurité chez eux qu’à Carcassonne avec mes parents, Et c ’est ainsi que je passais plus d un an, jusqu’à la Libération, dans une ambiance chaleureuse et fam ilia le , su ivan t une sco lar ité presque norm ale, dans 1 insouciance de I on lance, oubliant presque que \'avais une maman ©t un papa, cachés dans une autre ville, qui tremblaient nuit et jour pour moi, et avec lesquels j© n ’avais que des crm î a c l s épi sodiques.

Puis la Libération arriva et j ’eus T im m ense chance de retrouver mes parents qui vinrent me chercher, afin d'essayer de reprendre une vie normale.

Nous som mes restés en contact étroit avec les Fraysse auxquels nous avons rendu visite aussi souvent que possible. Le Tonton esl mort dans les années 70 e! j'ai eu la chance de le voir encore vivant dans une clinique de Mon tau han, où il avait été hospitalise. Nous avons fait venir Tantine à Paris, afin qu'elle fasse connaissance avec mes deux premières filles. Une fois installés en Israël, nous lui avons proposé de lui envoyer un billet pour venir nous voir, mais elle n'a pas eu le courage de faire ce voyage. Il faut dire qu'un dehors de son voyage à Paris, elle ne s'était jamais éloignée de la région.

Nous avons conservé une relation épistoiaire suivie, mais plus les années passaient, moins nous avions de réponses. Je téléphonais donc à la mairie de Saint-Antonin où Ton m ’apprit que Tantine séjournait dans une maison do retraite, mais qu’elle « avait perdu la tête », selon les termes de la secrétaire.

J'ai donc décidé qu'à l'occasion d'un prochain voyage on France, je ferai le voyage jusqu’au village» pour la revoir. C'est ce que j ’ai fait, en compagnie de mon épouse, en mai 1997, Arrivé sur place, j'ai appris avec tristesse, qu'elle était décédée depuis un an et demi. J'ai dmm: re. hrn lié des m e m b re s de sa famille et ai retrouvé une nièce très âgée qui n ’a pu nous recevoir â cause de son état de santé, mais qui nous a adressé à son lîls, Francis lourdes, Il nous a accueilli avec beaucoup d’émotion et de chaleur* Sa mère se souvenait très bien de moi et m ’a raconté au téléphone des tas d'anecdotes datant de mon, séjour chez les Fraysse.

En arrivant au village, j'ai retrouvé très facilement la maison de Tant i ne. Sur un ban c, face au Tem ple Protestant, j'ai rencontré deux anciens du village, qui connaissaient Tantine» et qui m ’ont confirmé sa mort. J'ai emmené ma femme dans une longue promenade sur les bords de FAveyron, retrouvant avec une émotion mal contenue, les endroits où je me baignais el péchais avec Tonton. Puis revenant sur nos pas, une vieille dame nous aborde devant la maison de Tantine et me demande directem ent : « Vous n ’êtes pas Jacky ? ». Je lui répondis stupéfait : « Comment le savez-vous ? ». Et de m'expliquer que parlant aux deux petits vieux à cpu j'avais raconté mon histoire, elle s ’étail douté qu’il s ’agissait du petit garçon caché pendant la guerre chez les Fraysse. Elle vivait depuis toujours en face de leur maison, se souvenait do moi très précisément» et cela d’autant plus, qu'elle partageait avec Tantine ia lecture des lettres que nous lui écrivions. Elle savait ainsi» avec beaucoup de précision, l'histoire complète de notre famille, notre montée en Israël, le nom de mes enfants, ainsi que beaucoup d’autres détails. Il s ’agit de Madame Yvette Boissière*

Je compte organiser sur place à Saint-Antonin, nue grande cérémonie de commémoration el de souvenir» avec l ’aide du m aire et des au to rités lo ca les , pour faire co n n a ître aux générations actuelles, la grandeur et le courage d’un couple de Justes parmi les Nations. Que leur mémoire soit bénie*

p a r ( t a u d e j la r m e U< ,

Trois ans a p rès h's « P iqués d e TAigle » j'ai écrit une nouvelle. « A lice », qu e le « Bulletin des A m is » p u b lia en 1986 ; le texte qu i suit est un extrait à p e in e rem an ié d e cette nouvelle.

Son titre m ê m e é ta it un a v eu d e la m in c e u r d'une fiction d e c ircon stan ce fie fils d'un répu blica in esp ag n o l fait la rencontre, dan s un train entre Paris et Gaussa de, d'une in connue dont la valise vient d e c h u t e r au m i l i e u du c o m p a r t im e n t ) d o n t j ' a i g o m m é ic i le ch em in em en t n arratif qu i con d u isa it le lecteu r à ressen tie ! : soit à !a rencontre d'Alice,

R e lisan t a p r è s tant d ’a n n é e s c e texte, j e c o m p r e n d s tjtie j ’a i s im p lem en t c h e r c h é , et j e l'espère réussi, à fa ire en ten d re et a im er A lice Fraysse d an s la m u siqu e m ê m e d e sa voix (à la fo is jouet te et grave, ch an tan te et ex igeante, in o u b lia b le , a im an te, ce lle d ’une b e lle personne}. Ha i son p ou r laq u e lle je red on n e ici leurs p rén om s et leurs topon vm es véritables aux p erson n es ! A rm and r Jacqu es) et aux lieux (Saint-Antonin,, J , c ités dans le texte et qu'elle a a im és.

Merci à Ja c q u es Bronstein et à tous ceu x qui ont perm is q u ’e l le Soit a cc u e i l l ie au sein d e ce tte com m u n au té ex em p la ire des « ju stes p arm i les m itions » afin qu e su voix p a r le , lon gtem ps en core et con tre les fo r c e s d e T oubli, a nos cœ u rs et à nos im aginations.

« Le spectacle du compartiment dont Michel ouvrit la porte Ht d'abord monter en lui un irrépressible fou rire. Tout indiquait que le flux et le reflux d'une marée d’équinoxe étaient passés par la. Les banquettes el le sol étaient recouverts d ’une fine couche de sable blanc nacré et des centaines de coquillages gisaient là dans le plus grand désordre. Au milieu de cette plage improvisée, et quelque peu saugrenue en ce lieu» il la vit sans d’abord apercevoir son visage. A quatre pattes sur le sol, elle ramassail les coquillages dont elle remplissait une énorme valise noire posée sur un des sièges. Sentant une présence elle se retourna :

Oh ! Excusez-moi - lui dit-elle en riant - cette satanée valise m'a lâchée an plus mauvais moment.

- Ce n'est rien, ce n'est rien, bredouilla Michel entre deux accès fie fou rire, [e vais vous aider. Et» riant de concert, ils achevèrent de remplir la valise que Michel aida à remettre dans le filet. Elle épousseta les sièges et constatant le crissement du sable sous leurs pieds, s 'e x cu sa de ne pouvoir en faire dava ni âge.

- Vous comprenez, je n ’ai malheureusement pas pris de balai dans mes bagages î

ils s ’assirent on vis-à-vis côté fenêtre, Intimidé, i! 3a regarda d'abord dans le reflet de la vitro. Le gris souris d une chevelure qui semblait une crinière de majesté suggérait qu'elle avait dépassé la soixantaine. Mais ollo paraissait hors d’âge tant elle avait gardé d'enfance dans la vivacité malicieuse de son regard. L’architecture des rides de son visage révélait aussi que c ’était quelqu'un qui aimait rire et ne connaissait pas le ressentiment. Elle parlait maintenant a un pigeon qui, sur te quai, se régalait d’un reste de sandwich abandonné par un voyageur.

- Petit, polit. Oh ! Comme il est mignon îEt com m e, visiblem ent, le pigeon n ’avait cure do son

attention, dépitée, elle dit ;- Ah ! Mais ils nous embêtent avec ces fenêtres qu'on ne

peut plus ouvrir !Elle croisa le regard de Michel dans la vitre et elle lui tendit

sans plus al tendre une main doucement potelée.- Merci de m avoir aidée ! Après cet le entrée en matière,

nous n’allons pas nous faire des ch ichis , n 'est-ce-pas ? je m'appelle Alice. Et vous, c'est comment votre petit nom ?

Michel lui dit son nom et combien il trouvait plaisant qu elle ait déployé cette plage sous leurs pieds et parfumé ce compartiment d 'effluves marines, Alice sourît,

- Ç a doit vous p ara ître un peu fou ce t te v a lise de coquillages*,. Je vais vous montrer ce que j ’en fais. ES elle chercha quelque chose dans son sac qu'elle tendit à Michel. C’était un roudoudou comme il en avait souvent acheté, dans son enfance, sur le chemin de l'école. Une petite boutique qui embaumait le réglisse et la guimauve lui revint en mémoire. Des années durant, il avait acheté là des friandises mais aussi l’encre violette, les plumes Sergent Major, les buvards moelleux, les cahiers lignes, les pétards du Quatorze Juillet, le poil à gratter des jours de complot, les cigarettes en chocolat, les sifflets à roulette en sucre rouge» le chewing gomme à bulles, et toutes ces choses sans quoi le chemin de l’école n’eut été qu'un long pen sum , [.e roudoudou d ’A lice était parfum é à la framboise et, sur la face externe du coquillage, une miniature aux tons pastels représentait un port.

- C'est très joli, dit Michel. Vous les faites toujours à la framboise ?

- Et bien, ça dépend des armées. Quelquefois c'est aux mures ou aux figues, d'autres fois aux coings ou aux baies de

sureaux. Je fais cela pour les enfants de mon village et je peins ces petites choses, la, d'après les cartes postales que je reçois des quatre coins du monde*

Elle sortit quelques cartes postales de son sac, en choisit urne, et la lendit a Michel en l'invitant à la lire, Elle représentait une palmeraie dans nu désert.

— Voyez, celle-là, c ’est Jacques qui vient de me l'envoyer. |e l’ai élevé pendant presque deux ans quand il était loul peliL Il est médecin à lïaïfa aujourd'hui mais il ne passe guère de semaine sans m’envoyer un petit moL

D'autres photos sortirent du sac. Les enfants de Jacques sur une plage, les enfants de Ja cq u e s sou fflant un gâteau d'anniversaire, lacques à quinze mois sur un oreiller en tenue d’Adam. Luis des cartes de la France entière, de Berlin, de B elg iqu e, de H ollande, d 'E sp ag n e , d ’Italie» fit? Sy rie . d'Angleterre, de Tahiti, tic? l’île de Pâques, de Colombie. Toutes n ’étaient pas de Jacques mais loul es parlaient le langage du cœur dans un français souvent m é t i s s e , truculent et savoureux. Certaines étaient adressées à Alice, d ’autres à « Tantine ».

— « Tantine », interrogea Michel, c'est vous ?— Oui, dit-elle, on m ’appelait souvent Tantine* on Mèr’Aub.

Cela il du temps de l'A.J.* l'Auberge de Jeunesse, quoi. Je me suis occupée de celle d© Saint-Antonin pendant près de trente ans et il est passé là des milliers de jeunes de tous les pays. Vous savez, il y en a encore qui m’écrivent à « Tantine, Saint- Aniüuin ». El le plus étonnant c ’est que ces lettres m'arrivent. Parfois aussi ils viennent me voir. Le mois dernier, tenez, un monsieur, bien mis, qui devait bien avoir la soixantaine. 11 frappe et il me dit : « Bonjour Alice, lu ne me reconnais pas ? ». Je lui dis : « Je vois bien que tu es un ajiste puisque lu me tutoies mais le reconnaître, non ». Alors il dît : « Je suis André, de Liège, rappelle-toi, j'étais passé avec Lulu et Gaby ». Mon Dieu, je dis, niais oui, je te remets. Et on s ’esl embrassés, et on sort les photos, et on les regarde... Il était venu en trente-neuf, il avait vingt ans, alors tu vois» le r e c o n n a î t r e !

M ich el a c c u e i l l i t ce p rem ier tu to iem ent com m e l ’adoubement courtois à une société fraternelle. Tel un film dont le projectionniste aurait inversé les bobines, la vie d ’Alice surgissait au rythme des photos données ut reprises. En noir et blanc brillant de petits tirages écornés» ou en sépia viré à 1 ocre jaune des papiers au citrate» le kaléidoscope des images donnait à voir les mille facettes d une mémoire tour à tour grave et joyeuse. Des groupes d ’adolescents rieurs serraient Alice de près pour tenir dans le cadre. Sur la chaussée d’une rivière, un

groupe chantait, 1© soir venu, autour d'un guitariste et d’un feu de bois, Autour d'une immense table, ou chacun s ’affairait h la cuisine un à la pluche, un groupe posait dans une mise en scène cocasse et carnavalesque, De jeunes hommes tenant Alice bras- dessus bras-dessous, marchaient sur les routes empierrées dos causses. D'autres s ’ébattaient dans une rivière, escaladaient des rochers, couraient après un dindon, apprivoisaient un âne attelé à une charrette, Puis des photos de fiançailles de visages déjà aperçus, puis les mêmes avec deux bambins.

- Cette auberge, c elait une vrai agence; matrimoniale ! dit Alice en riant.

Un jeune boxeur avait envoyé une photo prise sur un ring, à Üran, un jour de victoire* Fier comme Art a ban il avait posé poing levé au côté de F arbitre. Et sur la photo, il avait dessiné sur sa poitrine, tel un tatouage, un cœur percé d'une flèche autour duquel il avait écrit : « A Alice pour la vie ». Un visage attira l ’attention de Michel. îl en scruta les détails puis retourna la p h o t o dans l'attente d'une annotation, d un nom, cm d une date. Il ferma une instant les yeux puis demanda à Alice si elle se souvenait de ce type, là, qui lui tenait la main, Alice lui dit que non, puis, se ravisant :

- C'est peut-être Georges, un ouvrier de l'Aéropostale à Toulouse. Je ne suis pas sûre.

D 'autres photos surgirenl é v o ca tr ice s de temps plus tragiques. Des réfugiés espagnols, les b a l l u c h o n s et les pauvres bardes de la défaite. Fiers dans leur détresse, beaucoup Ien!aient de sourire au photographe. Et, toujours, Alice au milieu d eux. Fuis des trains dans une petite gare. Trains de vacances et trains de la débâcle où se m êlaient c iv ils et militaires aux visages hallucinés cl recrus de fatigue.

- En juin quarante, il nous est arrivé lout un train de Belges, Alors beaucoup sont venus à l'auberge. Je me rappelle encore u n e d a n i e a vec qui je suis de v e j i 11 e v r a i m en t a mie. E li e s ’appelait Jeanne-Catherine, c/est un bien joli nom. Je me souviens leur avoir dit : « Mais vous parlez français », Et fièrem ent, ils m ont répondu : « Ah mais, nous som m es wallons, Madame ! ».

Et Alice racontait. En trente-cinq, elle avait acheté avec son mari un grand moulin, au bord de l'Aveyron, pour exploiter le saille dans le 3il de la rivière. Armand avait fait fabriquer une belle drague et s ’était mis au travail. Mais ce moulin étail bien trop grand,

- Nous flottions là-dedans comme deux pauvres hères, disait Alice.

En trente-six, elle avait entendu parler ci es Auberges de Jeunesse. Elle avait écrit a Monsieur Bium qui venait de gagner les élections. Puis, très vite, étaient venus les premiers congés payés et les jeunes avaient afflué de Toulouse, de Montauban, du Nord.

— Beaucoup de mineurs ! Je me rappelle, une fois, on avait voulu leur faire visiter les grottes. Ah non ! avaient-ils prolesté, les grottes, ça va comme ça, on a déjà donné î

El puis des jeunes venus de toute l’Europe.— Même des Allemands, beaucoup d*Allemands î Qu'est-ce

qu'ils étaient sympathiques ces grands bougres, Vraiment, on n'aurait pas pu deviner

Puis l'Auberge avait accueilli les réfugiés de toutes les débâcles : républicains espagnols, soldats en déroute, civils fuyant le naufrage de l’Europe.

— Pendant l ’occupation, nous avons fait une colonie de vacances pour les enfants affamés des villes. On nous les envoyait de Montauban, on les retapait un petit peu. Pendant tes rafles, aussi, je voyais arriver les petits enfants des familles juives qui se cachaient dans le coin, « C'est vous Tantine ? On nous a dit de venir à l ’Auberge, c ’est la rafle ». Alors on les mettait à deux ou trois par lil, comme des petits poucets. Plus tard, j en ai gardé plusieurs que les familles m’ont laissés pour ne pas leur faire courir les risques de la fuite : « Si nous n’en réchappons pas, ils sont à vous, disaient-ils », C'était un temps de barbarie, De l'amour d'Armand, jamais Alice n'avait pu avoir d'enfant.

— Mais je ne manque pas d'enfants et de pelüs-eniants depar le monde, disait-elle avec un beau sourire.

Une fois la paix revenue, e l le en avait encore élevé plusieurs, qui étaient eu détresse de familles déchirées. Puis il avait fallu agrandir l ’Auberge. Sur les photos, Alice riail maintenant au milieu de groupes où les filles portaient des jupes phi s courtes et les garçons des bananes à gomma.

Alice s'était endormie, Michel lut son journal, regarda une fois encore les photos et sombra bientôt à son tour dans le som m eil. Ils furent réveillés un peu avant Caliors par le contrôleur.

— Je vois, dît-il en plaisantant, que le marchand de sable estpassé 1

Alors que le train quittait la gare de Cahors. Alice dit qu'elle descendrait à la prochaine gare. Le train parcourait maintenant les dernières vallées du causse avant la plaine. Déjà l’automne

flamboyait d ’or et de pourpre dans les vignes et les peupliers. Michel pensa sans regrets qu'il n’avait pas vu le paysage depuis Paris- Alice dit que le vin serait exceptionnel celte année et, à Lalbenque, elle montra la route par laquelle elle était souvent venue, n motocyclette avec Armand pour vendre des truffes au marché, Michel Paida à passer son manteau el porta la valise aux coquillages à la porte du wagon, Ils se dirent le plaisir qu'ils avaient eu à se connaître ett peut-être, a une autre fois. Alice resta un moment sur le quai à saluer ce visage qui s'éloignait et disparut bientôt dans une courbure de la ligne. Elle pensa que ce visage lui avait d’emblée rappelé quelqu’un. Mais qui ?

Arrivé en gare de Toulouse, Michel chercha une cabine téléphonique et il eut, avec une voix lointaine, une conversation animée. Puis il se dirigea vers Le buffet où il écrivit celte lettre.

Chère Alicetfe vendrais tout d 'abord vous rrm rn ier pour ce voyage

délicieux que nous avons fait aujourd'hui, ht vous dire l'envie que j'ai eu, à Caussade, c le descendre du train pour faire encore un petit bout de chemin avec vous. Vous vous souviendrez sans doute du trouble qui s'est em paré de moi quand fe vous ai demandé si vous vous souveniez du nom de ce jeune homme que vous teniez p ar le hais, sur une de ces photos que vous m'avez montrées. Et bien„ fe viens de téléphoner à ma mère, et il n y a plus de doute possible. Cet homme, c'est Pedro Bubon (c ’est celui qui tient la bride d'un cheval), et c ’est mon père. fc ne vous ai rien dit d*abord de mon émoi car j 'a i cru à une hallucination, fe ne savais rien de cet épisode de sa vie ni d'un séjour à Saint-Antonin. Ses traits, mêmef me sont peu familiers car nous n'avons que trois photographies de îtü pour la période qui court de son passage des Pyrénées à sa mort, à Dachau, en 1045. Ma mère se souvient très bien Pavoir entendu raconter son séjour dans votre Auberge dont il disait que c ’était un des m eilleurs souven irs de sa vie . Ma mère souhaiterait vous recevoir ci Barcelone où elle est retournée Pan p assé„ Quant à m oi, je p a s s e r a i vous voir à S a in t-An tan in la se m a in e prochaine, fe vous aime\ Michel.

Sauvegarde des murets de pierres sèches

par Michel f errer

ajjis, sur les causses, le nécessaire épierrage des sols avant tout travail de la terre a facilité la construction de murets en pierres sèches, utilisés pour clôturer les champs, parquer les bêtes ou limiter les chemins et

les propriétés*Autour de Saint-Antonin où la pierre abonde, il n'est pas un

endroit on 1 on ne rencontre ce genre de clôture ou de limite. Il est celles qui ont souffert du temps et sont crevées de brèches, et celles dont une partie a été volontairement rasée sur quelques mètres, afin d'ouvrir un passage aux engins d'aujourd'hui.

A m assées san s l ian t, les p ierres se m b le n t avoir été disposées de façon aléatoire. Pourtant, en y regardant bien, d'aucuns voient qu elles ont été choisies, disposées el placées aux mieux, ce qui explique la pérennité de ces murets tout gris, mouchetés de lichen sombre. Cela révèle le sens de l’équilibre et Pari de l 'assemblage des paysans — des bergers ou des bouviers le plus souvent - qui patiemment les dressèrent.

Entre Raynal et Ta mm, en bordure de l 'ancienne route qui menait les diligences de Saint-Antonin à Puylaroque, il s ’élève de hauts murets qui attirent notre a tten tio n , voire nous étonnent, tant par leur agencement que par leur conservation.

Crû ce à Monsieur Delab.il te, actuel propriétaire de s divers parcs qui en cet endroit jouxtent la route, ces murets qui ont eu le bonheur de résister aux effets destructeurs du temps — ont aujourd'hui la chance d’être « pansés » là où ils commençaient à montrer des signes de fatigue, sinon un début de ruine.

C'est ainsi que l’on découvre, courant sur des centaines et des centaines de mètres, des murets en parfait état où, par-ci par-là, l'on distingue des « rapiéçages » trahis par la pierre blanche et rouge, la pierre nouvelle qui vient s'insérer dans l ’ouvrage ancien e! qui fait comme une tache au milieu de la grisa i 1 le u n i forme.

Merci à vous, Monsieur Delahitte, pour celle contribution à la sauvegarde d'une partie de noire patrimoine* Car ces murets, cela est incontestable, participent au patrimoine culturel de notre région.

Je suis heureux de savoir que pour cet effort, où l'on devine tout l 'arnour que vous portez à notre terroir, la Société des Amis du Vieux S a in t-A n to n in ait d écid é de vous m arquer sa reconnaissance en faisant do vous le récip iendaire de la médaille du patrimoine de la ville de Saint-Antonin.

Souterrain-refuge du Martinetpar Antoine Cjalan

f*autorise la Société des Amis du Vieux Saint-Antonin à publier dans son bulletin mon étude sur le « Souterrain-refuge du Martinet » si elle estime qu'elle peut intéresser ses lecteurs. Elle peut, de toute façon , la conserver dans ses archives.

A Puylagarde. In 2 février 2000 A n t o in e Galon

N o u s r e m e r c i o n s v i v o m o n t l ' a b b é A n t o i n e L a Lan do c e t t e autorisation et invitons nos loctOUTS à co n su l te r les anciens bulletins dan s lesquels r au tour publia p l u s ie u rs a r t ic les nn sp é lé o g ie (1948, 1947, 1956) et préhistoire (1955, 1959).

S i t u a t i o n

Valide de la Bonnette, rive droite. Lien-dit le Martinet. Près du confluent du ruisseau de la Gourgue ou de Saint-SuIpîce avec la Bonnette. Entre le pont de la D 19 et la Bon nette, rive gauche du ruisseau de la Gourgue. Coordonnées Lamherl 111 : x = 553,160 ; y = 208,850 ; z =* 145 m.

D e s c r i p t i o n

S a l le ï : Par une ouverture étroite, de la grosseur du corps, on p é n è tre d ans une c a v ité de 7 m ètres sur 10 m ètres , probablement naturelle (salle 1 du plan). Eu 1952, elle avait deux autres ouvertures encore plus petites, au niveau du sol. Les dépôts alluvionnaires du ruisseau qui inonde souvent La cavité les ont bouchées et ont élevé le sol de la salle de près d'un mètre.

SaUe 2 : En creusant un trou dans le sol de cette cavité, on trouve rouverture du souterrain artificiel. Après désobstruction, une chatière introduit dans un espace de 2.30 mètres do largo niais seulem ent 0 , 0 5 mètre de haut, La salle est presque comblée par les al lovions. On se dirige vers le MO. Plafond on voûte surbaissée d'où pend une fine dentelle minérale d’un blanc crémeux, Peut-être des radicelles gainées de calcite. Cheminée ; A un mètre de la chatière et à 0.7 mètre de la paroi gauche, s'ouvre au plafond un conduit d'aération conique d’environ quatre mètres de haut. A sa base* il a 0*6 mètre de diamètre. A 1,30 uiètre au-dessus du plafond de la salle, l/intérieur de cette cheminée est revêtu de moellons de pierre compacte et non de tuf* la matière de la roche encaissante. Ils sont disposés en bel appareil soigné. Au niveau de ce paremenb le diamètre intérieur est encore de 0.50 mètre. Ce travail n'o pu être effectué que de i extérieur. Après achèvem ent, cette superstructure a sans doute été masquée avec des pierres et de la terre pour ne pas attirer l’attention. L’ouverture supérieure était aussi cachée aux regards et ne laissait passer que l’air et la fumée.

G alerie /ra/ïsrersale : A 4,40 mètres de l’entrée dans la salle 2 , on débouche dans un couloir.A gaucho, vers 24(f : on suit une galerie de 1 , 1 0 mètre delargeur moyenne et I 10 mètre de hauteur. Plafond en voûte peu j i rc Mîoncéf - A 3 . 7 0 m è h es . la g a l e r i e se t e r m i n e e n t :u l-c è -SHt A d ro it e , v ers 1 5 " le couloir a 1,10 mètre de large et autan! de haut, A 1,10 mètre, la voûte esl creusée d’une rainure de 1.30 mètre de longueur pénétrant de 0 , 2 0 m ètre dans la paroi. Elle était sans doute destinée à recevoir un panneau de fermeture. Puis le couloir se rétrécit mais la hauteur atteint 2.20 mètres. Le sol est en pente montante, incliné vers la gauche et creusé d’une rigole due au ruissellement [photo n 3).A 5,30 mètres, le couloir qui n’a plus que 0 . 7 5 mètre de large aboutit à la salle 3.

Sa lle 3 : Elle a 2 , 0 0 mètres dans le sens de L arrivée, 2,75 mètres de large et 2,40 mètres de haut. La voûte et les parois ont gardé les traces de l’outil qui a servi au creusement,Bassin : A 1.30 mètre do rentrée fie cette salle se trouve une dépression de 1.30 mètre de long, 0,80 mètre de large et Ü,G0 mètre de profondeur. Ce bassin servait peut-être a recevoir les eaux qui suintaient des parois mais il pouvait avoir bien d’autres usages : silo, foyer, fosse à ordures...Feuillure : une feuillure large de 0.15 à 0*25 mètre et profonde de 0,25 mètre encadre l ’entrée {photo n° 3). Un système de fermeture s ’v encastrait. Ce n ’était pas une porte, il n'v a pas

trace de gonds. On peut penser à un panneau de planches épaisses ou de madriers solidement assemblés. Il était maintenu dans la feuillure par une barre de sûreté, mie poutrelle de bois d i s p o s é e transversalement, du côté de la s a l l e , Des trous « barriers » dans la paroi maintenaient la barre bloquée contre le vantail. Le trou de gauche, en entrant, grossièrement carré, a 12 cm de côté. Son centre est 0,31 mètre sous la voûte. Celui de droite, situé au même niveau, est ébréché. Cassure naturelle OU brisure sous lu pression d’assaillants VPoste d 'éclairage : sur la paroi gauche de cette salle, à 1.40 mètre du sol et à 0,30 mètre de l'angle de la pièce, une petite niche a été creusée. Elle a 1 0 cm de large, 13 cm de profondeur et 40 cm de hauteur. Au-dessus, des traces de fumée, sur une longueur de 0,70 mètre, prouvent qu’on plaçait là une lampe ou une torche. On a trouvé dans certains souterrains dos restes dé torches faites d'une bûchette de pin sylvestre.

G ai tarie terminale : De l'angle N E de la salle 3, part, vers 80°, une galerie de 0,90 mètre de large. 1,60 mètres de haut et 5 mètre de long [photo rt° i). Sol en pente montante. Dénivelé de 0,50 mètre sur une distance de 5 mètres. Plafond en voûte. Paroi terminale en arrondi.Conduits <l'aération : A l’extrémité de la galerie, vers le haut de la paroi de fond. S 'ou vren t deux con d u its d 'aération et d ' é v a c u a t i o n de fumée {photo n° 2, coupe à droite du plan). Le conduit do droite est creitsé à 1,30 mètres du sol. En pente moulante, il se dirige vers 115°, Grossièrement cylindrique, il a 0,35 mètre de diamètre horizontal el 0,40 mètre de diamètre voi t i ra i . S a longueur appareille est de 3 a 4 mètres. Le conduit de gauche, orienté à 90 . s ’ouvre un peu plus bas. a 1, 10 nièties du sol. Il est aussi montant. Diamètre horizontal 0 , 2 0 mètre. Diamètre vertical 0,15 mètre. Longueur 3 mètres environ. A La voûte de la galerie et dans les conduits, traces importantes de noir de fumée.

C on crétio n s

Dans la salle 2 et le couloir transversal, le sol est couvert de caicite pulvérulente blanche ou beige. Sa surface est solidifiée en croûte friable. Le plafond et les parois de la salle 2 sont revêtus de concrétions de type bourgeonnant. A la rem outre de la salle 2 et du couloir, sur la droite, pendent du plafond des formations spectaculaires (photo n" i). Des rideaux et des pendeloques d ’une dentelle minérale souple el fragile, de couleur crème, constituent une curiosité naturelle que nous navons observée dans aucune autre (c ivi le .

P h o to n ûl — G aler ie t e r m i n a l e

Photo n 2 — Trous d’aération dans la galerie terminale

Photo n°3 — Feuillure pour fermeture dans la salie 3

Photo ïiD4 - Concrétions

Les parois el le plafond du souterrain ont bien conservé les traces de l "outil utilisé par le mineur. C ’était un pioohon a manche nécessairement court pour pouvoir être manié dans les endroits exigus, 11 avait une panne légèrement courbée, à tranchant ructiligne de 5,3 cm de long d ’après les traces. A l'opposé de cette panne, se trouvait probablement un pic pour e n l e v e r t ins éc;ni l les d e roche par percussion. ün peut aussi penser qu'au lieu d'un pic: ce [lioclusn avait un marteau c o m m e les ont ils représentés sur des tombes romaines. Mais il faut bien reconnaître qu'un marteau serait moins adapté qu'un pic à un travail de creusem ent ! ü n a certa inem ent com m encé le creusement par l'entrée actuelle car il n'y a aucun passage bouché dans le reste de l'ouvrage. La partie inférieure de la cheminée a probablement été creusée à La lois de L intérieur el de 1 extérieur. La partie bâtie n'a pu être construite que de l'extérieur. L ouvrage à été ensuite caché par un amoncellement de pierres et de ferre pour échapper aux regards. Les trous d'aération, au bout du souterrain, ont sans doute été forés à Laide d'une longue poutrelle de bois armée à son extrémité d une pièce métallique tranchante. On procédait par rotation en exerçant une forte pression sur la perche.

R oche E n c a is s a n t e

Ce souterrain est creusé dans le tuf. C'est une roche poreuse plus légère que le calcaire compact. Elle se forme dans le lit des ri viens par dépôts de carbonate de calcium sur les végétaux, les graines, mousses et lichens ainsi que sur les carapaces animales et tout ce qui se trouve dans le courant. La décomposition des matières organiques et les interstices entre les divers éléments créent des cavités qui donnent à ce matériau l'aspect d'une éponge. Le tuf est facile h tailler et ses vacuoles lui donnent d'excellentes qualités d'isolation. Sa légèreté a fait de cette roche le matériau préféré pour les voûtes des caves et des cryptes, les colombages et les manteaux de cheminée. C’est une roche idéale pour creuser des souterrains. La petite plaine du Martinet à l ’ouest de la D 10, entre le ruisseau de la Gourgue, la route el le versant du plateau repose sur un substrat de tuf de plusieurs mètres d épaisseur. La galerie souterraine découverte en 1990 près de Cante Louve est creusée entièrement dans ces dépôts. Il en est de même pour le souterrain du cirque de Guy lus. ceux de Saint Pierre-Livron et les cavités aménagées de SaîoL

A QUOI SERVAIENT CES SOUTERRAINS ?

Des études qu i ont été faites sur lus souterrains de France, il ressort que ces monuments ont en des utilisations diverses :— Tombeaux à l'époque du Néolithique— Caches, refuges, greniers et silos aux époques postérieures— Resserre, annexe d'un habitat de surface

Refuges en période d'insécurité tout au long de l'histoire— C ach es en p ériod e de p e rsé cu t io n re l ig ie u se (ca th ares ,

protestants, prêtres réfractaires.. J— Parfois lieux de cultes ésotériques ou interdits

D a t a t io n

On n*a trouve, ïi ina connaissance, aucun objet dans ce souterrain. Mais il y a d'importants dépôts et il est possible qu'il y ait des objets enfouis sous les aliuvîons. Il va de soi qu'un objet datai île recueilli dans un souterrain n implique pas que le creusement du souterrain soit contemporain de T objet. Cela prouve seulement qu'il a été utilisé à cette époque. Encore faut- il être prudent. Un objet anc ien, une hàche polie néolithique [Kir e x e m p le , a pu être ap p orté au M oyen Age dans un souterrain datant de l'époque gallo-romaine.

L'usage des souterrains est universel et leur creusement a pu s 'e f fe c tu e r d ep u is le N é o lith iq u e ju sq u 'a u XV II" s iè c le . Lorsqu'un souterrain est resté a c c e s s i b l e , il a, par la suite, été ré u t i l is é ch aq u e fois que les gens qui c o n n a issa ie n t son existence par tradition en avaient besoin. Parfois il a été modifié ou agrandi a des dates très é lo ig n ées de l 'ép o q u e de son creusement. Sur ces 4 ou 5000 ans d'occupation spomdique de ces galeries et cham bres hypogées, il y a des périodes où, semble-t-il, on les a creusées en plus grand nombre. Ce sont les périodes il’insécurité ou il était indispensable pour survivre de cacher à l'ennemi les personnes et les biens.

Ainsi beaucoup de souterrains ont été creusés à 1 Age du Fer. au moment des grandes invasions qui marquèrent la fin de l'Empire romain et au Moyen Age entre le VI3I et le XV° siècle. En l'absence d'objets, de poteries, de monnaies, de signes et d'inscriptions, seuls le plan du souterrain, ses aménagements et sa technique de creusement peuvent apporter des indices pour proposer une date. Pour le souterrain du Martinet, l'époque néolithique est exclue par l'utilisation d'un outil en 1er, Mais après l'apparition du fer, un lui outil est sans doute resté à peu

t - fosse

f - poste d ’ édairage

g - feuillures

PLAN

b - gâterie transversale Coupe de la galerie terminale

à son ritréinité

ECHELLE . 1 .

a - chatière t!1 accès

Salle 1 f a vite natii relie

Souterrain-refuge du Martinet Sa i n t-Anton i n Ni ib 1 e-Va 1

(Tarn-et-( baronne)

près le même pendant 2000 ans pour la bonne raison que ses formes sont imposées par la spécificité de son usage. Aussi ne pexil il nous aider pour fixer une date. Le souterrain du Martinet est de dimensions modestes, son plan est simple, sans chicanes ni fausses pistes. Cela pourrait plaider pour son antiquité car les souterrains tardifs ont souvent de nombreuses salles et un plan compliqué. Les aménagements du souterrain du Martinet nous renseignent sur l ’usage qu ’on en a fait. Il a été creusé pour pouvoir v séjourner : cheminée et trous d’aération, fosse, niche pour l'éclairage. Ce n'est pas une galerie de fuite puisqu'il n y a q u 'u n e o u v e r tu re . Il s ’agit b ien d 'u n re fu g e c o m m e en témoignent une rainure d a n s lo couloir pour une première I ) a rr i b re et la \ a r g e le ui 11 ure à l ’entrée de la sali e 3 \ i o u r barricader l'espace de vie.

ha p ér io d e p en d a n t la q u e l le le so u te rra in -re fu g e du Martinet a pu être creusé s'étend de l'époque gauloise à la fin du Moyen-Age. 1.1 y a dans Le département des souterrains datant du Néolithique, d'autres du Gallo-Romain, d’autres encore du Moyen-Age, Dans le Limousin, la plupart des souterrains sont datés par des matériaux et des documents divers du X* au XIh siècle. En l ’absence d ’éléments probants nous restons donc dans l'incertitude. Toute attribution à une époque précise relèverait d'un choix personnel plutôt que d une déduction appuyée sur des arguments scientifiques. Nous ne savons pas si ce souterrain est encore intact ou s'il a été détruit par de récents travaux effectués avec du matériel lourd dans le lit du ruisseau. S'il a échappé h la ruine, son ancienne ouverture, située à plusieurs mètres sous terre, est actuellement obstruée. Lent-être cette difficulté d ’accès protégera longtemps encore ce monument qui fut le témoin des épisodes malheureux de notre histoire.

BIBLIOGRAPHIE :Adrien Blanc heï :« Les souterrains-refuges de la France »Picard — Paris - 1 9 2 3

Albert Gavai lié :<«: Les souterrain s-refuges du Quercy »Actes du Congrès des S ocié tés savantes - M on Lan ban - 1 9 5 4 Forestîé — M o n tau b an — 1 9 5 6

Albert Cavaillé :o: A propos du Souterrain du Martinet »Bulletin de la Société des A m i s du Vieux Saint -A nton in — 1991

« L o u r e ï p e t i t »Extrait d e « Une an née », I960

p a r P ie r re B ay ro u ,Avec l'aimable autorisation de Suzanne B<njtou

J'ai cru voir ù 14instant voler un papillon. Par ce jour aveugle et glacé ? Dans ce vent rapide surtout ? D'ailleurs, où sont-ils en c e moment, ceux qui hivernent ? Sons quelle bru assaille, quelle mousse, à l’abri de quel roc. de quel mur ? Où les trouverait-on, pétri fi iss, cassan ts , prêts à revivre pourtant à la m oindre tiédeur ? Et q u 'est-ce donc qui peut bien vivre en eux et comment ? Bref, cloué sur place, je regarde attentivement ce genièvre où ïe papillon est entré. Un troglodyte peut-être V H est si minuscule qu'un peut s'y méprendre en effet. Mais le voici qui paraît dans une trou de la masse verte : c ’est bien un oiseau, un oiseau lilliputien, mais je nu vois pas la queue du troglodyte, celte queue roi de el courte, si drôlement ru troussée sur son dos. Alors, le coeur ballant : « un roitelet ! » dis-je à voix haute. Mais voilà ; non pas le roitelet que j’ai trouvé murl Pautre jour, cet 1 ù sua n nain lui aussi, a la huppe coulem do flamme : le roitelet à-triple-bande au m'ont dit mus livres. Et celui-ci usl tout gris, d un gris de raL C’est « le petit roi », « lou reï pétÜ » comme disent les gens qui, par conséquent, le connaissent bien. Mais quant à moi c'est bien la première fois que je le rencontre. Encore un autre qui n émigre pas. un au Ire insectivore pourtant, qui ne va pas c h e rc h e r provende « sous des c ie u x plus cléments », Comme n‘émigrent pas non plus d’autres mangeurs d ’insectes - le rouge-gorge ou la mésange - , comme restent chez nous les perdreaux mangeurs de graines, alors que leurs congénères, les cailles, vont chercher si loin, à tant du risque et de fatigue, les grains que les premiers trouvent toujours ici... Mais : un roitelet, un vrai ! Ce sera donc ma trouvaille du jour, mon butin, nia joie, la bonne rencontre et la bonne aventure, D'autres diraient : ma récompense.,. Et ce n’est pas, hélas ! que je n'en sois tenté !

J W V O V C 1 6 1 C

<£a Ht: t*-V

Butent son carriôl gingolaire Cargat de linge a esclarcir,

Melinota, crana lavaireT Va t ra ha 1 Uar t:a c î a ma t i n ,

Fa un trabalh qu’esp lan pénible, Suxtot quand llvôrn es a qui,

Que lo freg vus pren a las tri pas,Que ronglada vos fa eslavanir.

Mes Melînôta jariiai n ’arrèsta Ferqu’a Fostal très mainatjons

A t end on sa j j aga... \ 110t1 ès t a Que lus fa viure pus urôs.

NI a (jue dison que tu es irètja Mal-rasona, mès ieu sain plan

Que lo malèstre es un mal que colhona pas.

Disnn qu'as missant caraetari,(Aqui beulôu, nos semblan plan !)Mès dins la poria o la mascanha,

A quuna pôrto Iran tustar ?Chas Melînôta, la i nia mamà.

/ r v è t e

(T X a.cU .U i trti : t \ i /1- ■lT O f% tv t* c J .7

Poussant sa brouette grinçante Cliargue de linge a rincer

M é1 i n u te . c x i i i rage use 1 u van c I i èret Va travailler chaque matin*

Elle fait un travail bien pénible.Surtout quand l'hiver est là,

Quand le froid vous prend les tripes Que 1 onglée vous met au bord rie l'évanouissement.

Mais Mélinote jamais ne s'arrête Car à la maison, trois petits enfants

Attendent sa paie*.* modeste Qui rend leur vie plus heureuse

Certains disent que tu es coléreuse,Bu Lee, mais moi je sais bien

Que le malheur de la vie est un mal qui ne pardonne pas.

On dit que tu as mauvais caractère,(En cela peut-être, nous nous ressemblons beaucoup !)

Mais dans la peine ou la difficulté A quelle porte ira-t-on frapper ï

Chez Mélinote, ma maman*

m &/ ti ‘Li C-i \

D î n'èras pas plan bèl gaire mai qu'un mainatge E tota la lia vida la talha te manquèt !

Mès aviâs reçaubut per ton sol erilatge Lo cnr pus amistôs que jamais se trobèL

N’avias pas tr6p d ’argent per orompar mas pnpèias Ni mai d ’amusament que m'agradava plan,

Mès lardèu lai sa son un panier de cirèias Ü do f nichas plan Irescas un ramèl plan ilocat,

Ainiavi plan tanben escotar las istnrias Ü quai que t;6p un conte dins nèstre lenga fine;,

Per èstre près de tu tiravi ma cadièra,A ! mon Dieu qu'èruin plan, l ivèrn al pu del l u n e !

Partiguères un jorn per a quel grand v oblige [ fn voîatge tan bel (pie degun n’es tornal

E dempuèi aquel temps ion languissi En plorant emhraçi ton imatge

Es plan lo primièr cèp que me consolas pas.

* l*1- 4- C- ■4-5U #% + A « i / 1 ài li— t H *_- t il 3 /

Oh ! Tu n'étais pas très grand» guère plus qu’un enfantEt toute ta vie tu es resté peti! !

Mais tu avais reçu pour seul héritage Le cœur le plus aimant qui jamais existât*

Tu n'avais guère d'argent pour acheter mes poupées Ni d'autres jouets qui me plaisaient beaucoup

Mais selon la saison un panier fie cerises Ou de fruits bien frais, un rameau bien Henri,

J'aimais tant aussi écouter tes histoires Ou parfois un conte dans notre langue TOc,Pour être près de toi j'approchais ma chaise*

Ah ! Mon Dieu qu'on était bien» ! hiver au coin du feu !

Tu es parti un jour pour ce grand voyage Un voyage si long que personne iTen est revenu

Et depuis ce temps-là» je m'ennuie,En pleurant j'embrasse ton portrait,

C ’est bien la première fois que tu ne me consoles pas.