should we fear russia?
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RUSSIE, RETOUR D’UNE SUPERPUISSANCE : INFO OU INTOX ?
Suite à la fin de la Guerre Froide et depuis le début de la crise en Ukraine, les
parallèles avec la situation d’avant 1989 ont été nombreux : annexion de la Crimée, tensions frontalières, joutes politiques entre la Russie et l’alliance Union Européenne/Etats-‐Unis. Le bras de fer se poursuivant entre ces deux « blocks », il ne semble pas aberrant de comparer la Russie de Poutine avec l’URSS de l’époque soviétique. Toutefois, nous verrons que la Russie telle qu'elle existe aujourd’hui rencontre d’importantes problématiques qui la rendent plus fragile que son aïeule, et réduisent son influence internationale. En outre, Hélène Carrère d’Encausse inclut un facteur socio-‐culturel divergeant radicalement de l’ancien esprit soviétique.
Dans un premier temps, il est intéressant de rappeler les éléments qui pourraient
engendrer une peur de la Russie. En prenant comme premier exemple la situation contemporaine de l’Ukraine, rappelons tout d’abord que celle-‐ci a été souvent dominée par ses voisins européens et russes -‐ son nom signifiant d’ailleurs « Frontière ». Nous devons également prendre en compte le fait que le pays est longtemps resté un réservoir stratégique de ressources (agricoles et industrielles) pour la Russie. Ensuite, l’Ukraine est sujette à des tensions entre les populations de l’ouest (vers la Pologne, pro-‐européennes et nationalistes), et les populations de l’est (Vers la Russie, pro-‐russes). Ce contexte chaotique a nourri les velléités des manifestants de novembre 2013, qui brandissaient des pancartes scandant « Nous ne sommes pas l’URSS, nous sommes l’UE » : ils rejetaient à la fois le président ukrainien -‐ qu’ils considèrent encore comme corrompu et issu d’un vote tronqué, et vendu à la Russie -‐ et l’influence russe. Un autre argument en faveur d’une nouvelle situation de Guerre Froide reste la position maintenue par Moscou dans ce conflit : le président Vladimir Poutine est prêt à tous types d’actions politiques et économiques afin de garder Kiev de son côté. On se souvient par exemple des rabais de 30% sur le gaz ou de l’octroi de crédit, éléments de taille dans l’économie ukrainienne. La situation s’envenime du côté des citoyens pro-‐européens, et le président ukrainien Lanoukovitch se montre volatile dans ses décisions. Comme dernier argument favorisant la méfiance vis-‐à-‐vis de la Russie, nous pouvons également évoquer la rancœur possiblement ressentie par un peuple russe qui a vécu l’humiliation de son ancien système, et ainsi payé jusqu’aux années 2000 le prix de l’effondrement de l’URSS (cf Madame Carrère d’Encausse).
Toutefois, la Russie de Poutine n’est pas (ou plus) si puissante et inquiétante.
D’une part, l’esprit de gouvernance n’est plus le même que l’était la volonté soviétique de conquête de territoire. La Russie ne se veut pas nécessairement reconquérante, mais plutôt continuatrice : le président russe Vladimir Poutine vise à présent la construction d’une grande union eurasienne, en y incluant naturellement l’Ukraine. Ainsi, d’un enjeu économique et stratégique ancien, cette dernière revêt aujourd’hui une dimension symbolique pour son grand et puissant voisin. De ce point de vue, la Russie chercherait à exister comme un Etat normal et post-‐impérial en maintenant des liens forts avec ses voisins. C’est ce qu’explique Madame Carrère d’Encausse, qui cite les exemples de la Grande Bretagne et des Etats du Commonwealth, ou de la France et de l’Afrique. Selon Isabelle Facon d’autre part, maître de recherches à la Fondation pour la Recherche Stratégique, la Russie n’aurait pas les moyens de rivaliser avec les forces de l’Otan. En 2008, le pays modernise ses forces armées, avec une augmentation du budget militaire
fixée à 44% d’ici 2017. Mais la distribution de ces fonds n’est pas uniforme, et les forces navales et aéronautiques demeurent vieillissantes, en retard technologiquement face aux équipements occidentaux. Résultat d’un héritage soviétique devenu pesant ? La Russie fonctionne encore sur la politique de suprématie par le nombre, plutôt que sur la modernisation totale de ses techniques de combat. De plus, malgré quelques bons indicateurs macroéconomiques (exemple : dette publique limitée), les finances russes sont vulnérables, manquent d’investissements, et présentent des failles structurelles qui nécessiteraient de véritables réformes. En lien avec ce dernier élément, une économie trop peu diversifiée en partie responsable de la phase économique difficile depuis l’été 2012 ; amplifiée depuis 2014 par la baisse du prix du pétrole et accélérée par les sanctions internationales. Enfin, à ces problématiques militaires et économiques s’ajoutent des problèmes sociétaux et politiques : la Russie présente encore un fort indicateur de corruption (corruption perceptions index : 119/168, score : 29/100), et des retards sociaux majeurs dans une société russe fragile et inégalitaire (auxquels s’ajoutent une faible espérance de vie et un taux de fécondité médiocre). Moscou devra donc compter sur des flux migratoires entrants importants pour l’avenir de son économie.
En conclusion, nous pourrions penser qu’un climat de guerre froide semblait
avoir ressurgi vingt-‐trois ans après la chute de l’URSS. Le conflit est encore d’actualité entre Moscou et Washington, avec l’ajout d’un troisième acteur qu’est l’Union Européenne. La Russie se targue de vouloir étendre son influence politique à renforts d’annonces et de coups diplomatiques (rattachement de la Crimée, crise ukrainienne), rappelant ainsi son histoire et son ancienne puissance. Il apparaît légitime de craindre un retour de ce pays au premier plan de la scène militaire internationale. La Russie est un vaste territoire, au gouvernement fort, et au potentiel certain. Cependant, elle n’a aujourd’hui plus l’étoffe de son aïeule, et traverse de plus d’importantes crises fragilisant sa stature.
REFERENCES :
ü Monsieur J.-‐C ROMER, « The weight of history in building strategies », cours dispensé en ligne, site webFUN-‐MOOC.fr [mai 2016]
ü Madame H. CARRERE d’ENCAUSSE, « Should we fear a new Cold War ? », intervention prononcée à l’occasion des dernières assises du Conseil Supérieur de la Formation et de la Recherche Stratégiques (Visionner)
ü World Bank Data, Russie [2012] ü Corruption Perceptions Index by country, site web Transparency International
[2015] ü « Perspectives économiques et financières de la Russie », site web
tresor.economie.gouv.fr [18 mars 2016]