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Revue du système f inancier Juin 2008 www.banqueducanada.ca

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Page 1: Revue du système financier - Juin 2008Dylan Hogg Guy MacKenzie Karen McGuinness Chris Reid Micheline Roy Patrick Sabourin Eric Santor Gerald Stuber Virginie Traclet Elizabeth Woodman

Financial SystemReviewJune 2008

Revue dusystème f inancierJuin 2008

www.bankofcanada.cawww.banqueducanada.ca

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2008

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The Financial System Review and Financial Stability

The f inancial system makes an important contribution to the welfare of all Canadians. The ability of households and f irms to conf idently hold and transfer f inancial assets is one of the fundamental building blocks of the Canadian economy. As part of its commitment to promoting the economic and f inancial welfare of Canada, the Bank of Canada actively fosters a safe and eff icient f inancial system. The Bank’s contribution complements theefforts of other federal and provincial agencies, each of which brings unique expertise to this challenging area in the context of its own institutional responsibilities.

The f inancial system is large and increasingly complex. It includes f inancial institutions (e.g., banks, insurance companies, and securities dealers); f inancial markets in whichf inancial assets are priced and traded; and the clearing and settlement systems that underpin the fl ow of assets between f irms and individuals. Past episodes around the world have shown that serious disruptions to one or more of these three components (whether they originate from domestic or international sources) can create substantial problems for the entire f inancial system and, ultimately, for the economy as a whole. As well, ineff iciencies in the f inancial system may lead to signif icant economic costs over time and contribute to a system that is less able to successfully cope with periods of f inancial stress. It is therefore important that Canada’s public and private sector entities foster a f inancial system with solid underpinnings, thereby promoting its smooth and eff icient functioning.

The Financial System Review (FSR) is one avenue through which the Bank of Canadaseeks to contribute to the longer-term robustness of the Canadian f inancial system. It brings together the Bank’s ongoing work in monitoring developments in the system andanalyzing policy directions in the f inancial sector, as well as research designed to increase our knowledge. The strong linkages among the various components of the f inancial system are emphasized by taking a broad, systemwide perspective that includes markets, institutions, and clearing and settlement systems. It is in this context that the FSR aims to

• improve the understanding of current developments and trends in the Canadian and international f inancial systems and of the factors affecting them;

• summarize recent work by Bank of Canada staff on specif ic f inancial sector policies and on aspects of the f inancial system’s structure and functioning;

• promote informed public discussion on all aspects of the f inancial system, together with increased interaction on these issues between public and private sector entities.

The FSR contributes to a safe and eff icient f inancial system by highlighting relevantinformation that improves awareness and encourages discussion of issues concerningthe f inancial system. The Bank of Canada welcomes comments on the materialcontained in the FSR.

Bank of Canada234 Wellington Street

Ottawa, Ontario K1A 0G9

ISSN 1705-1290Printed in Canada on recycled paperLa Revue du système f inancier et la stabilité f inancière

Le système f inancier contribue grandement au bien-être économique de tous les Cana-diens. La capacité des ménages et des entreprises de détenir et de transférer en touteconf iance des actifs f inanciers constitue en effet l’un des fondements de l’économiecanadienne. Conformément à l’engagement qu’elle a pris de favoriser la prospérité économique et f inancière du pays, la Banque du Canada s’attache à promouvoir active-ment la f iabilité et l’eff icience du système f inancier. Le rôle de la Banque dans cetimportant domaine vient compléter celui d’autres organismes fédéraux et provinciaux.

Le système f inancier est vaste et de plus en plus complexe. Il se compose des institutionsf inancières (p. ex., banques, compagnies d’assurance, maisons de courtage), des marchés f inanciers, sur lesquels les prix sont f ixés et les actifs sont négociés, et des systèmes de compensation et de règlement, qui permettent les échanges d’actifs entre les entreprises et les particuliers. L’expérience vécue de par le monde a montré que toute perturbation majeure d’au moins un de ces trois éléments (qu’elle trouve son origine au pays même ou à l’étranger) peut avoir de graves répercussions sur le système f inancier tout entier et, enf in de compte, sur l’ensemble de l’économie. En outre, des dysfonctionnements du système f inancier lui-même peuvent entraîner à la longue des coûts économiques substantiels et rendre ce système moins apte à résister aux périodes de diff icultés f inancières. Il est donc primordial que les organismes des secteurs public et privé du Canada s’emploient à étayer solidement le système f inancier af in d’en assurer l’eff icience et le bon fonctionnement.

La Revue du système f inancier est l’un des instruments par lesquels la Banque du Canada cherche à favoriser la solidité à long terme du système f inancier canadien. Ce document rassemble les travaux que la Banque effectue régulièrement pour suivre l’évolution de ce système et analyser les orientations politiques dans le secteur f inancier, ainsi que desrecherches visant à approfondir nos connaissances sur ce sujet. Les liens étroits qui unissent les diverses composantes de ce système sont mis en évidence par l’adoption d’uneperspective large, qui englobe les marchés, les institutions f inancières et les systèmes de compensation et de règlement. Dans cette optique, le but de la Revue est de :

• permettre de mieux comprendre la situation et les tendances actuelles des systèmes f inanciers canadien et international, ainsi que les facteurs qui infl uent sur ceux-ci;

• résumer les travaux de recherche récents effectués par des spécialistes de la Banque sur certaines politiques touchant le secteur f inancier et sur certains aspects de la structure et du fonctionnement du système f inancier;

• promouvoir un débat public éclairé sur tous les aspects du système f inancier et renforcer le dialogue entre les organismes publics et privés dans ce domaine.

La Revue du système f inancier contribue à la f iabilité et à l’eff icience du système f inancier, en s’attachant à mieux faire connaître les enjeux et à encourager les discussions. La Banque du Canada invite ses lecteurs à lui faire part de leurs commentaires au sujet de cette publication.

Banque du Canada234, rue Wellington

Ottawa (Ontario) K1A 0G9

ISSN 1705-1312Imprimé au Canada sur papier recyclé

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Revue dusystème financierJuin 2008

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Membres du Comité de rédaction

Pierre Duguay et David Longworth, présidents

Lloyd BartonAllan Crawford

Paul FentonDonna HowardLouise HylandPaul Masson

Graydon PaulinGeorge Pickering

Jack SelodyRobert Turnbull

Mark Zelmer

Jill MoxleyMadeleine Renaud

Lea-Anne Solomonian(rédactrices)

Le Comité tient à remercier pour leur importante contribution les membres du groupe detravail chargé de la préparation et de l’organisation de la Revue.

La Revue du système financier de la Banque du Canada est publiée deux fois l’an. Pouren recevoir des exemplaires gratuits, veuillez communiquer avec la :

Diffusion des publications, département des Communications, Banque du Canada,Ottawa (Ontario), Canada K1A 0G9Téléphone : 1 877 782-8248; adresse électronique : [email protected]

Si vous désirez formuler des commentaires au sujet de la Revue du système financier,faites-les parvenir à l’adresse suivante :

Information publique, département des Communications, Banque du Canada,Ottawa (Ontario), Canada K1A 0G9Téléphone : 613 782-8111 ou 1 800 303-1282Adresse électronique : [email protected]

Site Web : http://www.banqueducanada.ca

Banque du CanadaJuin 2008

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Table des matières

Évolution récente et tendances ..................................................... 1

Évaluation des risques planant sur le système financier ........................... 3

Vue d’ensemble ..................................................................................... 3

Situation financière au Canada ........................................................ 5

Risques ........................................................................................... 6

Atténuation des risques pour la stabilité financière .............................. 7

Le système financier .............................................................................. 8

Les marchés financiers ..................................................................... 8

Dossier : Les déterminants de l’élargissement actuel des écartsde taux sur les obligations de sociétés canadiennes bien notées ......... 15

Dossier : Recommandations générales pour une réformeinspirée de la récente turbulence des marchés ................................. 18

Les institutions financières ................................................................ 21

Dossier : L’effet de la récente turbulence des marchéssur la croissance du crédit au Canada ........................................... 25

Le contexte macrofinancier ..................................................................... 28

L’évolution de la conjoncture internationale ....................................... 28

L’évolution de la conjoncture au Canada ........................................... 30

Aspects importants de l’évolution ayantune incidence sur le système financier ................................................... 37

Dossier : L’émission d’obligations sécurisées ....................................... 37

Rapports .................................................................................... 43

Introduction .................................................................................................... 45

Activités de surveillance menées par la Banque du Canada en 2007 enapplication de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements .... 47

La contribution de la Banque du Canada à la simulationde crise menée en 2007 dans le cadre du PESF .............................................. 55

Le rôle des notations de crédit dans la gestion du risquede crédit inhérent aux opérations de trésorerie de l’État ................................... 65

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Table des matières (suite)

L’évolution des politiques et de l’infrastructure .............................. 71

Introduction .................................................................................................... 73

Les interventions des banques centrales face aux perturbationsdes marchés financiers ................................................................................. 75

Sommaires de travaux de recherche .............................................. 83

Introduction .................................................................................................... 85

La modélisation d’un système de règlement à plusieurs niveaux d’intermédiation .... 87

Simulation des effets d’une perturbation du processus de règlementdu CDSX sur le STPGV ............................................................................... 91

Valeurs familiales : structure de l’actionnariat, rentabilitéet structure du capital des entreprises canadiennes .......................................... 95

Les personnes suivantes ont collaboré à la préparationde la section « Évolution récente et tendances » :

Meyer AaronJim ArmstrongWilliam BarkerLloyd BartonDenise Côté

Jim DayAlejandro Garcia

Chris GrahamToni GravelleDylan Hogg

Guy MacKenzieKaren McGuinness

Chris ReidMicheline Roy

Patrick SabourinEric Santor

Gerald StuberVirginie Traclet

Elizabeth Woodman

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Évolution

récente et

tendances

Nota

Sauf indication contraire, les données utilisées dans le présent document sont cellesqui étaient disponibles au 22 mai 2008.

L’expression « grandes banques » désigne au Canada les six banques commercialesqui, par la taille de leur actif, se classent au premier rang au pays : la Banque CIBC, laBanque de Montréal, la Banque Nationale du Canada, la Banque Scotia, le GroupeFinancier Banque TD et RBC Groupe Financier.

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L’évaluation des risques pour la stabilitédu système financier canadienLa Revue du système financier est un instrument utilisé par la Banque du Canadapour contribuer à la solidité du système financier national. La section « Évolutionrécente et tendances » a pour objectif de présenter une analyse des changementsrécents et des tendances que l’on observe dans le secteur financier canadien.

La première partie de cette section porte sur l’évaluation des risques, tant desource étrangère que de source canadienne, qui pourraient nuire à la stabilité dusystème financier du pays. On y traite des implications possibles des principauxfacteurs de risque et des vulnérabilités sur la solidité globale du système. Ladeuxième partie traite des changements structurels ayant une incidence sur lesystème financier canadien ainsi que sur sa sûreté et son efficience. Ces change-ments concernent, entre autres, les lois, les règlements et les pratiques touchantle système financier.

L’infrastructure actuelle, qui englobe la législation financière, le système juridique,les pratiques financières, le régime de réglementation et de surveillance ainsi quele cadre de conduite des politiques macroéconomiques, a une grande incidencesur la façon dont les chocs sont transmis au système financier et à l’ensemble del’économie; aussi la Banque en tient-elle compte dans son évaluation des risques.

L’évaluation de la Banque est axée sur les vulnérabilités du système financieren général, et non sur celles des institutions, des entreprises ou des ménagesindividuels. La Banque se focalise sur les facteurs de risque et les vulnérabilitésqui pourraient avoir des répercussions systémiques, c’est-à-dire qui pourraiententraîner des problèmes importants pour l’ensemble du système et, en définitive,pour l’économie. L’étude de ces facteurs de risque et vulnérabilités se fonde à lafois sur leur probabilité et leurs conséquences potentielles.

Une attention particulière est accordée au secteur des institutions de dépôt, enraison du rôle clé que joue celui-ci dans la facilitation des transactions financières,dont les paiements, et des rapports qu’il entretient avec de nombreux autres acteursdu système financier. Par exemple, ces institutions supportent le risque de créditque présentent les emprunteurs tels que les ménages et les sociétés non financières.De temps à autre, la Banque évalue donc l’incidence que l’évolution du contextemacrofinancier pourrait avoir sur la capacité des ménages et des sociétés nonfinancières à assurer le service de leurs dettes.

Les facteurs de risque et les vulnérabilités liés aux risques de marché sont égalementétudiés. La Banque évalue la possibilité que l’évolution des marchés financiersait un effet considérable sur la situation financière de divers secteurs de l’économieet, en dernière analyse, qu’elle nuise à la stabilité du système financier canadien.

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Évaluation des risques planantsur le système financier

a présente section de la Revue du systèmefinancier renferme une évaluation desrisques, d’origine nationale et interna-tionale, qui planent sur la stabilité du

système financier canadien. Elle met en lumièreles facteurs de risque clés et les principales vulnéra-bilités du système financier et examine leur inci-dence possible sur la solidité globale de ce dernier.

L

Points saillants• Bien que la situation se soit un peu améliorée

ces dernières semaines, il reste que les pres-sions qui s’exerçaient sur les marchés de créditde par le monde ont pris de l’ampleur depuisdécembre.

• Le mouvement de réduction du levier d’endet-tement au sein du système financier sembleavoir provoqué un creusement des écarts derendement sur les titres à revenu fixe dontl’ampleur n’est pas justifiée par le risque decrédit sous-jacent.

• Les mesures prises par plusieurs grandesbanques internationales pour fournir plus derenseignements sur leurs pertes potentielles etpour renforcer leur bilan commencent à apaiserles craintes au sujet du risque de contrepartie.

• Les tensions sur les marchés de crédit ont étéun peu moins aiguës au Canada qu’aux États-Unis.

• Les secteurs canadiens des sociétés financièreset non financières ainsi que des ménages affi-chent des bilans solides, ce qui les a aidés àsurmonter les turbulences.

• Les faiblesses du système financier mondialsont maintenant mieux comprises, et des solu-tions sont en cours de formulation.

• Le risque principal qui pèse sur le systèmefinancier est un repli de l’économie américainebeaucoup plus marqué que prévu actuelle-ment, qui aggraverait les pertes et comman-derait de nouvelles réductions du levierd’endettement.

Vue d’ensembleDepuis la parution en décembre de la Revue dusystème financier, les pressions s’exerçant sur lesmarchés de crédit se sont propagées et accentuées.Les estimations relatives aux pertes que la détério-ration de la situation sur ces marchés pourrait fairesubir au secteur financier ont été revues à la hausse,et l’incertitude concernant la répartition de cespertes a accentué les craintes au sujet du risque decontrepartie. Résultat, les tensions sur les marchésmonétaires se sont amplifiées, et les institutionsfinancières ont vu croître le risque de liquidité definancement auquel elles sont confrontées. Lescontraintes pesant sur les bilans des banques et lamontée de l’aversion pour le risque ont déclenchéun mouvement de réduction du levier d’endette-ment qui a même touché certains des compartimentsles plus traditionnels des marchés financiers. Ladégradation des conditions financières a aussicommencé à se répercuter sur l’économie réelle.Toutefois, on comprend mieux maintenant lescauses fondamentales des perturbations financières,et tant le secteur public que le secteur privé s’affai-rent à corriger les faiblesses structurelles du systèmefinancier mondial que cette crise a exposées augrand jour. Tout récemment, on a pu observer cer-tains signes donnant à penser que l’aversion desinvestisseurs pour le risque diminue : les écarts derendement sur les titres à revenu fixe, qui avaientatteint des sommets, se sont amenuisés et la de-mande a repris dans certains des segments les pluséprouvés des marchés de crédit. En outre, les pres-sions dont faisait l’objet le marché du financementinterbancaire se sont légèrement atténuées.

L’économie américaine demeure l’épicentre dela crise. En réponse au récent assombrissementdes perspectives macroéconomiques, la Réservefédérale a fortement réduit les taux d’intérêt. Lesbanques centrales de plusieurs autres grands paysvictimes d’un essoufflement de leur économie ontaussi abaissé leurs taux directeurs.

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Évolut ion récente et tendances

Les autorités monétaires ont également eu recoursà des mesures moins classiques pour régler lesproblèmes liés à la disponibilité et à la répartitionde la liquidité au sein du système financier. Ainsi,lorsque les tensions sur le marché des prêts inter-bancaires se sont accentuées en décembre, auCanada comme à l’étranger, les grandes banquescentrales, dont la Banque du Canada, sont inter-venues de manière concertée pour améliorer lefonctionnement du marché et ont convenu d’aug-menter l’offre de liquidités à plus d’un jour. Grâceà cette intervention, les difficultés de financements’étaient amoindries en fin d’année, mais les primesde crédit pratiquées sur les marchés monétaires àterme demeuraient supérieures aux niveaux où ellesse situaient avant les événements du mois d’août.Les marchés interbancaires des États-Unis etd’Europe ont été particulièrement volatils cetteannée, ce qui reflète l’importance des préoccupa-tions liées au risque de contrepartie dans ces régionsdu globe. Une recrudescence des pressions provo-quées par la tourmente financière a suscité, enmars, une deuxième intervention concertée desprincipales banques centrales sur les marchés.Peu de temps après l’annonce de ces mesures, laRéserve fédérale a octroyé une aide d’urgence àBear Stearns, une importante banque d’investisse-ment américaine, afin d’en faciliter l’acquisitionpar une autre firme. Dans ce contexte, les craintesentourant le risque de contrepartie sont restéesvives un peu partout dans le monde, et la turbu-lence régnant sur les marchés monétaires n’a étéque partiellement apaisée par les interventions desautorités.

Les bilans des grosses banques internationales ontcommencé à se ressentir de plus en plus des effetscombinés des dépréciations d’actifs, du déclasse-ment des assureurs monogammes, de la réaffecta-tion de capital pour secourir des véhicules horsbilan et de la réintermédiation du crédit dans lesystème bancaire. Souffrant d’une liquidité de bilanen net recul, les banques internationales ont réduitleur exposition aux marchés de crédit tout en rele-vant leurs exigences en matière de marge et en dimi-nuant les lignes de crédit consenties aux fondsde couverture et à d’autres véhicules d’investisse-ment à effet de levier. Par conséquent, le soutienque le recours à l’effet de levier a procuré aux prixen vigueur sur les marchés de crédit ces dernièresannées a commencé à s’effriter, car les ventesforcées d’actifs sur des marchés illiquides aux-quelles ont procédé des investisseurs soucieuxde réduire leur exposition aux risques ont donnélieu à un nouveau recul des prix, qui a déclenché àson tour une autre vague d’appels de marge et deliquidations d’actifs. Ce processus a été compliqué

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par les difficultés associées à l’évaluation de nom-breux produits structurés du fait de leur opacité etdu très faible volume de transactions sur les marchéssecondaires.

Alimentée par le rythme anémique de la croissanceéconomique aux États-Unis et la réduction durecours des institutions financières au levier d’en-dettement, la turbulence qui touchait les marchésdes actifs dont les facteurs fondamentaux présen-taient des faiblesses s’est propagée à des marchésaux bases plus solides. La crise issue des difficultéssoulevées par les actifs financiers liés à des prêtshypothécaires à risque aux États-Unis a ébranlé lesecteur bancaire mondial et s’est répercutée à l’en-semble des marchés financiers. L’assèchement dela liquidité qui en a résulté a entraîné des baissesdans la valeur des actifs et provoqué ainsi uncreusement des écarts de rendement sur un largeéventail de créances. Beaucoup de modèles d’éva-luation fondés sur les variables économiques fon-damentales ont perdu de leur utilité à mesure quele marché déclinait. Pour que les prix se stabilisent,il leur faudra atteindre un niveau apte à raviverla demande des investisseurs. L’élargissement desécarts a contribué à une suspension quasi complètedes émissions dans plusieurs segments clés desmarchés de crédit, dont ceux des titres adossés àdes crédits hypothécaires résidentiels, des titresadossés à des créances hypothécaires sur l’immo-bilier commercial, des titres garantis par des prêtset des obligations à rendement élevé. Les marchésboursiers ont aussi été touchés, les investisseursayant commencé à revoir à la baisse leurs attentesen matière de bénéfices.

De manière générale, cette évolution a pu êtreobservée sur les marchés des actifs des pays indus-trialisés de par le monde, y compris le Canada. Onconstate, par exemple, que les écarts de crédit surles obligations des sociétés canadiennes avoisinentdes sommets inégalés, malgré les perspectivesde croissance plutôt favorables de l’économiedu pays. Comme il est expliqué dans le dossierde la page 15, cette situation traduit davantagele manque de liquidité dont souffrent les marchésde ces titres que le risque de crédit sous-jacenttel qu’il est perçu. L’accès aux marchés primairesdemeure restreint également. Si les entreprisesfinancières canadiennes continuent de se financerauprès de ces marchés, elles doivent souvent offrirdes taux de rendement encore plus élevés par rap-port à ceux pratiqués sur les marchés secondaires.Malgré la paralysie de la plupart des marchés destitres adossés à des actifs, la titrisation hypothé-caire reste possible sur le marché des titres adossésà des prêts hypothécaires assurés en vertu de la

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Loi nationale sur l’habitation (LNH), qui sont garan-tis par le gouvernement et peuvent être vendusdans le cadre du Programme des obligations hypo-thécaires du Canada. Un écart de taux importantsépare toutefois ces titres des obligations dugouvernement du Canada.

Selon des signes récents, la tourmente sur les mar-chés financiers mondiaux serait en train de secalmer. Plusieurs grandes banques internationalesse sont mises à fournir davantage de renseigne-ments sur leurs pertes potentielles et ont réussi àmobiliser des capitaux pour renforcer leur bilan.Cela semble avoir aidé à apaiser les craintes au sujetdu risque de contrepartie, comme en témoigne lerétrécissement des écarts de rendement relatifs auxswaps sur défaillance des banques, qui se situaientauparavant à un sommet. La demande d’obligationsde sociétés s’est aussi légèrement redressée, et l’ac-tivité a repris dans certains des segments les plusdurement frappés des marchés de crédit, commecelui des prêts à effet de levier. Comme elle le si-gnalait dans la livraison d’avril du Rapport sur lapolitique monétaire, la Banque prévoit néanmoinsque les primes de crédit demeureront élevées surles marchés mondiaux jusqu’à la fin de 2008 etqu’elles ne diminueront progressivement qu’en2009. Elle ne s’attend pas non plus à ce que cesprimes retournent aux niveaux exceptionnelle-ment bas qu’elles affichaient avant août 2007.

Situation financière au Canada

Les tensions sur les marchés de crédit ont été unpeu moins aiguës au Canada qu’aux États-Unis.L’économie et le système financier du Canadasemblent disposer des atouts nécessaires pour ré-sister aux contrecoups des perturbations récentes.

Dans l’ensemble, les banques canadiennes sonten bonne santé. Bien que les bénéfices des plusgrandes banques aient été tirés vers le bas par lesdépréciations d’actifs liées à leurs activités demarché, ces dépréciations ont été modestes en re-gard de celles avec lesquelles les grandes banquesde Wall Street ont dû composer. Les institutions ban-caires du pays demeurent bien dotées en capital : lesbénéfices qu’elles retirent de leurs activités de basesont encore relativement intacts, et elles n’ont paseu de mal à se procurer des capitaux additionnels.Jusqu’à maintenant, le degré de réintermédiationdu crédit au sein du système bancaire n’a pas poséde problèmes importants aux institutions finan-cières canadiennes, qui en général ont pu obtenirun financement suffisant auprès des investisseursinstitutionnels et privés (mais moyennant desprimes de risque plus élevées) pour soutenir leurspropres activités de prêt. S’il devait se prolonger,

toutefois, le climat défavorable qui règne actuel-lement sur les marchés financiers briderait lacroissance future du crédit bancaire. Les bénéficesdes banques seront vraisemblablement soumis àdes tensions additionnelles. La paralysie dumarché de la titrisation, lequel constitue unesource de revenus pour les services de banque d’in-vestissement grâce aux frais exigés, fera chuter lesrecettes provenant de ces services. Les provisionspour pertes sur prêts, qui étaient faibles, ont com-mencé à augmenter, mais étant donné la solidesituation financière des ménages et des entreprisesnon financières, la détérioration de la qualité desprêts devrait être limitée. Bien que l’exposition desgrandes banques canadiennes aux divers marchésaméricains soit parfois élevée, sa gestion ne semblepas faire problème (voir l’Encadré 3).

La situation du secteur des sociétés non financièresreste bonne dans l’ensemble, comme en témoignentles profits en forte progression de ces dernières,leurs marges bénéficiaires robustes et leurs impor-tants portefeuilles d’actifs liquides. La résilienceaffichée par le secteur en dépit du ralentissementde l’économie américaine tient au dynamisme dela demande mondiale de matières premières. Ce-pendant, les secteurs non énergétiques fortementtributaires des échanges internationaux ont géné-ralement vu leurs bénéfices décroître au cours dela dernière année, sous l’effet de l’essoufflementde l’activité aux États-Unis et de l’appréciation dudollar canadien. Compte tenu de leur accès limitéaux marchés de capitaux, les entreprises ont eu deplus en plus recours à leurs lignes de crédit ban-caire. Globalement, le financement qui leur étaitaccordé a continué d’augmenter à un rythmesupérieur à sa moyenne à long terme, malgré uncertain resserrement des conditions imposées parles banques, et qui se traduira vraisemblablementpar un léger ralentissement de la croissance ducrédit aux entreprises1. Mais parce que leurs bilanssont sains, celles-ci devraient disposer d’une margede manœuvre suffisante pour hausser encore leursdépenses d’investissement. Il reste qu’un fléchisse-ment de la demande et un renchérissement desmatériaux et du carburant pourraient nuire à cer-tains secteurs, en particulier à celui des produitsforestiers et aux industries non productrices dematières premières axées sur l’exportation.

1. La livraison du printemps 2008 du bulletin Enquête surles perspectives des entreprises de la Banque du Canada faitétat de ce resserrement. Le dossier présenté à la page 25analyse les tendances récentes de la croissance du créditdans l’ensemble de l’économie.

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Évolut ion récente et tendances

La situation financière globale du secteur desménages semble également solide, comme lemontrent des indicateurs agrégés tels que lesarriérés de paiement sur prêts hypothécaires et lestaux de faillites personnelles, qui demeurent peuélevés. Étant donné que les ménages ont vu le coûtde leurs emprunts diminuer, malgré l’accentua-tion des écarts de crédit, et que les modalités decrédit que leur imposent les banques ne semblentpas s’être durcies en général, l’endettement dusecteur a continué de croître à un rythme soutenu.Cela a contribué à une augmentation du ratio duservice de la dette, qui est néanmoins demeurérelativement bas comparativement à ce qui a étéobservé dans le passé. On peut s’attendre à ceque le bilan des ménages se détériore quelquepeu, compte tenu de la dépréciation des actifsfinanciers et du tassement de l’expansion écono-mique. La progression du crédit aux ménages de-vrait aussi marquer le pas, tandis que la hausse desprix des maisons devrait continuer de se modérer.Bien qu’une baisse généralisée des prix de l’immo-bilier résidentiel semble peu probable à l’heure ac-tuelle au Canada, un affaiblissement de ce marchéreprésente le risque principal pesant sur la valeurnette des ménages.

Risques

Les marchés mondiaux du crédit demeurent trèsfragiles, même si la situation s’est un peu amélioréeau cours du dernier mois environ. Les participantss’entendent largement sur le fait que les créancessont déjà évaluées en deçà de leur juste valeur selonles mesures classiques, mais les investisseurs hési-tent à revenir sur des marchés peu liquides où denouvelles baisses restent possibles. Les liquidationsauxquelles procèdent des investisseurs soucieuxde réduire leur levier d’endettement pourraient denouveau faire diminuer les prix des actifs. Le climatdemeure donc très incertain.

Il est possible que des chocs additionnels fassentsurgir d’autres faiblesses du système financier. Ceschocs pourraient soit émaner du système financiermême — par exemple l’effondrement d’un fondsde couverture qui provoquerait la liquidation forcéeet soudaine d’un important portefeuille d’actifs —,soit découler d’un ralentissement beaucoup plusmarqué et prolongé de l’activité aux États-Unis.

Il semble que le principal risque provienne de lasituation économique chez nos voisins du sud.Si l’économie américaine met trop de temps à seressaisir alors que le niveau de confiance des con-sommateurs et des entreprises est faible, l’« effetde rétroaction négatif » qui relie l’économie réelle

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et les marchés financiers pourrait s’intensifier.Le durcissement des modalités de financementqui s’ensuivrait probablement entraînerait unedégradation plus généralisée de la qualité de créditsous-jacente des portefeuilles de prêts aux consom-mateurs et aux entreprises. Cette dégradationpourrait à son tour déclencher des problèmes deliquidité additionnels sur les marchés financiers.Les pertes résultantes éroderaient encore davantageles fonds propres des banques, ce qui susciteraitde nouvelles inquiétudes quant aux risques decontrepartie et ferait monter les coûts de finance-ment sur les marchés interbancaires. Les nouveauxefforts pour réduire leur levier d’endettement quedevront alors déployer les institutions financièreset les investisseurs ayant misé sur l’effet de levierpourraient accentuer le resserrement des liquiditéset du crédit. De plus, l’assombrissement des pers-pectives économiques pourrait provoquer deschutes brutales sur les marchés des actions, et ledollar américain pourrait subir de fortes pressionsà la baisse.

Un repli plus prononcé que prévu de l’économiedes États-Unis se propagerait dans le reste dumonde par le canal des échanges commerciauxainsi que par l’intermédiaire des marchés finan-ciers, notamment en raison des conséquencesnégatives qu’il aurait sur les conditions du crédit.Les économies de marché émergentes se ressenti-raient d’un tarissement soudain des entrées decapitaux dont elles bénéficient, qui pourrait aussis’avérer néfaste pour les investisseurs étrangers. Enoutre, un fléchissement de la demande mondialese répercuterait sur les cours des produits de base.

Une telle évolution (à savoir un nouveau recul dela demande aux États-Unis et dans le monde et unrepli des cours des matières premières) grugeraitles profits des exportateurs canadiens et aurait desretombées négatives sur l’économie en général.Les banques canadiennes pourraient être con-frontées à de nouvelles dépréciations d’actifsconsidérables et voir s’amenuiser les bénéfices quedégagent leurs activités de base, tandis que leursprovisions pour pertes sur prêts grimperaient enflèche. Tout cela risquerait de faire chuter les ratiosde fonds propres des grandes banques canadiennes.

Les contraintes en matière de bilan et la hausse descoûts de financement pour les banques pourraientdonner lieu à une contraction du crédit au sein del’économie. Les modalités du crédit aux entrepriseset aux consommateurs se durciraient considérable-ment, et les pertes sur défaillances grimperaient.La richesse des consommateurs diminuerait enraison de la dépréciation de leurs placements

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Revue du système f inancier — Juin 2008

financiers et de la baisse du prix des maisons danscertaines régions; le marché du logement dansl’Ouest du Canada est particulièrement sensible àune chute abrupte des cours des matières premières.

S’il y a relativement peu de chances que de tels scé-narios se concrétisent, ils méritent néanmoins unexamen attentif de la part des institutions finan-cières, étant donné l’ampleur potentielle de leursrépercussions. Dans l’ensemble, les grandes insti-tutions financières canadiennes semblent dispo-ser de ressources suffisantes pour composer avecdes situations de cette nature, et la capacité dusystème financier canadien de les surmonterdemeure solide.

Atténuation des risquespour la stabilité financière

Les récents événements ont fait ressortir la néces-sité de mesures décisives tant de la part des res-ponsables des politiques que de celle des acteursdes marchés pour éliminer les faiblesses du systèmefinancier international que la crise a exposées. Ducôté des organismes publics, le Forum sur la sta-bilité financière (FSF) joue un important rôle decoordination à l’échelle internationale. Dans sonrapport du 11 avril, auquel ont souscrit les ministresdes Finances et les gouverneurs des banques cen-trales des pays du G7, le FSF formule des recom-mandations générales visant le renforcement dusystème financier mondial2.

Les mesures prises dans l’immédiat pour atténuerles tensions sur les marchés financiers doivent êtreaxées sur le rétablissement de la confiance desinvestisseurs. À cet égard, les interventions desbanques centrales destinées à apaiser les pressionsintenses s’exerçant sur les marchés du financementà court terme ont eu une influence positive. Enréduisant fortement son taux directeur, la Réservefédérale a atténué le risque d’une forte baisse derégime de l’activité aux États-Unis. Par ailleurs, lesbanques centrales de nombreux pays sont interve-nues pour accroître la capacité de leur système fi-nancier de faire face aux risques financiers. Ainsi,la Réserve fédérale a mis en place de nouvellesfacilités de crédit, et le gouvernement canadien aproposé des modifications à la Loi sur la Banque

2. On trouvera le texte complet du rapport à l’adressehttp://www.fsforum.org/publications/FSF_Report_to_G7_11_April.pdf, et la déclaration con-nexe des ministres des Finances et des gouverneurs debanque centrale du G7, à l’adresse http://www.fin.gc.ca/activty/g7/g7110408e.html. Le dossier présenté à lapage 18 résume les recommandations du FSF.

du Canada afin d’actualiser les pouvoirs conférésà l’institution pour que celle-ci puisse soutenir lastabilité du système financier3.

Le rapport du FSF cerne en outre les mesures prio-ritaires que doit adopter le secteur privé pour faci-liter l’ajustement des marchés financiers. Il recom-mande aux institutions financières de fournir plusde renseignements au sujet de leur exposition aurisque, des dépréciations d’actifs et de la juste va-leur, selon elles, des instruments complexes et peuliquides; d’appliquer des méthodes de gestion desrisques plus rigoureuses; et de recapitaliser leursbilans. Il préconise également une transparenceaccrue des banques quant à la composition desproduits structurés, qui permettrait d’améliorer latarification des risques.

Les décideurs publics examinent aussi diversesmesures susceptibles d’accroître la résilience desmarchés et des institutions financières à moyenterme. Dans son rapport, le FSF propose des ré-formes dans plusieurs domaines clés, notammentle renforcement de la surveillance des banquesen matière de fonds propres, de liquidité et degestion des risques, et il définit des mesures visantà corriger les lacunes du processus de notationdes produits structurés4. Il indique que, pourl’avenir, il a l’intention d’examiner de plus prèsles facteurs qui contribuent au caractère procycliquedu système financier et les options envisageablespour l’atténuer. Par ailleurs, il insiste sur l’impor-tance d’interventions stratégiques qui n’aggraventpas les tensions financières à court terme. Dansl’ensemble, le FSF présente un modèle de réformepertinent, mais les responsables des politiquesnationales devront veiller à faire en sorte que leschangements apportés au cadre de réglementationdes marchés financiers favorisent un équilibreadéquat entre la stabilité du système financier etson efficacité.

3. L’article intitulé « Les interventions des banques centralesface aux perturbations des marchés financiers », à lapage 75, fournit des précisions sur les arguments écono-miques militant en faveur de ces pouvoirs.

4. L’article intitulé « La réforme du processus de notationfinancière », publié dans la livraison de décembre 2007de la Revue du système financier, renferme une analyse despropositions destinées à améliorer le processus de nota-tion du crédit.

7

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Évolut ion récente et tendances

Le système financier

Les marchés financiers

Depuis la parution, en décembre 2007, de la der-nière livraison de la Revue du système financier, lasituation s’est détériorée sur les marchés du créditde par le monde. En effet, les tensions associéesaux créances hypothécaires ont gagné l’ensembledes marchés de crédit. Cette propagation a eu pourtoile de fond une exacerbation des appréhensionsà l’égard des contraintes de liquidités et du risquesystémique pesant sur les institutions financières,ainsi que l’assombrissement des perspectives éco-nomiques dans le monde (spécialement aux États-Unis). Les pressions exercées sur les bilans desbanques par la dépréciation des actifs liés auxprêts hypothécaires à risque, la hausse des coûtsdu financement et les activités de recapitalisationdes assureurs monogammes (Encadré 1) ontcontribué à la réduction rapide du levier d’endet-tement des participants aux marchés. Ce mouve-ment s’est auto-alimenté : à mesure que lesemprunteurs procédaient à des ventes forcées(pour honorer des appels de marge, par exemple)sur des marchés peu liquides d’instruments decrédit acquis en recourant à l’effet de levier, lestensions auxquelles étaient soumis les prix desactifs se sont renforcées, déclenchant ainsi de nou-velles réductions de l’effet de levier. La turbulences’est donc généralisée sur les marchés de crédit,provoquant un élargissement notable des écartsrelatifs à un large éventail d’instruments et la sus-pension quasi complète des nouvelles émissionsdans plusieurs segments importants du marchémondial des titres à revenu fixe. (On trouvera àl’Encadré 2 une explication de l’importance desmarchés touchés au Canada.)

Depuis peu, toutefois, des signes encourageantsdonnent à penser que ces tensions auraient com-mencé à s’atténuer. Par exemple, les écarts de prixdes swaps sur défaillance, y compris ceux concer-nant les grandes banques internationales, se sontamenuisés (Graphique 1). En outre, la demanded’obligations de sociétés est en train de se ressaisir,et l’activité a repris dans certains des secteurs desmarchés de crédit les plus durement éprouvés parla crise.

Bien qu’ils aient affiché une volatilité accrue parrapport à leur comportement des dernières années,les marchés boursiers et les marchés des changesont échappé aux perturbations qui ont frappé lemonde du crédit et ils continuent de fonctionnerde façon ordonnée.

8

Comme le processus de réduction du levier d’en-dettement et de recapitalisation se poursuit chezles intermédiaires financiers un peu partout surla planète, il faudra un certain temps avant le réta-blissement complet de conditions et de niveauxde liquidité normaux sur les marchés touchés.

Les marchés monétairesL’accentuation des écarts dans les marchés où lesinstitutions financières se procurent du finance-ment traduit la forte hausse de la taille du bilande ces dernières et l’accroissement correspondantde leurs besoins de liquidités, lui-même impu-table au volume accru d’actifs comptabilisés horsbilan faisant l’objet d’une réintermédiation, àl’accès restreint au financement par titrisation etau recours accru des entreprises au crédit bancaire(voir le dossier en page 25).

À cause d’un manque de transparence et de ladisponibilité limitée de prix établis sur le marchésecondaire pour de nombreux produits structurés,il est devenu difficile d’estimer avec exactitude lespertes potentielles auxquelles sont exposées lesinstitutions financières. Cela a aggravé les préoccu-pations au sujet du risque de contrepartie et ainsicontribué au creusement marqué des écarts surles marchés du financement interbancaire(Graphique 2) et à l’intensification du risque liéà la liquidité de financement.

Le marché du papier commercial adossé à des actifs(PCAA) demeure l’objet de pressions. Cependant,les conditions de liquidité se sont améliorées récem-ment pour les programmes d’émission de PCAAbancaire et les coûts d’emprunt ont diminué5.Ces derniers sont encore néanmoins élevés parrapport aux taux sans risque à court terme, et lesmarchés secondaires de ces actifs restent très peuliquides.

Dans l’ensemble, les écarts de crédit se sont beau-coup élargis sur les marchés monétaires depuis ledébut de la turbulence financière et ils se main-tiennent à de hauts niveaux. La liquidité des titresde dette demeure inversement liée à leur échéance,les bailleurs de fonds hésitant à prêter pour des

5. Comme il est indiqué dans la livraison de décembre2007 de la Revue du système financier, le marché du PCAAnon bancaire n’est plus actif; dans le cadre de l’accordde Montréal, des titres d’un encours approximatif de32 milliards de dollars ont été gelés en vue de permettrel’élaboration d’un plan de restructuration, lequel devraitêtre mis en œuvre ce mois-ci. Le dernier obstacle a étéfranchi quand la restructuration proposée a été approuvéepar la majorité des créanciers.

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Graphique 1Écarts relatifs aux indices de swaps sur défaillanceiTraxx et CDX

Points de base

Nota : Les indices iTraxx sont composés d’émetteurs établisen Europe, et les indices CDX d’émetteurs établis enAmérique du Nord.

Source : Bloomberg

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2007 2008

Indice CDX (titres de qualité)Indice CDX (titres à rendement élevé)Indice iTraxx (titres de qualité)Indice iTraxx (titres à rendement élevé)

Graphique 2Écart entre le LIBOR à trois mois* et le taux des swapsindexés sur le taux à un jour

Points de base

200820070

20

40

60

80

100

120

0

20

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États-UnisZone euroCanada

* Les taux considérés pour les prêts à trois mois en dollars É.-U.,en euros et en dollars canadiens sont respectivement leLIBOR, l’EURIBOR et le CDOR.

Source : Bloomberg

durées excédant un mois sans exiger une rémuné-ration substantielle en échange. Compte tenu desfortes interactions entre les marchés financiersmondiaux, la persistance de ces frictions a incitéla Banque du Canada et d’autres grandes banquescentrales à adopter à deux reprises des mesuresconcertées pour accroître la liquidité des marchés6.Malgré une légère amélioration à ce chapitre — àla faveur d’un meilleur accès au financement àterme — et un rétrécissement des écarts de créditdepuis la fin de 2007, les difficultés à se procurerdu financement semblent subsister.

Face aux pressions tenaces dont font l’objet lesmarchés monétaires, la Réserve fédérale américainea mis en place de nouvelles facilités de financementpour soutenir la liquidité sur les marchés à terme.Elle a ainsi créé la Primary Dealer Credit Facility7

et la Term Securities Lending Facility8 et modifiéla Term Auction Facility9 en décembre 2007. S’ilparaît évident que ces mécanismes ont aidé àcontenir les craintes relatives à l’accès des institu-tions financières à des liquidités, ils n’ont pas donnélieu à une atténuation sensible des pressions surles marchés de crédit. Au Canada, les écarts de tauxsur les instruments à terme du marché monétairene se sont généralement pas autant creusés queles écarts correspondants au sud de la frontière etailleurs dans le monde (Graphique 2). Depuis lafin d’avril, on observe une amélioration globale dela situation des marchés monétaires canadiens : lescoûts de financement des banques ont reculé de

6. Deux interventions coordonnées, auxquelles le Canadaa pris part, ont été annoncées le 12 décembre 2007 et le11 mars 2008 respectivement, et une troisième, sans laparticipation canadienne, a été lancée le 2 mai dernier.Du 20 mars au 15 mai 2008, la Banque du Canada aconclu des prises en pension à 28 jours pour un mon-tant de 2 milliards de dollars toutes les deux semaines.(Les dernières opérations ont consisté à renouveler desopérations conclues antérieurement.) Le 29 mai 2008,la Banque a retranché un montant net de 1 milliard dedollars de l’encours du financement à plus d’un jour.

7. Il s’agit d’un mécanisme offert de façon ponctuelle auxnégociants principaux, auprès duquel ils peuvent obtenir,à leur demande, du financement à un jour. Les fonds ysont rationnés au moyen des prix et octroyés à un tauxégal à celui qu’impose la Banque fédérale de réserve deNew York aux emprunteurs de premier rang ayant recoursà son guichet d’escompte.

8. Cette facilité de crédit fournit aux négociants principauxla possibilité d’emprunter des obligations du Trésoraméricain pour une durée de 28 jours contre nantisse-ment d’une gamme de garanties plus étendue que dansle cadre du programme habituel de prêts de titres.

9. Ce mécanisme donne aux institutions de dépôt ayantle droit de se refinancer au guichet d’escompte, au tauxconsenti aux emprunteurs de premier rang, la possibilitéd’obtenir des prêts contre nantissement pour unepériode de 28 jours.

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Évolut ion récente et tendances

Encadré 1

Pourquoi s’intéresser aux assureurs monogammes

Les sociétés d’assurance monogammes offrent depuisplusieurs années aux émetteurs américains d’obliga-tions municipales une protection contre l’insolvabi-lité qui garantit le paiement en temps opportun del’intérêt et du capital aux investisseurs1. La souscrip-tion d’une telle assurance — la seule façon pour cesémetteurs d’obtenir la note AAA — rend les titresd’emprunt des municipalités plus facilement négo-ciables et permet à celles-ci de mobiliser des capitauxà un coût moindre. En 2007, environ la moitié dumarché des obligations municipales aux États-Unis,évalué à 2,6 billions de dollars É.-U., bénéficiait dela couverture de l’un ou l’autre des six plus gros assu-reurs monogammes. Toutefois, les marchés des titresstructurés ayant gagné en importance depuis dix ans,les assureurs monogammes ont commencé à revoirleur modèle de fonctionnement. Ils se sont mis àfournir le même type de protection à l’égard des actifssous-jacents aux instruments structurés (comme lestitres garantis par des créances), contre le paiementd’une prime par les émetteurs de ces instruments oupar les investisseurs institutionnels qui acquièrentcertains produits structurés et souhaitent se prémunircontre le risque de crédit2. C’est ainsi que les assu-reurs monogammes ont consacré une part croissantede leur activité à ce créneau; à la fin de 2007, environ40 % de l’encours total (3,3 billions de dollars É.-U.)de la dette qu’ils assuraient reposait sur des produitsde crédit structurés.

La vente de protection à l’égard d’instruments de cré-dit structurés suppose également un niveau de risqueplus élevé. Bien que les assureurs monogammesaient appliqué des critères de souscription réputésstricts selon les normes habituelles, leur recoursimportant à l’effet de levier3 leur laissait très peude marge d’erreur. Au vu des pertes appréciablesessuyées sur les produits structurés, de nombreux

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1. Ces assureurs sont qualifiés de monogammes parcequ’ils se concentrent sur une seule gamme deproduits : la garantie financière. Comme les sociétésd’assurance canadiennes sous réglementation fédéralene sont pas autorisées à vendre ce genre de produits,les assureurs monogammes se composent exclusive-ment d’entreprises étrangères.

2. En règle générale, les opérations de garantie consis-taient en la vente de swaps sur défaillance à des contre-parties bancaires.

3. Les ratios actifs / capitaux propres des assureursmonogammes variaient de 90 à plus de 200 à la finde 2006.

acteurs du marché financier ont commencé à se de-mander si les assureurs monogammes disposaientde suffisamment de capitaux pour honorer leursobligations et, par conséquent, si ces assureurs méri-taient encore la notation qui leur permettait d’offrirdes garanties AAA sur les produits assurés.

La perte de la note AAA dont jouissent les assureursmonogammes se répercuterait sur deux groupes enparticulier : les municipalités qui émettent des obli-gations aux États-Unis et les grandes banques d’in-vestissement mondiales. Sans la garantie fourniepar ces assureurs, la plupart des émetteurs américainsde titres municipaux connaîtraient probablementune hausse significative de leur coût de financement.La défaillance du marché des obligations à tauxrévisable4 survenue au début de 2008 a démontré leseffets du recul de la confiance des investisseurs àl’égard des assureurs monogammes : à cette occasion,même les émetteurs bien connus de titres munici-paux de qualité ont vu leur coût de financementmonter en flèche pour culminer brièvement à plusde 20 %.

Les grandes banques d’investissement mondiales,c’est-à-dire les principales contreparties des assu-reurs monogammes dans le créneau des produitsstructurés, pourraient être touchées de deux manières.Premièrement, si les assureurs monogammes per-dent leur note AAA, la valeur de marché de leursproduits d’assurance s’en ressentira, et celle des actifssous-jacents assurés devra également être révisée àla baisse. Deuxièmement, la valeur de marché desswaps sur défaillance que les assureurs monogammesont vendus aux banques diminuera elle aussi. L’inca-pacité des assureurs monogammes à honorer cescontrats d’assurance aura pour effet de transformerun risque de crédit couvert en un risque non couvert,ce qui obligera les banques à relever le niveau deleurs fonds propres.

Il est difficile d’estimer l’exposition totale desbanques d’investissement au risque de déclassementdes assureurs monogammes. Les estimations varient

4. Obligations municipales à long terme dont le tauxd’intérêt est révisé périodiquement dans le cadred’adjudications tenues à cet effet. Les doutes émissur la qualité des garanties offertes par les assureursmonogammes ont entraîné une baisse de l’intérêt desinvestisseurs pour ces titres aux adjudications, et lestaux de rendement de ces derniers ont augmenté.

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Encadré 1

Pourquoi s’intéresser auxassureurs monogammes(suite)

façon marquée et sont nettement inférieurs à ceuxobservés pour un certain nombre d’autres monnaies.

Le marché des prêts hypothécairesMaintenant que les problèmes liés au compartimentdes prêts à risque du marché du crédit hypothécaireà l’habitation sont bien connus, l’inquiétude sepropage au marché plus vaste des titres hypothé-caires. Par exemple, sur le marché des titres hypo-thécaires conformes, notamment des prêts qui sontreconditionnés et vendus par les agences fédéralesaméricaines de refinancement hypothécaire tellesque Freddie Mac et Fannie Mae, les écarts de ren-dement se sont élargis de façon démesurée parrapport à la modeste dégradation qu’ont subie lesactifs sous-jacents (qui consistent en prêts hypo-thécaires de grande qualité) (Graphique 3). Bienque découlant en partie des craintes que suscite lasituation financière même de ces agences10, l’am-pleur de cet élargissement témoigne de la forteaversion des investisseurs envers tous les actifsadossés à des prêts hypothécaires ainsi que de laréduction du levier d’endettement des participantsaux marchés à l’égard des titres hypothécaires debonne qualité.

Des tensions sont apparues également sur lemarché américain du crédit au secteur immobiliercommercial. La valeur des actifs notés AAA del’indice CMBX — une variable d’approximationsynthétique de la valeur des titres adossés à descréances hypothécaires sur l’immobilier commer-cial — a ainsi considérablement diminué. Si cetteévolution reflète en partie la faiblesse globale del’économie des États-Unis, elle est aussi probable-ment due à un effet de débordement de la turbulencequi règne sur le marché des prêts hypothécaires àl’habitation.

Bien que le segment des prêts hypothécaires à risqueau Canada ne soulève pas d’inquiétude à l’heureactuelle (se reporter à la page 34), l’ensemble dumarché du crédit hypothécaire au pays s’est ressentides événements récents. Plus précisément, on aobservé un creusement des écarts entre les tauxde rendement des nouvelles émissions effectuéesdans le cadre du Programme des Obligationshypothécaires du Canada (OHC), qui ont pouractifs sous-jacents des titres hypothécaires LNH, etceux des obligations du gouvernement canadien(Graphique 3). Il est difficile toutefois de cernerdans quelle mesure cette situation est attribuableà l’aversion des investisseurs pour les produits liés

10. Tant l’agence Fannie Mae que l’agence Freddie Macont dû se procurer des capitaux frais à deux reprises etréduire leurs dividendes pour assainir leurs bilans parsuite des pertes sur prêts hypothécaires déclarées.

entre elles ainsi que selon les scénarios, mais laplupart sont élevées, la plus pessimiste se chiffrantà 125 milliards de dollars É.-U. environ5. Si ellesdevaient se matérialiser, ces pertes s’ajouteraient àtoutes les autres pertes qu’ont subies les banquesd’investissement sur les prêts hypothécaires à ris-que et les autres produits de crédit et mineraientprobablement davantage la capacité de prêt desbanques.

Une banque canadienne a connu des difficultés— dont on a beaucoup parlé — avec l’assuranceachetée auprès de ACA Financial Guaranty. Vers lafin de 2007, l’agence Standard & Poor’s a abaisséla note de cet assureur monogamme à CCC(« extrêmement spéculatif », soit la note venantimmédiatement avant la catégorie « en défaut »).La banque s’est vue obligée de déprécier de2 milliards de dollars les contrats qu’elle détenaitavec ACA Guaranty. Il ne s’agissait là que d’unedépréciation partielle; selon la banque, la radiationde la totalité de ces contrats impliquerait des pertesadditionnelles considérables. D’autres banquescanadiennes ont fait savoir qu’elles avaient achetéde la protection à des assureurs monogammes.

5. S. Glasser, « Monoline Downgrades: Understandingthe Impact », Barclays Capital, janvier 2008, p. 1-19.

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Évolut ion récente et tendances

Encadré 2

La structure des marchés canadiens de capitaux

(a) Toutes les données remontent à décembre 2007 et sont exprimées en valeur comptable, à l’exception des actions, exprimées en valeur marchande.Sources : Statistiques bancaires et financières de la Banque du Canada, Comptes du bilan national (Statistique Canada), BSIF et TSX.

(b) Émis au Canada par des sociétés canadiennes et étrangères(c) Émises au Canada et à l’étranger par des sociétés canadiennes(d) Prêts accordés par des institutions financières canadiennes à des emprunteurs canadiens et étrangers à des fins commerciales(e) Ces fiducies ont été gelées aux termes de l’accord de Montréal conclu en août 2007.

État

836 milliards $

Obligations : 696 milliards $

Sociétés financières

3 078 milliards $

Titres adossés à des prêtshypothécaires à l’habitation185 milliards $

Autres titres adossésà des actifs143 milliards $

• garantis par l’État160 milliards $

• non garantis par l’État25 milliards $

• PCAA bancaire76 milliards $

• PCAA non bancaire32 milliards $(e)

Titres à court terme140 milliards $• bons du Trésor du Canada

116 milliards $

• autres titres à court terme24 milliards $

• dont OEC : 13 milliards $

• dont autres titres nonnégociables du Canada1 milliard $

Papier à court terme103 milliards $

Sociétés non financières

2 046 milliards $

• papier commercial43 milliards $(b)

• acceptations bancaires60 milliards $

Papier commercial12 milliards $(b)

Obligations232 milliards $(c)

Obligations220 milliards $(c)

Actions1 486 milliards $

Actions : 607 milliards $

Prêts316 milliards $(d)

Prêts : 191 milliards $(d)

Dépôts dans les institutionsfinancières : 1 957 milliards $

Figure A

Taille du marché canadien de capitaux — 2007(a)

Titres adossés à des actifs

328 milliards $, dont :

Le présent encadré donne un aperçu de la taille etde la structure des marchés de capitaux au Canada.Compte tenu des turbulences qui continuent d’agiterles marchés financiers, ce portrait met en perspectivel’importance des marchés touchés au pays.

Comme dans le cas d’autres marchés de capitauxparvenus à maturité, les actions constituent la prin-cipale source de financement des entreprises auCanada et représentent environ le tiers du marchédes valeurs mobilières1. La taille relative du segmentdes titres de sociétés est légèrement plus élevée auCanada et aux États-Unis qu’au Royaume-Uni etdans la zone euro, où généralement les entreprisesont davantage recours aux prêts bancaires2. Cette

12

1. Les comparaisons à l’échelle mondiale remontent à2006. Voir Mapping Global Capital Markets: FourthAnnual Report (2008) du McKinsey Global Institute,ainsi que la livraison d’octobre 2007 du FinancialStability Report de la Banque d’Angleterre. Au Canada,la part relative des grandes composantes a très peuévolué de 2006 à 2007.

2. Pour en savoir davantage, voir D. Côté et C. Graham(2007), Corporate Balance Sheets in Developed Econo-mies: Implications for Investment, document de travailno 2007-24, Banque du Canada.

différence donne à penser que les sociétés cana-diennes et américaines se ressentiraient un peu plusdirectement d’une détérioration des conditions surles marchés financiers que les firmes du Royaume-Uni ou de la zone euro. Les entreprises canadiennesont toutefois vu leur endettement diminuer considé-rablement ces dernières années par rapport à leurshomologues américaines et britanniques, et seraientdonc en meilleure posture pour faire face aux chocséconomiques et financiers.

Aux États-Unis et en Europe, l’émission de produitsfinanciers structurés a crû de façon exponentielle entre2000 et juillet 2007, moment où s’est déclenchée lacrise financière3. Au cours de la même période, lesegment des titres adossés à des actifs a presquetriplé au Canada; il représente une part légèrement

3. Comme il est indiqué dans le Global Financial StabilityReport (avril 2008, p. 56) du FMI, la valeur des émis-sions de titres garantis par des créances, de titresadossés à des actifs et de titres adossés à des créan-ces hypothécaires aux États-Unis et en Europe estpassée de 500 milliards de dollars É.-U. en 2000 à2,6 billions de dollars É.-U. en 2007.

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Encadré 2

La structure des marchéscanadiens de capitaux (suite)

à des créances hypothécaires plutôt qu’à l’accrois-sement prononcé de l’offre. En effet, les institu-tions financières canadiennes ont eu de plus enplus recours au Programme OHC comme sourcede financement de gros depuis le début de la crise(voir le dossier en page 25).

Récemment, les banques canadiennes ont eu recoursà une autre source de financement : l’émissiond’obligations sécurisées sur le marché européen(voir le dossier à la page 37). Ces obligations sontdes titres d’emprunt garantis, émis par des institu-tions financières et considérés habituellement parles investisseurs comme des valeurs sûres et liqui-des pouvant remplacer les obligations d’État. Lemarché européen des obligations sécurisées n’atoutefois pas été à l’abri des perturbations finan-cières récentes, bon nombre des actifs sous-jacentsde ces titres étant liés à des prêts hypothécaires àl’habitation. Malgré le très faible niveau de déclas-sements sur ce marché, les investisseurs se sontmis de plus en plus à discriminer entre les di-verses obligations sécurisées en fonction des critèressuivants : émetteur, pays d’origine, montage juri-dique et qualité des actifs sous-jacents. On a ainsiassisté à un fléchissement de la demande pour cestitres, surtout ceux émis par les banques des paystouchés par un ralentissement du marché du loge-ment, comme l’Espagne11.

Le marché des produits structurésLes dislocations ont été particulièrement pronon-cées sur le marché des produits structurés, tel quecelui des titres garantis par des créances (TGC),où les prix ont considérablement baissé. Depuisdécembre, le creusement continu des écarts decrédit a déclenché l’application de bon nombredes clauses restrictives rattachées aux produitsstructurés, entraînant ventes forcées et ajustementsde couverture des risques de crédit. Il s’en estsuivi une amplification et une généralisation dela baisse des prix sur ce marché.

Les marchés secondaires étant inactifs, il s’avèretoujours difficile d’estimer la valeur de nombreuxproduits structurés. Dans les cas où cette valeur estdisponible, les tranches de TGC se négocient actuel-lement à un prix considérablement réduit parrapport à celui des obligations de sociétés. Celatient en partie au constat tardif que les notationsde crédit accordées aux produits structurés nereflètent pas avec justesse la probabilité ou l’ampleur

11. Récemment, une large part des nouveaux programmesd’émission ont été lancés sur le marché du placementprivé, où les courtiers peuvent être plus sûrs des condi-tions de la demande avant la vente effective desobligations.

moins importante du marché canadien des valeursmobilières (5 %) que des marchés mondiaux(7 %). Comme ailleurs, l’érosion de la confiancedes investisseurs à l’égard des produits structurés agravement entravé le fonctionnement du marchécanadien des titres adossés à des actifs depuisjuillet 2007. Il demeure toutefois possible detitriser des créances hypothécaires au Canada,en vertu du Programme des titres hypothécairesLNH, qui bénéficie d’une garantie explicite del’État. Ce programme, qui compte pour près de90 % de l’encours total des titres adossés à desprêts hypothécaires à l’habitation au pays, a ré-cemment enregistré une croissance vigoureuse(voir le dossier, p. 25). Il convient néanmoinsde noter que moins du quart de l’encours totaldes prêts hypothécaires à l’habitation au Canadaest titrisé, contre près de 60 % aux États-Unis.

Quoi qu’il en soit, l’exposition aux marchés amé-ricains des prêts hypothécaires à risque et des titresgarantis par des créances a fortement ébranlé laconfiance des investisseurs dans le marché cana-dien du papier commercial adossé à des actifs(PCAA), en particulier le PCAA non bancaire, lesegment du marché des valeurs mobilières le plusdurement frappé au pays par les perturbations fi-nancières. Depuis août 2007, le PCAA non bancaireest gelé aux termes de l’accord de Montréal, lesparties intéressées s’employant à conclure uneentente en vue de restructurer le PCAA en instru-ments à plus long terme. Le PCAA a constitué, aucours des dernières années, une source importantede financement à court terme pour les entreprisescanadiennes. Comprenant le PCAA non bancaire,il compte pour environ 33 % du marché canadiendes titres adossés à des actifs et pour près de 50 %des émissions privées de papier à court terme.

13

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Évolut ion récente et tendances

Graphique 3Écart sur les obligations hypothécaires à cinq ans

Points de base

Source : Bloomberg

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

Fannie MaeObligationshypothécairesdu Canada

J A S O N D J F M A M

2007 2008

Graphique 4Écarts de rendement relatifs aux obligations de sociétéscanadiennes

Points de base

1989-1996 : écart entre le rendement de l’indice Scotia Capitauxdes obligations de sociétés et celui des titres à moyenterme du gouvernement canadien

1997-2008 : indice Merrill Lynch des écarts corrigés pour tenircompte des options intégrées aux obligations

1989-1991 : moyennes mensuelles; 1992-2008 : valeurs en fin de moisSources : Scotia Capitaux, Bloomberg et Merrill Lynch

1990 1995 2000 20050

50

100

150

200

250

300

350

400

450

500

0

50

100

150

200

250

300

350

400

450

500

AAABBBIndice des obligationsde bonne qualité

Graphique 5Écarts de rendement relatifs aux obligations de sociétésaméricaines

Points de base

1990 1995 2000 20050

500

1 000

1 500

2 000

2 500

3 000

0

500

1 000

1 500

2 000

2 500

3 000

Nota : 1989-1996 : écart entre le rendement de l’indice Merrill Lynchdes obligations de sociétés et celui de l’indice Merrill Lynch desobligations du Trésor1997-2008 : indice Merrill Lynch des écarts corrigés pour tenir

AAABBBBBBCCCIndice des obligationsde bonne qualitéIndice des obligationsà rendement élevé

des déclassements. Dans l’ensemble, les acteurs dumarché des produits de dette structurés ont deplus en plus tendance à sélectionner les titres quise caractérisent par une transparence supérieure etla simplicité de leur montage. On ignore encore,toutefois, quelle forme les marchés des produitsstructurés revêtiront dans l’avenir.

Le marché des obligations de sociétésLes écarts de rendement sur les obligations desociétés de bonne qualité se sont creusés un peupartout dans le monde. Au Canada et aux États-Unis par exemple, ils ont atteint ou avoisiné desniveaux sans précédent (Graphiques 4 et 5), puisse sont amenuisés ces dernières semaines12. Si lecreusement observé l’été passé correspondait, dumoins en partie, à une correction de la faiblesseexcessive de ces écarts, leur récent élargissementa été supérieur, dans bien des cas, à ce que pou-vaient justifier les facteurs fondamentaux. Ainsi,le coût de la protection contre les défauts de paie-ment sur plusieurs marchés, qui atteignait unsommet en avril, supposait des taux de défaillancenettement plus élevés que lors des deux dernièresrécessions.

Il semble que la réduction du levier d’endettementen cours au sein du système financier a amplifiél’accroissement des écarts relatifs aux obligationsdes sociétés plus que ne le nécessitait le risque decrédit sous-jacent. En effet, comme on l’expliquedans le dossier présenté à la page 15, le manquede liquidité des marchés pourrait être un facteurdéterminant de ce phénomène au Canada, enparticulier pour ce qui est des primes de risquesur les titres émis par des institutions financièresbien notées.

L’incidence globale de cette augmentation desécarts de crédit sur le coût des emprunts des so-ciétés a été atténuée par un recul des rendementsdes obligations souveraines, tant au pays qu’àl’étranger (Graphique 6). Une hiérarchisationmarquée des crédits s’est également produite tou-tefois, les sociétés emprunteuses moins bien notéesdevant assumer des coûts plus élevés tout en étantconfrontées à un accès réduit aux marchés.

Au Canada comme ailleurs, l’accès aux marchésprimaires des obligations de sociétés a été unesource de préoccupations. Les entreprises cana-diennes, surtout celles du secteur financier, ontcontinué de se financer activement sur le marché

12. La variation marquée des écarts de crédit sur les titres desociétés bien notées reflète également la forte concentra-tion des émetteurs du secteur financier dans l’indice.L’intensification des inquiétudes concernant le risquesystémique s’est répercutée vivement sur ces écarts.

14

compte des options intégrées aux obligationsSources : Bloomberg et Merrill Lynch

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Graphique 6Rendements des obligations de sociétés canadiennes etdes obligations à dix ans du gouvernement canadien

%

Sources : Bloomberg, Merrill Lynch et Banque du Canada

2007 2008

3,0

3,5

4,0

4,5

5,0

5,5

6,0

6,5

3,0

3,5

4,0

4,5

5,0

5,5

6,0

6,5

AAABBB

Indice des obligationsde bonne qualitéObligations à dix ansdu gouvernement canadien

Graphique 7Émission d’obligations américaines et canadiennes àrendement élevé

Milliards $ É.-U. Nombre

0

10

20

30

40

50

60

70

0

25

50

75

100

125

150

175

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Nota : Les données du 2e trimestre de 2008 s’arrêtent au 22 mai.Source : Thomson ONE Banker

Nombre d’émissions (échelle de droite)Produit de l’émission (échelle de gauche)

Graphique 8Décomposition de l’écart de crédit relatif aux obligationscanadiennes de bonne qualité

Points de base

Nota : Indice composé de titres d’emprunt de bonne qualité libellésen dollars canadiens émis sur le marché obligataire intérieurLes écarts ont été corrigés pour tenir compte des optionsintégrées aux obligations.

Sources : Bloomberg, Merrill Lynch et calculs des auteurs

2001 2002 2003 2004 2005 2006 20070

50

100

150

200

0

50

100

150

200

ÉcartPerte attendue en cas de défaillance+ prime de risque de créditPerte attendue en cas de défaillance

2008

obligataire primaire, mais souvent elles devaientoffrir des taux de rendement encore plus élevéscomparativement à ceux pratiqués sur les marchéssecondaires. Au cours des dernières semaines,on a toutefois constaté une nette amélioration del’accès aux marchés, un recours au financementde la part des banques supérieur à ce qu’ellesavaient prévu initialement, et une diminution desconcessions à faire par rapport au marché secon-daire. Compte tenu de la solidité des bilans, desperspectives économiques et des conditions demarché volatiles, il est probable qu’un grandnombre d’entreprises non financières aient étéamenées à retarder leurs programmes d’émissionssur les marchés ou à recourir davantage au finance-ment bancaire, l’un n’excluant pas l’autre.

Les écarts de crédit sur les obligations à haut ren-dement aux États-Unis se sont aussi fortementcreusés depuis juillet 2007, mais, contrairementaux écarts relatifs aux obligations de bonne qualité,ils demeurent bien en deçà des niveaux recordsenregistrés plus tôt dans la décennie par suite del’éclatement de la bulle technologique. Le volumedes émissions sur le marché des titres à haut ren-dement s’est avéré négligeable cependant, puisquel’accès à ce marché a été essentiellement fermé àde nombreux émetteurs. (Mentionnons toutefoisque l’on a observé l’amorce d’une reprise de l’acti-vité sur ce marché ces dernières semaines.) Le faitque les entreprises moins bien notées puissent dif-ficilement se procurer des fonds sur les marchésprimaires constitue une contrainte de crédit impor-tante non seulement pour celles qui sont établiesaux États-Unis, mais également pour les firmes cana-diennes pareillement notées qui comptent sur lemarché américain pour se financer (Graphique 7)13.

Dossier

Les déterminants de l’élargissementactuel des écarts de taux sur lesobligations de sociétés canadiennesbien notées

Alejandro Garcia et Toni Gravelle

Les écarts de rendement sur les obligations desociétés canadiennes ont commencé à se creuserl’été dernier, au moment où s’amorçait la crise desprêts hypothécaires à risque (Graphique 8, courbedu haut). Les écarts de taux sur les titres d’emprunt

13. Voir S. Anderson, R. Parker et A. Spence, « Faits stylisés etenjeux relatifs à l’expansion du marché canadien destitres de dette des sociétés », Revue du système financier,Banque du Canada, Ottawa, décembre 2003, p. 37-42.

15

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Évolut ion récente et tendances

de bonne qualité sont actuellement beaucoupplus larges qu’on ne pourrait s’y attendre, au vudes ralentissements passés de l’activité et de lameilleure santé économique du Canada par rap-port aux États-Unis. Dans le présent dossier, nousétudions le rôle des facteurs non liés au risque decrédit — par exemple, l’assèchement de la liquiditédu marché des titres d’emprunt de sociétés — dansles variations récentes des écarts de crédit sur lesobligations de sociétés bien notées.

En règle générale, deux grandes composantes inter-viennent dans les variations des écarts de rende-ment sur les titres de sociétés : la perte attendue encas de défaillance et une composante liée aux primesde risque (en l’occurrence, la prime de risque de créditet la prime d’illiquidité). La perte attendue en cas dedéfaillance reflète habituellement la situation fon-damentale de l’entreprise, comme l’importance del’effet de levier et la capacité de dégager des béné-fices stables. La prime de risque de crédit, elle, serattache à la variabilité de la perte éventuelle encas de défaillance, ou à l’incertitude entourantcette perte. La prime de risque de crédit et la perteattendue en cas de défaillance réagissent toutes deuxaux fluctuations de l’activité macroéconomique14.Ensemble, elles constituent la part de l’écart derendement attribuable aux risques de crédit liésà la défaillance.

La prime d’illiquidité traduit le manque de liqui-dité du marché en général et n’est pas associée aurisque de crédit. Les primes de risque de crédit etd’illiquidité, à l’instar des autres primes de risque,sont sensibles aux variations de la propension aurisque des investisseurs et sont donc susceptiblesd’être corrélées positivement dans le temps.

Pour isoler les deux premières composantes — laperte attendue en cas de défaillance et la prime derisque de crédit —, nous avons recours à un modèlestructurel d’évaluation du risque de crédit. Dans cetype de modèle, les actions et les titres d’empruntde l’entreprise sont traités comme des créanceséventuelles sur l’actif, les titres d’emprunt ayantun rang prioritaire15. La variable relative à lavaleur totale de l’actif se présente sous la formed’une série chronologique. Il y a défaillance lorsquecette variable est inférieure à la valeur de la dettede l’entreprise. Moins l’actif est élevé par rapport àla dette et plus sa valeur varie dans le temps, plusle risque de défaillance est grand et, partant, plus

14. Les primes de risque de crédit augmentent en périodede ralentissement en raison de l’incertitude accrue auniveau macroéconomique (et, par conséquent, auniveau de l’entreprise).

15. Huang et Huang (2003) brossent un tableau completdes modèles structurels d’évaluation du risque de crédit.

16

la perte attendue en cas de défaillance et la primede risque de crédit, les deux composantes liées aurisque de crédit, sont élevées.

Le modèle structurel utilisé s’inspire de celui deChurm et Panigirtzoglou (2005). La perte attendueen cas de défaillance et la prime de risque de créditimplicites sont calculées à partir du niveau et de lavariabilité de la valeur de l’actif des entreprises quifont partie de l’indice des écarts de crédit16. La primed’illiquidité est égale à la différence entre l’écart detaux observé et la somme de la perte attendue encas de défaillance et de la prime de risque de crédit(la composante liée au risque de crédit)17.

Décomposition des écarts de tauxen facteurs de risque

Le modèle estimé au moyen de données mensuellesindique que, depuis juillet 2007, les sociétés biennotées ont vu s’accroître tant la composante liéeau risque de crédit (Graphique 8, deuxième courbeà partir du haut) que la prime d’illiquidité(Graphique 9).

Le 21 mai 2008, alors que l’écart de taux effectifatteignait 179 points de base, la perte attendue encas de défaillance, la prime de risque de crédit etla prime d’illiquidité s’établissaient à 20, 34 et125 points de base, respectivement. À la fin dejuillet 2007, les chiffres correspondants étaient de85, 21, 5 et 59 points de base. La hausse de l’écartde rendement sur les titres de bonne qualité est enconséquence imputable à celle des primes de risquede crédit et d’illiquidité, qui sont passées au-dessus de leurs niveaux observés récemment18.

L’augmentation de la prime de risque de crédit etcelle, plus vive, de la prime d’illiquidité des titrescomposant l’indice canadien des écarts de taux surles obligations de bonne qualité sont partiellementattribuables à la composition même de l’indice.Celui-ci regroupe une forte proportion de sociétésfinancières (environ 55 % en 2007). Or, ces sociétéssont au cœur des turbulences qui secouent actuel-lement les marchés du crédit partout dans le

16. Nous remercions la Banque d’Angleterre de nous avoirfourni le code MATLAB qui a permis d’appliquer lemodèle.

17. Techniquement, cette différence englobe tous les facteursnon liés au risque de crédit qui sont susceptibles d’influersur l’écart de crédit. Cependant, plusieurs études empi-riques ont révélé que ces facteurs sont généralement unindicateur de l’illiquidité du marché des obligations desociétés. Voir Longstaff, Mithal et Neis (2004) ainsi queEricsson et Renault (2006).

18. La composante liée au risque de crédit a atteint un sommetde 89 points de base en mars 2008, et la prime d’illiqui-dité a culminé à 125 points de base en mai 2008.

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Graphique 9Primes de risque relatives aux obligations canadiennesde bonne qualité

Points de base Points de base

Source : Calculs des auteurs

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007-30

0

30

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120

150

-10

0

10

20

30

40

50

Prime d’illiquidité (échelle de gauche)Prime de risque de crédit (échelle de droite)

2008

Graphique 10Écarts de rendement relatifs aux obligations de sociétéscanadiennes

Points de base

2001 2002 2003 2004 2005 2006 20070

40

80

120

160

200

240

0

40

80

120

160

200

240

2008

Nota : Indice composé de titres d’emprunt de bonne qualité libellésen dollars canadiens émis sur le marché obligataire intérieurLes écarts ont été corrigés pour tenir compte des optionsintégrées aux obligations.

Sources : Bloomberg et Merrill Lynch

Valeurs industriellesValeurs financières

monde. La hausse des primes de risque de crédit etd’illiquidité que connaissent les sociétés finan-cières, dont celles du Canada, fait écho à l’accrois-sement qu’enregistrent leurs risques de liquiditéde financement à mesure qu’elles réintègrent desactifs dans leur bilan et que leur accès à certainssegments des marchés des produits titrisés oustructurés se réduit. Ce risque d’illiquidité interagitet a un lien de causalité avec la montée en impor-tance des facteurs liés au risque de crédit, pour lesbanques, et l’augmentation de la prime d’illiqui-dité, pour les titres d’emprunt bancaires19. Laprime d’illiquidité grimpe lorsque les investisseursréduisent sans distinction leur demande de titresd’emprunt bancaires, que ces derniers perdent deleur liquidité et que les écarts de rendement s’élar-gissent au-delà de ce que la santé fondamentale desbanques laisserait supposer. Les travaux récentssur les composantes des écarts de taux sur les titresde sociétés aux États-Unis et au Royaume-Uni indi-quent également que la prime d’illiquidité pourles entreprises bien notées s’est accrue au coursdu dernier trimestre de 2007 (Webber et Churm,2007).

Comme l’illustre le Graphique 9, la hausse de laprime d’illiquidité sur les titres de bonne qualitédépasse de beaucoup les niveaux observés récem-ment. Ce comportement est conforme à la naturede la crise, puisque la réévaluation du risque decrédit vise surtout les institutions financières. Ainsiqu’il a été mentionné, celles-ci dominent dansl’indice des titres d’entreprises canadiennes biennotées, et on les juge fragilisées. Leurs difficultésactuelles ressortent d’ailleurs au Graphique 10,qui montre l’écart de rendement sur les deux caté-gories de titres composant l’indice : les valeurs in-dustrielles et les valeurs financières. On constate que,depuis juillet 2007, la différence entre les écarts derendement sur les deux catégories de titres s’estrétrécie (et est parfois devenue négative), ce quitémoigne d’une augmentation du niveau de risqueperçu des institutions financières canadiennes parrapport aux sociétés industrielles. Cette évolutionest elle-même un reflet de l’inquiétude mondialerelativement au risque systémique financier 20.

19. Voir Fonds monétaire international (2008) pour de plusamples renseignements sur l’interaction entre le risquede liquidité de marché et le risque de liquidité de finan-cement auquel les banques sont confrontées depuis ledébut des bouleversements sur les marchés du crédit.

20. Il existe un écart de notation entre les valeurs indus-trielles et les valeurs financières. La note modale despremières est généralement plus basse que la note corres-pondante des secondes. En 2007, par exemple, la notemodale des valeurs industrielles était de A2, tandis quecelle des valeurs financières s’établissait à AA3. En tempsnormal, les écarts de notation s’accompagnent d’unedifférence d’écart de taux.

17

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Évolut ion récente et tendances

Mise en garde

Les recherches récentes dans lesquelles les modèlesstructurels sont intégrés à un cadre macroécono-mique général révèlent que les modèles structurels« classiques » peuvent sous-estimer la part réelledes primes de risque de crédit dans l’écart de tauxglobal (Chen, 2008). Les résultats obtenus à partirdes modèles « classiques », comme celui que nousavons utilisé dans notre analyse, doivent donc êtreinterprétés avec prudence et dans l’optique d’obser-ver comment les facteurs de risque évoluent, plutôtque de mesurer précisément leur apport relatif.

Dossier

Recommandations générales pourune réforme inspirée de la récenteturbulence des marchés

Jim Armstrong

Divers comités composés de représentants de ban-ques centrales, d’organismes de réglementation etd’institutions internationales ont analysé les causesde la récente tourmente sur les marchés financierset ont mis en avant des mesures en vue de renforcerla résilience du système financier21. Leurs proposi-tions traduisent une large communauté de vues surcette question. Les rapports qu’ont publiés derniè-rement le Forum sur la stabilité financière (FSF) etle Senior Supervisors Group ont tout particulière-ment retenu l’attention. Le présent dossier présenteune synthèse de ces deux rapports ainsi que desprincipales observations et recommandations quiy sont formulées.

Forum sur la stabilité financièreAvril 2008En octobre 2007, les ministres des Finances et lesgouverneurs de banque centrale des pays du G7ont demandé au FSF d’analyser les causes et lesfaiblesses à l’origine des turbulences financières etde présenter des recommandations visant à accroîtrela résilience des marchés et des institutions finan-

21. Aux États-Unis, par exemple, le groupe de travail prési-dentiel sur les marchés financiers a livré le fruit de saréflexion sur l’évolution des marchés financiers dans unedéclaration de politique générale, publiée à l’adressehttp://www.treas.gov/press/releases/reports/pwgpolicystatemktturmoil_03122008.pdf.

18

cières22. Le FSF a déposé son rapport définitif le11 avril dernier. Les conclusions et les recomman-dations contenues dans ce rapport sont le résultatd’une collaboration entre les principaux organis-mes internationaux et les autorités nationales res-ponsables des centres financiers. Les ministres desFinances et les gouverneurs de banque centrale duG7 ont souscrit entièrement à ce rapport et se sontengagés à en appliquer les recommandations. Ilsont enjoint le FSF de suivre de près la mise enœuvre de ces dernières.

Le FSF propose l’application de mesures dans cinqgrands domaines. Nous donnons ci-dessous unaperçu général des nombreuses recommandationsdu rapport (67 en tout) et formulons plusieurscommentaires relativement à l’expérience cana-dienne. Si le FSF juge essentiel que l’on adopterapidement des mesures pour améliorer la rési-lience du système financier mondial et ainsi rétablirla confiance dans la solidité des marchés et des ins-titutions financières, il reconnaît en même tempsla nécessité d’agir de manière à ne pas aggraver lestensions. À l’avenir, il a l’intention d’examiner lesforces qui contribuent au caractère procyclique dusystème financier.

a. Renforcement de la surveillance enmatière de fonds propres, de liquiditéet de gestion des risques

Les auteurs du rapport concluent que le nouvelaccord de Bâle (Bâle II) constitue le cadre appro-prié pour résoudre les problèmes qu’ont révélésles turbulences, et qu’il est prioritaire de le mettreen œuvre. Toutefois, ils attirent l’attention sur cer-tains éléments de Bâle II qui doivent être renforcésafin d’améliorer la résilience. Ils proposent notam-ment d’accroître les exigences de fonds proprespour les opérations de crédit structurées et les

22. Le rapport du FSF s’appuie sur de nombreux travauxmenés en collaboration, dont ceux du Comité de Bâlesur le contrôle bancaire, de l’Organisation internationaledes commissions de valeurs, de l’Association internatio-nale des contrôleurs d’assurance, de l’Instance conjointe,du Conseil des normes comptables internationales, duComité sur les systèmes de paiement et de règlement, duComité sur le système financier mondial, du Fondsmonétaire international, de la Banque des RèglementsInternationaux et des autorités nationales responsablesdes principaux centres financiers (dont les représentantscanadiens du ministère des Finances, du Bureau dusurintendant des institutions financières et de la Banquedu Canada). On peut consulter le rapport à l’adressehttp://www.fsforum.org.

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Revue du système f inancier — Juin 2008

opérations hors bilan, et ils recommandent queles autorités de surveillance évaluent le caractèrecyclique du régime de Bâle II et adoptent d’autresmesures au besoin. Ils incitent en outre le Comitéde Bâle à diffuser aux fins de consultation un guidesur les saines pratiques de gestion et de surveillancede la liquidité et à resserrer les règles concernant lagestion des risques et la simulation de crise pourles besoins de la planification des fonds propres.

Au vu de ces recommandations, le Comité de Bâlesur le contrôle bancaire a annoncé, le 16 avril der-nier, une série de mesures pour rendre le systèmebancaire plus résistant aux chocs financiers23.

b. Amélioration de la transparenceet des méthodes de valorisation

Dans le but de restaurer la confiance des marchés,le FSF encourage fortement les institutions finan-cières à adopter les pratiques exemplaires en ma-tière d’information financière exposées dans sonrapport, afin de présenter des renseignementsquantitatifs et qualitatifs pertinents et cohérentssur leur exposition au risque, leurs méthodes devalorisation et les véhicules hors bilan. Il appelled’ailleurs le Comité de Bâle sur le contrôle bancaireà étoffer ses directives dans ce domaine et engagele Conseil des normes comptables internationalesà accélérer le pas dans l’élaboration des normescomptables et des normes de présentation de l’infor-mation relative aux véhicules hors bilan, de mêmequ’à resserrer les règles concernant la valorisationdes instruments financiers dans les situations oùles marchés ne fonctionnent plus.

c. Modification du rôle et de l’utilisationdes notations de crédit

Les agences de notation financière jouent un rôleimportant dans l’évaluation des produits de créditstructurés et la diffusion d’information sur ces

23. Au nombre de ces mesures figurent les suivantes :a) améliorer divers aspects du dispositif de Bâle II,notamment en ce qui regarde les exigences de fondspropres relatives aux produits structurés complexes, lesfacilités de trésorerie accordées aux programmes depapier commercial adossé à des actifs (PCAA) ainsi quel’exposition au risque de crédit dans le portefeuille denégociation;b) proposer des règles de bonne conduite pour la gestionet la surveillance du risque de liquidité;c) amener les banques à exercer une gestion plus rigou-reuse des risques et renforcer la supervision en ce quitouche, entre autres, les exercices de simulation de crise,la gestion des engagements hors bilan et les méthodesde valorisation;d) resserrer la discipline de marché par de meilleurespratiques en matière d’information financière et devalorisation.

produits. Le FSF invite ces agences à mieux analyserles renseignements fournis par les initiateurs, lesarrangeurs et les émetteurs de produits titrisés età s’assurer que ces renseignements sont suffisam-ment dignes de foi pour justifier la note attribuée.Il leur demande aussi de distinguer l’échelle denotation des produits structurés de celle des obli-gations de sociétés. Enfin, il rappelle aux investis-seurs que l’existence d’une notation ne les dispensepas de mener leur propre analyse du risque et con-seille aux autorités de vérifier que l’importancequ’elles attachent aux notes dans la réglementationne les amène pas à se fier aveuglément à celles-ci.

d. Renforcement de la réactivité des autoritésface aux risques

Le FSF souligne aussi dans son rapport que, avantles turbulences, les autorités financières connais-saient ou pressentaient quelques-unes des fai-blesses qui ont été mises au jour. Si l’on avait pumettre en pratique à temps les conclusions d’ungrand nombre de travaux alors en cours au niveauinternational, on aurait pu atténuer l’ampleur desproblèmes survenus par la suite. Or les mécanis-mes internationaux d’approbation et de mise enapplication des mesures de réglementation et desurveillance ont parfois été trop lents par rapportau rythme de l’innovation financière. C’est pour-quoi le FSF recommande que les organismes desurveillance et de réglementation et les banquescentrales prennent des dispositions, chacun deleur côté et collectivement, pour traduire plus effi-cacement leur analyse du risque en actions propresà atténuer ce risque. Les autorités doivent s’atta-cher en particulier à accroître leurs échanges derenseignements et leur collaboration. À cet égard,le FSF encourage les grandes institutions financièresà communiquer à la banque centrale leurs plansd’urgence en matière de liquidités.

e. Mise en place de mécanismes solidespour faire face aux tensions s’exerçantdans le système financier

Dans son rapport, le FSF recommande que lesbanques centrales aient un cadre opérationnelsuffisamment flexible — au point de vue de la fré-quence et de la durée possibles des opérations, duchoix des instruments et de la diversité des contre-parties et des garanties — pour affronter les situa-tions extraordinaires. Le projet de modification dela Loi sur la Banque du Canada proposé dans la loid’exécution du budget du gouvernement fédéralaurait pour effet d’augmenter la flexibilité du cadreopérationnel de la Banque en permettant à celle-cide mener ses opérations d’open market avec unlarge éventail d’actifs au besoin.

19

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Évolut ion récente et tendances

Le FSF recommande aussi que les autorités natio-nales examinent les pouvoirs légaux des différentsorganes de leur pays et les renforcent le cas échéant,et qu’elles clarifient le partage des responsabilitésquant à la façon de procéder dans le cas de banquesfragiles ou défaillantes. Il existe au Canada un cadred’intervention structurée grâce auquel les organis-mes fédéraux peuvent repérer très tôt les sources dedifficultés et intervenir efficacement de manière àréduire au maximum les pertes des déposants et lerisque de perte pour la Société d’assurance-dépôtsdu Canada (SADC) (Engert, 2005). Dans le Guideen matière d’intervention qu’a publié le Bureau dusurintendant des institutions financières (BSIF,2002), on décrit les types d’interventions aux-quelles une institution est en droit de s’attendrede la part du BSIF et de la SADC, les circonstancesdans lesquelles des mesures sont prévues et lesmécanismes de coordination qui existent entre lesdeux organismes.

Les ministres des Finances du G7 ont retenu parmiles priorités immédiates les recommandations sui-vantes, qu’ils proposent de mettre en œuvre dansles 100 premiers jours :

• Que les institutions financières soient fortementincitées à donner le plus de renseignementspossible sur les risques dans leur prochain rap-port semestriel, en s’inspirant des pratiquesexemplaires décrites dans le rapport du SeniorSupervisors Group et résumées dans celui duFSF.

• Que le Conseil des normes comptables inter-nationales et les autres organismes de norma-lisation pertinents soient instamment priésd’améliorer les normes comptables et les normesde présentation de l’information en ce qui atrait aux véhicules hors bilan et qu’ils fournis-sent une orientation plus précise concernant lacomptabilité à la juste valeur, notammentlorsqu’il s’agit de valoriser des instrumentsfinanciers en période de crise.

• Que les sociétés soient encouragées à renforcerleurs méthodes de gestion des risques sousl’égide des autorités de surveillance, en procé-dant notamment à des simulations de criserigoureuses, et à relever le niveau de leursfonds propres si nécessaire.

• Que, au plus tard en juillet 2008, le Comité deBâle sur le contrôle bancaire fasse connaîtreses nouvelles lignes directrices en matière degestion du risque de liquidité et l’Organisationinternationale des commissions en valeursmobilières revoie les principes fondamentauxde son code de conduite à l’intention desagences de notation.

20

Senior Supervisors GroupAu début de cette période de turbulence des mar-chés, le Senior Supervisors Group — qui se com-pose des autorités de surveillance des principalesentreprises de services financiers de cinq pays(Allemagne, États-Unis, France, Royaume-Uni etSuisse) — s’est réuni pour déterminer si des lacunessur le plan de la gestion des risques pouvaientexpliquer en partie les pertes sur créances essuyéespar les grandes institutions financières24.

Plus précisément, le groupe a cherché à établirquelles méthodes de gestion des risques avaientdonné généralement de bons résultats et lesquellesavaient moins bien fonctionné. C’est ainsi qu’il aélaboré un long questionnaire portant sur la qua-lité de la surveillance et de la gestion des risquesexercées par la haute direction dans divers domai-nes clés. Il a communiqué ce questionnaire à onzebanques et courtiers mondiaux qui jouent un rôlede premier plan sur les marchés clés et ont vécudes expériences diverses durant cette période. Legroupe a publié son rapport définitif, intituléObservations on Risk Management Practices duringthe Recent Market Turbulence, en mars 200825.

Fait important, le groupe a constaté que les sociétésqui avaient le mieux résisté à la tourmente finan-cière durant l’année 2007 étaient celles qui avaientpu dresser un portrait global de leurs expositions.Devant l’évolution des conditions du marché, ellesse servaient des renseignements recueillis à tous leséchelons de l’entreprise pour corriger rapidementet préventivement leur stratégie commerciale, leursméthodes de gestion des risques et leur exposition.De plus, l’information était acheminée vers unmodule de gestion des risques relevant directementdu premier dirigeant. Le groupe a fait observer quela performance des sociétés à ce chapitre était trèsinégale à cause des différences de propension aurisque, de stratégie commerciale et de méthode degestion des risques dans trois secteurs d’activité enparticulier : création, hébergement et négociationde titres garantis par des créances; syndication deprêts à effet de levier; et opérations liées aux con-duits et aux véhicules d’investissement structurés.

24. Les sept organismes de surveillance qui participent auxdiscussions de ce groupe sont l’Autorité de surveillancedes marchés financiers de l’Allemagne; l’Office of theComptroller of the Currency, la SEC (Securities andExchange Commission) et la Réserve fédérale des États-Unis; la Commission bancaire de la France; la FinancialServices Authority du Royaume-Uni; et la Commissionfédérale des banques de la Suisse.

25. On trouvera la version intégrale du rapport à l’adressehttp://www.fsa.gov.uk/pubs/other/SSG_risk_management.pdf.

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Graphique 11Bénéfices des grandes banques

% Milliards $ CAN

Source : États financiers trimestriels des banques

0

5

10

15

20

25

30

0

1

2

3

4

5

6

1998 2000 2002 2004 2008

Rendement des capitaux propres(échelle de gauche)Bénéfice net (échelle de droite)

2006

Graphique 12Niveau des profits tirés des activités de négociation etpart de ceux-ci dans le total des profits avant impôts*

Grandes banques

Milliards $ CAN En % des profits avant impôts

* Comprend les profits et les pertes sur les instruments détenus àdes fins autres que la négociation.

Source : Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF)

-4

-2

0

2

4

6

8

-50

-25

0

25

50

75

100

1998 2000 2002 2004 2006 2008

Part des profits tirés desactivités de négociationNiveau des profits tirés desactivités de négociation

Le rapport examine en détail les principales carac-téristiques des grandes fonctions de gestion desrisques — contrôle exercé par la haute direction,gestion du risque de liquidité et gestion des risquesde crédit et de marché — qui sont indispensables àla bonne santé des institutions financières mon-diales en ces temps difficiles.

En janvier 2007, avant l’accès de turbulence qui afrappé les marchés, la Banque du Canada a menéauprès des grandes banques canadiennes une séried’entrevues sur leurs méthodes de gestion des ris-ques. Ces entrevues ont révélé que les méthodesdes banques canadiennes s’étaient améliorées aufil du temps et qu’elles étaient assez semblables àcelles de leurs consœurs à l’étranger (voir Aaron,Armstrong et Zelmer, 2007). À l’époque, les ban-ques canadiennes essayaient tant bien que mal detracer un portrait complet de leur exposition auxdivers risques, mais elles reconnaissaient de façongénérale qu’il y avait encore des progrès à faire surce plan.

Les institutions financières

Pour la première moitié de l’exercice qui se termi-nait le 30 avril 2008, le bénéfice après impôts desgrandes banques canadiennes a diminué pours’établir à 4,6 milliards de dollars. Quant auxprofits de ces dernières, ils ont été inférieurs de53 % au niveau qu’ils enregistraient à la mêmepériode l’an dernier. Deux facteurs expliquenten bonne partie ce résultat : les dépréciationsd’actifs de 8,1 milliards de dollars relatives àdes titres liés aux prêts hypothécaires à risqueaméricains et à l’exposition aux autres segments desmarchés de crédit au cours de la période (en plusdes 2,1 milliards de dollars de dépréciations d’actifscomptabilisées en 2007) et, dans une moindremesure, la hausse des provisions pour pertes surprêts. Le rendement moyen des capitaux propresau premier semestre de 2008 se chiffre à 8,9 %,contre 21,0 % en 2007 (Graphique 11). Il convientde souligner que ces dépréciations d’actifs rédui-sent les profits associés aux activités de négocia-tion (Graphique 12), qui représentaient en moyennequelque 25 % du résultat avant impôts réalisépar les banques ces dernières années. Jusqu’ici,les dépréciations d’actifs des grandes banquescanadiennes ont été plutôt modestes si on lescompare à celles qu’ont enregistrées les banquesaméricaines, mais on s’attend à ce que la volatilitésoutenue des marchés du crédit et des produits

21

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Évolut ion récente et tendances

Graphique 13Qualité de l’actif

% Pourcentage du revenu

Nota : La colonne de couleur bleue indique une périodede récession.

Source : BSIF

1990 1995 2000 20052

4

6

8

10

12

14

0

5

10

15

20

25

30Provision pour pertes surprêts, moyenne mobilesur quatre trimestres(échelle de droite)Prêts non productifs netsen pourcentage des fondspropres de 1re catégorie(échelle de gauche)

structurés continue de compromettre les résultatsd’ici la fin de 200826.

Les bénéfices de base que tirent les banques deleurs activités de prêt et de gestion de patrimoinedemeurent à ce jour raisonnablement solides.Toutefois, étant donné l’instabilité économique etfinancière mondiale, il est fort probable que laqualité du crédit des emprunteurs se détériorequelque peu. Récemment, les provisions pourpertes sur prêts, jusque-là à des niveaux histori-quement bas, ont commencé à augmenter(Graphique 13) à la fois pour le secteur desménages et le secteur manufacturier.

Dans le contexte de volatilité actuel, les banquescanadiennes ont communiqué une informationplus complète sur leur exposition aux principauxsegments qui connaissent des problèmes, notam-ment les prêts hypothécaires à risque, les véhiculesd’investissement structurés, les conduits de PCAA,les assureurs monogammes, les fonds de couver-ture et les acquisitions par effet de levier. Bien que,globalement, il semble possible de gérer cette situa-tion, certaines banques ont fait état d’une grandeexposition à certains de ces segments, qu’ellesessaient de réduire ou de résorber. Qui plus est,les banques canadiennes sont fortement exposéesà divers marchés aux États-Unis (Encadré 3).

En général, les grandes banques canadiennes, commeleurs pendants étrangers, tentent de composer avecles éléments suivants, qui exercent une pression à labaisse sur leurs ratios de fonds propres :

• les dépréciations d’actifs à la valeur de marchérelatives aux titres liés aux prêts hypothécairesà risque américains et à d’autres expositionsaux marchés du crédit qui, en raison de lacomptabilité à la juste valeur, ont une inci-dence immédiate sur les bénéfices non répartiset les fonds propres de première catégorie.Comme on l’a vu, les banques canadiennesont enregistré jusqu’ici des dépréciationsd’actifs cumulatives de 10,2 milliards de dollars;

• la tendance à la réintermédiation, les banquesétant incitées à porter à leur bilan divers actifsinscrits à des structures hors bilan, ainsi qu’àutiliser leur bilan pour consentir des prêts auxemprunteurs qui n’ont plus accès aux marchésde capitaux. Les actifs pondérés en fonction du

26. La Banque estime que, pour les banques canadiennes,les dépréciations d’actifs enregistrées en 2007 et aupremier trimestre de 2008 correspondaient à environ20 % de leur bénéfice annuel pour 2007 (exclusion faitedes dépréciations d’actifs). En comparaison, les dépré-ciations d’actifs des banques et des courtiers en valeursmobilières aux États-Unis, envisagés collectivement,atteignaient quelque 42 % de leur bénéfice.

22

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Encadré 3

L’exposition des banques canadiennes au marché américainUne vue d’ensemble

Les données détaillées dont on dispose sur les créancesaméricaines détenues par les banques canadiennessont limitées et souvent difficiles à comparer d’uneinstitution à l’autre. On peut toutefois tirer des rensei-gnements utiles des données agrégées recueillies par laBanque du Canada. En général, l’exposition directe desbanques canadiennes au marché américain représenteenviron 16 % de leur actif total, soit plus que l’ensem-ble de leur exposition ailleurs dans le monde1. Bienque l’exposition au marché américain en proportiondes créances totales soit demeurée relativement stabledepuis le début des années 1990, sa composition s’estmodifiée avec l’intensification de l’activité des banquescanadiennes sur les marchés de capitaux.Comme le montre le Graphique A, l’exposition aumarché américain s’est accrue principalement parceque le nombre de titres détenus s’est multiplié. Aumilieu des années 1990, les titres américains détenuspar les banques canadiennes et les prêts consentis parces dernières aux États-Unis formaient environ 3 %et 10 %, respectivement, de leur actif global. En 2007,ces pourcentages ont convergé pour s’établir chacun àprès de 8 % de l’actif total des banques canadiennes2.Toutes choses égales par ailleurs, cette convergenceimplique que le rendement des activités liées au marchéaméricain dépend plus qu’auparavant de la tenuedes marchés financiers3. Pareille dépendance pourraitaccentuer la volatilité des bénéfices affichés par les ban-ques et exercer une pression à la baisse sur la rentabilitélorsque les marchés financiers traversent des périodesde morosité.On en sait relativement peu sur la composition desportefeuilles de titres étrangers des banques canadiennes.Les données indiquent néanmoins que les titres émispar les institutions américaines privées du secteur nonbancaire constituent la majorité (environ 55 %) destitres américains détenus, ayant ainsi supplanté lestitres d’État (environ 35 %) ces dernières années. Les10 % qui restent sont composés de titres émis par desbanques américaines.

1. Les données ne reflètent pas les engagements horsbilan (par exemple, les engagements de crédit) nil’exposition indirecte (par exemple, un prêt à uneentreprise canadienne qui exerce une grande partiede ses activités aux États-Unis). Ces données sontexprimées sur la base de l’emprunteur immédiat(c’est-à-dire que le pays mentionné est celui où setrouve l’emprunteur immédiat). Il existe aussi unensemble réduit de données, recueillies depuis 2005,présentées en fonction du risque final (le pays men-tionné est celui où se trouve l’entité qui rembourserale prêt en cas de défaut de l’emprunteur original). Lavaleur de l’exposition au marché américain ne diffèreque légèrement entre les deux ensembles de données(la mesure du risque final est inférieure de quelque2 %), et le choix de la mesure n’a pas d’incidence sen-sible sur les chiffres utilisés dans le présent encadré.

Au chapitre de la rentabilité, les données publiées parles cinq plus grandes banques canadiennes indiquentque, en moyenne, leurs activités sur le marché améri-cain affichent un rendement moins élevé que cellesqu’elles exercent au pays. Malgré une relative améliora-tion depuis quelques années, la rentabilité future desactivités menées aux États-Unis demeure incertaine,étant donné le ralentissement actuel de l’économieaméricaine.Tout bien considéré, les créances américaines occupentune bonne place dans les avoirs des banques cana-diennes, et celles-ci pourraient bien voir leur bilansoumis à de nouvelles pressions, compte tenu de lavolatilité prévue aux États-Unis, à la fois au sein del’économie réelle et des marchés financiers.

Graphique AExposition des banques canadiennes au marchéaméricain, par type de créance*(en % de l’actif total)

1996 1998 2000 2002 2004 2006

* Selon l’emprunteur immédiatSource : Banque du Canada

0

5

10

15

20

25

0

5

10

15

20

25

TotalPrêts à desemprunteursaméricains

Avoirs en titres américainsDépôts de banques cana-diennes détenus auprèsd’institutions américaines

23

2. Les données ne tiennent pas compte de la récenteacquisition par la Banque TD de Commerce Bancorp,aux États-Unis. On ne dispose d’aucune donnée surles actifs américains et étrangers de la CommerceBank; toutefois, en décembre 2007, celle-ci détenaitpour à peu près 18 milliards de dollars de prêts et26 milliards de dollars de titres. La somme de ceschiffres représente tout juste moins de 9 % de l’actiftotal de la Banque TD, et moins de 2 % de l’actifglobal du secteur bancaire canadien.

3. Ce fait concorde avec les conclusions de C. Calmèset Y. Liu (2007), « Financial Structure Change andBanking Income: a Canada-U.S. Comparison »,Journal of International Financial Markets, Institutions& Money. Document consultable à l’adressehttp://www.sciencedirect.com.

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Évolut ion récente et tendances

risque sont, de ce fait, soumis à des pressions àla hausse. On trouvera, dans le dossier de lapage 25, un aperçu de la situation générale auCanada dans le domaine de la titrisation et deseffets de la récente turbulence sur la croissancedu crédit total et le crédit bancaire;

• les difficultés très médiatisées que connaissentles assureurs monogammes aux États-Unis(Encadré 1) et qui sont susceptibles, dans cer-tains cas, de mettre en cause la fiabilité desprotections de crédit que les banques ontachetées, ce qui pourrait donner lieu à d’autresaugmentations des actifs pondérés en fonctiondu risque ou de nouvelles réductions desfonds propres.

Vu les pressions s’exerçant sur leur bilan — etl’arrivée à échéance de nombreux titres de detteen 2008 —, les grandes banques se sont active-ment employées à mobiliser des fonds sur diversmarchés de capitaux. Si tous les instruments utili-sés à cette fin favorisent la liquidité — par exemple,billets de dépôt (de premier rang), titres hypothé-caires LNH et obligations sécurisées (voir le dossier,page 37) —, d’autres instruments ont aussi poureffet d’augmenter les fonds propres réglementaires— songeons ici aux actions ordinaires (assimi-lables à des fonds propres de catégorie 1), auxcréances subordonnées (catégorie 2), aux actionsprivilégiées permanentes et à dividende non cumu-latif (catégorie 1) et aux instruments novateurs(catégorie 1). De plus, les dépôts de gros, de sour-ces financières et non financières, ont connu uneprogression notable. Pour contribuer à maintenirleurs ratios de fonds propres, certaines banquesont suspendu leurs programmes de rachat d’actionsordinaires et reporté les nouvelles hausses de leurdividende.

Il faut signaler que, même si les titres de dette émispar les banques à diverses échéances ont pour laplupart trouvé preneur, l’écart entre le rendementde ces titres et celui des obligations d’État est sensi-blement plus élevé qu’il ne l’était avant la turbu-lence et, dans certains cas, la transaction se faisaitavec une énorme concession par rapport à laconjoncture le jour de l’émission. Néanmoins, lacapacité des banques de mobiliser des fonds enquantité importante leur a permis de maintenirdes niveaux de liquidité satisfaisants au cours decette période éprouvante. Une attention particu-lière continue toutefois d’être accordée à la gestiondu risque de liquidité, au fur et à mesure qu’évoluela situation27.

27. À la mi-mai, les grandes banques avaient émis, depuis ledébut de l’année, pour quelque 45 milliards de dollarsde titres de dette et d’actions.

24

Ainsi, le système bancaire canadien demeure biendoté en capital : son ratio de fonds propres depremière catégorie s’élevait en moyenne à 10 %(bien au-dessus du seuil de 7 % fixé par le Bureaudu surintendant des institutions financières), etson ratio total des fonds propres, à 12,7 % (com-parativement au seuil de 10 %), au premier tri-mestre de 2008 (Graphique 14).

On notera que, au Canada, le nouveau dispositifd’adéquation des fonds propres (Bâle II) visantles banques est entré en vigueur au mois denovembre 2007. Au premier trimestre terminé le31 janvier 2008, sa mise en application a eu poureffet initial de relever le ratio moyen de fonds pro-pres de première catégorie pour l’ensemble de cesinstitutions de quelque 0,4 point de pourcentageet le ratio total d’environ 0,3 point, par rapport àce que ces ratios auraient été aux termes de Bâle I.Dans l’ensemble, la nouvelle exigence de fondspropres au titre du risque opérationnel est plusque contrebalancée par une exigence moindre enmatière de risque de crédit.

Les indicateurs de marché portent à croire que lesbanques jouissent encore d’une situation financièresaine, malgré une détérioration notable depuisaoût 2007. Ainsi, la distance par rapport au défautdes grandes banques a accusé un recul marqué, enécho à la volatilité accrue du cours de leurs actions(Graphique 15). Bien que l’incidence se soit avéréeplus forte pour certaines banques, la distance parrapport au défaut, pour les six grandes banques enmoyenne, a glissé légèrement sous la moyenne àlong terme, mais reste supérieure aux creux touchéspendant la correction du secteur technologique àlaquelle on a assisté au début des années 200028.Cette évolution concorde avec le scénario présentédans la livraison de décembre 2007 de la Revue dusystème financier, où l’on présumait que le coursdes actions demeurerait très volatil pendant un an.

Comme on l’a déjà mentionné, les banques cana-diennes commencent à accroître leurs provisionspour pertes sur prêts, bien que ces provisions de-meurent inférieures à leur moyenne historique. Ilressort de l’information disponible que la qualitédu crédit des grandes banques canadiennes resterelativement élevée en regard de ce que l’on aobservé dans le passé, malgré les répercussionsdéfavorables de la crise des prêts hypothécaires àrisque aux États-Unis.

28. Cette constatation ne se dément pas quand, pour calculerla distance par rapport au défaut, on mesure la volatilitésur six mois, et non sur la période habituelle de douzemois.

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Graphique 14Ratio total des fonds propres et ratio des fonds propresde première catégorie

%

Nota : Le nouvel accord de Bâle (Bâle II) est entré en vigueur au1er trimestre de 2008.

Source : BSIF

1998 2000 2002 2004 20064

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

Ratio total des fonds propresRatio des fonds propres de première catégorieRepères du BSIF

2008

Graphique 15Distance par rapport au défaut des grandes banques

Écart-type

Nota : La ligne horizontale représente la distance moyennepar rapport au défaut pour la période allant de décembre 1982à aujourd’hui.

Sources : Calculs de la Banque du Canada fondés sur les donnéesdu BSIF et de Thomson Financial Datastream

1990 1995 2000 20052

3

4

5

6

7

8

9

10

2

3

4

5

6

7

8

9

10

MaximumMoyenneMinimum

Graphique 16Rendement des capitaux propres des sociétés d’assurancede personnes

%

Nota : La ligne horizontale représente le rendement moyen descapitaux propres pour la période allant du 1er trimestrede 1996 à aujourd’hui.

Source : BSIF

0

2

4

6

8

10

12

14

16

18

0

2

4

6

8

10

12

14

16

18

1998 2000 2002 2004 2006

Les trois grandes sociétés canadiennes d’assurancede personnes ont déclaré un bénéfice générale-ment substantiel au premier trimestre de 2008,leur rendement des capitaux propres variant entre15 et 20 %, grâce à la rentabilité continue desactivités d’assurance aussi bien que de gestion dupatrimoine (Graphique 16). Il s’agit de résultatsencourageants, obtenus en dépit de la vigueur dudollar canadien, qui abaisse les rendements tirésde leurs nombreuses activités à l’étranger. Le porte-feuille de titres à revenu fixe des sociétés d’assu-rance de personnes jouit toujours d’une très bonnequalité du crédit. Celles-ci ont fait état d’une expo-sition minimale au marché des prêts hypothécairesà risque et à certains autres segments problémati-ques des marché de capitaux, ainsi qu’au secteuren difficulté de l’assurance d’obligations. La vola-tilité soutenue des marchés pourrait entraver larentabilité des opérations de gestion du patri-moine, mais les activités d’assurance seront vrai-semblablement à l’abri de cette menace.

Dossier

L’effet de la récente turbulencedes marchés sur la croissancedu crédit au Canada

Jim Armstrong

Depuis les premiers signes de turbulence enaoût 2007, la confiance des investisseurs à l’égarddes produits financiers structurés se trouve forte-ment ébranlée. Cette nouvelle circonspection, auCanada et partout ailleurs, fait sérieusement obsta-cle à la méthode de financement connue sous lenom de titrisation. Bon nombre de véhicules de titri-sation (souvent appelés « conduits ») ont du mal àse procurer des liquidités sur le marché du papiercommercial adossé à des actifs (PCAA), et les ban-ques qui les parrainent ont fait l’objet de pressionsafin qu’elles déclarent les actifs titrisés dans leurbilan. Par ailleurs, les banques ont dû composeravec une demande accrue de crédit de la partd’emprunteurs ayant vu leur accès aux marchés decapitaux diminuer. Nous exposons brièvement icil’importance de la titrisation comme source decrédit au Canada, ainsi que l’effet des événementsrécents sur la croissance du crédit total et du créditconsenti par les banques au Canada.

25

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Évolut ion récente et tendances

Tableau 1

Croissance trimestrielle du crédit (chiffres annualisés)

Tendanceavant lacrisea

3e trim.2007

4e trim.2007

1er trim.2008

Crédit àl’habitation 10,1 13,5 12,9 13,4

Crédit titrisé 20,3 9,6 -14,8 -5,8

TH LNH 20,5 39,4 65,4 39,6

Crédit bancaire 9,2 14,8 5,7 3,8

Crédit à laconsommation

10,0 10,7 10,2 10,0

Crédit titrisé 16,9 6,1 -9,9 -7,1

Crédit bancaire 9,0 12,8 16,5 13,5

Crédit auxentreprises

7,0 8,1 7,4 5,8

Crédit titrisé 24,2 12,4 -10,3 -8,4

Crédit bancaire 12,3 20,5 19,6 15,2

Source : Banque du Canadaa. Moyenne des taux de croissance trimestriels annualisés pour les

quatre trimestres précédents

Graphique 17Prêts titrisés en pourcentage des principaux agrégatsdu crédit

Source : Banque du Canada

1996 1998 2000 2002 2004 2006 20080

5

10

15

20

25

0

5

10

15

20

25

Prêts hypothécaires à l’habitationPrêts hypothécaires à l’habitation (à l’exclusiondes titres hypothécaires LNH)Crédit à laconsommationCrédit auxentreprises

L’importance de la titrisation au CanadaLe Graphique 17 illustre la tendance quant à lapart de crédit titrisé (prêts titrisés par des conduits)en pourcentage des trois principales catégories :crédit à l’habitation, à la consommation et auxentreprises. Ainsi, le crédit hypothécaire à l’habita-tion — particulièrement les prêts garantis en vertude la Loi nationale sur l’habitation (LNH) — est leplus titrisé, suivi non loin du crédit à la consom-mation. Dans le cas du crédit aux entreprises, on aencore relativement peu recours à la titrisation29.

L’effet des événements récentssur la croissance globale du créditLa turbulence qui secoue les marchés financiers —avec l’affaiblissement connexe de la titrisation et dufinancement axé sur le marché — n’a pas encore eud’incidence défavorable visible sur la croissanceglobale du crédit au Canada. Le Tableau 1 montrele taux d’augmentation trimestriel du crédit total,du crédit titrisé et du crédit bancaire dans chaquegrande catégorie depuis le début de la turbulence,au milieu du troisième trimestre de 2007.

La croissance du crédit hypothécaire à l’habitations’est maintenue à un rythme très soutenu (soitenviron 13 %). À cet égard, le programme destitres hypothécaires LNH (TH LNH) a tenu un rôlecrucial : sa croissance est bien supérieure depuis laturbulence (Tableau 1). La titrisation dans desconduits non régis par la LNH, en revanche, a re-culé. Comme les grandes banques ont réussi, grâceau programme TH LNH, à titriser des prêts hypo-thécaires, elles sont parvenues à freiner l’expansiondes prêts hypothécaires à l’habitation figurant àleur bilan. La hausse n’était que de 3,8 % au pre-mier trimestre de 2008. Il importe de noter quel’utilisation accrue des TH LNH visait en bonnepartie à appuyer l’émission d’Obligations hypo-thécaires du Canada.

Le Tableau 1 révèle en outre que le crédit à la con-sommation est demeuré robuste, progressant à unecadence de quelque 10 %. Il est vrai que les prêtsà la consommation regroupés dans des conduitsde titrisation ont chuté, mais les banques ont saisila balle au bond et inscrit une large part de cesprêts à leur bilan. Ainsi affichent-ils une expansion

29. Ces chiffres ne tiennent pas compte des conduits nonbancaires parrainés par des sociétés spécialisées, qui ontinvesti dans des actifs structurés novateurs, comme lestitres garantis par des créances (surtout émis à l’étranger),et qui font maintenant l’objet d’une restructuration à lasuite des négociations fructueuses menées par les princi-paux participants à l’accord de Montréal.

26

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Graphique 18Crédit bancaire au Canada

Taux de croissance en glissement annuel

0

2

4

6

8

10

12

14

0

2

4

6

8

10

12

14

2004 2005 2006 2007 2008

Source : Banque du Canada

très vigoureuse de 16,5 % au quatrième trimestrede 2007 et de 13,5 % au premier trimestre de 2008.

Le crédit total aux entreprises (la somme du créditobtenu par intermédiation et du crédit obtenu surles marchés) est resté relativement solide depuis ledébut de la turbulence, sa croissance fondamen-tale se situant entre 6 et 8 % à peu près.

Comme on l’a vu, au Canada, la titrisation nereprésente qu’une toute petite fraction du crédit totalaux entreprises. Toutefois, plus globalement, dansles conditions difficiles du crédit, la baisse depopularité du papier commercial classique (autreque le PCAA) se rapportant aux sociétés nonfinancières — de pair avec un ralentissement desémissions d’obligations, d’obligations non garan-ties, d’actions et de parts de fiducie — a amenéles banques à accroître le crédit aux entreprisesfigurant sur leur bilan à un rythme très élevé, soitd’environ 20 %, au second semestre de 2007.

Le Graphique 18 révèle que, dans ce contexte, lacroissance du crédit bancaire total au pays s’estconsidérablement accélérée depuis août 2007.

ConclusionEn somme, l’échec des programmes de titrisationprivés et la tendance à la réintermédiation qui ena découlé n’ont pas bridé sensiblement la crois-sance globale du crédit au Canada. Ce résultats’explique notamment par le fait que les banquesont accepté d’inscrire à leur bilan une fraction plusélevée du crédit à la consommation et du créditaux entreprises, alors même qu’elles parvenaient àvendre une quantité appréciable de prêts hypothé-caires à l’habitation dans le cadre du programmeTH LNH, qui a connu un essor marqué au cours decette période. Outre l’émission de TH LNH, lesbanques ont également réussi à trouver du finan-cement sur divers autres marchés (voir la sectionsur les institutions financières, à la page 21).

27

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Évolut ion récente et tendances

Graphique 19Évolution des prévisions de Consensus Economicsconcernant la croissance annuelle de l’économie mondiale*en 2008 et 2009

%

* Quarante-six pays représentant plus de 90 % du PIB mondialSource : Consensus Economics Inc.

J F M A M J J A S O N D J F M

2008 2009

2,7

2,8

2,9

3,0

3,1

3,2

3,3

3,4

3,5

3,6

2,7

2,8

2,9

3,0

3,1

3,2

3,3

3,4

3,5

3,6

20082009

A M

Graphique 20Enquête menée aux États-Unis auprès des responsablesdu crédit

Pourcentage de banques ayant signalé un durcissementde leurs critères d’octroi de prêts

-40

-20

0

20

40

60

80

100

-40

-20

0

20

40

60

80

100

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Source : Réserve fédérale

Prêts aux entreprises commerciales et industriellesPrêts hypothécaires à l’habitationPrêts hypothécaires de qualitéPrêts hypothécaires novateursPrêts hypothécaires à risque

Le contexte macrofinancier

L’évolution de la conjonctureinternationale

Les perspectives de croissance de l’économiemondiale pour 2008 ont été revues à la baissedepuis décembre 2007, car la croissance dans leséconomies avancées a décéléré plus fortementqu’escompté, tandis que dans les pays à marchéémergent — la Chine et l’Inde en tête — son rythmea été plus modéré que prévu (Graphique 19).

Selon certains signes, le ralentissement de l’activitéaux États-Unis sera vraisemblablement plus marquéet plus prolongé qu’on ne l’avait d’abord envisagé.En effet, le marché du logement s’est encore con-tracté, ce qui a des répercussions négatives surd’autres secteurs de l’économie américaine et ex-plique le resserrement additionnel des conditionsdu crédit. Les données de l’enquête d’avril 2008menée par la Réserve fédérale auprès des préposésprincipaux aux prêts révèlent un durcissement no-table des critères d’octroi des prêts aux entrepriseset aux ménages (Graphique 20). Les ventes d’habi-tations neuves et existantes poursuivent leur recul,tout comme les prix des maisons, et le stock de loge-ments invendus reste élevé par rapport à la demande(Graphique 21). La crise des prêts hypothécairesà risque aux États-Unis semble s’être propagée àcertains segments du marché du crédit commer-cial et des prêts aux entreprises, ce qui a un effetnégatif sur les bilans des institutions bancaires etaccentue les risques auxquels est exposée l’écono-mie américaine. En outre, la décélération des dé-penses de consommation et le resserrement desconditions du crédit ont entraîné une diminutiondes investissements des entreprises. La progressiondu PIB aux États-Unis sera bridée par les condi-tions du crédit, qui ne reviendront probablementpas à la normale avant les premiers mois de 2010;cependant, l’assouplissement énergique de la poli-tique monétaire dans ce pays et le programme derelance budgétaire adopté par le gouvernementaméricain devraient faire contrepoids dans unecertaine mesure.

La détérioration de la conjoncture économique etfinancière aux États-Unis devrait avoir des retom-bées notables sur les économies canadienne etmondiale. Dans leurs plus récentes projectionsconcernant les pays avancés d’outre-mer, les prévi-sionnistes du secteur privé prédisent un fort ralen-tissement de l’activité en 2008 dans la zone euroet au Royaume-Uni. De plus, la croissance atten-due au Japon a été révisée légèrement à la baisse.Ailleurs en Asie, elle devrait demeurer vigoureuse,quoique moins vive qu’on ne l’avait d’abord prévu.

28

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Graphique 21Prix de revente des logements et stock de maisons existantesaux États-Unis

Taux de variation Nombre de mois nécessairesen glissement annuel pour écouler le stock de maisons

Sources : Office of Federal Housing Enterprise Oversight, NationalAssociation of Realtors et S&P/Case-Shiller

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008-20

-15

-10

-5

0

5

10

15

20

25

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12Indice du prix des logements OFHEO (échelle de gauche)Indice du prix des logements S&P/Case-Shiller (échelle de gauche)Stock de maisons (échellede droite)

Graphique 22Taux de change du dollar américain et solde de la balancecourante des États-Unis

Base 100 de l’indice : mars 1973 En pourcentage du PIB

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 200780

85

90

95

100

105

110

115

120

-7,0

-6,5

-6,0

-5,5

-5,0

-4,5

-4,0

-3,5

-3,0

2008

Taux de change réel pondéré parles échanges (échelle de gauche)Solde de la balance courante(échelle de droite)

Sources : Bureau of Economic Analysis et Réserve fédérale

Graphique 23Écart de taux relatif aux obligations souveraines deséconomies émergentes (EMBI+)

Points de base

1998 2000 2002 2004 20060

200

400

600

800

1 000

1 200

1 400

1 600

1 800

0

200

400

600

800

1 000

1 200

1 400

1 600

1 800

2008

Source : JPMorgan Chase & Co.

Le risque d’inflation paraît s’intensifier au sein del’économie mondiale, principalement sous l’effetde la montée des prix des aliments et de l’énergie,qui a poussé l’inflation globale au-dessus du tauxcible dans beaucoup de pays. Cette situation pour-rait limiter la capacité de certaines banques centralesde recourir aux instruments de politique monétairepour neutraliser les risques que la tourmente finan-cière fait peser sur la croissance économique.

Le caractère anémique de la demande intérieureaux États-Unis et la dépréciation du billet vert quien résulte contribuent à la correction des déséqui-libres des balances courantes à l’échelle mondiale(Graphique 22). Les excédents commerciaux del’Asie et des pays exportateurs de pétrole conti-nuent toutefois d’augmenter, à la faveur des coursélevés des matières premières et des interventionseffectuées par les autorités pour soutenir leursrégimes de changes fixes.

Comme tend à le montrer le modeste élargissementdes écarts de rendement relatifs aux obligationsdes pays à marché émergent mesurés par l’indiceEMBI, ces pays affichent encore une bonne tenuecomparativement à ce que l’on avait observé lorsdes épisodes de turbulence financière précédents(Graphique 23). Leur résilience peut être attribuéeaux réformes structurelles mises en œuvre, àl’amélioration des variables macroéconomiquesfondamentales et à l’accumulation de réserves dechange considérables. Il existe néanmoins une dif-férence sous-jacente entre le rythme d’expansionrobuste et soutenu que connaissent les exportateursde produits de base que sont les pays d’Amériquelatine et la Russie, et le taux de croissance plus lentqu’enregistrent les économies émergentes d’Europeet l’Inde, où l’ampleur des pressions inflationnistesnécessite l’application d’une politique monétaireplus restrictive. Ainsi qu’on l’a mentionné dans lalivraison de décembre 2007 de la Revue du systèmefinancier, une baisse de régime de l’activité mon-diale, qui se traduirait par un affaissement de lademande d’exportations et de matières premières,demeure la principale menace pour les économiesémergentes.

Les grands facteurs de risque susceptibles de com-promettre les perspectives de l’économie mondialeen 2008 sont les perturbations des marchés decrédit, la poursuite du recul des prix des logementsdans certains pays, la possibilité d’une correctiondésordonnée des déséquilibres mondiaux et unbrusque renversement des flux de capitaux dirigésactuellement vers les marchés émergents.

Bien qu’ils soient devenus un peu plus volatils,les prix des matières premières ont continué de seraffermir depuis le début de l’année en dépit de

29

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Évolut ion récente et tendances

Graphique 24Indice des prix des produits de base de la Banque du Canada

Base 100 de l’indice : 1982-1990

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007Source : Banque du Canada

200850

100

150

200

250

300

350

400

450

500

50

100

150

200

250

300

350

400

450

500

Indice des produits énergétiquesIndice globalIndice des produits non énergétiques

Graphique 25Croissance du PIB réel au Canada

%

Source : Statistique Canada

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007-1

0

1

2

3

4

5

6

-1

0

1

2

3

4

5

6Taux de variation en glissement annuelTaux de croissance trimestriel annualisé

Graphique 26Situation financière des sociétés non financières canadiennes

% %

Sources : Statistique Canada et Banque du Canada20072000 2001 2002 2003 2004 2005 2006

-5

0

5

10

15

20

25

0,85

0,90

0,95

1,00

1,05

1,10

1,15

2008

Rendement des capitaux propres (échelle de gauche)Ratio emprunts / capitaux propres (échelle de droite)

l’agitation qui continue de secouer les marchésfinanciers et du ralentissement de l’économieaméricaine (Graphique 24). Les cours, en termesnominaux, de plusieurs produits de base (notam-ment le pétrole brut et la potasse) ont atteint dessommets sans précédent. Plusieurs facteurs expli-quent cette envolée des prix des matières premièresdepuis quelques années, dont la forte demandeémanant des pays à marché émergent, le faibleniveau des stocks — qui restreint l’offre — et ladépréciation du dollar américain. Récemment, laspéculation a aussi pu jouer un rôle à cet égard30.

L’évolution de la conjonctureau Canada

L’économie canadienneLa croissance a considérablement marqué le pasau pays à la fin de 2007 et au début de 2008,dans la foulée de la réduction de la productionmanufacturière (Graphique 25). Comme il a étéexpliqué dans le Rapport sur la politique monétaired’avril 2008, l’évolution défavorable de la conjonc-ture économique et financière aux États-Unis se ré-percutera sur l’économie canadienne, à la fois parun repli des exportations en 2008 et par l’effetmodérateur, sur la demande intérieure, du resser-rement des conditions du crédit et du recul de laconfiance. Cela dit, la demande intérieure devraitdemeurer vigoureuse au cours de la période deprojection. Parmi les risques à la baisse entourantles perspectives de l’économie canadienne, men-tionnons un fléchissement plus important queprévu des prix des matières premières (dû à lacroissance timide anticipée aux États-Unis et dansles autres pays industrialisés), qui freinerait laprogression des revenus réels et de la demandeintérieure au Canada.

Le secteur des entreprisesDans l’ensemble, la situation financière du secteurdes sociétés non financières au Canada était encoretrès solide au premier trimestre de 2008, malgré labaisse de régime de l’activité. Bien qu’il ait légère-ment diminué, le taux de rendement global descapitaux propres de ces sociétés est demeuré élevé,alors que leur ratio d’endettement est resté relati-vement bas (Graphique 26). Si la rentabilité a étéassez soutenue dans les industries productrices dematières premières et la plupart des secteurs peu

30. La spéculation provient d’une hausse de la demande dela part des investisseurs institutionnels, des fonds decouverture et des fonds directionnels, de même que del’usage croissant de produits dérivés liés aux matièrespremières.

30

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Graphique 27Indicateurs de la qualité du crédit

Écart-type %

Sources : Calculs de la Banque du Canada basés sur les donnéesde Thomson Financial Datastream, du Globe and Mail,du Financial Post et de Moody’s KMV. Le calcul del’indicateur de volatilité est fondé, avant janvier 2005, surles données du Globe and Mail et de Thomson FinancialDatastream et, par la suite, sur celles de Moody’s KMV.

1994 1996 1998 2000 2002 2004 20060

0,01

0,02

0,03

0,04

0,05

0,06

0,07

0,08

0,09

0,10

0

2

4

6

8

10

12

14

16

18

20

2008

Volatilité des rendementsdu portefeuille dessociétés canadiennes(échelle de gauche)Proportion d’entreprisesaux ratios financiersfragiles (échelle de droite)

ouverts au commerce international, elle a étébeaucoup moins élevée dans nombre de secteursfortement tributaires des exportations, dont ceuxdes produits forestiers.

La proportion d’entreprises non financières dontles ratios financiers sont fragiles demeure certesfaible, mais elle s’est légèrement inscrite en hausseen 2007 (Graphique 27)31. Les indicateurs rétros-pectifs comme le taux de faillite et les défaillancessur émissions obligataires révèlent que la qualitédu crédit des entreprises a quelque peu fléchi depuisdécembre. Les mesures plus prospectives fondéessur le marché, telles que la volatilité des rendementsdu portefeuille des sociétés canadiennes (soit l’in-dicateur de la Banque du Canada s’appuyant surl’approche des créances contingentes, ou indica-teur ACC), semblent aussi montrer que la qualitédu crédit des entreprises s’est un peu dégradée aucours des derniers mois (Graphique 27)32. Cechangement reflète la variabilité accrue des coursdes actions dans l’ensemble des sous-secteurs nonfinanciers pris en compte dans le calcul. Toutefois,cet indicateur demeure bien en deçà des sommetsatteints à la fin des années 1990 et au début desannées 2000, donnant ainsi à penser que, globale-ment, la qualité du crédit des sociétés non finan-cières se maintient à un niveau assez élevé.

Les secteurs industrielsAu quatrième trimestre de 2007 et au premier tri-mestre de 2008, le secteur canadien des produitsforestiers a enregistré des pertes, imputables auxréductions additionnelles de la production, àl’appréciation du huard, à l’évolution du marchédu logement aux États-Unis et au renchérissementconsidérable du carburant et de la fibre ligneuse.Compte tenu du resserrement des conditions ducrédit au moment où les liquidités d’un bonnombre d’entreprises sont soumises à de fortestensions, le secteur poursuit la réorganisation deses opérations et certaines entreprises restructurentleur bilan.

31. L’indicateur fondé sur les microdonnées mesure la partde l’ensemble des actifs détenue par des entreprises dontle ratio d’endettement est élevé mais dont le ratio deliquidité et la marge d’exploitation sont relativementfaibles. L’indicateur actuel repose sur des données allantjusqu’à la fin de 2007. On trouvera une descriptiondétaillée de cet indicateur dans la livraison dedécembre 2005 de la Revue du système financier (p. 39-44).

32. L’indicateur ACC mesure la volatilité des actifs, à la valeurdu marché, d’un portefeuille regroupant neuf grandssecteurs d’activité non financiers. Il se fonde actuelle-ment sur des données allant jusqu’à la fin d’avril 2008.L’indicateur ACC est exposé en détail dans la livraison dejuin 2006 de la Revue du système financier (p. 43-50).

31

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Évolut ion récente et tendances

Graphique 28Prix réels des logements au Canada*

Taux de croissance en glissement annuel

* Prix nominaux corrigés par l’IPCSources : Royal LePage, Statistique Canada et calculs de la

Banque du Canada

1985 1990 1995 2000 2005-20

-15

-10

-5

0

5

10

15

20

25

-20

-15

-10

-5

0

5

10

15

20

25

Maisons neuvesLogements existants

Graphique 29Prix réels des maisons à la revente dans quelques villes*

Taux de croissance en glissement annuel

* Prix nominaux corrigés par l’IPCSources : Royal LePage, Statistique Canada et calculs de la

Banque du Canada

1985 1990 1995 2000 2005-30

-20

-10

0

10

20

30

40

50

60

-30

-20

-10

0

10

20

30

40

50

60

CalgaryEdmontonVancouverMontréalToronto

La rentabilité de l’industrie canadienne de l’auto-mobile a elle aussi été plutôt anémique durant cettepériode, en raison de la diminution des ventes devéhicules aux États-Unis et de la baisse de la partde marché détenue par les gros véhicules, dont lavente rapporte plus. Si elle se prolonge, la chutedes ventes de voitures sur le marché américainfrappera durement l’activité du secteur automo-bile au Canada, y compris la fabrication de pièces,car environ 90 % de la production canadienne estexportée aux États-Unis.

Un repli de la rentabilité a aussi été observé dansbien d’autres industries manufacturières au Canada,en partie à cause de la poursuite de l’appréciationdu dollar canadien. Étant donné que le ralentisse-ment de l’activité économique aux États-Uniscommence à influer sur la tenue d’autres secteursque le logement et l’automobile, on peut s’attendre,à court terme, à une détérioration de la situationfinancière d’un plus grand éventail de fabricantscanadiens. De fait, certaines entreprises du vête-ment et du textile et du secteur de l’impressionéprouvent actuellement de sérieuses difficultésfinancières. L’industrie canadienne du camionnagese met elle aussi à se ressentir de la faiblesse dusecteur manufacturier et de l’ascension des prix ducarburant.

Malgré les graves problèmes auxquels sont confron-tées un certain nombre de sociétés manufacturières,il reste peu probable que ceux-ci aient un impactnotable sur le système financier canadien, puisquel’exposition directe des banques canadiennes auxsecteurs touchés demeure limitée.

Les prix des maisonsLa conjoncture du marché du logement au Canadademeure plutôt favorable, contrairement à ce qu’onobserve aux États-Unis. La progression des revenus,les faibles taux de chômage et des conditions decrédit relativement avantageuses ont continué desoutenir la montée des prix des maisons, quoiquecelle-ci ait un peu ralenti (Graphique 28). Cettedécélération a été particulièrement sensible dansles marchés ayant enregistré de très fortes majora-tions de prix au cours des deux dernières années,comme l’Alberta (Graphique 29)33. La hausseplus modérée des prix résulte de la conjonction de

33. En revanche, on note maintenant une hausse plus rapidedes prix des maisons à l’extérieur de l’Alberta, à la suite derécents mouvements migratoires (des personnes quittantl’Alberta pour s’établir ailleurs dans l’Ouest canadien) etde la détérioration de l’accessibilité à la propriété danscette province.

32

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Graphique 30Indicateurs de l’offre et de la demande de logements

Milliers Milliers

Sources : SCHL et Service inter-agences

1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006100

120

140

160

180

200

220

240

260

280

50

60

70

80

90

100

110

120

130

140Mises en chantier (moyenne mobilesur 12 mois) (échelle de gauche)Nouvelles inscriptions de maisonsexistantes (échelle de gauche)Reventes de maisons (chiffresannuels) (échelle de droite)

2008

Graphique 31Logements achevés récemment et inoccupés,en pourcentage de la population

Sources : Statistique Canada et calculs de la Banque du Canada

1994 1996 1998 2000 2002 2004 20060

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0

3,5

4,0

0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0

3,5

4,0

CanadaMontréalTorontoCalgaryVancouverEdmonton

2008

deux éléments : l’accroissement de l’offre de loge-ments et un repli de la demande, comme entémoigne la diminution des ventes de maisons(Graphique 30). Cette dernière s’explique, dumoins en partie, par la détérioration de l’accessi-bilité à la propriété.

Bien qu’elle se soit accrue, l’offre de logements auCanada ne semble pas excédentaire actuellement.Dans la plupart des villes, la proportion de loge-ments neufs inoccupés reste au-dessous desmoyennes historiques (Graphique 31), ce quidonne à penser qu’un renversement accusé etgénéralisé des prix des maisons est peu probable34.En outre, la baisse récente du nombre de permisde construction tend à montrer que l’offre de loge-ments est en train de s’ajuster au fléchissement dela demande.

Nous sommes portés à croire que les prix des mai-sons ne progresseront pas aussi rapidement àl’avenir, compte tenu de l’influence de quatrefacteurs : ralentissement anticipé de la croissanceéconomique, meilleur équilibre entre l’offre et lademande de logements, recul de la confiance desconsommateurs et baisse des intentions d’achat demaisons35. Mentionnons toutefois qu’un net replides cours des matières premières pourrait agirconsidérablement sur les prix des maisons, les fai-sant chuter dans les marchés locaux où les revenuset l’emploi dépendent grandement de l’exploita-tion des matières premières. L’effet direct sur lesecteur bancaire serait plutôt faible, puisque tou-tes les créances hypothécaires bancaires dont leratio prêt-valeur dépasse 80 % doivent être impé-rativement assurées et que les assureurs de prêtshypothécaires jouissent d’une garantie explicitede l’État. Néanmoins, comme les prêts auxménages — notamment les lignes de crédit gagéessur l’avoir propre foncier — ont contribué de façonnotable aux profits des banques depuis quelquesannées, un tassement de l’activité sur le marché dulogement aurait une incidence négative sur le sec-teur bancaire.

34. Ce qui n’exclut pas toutefois la possibilité que certainssegments des marchés locaux connaissent desdéséquilibres.

35. Le Rapport sur la rénovation et l’achat de logements publiépar la SCHL (et qu’on peut consulter à l’adressehttp://www.cmhc-schl.gc.ca/odpub/esub/65461/65461_2008_AO1.pdf) révèle que 6 % des ménages ontl’intention d’acheter, en 2008, une habitation qui leurservira de résidence principale, ce qui représente unelégère baisse par rapport à la proportion de ménagesayant effectivement procédé à un tel achat en 2007,qui est de 7 %.

33

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Évolut ion récente et tendances

Graphique 32Secteur des ménages : indicateurs de tensions financières

% %

* En pourcentage de la population âgée de 20 ans et plus** En pourcentage de l’encours des prêts hypothécaires de qualité*** En pourcentage de l’encours des prêts à la consommation**** En pourcentage de l’encours des prêts hypothécaires à risque

(moyenne des principaux prêteurs)Sources : Statistique Canada et Banque du Canada

1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 20060,24

0,26

0,28

0,30

0,32

0,34

0,36

0,38

0,40

0,42

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1,0

1,2

1,4

1,6

1,8

Faillites personnelles (échelle de gauche)*Prêts hypothécaires de qualité arriérés depuis au moins 3 mois(échelle de droite)**Prêts à la consommation arriérés depuis au moins 3 mois(échelle de droite)***Prêts hypothécaires à risque arriérés depuis au moins 3 mois(échelle de droite)****

Le marché hypothécaireL’introduction de plusieurs nouveaux produits surles marchés des prêts hypothécaires et de l’assu-rance hypothécaire depuis 2006 (prêts amortis surune plus longue période, prêts sans mise de fonds,prêts dits « à risque ») a stimulé la demande delogements au Canada et a eu pour effet d’accroîtrela vulnérabilité des ménages à l’évolution des cir-constances. Cependant, il est peu probable quel’on assiste à un effondrement du marché du loge-ment comme celui qui est survenu aux États-Unis(où les prêts hypothécaires à risque ont joué unrôle déterminant). En effet, le marché canadien desprêts hypothécaires à risque demeure modeste. Ilreprésente moins de 5 % du marché résidentiel,comparativement à 14 % aux États-Unis, et il n’apas été en butte aux excès que l’on a constatés cheznos voisins du sud36. Par conséquent, la qualitéde ce marché reste bonne, ainsi que le montrent lestaux de défaillance encore bas — quoiqu’enhausse (Graphique 32)37.

La tourmente qui secoue les marchés financiersa quand même eu quelques effets sur le marchécanadien des prêts hypothécaires à risque. Les ins-titutions qui comptent essentiellement sur la titri-sation pour financer leurs prêts hypothécaires àrisque ont été fortement touchées par le récenttarissement des liquidités : certaines ont resserréleurs conditions de prêt ou retiré certains produitshypothécaires jugés « plus risqués »; d’autres ontannoncé des pertes en fin d’année, et un petitnombre d’acteurs de moindre importance se sontpurement et simplement retirés du marché. Lesprêteurs qui s’appuient sur des dépôts pour finan-cer leurs prêts hypothécaires ont été moins affectéspar les problèmes de liquidité du marché, bienqu’ils aient vu leur coût de financement augmen-ter. Dans l’ensemble, cette évolution laisse suppo-ser que le marché des prêts hypothécaires à risqueprogressera plus lentement désormais.

La popularité récente d’innovations telles que lesprêts hypothécaires à faible mise de fonds et ceuxamortis sur une plus longue période porte à croirequ’une certaine proportion de propriétaires ontun faible avoir net foncier et seraient donc plusvulnérables à des chocs économiques négatifs. S’ilest vrai que l’incidence directe de ces chocs sur le

36. Pour plus de détails, voir l’Encadré 1 dans la livraison dedécembre 2007 de la Revue du système financier, p. 8.

37. À titre de comparaison, 14,4 % des bénéficiaires de prêtshypothécaires à risque accusaient aux États-Unis unarriéré de plus de 90 jours dans leurs paiements ou fai-saient l’objet d’une procédure de saisie au quatrième tri-mestre de 2007, contre 9,3 % au deuxième trimestre dela même année.

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Graphique 33Indicateurs de l’endettement des ménages

% %

Sources : Statistique Canada, Ipsos Reid et calculs de laBanque du Canada

1985 1990 1995 2000 2005

60

70

80

90

100

110

120

130

140

6

7

8

9

10

11

12

13

14

Ratio de la dette au revenu(échelle de gauche)Ratio du service de la dette(échelle de droite)

Tableau 2

Ménages vulnérablesa

a. Sources : Ipsos Reid et calculs de la Banque du Canadab. En pourcentage du nombre total de ménages endettésc. Nous présentons les données pour 2001 car c’est cette année-là que la part de

la dette totale détenue par les ménages vulnérables a culminé durant la périodepour laquelle des données sont disponibles (1999-2007).

Proportion deménages dont

le ratio duservice de ladette (RSD)

dépasse 40 %b

Part de ladette totaledétenue parles ménagesdont le RSD

dépasse 40 %

Moyenne 1999-2006 3,33 6,28

2001c 4,04 7,83

2006 3,13 6,17

2007 3,16 6,51

système financier serait limitée dans la mesure oùles prêts hypothécaires de ce genre sont assurés,des effets secondaires pourraient néanmoins sefaire sentir sur les institutions financières.

Le secteur des ménagesLe revenu disponible a continué de croître vigoureu-sement (2,8 % au second semestre de 2007). Maiscomme l’endettement des ménages a augmentéplus rapidement encore, le ratio de la dette au re-venu s’est à nouveau alourdi pour atteindre 131 %au quatrième trimestre de 2007 (Graphique 33).La montée des niveaux d’endettement s’est accom-pagnée d’un relèvement des taux hypothécaires, cequi a fait grimper le ratio du service de la dette de7,3 % à 7,7 % entre le deuxième et le quatrièmetrimestre de 200738.

Bien que le passif des ménages ait progressé plusrapidement que leur actif (en valeur de marché) —faisant passer le ratio de la dette à l’actif de 16,6 %au deuxième trimestre de 2007 à 17 % au quatrièmetrimestre —, leur avoir net s’est accru de 6,4 % audeuxième semestre de la même année.

Les indicateurs globaux de tension financière con-cernant le secteur des ménages donnent encoreà penser que celui-ci est en bonne santé financière(Graphique 32). Les arriérés de paiement sur lesprêts hypothécaires et les crédits à la consomma-tion se maintiennent à des niveaux historiquementbas, et le taux de faillites personnelles était restéinchangé en février 2008, à 0,33 %.

Même si, en général, les ménages canadiens jouis-sent d’une situation financière enviable, la part dela dette totale du secteur détenue par les ménagesvulnérables — à savoir ceux dont le ratio du servicede la dette dépasse 40 %39 — a augmenté légère-ment au cours de la dernière année (Tableau 2).Cette hausse laisse présager une accentuation pos-sible de la vulnérabilité de certains ménages àdes chocs économiques défavorables. Si l’on tientcompte en outre de l’éventualité que les actifsfinanciers subissent d’autres dépréciations et dunouveau ralentissement attendu de la progressiondes prix des maisons, la situation financière desménages canadiens pourrait se détériorer dansl’avenir. Cette dégradation serait plus marquée s’il

38. On estime que le taux d’emprunt effectif des ménages aaugmenté de 20 points de base environ au cours de cettepériode.

39. Les institutions financières au Canada utilisent ce seuilpour déterminer si un prêt peut être octroyé. Pour plusde détails sur les seuils de vulnérabilité, consulter lalivraison de décembre 2007 de la Revue du systèmefinancier à la page 29.

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Évolut ion récente et tendances

se produisait une forte chute des cours des matièrespremières, car une telle éventualité pourrait en-traîner une décrue des prix des maisons — dumoins sur certains marchés locaux — et s’accom-pagnerait vraisemblablement d’un resserrementdes conditions du crédit. À l’heure actuelle, toute-fois, la situation financière des ménages ne consti-tue pas une menace pour la stabilité du systèmefinancier canadien.

36

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Aspects importants de l’évolution ayantune incidence sur le système financier

a présente partie de la section « Évolutionrécente et tendances » porte sur les changementsstructurels qui touchent le système financiercanadien, sa sûreté et son efficience.

Dossier

L’émission d’obligations sécurisées

Toni Gravelle et Karen McGuinness

Des obligations sécurisées ont été émises pourla première fois par une banque canadienne enoctobre 2007. Le présent dossier passe en revue lescaractéristiques et le marché de ces titres et examinequelle pourrait être leur contribution à l’efficiencedu système financier du Canada.

Les obligations sécurisées sont des titres d’empruntnégociables émis par les banques et adossés à unpanier prédéfini de garanties ou sûretés. Pour unebonne partie d’entre elles, notamment celles quiémanent des institutions financières canadiennes,les actifs dont se compose ce panier sont des créanceshypothécaires40. Les obligations sécurisées existentdepuis longtemps en Europe continentale, où unvaste marché s’est développé pour atteindre unencours de 1,7 billion d’euros au milieu de200741, mais ce n’est que récemment que les banquescanadiennes et américaines ont fait leur entrée surce marché.

CaractéristiquesLes obligations sécurisées ont pour caractéristiquedistinctive d’offrir au titulaire, en cas d’insolvabilitéde l’émetteur, à la fois un droit de recours contrela banque émettrice et une priorité d’exigibilitésur le panier de sûretés de l’émission (par rapportaux créanciers chirographaires, qui ne bénéficient

40. Bien que ce dossier porte plus précisément sur les obli-gations garanties par des créances hypothécaires, unimportant segment du marché européen des obligationssécurisées est constitué de titres adossés à des prêts decollectivités locales.

41. Packer, Stever et Upper (2007)

L

d’aucune garantie particulière). Autrement dit, enachetant des obligations sécurisées, l’investisseuraccorde à la banque un prêt garanti. C’est pourquoices titres sont mieux notés (en général AAA) etassortis de rendements moins élevés que les obli-gations non garanties émises par la même institu-tion. Comme pour les titres adossés à des actifs,tels les titres hypothécaires, le paiement de l’intérêtet du principal est garanti par des actifs à l’abride la faillite. Toutefois, les sûretés sous-jacentesdemeurent dans le bilan de l’institution émettrice,ce qui n’est pas le cas pour les titres adossés à descréances hypothécaires42. La banque doit doncmaintenir un niveau de fonds propres (selon letype et la qualité des prêts) en rapport avec ces actifs,de sorte qu’elle ne profite pas de la réduction de lacharge en fonds propres que permettent la ventede prêts et leur retrait du bilan. Le Tableau 3 résumeles différences entre les titres adossés à des créanceshypothécaires et les obligations sécurisées.

Dernièrement, l’avènement d’un nouveau typed’obligations sécurisées, dites « structurées », apermis aux banques de pays n’ayant aucune loispécifique pour encadrer ces produits (en général,les pays à régime de common law comme le Canadaet les États-Unis) de participer à ces marchés. Dansla plupart des pays européens, les banques émet-tent des obligations sécurisées « classiques », quisont réglementées par les lois du pays où elles sontémises. Les obligations sécurisées structurées sontassorties des mêmes droits sur le panier de sûretéset sur l’institution émettrice que les obligationssécurisées classiques. Par contre, les normesqui s’y appliquent sont définies par contrat etnon par la loi43.

42. La banque doit vendre les créances hypothécaires qu’ellesouhaite titriser à un véhicule ad hoc qui se chargerad’émettre des obligations gagées sur ces créances. Cettevente lui permet de retirer ces actifs de son bilan. Ontrouvera dans Kiff (2003) des renseignements pluscomplets sur les titres adossés à des actifs.

43. Les normes portent, par exemple, sur le type d’actifsapportés en garantie, la qualité de ces actifs et le main-tien de leur qualité.

37

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Évolut ion récente et tendances

Tableau 3

Obligations sécurisées classiques et titres hypothécaires

a. Cette question est traitée dans la directive bancaire consolidée de l’Union européenne.

Obligations sécurisées Titres hypothécaires

Traitement des garantiesdans le bilan

Actifs inscrits au bilan de la banque émettrice Actifs vendus à un véhicule ad hoc et retirés du bilan dela banque émettrice

Cadre juridique des garanties Garanties à l’abri de la faillite Garanties à l’abri de la faillite (en raison de la cessionau véhicule ad hoc)

Entité responsable dupaiement des intérêtset du principal

Banque émettrice (flux garantis par les actifs mis en gage) Véhicule ad hoc (flux de trésorerie générés par les actifsacquis)

Structure de l’obligation Paiement semestriel des intérêts et remboursement duprincipal à l’échéance

Généralement, paiements mensuels; le risque depaiement anticipé se trouve pris en compte

Notation Note établie en fonction de la qualité des actifssous-jacents et de la note de la banque émettrice(principalement AAA)

Note établie en fonction de la qualité des actifssous-jacents et des rehaussements de crédit du panierde sûretés

Pondération en fonctiondu risquea

10 % dans la plupart des pays de l’Union européenne 20 % pour les titres hypothécaires assurés parFannie Mae et Freddie Mac, 50 % pour les autres titreshypothécaires

Dans la majorité des pays de l’Union européenne(UE), le ratio de fonds propres à respecter est moinsélevé pour les obligations sécurisées classiques quepour les titres hypothécaires. De plus, les limitesde concentration des actifs d’un grand nombre defonds d’investissement réglementés sont moinsrestrictives dans l’UE44 s’il s’agit d’obligations sécu-risées plutôt que d’autres instruments d’empruntde sociétés assortis d’une garantie. Enfin, les obli-gations sécurisées sont structurées sur le modèledes titres remboursables in fine, dont les intérêtssont versés semestriellement et le principal àl’échéance, tandis que, dans le cas des titres hypo-thécaires, les investisseurs touchent des intérêtsmensuels et sont exposés au risque de paiementanticipé du fait que le remboursement avantéchéance de l’un des prêts hypothécaires sous-jacents leur est habituellement imputé. Ces troiscaractéristiques sont en partie responsables de la

44. En Europe, les fonds d’investissement réglementés sontassujettis à la directive OPCVM (concernant les organis-mes de placement collectif en valeurs mobilières), quiharmonise à l’échelle de l’UE les exigences auxquellessont soumis ces fonds en matière d’organisation, degestion et de surveillance. La directive impose des règlesrelatives à la diversification et à la liquidité des fondsainsi qu’à l’utilisation de l’effet de levier, et elle dresse laliste des actifs dans lesquels les fonds peuvent investir.Les fonds visés par la directive correspondent grossomodo à ce qu’on appelle au Canada les « fondscommuns de placement ».

38

préférence accordée par les investisseurs institu-tionnels aux obligations sécurisées par rapportaux instruments de dette similaires. Cependant,comme la majeure partie des avantages associésaux obligations sécurisées classiques ne s’appli-quent pas à celles qui sont structurées, ces dernièressont en général émises à des taux d’intérêt plus élevésque les premières.

La double protection des obligations sécurisées(en tant que créances prioritaires ou de premierrang à la fois sur la banque émettrice et sur lessûretés sous-jacentes) est mise en évidence par lesdifférences dans les méthodes qu’utilisent deuxdes plus importantes agences de notation, Standard& Poor’s et Moody’s, pour évaluer le risque decrédit d’une émission d’obligations. Pour sa part,Moody’s note en premier lieu la dette de premierrang non garantie de la banque émettrice. Ensuite,compte tenu du cadre juridique ou contractuel del’obligation (qui définit la qualité des garanties)et du degré de rehaussement de crédit intégré aupanier de sûretés, elle attribue à l’obligation sécu-risée une note supérieure de plusieurs crans à cellede la dette non garantie de l’institution. De son côté,Standard & Poor’s a recours à l’approche associéeau financement structuré, qui est essentiellementla même que celle qu’elle emprunte pour noterles titres adossés à des actifs en général. La seuledifférence est que la note de la dette (non garan-tie) de l’émetteur aura une incidence sur le degré de

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Revue du système f inancier — Juin 2008

rehaussement de crédit exigé pour que l’obligationsécurisée soit notée AAA. Ainsi, une baisse de no-tation de la banque émettrice ne se répercutera pasdans la même mesure sur la note de l’obligationsécurisée : son incidence variera selon l’obligationconcernée et en fonction du cadre juridique oucontractuel de l’émission ainsi que de la qualitéglobale du panier de garanties, y compris lesrehaussements de crédit qui y sont intégrés.

L’existence d’un marché secondaire actif est unautre élément clé de l’intérêt que suscitent les obli-gations sécurisées chez les investisseurs du marchédes titres à revenu fixe, en particulier dans le seg-ment de référence. Ce segment, soit le marchédes émissions jumbo d’obligations sécurisées, estcomposé des émissions d’au moins 1 milliardd’euros et représente environ la moitié du marchétotal de ces titres. Malgré une récente baisse deliquidité liée aux turbulences des marchés finan-ciers (voir p. 13), il se classe généralement audeuxième rang des marchés obligataires européenspour ce qui est de la liquidité — derrière celui desobligations souveraines45.

Raisons de l’émission par les banquescanadiennes d’obligations sécuriséesPlusieurs facteurs concourent à stimuler l’intérêtdes banques canadiennes à l’égard de l’émissiond’obligations sécurisées. L’un des plus importantsa trait au fait que ces titres donnent aux banquesla possibilité de diversifier leurs sources de finan-cement ainsi que leurs bassins d’investisseurs enexploitant un marché principalement européen.Les obligations sécurisées aident en particulier lesbanques à élargir l’éventail des sources de fondsgarantis, tels les titres adossés à des créances hypo-thécaires assurées en vertu de la Loi nationale surl’habitation (LNH)46, auxquelles elles ont recourspour financer leurs portefeuilles de prêts hypothé-caires. Comme l’accès des banques au Programmedes Obligations hypothécaires du Canada n’est pastoujours à la hauteur de leurs besoins de finance-ment, les obligations sécurisées leur offrent unautre moyen de financer ces prêts. En outre,l’émission d’obligations sécurisées leur permetd’utiliser des créances hypothécaires qui ne seraientpas admissibles à une émission de titres LNH, etde mettre ainsi à profit une plus grande partie deleur réserve de garanties hypothécaires pour seprocurer des liquidités.

45. L’encours total des émissions jumbo d’obligations sécu-risées avoisinait 700 milliards d’euros en 2006. VoirEuropean Covered Bond Council (2007).

46. Consulter le dossier à la page 25 pour en savoir plus surla titrisation rendue possible par le programme des titreshypothécaires LNH.

Les obligations sécurisées sont particulièrementbien adaptées au financement du portefeuille deprêts hypothécaires à taux fixe des banques. Commel’indiquent Packer, Stever et Upper (2007), grâce àl’émission d’obligations sécurisées (ou d’autrestitres à taux fixe à plus long terme), les banquessont plus en mesure de faire correspondre la dura-tion de leur passif à celle de leur portefeuille deprêts hypothécaires et de gérer leur exposition aurisque de taux d’intérêt47, 48.

Les banques canadiennes peuvent aussi être incitéesà émettre des obligations sécurisées parce que cesinstruments constituent une solution potentielle-ment plus économique que l’émission de titresde créance de premier rang non garantis. C’étaitsurtout le cas avant que les tensions récentes surles marchés de crédit ne se propagent au marchéeuropéendesobligationssécurisées (Graphique 34).Lorsqu’elle est moins onéreuse, l’émission d’obli-gations sécurisées peut aider une banque à abaisserses coûts de financement et, partant, le coût deson capital. Une diminution du coût global ducapital engendre, toutes choses égales par ailleurs,une hausse des profits ou un recul des taux desprêts hypothécaires aux ménages ou les deux.Cependant, étant donné que les obligations sécu-risées constituent des créances prioritaires sur unepartie des actifs de la banque, leur émission entraîneune réduction de la réserve d’actifs auxquels pour-raient prétendre les déposants et d’autres créancierschirographaires de premier rang en cas de défail-lance de l’institution; aussi se traduit-elle par uneaugmentation du risque pour les déposants et lesdétenteurs de titres de créance non garantis. Parconséquent, l’émission d’un gros volume d’obliga-tions sécurisées pourrait avoir une incidence surla solvabilité de la banque et déboucherait vrai-semblablement sur une baisse de notation de sadette non garantie ou sur une intervention

47. Le Trésor britannique indique à ce propos que l’absenced’un marché d’obligations sécurisées au Royaume-Unia entravé l’essor des prêts hypothécaires à taux fixe delongue durée. Voir http://www.hm-treasury.gov.uk/media/F/D/consult_coveredbonds230707.pdf.

48. Les mises en pension de titres constituent pour les banquesune autre source de financement, qui est similaire du faitque la banque doit fournir un actif en nantissement duprêt (voir Morrow, 1994-1995). Comme c’est le cas pourles obligations sécurisées, ce mécanisme confère au prê-teur un droit prioritaire sur la garantie offerte. Par contre,les opérations de pension ne permettent d’obtenir quedu financement à court terme — habituellement unjour. De plus, la garantie est constituée en grande partied’obligations d’État liquides plutôt que de créances hypo-thécaires (qui ne sont pas négociables). Ces opérationsn’offrent donc pas les mêmes possibilités d’appariementdes échéances que les obligations sécurisées pour lefinancement des prêts hypothécaires.

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Évolut ion récente et tendances

Graphique 34Banque Royale : écarts relatifs aux obligations sécuriséeset aux titres de créance de premier rang*

Points de base

* Des titres à taux variable ont été substitués aux titres à taux fixeafin de rendre les données comparables.

Source : Bloomberg

0

5

10

15

20

25

30

35

40

45

50

0

5

10

15

20

25

30

35

40

45

50

Nov. Déc. Janv. Févr. Mars Avril Mai

2007 2008

Titres de créance depremier rangObligations sécurisées

quelconque de la part de l’autorité de surveillancebancaire.

Globalement, l’introduction des obligations sécu-risées au Canada devrait accroître l’efficacité et larobustesse des programmes de financement desbanques sur le marché et abaisser le coût total deleur capital (si la taille des émissions reste en deçàd’un certain plafond). Ces instruments pourraientdonc améliorer l’efficience du système financiercanadien.

Évolution des politiques au CanadaEn juin 2007, le Bureau du surintendant des insti-tutions financières (BSIF) a mené à bien unepremière étude des considérations réglementairesentourant l’émission d’obligations sécurisées parles banques canadiennes et a publié des lignesdirectrices autorisant une émission limitée de cestitres. Prenant en compte les craintes exprimées ausujet de la création par ce moyen d’une catégorieprivilégiée d’investisseurs, le BSIF a fixé la limited’émission de ce type d’obligations par une banqueà 4 % de l’actif total de l’institution49. Ce pourcen-tage représente un montant maximal de quelque95 milliards de dollars pour les six grandes banquesdu Canada, calculé par rapport à leur actif totalen 2007.

Pour fixer la limite d’émission des obligations sécu-risées, les organismes de surveillance des institutionsfinancières mettent généralement en balance, d’uncôté, les risques mentionnés plus haut auxquelsseraient exposés les déposants et, de l’autre, l’amé-lioration — avantageuse sur le plan prudentiel —de la qualité du crédit que les obligations sécuriséesprocurent aux banques sous la forme d’une dimi-nution globale des coûts de financement sur lesmarchés de gros et d’un accès élargi à des liquidités.Par exemple, l’autorité britannique de surveillancedes banques, la Financial Services Authority (FSA),estime qu’un volume d’émission correspondantà environ 20 % de l’actif total d’une institutionprésenterait vraisemblablement un risque assezélevé pour obliger la plupart des banques du paysà accroître leurs fonds propres50. D’autres pays

49. Voir les conditions imposées par le BSIF à l’adressehttp://www.osfi-bsif.gc.ca/app/DocRepository/1/fra/avis/bsif/cvbnds_f.pdf.

50. Voir http://www.fsa.gov.uk/pubs/international/cbsg_psletter.pdf pour avoir plus d’information surl’approche que suit la FSA pour superviser l’émissiond’obligations sécurisées par les banques.

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Revue du système f inancier — Juin 2008

européens (par exemple, la France) n’imposentaucune limite à l’émission d’obligations sécurisées51.

Jusqu’à maintenant, seules quelques banques cana-diennes ont émis des obligations sécurisées, libelléeseneuros, sur lemarchéeuropéen.Levolumemaximalque pourraient émettre les grandes banques cana-diennes tourne autour de 95 milliards de dollars,mais leurs émissions effectives n’atteignent à cejour que 6,7 milliards de dollars environ. Bienqu’elles soient considérées comme financièrementavantageuses comparativement à certaines autressources de financement sur les marchés, ces émis-sions ont souvent trouvé preneur à des prix infé-rieurs à ceux des émissions européennes de taillesimilaire. Cela s’explique en partie par un manquede familiarité des investisseurs, lié au fait que lesbanques canadiennes viennent de faire leur entréesur ce marché, et également par l’écart de taux entreles obligations sécurisées classiques et celles quisont structurées.

Une comparaison avec d’autres formes de finance-ment hypothécaire garanti52 fait ressortir que, aumoment de leur émission, les obligations sécuri-sées canadiennes avaient des rendements à peuprès équivalents ou légèrement inférieurs à ceuxdes titres hypothécaires LNH. Mais depuis la fin dejanvier 2008, l’écart s’est creusé par rapport à cestitres et aux autres titres de créance de premierrang non garantis, de sorte que, compte tenu destaux actuels, toute nouvelle émission d’obligationssécurisées par une banque canadienne serait un peuplus coûteuse que des titres hypothécaires LNHpour financer des prêts hypothécaires assurés.

ConclusionLes obligations sécurisées offrent aux institutionsfinancières un véhicule de financement additionnel,qui leur permet d’élargir la diversité géographiquede leurs sources de liquidités. En leur fournissant

51. Le volume des émissions d’obligations sécuriséesdes banques espagnoles est limité à 90 % des actifs« admissibles ». Les réserves d’actifs admissiblescomprennent uniquement des créances hypothécairesde premier rang, le rapport prêt-valeur ne pouvant pasdépasser 80 % dans le cas des prêts à l’habitation.D’après des données obtenues auprès d’un petit échan-tillon de banques espagnoles, la réserve de garantiesadmissibles représente à peu près 50 % du portefeuilletotal de prêts hypothécaires de ces banques.

52. Dans la plupart des pays d’Europe et dans des conditionsde marché normales, le rendement des titres hypothé-caires émis par les banques européennes est en généralsupérieur (ce qui implique un coût plus élevé) à celuides obligations sécurisées en raison notamment de leurmoins grande liquidité et d’un intérêt plus faible desinvestisseurs à leur égard.

un nouveau mécanisme de titrisation, elles devraientfaciliter l’accès des banques à des moyens definancement moins coûteux et, au bout du compte,contribuer à l’efficience générale du marché.

Ouvrages et articles citésdans les dossiersAaron, M., J. Armstrong et M. Zelmer (2007).

« La gestion des risques dans les banquescanadiennes : un survol de la question »,Revue du système financier, Banque duCanada, juin, p. 39-48.

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Rapports

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Introduction

a section « Rapports » permet d’approfondir desquestions intéressant les diverses composantesdu système financier (institutions, marchés etsystèmes de compensation et de règlement).

Le rapport intitulé Activités de surveillance me-nées par la Banque du Canada en 2007 en appli-cation de la Loi sur la compensation et le règlementdes paiements fait état des activités réalisées par laBanque au cours de l’année au regard des trois sys-tèmes désignés aux termes de la Loi (le Système detransfert de paiements de grande valeur, le CDSXet la CLS Bank). Ce rapport annuel, rédigé parWalter Engert et Dinah Maclean, passe égalementen revue les autres activités de la Banque afférentesà cette fonction.

En 2007, dans le cadre de son programme d’éva-luation du secteur financier (PESF), le Fondsmonétaire international (FMI) a actualisé sonappréciation de la solidité du système financiercanadien. Ce programme, qui est une initiativeconjointe du FMI et de la Banque mondiale, apour objet d’aider les pays membres à cerner lesfaiblesses de leur système financier et à déterminerles réformes à engager. Dans l’article intitulé Lacontribution de la Banque du Canada à la simu-lation de crise menée en 2007 dans le cadre duPESF, Don Coletti, René Lalonde, Miroslav Misina,Dirk Muir, Pierre St-Amant et David Tessier exa-minent le rôle qu’a joué la Banque du Canadadans la conception du scénario macroéconomiqueet la conduite des simulations et présentent uneévaluation indépendante des résultats communiquéspar les institutions participantes. Les auteurspassent en revue les avantages retirés de l’exerciceainsi que les difficultés qu’il a mises en évidence.Ils esquissent également des axes de recherchepour l’avenir.

La turbulence qui a secoué les marchés financiersau cours de la dernière année a fait craindre un

L

recours démesuré aux notations de crédit publiéespar les agences spécialisées dans l’évaluation de laqualité du crédit des instruments financiers et deleurs émetteurs. Dans un rapport ayant pour titreLe rôle des notations de crédit dans la gestiondu risque de crédit inhérent aux opérationsde trésorerie de l’État, Nancy Harvey etMervin Merkowsky décrivent la façon dont cesnotations sont employées par la Banque pourlimiter le risque associé à ses propres activités etaux opérations qu’elle mène pour le compte dugouvernement canadien en sa qualité d’agentfinancier de ce dernier. Bien que les notationsfassent partie intégrante du cadre de gestion durisque de crédit, la Banque se sert d’autres méca-nismes pour contenir ce risque, dont la formulationde jugements et l’acceptation de garanties. Lesauteurs font ressortir que la Banque et le gouver-nement adhèrent aux pratiques répandues sur lesmarchés en matière d’utilisation des notationsexternes tout en veillant à ne pas leur accorder unetrop grande importance.

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Activités de surveillance menéespar la Banque du Canada en 2007 enapplication de la Loi sur la compensationet le règlement des paiementsWalter Engert et Dinah Maclean

e présent rapport fait état des activités desurveillance menées par la Banque duCanada en 2007, conformément à la Loisur la compensation et le règlement des paie-

ments. Il s’agit du troisième d’une série annuellevisant à améliorer la transparence et la redditionde comptes dans le cadre des activités de la Banqueà cet égard1.

Depuis 1996, la Banque du Canada est officielle-ment responsable de la surveillance des systèmesde compensation et de règlement au pays2. La Loilui confère cette responsabilité afin qu’elle puissemaîtriser le risque systémique. Dans ce contexte,on entend par « risque systémique » la possibilitéque la défaillance d’un participant à un systèmede compensation et de règlement entraîne, de parles activités du système, la défaillance d’autres ins-titutions ou systèmes.

Un système de compensation et de règlement re-groupe divers agents du système financier à l’inté-rieur d’une structure commune (une chambre decompensation, par exemple), où ils sont inter-reliés explicitement, de sorte que le comportementde l’un d’entre eux peut avoir une incidence sur lesautres. Dans une telle structure, chaque participantest exposé à des risques et à des obligations poten-tiellement élevés, selon la façon dont le systèmeest conçu et dont les autres se comportent. Lors-qu’un système présente des lacunes de conceptionou de fonctionnement, les problèmes peuvent sepropager, par effet d’entraînement, dans l’écono-mie en général.

Conformément à la Loi, la Banque désigne les sys-tèmes de compensation et de règlement au Canada

1. Les auteurs remercient N. Arjani, M. Bonazza,N. Chande, P. Higgins, A. Lai, P. Miller, R. Murray,S. O’Connor et R. Turnbull pour leur aide.

2. Un système de compensation et de règlement est unensemble d’instruments, de procédures et de règles,doublé d’une infrastructure technique, servant au trans-fert de fonds ou d’autres actifs entre ses participants.

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dont l’exploitation pourrait générer un risque sys-témique. À condition que le ministre des Financesestime qu’il est dans l’intérêt public de le faire, lasurveillance de ces systèmes est confiée à la Banquedu Canada. Celle-ci doit alors s’assurer que les sys-tèmes ainsi désignés sont dotés des mécanismesde contrôle nécessaires pour dissiper les appré-hensions relatives au risque systémique3.

Trois systèmes ont été désignés par la Banque : leSystème de transfert de paiements de grande valeur,par lequel transitent les gros paiements libellés endollars canadiens; le CDSX, qui assure la compen-sation et le règlement des opérations sur titres; etla CLS Bank, système mondial qui prend en chargeles opérations sur devises.

Dans les sections qui suivent, nous examinons di-vers aspects des activités de surveillance de la Banquependant l’année écoulée. En 2007, les principauxsystèmes de paiement, de compensation et derèglement ont poursuivi leur évolution dans unedirection qui favorise la stabilité et l’efficience dusystème financier.

Le Système de transfert depaiements de grande valeurLe Système de transfert de paiements de grandevaleur (STPGV) appartient à l’Association cana-dienne des paiements (ACP), qui l’exploite depuisfévrier 1999. En 2007, il a traité en moyenne21 000 opérations par jour, d’une valeur de quelque185 milliards de dollars. En neuf ans d’exploita-tion, le STPGV s’est montré relativement stable,c’est-à-dire que sa conception et ses mécanismesde contrôle des risques ont subi peu de modifica-tions sensibles. Durant l’année, la Banque a toute-fois revu des changements, de nature surtout

3. On trouvera dans Engert et Maclean (2006) des préci-sions sur la stratégie utilisée par la Banque dans l’exer-cice de cette surveillance.

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Rapports

technique, apportés à cinq règles de ce système.On a, par exemple, perfectionné davantage lesmécanismes d’urgence et corrigé le fonctionne-ment de ce qu’il est convenu d’appeler la filed’attente centralisée, afin de faciliter la gestionde la liquidité4.

Pour la première fois, en 2007, le mandat de laBanque du Canada et celui de l’ACP ont été régistoute l’année par un protocole d’entente, signé ennovembre 2006. Ce protocole définit le rôle et lesresponsabilités des deux parties aux termes de laLoi et indique comment elles comptent travaillerde concert pour s’acquitter de ces responsabilités.Il est venu préciser et structurer la relation entrela Banque et l’ACP et améliorer les activités desurveillance qu’elles exercent conjointement.

Les avantages d’une relation efficace ont été misen lumière à la fin d’octobre et au début denovembre 2007. L’ACP a découvert une erreur deprogrammation à cause de laquelle, dans certainescirconstances, il pouvait théoriquement arriverqu’un paiement en attente dans le STPGV soit traitémême s’il n’avait pas été assujetti aux mécanismesde contrôle des risques du système. D’après lesdonnées disponibles et les observations ponctuelles,un tel scénario était improbable, mais il reste quele STPGV ne bénéficiait pas de tous les mécanis-mes de contrôle des risques prévus. Ce problèmeaurait pu avoir des conséquences graves.

L’ACP a réagi sans tarder et, en collaboration avecla Banque du Canada et les participants au STPGV,elle a mis en place une solution temporaire jugéeacceptable par la Banque et les participants, enattendant la solution permanente qui allait corri-ger cette erreur du système et qui a été installée le11 novembre dernier.

Aux termes du protocole d’entente conclu, le mé-canisme de surveillance concertée prend la forme,entre autres, de rencontres régulières entre lesautorités de l’ACP et la Banque. Celles-ci peuventainsi discuter de l’évolution des systèmes depaiement et envisager longtemps à l’avance leschangements éventuels à apporter au STPGV.En 2007, la Banque a tenu quatre rencontres dece genre avec les autorités de l’ACP. Elle s’est éga-lement entretenue avec le conseil d’administra-tion de l’Association.

4. La file d’attente centralisée est gérée par un algorithmequi, à intervalles fixes pendant la journée, compense defaçon multilatérale des lots de paiements mis en attente(différés).

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Le CDSXPropriété de la CDS (Services de dépôt et decompensation CDS inc.), qui est également res-ponsable de son exploitation, le CDSX assure lacompensation et le règlement des opérations surtitres au Canada. En 2007, il a traité quotidienne-ment en moyenne 520 000 opérations, d’une valeurapproximative de 250 milliards de dollars.

Toujours en 2007, la CDS a établi un lien trans-frontière avec un important système de règlementdes opérations sur titres au Royaume-Uni, exploitépar Euroclear UK and Ireland Limited (ancienne-ment connue sous le nom de CrestCo Ltd.). Grâceà ce lien, appelé Service direct à Euroclear UK, lesadhérents à la CDS peuvent régler directement lesopérations sur des titres du Royaume-Uni, ce quileur facilite la négociation de ces derniers.

En procédant à l’évaluation de ce projet, la Banques’est livrée, avec la collaboration de la CDS, àun examen approfondi du lien proposé, afin des’assurer que la création et l’exploitation de celui-ci ne présenteraient pas de risques inacceptablespour la CDS et ne compromettraient pas les méca-nismes de contrôle du CDSX. Le lien est entré enservice le 27 août.

Parmi les événements dignes de mention survenusen 2007, citons la participation de la Banque duCanada au Programme d’évaluation du secteurfinancier (PESF) du Fonds monétaire international(FMI) et de la Banque mondiale5. Ce programmesupposait une vérification systématique de laconformité du CDSX avec les normes internatio-nalement reconnues en matière de conception,d’exploitation et de surveillance réglementaire dessystèmes de règlement de titres.

Par conséquent, le FMI a procédé à une évaluationapprofondie du CDSX, conjointement avec laBanque, les organismes de réglementation provin-ciaux et la CDS, pour conclure que le système est :

solide, efficient et fiable. Son exploitationse déroule dans un cadre juridique sûr, sesfonctionnalités sont bien conçues, sesmécanismes de gestion des risques relatifsau crédit, à la liquidité et au fonctionnementdu système sont adéquats et sa structure degouvernance est efficace et transparente.[Traduction]

5. Pour en savoir plus sur cette vérification dans le cadredu PESF, on pourra consulter le site Web du FMI :http://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/2008/cr0859.pdf (en anglais seulement).

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Pour améliorer davantage le CDSX, le FMI a for-mulé diverses recommandations, dont les plusimportantes concernaient deux normes que, sui-vant l’évaluation du Fonds, le CDS n’observaitpas6. Plus précisément, le FMI a conseillé à la CDSde diversifier le risque lié au règlement des posi-tions en dollars É.-U. dans l’un de ses services,règlement aujourd’hui dévolu à une seule banqueprivée. La Banque du Canada a accepté ce méca-nisme de règlement à cause du montant relative-ment faible des pertes potentielles, mais aussi dela complexité, du risque opérationnel et des coûtssubstantiels propres aux autres possibilités envisa-geables. La Banque continuera toutefois de sur-veiller la situation et, au besoin, elle rechercherades solutions avec la CDS.

Par ailleurs, le FMI a fait savoir que, avant quela CDS ne permette le transfert au Canada de titresobtenus par l’intermédiaire de son lien avec laDepository Trust Corporation (DTC) aux États-Unis, le règlement dans ce système devrait êtredéfinitif. La DTC est l’un des grands systèmes derèglement des opérations sur titres aux États-Uniset, dans certaines circonstances, elle peut renverserune opération sur titres jusqu’à la fin de la journéeoù l’opération initiale a été effectuée. Il y a doncun risque pour les participants qui auraient déjàcédé les titres qu’on leur demanderait de rendre.

Plutôt que de reporter le transfert des titres prove-nant de la DTC au lendemain de l’opération initiale,et d’introduire ainsi des pertes d’efficience dans lemarché canadien, la CDS s’est dotée de moyensd’atténuer les risques connexes7. La Banqueconsidère que, même dans l’éventualité où de telsrenversements d’opération survenaient, la CDS estmunie de mécanismes de contrôle des risques suf-fisants pour limiter tout risque afférent. Qui plusest, une fois qu’un titre est transféré dans le CDSX,il est peu probable qu’il y ait de tels renversements.

6. Il s’agissait là des seules normes que, selon le FMI, leCDSX ne respectait pas. L’évaluation complète qu’afaite le FMI du CDSX se trouve à l’adresse http://www.imf.org/external/pubs/cat/longres.cfm?sk=21712.0(en anglais seulement).

7. L’obligation devient celle de l’adhérent à la CDS qui areçu le titre rappelé. Si l’adhérent ne respecte pas cetteobligation, la CDS a mis en place des mécanismes decrédit avec garantie, grâce auxquels elle aurait accès auxfonds nécessaires pour acquitter l’obligation ou rempla-cer le titre. Au bout du compte, toute perte connexeserait attribuée aux adhérents en vertu de règles prééta-blies, de manière à ce que la CDS soit protégée.

L’évaluation du CDSX par le FMI est venue complé-ter, de manière rigoureuse et utile, les activités desurveillance effectuées par la Banque du Canada8.

L’un des précieux aspects de ces activités de surveil-lance du CDSX a trait aux réunions bilatérales quetiennent la Banque et la CDS afin d’étudier unéventail de sujets liés à l’exploitation de ce système.Ces rencontres leur donnent l’occasion d’analyseravec rapidité et efficience toute préoccupation ouquestion concernant les changements que l’on sepropose d’apporter au CDSX. La Banque est ainsiinformée en tout début de processus des modifi-cations envisagées et, le cas échéant, elle peut ex-primer ses appréhensions à la CDS afin que celle-ci les prenne en compte dans l’élaboration deschangements. La Banque a tenu l’an dernier deuxrencontres de ce genre avec les autorités de la CDS.Outre les modifications prévues visant le CDSX, ila été question de l’évaluation que le FMI a faite dece système.

En 2007, la Banque du Canada a approuvé48 changements touchant les règles et les procé-dures régissant le CDSX.

La CLS BankLa CLS Bank assure la compensation et le règle-ment des opérations de change faisant intervenirquinze monnaies, dont le dollar canadien. Lavaleur des opérations de change qu’elle a traitéesquotidiennement en 2007 s’élève en moyenne à3,6 billions de dollars É.-U., dont 79 milliardsde dollars É.-U. pour les opérations en dollarscanadiens. À l’heure actuelle, cinq des six grandesbanques canadiennes utilisent entre autres la CLSBank pour régler leurs opérations de change.

La surveillance de la CLS Bank est exercée en col-laboration par les banques centrales émettricesdes monnaies admises dans le système, et la Réservefédérale des États-Unis assume la responsabilitépremière de la supervision (la CLS Bank est cons-tituée sous le régime de la législation américaine,et la grande majorité des opérations sur devisesfont intervenir le dollar É.-U.).

8. En 2007, la CDS a également fait l’objet d’une évalua-tion aux mains d’une entreprise privée qui examine lespratiques de garde et de gestion du risque, Thomas Murray,et elle a reçu la note AA, qui correspond à « risque globaltrès limité ». Thomas Murray n’a jamais accordé denote supérieure (l’entreprise a pourtant évalué plus de140 dépositaires de titres dans le monde, y compris laDTC, la Réserve fédérale américaine et l’ensemble dugroupe Euroclear). Les perspectives de notation sont sta-bles, c’est-à-dire que l’on ne s’attend à aucun événementsusceptible de modifier l’évaluation.

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Rapports

En 2007, la CLS Bank a proposé une série de nou-veaux services et de nouveaux produits devant êtreapprouvés par les autorités réglementaires. Elleassurerait notamment la prestation de services derèglement pour les dérivés de crédit négociés degré à gré maintenus à l’entrepôt de données sur lesopérations Deriv/SERV de la Depository Trust andClearing Corporation (DTCC), services pour les-quels la CLS Bank a remporté un appel d’offres endécembre 20069. Cet entrepôt centralise toutes lesdonnées concernant les opérations de gré à gré surles dérivés de crédit dans neuf devises admises parla CLS Bank.

Jusque-là, la CLS Bank s’était surtout efforcée d’éli-miner presque entièrement le risque de règlementassocié aux opérations de change; dans ce but, elleappliquait le principe de paiement contre paie-ment10. Or, en proposant de régler ces dérivés decrédit négociés de gré à gré, la CLS Bank s’enga-geait à régler les paiements ne nécessitant aucuneopération de change, et puisqu’il s’agit de paie-ments unilatéraux entre participants (et non del’échange de paiements caractéristique des opéra-tions de change), ils ne peuvent obéir au principede paiement contre paiement.

En évaluant cette proposition, les banques centralesresponsables de la surveillance se sont demandé sielle compromettrait la capacité de la CLS Bank derespecter les principes fondamentaux du Comitésur les systèmes de paiement et de règlement(CSPR) pour les systèmes de paiement d’importancesystémique, principes qui se trouvent à la base dela surveillance dont la CLS Bank fait l’objet11. Enoutre, les banques centrales ont envisagé les risquesde nature plus générale inhérents à l’orientationfuture de la CLS Bank et les conflits possibles avecles politiques de certaines banques centrales dansl’éventualité où la CLS Bank devait ne plus se limiterà réduire le risque de règlement lié aux opérationsde change. Par exemple, on craignait que la CLSBank devienne un système de paiement d’applica-tion générale et empiète sur le terrain des grands

9. La DTCC est une société de portefeuille américaine quifournit un ensemble de services de compensation et derèglement — y compris la compensation et le règlementdes opérations visant des titres américains — par l’entre-mise de ses six filiales.

10. Les opérations de change impliquent un échange dedevises. Suivant le principe de paiement contre paie-ment, le règlement en devises a lieu au moment où lasomme exigible est reçue. De la sorte, le risque découlantd’opérations de paiement asynchrones (le risque derèglement) disparaît.

11. On trouvera l’énoncé de ces principes à l’adressehttp://www.bis.org/publ/cpss43.pdf?noframes=1.

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systèmes nationaux; en pareil cas, il pourrait devenirdifficile pour certaines banques centrales d’assurerla surveillance de systèmes de paiement d’impor-tance systémique admettant leur monnaie.

La Banque du Canada demeure persuadée que,lorsque le groupe de surveillance examine detelles propositions, il doit s’en tenir à un critèreprimordial : la conformité avec les principes fon-damentaux du CSPR; en particulier, aucun nou-veau produit ou service offert ne doit gêner lesmécanismes mis en place pour gérer le risque derèglement des opérations de change. Si ces condi-tions sont remplies, il n’y a pas lieu de faire obs-tacle à l’évolution de la CLS Bank. Par ailleurs, ilconvient de reconnaître que des coûts fixes sub-stantiels se rattachent aux principales activités derèglement des opérations de change menées parla CLS Bank et que des produits complémentairespourraient contribuer à amortir ces coûts et favo-riser une plus grande efficience.

Quant à la proposition portant spécifiquementsur le règlement de ces dérivés de crédit négociés degré à gré, elle a été approuvée par la Réserve fédé-rale, en consultation avec les autres banques cen-trales. Par conséquent, en novembre 2007, la CLSBank s’est lancée dans le traitement des opérationsfaisant intervenir cinq des neuf devises. Elle inté-grera progressivement les opérations sur les qua-tre autres devises, dont le dollar canadien.

La CLS Bank a également reçu l’autorisation d’offrirdeux autres services : le règlement des paiementsliés aux contrats à terme n’exigeant pas la livraisonmatérielle d’une monnaie non convertible et lerèglement des primes d’option sur devises12. Lepaiement de ces instruments met en jeu une seuledevise, et non deux comme c’est le cas des opéra-tions de change habituelles.

Le groupe de surveillance des banques centrales aaussi étudié des changements aux critères d’admis-sibilité des nouvelles devises et des nouveaux

12. Les contrats à terme n’exigeant pas la livraison matérielled’une monnaie non convertible diffèrent des contrats dechange à terme habituels, car ils n’impliquent aucuntransfert de devises entre parties. À la date de règlementprévue au contrat, le gain ou la perte est calculé en fonc-tion de l’écart entre le taux de change convenu dans lecontrat et le cours au comptant ce jour-là; la partie quisubit une perte effectue un paiement comptant net àl’autre, souvent en dollars É.-U. Ces contrats serventgénéralement de protection contre le risque de changedans les marchés émergents. La prime d’option surdevises correspond au prix que l’acheteur d’un contratd’option verse contre le droit d’acheter ou de vendre, àl’avenir, une certaine devise à un prix convenu d’avance.

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adhérents. Ainsi, les critères révisés permettront lerèglement, par la CLS Bank, d’opérations portantsur des monnaies émises par des pays dont la cotede crédit est inférieure à BBB. Ces devises ne pour-ront toutefois servir à garantir une position débi-trice nette au sein du système.

La cote de crédit minimum exigée pour l’adhésionau système de règlement a également été abaisséeen deçà de la cote BBB. Il est cependant interditaux membres notés dans la catégorie spéculative dedevoir de l’argent dans le système, et ils sont tenusde régler au comptant leurs ordres de paiement.

Ces deux dernières modifications pourraient réduirele risque de règlement dans un nombre plus grandde devises et pour de plus nombreux opérateursqu’auparavant, sans pour autant compromettre lasécurité et l’efficience du service de règlement de laCLS Bank.

Enfin, pour ce qui touche à l’évolution de la stra-tégie commerciale déployée par la CSL Bank, letravail des banques centrales du groupe de sur-veillance a eu un résultat important : le renforce-ment du mécanisme de surveillance commune,qui est plus ciblé et comporte plus de ressourcesau regard de la progression de la CLS Bank.

La turbulence des marchésen août dernierLa turbulence des marchés financiers qui s’est dé-clarée en août 2007 a entraîné une augmentationdes volumes et des activités dans chacun des systè-mes désignés. Bien qu’on ait observé des haussesde volume notables dans le STPGV certains jours àla mi-août, aucun problème de capacité ne s’estfait sentir et le système a continué de fonctionnerharmonieusement. Certains participants ont tem-porairement accru leurs garanties dans le STPGVpour tenir compte de la valeur plus élevée des opé-rations traitées, elle-même attribuable à une in-tensification de l’activité sur les marchés et desopérations dans d’autres systèmes de compensa-tion et de règlement13.

L’érosion de la liquidité sur le marché du papiercommercial adossé à des actifs (PCAA) a donnélieu à une série de défaillances et de reports dansle règlement des droits de paiement relatifs à des

13. Les participants au STPGV fournissent à la Banque duCanada des garanties destinées à faciliter la gestion durisque dans le système.

titres maintenus dans le CDSX14. Le 13 août 2007,quelque 2 milliards de dollars tenus à la CDS sousforme de PCAA n’ont pu être remboursés aux in-vestisseurs à l’arrivée à échéance de ce dernier.Les émetteurs de ces effets ont alors dû en reporterl’échéance, lorsque celle-ci était prorogeable, oules laisser impayés.

En l’occurrence, la valeur du PCAA non réglé s’estchiffrée à près de 1,6 milliard de dollars; pourla tranche restante, soit 500 millions de dollars,l’échéance a été reportée. La CDS n’a été exposée àaucun risque financier du fait de ces défaillances,car elle n’exécute pas de droit de paiement au seindu CDSX, sauf si un tel droit a été financé au préa-lable par l’agent payeur de l’émetteur. Le 14 août,la CDS a pris des mesures pour aider les émetteursdes effets en souffrance et les participants détenantces titres; par exemple, elle a facilité l’interactiondirecte entre émetteurs et détenteurs, afin qu’ils entrouvent des solutions mutuellement acceptables.De même, la CDS a publié à l’intention des parti-cipants au système un bulletin quotidien les infor-mant sur les émissions de PCAA non réglées oudont l’échéance était reportée.

Devant le volume accru de transactions sur lesmarchés des changes, la capacité de traitement debon nombre de participants au marché, y comprisla CLS Bank, a été soumise à des pressions internes.La CLS Bank a sollicité deux reports d’échéance le17 août, pour des opérations en dollars austra-liens et en won coréens. Les 16 et 17 août, le volumedes ordres de transactions reçus a atteint un som-met, d’où le nombre particulièrement élevé derèglements effectués les 20 et 21 août, jours où lesvolumes ont enregistré un record à la CLS Bank.Malgré tout, pour ces deux dates, aucun retard n’aété constaté dans les activités de règlement et dedépôt de garanties. Après le mois d’août, la CLSBank a connu d’autres jours de très forts volumes,notamment le 13 novembre, où plus de 1,4 millionde paiements (en comptant les deux volets desopérations de change) ont été traités. Les opérationsde règlement se sont déroulées sans problème tousces jours-là, en dépit des volumes importants.

14. Les droits de paiement comprennent les dividendes,les intérêts, les paiements consécutifs à la vente ou àl’échéance de titres, ainsi que d’autres paiements ouremboursements aux détenteurs de titres. Ils peuventêtre exécutés en espèces ou en nature, sous forme detitres ou d’autres biens.

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Rapports

Bref, les grands systèmes de paiement, de compen-sation et de règlement ont bien fonctionné pendantla période de turbulence qui a secoué les marchésen 2007.

Autres activités liéesà la surveillance

L’ACP et diverses questionstouchant les systèmes de paiement

En 2007, l’ACP a amorcé un examen stratégiquedu STPGV; de manière plus générale, elle travailleà l’élaboration d’une stratégie à long terme pourencadrer l’évolution du système de paiement auCanada, compte tenu des besoins changeants etdes perspectives d’avenir. Pareille planificationpeut orienter utilement la réflexion sur les enjeuximportants pour la stabilité et l’efficience du systèmefinancier canadien. À la faveur de la consultationavec l’ACP sur ces questions, la Banque a entreprisavec cet organisme de multiplier les échanges por-tant sur leurs travaux respectifs de recherche etd’analyse.

Conformément au cadre réglementaire régissantle Système automatisé de compensation et de rè-glement (SACR), le ministère fédéral des Financesconsulte régulièrement la Banque au sujet desmodifications proposées aux règles et d’autresfacteurs qui touchent ce système15. Au cours del’année, la Banque a revu neuf modifications desrègles et des règlements qui s’appliquent au SACR.

Plus globalement, pour faciliter la collaborationentre la Banque et le ministère des Finances relati-vement aux questions de paiement, y comprisl’évolution générale des politiques concernant lessystèmes de paiement, de compensation et de rè-glement, des hauts dirigeants et des fonctionnairesde niveau opérationnel se rencontrent chaque tri-mestre pour échanger des renseignements et lerésultat de leurs analyses. Au nombre des sujetsabordés en 2007, citons le plan stratégique àmoyen terme de l’ACP, les effets de la turbulencedes marchés financiers sur les grands systèmes de

15. Appartenant à l’ACP et exploité par elle, le SACR traiteles paiements qui ne sont pas pris en charge par leSTPGV; il s’agit habituellement d’effets de valeur plusmodeste, comme les chèques de papier, les paiementsélectroniques de factures et les transactions par carte dedébit. La surveillance du SACR est assurée par le minis-tère fédéral des Finances.

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paiement et les travaux liés au Programme d’éva-luation du secteur financier du FMI.

Les comités et groupes de travailréunissant les banques centrales

La Banque siège activement au Comité sur lessystèmes de paiement et de règlement (CSPR). Cecomité réunit des banques centrales chargées d’éta-blir conjointement les normes qui orienteront lespolitiques de surveillance à l’échelle mondiale. Ileffectue également des analyses et des recherchessur des sujets se rapportant aux systèmes de com-pensation et de règlement. (Pour de plus amplesrenseignements sur le CSPR, consulter le site Webde la Banque des Règlements Internationaux, àl’adresse http://www.bis.org/cpss/index.htm.)

En 2007, le personnel de la Banque a aussi pleine-ment participé à deux groupes de travail formés parle CSPR. L’un d’eux a publié en juillet un rapportconsultatif à propos d’une enquête mondiale me-née en 2006 auprès de grandes banques internatio-nales sur leurs pratiques de gestion du risque derèglement découlant des opérations de change.Selon les résultats, la CLS Bank a servi au règlementd’obligations dont la valeur représente 55 % dela valeur totale des obligations de règlement viséespar l’enquête; elle a donc contribué largement à laréduction du risque lié aux opérations de change16.L’enquête révèle en outre qu’il est possible de réduireencore davantage ce risque en recourant plusfréquemment aux méthodes de paiement contrepaiement (appliquées par la CLS Bank) et aux dis-positifs de compensation bilatérale; dans certainscas, il suffit de mieux mesurer et de mieux maîtriserle risque de règlement. Le CSPR devrait publier sonrapport final à la mi-2008.

Un deuxième groupe de travail a été chargé d’ana-lyser les liens d’interdépendance unissant les sys-tèmes de paiement et de règlement de titres dansles pays représentés au sein du CSPR, ainsi que lerôle possible de ces liens dans la transmission durisque entre systèmes et entre pays. Les travaux dugroupe mettent en lumière le fait que, à l’échellemondiale, il existe une dépendance croissanteentre les systèmes de paiement et de règlement.La tendance s’explique en partie par l’étroitessegrandissante des liens directs entre les systèmes, demême que par les relations indirectes découlant

16. Les résultats concernant les banques canadiennes quiont pris part à l’enquête sont résumés dans Arjani (2007).

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Revue du système f inancier — Juin 2008

des activités de grandes institutions financières etdu recours à des fournisseurs de services externescommuns.

Bien que ces relations aient affermi l’infrastructuremondiale en abaissant les coûts et en diversifiantles risques, elles posent des défis en accentuant ledanger que les perturbations se répandent rapide-ment et un peu partout. L’interdépendance crois-sante des systèmes de paiement et de règlementexige donc que la gestion des risques soit envisagéeglobalement et assurée conjointement par les par-ties intéressées. De surcroît, les mécanismes degestion des risques doivent être proportionnels aurôle du système, de l’institution ou du fournisseurde services à l’intérieur de l’infrastructure mon-diale. Le groupe de travail examinera en 2008 lesimplications plus spécifiques pour les politiquespubliques.

La SWIFT

Par ailleurs, la Banque participe toujours à la sur-veillance commune de la Society for WorldwideInterbank Financial Telecommunication (SWIFT).La SWIFT est le principal fournisseur de servicesde messagerie de paiements pour les institutionsfinancières du monde entier et les systèmes criti-ques tels que le STPGV et la CLS Bank. Ce groupede surveillance conjointe observe et évalue lamesure dans laquelle la SWIFT maintient desmécanismes de gouvernance et de gestion des ris-ques, des processus opérationnels et des contrôlespropres à lever les inquiétudes au sujet de la stabi-lité financière.

La planification de la continuitédes opérations

La Banque du Canada collabore avec les exploitantset les acteurs des systèmes canadiens de compen-sation et de règlement d’importance systémiqueen vue de perfectionner les processus de continuitédes opérations. Ces systèmes sont au cœur du sys-tème financier canadien, et la moindre défaillancede leur part pourrait avoir de lourdes conséquencessur l’ensemble de l’économie.

L’une des principales conclusions auxquelles estparvenu, en 2006, le groupe de travail multilatéralsur la planification de la continuité des opérationstenait à l’importance d’obtenir, auprès des orga-nismes fédéraux et provinciaux responsables dela gestion des situations d’urgence, la primautéd’accès des principaux systèmes de compensationet de règlement (Goodlet, 2007). Une telle pri-mauté d’accès des systèmes de compensation et derèglement d’importance systémique aux ressources

essentielles à leur exploitation — électricité, car-burant diesel, services municipaux — en situationd’urgence constitue un élément déterminant pourla pérennité de ces systèmes et le résultat des effortsde planification de la Banque en ce domaine.

En 2007, la Banque du Canada et d’autres orga-nismes ont continué d’assurer le suivi de ces recom-mandations. En particulier, la Banque, le ministèredes Finances et les exploitants de système travaillentde concert avec la province de l’Ontario pour quel’ensemble des systèmes de compensation et de rè-glement importants obtienne la primauté d’accès.

La Banque s’est aussi consacrée pendant l’annéeà l’amélioration de ses propres mécanismes depoursuite des activités. Elle a effectué deux essaisdu plan antisinistre en cas de défaillance des systè-mes informatiques, dans des conditions simulantune forte perturbation de son fonctionnement.Les essais ont donné des résultats satisfaisants, etla Banque a réussi à respecter les délais de reprisevisés. De plus, un exercice général de rétablisse-ment des opérations à l’échelle de l’institutions’est déroulé au site de relève de la Banque, la-quelle en a tiré des enseignements utiles à l’élabo-ration de son plan de continuité des opérations.

Le Système bancaire à hautedisponibilité

Comme on l’a vu dans le rapport de l’an dernier(Goodlet, 2007), la Banque du Canada demeurerésolue à renforcer sa capacité de fournir ses servicesparticuliers aux principaux systèmes de compensa-tion et de règlement et aux institutions financièresau moyen d’un système à haute disponibilité.

En 2007, des progrès considérables ont été réalisésdans le programme pluriannuel de renouvelle-ment d’un système à haute disponibilité pour laprestation de ces services bancaires. On s’attendà ce que les dernières étapes et les mises à l’essaifinales se poursuivent en 2008 et que le nouveausystème soit mis en place à l’automne de cette année.

Travaux publiés en 2007Voici la liste des travaux de recherche sur les systèmesde compensation et de règlement effectués par lepersonnel de la Banque et publiés en 2007.

• Arjani, N., et W. Engert (2007). « Le Systèmede transfert de paiements de grande valeur :aperçu de quelques travaux de recherchemenés à la Banque du Canada », Revue de laBanque du Canada, printemps, p. 33-44.

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Rapports

• Ball, D., et W. Engert (2007). UnanticipatedDefaults and Losses in Canada’s Large-ValuePayments System, Revisited, document d’analyseno 2007-5, Banque du Canada.

• Chapman, J. T. E., et A. Martin (2007).Rediscounting Under Aggregate Risk with MoralHazard, document de travail no 2007-51,Banque du Canada. Un résumé de cette étudea été publié dans la livraison de décembre2007 de la Revue du système financier, sous letitre « L’octroi de liquidités par les banquescentrales en contexte d’asymétrie del’information ».

• Chiu, J., et A. Lai (2007). Modelling PaymentsSystems: A Review of the Literature, document detravail no 2007-28, Banque du Canada. Unrésumé de cette étude a été publié dans lalivraison de juin 2007 de la Revue du systèmefinancier, sous le titre « La modélisationdes systèmes de paiement : survol de lalittérature ».

BibliographieArjani, N. (2007). « La gestion du risque de règle-

ment des opérations de change dans lesbanques canadiennes », Revue du systèmefinancier, Banque du Canada, décembre,p. 73-80.

Engert, W., et D. Maclean (2006). « Le rôle dela Banque du Canada dans la surveillancedes systèmes de compensation et derèglement », Revue du système financier,Banque du Canada, juin, p. 55-62.

Goodlet, C. (2007). « Activités de surveillancemenées par la Banque du Canada en 2006en application de la Loi sur la compensation etle règlement des paiements », Revue du systèmefinancier, Banque du Canada, juin, p. 33-37.

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Revue du système f inancier — Juin 2008

La contribution de la Banque du Canadaà la simulation de crise menée en 2007dans le cadre du PESFDon Coletti, René Lalonde, Miroslav Misina, Dirk Muir, Pierre St-Amantet David Tessier

n 2007, dans le cadre de son programmed’évaluation du secteur financier (PESF),le Fonds monétaire international (FMI) aactualisé son appréciation de la solidité du

systèmefinanciercanadien,aumoyenprincipalementd’une simulation de crise macroéconomique(voir l’Encadré 1). La Banque du Canada a pilotéles efforts d’élaboration et de mise en œuvre del’exercice de simulation ainsi que l’évaluation desrésultats. Dans le présent rapport, nous décrivonsle rôle joué par la Banque dans cet exercice et pré-sentons les principaux résultats et enseignementsauxquels celui-ci a abouti1.

Le cadre généralLes simulations de crise visent à tester la résilienced’un segment du système financier face à des évé-nements « peu fréquents mais plausibles » qui ontdéjà donné lieu à des vulnérabilités ou pourraienten créer à l’avenir. Les événements pris en comptedans une simulation de crise macroéconomiqueconsistent en divers chocs qui touchent l’ensemblede l’économie et sont assemblés (généralement àl’aide d’un modèle) de manière à former un scénariomacroéconomique. L’objectif recherché est d’estimerl’incidence du scénario en question sur un grouped’institutions financières.

Il existe fondamentalement deux approches pourmener une simulation de crise macroéconomique :

1. l’approche ascendante, où les institutions par-ticipantes évaluent les effets d’un scénario decrise donné sur leur portefeuille et transmet-tent les résultats obtenus aux autorités, qui lesréunissent et les interprètent;

2. l’approche descendante, où les autorités ana-lysent en bloc les effets du scénario de crisesur les institutions participantes et se serventdes conclusions auxquelles elles parviennent

1. On trouvera dans Coletti et autres (à paraître) une ana-lyse plus détaillée de cet examen.

E

dans leurs discussions ultérieures avec chacunede ces institutions.

Deux points ont été précisés préalablement à latenue de l’évaluation actualisée du PESF pour leCanada : l’approche ascendante serait retenue, etla simulation ciblerait le portefeuille de prêts desbanques participantes. La Banque du Canada ajoué un rôle multiple dans cet exercice, présidant :

• à la mise au point du scénario macro-économique, pour lequel elle s’est servied’un modèle interne;

• à la modélisation de la relation entre les varia-bles macroéconomiques et les taux de défail-lance dans le segment des entreprises et celuides ménages (taux que les institutions ontutilisés dans la simulation de leurs pertes surprêts);

• à la conduite d’une évaluation indépendantedes pertes potentielles afin de vérifier l’exacti-tude des résultats communiqués individuelle-ment par les banques2.

Dans la suite du présent article, nous examinonsces points plus à fond en exposant les grandes lignesdu scénario de crise élaboré, la méthode utiliséepour relier les taux de défaillance aux variablesmacroéconomiques et les résultats de la simula-tion. En dernier lieu, nous résumons ces résultats,formulons quelques réflexions sur les leçons tiréeset cernons les domaines nécessitant une rechercheplus approfondie.

Le scénario macroéconomiqueEn 2006, lors des préparatifs, il a été convenu quela prémisse du scénario envisagé serait une correc-tion désordonnée des déséquilibres mondiaux

2. Le FMI a effectué sa propre évaluation indépendante,dont les résultats ont été publiés dans le rapportd’évaluation rédigé dans le cadre du PESF et reproduità l’adresse http://www.imf.org/external/pubs/cat/longres.cfm?sk=21710.0.

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Rapports

provoquée par une révision à la baisse de la crois-sance attendue de la productivité aux États-Unis.Les conséquences des chocs devaient être observéessur une période de deux ans, commençant au pre-mier trimestre de 2007.

Ce scénario s’inspirait des sommets historiquesenregistrés chez nos voisins du sud par la croissancetendancielle de la productivité du travail durant ladeuxième moitié des années 1990 et le début de laprésente décennie3. À cette époque, aux États-Unis,l’augmentation à long terme attendue de la pro-ductivité du travail était constamment revue à lahausse; elle a atteint 2 % et même davantage, ce

3. Ce scénario macroéconomique a été conçu à l’aide dumodèle BOC-GEM de la Banque du Canada (Lalonde etMuir, 2007), qui constitue une variante du modèle del’économie mondiale GEM, élaboré par le FMI (Faruqeeet autres, 2007).

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qui a fait grimper les rendements anticipés desplacements américains et, par le fait même, lademande d’investissement, les entrées de capitauxet la valeur de la monnaie de ce pays. De plus, lahausse prévue du revenu permanent a donné lieuà un accroissement de la consommation et à unechute du taux d’épargne. À leur tour, ces facteursont provoqué une montée des importations et uneaggravation du déficit de la balance courante amé-ricaine (Ferguson, 2005).

La simulation s’appuie sur l’hypothèse d’une fortecorrection à la baisse du taux d’augmentationannuel anticipé de la productivité du travail auxÉtats-Unis, qui ne s’établirait plus qu’à 1,1 %,au lieu de 2 %, pour les dix années à venir. Ladiminution consécutive du rythme d’expansionpermanent du revenu et des rendements attendusentraîne un repli de la demande qui neutralise lefléchissement de la croissance de la capacité de

Encadré 1

Principales conclusions de l’évaluation actualisée menéepar le FMI dans le cadre du PESF

Le Programme d’évaluation du secteur financier (PESF)est une initiative conjointe du Fonds monétaire inter-national (FMI) et de la Banque mondiale, lancée en1999, qui a pour but de fournir aux pays membresune évaluation approfondie de la stabilité de leursystème financier. Le Canada s’est soumis à un tel exa-men au moment de la mise à l’essai du Programme, en1999-2000. En septembre 2006, les autorités cana-diennes ont officiellement demandé au FMI d’ausculterà nouveau le système financier national dans le cadredu PESF.

L’évaluation actualisée visait à mesurer le respect par leCanada des normes et des codes internationalement re-connus en matière de réglementation financière, ciblantnotamment sa conformité aux Principes fondamentauxrévisés de Bâle pour un contrôle bancaire efficace. Parcette mise à jour, le FMI cherchait également à estimer,à l’aide d’une simulation de crise, la capacité du systèmefinancier canadien d’absorber divers chocs économiqueset financiers défavorables.

On peut consulter la version anglaise intégrale du rapportde mission du FMI à l’adresse http://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/2008/cr0860.pdf. De façon globale,le Fonds parvient à la conclusion que le système finan-cier du Canada est pleinement développé, très évoluéet bien administré. Il précise que de saines politiquesmacroéconomiques et un cadre de contrôle et deréglementation prudentielle robuste sous-tendent lastabilité financière; en outre, l’assurance-dépôts et les

mécanismes de gestion des crises et de résolution desdéfaillances lui paraissent bien conçus.

De l’avis du Fonds, la simulation de crise a révélé queles grandes banques canadiennes peuvent résister à deschocs d’envergure. Bien que le niveau de capital chuteen deçà du minimum réglementaire dans le scénarioappliqué, il demeure suffisant. Le système bancairesemble donc solide, mais il est confronté à d’impor-tants défis. Le FMI attire notamment l’attention surles perturbations financières qui ont marqué la scènemondiale depuis le milieu de 2007 et qui ont mis enévidence le risque informationnel et le risque de liqui-dité associés aux produits financiers structurés devenuspopulaires auprès des banques canadiennes au coursdes dernières années.

Par ailleurs, le FMI constate que le CDSX, le système derèglement des titres exploité par les Services de dépôt etde compensation CDS inc., est solide, efficient et fiable,et qu’il est conforme à presque toutes les recommanda-tions concernant de tels systèmes. Il conclut aussi aurespect par le Canada des quatre principes fondamen-taux révisés de Bâle pour un contrôle bancaire efficaceet estime que le cadre de réglementation des marchéscanadiens des valeurs mobilières tient compte, sur laplupart des plans, des objectifs et des principes énoncéspar l’Organisation internationale des commissions devaleurs. Il signale toutefois que le Canada tirerait cer-tains avantages de l’adoption d’un organisme uniquede réglementation des valeurs mobilières.

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Tableau 1

Résultats de la simulation d’une crise macroéconomique(2007T1-2009T1)a

a. Les taux de variation sont calculés de premier trimestre en premiertrimestre.

2007T1 2008T1 2009T1

États-Unis

Croissance tendanciellede la productivité du travail

1,9 0,9 1,1

Croissance du PIB 2,2 -6,2 3,2

Taux de chômage 4,5 7,7 8,0

Inflation hors alimentation et énergie 2,3 -2,0 -0,7

Indice des prix réels des produits de base(en $ É.-U. ; base 100 de l’indice : 1997)

194 180 177

Taux de change effectif réel(+ = dépréciation)

1,06 1,19 1,18

Taux des fonds fédéraux 5,3 0,7 2,1

Taux des obligations d’État à cinq ans 5,1 3,2 4,1

Taux des prêts à moyen termeaux entreprises

7,6 8,4 7,7

Canada

Croissance tendanciellede la productivité du travail

1,1 0,5 0,8

Croissance du PIB 1,9 -4,3 2,0

Taux de chômage 6,2 8,0 9,4

Inflation mesurée par l’indicede référence

2,2 -0,6 0,3

Taux de change bilatéral réel du dollaraméricain (+ = dépréciation)

1,15 1,05 1,08

Taux cible du financement à un jour 4,2 0,2 1,0

Taux des obligations d’État à cinq ans 4,4 1,9 2,6

Taux des prêts à moyen termeaux entreprises

5,0 4,0 3,8

production. On suppose également que l’incerti-tude accrue au sujet de l’évolution économiquemine la confiance des ménages et des entreprises,ce qui se traduit par une réduction des dépenses deconsommation et d’investissement. Selon notrehypothèse, ce surcroît d’incertitude incite aussi lesétrangers à liquider leurs actifs libellés en dollarsÉ.-U., d’où une vive dépréciation de cette devise.La détérioration du bilan des ménages et des en-treprises qui en résulte entraîne une forte majora-tion des primes de risque financier, laquelle vientamplifier le ralentissement de l’activité4.

Le scénario postule également une baisse du tauxd’accroissement annuel de la productivité dutravail au Canada, qui passe de 1,5 % à environ0,8 % pour les dix années qui suivent. Une dété-rioration de la confiance des consommateurs etdes entreprises — quoique moins prononcée quecelle observée aux États-Unis — est aussi prévue.Enfin, les primes incorporées aux taux d’intérêt exi-gés par les banques commerciales s’inscrivent enhausse dans la foulée du tassement de l’économie,ce qui freine encore plus la croissance du PIBcanadien5.

Ensemble, ces chocs sont considérables par rapportà ceux qui se sont produits dans le passé. Commel’illustre le Tableau 1, ils se traduisent par des tauxd’intérêt réels élevés sur les prêts à la consomma-tion et les prêts aux entreprises et par un très fortrecul de l’activité aux États-Unis. Ce dernier dépassemême en gravité celui de 1981-1982, le taux decroissance du PIB réel américain touchant uncreux de -6,2 %, en glissement annuel, au premiertrimestre de 2008. À cause de la faiblesse de lademande globale dans ce pays, les conditions dumarché du travail se dégradent et le taux dechômage culmine à quelque 8,5 % au milieu dela même année.

4. Nous posons comme hypothèse que la prime de risque(soit la différence entre le taux des prêts à moyen termeaux entreprises et le taux des obligations à cinq ans dugouvernement américain) s’accroît pour atteindre desniveaux inégalés au début de 2007 (point de départ duscénario de crise). Notre analyse suppose aussi un élar-gissement des écarts entre les taux de ces titres d’État etceux des prêts à la consommation.

5. En supposant que l’écart entre le taux des prêts à moyenterme aux entreprises et le taux des obligations à cinqans du gouvernement canadien se hisse à des sommetshistoriques. De tels niveaux n’ont été observés au Canadaque dans 2 % des cas environ sur toute la période 1980-2006. Le taux des prêts à moyen terme aux entreprisesest établi en fonction du rendement des obligationsémises par les firmes notées A, soit la note médianeaccordée aux émetteurs privés canadiens. Une haussesimilaire des écarts concernant les prêts à la consom-mation est aussi postulée.

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Rapports

La récession de l’économie américaine, l’apprécia-tion réelle du dollar canadien par rapport au billetvert, la chute des cours mondiaux des produits debase, la révision à la baisse du taux de croissancetendanciel de la productivité du travail, la perte deconfiance des consommateurs et des entreprises etl’augmentation des primes de risque financier sesoldent par une contraction marquée de l’activitéau Canada en 2007 (Tableau 1). La perte cumula-tive de production imputable à la récession décou-lant du scénario de crise dépasse du tiers environcelle qui a été enregistrée en 1990-1991, malgrél’assouplissement prononcé de la politique moné-taire prévu dans ce scénario.

En conséquence, l’inflation mesurée par l’indicede référence diminue tout au long de 2008; elleremonte graduellement en 2009 et retourne à lacible de 2 % avant la fin de 2010. Les taux direc-teurs canadiens se replient rapidement pour sechiffrer à 0,25 % au début de 2008 et demeurenttrès bas pendant plusieurs années. Les fortes réduc-tions apportées aux taux directeurs, conformémentau cadre de conduite de la politique monétaireau Canada, contribuent grandement à atténuer leseffets des chocs défavorables sur l’économie dupays. Dans leur sillage, le taux des prêts à cinq ansaux entreprises fléchit même au début de 2007, endépit du relèvement substantiel de la prime derisque qui leur est intégrée. Le niveau relativementbas des taux d’intérêt intérieurs au moment où lacroissance du PIB est anémique est le trait qui dis-tingue les perspectives macroéconomiques de cescénario de la situation vécue au début des années1990.

Modélisation de la relation entreles taux de défaillance et lesvariables macroéconomiques6

Par la modélisation des taux de défaillance secto-riels, nous cherchions à mettre en lumière les fac-teurs systémiques qui influent sur les taux dedéfaillance dans l’ensemble des secteurs. Nousfaisons l’hypothèse que ces facteurs sont liés àla tenue générale de l’économie. Le jeu initial devariables explicatives comprend le taux de crois-sance du PIB canadien, le taux de chômage, le tauxd’intérêt des prêts à moyen terme aux entrepriseset le ratio crédit/PIB. Le profil d’évolution de cesvariables en période de crise est tiré du scénariomacroéconomique simulé.

6. Pour en savoir plus sur les aspects techniques de lamodélisation, voir Misina et Tessier (2007).

58

Les variables dépendantes sont les taux de défail-lance sectoriels. Vu l’absence à leur sujet de longuesséries temporelles portant sur un large éventaild’entreprises canadiennes, il a fallu construire denouvelles mesures sur la base des taux de faillitesectoriels et d’autres informations disponibles. Lesséries ainsi obtenues vont du premier trimestre de1988 au quatrième trimestre de 2005.

Les équations de régression sectorielles incluentdes termes non linéaires, qui nous semblent indis-pensables pour comprendre le comportement destaux de défaillance au voisinage de leurs valeursextrêmes (voir Misina et Tessier, 2007). Sans eux,même les chocs macroéconomiques les plus im-portants n’ont qu’une incidence très limitée sur lestaux de défaillance.

Les résultats des simulations sont résumés auTableau 2. Y sont également reproduits les taux dedéfaillance maximaux enregistrés dans le passé etles valeurs estimées à partir de la spécification nonlinéaire7. Celles-ci s’établissent en moyenne prèsdes sommets historiques. Il est à noter que lesvaleurs de départ utilisées dans les simulationsont été augmentées de façon arbitraire de un quartde l’écart-type, le FMI étant d’avis que l’ampleurdes réactions simulées devrait être supérieure àcelle que génèrent les modèles usuels de taux dedéfaillance8.

Pour calculer les pertes dans le scénario de crisesimulé, nous devons connaître non seulement letaux de défaillance, mais aussi l’exposition au ris-que des institutions concernées et le taux de perteen cas de défaut. Les données relatives au montantdes prêts sont celles du quatrième trimestre de2006, soit les plus récentes dont nous disposionsau moment de la simulation.

7. Les secteurs examinés étaient l’hébergement, l’agricul-ture, la construction, la fabrication, le commerce dedétail et le commerce de gros dans le cas des entreprises,et les prêts hypothécaires dans le cas des ménages. Lessecteurs pour lesquels le taux de défaillance n’avait pasété défini ont été soit englobés dans l’un des secteursprécités, soit classés dans une catégorie à part à laquelleétait attribué le taux de défaillance moyen des autres sec-teurs. Les banques ont appliqué l’une ou l’autre de cesdeux méthodes dans l’exécution de leurs simulations.

8. Le taux de défaillance calculé pour un secteur donné estfonction de la configuration particulière des variablesmacroéconomiques dans l’équation de régression secto-rielle pertinente. Lors de la récession survenue au débutdes années 1990, les taux d’intérêt ont amplementdépassé le niveau postulé dans notre scénario. Dans lecas des secteurs sensibles à l’évolution du loyer del’argent tels que le commerce de détail et les prêts hypo-thécaires, la conjoncture est donc plus favorable dans lescénario retenu qu’elle l’était à cette époque. C’est ce quiexplique que les taux de défaillance obtenus soient infé-rieurs à leurs sommets historiques.

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Tableau 2

Taux de défaillance maximaux (simulés et réels)

Tauxmaximalobservé(date)

Tauxmaximalselon le

modèle de laBanque(date)

Tauxmaximalselon lescénariode réfé-rence

Taux maximalselon le

scénario oùles valeurs dedépart sont

augmentées deun quart del’écart-type

Hébergement 7,58(1992T1)

6,26(1992T1)

12,3 13,75

Agriculture 0,83(1992T4)

0,78(1992T1)

1,37 1,61

Construction 3,27(1992T4)

3,61(1991T2)

5,63 6,38

Fabrication 8,28(1992T1)

8,36(1992T2)

11,1 12,22

Commercede détail

5,31(1992T1)

5,17(1992T2)

3,76 4,31

Commercede gros

4,63(1992T1)

4,73(1992T2)

6,58 7,42

Prêtshypothécaires

0,63(1996T4)

0,59(1996T3)

0,55 0,57

Il existe très peu d’information concernant le tauxde perte en cas de défaut au Canada. On peut enobtenir une estimation grossière en utilisant le ratioestimatif de l’actif au passif au moment de la faillite(ces données sont fournies par le Bureau du surin-tendant des faillites). Dans le cas des entreprises,ce ratio s’est établi à 0,35 en moyenne sur l’ensem-ble de la période 1988-2006, ce qui correspond àun taux de recouvrement anticipé de 35 % ou,inversement, à un taux de perte en cas de défaut de65 %. Comme la faillite représente le stade ultimede la dégradation de la situation d’une entrepriseet que la plupart des pertes sont liées à des défautsde paiement des intérêts, nous jugeons ce taux derecouvrement un peu trop bas. Pour les besoins denotre exercice de simulation, nous avons convenuavec le FMI d’un taux de recouvrement de 50 %.

Évaluation des pertes

Pertes attendues et inattendues

On a invité chaque banque participante9 à fournirune estimation des pertes attendues (la moyennede la distribution des pertes) et des pertes inatten-dues (la valeur exposée au risque au seuil de99,9 %) qui pourraient découler du scénariomacroéconomique envisagé, et ce, pour chacundes huit trimestres à venir. Les estimations quinous ont été communiquées sont fonction de lamanière dont chaque institution s’est servie destaux de défaillance qui lui ont été transmis. L’ap-proche utilisée varie certes d’une banque à l’autre,mais certaines similitudes importantes ont dû êtreprises en considération pour le calcul des pertes aumoyen de notre modèle interne :

• Les pertes estimées par les banques sont fon-dées sur leur propre évaluation des expositionsau moment du défaut (ces données n’étaientpas encore publiques lors de notre simula-tion10). Or, cette évaluation, parce qu’elle tientcompte aussi des engagements potentiels, estsupérieure au montant des prêts inscrits dansle bilan publié, qui, lui, est établi sur la base dessommes effectivement prêtées. Par conséquent,le recours aux données des bilans pour mesurerl’exposition au risque se traduira systématique-ment par des pertes estimées moindres.

• D’après les chiffres des banques, la distribu-tion des pertes est très aplatie.

9. Soit les cinq plus grandes banques : la Banque CIBC,RBC Groupe Financier, la Banque de Montréal, leGroupe Financier TD et la Banque Scotia.

10. Avec l’entrée en vigueur des règles de Bâle II, les banquesseront tenues de fournir ces renseignements.

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Rapports

Graphique 1Pertes découlant du scénario envisagé

Millions $

Pertes attendues déclaréesPertes attendues (Banquedu Canada)Pertes attendues (FMI)

2007 20080

1 000

2 000

3 000

4 000

5 000

6 000

7 000

8 000

9 000

10 000

0

1 000

2 000

3 000

4 000

5 000

6 000

7 000

8 000

9 000

10 000

Pertes inattendues déclaréesPertes inattendues (Banquedu Canada)Pertes inattendues (FMI)

Graphique 2Incidence du scénario sur le ratio de fonds propres

%

2007 20084

5

6

7

8

9

10

11

12

4

5

6

7

8

9

10

11

12

Résultats des banquesCalculs comparatifs de laBanque du CanadaCalculs comparatifs du FMI

Exigences de Bâle II

Étant donné l’écart entre les chiffres internes desbanques et les chiffres publiés, nous avons demandéà ces dernières de nous communiquer les montantsd’expositions utilisés dans leurs simulations. Nousavons ainsi pu majorer le résultat donné par lemodèle de la Banque de la différence entre cesmontants et les expositions indiquées au bilan11.Cette différence variait d’une institution à l’autre,oscillant d’un minimum de 4 % à un maximumde 45 %. En ce qui concerne la distribution despertes, nous avons opté pour une loi de Student (àquatre degrés de liberté) plutôt que pour une loinormale dans les simulations.

Le Graphique 1 donne un aperçu de l’incidence duscénario considéré sur les institutions participantes.Il présente trois estimations des pertes attendueset des pertes imprévues : la première se fonde surles résultats fournis par les banques; la seconde esttirée du modèle interne de simulation de crise dela Banque du Canada; et la troisième a été établieà partir des données que contient le rapport d’éva-luation produit par le FMI dans le cadre du PESF12.

Les estimations des pertes attendues produites parles banques sont supérieures aux nôtres la premièreannée et inférieures la deuxième année. L’ordrede grandeur des pertes imprévues estimées estsimilaire.

Une analyse des résultats montre que la hausse despertes est surtout imputable à l’évolution des sec-teurs du commerce de détail, de la fabrication et desservices. (Aux fins de cette simulation, le commercede détail englobe les prêts à la consommation.)

Quant aux estimations du FMI, elles sont ou infé-rieures (dans le cas des pertes attendues) ou supé-rieures (dans celui des pertes inattendues) auxdeux autres séries d’estimations.

Incidence sur le ratio de fondspropres

La capacité des banques d’absorber les pertes subiesdans le scénario peut être évaluée à la lumière del’incidence de ce dernier sur leur ratio de fonds

11. En procédant ainsi, nous supposons implicitement quela ventilation sectorielle des expositions utilisée par lesbanques correspond, grosso modo, à l’exposition ins-crite à leur bilan. Cette hypothèse est difficile à vérifier,puisque les banques ne déclaraient que leurs expositionstotales.

12. Le FMI exprime les pertes en pourcentage des actifs pon-dérés en fonction du risque. Nous les avons convertiesen dollars en nous fondant sur les données publiéesconcernant la valeur de ces actifs.

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Revue du système f inancier — Juin 2008

propres. En principe, le montant total des fondspropres (catégories 1 et 2) devrait suffire à couvrirles pertes inattendues (c’est-à-dire la valeur exposéeau risque au seuil de 99,9 %).

Le Graphique 2 illustre la moyenne des valeurscommuniquées par les banques, les estimationsde la Banque du Canada et celles du FMI. Le traithorizontal représente l’exigence globale de fondspropres de 8 % définie dans le nouvel accord deBâle (Bâle II). L’examen du graphique fait ressortirque, si les pertes inattendues se matérialisent du-rant l’un ou l’autre des huit trimestres considérés,le ratio de fonds propres tombe au-dessous duseuil de 10 % fixé par le Bureau du surintendantdes institutions financières (BSIF) pour l’ensem-ble des fonds propres. Si ces pertes surviennentaprès le quatrième trimestre, le ratio de fondspropres chute en deçà du ratio minimal établi parBâle II13. Les résultats varient selon les banques,et, dans le meilleur des cas, le ratio de fonds propresreste supérieur à 8 % tout au long de la période desimulation.

L’analyse exposée ci-dessus présuppose que lesdirigeants des banques ne modifient pas le niveaudes fonds propres au cours de la période de simu-lation en vue d’atténuer l’incidence du scénario.Cette hypothèse se traduit par des estimations trèsprudentes, qui correspondent au pire scénario.Certaines banques ont aussi évalué l’effet qu’auraitle choc sur le ratio de fonds propres si la directiondécidait d’intervenir. Leurs évaluations reposaientsur une gamme variée d’hypothèses, mais, danschacun des cas, le ratio estimé est demeuré supé-rieur au seuil réglementaire.

Il ne fait aucun doute que les banques auraientrecours à un éventail de mesures (réduction oususpension des paiements de dividendes, limita-tion du nombre d’emprunteurs à risque plus éle-vé, etc.) pour maintenir le ratio de leurs fondspropres au-dessus du seuil stipulé. Il reste que lesestimations des banques pourraient pécher paroptimisme, car il se peut que l’adoption simulta-née par toutes les institutions de mesures visantà renforcer leur niveau de capitalisation, en res-serrant le crédit par exemple, ait une incidencenégative sur l’économie réelle et exacerbe leproblème.

13. Comme les taux de défaillance atteignent leur sommetaux alentours du premier trimestre de 2009, nous nousattendons à ce que le ratio de fonds propres des banquesdiminue davantage vers ce moment, pour peut-être seredresser par la suite.

ConclusionParce qu’il postule une récession d’un tiers plusimportante que celle du début des années 1990 etune hausse des défaillances supérieure à celle queprédisent les modèles économétriques, on peutqualifier d’extrême le scénario de crise envisagépour l’évaluation actualisée du PESF. Ce scénarioest toutefois comparable, par sa sévérité, à ceuxemployés dans leur analyse par les autres paysdéveloppés.

Si les pertes inattendues découlant de la simula-tion devaient se matérialiser, les fonds propres desbanques fléchiraient mais demeureraient suffi-sants dans l’ensemble pour absorber ces pertes,quoique leur ratio moyen tomberait en deçà desexigences en la matière. Confrontées à une tellesituation, les banques devraient prendre des me-sures pour soit mobiliser de nouveaux capitaux —ce qui pourrait s’avérer ardu compte tenu du climatfinancier très tendu présumé par le scénario —,soit se départir d’actifs risqués — une solutionpotentiellement coûteuse pour l’économie. Il fau-drait que les autorités, en particulier la banquecentrale, prennent en compte ces conséquencessur les banques dans le choix de leur intervention.

Même si les particularités de chaque modèle et lesdisparités entre les données rendent difficile lacomparaison des résultats des simulations de crisemenées dans différents pays, ces résultats révèlentgénéralement que les pertes subies par les banques,bien que non négligeables, ne menacent pas lessystèmes financiers des pays examinés. Les conclu-sions de la mission du PESF concernant le Canadacadrent avec cette constatation globale.

La conduite de cette évaluation actualisée a faitprogresser les travaux que mène la Banque pourconcevoir des outils qui l’aideront à mesurer larésilience du système financier et son incidencesur la stabilité du secteur, et ce, en favorisant :

• une compréhension accrue de la relationcomplexe entre les aspects microéconomiqueset macroéconomiques de l’analyse de la stabi-lité financière;

• une amélioration de ses méthodes et modèlesinternes de simulation de crise;

• une clarification des besoins en matière dedonnées et des limites inhérentes à celles-ci;

• une mise en commun plus efficace de l’infor-mation entre les banques et les organismespublics canadiens;

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Rapports

Encadré 2

Actualisation des résultats de la simulation de criseeffectuée dans le cadre du PESF

%

+2 +4 +6 +8+1 +3 +5 +7 +9

0

2

4

6

8

10

12

14

0

2

4

6

8

10

12

14

Estimation PESFEstimation au premier trimestre de 2008

Ratioavantla crise

L’exercice de simulation analysé dans le présentarticle s’appuyait sur les données du quatrièmetrimestre de 2006. Nous présentons ci-dessousune nouvelle évaluation, selon une approchedescendante, des pertes sur prêts à la lumière desdonnées du premier trimestre de 2008.

Modifications survenues dans les donnéesdepuis le quatrième trimestre de 2006La composition des portefeuilles de prêts des ins-titutions bancaires est restée globalement inchangée.L’exposition au marché hypothécaire et au secteurdu commerce de détail (lequel comprend le crédità la consommation) représente encore environ75 % de l’ensemble des prêts.• Les portefeuilles de prêts des banques se sont

accrus en moyenne de 12 %.• Le ratio moyen de l’ensemble des fonds pro-

pres (catégories 1 et 2) aux actifs pondérés enfonction du risque a légèrement diminué.

• Les banques ayant commencé, au premier tri-mestre de 2008, à fournir des données sur leurexposition au risque au moment du défaut, iln’est plus nécessaire de corriger les chiffresportés au bilan comme il a fallu le faire pourl’exercice de simulation mené dans le cadre duPESF.

RésultatsLes résultats de l’exercice résumés dans leGraphique A tiennent compte de ces trois modifi-cations. Nous estimons les pertes liées au scénarioà l’aide de notre modèle interne et évaluons leurincidence sur le ratio de fonds propres en faisantappel à la même méthodologie que pour l’exerciceeffectué dans le cadre du PESF. La première colonnereprésente la valeur médiane du ratio de fondspropres des cinq banques avant la crise. Les autrescolonnes indiquent le niveau auquel se situe leratio de fonds propres à chaque trimestre si lespertes inattendues associées au scénario (soit lavaleur exposée au risque au seuil de 99,9 %) sematérialisent1. Par exemple, si ces pertes survien-nent au quatrième trimestre après le choc initial,la valeur médiane du ratio de fonds propres passede 11,26 (son niveau avant la crise) à 7,69 durant

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1. Rappelons que le véritable ratio de fonds propresest établi à partir de l’estimation des pertesinattendues.

ce trimestre. Si, par contre, elles ne se manifestentqu’au sixième trimestre après le choc, la valeurmédiane du ratio tombe à 6,68 au cours de cetrimestre2.En raison des montants d’expositions plus élevéset des ratios de fonds propres plus faibles observésau premier trimestre de 2008, les ratios issus dunouvel exercice de simulation sont légèrement in-férieurs à ceux calculés précédemment. On noteraque le niveau global des fonds propres desbanques au premier trimestre suffit toujours àcouvrir les pertes essuyées. Mais pour continuerde respecter les exigences de fonds propres (ratiominimal de 8 % dans le cas de Bâle II et seuil de10 % fixé par le BSIF), les banques devraientrelever le niveau de leurs fonds propres, vendrecertains de leurs actifs pondérés en fonction durisque ou les deux. L’applicabilité et les répercus-sions globales de telles mesures dépendraient dela nature de celles-ci et du moment de leur adop-tion, ainsi que du délai requis pour que les ratiosde fonds propres des banques retournent à leursniveaux cibles.

Graphique AIncidence d’une crise macroéconomique sur le ratiode fonds propres

2. Notre méthodologie ne nous permet pas de calculerla valeur du ratio au cours des trimestres qui suiventcelui où surviennent les pertes imprévues.

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• une meilleure connaissance des procédésappliqués par chacune des institutions finan-cières pour gérer les risques.

L’exercice a aussi fait ressortir les limites de la métho-dologie et des outils utilisés actuellement dans ledomaine de la simulation de crise ainsi que la néces-sité de les perfectionner sans cesse, notamment par :

• l’élaboration de modèles macroéconomiquesse prêtant mieux à l’analyse des situationsextrêmes;

• la poursuite de la recherche sur les modèlesqui corrèlent les taux de défaillance et lesvariables macroéconomiques (en vue d’unemeilleure intégration au modèle macro-économique principal et d’une représentationexplicite des comportements économiques);

• la collecte de données sur les défaillancesd’entreprises autres que les grandes sociétéscotées en bourse et de renseignements plusdétaillés sur l’exposition aux risques des insti-tutions financières.

Les efforts actuels se heurtent toutefois à des obs-tacles qui trahissent des problèmes plus vastesaux confins de la recherche. Nous pensons ici àl’absence d’effets de deuxième vague ou d’effets enretour reliant les mesures prises par les institutionsfinancières aux marchés financiers et à l’économieréelle; aux interactions entre institutions; et auxcanaux de propagation des crises. Nous croyonsnéanmoins que, malgré ces lacunes, des simula-tions de crise adéquatement conçues, faites àpartir de scénarios impliquant des sources de ten-sions peu fréquentes mais plausibles, peuventcontribuer à cerner les faiblesses du système. Fortsde cette information, les organismes officiels peu-vent examiner plus à fond, en se focalisant sur lesrisques, les canaux par lesquels les vulnérabilitésd’une institution peuvent se transmettre au seindu système. Les autorités de surveillance macro-prudentielle pourraient s’en inspirer dans la for-mulation des conseils qu’elles adressent à chacunedes institutions financières ou à l’ensemble desparticipants au système14.

La mise à jour de l’évaluation du PESF effectuée en2007 a dynamisé les travaux des chercheurs de laBanque du Canada sur la simulation de crise.Nous comptons maintenir cette cadence accéléréeet nous concentrer sur deux axes de rechercheprioritaires, soit 1) certaines des lacunes exposées

14. Nous tenons à remercier Karl Habermeier et MarkSwinburne du FMI pour leurs observations judicieuses etleur explication de la perspective plus large dans laquelles’inscrivent les exercices de cette nature.

au paragraphe précédent et 2) la mise à niveaupériodique de l’approche descendante, au moyende scénarios pertinents (voir l’Encadré 2). De con-cert avec les institutions financières et d’autres or-ganismes publics, nous étudions également lapossibilité de mener, à intervalles réguliers, desévaluations selon l’approche ascendante et deconcevoir une méthodologie plus complète de lasimulation de crise.

BibliographieColetti, D., R. Lalonde, M. Misina, D. Muir et

P. St-Amant (à paraître). Bank of Canada’sParticipation in the 2007 FSAP Macro Stress-Testing Exercise, document d’analyse, Banquedu Canada.

Faruqee, H., D. Laxton, D. Muir et P. Pesenti(2007). « Smooth Landing or Crash? Model-Based Scenarios of Global Current AccountRebalancing », G7 Current Account Imbalan-ces: Sustainability and Adjustment, sous ladirection de R. Clarida, Chicago, TheUniversity of Chicago Press, coll. « NBERConference Reports », p. 377-451.

Ferguson, Jr., R. W. (2005). U.S. Current AccountDeficit: Causes and Consequences, discoursprononcé devant l’Economics Club del’Université de Caroline du Nord à ChapelHill, Chapel Hill (Caroline du Nord),20 avril.

Lalonde, R., et D. Muir (2007). The Bank ofCanada’s Version of the Global Economy Model(BoC-GEM), rapport technique no 98,Banque du Canada.

Misina, M., et D. Tessier (2007). « La modélisa-tion de l’évolution des taux de défaillancesectoriels en situation de crise : l’importancedes non-linéarités », Revue du système finan-cier, Banque du Canada, juin, p. 49-54.

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Le rôle des notations de crédit dansla gestion du risque de crédit inhérentaux opérations de trésorerie de l'ÉtatNancy Harvey et Mervin Merkowsky

a turbulence qui secoue les marchés finan-ciers suscite la crainte de plus en plus viveque le recours accru aux notations decrédit n’ait encouragé certains investis-

seurs à se fier de façon excessive à ces dernièrescomme mesure statistique sommaire du risque. LaBanque du Canada a abordé cette question dansdes communications publiques de ses cadres etdans un article paru dans la précédente livraisonde la Revue du système financier (Zelmer, 2007).

À l’instar de beaucoup d’autres banques centraleset acteurs du marché, la Banque du Canada (laBanque) se sert de tout un éventail d’outils, dontles notations de crédit, pour limiter le risque decrédit associé à ses propres activités et aux opéra-tions qu’elle mène pour le compte du gouverne-ment fédéral (l’État) en sa qualité d’agent financierde ce dernier. Le présent rapport décrit brièvementle cadre de gestion du risque de crédit utilisé par laBanque et l’État et la manière dont les notationsde crédit s’inscrivent dans ce cadre. Comme nousl’expliquons plus loin, les autorités canadiennesveillent à ne pas accorder une importance déme-surée aux notations.

Le risque de créditLe risque de crédit est le risque qu’une partie à uncontrat financier ne s’acquitte pas de ses obliga-tions lorsque celles-ci deviennent exigibles, ce quicorrespond au risque de défaillance. Au sens trèslarge, le risque de crédit englobe le risque d’un reculpossible de la valeur de marché d’un investissementpar suite de la détérioration de la qualité du créditd’une contrepartie. C’est ce qu’on appelle le risquede migration de notation.

La Banque est exposée au risque de crédit par lebiais des avances de fonds qu’elle accorde quoti-diennement aux membres de l’Association cana-dienne des paiements et de sa participation à desopérations de prises en pension et de prêts de titressur le marché. Le risque qui pèse sur la Banque estnéanmoins faible, car toutes ces activités sont en-tièrement garanties par des titres de qualité supé-

L

rieure libellés en dollars canadiens1. Dans le casimprobable où une contrepartie manquerait à sesobligations, les garanties pourraient être liquidéespour couvrir l’exposition au risque de crédit. Laqualité du crédit des actifs donnés en nantissementest assujettie à diverses restrictions régissant la na-ture de ces actifs, leur notation et leur échéance.

Le risque de crédit existe aussi manifestement dansles opérations que la Banque effectue à titre d’agentfinancier de l’État. Il découle du placement desréserves canadiennes de devises, tenues dans leCompte du fonds des changes (CFC), dans desinstruments financiers émis par des emprunteurssouverains autres que le Canada et leurs organis-mes, par des institutions internationales et pard’importants établissements financiers étrangers.Il est aussi présent dans les opérations de swapconclues avec de grandes banques canadiennes ouétrangères dans le cadre du financement des réservesdu Fonds et qui consistent à convertir des empruntslibellés en monnaie nationale en engagements endevises. Enfin, on trouve ce risque également dansla gestion des soldes de trésorerie du gouvernement,qui sont placés sous forme de dépôts à court termeauprès des principales institutions financières éta-blies au Canada.

Des stratégies de gestion du risque de crédit relatifà chacune de ces activités ont été mises en placeafin de limiter le plus possible ce risque. Ellesstipulent les types de transactions et la gamme descontreparties admissibles, les seuils minimaux enmatière de notations de crédit et l’utilisation quidoit être faite de ces dernières dans l’évaluation durisque de crédit. Plus globalement, ces stratégiesont pour objet de contenir au minimum le risquede crédit en encourageant le recours à une réserve

1. En décembre 2007, la Banque du Canada a annoncé sonintention d’étendre aux obligations du Trésor américainla liste des garanties acceptées en nantissement dans lecadre de son mécanisme permanent d’octroi de liquidi-tés, et ce, d’ici la mi-2008. Des précisions sont apportéesà l’adresse http://www.banqueducanada.ca/fr/avis_fmd/2007/not121207a-f.html.

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Rapports

diversifiée de contreparties très bien notées et, aubesoin, de mécanismes de garantie.

Les motifs et les modalitésdu recours aux notationsde créditLa publication d’évaluations par les grandes agencesde notation du crédit procure des avantages notablesaux acteurs du marché et aux institutions publi-ques. L’opinion indépendante d’experts reconnusainsi fournie sur la solvabilité des emprunteurspeut servir de point de départ à l’examen de laqualité du crédit d’une contrepartie et des instru-ments émis par celle-ci. Le recours aux notationspermet aussi des gains d’efficience, les agencesbénéficiant d’économies d’échelle puisqu’ellesévaluent la qualité du crédit de presque toutes lescontreparties aux opérations de trésorerie de laBanque et de l’État. Mais les notes qu’elles attri-buent ne constituent pas un indicateur infaillibledu risque de crédit. Les agences ont souvent étécritiquées, entre autres choses, pour leur dépen-dance excessive envers les données rétrospectiveset la lenteur avec laquelle elles s’ajustent à l’infor-mation nouvelle.

C’est pourquoi les autorités canadiennes font preuvede prudence dans l’utilisation des notations decrédit. Pour une notation donnée, les limites d’ex-position et les décotes applicables aux garantiesvarient d’une catégorie d’actifs à l’autre. Ainsi, ceslimites et décotes sont moins restrictives dans lecas des titres d’État notés AAA que dans celui desinstruments aussi notés AAA mais émis par dessociétés privées, les premiers étant généralementplus liquides que les seconds. De même, la Banqueet l’État se sont abstenus d’investir dans certainsproduits structurés bien cotés, ou d’accepter detels produits en garantie, lorsque ceux-ci ne sem-blaient pas compatibles avec les objectifs visés parleurs programmes de placement et de gestion desgaranties.

Dans le choix des agences de notation dont ellesretiendront les services, les autorités canadiennesrespectent la pratique du marché qui consiste à re-courir aux agences les plus largement utilisées parles investisseurs privés sur les marchés pertinentset reconnues par les organismes de réglementationde ces marchés (comme la Securities and ExchangeCommission des États-Unis pour les marchésaméricains). Elles ont par conséquent retenu lesnotations attribuées par quatre agences spéciali-sées : Dominion Bond Rating Service (DBRS),Fitch Ratings, Moody’s Investors Service et Standard& Poor’s.

66

Ainsi, c’est à partir des notations publiées par cesquatre agences qu’est évaluée la qualité du créditde chaque contrepartie, émetteur d’emprunts ettitre émis; la note assignée représente en gros unconsensus se dégageant des avis de toutes les agencesretenues. Le nombre de notations externes prisesen compte varie selon leur disponibilité et le typed’activité considéré. Pour la plupart des activités,au moins deux notations sont requises; lorsque lesavis diffèrent entre agences, l’évaluation sera fondéesur la moins élevée des deux meilleures notes ac-cordées, comme le recommande le nouvel accordde Bâle sur les fonds propres (Bâle II)2. Les agencesMoody’s et DBRS ont adopté récemment une mé-thodologie révisée pour la notation des banquescommerciales, qui prend explicitement en consi-dération la possibilité d’un soutien extérieur (fourni,par exemple, par le gouvernement ou la banquecentrale) dans l’analyse de la qualité du crédit deces institutions. Ce changement a incité la Banqueet l’État à revoir la pertinence des notes externesattribuées par ces deux firmes et à recourir plutôtà des notes intrinsèques en ce qui concerne lesbanques commerciales. (Voir l’encadré pour ensavoir davantage sur la nouvelle méthode denotation de DBRS et Moody’s et sur les réper-cussions de son adoption sur les opérations detrésorerie de la Banque et de l’État.) Les troisprochaines sections portent sur l’utilisation qui estfaite des notations de crédit dans le cadre des opé-rations de trésorerie. On trouvera un complémentd’information à ce sujet dans les sites Web de laBanque du Canada et du ministère des Finances.

La gestion du Comptedu fonds des changesLa majeure partie des réserves de devises du Canadaest tenue dans le Compte du fonds des changes.La Banque gère les actifs de ce compte au nom del’État, en conformité avec les stratégies de placementapprouvées par le ministre des Finances. Pour l’es-sentiel, les réserves de devises sont investies dansdes titres de qualité supérieure émis par des em-prunteurs souverains et leurs organismes ou pardes institutions internationales à caractère officiel.Le ministre autorise également l’acquisition de va-leurs à court terme (titres, dépôts, papier commer-cial et certificats de dépôt) auprès d’importantsétablissements étrangers. Il interdit cependant

2. Voir les modalités applicables aux évaluations multiplessous « Risque de crédit — Approche standard » (Partie 2,paragraphe II.C.2) du document de la BRI intituléConvergence internationale de la mesure et des normes defonds propres — Dispositif révisé, que l’on peut consulterà l’adresse http://www.bis.org/publ/bcbs107fre.pdf.

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Les notes intrinsèques

À la fin de 2006 et au début de 2007, les agencesDBRS et Moody's ont adopté une nouvelle méthodepour évaluer la solvabilité des banques commer-ciales. L'approche révisée se fonde en partie surl'hypothèse voulant que, en cas de défaillance,les gouvernements (et leurs banques centrales) seportent garants des engagements des grandesbanques ayant une importance systémique. Ainsi,lorsque les résultats des évaluations fondées surcette méthode ont été dévoilés, on a pu constaterque les notes attribuées par DBRS et Moody's àde nombreuses banques commerciales avaient étérelevées.

Ce choix de méthodologie a fait ressortir un enjeuprimordial pour les gouvernements et les autoritésmonétaires : ceux-ci peuvent-ils s'en remettre à desnotations de crédit accordées en partie sur la pré-somption qu'ils viendraient en aide aux banquescommerciales d'importance systémique en diffi-culté? Bien que les autres acteurs des marchés puis-sent être disposés à accepter la nouvelle approche,il ne serait pas approprié, du point de vue de la ges-tion du risque, que la Banque et l'État s'appuientsur des notes établies partiellement sur la base deleur propre solidité financière et du soutien pré-sumé qu'ils fourniraient au secteur bancaire.

Par conséquent, la Banque et l'État ont décidé derecourir à l'indice sur la santé financière des banquespublié par Moody's et aux notes intrinsèques attri-buées par DBRS lorsqu'ils examinent la solvabilitédes banques commerciales qui prennent part à desactivités de placement ou de financement liées auCFC.

Les notes intrinsèques servent aussi à l'évaluationdes promoteurs du papier commercial adossé à desactifs mis en gage dans le cadre du mécanisme per-manent d'octroi de liquidités. Le PCAA donné ennantissement des avances ainsi octroyées doitavoir pour promoteur une institution de dépôtsous réglementation fédérale ou provinciale quibénéficie d'une note intrinsèque minimale de A-décernée par au moins deux agences spécialisées.

les placements dans des produits plus complexes —qui seraient par exemple assortis d’une optionou comporteraient un risque de remboursementanticipé —, des produits structurés ou des instru-ments appartenant à des catégories d’actifs nonmentionnées précédemment.

La Banque gère les avoirs du CFC en appariant leurdurée et les devises dans lesquelles ils sont libellésavec un portefeuille correspondant d’emprunts del’État. Les besoins de financement sont comblésprincipalement au moyen d’un programme perma-nent de swaps de devises qui consiste à convertir desemprunts en dollars canadiens en engagements endevises suivant la politique de gestion des swapsapprouvée par le ministre des Finances. L’États’expose à un risque de crédit lorsque la valeur demarché d’une opération de swap s’accroît, à causede la perte qu’il pourrait accuser s’il lui fallait rem-placer le swap en question par suite de la défaillancede sa contrepartie.

Le risque de crédit lié aux avoirs et engagementslibellés en monnaie étrangère est limité par l’im-position de plafonds à l’exposition à un emprun-teur ou à un instrument donné, ce qui encourageune saine diversification des contreparties et desplacements. Ces plafonds varient selon la catégoried’actifs concernée et la qualité du crédit des actifsrelevant de cette catégorie. Les notations publiéespar les agences spécialisées sont utilisées pour éta-blir 1) l’admissibilité d’une contrepartie et 2) leslimites d’exposition de chaque contrepartie à l’égarddes diverses catégories d’actifs. Une contrepartieou un émetteur de titres est jugé admissible lors-qu’au moins deux des quatre agences retenueslui ont accordé une note minimale de A- 3. Dansles faits, cependant, presque tous les avoirs duCFC sont placés auprès d’emprunteurs souverains,de leurs organismes et d’institutions internationalesayant la note AAA, tandis que la grande majoritédes contreparties du secteur privé sont classées aumoins AA-. L’acceptation d’engagements impli-quant des emprunteurs dont la note est inférieureà AA- viserait à favoriser une gestion ordonnée del’exposition au risque advenant le déclassementd’une contrepartie en deçà de ce niveau. Les contre-parties bénéficiant d’une note élevée ont une limited’exposition à une catégorie d’actifs donnéesupérieure à celle applicable aux contrepartiesmoins bien cotées. Comme les notes sont modi-fiées périodiquement, elles font l’objet d’un suiviconstant et les limites d’exposition sont réviséesen conséquence.

3. Les notes indiquées ici s’appuient sur l’échelle de nota-tion de Standard & Poor’s.

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Rapports

Si les notations de crédit servent à déterminerl’admissibilité des contreparties et à fixer les limitesd’exposition, les expositions effectives varient àl’intérieur de ces limites. Les opérations de pla-cement et de swap effectuées le sont en fonctiondes caractéristiques de rendement et de risque quileur sont propres et des perspectives de notationdes contreparties ou émetteurs de titres. Souvent,les limites d’exposition ne sont pas atteintes. Deplus, la Banque et l’État maintiennent souventleur exposition bien en deçà des plafonds établislorsqu’il ressort de leurs évaluations que l’incerti-tude entourant la qualité du crédit d’une contre-partie est supérieure à la normale et que ce surcroîtd’incertitude n’est pas entièrement reflété dans lesnotations externes. Par conséquent, bien que cesnotations soient prises en compte dans la formu-lation des paramètres du programme d’investisse-ment du CFC, elles ne régissent pas les opérationsquotidiennes de placement et de financement desréserves de devises exécutées selon ces paramètres.

La gestion des soldes detrésorerie du Receveur généralLa gestion des encaisses en dollars canadiens del’État diffère de celle des réserves de change en cesens que les premières font l’objet de placementsà court terme auprès de contreparties sélection-nées au moyen d’un processus d’adjudication etnon d’opérations dont la Banque est l’instigatriceau nom du gouvernement, comme c’est le cas dessecondes. En conséquence, dans le cas du placementdes soldes de trésorerie, les degrés d’expositionsont déterminés par les contreparties elles-mêmes,sous réserve des limites de soumission auxquelleselles sont assujetties. D’où l’importance que lescritères d’admissibilité des contreparties et d’établis-sement des limites de soumission soient précis ettransparents afin que tous les participants soientbien au fait des règles avant le déroulement desadjudications. Il s’avère donc peu adéquat de s’enremettre à des évaluations internes pour jugerde la solvabilité des contreparties et décider deslimites d’exposition au risque les concernant.Il conviendra plutôt de gérer le risque de créditinhérent aux adjudications de dépôts du Receveurgénéral 1) en encourageant la diversification descontreparties par l’imposition de limites de sou-mission individuelles fondées entre autres sur lesnotations de crédit; 2) en restreignant générale-ment à quelques jours ouvrables l’échéance desdépôts; et 3) en acceptant, dans la mesure du possi-ble, des actifs en nantissement de manière à limiterles positions non garanties.

Les adjudications visant le placement des soldesde trésorerie du Receveur général se tiennent deux

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fois par jour, le matin et l’après-midi. Habituelle-ment, les encaisses de l’État sont pour la plupartmises aux enchères à la séance du matin et placéessous forme de dépôts garantis et non garantis dontle terme peut atteindre quelques jours ouvrables.Les participants admissibles regroupent une vastegamme de contreparties, dont les limites de sou-mission aux adjudications de dépôts non garantissont établies en partie selon leurs notations decrédit : ils doivent en effet avoir obtenu une noteminimale de A- de la part d’au moins deux agencesde notation. Les participants les mieux cotés sevoient décerner des limites de soumission plusélevées que les autres. Les modalités régissant leprocessus d’adjudication sont énoncées clairementet sont aisément accessibles au public4.

La séance de l’après-midi se déroule quant à elleassez tard dans la journée, une fois connu le soldedes flux financiers de l’État pour le jour en ques-tion. Comme elle a lieu après la période de livrai-son contre paiement du système automatisé decompensation et de règlement des opérations surtitres (CDSX) exploité par la Caisse canadienne dedépôt de valeurs limitée, il n’est pas possible deprocéder à des transferts de titres à ce moment-là.Le risque de crédit est donc contenu en n’admet-tant à cette séance d’adjudication que les adhérentsau Système de transfert de paiements de grandevaleur (STPGV) et en limitant à un jour l’échéancedes dépôts mis aux enchères. Les limites de sou-mission des participants se fondent sur les ratiosde l’Association canadienne des paiements (ACP),qui mesurent la taille d’une institution au sein dusystème financier canadien en fonction de la partde l’ensemble des dépôts en dollars canadiens quecelle-ci détient.

La gestion des garantiesComme on l’a déjà mentionné, l’usage de garantiessert aussi à protéger la Banque et l’État contre lespertes dues à un incident de crédit. En cas de dé-faillance d’une contrepartie, on peut se servir duproduit de la liquidation des garanties pour absorberles pertes découlant de l’opération sous-jacente.Un accord juridique à cet effet, signé par les deuxparties (ou participants) avant le début des tran-sactions, est utilisé pour faire en sorte que la Banqueou l’État détienne une sûreté valide de premierrang sur les actifs donnés en nantissement, confor-mément aux lois applicables. Cet accord sert aussi

4. Voir Modalités applicables à la séance du matin pour l'adju-dication des soldes de trésorerie du Receveur général dansle site Web de la Banque du Canada à l’adressehttp://www.banqueducanada.ca/fr/adjud/rec_general-f.pdf.

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Revue du système f inancier — Juin 2008

à fixer, le cas échéant, les seuils au-delà desquels laBanque ou l’État peut exiger, au besoin, des garan-ties additionnelles — c’est-à-dire faire un appelde marge. Les autorités ont revu périodiquementleurs modalités de constitution de garanties demanière à tenir compte des améliorations appor-tées aux pratiques en vigueur sur le marché et del’évolution de leurs propres besoins. Comme laliste des titres admissibles s’est allongée ces der-nières années, les notations de crédit aident àdéterminer quelles sûretés peuvent être utiliséesdans le cadre des divers mécanismes en place. Àcause de l’ajout à cette liste d’autres instrumentsque les titres garantis par l’État, il est devenu néces-saire de pouvoir recourir à un outil transparentdans l’évaluation de la qualité des actifs, et ce,afin que les constituants de gage puissent savoir àl’avance quels biens pourront être donnés en nan-tissement dans le cadre des opérations de trésoreriede la Banque et quelles valeur et décote leur serontattribuées.

En sa qualité d’agent financier, la Banque n’accepteen garantie des titres d’émetteurs autres que lesautorités américaines ou le gouvernement canadienqu’à condition qu’ils aient respectivement unenote minimale de AA- et A- pour les opérations deprêt de titres du CFC et d’octroi de dépôts duReceveur général qu’elle effectue, tandis que seulsles titres émis par le Trésor américain, des agencesaméricaines et le gouvernement canadien peuventêtre donnés en nantissement de ses opérations depension tripartites ou de swap menées pour lecompte du CFC. Dans le cas des swaps, les nota-tions de crédit servent également à l’établissementdes seuils à partir desquels des garanties supplé-mentaires peuvent être exigées. On ne peut éviterde recourir à une approche mécanique du fait queles swaps sont des contrats à long terme qui doiventêtre assortis de mesures de contingence explicitesen cas de révision des notations.

Pour ce qui est des opérations qu’elle mène pourson propre compte, la Banque ne peut prêter desfonds que sur nantissement, de sorte que les avancesconsenties dans le cadre du mécanisme permanentd’octroi de liquidités et les activités liées au pro-gramme de prêt de titres et aux prises en pensionsont toutes garanties selon des modalités bienétablies5. La Banque utilise les notations de crédit

5. Ces modalités sont énoncées dans les documents inti-tulés Liste des garanties admissibles dans le cadre du méca-nisme permanent d'octroi de liquidités de la Banque duCanada, que l’on peut consulter à l’adresse http://www.banqueducanada.ca/fr/financier/securites.pdf, etModalités du programme de prêt de titres de la Banque duCanada, à l’adresse http://www.banqueducanada.ca/fr/avis_fmd/2003/term_f0403.pdf.

en combinaison avec d’autres outils lorsqu’elledéfinit les critères d’admissibilité des titres engarantie et les décotes ou marges applicables.

À titre de prêteur de dernier ressort, la Banquefournit régulièrement aux institutions participantau STPGV, par le biais du mécanisme permanentd’octroi de liquidités, des prêts à un jour garantisafin de faciliter le règlement des paiements. Elledresse la liste des actifs qu’elle accepte de recevoiren garantie et fournit des évaluations des titres misen gage; celles-ci se fondent sur la valeur marchandequotidienne des titres en question, à laquelle estappliquée une décote appropriée visant à mettrela Banque à l’abri des fluctuations du marché. LaBanque établit cette décote en fonction de sa propreanalyse du marché et du risque de liquidité queprésente le titre concerné6. Plus précisément, elleconsidère utile de fixer des décotes qui varient enfonction de la catégorie à laquelle appartient unactif, de la qualité de son crédit et de son échéance7.Les notations jouent un double rôle dans ce pro-cessus. D’abord, elles servent à déterminer le niveauminimum acceptable de la qualité du crédit d’unesûreté. Ensuite, combinées à divers indicateurs durisque de marché et du risque de liquidité, ellescontribuent à l’estimation des décotes applicablesaux titres admissibles. Dans la pratique, les décotesdes actifs moins bien notés et dont l’échéance estplus longue sont plus élevées puisque les prix qu’ilsaffichent tendent à être plus volatils, et les marchéssur lesquels ils se négocient, moins liquides8. Lerisque inhérent à la garantie est aussi contenu àl’aide d’autres dispositions : un constituant degage ne peut donner en nantissement des valeursqu’il a lui-même émises; de plus, la garantie qu’ilconstitue dans le cadre du mécanisme permanentd’octroi de liquidités ne peut être composée à plusde 20 % de titres émis par un émetteur privé et lesentités qui lui sont apparentées, et ce, afin de pro-mouvoir la diversification de tels titres dansl’éventail des garanties remises.

6. La décote correspond à un pourcentage que l’onretranche de la valeur marchande des actifs donnés ennantissement. Elle est fonction du risque de marchéet du risque de liquidité inhérents à ces actifs.

7. Les titres acceptés en nantissement des prêts consentisdans le cadre du mécanisme permanent d’octroi deliquidités peuvent également servir de garantie pourl’obtention de crédits intrajournaliers aux fins du règle-ment des paiements au sein du STPGV.

8. Par exemple, un titre à 5 ans émis par l’État sera assortid’une décote de 1,5 %, tandis que pour du papier com-mercial adossé à des actifs (PCAA), la décote est fixéeà 7,5 %. En outre, le constituant du gage n’entretientaucun lien étroit avec le programme d’émission duPCAA constitué en garantie, c’est-à-dire qu’il ne peut êtreni le promoteur ni l’agent financier de ce dernier, et il nepeut non plus s’être engagé à en soutenir la liquidité.

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Rapports

La Banque a aussi recours à des garanties pour li-miter le risque de crédit associé aux transactionsqu’elle effectue sur le marché pour son compte etqui consistent en des prises en pension et en desprêts de titres d’État provenant de son propre porte-feuille. Une prise en pension est une opération parlaquelle la Banque achète, auprès d’une contrepartiedésignée, des titres qu’elle s’engage à lui revendreà un prix et à une date préétablis. Le programmede prêts de titres permet à la Banque de mettre auxenchères des titres d’État lui appartenant lorsquel’offre de ces titres s’est tarie sur les marchés ou queceux-ci se négocient à des prix inhabituellementélevés. Cependant, seuls les négociants principauxpeuvent prendre part à ces activités, étant donnéqu’ils sont les grands teneurs des marchés de titresdu gouvernement canadien et ont donc, plus quetout autre participant, besoin d’un tel accès au fi-nancement et aux titres de la Banque pour soutenirla liquidité de ces marchés. Par conséquent, laBanque n’utilise pas les notations de crédit pourdéterminer l’accessibilité à ces facilités, mais elley recourt pour décider quels actifs pourront ser-vir de garanties et quelles décotes leur serontappliquées.

ConclusionLa nécessité pour la Banque et l’État de recourir àdes méthodes sophistiquées dans la gestion durisque de crédit associé aux opérations de trésoreries’est accrue avec le temps. Par le passé, ce risqueétait contenu du fait que l’admissibilité au statutde contrepartie était restreinte à un petit grouped’institutions et que seuls les titres garantis parl’État étaient acceptés en nantissement. Toutefois,l’utilisation d’un cadre de gestion du risque de cré-dit plus complet et plus transparent s’est imposéeavec l’élargissement de la liste des contreparties etdes garanties admissibles, ce qui a naturellementincité les autorités à s’appuyer sur les notationsde crédit publiées par les agences externes pour lesaider à évaluer la qualité du crédit des contrepartiesà leurs opérations et des actifs mis en gage parcelles-ci.

Les agences de notation du crédit fournissent desopinions reconnues sur la solvabilité d’une vastegamme de contreparties et la qualité de crédit d’ungrand éventail d’instruments financiers. Beaucoupd’investisseurs jugent avantageux, sur le plan descoûts, d’utiliser les notations attribuées par cesagences, car celles-ci bénéficient d’économiesd’échelle dans les évaluations qu’elles font durisque de crédit. Souhaitant tirer parti de cette si-tuation, nombre de banques centrales et d’acteursde marchés se servent des notations externes au

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moment de définir les critères d’admissibilité descontreparties à leurs opérations et leurs limitesd’exposition au risque de crédit.

La Banque et l’État recourent à diverses techniquespour estimer et gérer le risque de crédit, y comprisdes cadres tenant compte des notations externesoù le jugement tient une grande place. Ils cher-chent notamment à conclure des transactions avecune gamme étendue de contreparties et à limiterleurs positions non garanties. De plus, dans le casdu CFC, les autorités maintiennent leur exposi-tion aux risques bien en deçà des plafonds établislorsqu’elles jugent que l’incertitude entourantune opinion de crédit est supérieure à la normaleet n’est pas pleinement reflétée dans la notationaccordée par les agences spécialisées. Si les nota-tions externes font partie intégrante de nombreuxaspects des opérations de trésorerie, on ne leuraccorde pas un poids démesuré comme mesurestatistique sommaire du risque. Elles ne consti-tuent qu’un élément de la panoplie d’outils utili-sés dans la gestion du risque de crédit inhérent àces opérations.

BibliographieZelmer, M. (2007). « La réforme du processus

de notation financière », Revue du systèmefinancier, Banque du Canada, décembre,p. 53-60.

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L’évolution

des politiques et

de l’infrastructure

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Introduction

e système financier et ses diverses composantes(institutions, marchés et systèmes de compen-sation et de règlement) s’appuient sur uneinfrastructure constituée d’un ensemble de

mécanismes, dont les politiques gouvernementales,qui influent sur la structure du système financier eten facilitent le fonctionnement. L’expérience montrequ’une infrastructure solide et bien ramifiée compte pourbeaucoup dans la robustesse d’un système financier.La présente section de la Revue consiste en un survoldes travaux réalisés sur le sujet, y compris ceux quiportent sur les aspects pertinents de l’évolution despolitiques en la matière.

La turbulence qui a secoué récemment les marchésfinanciers a incité les banques centrales de par lemonde à revoir leur rôle de fournisseur de liquiditéau système financier, et la Banque du Canada n’apas fait exception. Dans l’article Les interventionsdes banques centrales face aux perturbationsdes marchés financiers, Walter Engert, Jack Selodyet Carolyn Wilkins examinent pourquoi, quand etde quelle manière la banque centrale devrait inter-venir lorsque les marchés financiers sont en proieà la tourmente. Ils définissent un cadre stratégiqueet signalent les outils qui, parmi la panoplie dontdispose la banque centrale, s’avéreront les plusefficaces en pareil cas, tout en soutenant ses objectifset fonctions.

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Les interventions des banques centrales faceaux perturbations des marchés financiersWalter Engert, Jack Selody et Carolyn Wilkins1

a turbulence qui a secoué récemment lesmarchés financiers a incité les banquescentrales de par le monde à revoir leur rôlede fournisseur de « liquidité » au système

financier. Pour les spécialistes, il existe plusieurstypes de liquidité : la liquidité de marché, la liqui-dité de financement et la liquidité de banque cen-trale, procédant toutes d’un concept différent. Lepremier, soit la liquidité de marché, se rapporte àun actif ou marché particulier et permet d’appré-hender la capacité d’un agent d’acheter ou de vendreune quantité appréciable d’actifs sans réelle inci-dence sur les prix sous-jacents. Le deuxième concept,à savoir la liquidité de financement, concerne lafaculté de contreparties solvables de se procurersans délai des moyens de paiement pour s’acquitterd’obligations arrivant à échéance. Quant autroisième, il fait référence à l’accès aux liquiditésoffertes par la banque centrale.

Au risque de simplifier à l’extrême, nous dironsque, de façon générale, on entend par « liquidité »la disponibilité d’actifs qui ont une valeur prévi-sible dans le temps et qui peuvent être transférés,achetés ou vendus moyennant de faibles coûtsde transaction et sans que cela n’ait d’effet sur leurvaleur de marché.

Les banques centrales se préoccupent essentielle-ment de deux aspects de la liquidité du systèmefinancier. Elles s’intéressent d’abord au niveau deliquidité global à cause de son rapport avec l’infla-tion future. Ensuite, elles s’assurent que la liqui-dité est adéquatement répartie au sein du système,car ce dernier peut devenir inefficient, voire instablelorsque la liquidité n’est pas dirigée là où elle estle plus en demande.

Dans le présent article, nous examinons les inter-ventions de la banque centrale visant à calmer lesperturbations des marchés en nous interrogeantplus précisément sur les raisons et l’opportunitéde telles interventions ainsi que sur la forme qu’elles

1. Les auteurs ont bénéficié des commentaires de nom-breux collègues, qu’ils tiennent à remercier ici de leurcontribution.

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pourraient prendre. Nous définissons un cadrestratégique à cet égard et signalons les outils qui,parmi la panoplie dont dispose la banque centrale,s’avèrent les plus efficaces face à une turbulenceextraordinaire, tout en soutenant les objectifs etfonctions de l’institution2.

Pourquoi intervenir?

Création endogène de liquidité

La banque centrale apporte de la liquidité ausystème financier au moyen d’opérations d’openmarket et de prêt. Elle ne constitue toutefois pasla seule source de liquidité du système, ni mêmela principale. De nos jours, la liquidité est généréede manière endogène, c’est-à-dire à l’intérieurmême du système du fait de l’interaction normaled’agents privés motivés par leurs propres intérêts.À l’opposé, on peut qualifier de source exogènede liquidité le financement qu’octroie la banquecentrale pour atteindre ses objectifs de politique.D’où l’importance particulière que revêt le finan-cement accordé par la banque centrale lorsqu’il ya entrave au processus de création endogène deliquidité.

Une analyse fortement stylisée (théorique) de laquestion fait ressortir deux fonctions déterminantespour la formation endogène de liquidité : l’activitébancaire et la tenue de marché. Les banques génè-rent de la liquidité en acceptant des dépôts qui ontune valeur fixe (nominale) et que leurs propriétairespeuvent retirer sur demande. Elles accroissent leniveau de la liquidité en utilisant ces dépôtscomme levier pour consentir de nouveaux prêtsqui, à leur tour, viendront peut-être grossir l’en-cours des dépôts. Une banque à court de liquiditépeut, pour se renflouer, emprunter auprès desautres banques, vendre des actifs sur les marchésmonétaires ou recourir aux facilités de finance-ment de la banque centrale. Les marchés, quantà eux, créent de la liquidité en facilitant la vente

2. Carney (2008) jette un autre éclairage sur la question.

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L’évolut ion des poli t iques et de l ’ infrastructure

d’actifs à des prix reflétant la valeur actualisée desflux de revenus attendus de ces actifs. De leur côté,les institutions qui offrent des services de tenuede marché procurent au système de la liquidité enexploitant l’effet de levier pour multiplier les tran-sactions d’achat ou de vente à des prix tenantcompte de la valeur fondamentale des actifs. Unteneur de marché ayant besoin de liquidités addi-tionnelles peut emprunter auprès des banques oudes autres teneurs, ou encore vendre des actifs surles marchés monétaires3.

Dans un système financier moderne, la liquiditétend à être générée par des centres ou pôles finan-ciers4. Un pôle bancaire est un regroupement degrandes banques particulièrement actives dansl’octroi de prêts entre elles ainsi qu’à d’autres ins-titutions financières et à des teneurs de marché.Un pôle de tenue de marché rassemble des institu-tions qui s’occupent tout spécialement d’animer lemarché, acquièrent les actifs peu liquides d’autresteneurs ou accordent à ceux-ci des prêts gagés surde tels actifs. Bien qu’elles mènent des opérationsdestinées à servir leurs intérêts propres, les institu-tions constituant ces pôles créent de la liquiditéqui profite à l’ensemble des acteurs du systèmefinancier. Par conséquent, prises collectivement,elles jouent un rôle important dans la stabilité etl’efficience de ce système.

Les mécanismes de création et de répartition endo-gènes de la liquidité parviendront presque toujoursà générer une liquidité suffisante et à la redistri-buer dans les segments appropriés du système.Il est aussi généralement admis que les frictionset l’asymétrie des incitations qui caractérisent lefonctionnement normal du système ne sont pas, àelles seules, de nature à entraver ces mécanismes.On convient toutefois que le processus de créationendogène de liquidité peut exceptionnellementêtre interrompu.

Interruption de la créationendogène de liquidité

Lorsque le processus de création endogène de liqui-dité est bloqué, la banque centrale a le pouvoir desoutenir la stabilité du système financier en injectantde la liquidité dans celui-ci. Prenons l’exemple

3. Bien sûr, les services bancaires et de tenue de marchépeuvent être fournis par la même institution, et c’estsouvent le cas au Canada.

4. Chapman, Chiu et Molico (2008) analysent un systèmede paiement comportant plusieurs pôles ou niveauxd’intermédiation. Leur document de travail est résuméaux pages 87 à 89 de la présente livraison.

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d’un petit choc subi par la demande de liquidité.Celui-ci peut finalement avoir sur une banque deseffets démesurés du fait que les dépôts tenus chezelle sont remboursables à leur valeur nominalesans préavis. L’incertitude que le choc fait planersur la solvabilité de cette banque peut donnerlieu à une ruée des déposants craignant pour leurépargne. Et parce que la qualité de son crédit estentachée d’incertitude, la banque pourrait êtreincapable de se procurer des liquidités auprès desautres banques ou sur les marchés. Si la banquecentrale dispose de renseignements (transmis parl’organisme de réglementation, par exemple) luiindiquant que l’établissement en difficulté est sol-vable, elle pourra contribuer à rétablir la confianceen prêtant à ce dernier5.

La stabilité et l’efficience d’un système financiermoderne dépendent de la capacité générale desacteurs d’acheter et de vendre des actifs, en parti-culier sur les marchés monétaires, à des prix corres-pondant à leur valeur fondamentale. Néanmoins,le caractère incomplet des marchés financiers, dûau fait que les opérateurs ne sont pas tous présentssur l’ensemble des marchés, peut entraver la dis-ponibilité de l’information et le financement surles marchés. À son tour, cette situation risqued’engendrer des inefficiences dans le processusd’établissement des prix, y compris des primesde liquidité sur d’importants marchés. Les ineffi-ciences de ce type, qui ne constituent habituelle-ment que de petites frictions temporaires, peuventdevenir majeures dans certaines circonstances,comme un accroissement soudain et généralisé del’incertitude au sujet de la solvabilité d’une contre-partie. Un tel phénomène peut dissuader des parti-cipants de se prêter entre eux et pousser d’importantsacteurs à se retirer du marché, rendant celui-ciencore plus incomplet. De plus, les inefficiencesde prix sont susceptibles d’être aggravées si uncomportement moutonnier se développe, c’est-à-dire si les participants se mettent à imiter les autresau lieu de faire confiance à leur propre analyse.

Dans des cas extrêmes, le manque d’informationfiable dans des marchés incomplets peut entraînerd’importantes inefficiences de prix et interromprela création endogène de liquidité, exacerbant de cefait les inefficiences en question et le tarissementde la liquidité. Les banques peuvent alors se trouverdans une position où il leur est impossibled’étendre leurs services d’intermédiation du crédit

5. La politique de la Banque du Canada en matière de prêtde dernier ressort est exposée dans Banque du Canada(2004) et dans Daniel, Engert et Maclean (2004-2005).

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pour remédier au problème, soit parce qu’ellesont elles-mêmes un besoin accru de liquidité, soitparce qu’elles ne possèdent pas d’information cré-dible sur la qualité du crédit des institutions assu-mant la fonction de teneurs de marché ni sur celledes autres participants.

Ainsi, une hausse anticipée des taux de défaillancepour une catégorie d’actifs donnée peut souleverdes inquiétudes quant à la solvabilité d’un teneurdu marché de ces actifs et handicaper la capacitéde ce dernier d’obtenir le financement qu’il luifaut (y compris au moyen de la vente d’actifs)pour continuer à animer le marché, ce qui fausse-rait encore davantage le processus d’établissementdes prix. Les banques, également touchées par lechoc, pourraient choisir de conserver leurs liqui-dités pour combler leurs propres besoins au lieude financer les participants à ce marché. En outre,elles seraient peu enclines à se procurer des fondsadditionnels auprès de la banque centrale si ellesne possèdent pas les garanties nécessaires ou sielles veulent éviter le discrédit qu’un tel empruntpourrait jeter sur elle (et ne pas attirer l’attentiondes organismes de réglementation). De plus, ilest possible qu’elles ne disposent pas de suffisam-ment de capital mobilisable (ou soient incapablesde le réunir) pour remplacer celui qu’elles se procu-raient antérieurement par l’émission de titres, cemarché ne fonctionnant plus. Résultat, elles pour-raient ne pas parvenir à réinstaurer un niveaud’intermédiation du crédit qui réponde raisonna-blement aux besoins des participants ébranlés parle choc, ce qui risquerait d’avoir des retombéesnéfastes sur les marchés d’autres actifs6.

Une banque centrale a le pouvoir d’aider à stabi-liser le système en injectant de la liquidité directe-ment sur les marchés. Dans le cas qui nous occupe,elle pourrait accepter, en garantie des fonds qu’elleaccorde et moyennant une décote appropriée, destitres qui se négociaient sur le marché devenu illi-quide, ce qui contribuerait aussi à restaurer l’effi-cience du processus d’établissement des prix.

Allen et Gale (2007) étudient un autre exemple,portant sur l’effondrement du prix d’un actif. Unebanque qui détiendrait une grande quantité de cetactif serait soumise à des tensions dues au fait que

6. On peut considérer qu’il s’agit là d’un scénario illustrantune forme de « défaillance du marché », dans lequel lesdécisions découlant de la poursuite de ses intérêts per-sonnels par chacun des participants peuvent entraînerde piètres résultats pour l’ensemble du groupe ou dusystème.

la valeur d’une bonne partie de ses passifs demeu-rerait fixe tandis que celle de ses actifs fléchirait.Elle se verrait forcée de conserver ses liquiditéspour répondre à ses propres besoins, restreignantdu même coup le montant de celles mises à la dis-position des autres participants. Elle devrait aussiliquider certains actifs, ce qui provoquerait unechute du prix de ces derniers dans des marchésilliquides, avec pour résultat potentiel une dépré-ciation de ces actifs en deçà de leur valeur fonda-mentale et, partant, une répartition inefficientedes ressources.

Pour contrer une telle inefficience, la banque cen-trale peut apporter de la liquidité aux marchés quien ont besoin de manière à ce que les prix desactifs retrouvent leur valeur fondamentale, ouencore elle peut prêter aux banques touchéespour qu’elles alimentent elles-mêmes la liquidité.

Importance grandissantede la liquidité de marché

L’évolution des marchés depuis les événementsd’août 2007 a renforcé la prise de conscience àl’égard de l’importance que revêtent une offre suf-fisante de liquidité et sa répartition adéquate dansles marchés pour la stabilité et le fonctionnementefficient du système financier.

Bien que la théorie économique fasse état du rôlejoué par la répartition de la liquidité dans le bonfonctionnement du système financier, peu de pra-ticiens avaient compris, jusqu’à tout récemment,la nécessité d’un apport direct de liquidité par labanque centrale aux divers marchés (à ce sujet,voir entre autres Banque de France, 2008). Onconsidérait en effet qu’il suffisait à la banque cen-trale, pour maintenir la liquidité dans les marchéset l’ensemble du système, de modifier le niveau deliquidité à l’aide de la politique monétaire, ou ausein des principaux systèmes de paiement, ou derépartir autrement la liquidité entre banques.

Cette opinion a changé dans la foulée des événe-ments d’août 2007 et de la crise du crédit hypothé-caire à risque. Il est maintenant plus généralementadmis que le système financier sera plus stableet que les effets des mesures de politique moné-taire seront plus prévisibles si la banque centralesoutient directement, dans certains cas exception-nels, la liquidité du marché.

Ce revirement tient au fait que l’on reconnaîtaujourd’hui la plus grande dépendance du systèmefinancier envers la liquidité du marché. Une desraisons de cette dépendance accrue est le recours

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plus fréquent à la titrisation pour convertir descréances non négociables (telles que des prêts hy-pothécaires) en titres négociables (comme des titresadossés à des créances hypothécaires), laquelle rendles institutions financières plus tributaires de laliquidité du marché pour le financement de leursopérations.

Un autre facteur est la prépondérance grandissantede la comptabilité fondée sur les valeurs de marché,qui fait que les chocs de prix d’actifs se répercutentrapidement sur les valeurs inscrites au bilan. Ilimporte donc encore plus qu’auparavant que lesmarchés soient suffisamment liquides pour éva-luer correctement les actifs afin que les prix qu’ilsleur attribuent reflètent la juste valeur économiquede ces derniers. Lorsqu’un titre n’est pas suffisam-ment standardisé pour se négocier sur un marché,son prix n’est pas une véritable valeur de marché;il correspond plutôt à la valeur donnée par unmodèle, ce qui amplifie l’incertitude à son sujetdurant les épisodes de tensions financières. Ils’ensuit que les institutions financières sont plusenclines à thésauriser la liquidité pour être enmesure de restructurer leurs bilans en cas de sou-daines variations dans la valeur de leurs actifs. Etpour préserver le niveau de leurs liquidités, ellesaccordent moins de prêts et sont moins activessur les marchés.

Intervenir sur les marchés cadreavec les objectifs de la banquecentrale

La fourniture de liquidité par la banque centraleest régie par diverses politiques poursuivant unbut commun. Ces politiques recherchent toutesune atténuation des perturbations potentiellesdu système financier que seul l’apport exogènede liquidité par la banque centrale peut permettrede réaliser.

La politique monétaire vise à stabiliser l’inflation.Dans une économie financière moderne, le tauxd’inflation est déterminé par la trajectoire que labanque centrale établit pour le taux d’intérêt sansrisque (soit le taux directeur). Cela implique quela banque centrale se tienne disposée à prêter auxagents de compensation dans le système de paie-ment et à conclure des opérations d’open marketdans des limites prévues pour que le taux cible soitatteint7. Le niveau de liquidité global dans le sys-

7. Pour un exposé détaillé sur la mise en œuvre de la poli-tique monétaire par la Banque du Canada, consulterBanque du Canada (2007) et Engert, Gravelle et Howard(2008).

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tème financier est fonction de la trajectoire de cetaux. Lorsque la banque centrale intervient pourcorriger la répartition de la liquidité (comme onle verra plus loin), il se peut qu’elle doive aussiprendre des mesures compensatoires pour que letaux directeur ne dévie pas de la cible visée, ce quilui évitera d’avoir à modifier sa politique monétaire.

La politique en matière de paiement, de compensationet de règlement protège le système de paiementcontre les effets déstabilisants du blocage qui peutsurvenir lorsqu’une banque participante ne disposepas de suffisamment de liquidités pour s’acquitterde ses obligations. Les banques évoluant au seind’une économie monétaire sont liées entre ellespar un système qui utilise la monnaie émise parla banque centrale pour le règlement de leurs posi-tions respectives, et les agents de compensation duprincipal pôle bancaire ont accès à des facilités decrédit permanentes offertes par la banque centraleà l’appui du règlement des paiements.

La politique relative aux prêts de dernier ressort (ou, enclair, à l’octroi d’une aide d’urgence) a pour objetde stabiliser la situation des banques confrontéesà un choc de liquidité susceptible de déclencherune ruée des déposants, les dépôts à valeur fixetenus chez elles étant remboursables sans préavis.L’aide d’urgence n’est octroyée que lorsqu’unebanque solvable ne peut se procurer de liquiditéscréées de manière endogène et que la banque cen-trale devient son ultime recours.

La politique sur les mesures d’intervention exceptionnellesvise à contrecarrer les perturbations qui peuventdécouler des distorsions touchant la liquiditédes marchés monétaires. Elle précise à quelle hau-teur la banque centrale consentira des prêts auxmarchés et par quels moyens se fera l’apport deliquidité, y compris l’échéance des instrumentschoisis et l’éventail des garanties et des contrepartiesadmissibles8.

Quand intervenirLorsqu’elle envisage d’intervenir durant un épisodede turbulence financière, la banque centrale doittenter de répondre à trois questions fondamentales,que nous examinons ci-après.

8. La politique régissant le rôle d’agent financier complètecelles énumérées ci-dessus. Elle contribue à la stabilitéet à l’efficience du système financier en veillant à ce queles prix des obligations d’État soient fixés de manièreefficiente, ceux-ci servant de référence dans l’établisse-ment des prix de nombreux autres instruments financiers.

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Les instruments de la banquecentrale seront-ils efficaces?

En évaluant l’efficacité probable de ses instruments,la banque centrale doit chercher à définir la naturede la défaillance du marché qui est à l’origine duproblème, puis déterminer si les instruments dontelle dispose sont appropriés dans les circonstances.Il se peut aussi que, dans certains cas, on juge plusapproprié de recourir à un changement législatifou réglementaire ou à une modification des règlesde surveillance ou des pratiques du marché pourcréer l’incitation nécessaire à la correction del’inefficience de prix.

Les instruments de la banque centrale ne serontefficaces que si l’intervention des autorités moné-taires encourage les acteurs du marché à accroîtreleur activité, soit en leur donnant l’assurance queles prix futurs seront plus prévisibles et refléterontune baisse des primes de liquidité, soit en rédui-sant la quantité d’un actif illiquide détenu par lesecteur privé.

Quels sont les avantagespotentiels d’une intervention?

La banque centrale est une institution publiquequi participe à la régulation de l’économie dansson ensemble et qui, par conséquent, doit consi-dérer uniquement les avantages qui ressortent auniveau macroéconomique. En évaluant les avan-tages potentiels d’une intervention, les autoritésmonétaires devraient prendre en compte lespoints suivants :

• l’intérêt d’éviter une aggravation du dysfonc-tionnement du système financier pouvantrésulter de l’inaction;

• l’intérêt d’éviter la vente d’actifs en catastrophe,qui pourrait entraîner des faillites et des pertessèches pour l’économie;

• l’intérêt d’éviter une perte de confiance dansle système financier. Par exemple, si un paysdevait connaître une crise bancaire majeure,les investisseurs étrangers pourraient exigerune prime de risque, laquelle constituerait unfrein à la croissance nationale;

• plus l’activité économique est liée au marchétouché par la crise, plus les avantages del’intervention seront importants.

Quels sont les coûts potentielsd’une intervention?Lorsqu’elle évalue les coûts potentiels d’une inter-vention, la banque centrale doit constamments’efforcer de ne pas perdre de vue sa responsabilité

première, à savoir le maintien d’un taux d’inflationbas et stable. Elle doit aussi atténuer les risquesfinanciers auxquels elle s’expose par ses inter-ventions. Un autre coût potentiel est de susciter,par une intervention injustifiée, un sentiment decrise en l’absence de crise véritable (un faux signalnégatif).

Enfin, l’« aléa moral » est un aspect important.Ce concept désigne la possibilité qu’une partie àl’abri du risque ait un comportement différent decelui qu’elle aurait si elle était exposée entièrementau risque, et qu’elle se préoccupe donc moins desconséquences de ses actes, convaincue qu’unetierce partie supportera lesdites conséquences.

Si la banque centrale n’intervient que dans devraies crises de liquidité, l’aléa moral se limitera àla distorsion de l’incitation à une gestion efficientede la liquidité. Or, on confond souvent le risquede liquidité et le risque de solvabilité, ce qui renddifficile en pratique de déterminer à quel momentintervenir. Cela soulève aussi la possibilité qu’uneintervention de la banque centrale dissuade lesacteurs des marchés financiers de gérer convenable-ment le risque de contrepartie (ou de crédit), avecles conséquences négatives que cela suppose pourle fonctionnement du système financier. Enfin, ily a le risque que les interventions de la banquecentrale incitent les institutions à créer des condi-tions propices à une intervention des autoritésmonétaires, et ce, afin d’en tirer profit9.

En somme, toute forme d’intervention de la banquecentrale entraîne des coûts et crée un risque d’aléamoral. Dans la mesure où les agents économiquesprivés s’attendent à ce que la banque centrale injectede la liquidité lorsque les marchés financiers sonten difficulté, ils seront moins attentifs à la gestiondes risques de liquidité et de contrepartie, ce quipourrait nuire au bon fonctionnement des marchésdans l’avenir.

Atténuer l’aléa moralUne façon de limiter les effets de l’aléa moral estd’intervenir uniquement dans des circonstancestrès défavorables. La banque centrale pourraitutiliser ses instruments de manière si sélective queles agents économiques privés auraient peu de

9. Les tentatives d’explication des crises financières invoquentsouvent l’aléa moral, en particulier la prise excessive derisques qu’encouragent des filets de sécurité mal conçus;de même, d’après la littérature économique, les systèmesfinanciers qui ont un cadre réglementaire plus strictseraient mieux à même de résister aux crises (Benston etKaufman, 1997; Caprio, 1998; Dziobek et Pazarbasioglu,1997; et Furlong et Kwan, 2006).

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chances de voir dans son intervention une raisonde modifier leur comportement habituel.

À ce propos, il serait utile de recourir à un testpour déterminer à quel moment une interventionest justifiée. Le questionnaire ci-dessous, qui sesitue dans la ligne des questions formulées dansla section précédente, ainsi que ceux proposés parSummers (2007) et Buiter (2007) pourraient servirà éclairer la décision d’intervenir ou non.

• Sommes-nous en présence d’un important choccommun, d’effets de contagion non négligeablesou de retombées négatives, avec la possibilitéde répercussions graves sur l’économie réelle?

• Est-ce avant tout un problème de liquidité dontla solution a de fortes chances de contribuer àla stabilité du système? (À l’inverse, s’il s’agitplutôt d’un problème de solvabilité, l’interven-tion de la banque centrale aura peu de chancesd’atteindre son but.)

• Est-il raisonnable de penser que l’interventiondes autorités monétaires n’ajoutera pas aufardeau fiscal?

• L’intervention a-t-elle peu de chances d’avoir uneffet déterminant sur la probabilité et le degréde gravité de futures crises financières? (Cettequestion suppose que l’on prenne en considé-ration la nature du mécanisme d’intervention.)

• Cette mesure procurera-t-elle un avantagesocial net?

Si l’on répond à toutes ces questions par l’affir-mative, la banque centrale aura de bonnes raisonsd’intervenir. Fait important, ce test donne à penserque les interventions seraient peu fréquentes etimpliqueraient des pertes financières pour lesacteurs du marché, ce qui introduirait un élémentde coassurance de nature à limiter l’aléa moral.

De plus, dans ces circonstances, la banque centralepourrait appliquer aux fonds qu’elle avance àcertaines institutions un taux dissuasif qui seraitlaissé à sa discrétion10. Enfin, la banque centraledevrait promouvoir une surveillance rigoureusedu risque de liquidité et des risques connexes etpourrait exercer un certain contrôle sur la gestiondu risque de liquidité par les emprunteurs éven-tuels, afin de réduire les coûts et les risques liés àl’intervention.

10. On entend ici par taux dissuasif le taux directeur de labanque centrale augmenté d’une prime. (Au Canada, letaux directeur correspond au taux cible du financementà un jour, et le taux minimal de prêt de la Banque duCanada est le taux officiel d’escompte, c’est-à-dire le tauxcible du financement à un jour augmenté de 25 pointsde base.)

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Comment intervenir

Principes

La banque centrale ne devrait intervenir que lors-qu’il y a défaillance du marché et qu’elle est enmesure de prévenir ou de contrer une grave insta-bilité financière sans fausser la prime de risque decrédit. L’analyse précédente fait ressortir cinqprincipes qui devraient guider l’élaboration etl’application des mesures d’intervention de labanque centrale11.

1) Interventions ciblées : La banque centrale doitseulement tenter de parer aux défaillances du mar-ché (distorsions de liquidité) qui sont d’enverguresystémique, qui ont des conséquences macroéco-nomiques et qu’elle est à même de corriger. Ceprincipe reconnaît que la banque centrale ne peutrésoudre tous les problèmes. Il implique aussiqu’elle intervienne uniquement lorsque la dé-faillance risque d’avoir des retombées importantessur l’ensemble de l’économie et que son action ade bonnes chances d’y remédier.

2) Interventions graduées : L’ampleur des interven-tions doit être dosée en fonction de la gravité duproblème. Ce principe reconnaît qu’une interven-tion excessive de la banque centrale a un coût; ilfaut donc envisager une réponse mesurée en rap-port avec la gravité du problème, de manière à évi-ter une réaction exagérée de la banque centrale.

3) Outils d’intervention bien pensés : La banquecentrale doit utiliser des instruments adaptés à lasituation. Les problèmes de liquidité de marchédoivent être réglés au moyen d’opérations sur lemarché faisant appel à un mécanisme d’adjudi-cation, tandis que les pénuries de liquidité dontsouffrent des institutions particulières doivent êtrepalliées par l’octroi de prêts.

4) Interventions efficientes n’engendrant pas de dis-torsions : La banque centrale doit effectuer ses tran-sactions aux prix fixés par le marché, afin de réduireau maximum les distorsions. Ses interventions nedoivent surtout pas fausser les écarts de crédit, carcela créerait des problèmes additionnels.

5) Atténuation de l’aléa moral : Il faut porter uneattention particulière aux risques associés à lacréation d’incitations contre-productives suscep-tibles de nuire à la longue au bon fonctionnementdu système financier, et il faut trouver des moyensde limiter ces risques. Au nombre de ces moyens

11. Toute forme d’intervention de la Banque du Canada doitêtre en conformité avec les dispositions des lois perti-nentes, dont, au premier chef, la Loi sur la Banque duCanada.

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figurent une intervention limitée et sélective,l’introduction d’un élément de coassurance, l’appli-cation de taux dissuasifs selon le cas ainsi que lapromotion d’une surveillance rigoureuse de lagestion des risques de liquidité.

Mécanismes d’adjudication

La meilleure façon pour les banques centrales d’in-tervenir sur les marchés (par opposition à l’octroide prêts aux institutions dans le cadre de facilitéspermanentes de prêt) est vraisemblablement defaire appel à un mécanisme d’adjudication aumoment qu’elles jugent opportun. La formule del’adjudication comporte plusieurs avantages.

• Comme les prix sont fixés de manière concur-rentielle, l’actif mis en adjudication est, defaçon générale, évalué de façon efficiente12.

• Le discrédit associé à l’obtention de prêtsauprès de la banque centrale peut être atténuéou évité, car l’adjudication est une opérationcollective à laquelle participent simultané-ment plusieurs emprunteurs.

• L’adjudication peut fournir à la banque centraledes informations sur la conjoncture du marchéqui lui permettront de mieux faire face à lasituation.

• L’adjudication permet de moduler les princi-paux paramètres d’une transaction (soitl’échéance, les contreparties admissibles etles titres admissibles) selon les besoins de lasituation.

• Si elle est bien pensée, l’adjudication peut favo-riser une meilleure détermination des prix surle marché et contribuer à relancer un marchéen difficulté.

Des facilités adaptéesà chaque situation

Outre les instruments classiques à leur disposition,comme ceux liés au rôle de prêteur de dernierressort, les banques centrales ont vraisemblable-ment besoin d’un éventail de mécanismes pourapprovisionner le système financier en liquidités.Chacun de ces mécanismes doit posséder des carac-téristiques distinctes qui conviennent à différentessituations.

12. L’adjudication peut ne pas révéler le juste prix de l’actifvendu (aux fins de l’efficience allocative) s’il existe unetrès grande incertitude au sujet de la valeur de marchéfutur de l’actif. Néanmoins, comparativement aux autresmécanismes, l’adjudication semble être un mode d’affec-tation des ressources assez robuste et efficient(Chapman, McAdams et Paarsch, 2007).

Les prises en pension à plus d’un jour se prêtentsurtout à l’injection de liquidités sur les marchésmonétaires, car elles peuvent être proposées à toutacteur de marché ayant des titres négociables àoffrir. Ce type d’opération est des plus utile lorsqueles primes de liquidité sont faussées sur les marchésmonétaires en raison de problèmes de liquiditégénéralisés touchant une catégorie d’actifs oud’échéances.

Les prêts de titres à plus d’un jour permettentd’augmenter l’offre de titres de grande qualitéqui peuvent servir de sûreté dans les périodes oùles garanties de cette nature se font rares. Ce typed’opération permet aussi d’échanger directementdes titres moins liquides contre des titres plus li-quides, réduisant ainsi l’incitation à thésauriserla liquidité par mesure de précaution.

Les facilités de prêt à plus d’un jour s’avèrent parti-culièrement utiles dans les cas où les primes deliquidité sont faussées sur les marchés monétairesparce que certaines institutions financières éprou-vent des problèmes de liquidité. Ce type d’opéra-tion pourrait être mené par voie d’adjudication(moyennant un taux d’intérêt minimal) lorsqu’aumoins deux institutions admissibles éprouvent degraves problèmes de liquidité, mais n’en seraientpas encore rendues au point de recourir à l’aided’urgence de la banque centrale13.

ConclusionsNos conclusions peuvent se résumer comme suit.Premièrement, les banques centrales devraientfournir de la liquidité aux marchés financiersdans des circonstances exceptionnelles parce que :1) les marchés ont besoin de liquidité pour assurerune détermination efficiente des prix; 2) l’illi-quidité peut contribuer à l’instabilité du systèmefinancier et avoir des conséquences sur l’économieréelle; et 3) les banques centrales possèdent des carac-téristiques uniques qui les rendent parfaitementaptes à jouer le rôle de fournisseur ultime de liqui-dité au système financier.

Deuxièmement, les banques centrales ne devraientintervenir pour calmer l’agitation des marchésfinanciers que lorsqu’il y a une importante défail-lance des marchés et qu’elles sont en mesure deprévenir ou d’atténuer une grave instabilité finan-cière et les conséquences macroéconomiquesqui en découlent.

13. Selon les dispositions de la Loi sur la Banque du Canada,la Banque ne peut prêter qu’aux membres de l’Associa-tion canadienne des paiements.

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Troisièmement, le prix des liquidités que les banquescentrales apportent aux marchés financiers devraitêtre déterminé de façon concurrentielle, par voied’adjudication.

Quatrièmement, les banques centrales devraientdisposer d’un éventail de mécanismes pour ali-menter la liquidité des marchés financiers, afinde mieux cibler leur intervention en fonction desbesoins : prise en pension à plus d’un jour, prêt detitres à plus d’un jour, facilité de prêt à plus d’unjour, etc.

Cinquièmement, l’apport de liquidité aux marchésfinanciers devrait être guidé par les principessuivants :

• interventions ciblées;

• interventions graduées;

• outils d’intervention bien pensés;

• interventions efficientes n’engendrant pasde distorsions;

• atténuation de l’aléa moral.

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Sommaires

de travaux

de recherche

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Revue du système f inancier — Juin 2008

Introduction

es chercheurs de la Banque du Canada ontpour tâche d’améliorer par leurs études laconnaissance et la compréhension des systèmesfinanciers canadien et international. Ce

travail se fait souvent selon une approche systémiquequi met l’accent sur les liens entre les différentes partiesdu système financier (institutions, marchés et systèmesde compensation et de règlement), ceux existant entrele système financier canadien et le reste de l’économie,ainsi que ceux établis à l’échelle mondiale, notam-ment avec le système financier international. Laprésente section donne un aperçu de quelques-unsdes plus récents travaux de recherche de la Banque.

Les deux premiers articles résument de récents tra-vaux portant sur les systèmes de paiement et de rè-glement. Dans le premier, intitulé La modélisationd’un système de règlement à plusieurs niveauxd’intermédiation, James Chapman, Jonathan Chiuet Miguel Molico décrivent le modèle d’équilibredynamique de système de règlement — dans lequella structure de règlement est déterminée de façonendogène — qu’ils ont mis au point pour étudierle degré de participation indirecte au sein d’un telsystème et les conséquences, sur le plan du bien-être, de la défaillance d’un agent de compensation.Ils démontrent que, en situation d’informationimparfaite et en présence d’une structure de coûtsfixes, un système comportant plusieurs niveauxd’intermédiation peut se révéler un cadre efficacequi favorise la réalisation d’économies et la surveil-lance mutuelle entre banques. Toutefois, commeun défaut de règlement peut avoir des retombéesnégatives sur les autres participants, il se peut que leniveau de concentration et le degré de participationindirecte déterminés par le marché ne permettentpas une diversification optimale du risque de défail-lance d’un agent de compensation.

Dans le deuxième article, intitulé Simulation deseffets d’une perturbation du processus de rè-glement du CDSX sur le STPGV, Lana Embreeet Kirby Millar résument l’étude qu’ils ont réaliséesur les liens entre les deux systèmes de règlement

L

suivants : le Système de transfert de paiements degrande valeur (STPGV), qui assure le règlementdes gros paiements, et le CDSX, qui prend en chargele règlement des opérations sur titres de dette etde participation. Ces deux systèmes de règlementcomptent parmi les principaux au Canada, et ilssont étroitement liés. À la fin de chaque journée,les fonds destinés au règlement final des positionsdans le CDSX doivent transiter par le STPGV, etles participants doivent tenir compte du montantprévu de ces paiements dans la planification deleurs opérations au sein du STPGV. Par conséquent,toute perturbation du processus de règlement duCDSX peut avoir des répercussions systémiquessur le STPGV. Les auteurs évaluent quantitative-ment les effets, sur l’activité du STPGV, d’un inci-dent opérationnel qui bloquerait le règlement ausein du CDSX. Les résultats indiquent qu’un telincident pourrait entraîner un nombre considérablede rejets et de retards de paiement. L’étude souli-gne l’importance de mettre en place des mesuresde contingence et d’atténuation afin de protégerces systèmes de paiement.

Enfin, dans le dernier article, Valeurs familiales :structure de l’actionnariat, rentabilité et struc-ture du capital des entreprises canadiennes,Michael King et Eric Santor examinent l’inci-dence de la propriété familiale sur la rentabilité etla structure du capital de 613 sociétés canadiennespour la période de 1998 à 2005. L’actionnariatfamilial, constatent-ils, ne nuit pas en soi à larentabilité : ce sont plutôt les mécanismes de ren-forcement du contrôle qui sont de nature à limiterla valeur de l’entreprise. Si les entreprises familialesindépendantes qui émettent une seule catégoried’actions sont aussi bien évaluées que les autressociétés, à l’opposé, les entreprises familiales dontles actions sont assorties de droits de vote diffé-rents sont, en moyenne, sous-évaluées de 17 %par rapport aux sociétés au capital dispersé, mêmesi le rendement de leur actif et leur degré d’endette-ment sont semblables à ceux de ces firmes.

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La modélisation d’un système de règlementà plusieurs niveaux d’intermédiationJames Chapman, Jonathan Chiu et Miguel Molico

es systèmes de règlement comportent géné-ralement plusieurs niveaux d’intermédiation.Certaines banques, désignées sous le nomd’adhérents, participent directement à la

compensation et se trouvent ainsi au premier niveaudu système. Quelques-unes d’entre elles remplissentaussi la fonction d’agent de compensation audeuxième niveau d’intermédiation, c’est-à-direqu’elles fournissent des comptes de règlement àdes institutions en aval (les sous-adhérents). AuCanada, une proportion élevée des transactionstransitant par le Système de transfert de paiementsde grande valeur (STPGV) et le Système automatiséde compensation et de règlement (SACR) sontainsi réglées par l’entremise d’un agent de com-pensation. L’efficience des systèmes de règlementà plusieurs niveaux d’intermédiation et les risquesassociés à leur fonctionnement revêtent un intérêtparticulier pour les décideurs publics. Quels seraient,par exemple, l’incidence immédiate et les effets àlong terme de la défaillance d’un agent de compen-sation dans un système où le degré de participa-tion indirecte — c’est-à-dire le nombre de débiteursqui ont recours à un agent de compensation pourrégler leurs paiements — est élevé? Comment ceseffets diffèrent-ils de ceux découlant de la défaillanced’un simple adhérent?

Le présent article résume une étude parue récem-ment (Chapman, Chiu et Molico, 2008) dans lecadre de laquelle nous avons élaboré un modèled’équilibre dynamique de système de règlementpour nous aider à analyser ces questions. Nousdémontrons que, en situation d’information im-parfaite et en présence d’une structure de coûtsfixes, un système à plusieurs niveaux d’intermé-diation peut contribuer à accroître l’efficience dufait qu’il favorise la réalisation d’économies et lasurveillance mutuelle entre banques.

MéthodologieLes décideurs publics se soucient de l’efficience etde la stabilité des systèmes de règlement, mais lascience économique n’abonde pas en enseignementspouvant les guider à cet égard. Plus précisément, il

L

existe peu de travaux théoriques sur les systèmesde règlement dotés d’une structure à plusieurs ni-veaux. Cela tient au fait que les modèles économi-ques standard font abstraction du mécanisme parlequel s’effectuent les paiements et le règlement,de sorte qu’ils se prêtent mal à la modélisation dessystèmes de règlement. Nous sommes les premiersà avoir conçu un modèle d’équilibre dynamiquepour étudier le degré de participation indirecte ausein d’un tel système et les conséquences sur leplan du bien-être de la défaillance d’un agent decompensation1. Les modèles de système de paie-ment d’inspiration économique sont construitsde manière à permettre d’appréhender de quellefaçon les motivations et le comportement des par-ticipants s’ajustent aux nouvelles mesures de poli-tique ou à l’évolution du climat économique2.Par ailleurs, comme il existe très peu de donnéestemporelles sur certains événements rares maisfort importants (comme la défaillance d’un agentde compensation), le fait de recourir à un modèleéconomique pour simuler des scénarios peut faci-liter notre compréhension des causes et des consé-quences possibles de tels événements3.

ModèleNotre modèle de système de règlement résolubleanalytiquement, où la structure de règlement estdéterminée de façon endogène, fait intervenir desagents au comportement rationnel, stratégiqueet prospectif et décompose l’économie en

1. On consultera aussi à ce sujet Kahn et Roberds (2002),Lai, Chande et O’Connor (2006) ainsi que Chapman etMartin (2007).

2. Une grande partie de la littérature sur les systèmes depaiement se fonde sur les résultats obtenus à l’aide desimulateurs tels que l’application BoF-PSS2 conçue parla Banque de Finlande. Parce que le comportement desparticipants au système n’y est pas représenté, ces simu-lateurs ne sont d’aucune utilité pour l’analyse de lastructure endogène des systèmes à plusieurs niveauxd’intermédiation.

3. Voir Chiu et Lai (2007) pour une analyse détaillée desfondements microéconomiques des mécanismes depaiement.

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Sommaires de travaux de recherche

deux segments d’activité : les transactions et leurrèglement. Dans le premier, des agents négocientdeux à deux l’échange d’un bien de consommationdont l’achat est financé au moyen d’instrumentsde paiement privés. Dans le second, les agents inter-agissent pour que s’opèrent la compensation et lerèglement de ces instruments. Les échanges sous-jacents dans le segment des transactions génèrentdes flux de paiement bilatéraux dans celui des rè-glements. Dans ce contexte, le mode de règlement(en temps réel ou différé) et la structure du systèmelui-même (à participation directe ou indirecte)sont déterminés de façon endogène par les agents,en fonction de la structure des coûts et de celle del’information.

Le choix entre un règlement en temps réel et unrèglement différé procède d’un arbitrage entre lecoût des liquidités et le risque d’un échec du règle-ment. En effet, comme le règlement en temps réelaugmente le coût des liquidités (notamment àcause de la nécessité de détenir en garantie desavoirs liquides ayant un faible rendement), l’expé-diteur du paiement, ou débiteur, pourra préférerreporter le moment de son paiement. En revanche,compte tenu du risque de règlement auquel il estexposé, le bénéficiaire du paiement, ou créancier,ne sera disposé à recevoir des paiements différésque de la part des débiteurs dont la solvabilité estbien établie. Le choix du mode de règlement estdonc étroitement lié à la fiabilité de l’informa-tion que le créancier possède sur les antécédentsde crédit du débiteur. Cette information joue unrôle crucial dans les cas de transactions avec descontreparties dont la qualité du crédit n’est pasconnue des autres agents ou qui ne font que derares transactions, et que nous appellerons les« petits » agents. Bien que solvables, certains deceux-ci seront forcés de régler leurs transactions entemps réel. Cette pratique crée de l’inefficience, carelle impose à ces petits agents des coûts de déten-tion de liquidités inutiles et donne ainsi lieu à uneallocation sous-optimale des ressources.

Il est possible d’éviter cette mauvaise affectationdes ressources en assignant à certaines institutionsfinancières le rôle d’agent de compensation pourle compte des petits agents. Habituellement, cerôle est tenu par de « grosses » institutions, ainsiqualifiées parce qu’elles effectuent des transac-tions fréquentes avec une vaste gamme de débiteurset de créanciers. Ces institutions ont la capacitéd’améliorer l’efficience du processus de règlementen diffusant de l’information et en favorisant desréductions de coûts. Parce qu’elles font souventaffaire avec divers créanciers, elles peuvent seforger une réputation en matière de crédit et éta-

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blir publiquement leur solvabilité. Et comme ellestraitent avec de nombreux débiteurs, elles peuventsuivre de près le dossier de crédit de ces derniers etdécider au cas par cas du mode de règlement quiconvient le mieux. Voilà qui résume la fonction deces institutions sur le plan de l’information. Auchapitre des coûts, lorsque la participation à unsystème de règlement est assortie de frais fixes,l’agent de compensation peut bénéficier d’écono-mies d’échelle et contribuer de cette façon à abais-ser les coûts d’exploitation du système.

Principales constatationsNos principales constatations peuvent être résu-mées comme suit : premièrement, un système derèglement comportant plusieurs niveaux d’inter-médiation peut donner lieu à une amélioration del’efficience grâce aux économies qu’il permet deréaliser et à la surveillance mutuelle entre banquesqu’il encourage. Dans un tel système, les grossesinstitutions font office d’agents de compensation,dont la participation est directe; ce sont lesadhérents. Les petits agents ont le statut de sous-adhérent et recourent au réseau interne de deuxièmeniveau de leur agent de compensation pour lerèglement de leurs obligations financières.

Ce mécanisme donne aux agents de compensationla possibilité de surveiller le dossier de crédit dessous-adhérents utilisant leurs services et de sefonder sur l’information privée ainsi recueillie pourdéterminer quel mode de règlement convient lemieux dans chaque cas. Ils ont tout intérêt à suivrede près la solvabilité de leurs clients, car ils seronttenus responsables de la défaillance de l’un d’eux.De plus, l’adoption d’une structure à plusieursniveaux peut accroître l’efficience du système endonnant lieu à des économies au chapitre des coûtsfixes de participation au processus de règlement.

Deuxièmement, le degré de participation indirectevarie en sens inverse du coût fixe d’exploitation dudeuxième niveau du système et de la disponibilitéde l’information sur les antécédents de crédit desdébiteurs. Un agent de compensation dont les coûtsfixes de participation augmentent aura besoind’une plus grande clientèle de petits agents pourdégager des profits. Cela aura pour effet de limiterle nombre de gros agents de compensation.

Si la principale motivation des agents de compen-sation est d’acquérir de l’information, un accèspublic accru aux données sur la solvabilité dessous-adhérents aura aussi pour résultat de réduirele nombre d’agents de compensation. Par exemple,une hausse de la quantité de clients ayant unenotation de crédit abaissera le niveau d’équilibre

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Revue du système f inancier — Juin 2008

du degré de participation indirecte4. À la limite,dans un monde où les antécédents de crédit detous les agents seraient parfaitement observables,les agents de compensation ne joueraient aucunrôle informationnel.

Troisièmement, la défaillance d’un agent de com-pensation entraîne des coûts sociaux que l’onpourrait classer sous quatre catégories : 1) pertefinancière due à la défaillance; 2) perte d’un parti-cipant important; 3) perte d’information; et4) perte d’efficience opérationnelle. Les deux pre-miers types de perte sont de nature temporaire etdécoulent purement et simplement de l’incapacitéde l’agent de compensation défaillant de remplirses obligations. Quant à la perte d’information età la perte d’efficience opérationnelle, elles méri-tent aussi l’attention, car elles peuvent avoir desrépercussions durables sur le bien-être et sontétroitement liées à la fonction même d’agent decompensation. La défaillance d’un agent de com-pensation cause la perte des renseignements qu’ila patiemment accumulés sur les transactions pas-sées de ses sous-adhérents. De plus, à moins quecet agent ne soit rapidement remplacé, les écono-mies d’échelle se dégageant de l’exploitation deson réseau de deuxième niveau se volatiliserontpar suite de sa défaillance et entameront l’effi-cience opérationnelle du fait que les agents decompensation restants devront s’occuper d’untrop grand nombre de sous-adhérents et ainsidépasser leur capacité optimale.

ConclusionNotre étude montre que, en situation d’informationimparfaite et en présence de coûts fixes, un systèmecomportant plusieurs niveaux d’intermédiationpeut donner lieu à des gains d’efficience, car ilfavorise la surveillance interbancaire et la réalisationd’économies5. Il en découle que de limiter la par-ticipation indirecte au sein de systèmes de paiementcomme le STPGV et le SACR pourrait compromettrel’efficience du mécanisme de surveillance du sys-tème6. Par ailleurs, nous cernons les coûts sociauxrésultant de la défaillance d’un agent de compen-

4. Si, au Canada, tous les adhérents et agents de compensa-tion possèdent une notation de crédit, il n’en va pas demême des sous-adhérents.

5. Un tel système peut également contribuer à atténuerl’incidence des chocs de liquidité systémiques (commeceux qui se sont produits récemment sur les marchés)sur les sous-adhérents.

6. Des plafonds s’appliquent aux volumes de transactionstransitant par le SACR, ce qui n’est pas le cas pour lesopérations traitées par le STPGV.

sation. Comme une telle défaillance peut avoirdes retombées négatives sur les autres participants,il se peut que le niveau de concentration et le de-gré de participation indirecte déterminés par lemarché n’aboutissent pas à une diversificationoptimale du risque d’un échec du règlement. Endéfinitive, le cadre conçu peut être étendu pourservir à l’analyse des politiques en matière de paie-ment et de leurs implications pour le bien-être.

BibliographieChapman, J. T. E., J. Chiu et M. Molico (2008).

A Model of Tiered Settlement Networks, docu-ment de travail no 2008-12, Banque duCanada.

Chapman, J. T. E., et A. Martin (2007). « L’octroide liquidités par les banques centrales encontexte d’asymétrie de l’information »,Revue du système financier, Banque duCanada, décembre, p. 85-88.

Chiu, J., et A. Lai (2007). « La modélisation dessystèmes de paiement : survol de lalittérature », Revue du système financier,Banque du Canada, juin, p. 63-66.

Kahn, C. M., et W. Roberds (2002). PaymentsSettlement under Limited Enforcement: Privateversus Public Systems, document de travailno 2002-33, Banque fédérale de réserved’Atlanta.

Lai, A., N. Chande et S. O’Connor (2006).« L’octroi de crédit dans un système de paie-ment à participation par paliers », Revue dusystème financier, Banque du Canada,décembre, p. 69-72.

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Simulation des effets d’une perturbationdu processus de règlement du CDSXsur le STPGVLana Embree et Kirby Millar

a présence d’un système de paiement fiableet efficient est essentielle au bon fonction-nement du système financier. Au Canada,deux systèmes de paiement sont désignés

comme étant d’importance systémique aux termesde la Loi sur la compensation et le règlement despaiements : le Système de transfert de paiements degrande valeur (STPGV), qui assure le traitement despaiements à délai de règlement critique — lesquelssont généralement de montant élevé —, et le CDSX,qui prend en charge la compensation et le règle-ment des opérations sur titres de dette et de parti-cipation1. Ces deux systèmes sont étroitement liés.Par exemple, de nombreux participants au STPGVfont également partie du CDSX, et c’est par le STPGVque transitent les fonds destinés aux règlements defin de journée dans le CDSX.

Une perturbation du processus de règlement duCDSX peut donc avoir une forte incidence sur l’ac-tivité du STPGV. En suivant leurs opérations dansle CDSX, les participants au STPGV peuvent prévoirsi leur position de règlement dans le CDSX serapositive ou négative et planifier en conséquenceles opérations qu’ils effectueront dans le STPGVau fil de la journée. Une perturbation imprévue duprocessus de règlement du CDSX peut influer surles activités de fin de journée dans le STPGV.

Le lien étroit qui existe entre les deux systèmes derèglement est un fait reconnu depuis longtemps parles participants, les exploitants des systèmes et laBanque du Canada. Dans notre étude (Embree etMillar, 2008), nous tentons de quantifier les effetspotentiels d’un incident opérationnel qui touchele processus de règlement du CDSX. Pour ce faire,nous simulons le blocage du règlement des posi-tions créditrices des participants au CDSX en finde journée. Ce type de perturbation peut prendrede nombreuses formes dans la réalité et mettre encause l’exploitant du CDSX, les participants ou laBanque du Canada. On constate que les consé-

1. On trouvera des renseignements complémentaires sur lesystème CDSX et sur le STPGV dans McVanel (2003) etdans Arjani et McVanel (2006), respectivement.

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quences d’un tel incident peuvent être importantes.Par contre, un certain nombre de mesures d’atté-nuation et de contingence peuvent être prises pourprévenir ces perturbations et en atténuer les effets.

Le CDSX et le STPGVTout au long de la journée, le CDSX prend en chargeles opérations sur titres de dette et de participationainsi que les paiements connexes (tels que les ver-sements de dividendes et les paiements consécutifsà l’échéance de titres). À la fin de la journée, lesparticipants au CDSX doivent régler leur positionnette par l’intermédiaire du STPGV. En sa qualitéd’agent de règlement des Services de dépôt et decompensation CDS inc. (CDS) — propriétaire etexploitant du CDSX —, la Banque du Canada reçoit,par l’entremise du STPGV, tous les paiements desparticipants au CDSX qui affichent un solde débi-teur. Ensuite, toujours par l’intermédiaire du STPGV,elle verse les sommes dues aux participants au CDSXqui sont au crédit2. Les opérations de règlementdu CDSX se terminent habituellement à 17 h 53,après quoi les participants au STPGV poursuiventleurs activités de paiement, que ce soit pour leurpropre compte ou celui de leurs clients, pendantprès d’une heure. La période de prérèglement duSTPGV est de 18 h à 18 h 30, et le règlement débuteà 18 h 30.

Les données etla méthodologieLe STPGV comporte deux flux de paiements :les paiements de tranche 1 et les paiements detranche 2. Chaque tranche comporte ses propresmécanismes de limitation des risques. Étant donnéque le règlement des positions dans le CDSX se

2. Les participants ont la possibilité de transférer des fondsdu CDSX au STPGV avant le règlement de leur positiondans le CDSX. Les observations recueillies semblentindiquer que de tels transferts sont rares.

3. Les heures indiquées sont toutes exprimées selon l’heurenormale de l’Est.

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Sommaires de travaux de recherche

fait par la tranche 1, c’est sur celle-ci que l’étudemet l’accent. Nous utilisons les données relativesaux paiements individuels et aux limites de créditintrajournalières obtenues auprès de l’Associationcanadienne des paiements, et d’instructions depaiement concernant le compte de règlement duCDSX tenu à la Banque du Canada. La simulationcouvre une période de 65 jours ouvrables, du1er juin au 31 août 2006.

Les données indiquent que les paiements sortantsdu CDSX et les paiements de tranche 1 qui sont ef-fectués par la suite dans le STPGV constituent unepart importante de l’ensemble des paiements detranche 1 quotidiens. Au cours de la période étudiée,il y a eu, en moyenne quotidienne, 7 paiementssortants du CDSX totalisant 3,5 milliards de dollars.Ces chiffres représentent, respectivement, 2 %du volume quotidien moyen des paiements detranche 1 et 16 % de la valeur quotidienne moyennedes paiements de tranche 1, laquelle s’établit à21 milliards de dollars. Le paiement de règlementmaximal versé à un participant au CDSX s’élèveà 7 milliards de dollars, tandis que le montantmaximal des paiements versés à l’ensemble desparticipants en une seule journée dépasse les16 milliards de dollars. Une fois les positions régléesdans le CDSX, le STPGV enregistre encore unegrande activité; la moyenne quotidienne est de17 paiements d’une valeur totale de 2,6 milliardsde dollars, ce qui équivaut à environ 12 % de lavaleur quotidienne moyenne des paiements detranche 1. Pendant la période considérée, jusqu’à37 paiements totalisant 10,8 milliards de dollarsont été transmis après la fin des opérations derèglement dans le CDSX.

La principale méthode retenue est une simulationréalisée à l’aide du simulateur de système de paie-ment BoF-PSS2, un outil élaboré par la Banque deFinlande et adapté de façon à reproduire le fonc-tionnement du STPGV4. Le simulateur permetd’utiliser des données du STPGV et du CDSX pourrecréer l’activité réelle du STPGV, laquelle sert depoint de référence. Nous supprimons ensuite lespaiements sortants du CDSX, mais non les paiementsentrants, et nous simulons le fonctionnement duSTPGV sans ces paiements sortants. Nous noustrouvons ainsi à simuler le non-dénouement despaiements sortants du CDSX, comme si, par exem-ple, un incident survenait à la Banque du Canadaentre le moment où les paiements entrants ont étéexécutés et celui où les paiements sortants devraient

4. Pour de plus amples renseignements, consulter lesite Web anglais de la Banque de Finlande, à l’adressehttp://www.bof.fi/en.

l’être. Il est important de préciser que la simulationn’intègre aucune stratégie d’atténuation, telle quele recours à d’autres méthodes de paiement, quipourrait permettre de contourner, ou à tout lemoins de réduire, les effets d’un tel incident. Lescénario présenté est celui de la pire éventualité.

Les résultatsLa simulation montre que certaines opérationsde paiement du STPGV ne peuvent être réglées aucours de la journée et que d’autres sont temporai-rement retardées. Le prérèglement du STPGV peutégalement être perturbé.

La perturbation simulée du CDSX entraîne le non-règlement de certains paiements 32 jours sur 65.Pour connaître l’incidence de cette situation surles paiements de fin de journée dans le STPGV cesjours-là, nous calculons tout d’abord la valeur despaiements non réglés dans le STPGV en pourcen-tage des paiements sortants dans le CDSX. Cepourcentage s’établit en moyenne à 27 %; certainsjours, il peut dépasser les 80 %. En second lieu,nous évaluons quelle proportion des paiementstransmis dans le STPGV après la fin des opérationsde règlement du CDSX, à 17 h 5, se trouve touchéepar l’incident simulé. En moyenne, 36 % des paie-ments de tranche 1 effectués après 17 h 5 ne peuventêtre réglés.

La perturbation accroît aussi considérablementles retards de paiement dans le STPGV. Les paie-ments qui, au moment d’être soumis, échouentaux contrôles des risques peuvent être mis en filed’attente5. Même si certains peuvent être dénouésultérieurement, leur règlement est retardé. Pourmieux comprendre la situation, nous examinonsl’usage qui est fait de la file d’attente. Dans le scé-nario de base, celui où les paiements CDSX sontréglés, la file d’attente est utilisée 6 jours sur 65alors que, dans le scénario de simulation, elle l’est39 jours.

On constate également qu’une perturbation duprocessus de règlement du CDSX est susceptibled’influer sur les opérations de prérèglement duSTPGV. Les transferts de prérèglement consistenten des paiements interbancaires par lesquels lesparticipants au STPGV ramènent leur position defin de journée à près de zéro. Ces transferts ontlieu entre 18 h et 18 h 30. Au cours de la périodede prérèglement, les participants au STPGV quiont un solde positif prêtent des fonds à ceux dontle solde est négatif afin que ces derniers puissent

5. Pour en savoir davantage sur les files d’attente des paie-ments dans le STPGV, voir Arjani et McVanel (2006).

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Revue du système f inancier — Juin 2008

combler leur déficit. Pour certains participants, laréception d’un paiement du CDSX peut faire passerleur solde au crédit dans le STPGV et leur permettrede prêter des fonds aux participants déficitaires.Certaines opérations interbancaires destinées àramener les positions au voisinage de zéro peuventprécéder la période de prérèglement. L’étude despaiements de prérèglement montre que ceux-cisont effectués, pour la plupart, par des institutionsqui reçoivent des paiements du CDSX. Le pour-centage dépasse 70 % 35 jours sur 65.

Les mesures de contingenceet d’atténuationIl est possible de mettre en œuvre des mesures decontingence pour éviter les retards de règlementdans le CDSX. Le processus de règlement du CDSXn’est pas exempt de perturbations, mais celles-cisont rares et de courte durée. Pour assurer l’exécu-tion des gros paiements en cas d’incident opéra-tionnel, la CDS, le STPGV, les participants auxsystèmes et la Banque du Canada disposent demesures de contingence visant à protéger leursactivités. Au nombre de ces mesures, on trouve lerecours à d’autres méthodes de paiement, commele réseau direct du STPGV, et le déplacement del’exploitation vers un site de relève6. Ces mesuresfont en sorte qu’on intervient rapidement dès qu’unincident empêche le dénouement des opérationsde règlement du CDSX, et que les retards sontminimes ou inexistants7.

En outre, s’il survient un retard dans les paiementssortants du CDSX destinés au règlement, les partici-pants au STPGV disposent de diverses mesures pouren atténuer les effets. Notre analyse des incidentsopérationnels passés indique que les participantsau STPGV affectent des sûretés supplémentairesen garantie de leurs paiements de tranche 1 ettransfèrent des paiements à la tranche 2 lorsquele processus de règlement du CDSX est retardé8.

6. On trouvera plus d’information sur le réseau directdu STPGV et les autres mesures de contingence dansles règles du STPGV, consultables dans le site Web del’Association canadienne des paiements.

7. Pour un complément d’information sur les plans decontingence de la Banque du Canada, voir Allenby(2003).

8. Les participants peuvent prendre d’autres mesuresd’atténuation, qu’il est difficile d’analyser, comme lamodification de l’ordre dans lequel ils soumettent leurspaiements de manière à utiliser les liquidités existantesavec davantage d’efficience.

ConclusionLe fait que les opérations de règlement du CDSXse dénouent par l’intermédiaire du STPGV crée unlien opérationnel étroit entre ces deux systèmesd’importance systémique. L’analyse des auteurs del’étude démontre qu’une perturbation du processusde règlement du CDSX peut avoir une grande inci-dence sur l’activité de fin de journée du STPGV.Dans l’hypothèse peu probable où les fonds derèglement du CDSX ne seraient pas disponibles etoù on n’appliquerait pas de mesures d’atténuation,un nombre considérable de paiements ne pour-raient être réglés ou seraient retardés. La plupartdu temps, les participants atténueraient ces effetsen transmettant des paiements par la tranche 2 ouen plaçant en garantie des sûretés additionnelles,par exemple. De plus, la CDS, les participants auSTPGV et la Banque du Canada pourraient mettreen œuvre des mesures de contingence pour assurerle dénouement des opérations de règlement duCDSX. Les résultats de l’étude soulignent l’impor-tance de mettre en place des systèmes et des procé-dures bien pensés, notamment des mesures decontingence et d’atténuation, afin de protéger lesystème de paiement.

BibliographieAllenby, R. (2003). « La planification de la pour-

suite des activités des systèmes de compen-sation et de règlement : une approchesystémique », Revue du système financier,Banque du Canada, juin, p. 57-60.

Arjani, N., et D. McVanel (2006). Le Systèmecanadien de transfert de paiements de grandevaleur : notions de base, Banque du Canada.Internet : http://www.banqueducanada.ca/fr/financier/stpv_neville.pdf.

Association canadienne des paiements. Règles duSTPGV. Internet : http://www.cdnpay.ca/rules/lvts_rules_fr.asp.

Embree, L., et K. Millar (2008). The Effects of aDisruption in CDSX Settlement on Activity inthe LVTS: A Simulation Study, documentd’analyse no 2008-7, Banque du Canada.

McVanel, D. (2003). « Le CDSX : le nouveausystème de compensation et de règlementdes opérations sur titres », Revue du systèmefinancier, Banque du Canada, juin, p. 61-66.

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Valeurs familiales : structure del’actionnariat, rentabilité et structuredu capital des entreprises canadiennesMichael R. King et Eric Santor

es études théoriques consacrées au lienentre la concentration de la propriété et larentabilité de l’entreprise concluent à unerelation positive ou négative, ou encore

peu significative sur le plan statistique, selon lesarbitrages opérés entre l’effet de convergence etl’effet d’enracinement1. Les études empiriquesproduisent des résultats tout aussi mitigés, tenant,peut-être, à une double difficulté : celle que pose,dans un cas, la spécification des modèles et, dansl’autre, leur estimation. Demsetz et Villalonga(2001) ainsi que Claessens et autres (2002) avan-cent une première explication. D’après eux, larelation entre l’actionnariat familial et la rentabiliténe peut être cernée si l’on ne distingue pas la pro-priété (droits aux flux de trésorerie d’une entreprise)du contrôle (détention de voix délibératives auconseil d’administration)2. Les travaux qui nedébrouillent pas les effets de convergence et d’en-racinement de la propriété et du contrôle risquentd’amalgamer ces facteurs et d’aboutir à des résul-tats peu concluants.

Un second courant d’interprétation se fonde surl’hétérogénéité non observée des entreprises : lesrésultats mitigés s’expliqueraient par des différencessystématiques entre les firmes dont la propriété estfortement ou faiblement concentrée. Ces différencescausent un problème d’identification : théorique-ment, l’actionnariat familial serait un déterminant

1. L’effet de convergence est l’effet incitatif positif produitpar l’actionnariat sur la gouvernance d’entreprise. Plusleur participation dans le capital social d’une entrepriseaugmente, plus les actionnaires dominants sont incités àsurveiller les résultats de l’entreprise. L’effet d’enracine-ment désigne, par contre, les conséquences négatives dela participation accrue des dirigeants au capital sociald’une entreprise, le raisonnement étant que les sociétésqui affichent de mauvais résultats sont à l’abri d’uneprise de contrôle. Les dirigeants sont également suscep-tibles de défendre leurs propres intérêts au détrimentde ceux des autres actionnaires.

2. Dans le cadre de notre étude, nous posons comme hypo-thèse que la possession d’au moins 20 % des actionsavec droit de vote confère au porteur le contrôle d’uneentreprise.

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de la rentabilité, mais il se pourrait que la rentabi-lité commande en réalité la forme d’actionnariat3.

Un des défauts des études internationales relativesaux questions de propriété, de rentabilité et destructure du capital est qu’elles concernent majo-ritairement des pays ou des régions du monde oùle cadre législatif et réglementaire ainsi que lesstructures de marché diffèrent beaucoup de cequ’on connaît aux États-Unis, si bien qu’il est dif-ficile de dissocier les effets propres à l’entreprise(p. ex., choix de la structure du capital, gouvernanceet qualité de la gestion) et les effets propres aupays. De ce point de vue, le Canada offre un ter-rain d’observation idéal. La législation canadiennesur les sociétés et l’actionnariat s’inspire de précé-dents américains, ce qui donne aux deux voisinsles mêmes assises juridiques (Buckley, 1997). Lesdeux pays ont aussi le même régime de commonlaw anglais et des règles similaires en matière decommunication de l’information financière, et ilsprotègent les actionnaires de manière analogue(La Porta et autres, 1998 et 2000). Au Canada,la propriété est toutefois plus concentrée qu’auxÉtats-Unis, et les entreprises sont plus nombreusesà émettre des actions à droits de vote différenciéset à posséder une structure pyramidale, deux carac-téristiques susceptibles de favoriser l’expropria-tion des actionnaires minoritaires (Attig, 2005;Morck, Stangeland et Yeung, 2000)4. Les entreprisescanadiennes se prêtent donc à une analyse contre-factuelle utile, car elles présentent des structuresde propriété qui s’apparentent à celles des sociétés

3. Demsetz et Lehn (1985) sont d’avis qu’un marché effi-cient conduit à une structure de propriété optimale, carles entreprises à la structure de propriété inefficiente nesurvivent pas longtemps. La relation entre la propriété etla rentabilité pourrait donc être endogène.

4. Le terme « actions à droits de vote différenciés » recouvreici trois catégories d’actions en usage au Canada : l’actionsans droit de vote, l’action à vote subalterne et l’action àdroit de vote restreint. La pyramide renvoie à une situa-tion dans laquelle un actionnaire dominant contrôleune société pyramidale ou une société de portefeuillequi détient des participations de contrôle dans le capitald’un groupe ou d’une chaîne d’entreprises affiliées.

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Sommaires de travaux de recherche

européennes ou asiatiques, mais dans un cadreinstitutionnel à l’américaine.

ThéorieUne hausse de la part du capital détenue par lesinitiés ou la présence d’un grand actionnaire peutquelquefois améliorer les résultats de l’entreprise.Par exemple, la participation accrue des initiés aucapital social a un effet bénéfique sur la rentabilité,puisqu’elle contribue à rapprocher les intérêtspécuniaires du dirigeant et des autres actionnaireset atténue, du coup, le problème classique de larelation mandant-mandataire. Par ailleurs, bonnombre d’auteurs qui ont étudié la fréquence de lapropriété familiale dans le monde disent craindreque la concentration de la propriété ne nuise à larentabilité des firmes, surtout quand existent desmécanismes de renforcement du contrôle. Cetteconcentration facilite parfois l’enracinement dedirigeants médiocres, la captation de ressourcesaux dépens des actionnaires minoritaires et unemauvaise allocation des capitaux. De même, ellepeut conduire à une réduction de l’investissementou de son efficience. Lorsque la propriété familialeet les mécanismes de renforcement du contrôledominent, ils peuvent aussi engendrer une perted’efficience sur le plan financier, car les bailleursde fonds se trouvent privés de la possibilité d’in-vestir dans un portefeuille convenablement diver-sifié de sociétés au capital dispersé et, partant,mieux gérées (Morck, Stangeland et Yeung, 2000)5.De son côté, l’Organisation de coopération et dedéveloppement économiques (2007) fait remar-quer que la concentration de la propriété a parfoisentraîné l’expropriation d’actionnaires minoritaires,puis d’importantes externalités négatives pour lesmarchés financiers. Ensemble, ces considérationsont amené certains chercheurs à soutenir quel’actionnariat familial pouvait finir par freinerla croissance économique lorsqu’il constituaitle modèle dominant (Morck, Wolfenzon etYeung, 2005).

Dans l’hypothèse où la propriété familiales’accompagne d’effets aussi négatifs, les autoritéspourraient envisager la mise en œuvre de politi-ques propres à décourager ce type de propriété ou,à tout le moins, à entraver le recours à des méca-

5. Par exemple, on trouve dans de nombreux pays une pro-portion importante d’entreprises à propriété restreinteou dotées de mécanismes de renforcement du contrôle.Les investisseurs qui souhaitent détenir un portefeuilledont la composition est calquée sur celle d’un indice dumarché (ou qui y sont tenus) doivent, de facto, investirdans ce genre d’entreprises même si le risque d’expro-priation des actionnaires minoritaires y est plus élevé.

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nismes de renforcement du contrôle. Comme nousl’avons déjà signalé, toutefois, les effets empiriquesde la concentration de la propriété sur les résultatsde l’entreprise sont encore indéterminés. Il convientdonc d’analyser plus avant la relation entre l’ac-tionnariat familial et la rentabilité pour établir siune intervention des pouvoirs publics se justifie.

MéthodologieNotre étude (King et Santor, 2007) traite de toutesces questions et apporte à la littérature quatre contri-butions. D’abord, nous recueillons pour la périodede 1998 à 2005 des données annuelles sur 613 so-ciétés canadiennes membres de l’indice boursierTSX 300 et de l’indice composite S&P/TSX; nousen identifions le propriétaire, donnons le pour-centage des droits de vote et des droits aux flux detrésorerie qu’il détient et indiquons si l’entrepriseémet plus d’une catégorie d’actions ou a une struc-ture pyramidale. À notre connaissance, l’échan-tillon considéré est le plus important et le pluscomplet à avoir été constitué sur l’actionnariat auCanada. Nous dissocions ensuite les effets de lapropriété familiale et ceux des mécanismes de ren-forcement du contrôle (en l’occurrence, l’existencede plusieurs catégories d’actions et d’une structurepyramidale). Nous mesurons par ailleurs l’influencequ’a la structure de propriété sur les rentabilitésboursière et comptable de toutes les entreprisesde notre échantillon, et ce, à partir du ratio deTobin et du rendement de l’actif respectivement6.Enfin, nous évaluons différentes théories sur larelation entre la propriété et la structure du capi-tal. Nous ne connaissons pas d’autre étude cana-dienne qui ait été consacrée au même sujet.

Nous abordons les questions d’endogénéité évo-quées plus haut en suivant la démarche de Claessenset autres (2002). Plus particulièrement, nous nousappuyons sur une spécification des effets aléatoirespour examiner l’incidence de l’actionnariat sur larentabilité de l’entreprise et la structure du capital :

(1)

Dans cette équation, représente soit le ratiode Tobin, soit le rendement de l’actif, soit (pour lastructure financière) le levier financier (exprimépar le ratio de la dette à l’actif total); désigne lescaractéristiques de l’entreprise : taille, croissancedu chiffre d’affaires, ratio de Tobin pour le secteurd’activité, rendement de l’actif, levier financier, âge,

6. On obtient le ratio de Tobin en divisant la somme del’actif total et de la valeur marchande des actions, dimi-nuée de la valeur comptable de celles-ci, par l’actif total.

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yit α β′ xit δ PROPit εit+ + +=

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appartenance à l’indice composite et ratio desdépenses d’investissement au chiffre d’affaires (lerendement de l’actif et le levier financier sont excluslorsqu’ils constituent la variable dépendante);PROP est une mesure de la propriété — il peuts’agir de la taille des participations de contrôle,des variables muettes associées au type de proprié-taire, du recours à des mécanismes de renforcementdu contrôle ou de l’ampleur de l’écart entre lesparticipations de contrôle et les droits aux fluxde trésorerie; enfin, correspond au résidu demoyenne zéro, corrigé pour tenir compte de l’hété-rogénéité des entreprises.

RésultatsLa proportion des entreprises qui appartiennentà des familles et font appel à des mécanismes derenforcement du contrôle est plus élevée au Canadaqu’aux États-Unis : plus de 32 % des sociétés denotre échantillon sont aux mains de familles quidétiennent au moins un cinquième des actionsavec droit de vote, tandis que 14 % des entreprisesémettent plusieurs catégories d’actions (auxÉtats-Unis, ces chiffres sont respectivement de20 % et de 8 %). Nous constatons que les entre-prises familiales indépendantes qui émettent uneseule catégorie d’actions sont aussi bien évaluéesque les autres (d’après le ratio de Tobin), plusrentables (d’après le rendement de l’actif) et plusendettées (d’après le ratio de la dette à l’actif total).Ces résultats cadrent avec les conclusions des tra-vaux d’Anderson et Reeb (2003) et de Villalongaet Amit (2006) menés sur des données américaines.À l’opposé, les entreprises familiales dont lesactions sont assorties de droits de vote différentssont, en moyenne, sous-évaluées de 17 % par rap-port aux autres entreprises, même si le rendementde leur actif et leur degré d’endettement sont sem-blables à ceux de ces firmes. Cette sous-évaluationconcorde avec le fait que, selon diverses étudesaméricaines et internationales, les entreprises quidissocient les droits aux flux de trésorerie et lesdroits de contrôle sont moins bien évaluées queles autres en raison du risque d’expropriation accrudes actionnaires minoritaires qui leur est associé(Claessens et autres, 2002; Villalonga et Amit,2006). Le résultat tient aussi lorsqu’on tient comptede l’inscription des sociétés canadiennes à la coted’une bourse américaine. En somme, l’actionna-riat familial ne nuit pas en soi à la rentabilité. Cesont plutôt les mécanismes de renforcement ducontrôle qui sont de nature à limiter la valeur del’entreprise.

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Sommaires de travaux de recherche

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