repères n° 11 - octobre 2008

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Bulletin de l’institut n°11 - octobre 2008 Institut Régional CGT d’histoire sociale 1 irhs Midi-Pyrénées 7, place du Fer à Cheval 31300 TOULOUSE Tél. : 05 61 23 35 77 Email : [email protected] Web : irhs-midi-pyrenees.com Directrice de publication : Martine Bernard-Roigt Mise en page : Comité Régional CGT Midi-Pyrénées Imprimerie Les Capitouls Prix : 5 E CGT Midi-Pyrénées institut régional d'histoire sociale Sommaire Editorial...........................................................................................................................page 3 Georges Séguy Commémoration de mai 1968 ........................................................................................page 4 Vie des Instituts Tarn .............................................................................................................................page 11 Haute-Garonne .............................................................................................................page 10 Evènement Commémoration de la libération de la gare de Toulouse du 19 août 1944 ......................page12 Octobre 2008 11

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Bulletin de l’institut n°11 - octobre 2008Institut Régional CGT d’histoire sociale 1

irhs Midi-Pyrénées

7, place du Fer à Cheval31300 TOULOUSETél. : 05 61 23 35 77Email : [email protected] : irhs-midi-pyrenees.comDirectrice de publication : Martine Bernard-Roigt

Mise en page : Comité Régional CGT Midi-PyrénéesImprimerie Les Capitouls

Prix : 5 E

CGTMidi-Pyrénées

institut régionald'histoire sociale

SommaireEditorial...........................................................................................................................page 3Georges Séguy

Commémoration de mai 1968 ........................................................................................page 4Vie des Instituts

Tarn .............................................................................................................................page 11Haute-Garonne .............................................................................................................page 10

EvènementCommémoration de la libération de la gare de Toulouse du 19 août 1944 ......................page12

Octobre 2008n° 11

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Commémoration de mai 68

Participant à la soirée anniversaire de

1968, le 2 juin 2008, hall Gascogne à

Colomiers, vous avez été nombreuses et

nombreux à nous demander le texte des

interventions de G. SEGUY au cours des

débats. Grâce aux enregistrements réalisés

à l'initiative de nos amis de l'Institut des

Hautes-Pyrénées, nous sommes heureux

de mettre ces textes à votre disposition. Ils

ont été auparavant relus par Georges.

Bonjour à vous toutes et à vous tous ;je voudrais tout d'abord remercierl'Institut d'Histoire Sociale Midi-Pyrénées et la Région CGT de m'avoirfait le plaisir de m'inviter à cette ren-contre si sympathique qui me vautl'agrément de retrouver pas mal demes camarades et aussi beaucoupde jeunes que je ne connaissais pas

mais qui continuent, dans le sillagede ce que leurs aînés ont tracé, à ser-vir la cause pour laquelle personnel-lement j'ai toujours combattu.Je voudrais aussi m'associer person-nellement aux remerciements qui ontété adressés à la municipalité deColomiers pour les services qu'elle arendus à cette initiative en nous per-mettant de la tenir dans de bonnesconditions.

Pourquoi ce livre :"RESISTER,

de Mauthausen à mai 1968 "

Avant de donner mon opinion sur lamanière dont on peut concevoir lacélébration du 40e anniversaire de

mai 68, je voudrais dire deux motssur mon livre. D'abord pour voustranquilliser sur le souci que vousavez eu de ne pas en avoir assez parrapport à la demande dans un pre-mier temps ; vous n'êtes pas lesseuls à s'être trouvés dans cettesituation car dans la plupart des casdepuis 15 jours dans toutes les ren-contres que j'ai faites de cette natureil est arrivé à mes copains la mêmechose ; je dis çà parce que à monpropre étonnement je suis assez sur-pris que ce livre recueille tant d'intérêtet soit si largement diffusé ; je me disque peut-être c'est en raison du faitqu'il répond à des préoccupationsactuelles. Ce qui en a été dit jusqu'àmaintenant va dans le sens d'uneréflexion collective qui est à la recher-che de solutions aux problèmes aux-quels nous sommes confrontésaujourd'hui.En vérité, ce livre m'a été inspiré parde jeunes collégiens, lycéens, étu-diants, auprès desquels je me rendssouvent à la demande de leurs ensei-gnants, de leurs professeurs, pourparler de mon vécu dans laRésistance à Toulouse et dans ladéportation au camp de la mort deMauthausen. J'apprécie que ces élè-ves me posent des questions toujourstrès intéressantes dont ils me disentqu'ils ne trouvent pas les réponses àleurs interrogations dans les manuelsscolaires. Ils me conseillent souvent,surtout ceux qui participent auconcours annuel de la Résistance etde la déportation, d'écrire ce que jeleur dis pour qu'ils puissent puiserdans ces témoignages davantage deréflexions et d'arguments pour prépa-rer leur participation au concours.Ce livre là n'est pas un livre d'histoi-re au sens culturel du terme. Je nesuis pas historien, je m'occupe del'histoire, je m'y intéresse beaucoup,mais je ne suis pas ce qu'on appelleun historien. Par contre, je pense quece livre apporte des témoignages sur

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certains des moments de mon exis-tence. Je suis militant depuis 66 ans,il y a des périodes de ma vie durantlesquelles je me suis confronté à desproblèmes, à des difficultés, à desdifférences même, qui m'ont incitéaprès une longue réflexion, en tenantcompte de nos réalités d'aujourd'hui,à parler d'une manière très franche,très ouverte et très conforme à ce quej'ai vécu.Je dois vous dire que ma cultureinitiale est celle de mon père. Monpère était un militant syndicalisteparmi les cheminots de Toulouse.Tous les cheminots de sa générations'en souviennent ; il était fasciné parla Révolution d'Octobre en 1917,membre du parti socialiste avant1920 ; il est devenu militant du particommuniste mais surtout engagésyndical. Il était de ceux qui voyaientdans l'expérience soviétique le modè-le idéal pour l'avenir de l'humanité. Ilétait tellement possédé par cette fas-cination qu'il m'avait même un jourpromis qu'à l'âge adulte je ferai monservice militaire dans l'Armée Rougefrançaise… je me suis retrouvé àMauthausen… C'est à partir de cemoment là que j'ai pensé qu'il ne fal-lait pas vivre toute sa vie sur la basede certitudes qui ne pouvaient pastoujours être confirmées par l'évolu-tion de la vie. Voilà pourquoi, petit àpetit, je me suis efforcé de tenircompte davantage de la réalité que

de certaines idées reçues ou incrus-tées dans les esprits et qui ne seconfirmaient pas toujours dans la vie.Il faut donc considérer ce livre nonpas comme un livre d'histoire, je lerépète, mais comme un témoignaged'un vécu qui, certainement, ne s'a-dresse pas seulement à ma famillecomme je l'ai mis dans la dédicacedu livre ; mais aussi à ma famillesyndicale et à ma famille politique.Là, nous sommes dans une situationoù l'esprit de nous tous, quels quesoient les endroits où nous nous trou-vons et la manière dont nous mili-tons, doit être tourné vers l'avenir parrapport à la réalité dans laquelle nousnous trouvons aujourd'hui.

1968... 2008 …SIMILITUDES… DIFFERENCES…

ENSEIGNEMENTS POUR AUJOURD'HUIQuand j'ai entendu pendant labataille du CPE des lycéens clamerdans la rue “si çà continue nousferons notre mai 68”, je me suis dittout de suite : “il faudra essayer decélébrer ce 40e anniversaire de mai 68beaucoup plus en essayant d'en tirerles enseignements pour savoir com-ment se battre aujourd'hui et com-ment envisager l'avenir, au lieu des'en tenir à une sorte de commémo-ration d'anciens combattants de lalutte des classes qui revivent un sou-venir ardent de leur passé.C'est ce que nous sommes en trainde faire en ce moment. Je pense quel'importance du débat qui a lieu pré-sentement dans toute la France, danstous les milieux, sur le 40e anniver-saire de mai 68, surtout par rapport àce qu'il signifie pour aujourd'hui, cequ'il recèle aussi pour les besoins dela lutte que nous sommes amenés àlivrer, le fait que tant de monde y par-ticipe, c'est unique.Il y a eu en mai 68 des mouvementsétudiants dans différents pays dumonde, y compris au Mexique, desaffrontements très violents entre leslycéens, les étudiants et les forces depolice ; mais dans ces pays il n'y apas de 40e anniversaire parce que

ces événements n'y ont pas fait date.En France, mai 68 et chaque décen-nie sont célébrés comme un évène-ment important. C'est tout simple-ment parce que mai 68 a été histori-quement marqué par le fait qu'il y aeu dans ce seul pays de France unegrève générale qui a paralysé pen-dant plus de 15 jours tout le pays.C'est à partir de là qu'il faut réfléchirà ce qui s'est passé et essayer d'entirer des enseignements.Je pense que Sarkozy, sans le vou-loir, nous a donné un coup de mainpour élargir le débat sur cette ques-tion. Il a dit qu'il fallait tout enterrer, ila parlé au nom de sa classe qui estune minorité et au nom du Medefaussi qui a gardé un très mauvaissouvenir de cette grève généralecompte tenu de ce qu'elle lui a coûtéet des idées nouvelles que ce mouve-ment a fait surgir.Il a suscité dans certains milieux quipeut-être ne se seraient pas expriméscomme ils s'expriment aujourd'hui lavolonté de réagir à cette prétention devouloir enterrer un événement his-torique de cette importance dans lesoubliettes du passé.Nous en sommes aujourd'hui àsavoir comment on parle de cesmoments de notre histoire. Je vou-drais simplement rappeler que nousavions vécu 10 ans auparavantquelque chose d'un peu semblable ;la IVe République était tellement répu-diée que tout à coup est arrivée,après les événements d'Algérie, l'idéed'un nouveau pouvoir : laVe République, avec des discours dela part de ses protagonistes allant

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dans le sens “…il faut changer, il fautrompre avec le passé, il faut faire desréformes qui changent complètementla situation dont la France a besoin, ilfaut aller de l'avant et même s'il y ade la résistance il faudra le fairequand même…” C'est exactement lepropos que nous tient l'actuel prési-dent de la République.En mai 1958 je me souviens -c'enest le 50e anniversaire aussi- les80 % d'électeurs français qui avaientvoté pour ce changement avaientl'espoir qu'ils allaient enfin vivrequelque chose de différent. Cela s'esttraduit d'abord par de la désillusion,ensuite par du mécontentement, puispar de la colère et enfin par l'explo-sion et même la révolte.Je ne veux pas, par là, vous laissersupposer que je crois que les proposde Sarkozy vont nous amener trèsprochainement au même résultat.Mais tout de même, il y a une simili-tude dans la manière dont ce pouvoirprolonge ce qui a motivé l'engage-ment social de cette grève générale. Ily a dans les propos de Sarkozyquelque chose de similaire à ce quenous avons entendu en 1958. Ses

décisions sont qualifiées de réformes,alors que le mot réforme, socialementdans notre pays, a toujours signifiéprogrès, avancées, changementsvers une amélioration. Ici le motréforme est utilisé dans le senscontraire de régression, de recul, deretour au passé, de remise en causede ce qui a été obtenu dans les luttessociales pour les travailleurs et passeulement pour eux mais aussi,comme ce fut le cas en mai 68, pourtoute la population comme cela a étérappelé dans les différents témoignages.Ceci provoque de la désillusion,parmi ceux qui ont cru et qui ont votéà 53 % pour le président de laRépublique actuel.Maintenant la désillusion commenceà être dépassée, cela devient dumécontentement, et dans certainsmilieux, et pas seulement celui destravailleurs, cela commence à deve-nir de la colère. La colère en mai 68s'est transformée en explosion. Nousne sommes sûrement pas aujour-d'hui proche d'une explosion sem-blable à celle de mai 68 parce quebeaucoup de choses ont évolué,beaucoup de choses ont changé.

Mais ce qui subsiste c'est que ceuxqui sont victimes des mesures anti-sociales de ce gouvernement ne sup-porteront pas éternellement cettemanière d'être frappés dans leursconditions de vie et de travail parcequ'ils veulent toujours comme en mai68 travailler et vivre autrement.Or, ce que nous propose Sarkozy etses soutiens, tous ses conseillers quilui font même commettre parfois deserreurs dont il reconnaît la nocivitémais il affirme vouloir continuer parcequ'on ne peut pas faire autrement, ehbien tout cela accumule un méconten-tement qui se transforme en colère.C'est sûr que ceux qui sont victimesde ces mesures ne se laisseront pasfaire jusqu'au bout, nous allons versdes réactions qui peuvent prendredes formes de colère voire d'explo-sion. A nous de savoir comment onpeut faire face à cette situation.J'ai beaucoup de bons souvenirs demai 1968, surtout le souvenir que10 millions de grévistes devant legouvernement de droite et le patronatcela a une force de persuasion beau-coup plus forte que le meilleur dos-

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Georges Séguy

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sier plein des meilleurs argumentsque l'on peut trouver pour justifier lesrevendications. Le SMIG que nousrevendiquions en mai 1968 à600 francs par mois soit une augmen-tation de 35 % était jugé par les éliteséconomistes de la droite, irréalisable,de nature à faire écrouler l'économienationale et avantager la concurrenceinternationale, notamment européenne.Finalement en dix minutes à Grenellenous avons augmenté le SMIG à600 francs, soit de 35 % par mois,et le salaire minimum agricole garan-ti de 55 % en le ramenant au niveaudu SMIG et en supprimant les abatte-ments de zones. Donc ce qui estréputé impossible peut, en dix minu-tes, devenir possible ; ce qui signifiedonc avec les mots d'ordre de mai68 que réclamer l'impossible n'estpas utopique dans la mesure où lerapport des forces bascule.Le rapport des forces en mai 1968 abasculé au moment où la CGT s'estémue devant l'attitude de violencepolicière insupportable dont les étu-diants étaient victimes dans le Quar-tier Latin, notamment dans la nuit du10 au 11 mai rue Gay-Lussac.Lorsque nous avons entendu ces for-ces de police - qui s'étaient déjà dra-matiquement manifestées àCharonne où 9 militants de la CGTavaient été tués 6 ans auparavant -ces forces commandées par Paponqui intervenaient contre les étudiantssur les barricades au Quartier Latin.A ce moment là je n'ai pas cherché àsavoir si ces étudiants qui étaient surles barricades étaient trotskistes,maoïstes, situationnistes, ou anar-chistes, j'ai dit “ce sont des jeunes”.Quelles que soient leurs idées, leursconceptions et leurs convictions idéo-logiques ils sont sur les barricades etils sont écrasés par un pouvoir quiveut les mater par la violence, c'est ànous de prouver que nous ne laisse-rons pas ce pouvoir ni cette policeécraser les étudiants.Quand nous avons proposé aux autresorganisations, un peu éberluées, quele samedi on propose d'arrêter toutela France le surlendemain lundi, ellesont finalement compris que si ellesn'acceptaient pas, nous lancerionsun mot d'ordre, CGT seule, persuadés

que nous serions suivis. Eh bien cejour là, le 13 mai 68, tout a basculéet le rapport des forces a changécomplètement ; çà n'était plus seule-ment le mécontentement des tra-vailleurs et la révolte des étudiantsqui faisaient les premières pages desjournaux, mais, comme disait leFigaro : “le 13 mai a fait basculer lerapport des forces et c'est désormaisle mouvement ouvrier qui a pris leschoses en main”.Voilà comment les choses se sontproduites. Je pense que il y a là lesraisons de comprendre à quel pointce fut important. La deuxième raisonde ma satisfaction c'est que ce mou-vement par lui-même a entraîné uneévolution des mentalités, des mœursmêmes, la volonté d'évoluer, dechanger, pour vivre et travailler autre-ment, changer toute la société, allerde l'avant, l'âge d'or comme disentnos amis artistes. C'est un grand évé-nement qu'on ne pouvait pas prévoiravant mai 68 qui est devenu, dans leprolongement de cette grande pous-sée progressiste, sociale et populairefinalement, un événement capital.voilà pourquoi Sarkozy et ses amis lecondamnent, parce qu'ils ne vou-draient pas que cela se reproduise.Malheureusement, il s'est produitaussi quelque chose qui m'a beau-coup déçu ; je pense qu'il faut en par-ler ouvertement, avec beaucoup defranchise : la CGT a fait beaucoupd'efforts pendant cette période degrève pour convaincre la gauche,toute la gauche, (dépassée par l'évé-nement qui se produisait, elle n'en apas compris l'importance et la signi-fication au moment où il a pris savéritable ampleur, où il est arrivé àson maximum), pour lui faire com-prendre qu'elle avait là une occasionde se saisir de la volonté populaireexprimée dans une lutte formidable

de transformer la société, d'aller del'avant, de faire les vrais change-ments qu'on nous avait promis et quine se réalisaient pas. Nos effortsn'ont pas abouti. Malheureusementc'est la division qui a prédominé. Il afallu régler tout ce qu'on a pu àGrenelle et dans les négociations quiont suivi par branches professionnel-les. Nous avons espéré malgré toutque quelque chose dans cet élanallait se produire mais malheureuse-ment, comme vous vous en souve-nez sans doute, non seulement ladroite n'a pas perdu les élections quiont suivi, mais elle est revenue aupouvoir renforcée par le nombre deses députés.Je suis convaincu que si la gauches'était unie à ce moment là sur unprojet d'alternative politique prenanten charge les revendications pour les-quelles nous étions en lutte et propo-sant une alternative de changement,elle aurait pu gagner les électionslégislatives. En ce qui concerne notremouvement syndical CGT, on auraitsoutenu cette union de la gauche pourune perspective de changement pro-fond de gouvernement populaire.Aujourd'hui je pense toujours à çà etje me demande si on ne risque pasde se trouver dans une situation sem-blable parce que le mécontentementexiste, il s'accroît, la colère monte etje trouve toujours une gauche qui nesemble pas se rendre compte de laresponsabilité qui lui incombe.Désire-t-elle vraiment aller vers unchangement et se débarrasser d'unedroite qui écrase tout, qui veut nousspolier de tout ce que nous avonsconquis par la lutte.Cette question est très importante eten tant que syndicaliste, je pense quenous ne pouvons pas nous en désin-téresser purement et simplement endisant que les questions politiques ne

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sont pas de notre ressort. Nous som-mes une organisation indépendante,nous tenons beaucoup à notre indé-pendance, mais nous ne sommespas neutres et quand il s'agit dequestions politiques qui touchent àl'avenir des travailleurs dont nousdéfendons les intérêts, il est normalque nous exprimions notre opinion.En ce moment notre opinion ne peutpas se satisfaire de l'argument quiconsiste à dire que rien ne sera pos-sible en matière de changementavant les prochaines élections prési-dentielles dans 4 ans ; cela ne peutpas être acceptable par nous. Nousvoulons faire comprendre à la gau-che en général que le moment estvenu de réfléchir aux responsabilitésqui lui incombent si elle veut conti-nuer à pouvoir se réclamer des inté-rêts de la classe ouvrière.(applaudissements)

RELATIONS AVEC LE MOUVEMENT

ETUDIANT

La question qui m'était posée sur lajeunesse m'incite à apporter une préci-sion que vous trouverez dans mon livre

pour ceux qui ne l'ont pas encore lu.En mai 68 le mouvement étudiant s'estexprimé, disons pour être à peu prèsclair, simultanément et parallèlementau mouvement ouvrier. Les raisonsdes mécontentements des étudiants etdes enseignants, de l'enseignementsupérieur surtout, et les raisons dumécontentement des travailleurs prove-naient de l'attitude d'un pouvoir et d'unpatronat qui avaient tout verrouillé etavec lesquels on ne pouvait pas dis-cuter ni des revendications ni de lamodernisation de l'Université. Lemouvement a germé comme çà.Ensuite, dans l'évolution de la lutte ily a eu des problèmes entre la direc-tion de la CGT et la direction del'UNEF sur des questions à caractèrepolitique. J'ai personnellement étéamené à réfléchir sur ce point. Il s'estpassé une chose qui n'apparaît peut-être pas évidente à tout le mondemais qui pour nous était vraiment trèsvisible et effective, c'est que différentsgroupements parmi les étudiants quis'appelaient trotskistes (en trois ten-dances différentes d'ailleurs, maoïs-tes, situationnistes, anarchistes), etd'autres encore, se sont organiséspour exprimer des options idéolo-

giques dans un certain sens anticom-muniste, antimarxiste et en se décla-rant les meilleurs révolutionnaires quipuissent exister dans un payscomme le nôtre. Ils ne l'ont pas faitavec leur propre organisation, ils sesont un peu investis dans l'UNEF quiétait en crise à ce moment là, crise dedirection et financière aussi très forteet qui s'est laissée faire un peu, trop,par ces groupements qui ont préten-du, par l'intermédiaire des positionsqu'ils occupaient à la direction del'UNEF, donner des leçons révolution-naires à tout le monde.Pour nous le problème n'était pas tel-lement d'être gênés par les idéologiesprésentées, parce qu'après tout desidéologies différentes il y en a mêmeau sein de la CGT c'est normal. Ilsprétendaient être plus révolutionnairesque les marxistes par exemple, cen'était pas çà qui était choquant ;nous étions déjà en grève générale,les usines occupées ; bien tenir enmains la grève, c'était très important,mais aussi par l'occupation nousavions la responsabilité de la sécuri-té des installations que nous occu-pions. Or, les mots d'ordre de cesgroupes auxquels j'ai fait allusion,c'était “il faut détruire les moyens deproduction du capital, des patrons, ilfaut investir l'Assemblée Nationale, ilfaut occuper de force l'ORTF, il fautprendre d'assaut la Bourse, ce sanc-tuaire du capital”.Dans une bataille comme la nôtreavec tous les travailleurs en grèveoccupant les usines et les étudiantsqui étaient prêts, pour certains d'ent-re eux à se lancer dans n'importequelle direction avec l'espoir de toutbouleverser, nous pouvions être à lamerci de provocations organisées parl'adversaire dans ces milieux prêts àtout faire sauter, et qui se seraientretournées contre le mouvementouvrier mais aussi contre le mouve-ment étudiant.Voilà pourquoi nous n'avons pas,c'est vrai, ouvert la porte, surtout en

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région parisienne, de toutes les entre-prises occupées, à des groupes d'é-tudiants qui voulaient y pénétrer.Je pense que nous avons commisl'erreur à la direction de la CGT, d'at-tribuer cette tendance négative, parrapport à la manière dont on conduitune lutte, à l'ensemble du mouve-ment étudiant ; si notre analyse avaitété plus attentive, nous nous serionsrendu compte que dans beaucoup devilles universitaires tout se passaitnormalement, en bonne coopérationentre la CGT et l'UNEF, entre les étu-diants et les travailleurs en grève.C'était le cas à Toulouse d'après ceque je sais, c'était le cas à Bordeaux,à Montpellier, et dans d'autresUniversités françaises où dans beau-coup de circonstances les étudiantset les travailleurs, les militants de L'U-NEF et les militants de la CGT ont puse rencontrer et discuter posément. Jereconnais aussi, avec la pression decondamnations politiques de partis,de formations diverses, contre cesactions, que ces théories et ces idéo-logies gauchistes ont peut-être exercédes pressions qui ont eu une certaineinfluence sur notre attitude ; maisnous nous sommes ressaisis assezrapidement et aujourd'hui, je puisvous rendre compte de cette vérité,nous entretenons les meilleures rela-tions que l'on puisse imaginer avecl'UNEF qui a retrouvé son équilibresyndical et son indépendance syndi-cale, un fonds d'autonomie aussipour son orientation dans la lutte.Son ex président Bruno Julliard quiétait avec nous le 29 avril avecBernard Thibaud, Jean-Louis Moynotet moi, a bien insisté sur le fait quedésormais pour les étudiants lemeilleur allié syndical qu'ils pou-vaient avoir dans les luttes qu'ils

mènent c'est la CGT, et la bataillecontinue.(applaudissements)

Syndicalisation…Unité Syndicale… Pour le rapport

de forces

Comment trouver dans nos imagina-tions, dans notre intelligence et dansnotre volonté les moyens de recréerun rapport de forces susceptible depermettre des avancées et de faireéchec à la politique antisociale àlaquelle nous sommes confrontés.Je voudrais dire à ce propos quel'une des grandes différences quiexiste entre aujourd'hui et mai 1968c'est le fait qu'à cette époque la CGTcomptait 2500000 syndiqués. Aucours de la bataille elle a fait300000 adhésions. Après la bataille100000 de plus, nous approchions,un mois après mai 68, les 3000000d'adhérents.

Aujourd'hui la CGT compte 700000adhérents et l'ensemble des syndi-cats, qui sont au nombre de huit enFrance aujourd'hui, représente 8 %des salariés, tous syndicats confon-dus. Lorsqu'il y a une négociation, cequi est très rare surtout dans le sensdu mot négociation qui consiste àtrouver des solutions aux problèmessociaux, lorsqu'il y a une négociationtripartite, il y a un représentant de l'État,un représentant du patronat et huitreprésentants des travailleurs, un parorganisation syndicale ce qui est unrecord en Europe ; c'est en Francequ'il existe le plus d'organisationssyndicales différentes et le moins desyndiqués, ce qui signifie que plus ily a d'organisations moins il y a desyndiqués.Çà c'est un problème qui ne concer-ne pas que les dirigeants des organi-sations syndicales ; c'est un problè-me qui intéresse les 8 % de syndi-qués d'abord et aussi les 92 % detravailleurs qui ne sont pas syndi-qués mais qui, malgré la faiblesse du

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taux de syndicalisation, profitent dessuccès que nous pouvons remporterou des échecs que nous pouvonsinfliger au gouvernement sans êtresyndiqués. Il y a des pays où seulsles syndiqués bénéficient des résul-tats obtenus par les syndicats.C'est pourquoi, chaque fois que j'ail'occasion de le faire, je m'adresseaux travailleurs non syndiqués enleur disant que la faiblesse du tauxde syndicalisation dépend aussi deleur volonté de créer un rapport deforces favorable aux intérêts des tra-vailleurs.Je voudrais de plus faire remarquerque les huit organisations syndicalesen présence, non seulement ne sontpas unies par des objectifs com-muns, mais sont rivales entre elles,sont concurrentielles et ont plus ten-dance à brouter la laine sur le dosdes 8 % de syndiqués qui existentplutôt que de rechercher s'il n'y auraitpas la possibilité d'avoir un front syn-dical commun, on dit un rassemble-ment syndical, suffisamment fondésur des objectifs communs pour

aussi créer une tendance à un rapportde forces différent. Il est bien évidentque le gouvernement actuel aussibien que le patronat devant cette divi-sion syndicale utilisent tous lesmoyens possibles et imaginablespour que rarement se produise unedécision d'action qui mette tous lessyndicats dans le coup, ce qui seraitune force syndicale formidable.Je ne me fais pas d'illusion, je saistrès bien que nous n'allons pas d'iciun mois, un an ou trois ans, créer unseul syndicat comme ce fut le cas en1936 lorsqu'il y avait des négocia-tions à Matignon avant le FrontPopulaire : il y avait un seul syndicatface à un seul patron et un gouverne-ment de gauche avec lesquels onnégociait les revendications aumoment des Accords Matignon.Tout de même, nous devrions réflé-chir tous et pas seulement quelquesspécialistes, à la question de savoirpourquoi, même dans des conditionsde pluralisme syndical, on ne peutpas trouver le moyen d'un pluralismeunitaire et d'actions communes pour

faire face à la situation car cette pro-pension à la rivalité entre syndicatsrelève d'un esprit de clocher tellementdérisoire que ce n'est pas acceptabledans les conditions telles que cellesque nous vivons aujourd'hui.D'autant qu'il existe maintenant ladimension européenne ; je le disparce que de plus en plus les grandsproblèmes sociaux prennent, à causede la situation, cette dimension euro-péenne ; on veut établir une sorte d'é-galité entre les différents pays, quisont 27 maintenant dans cette nou-velle Europe, sur le plus bas niveaupossible. Voilà pourquoi c'est nousqui payons le plus cher parce quenotre système social était le meilleurd'Europe.Au sein de la Confédération euro-péenne des syndicats, à laquelle par-ticipe la CGT, siègent la CFDT et ForceOuvrière et là on se retrouve ensem-ble sans problème. Il existe depuis lemois de novembre 2007 uneConfédération internationale des syn-dicats où siègent les mêmes, CGT,FO, CFDT, où il n'y a pas de problè-me à s'asseoir sur le même bancavec les autres collègues des syndi-cats.Pourquoi ce qui est supportable auxplans européen et international nel'est pas en France ? C'est une ques-tion qui interpelle sérieusement lesdirigeants des autres organisationssyndicales car si on mesure l'évolu-tion des uns et des autres, c'estquand même, au cours des dernièresannées, la CGT qui a le plus évoluépar rapport au passé. Les autres ensont restés, d'une manière un peutrop systématique avec un esprit rin-gard qui est complètement dérisoire,à des conceptions partisanes qui tou-chent à des questions d'intérêt dechapelle, d'esprit de clocher qui ne seposent plus, qui sont dépasséesmaintenant par la situation. Il fautdonc les inciter à mettre leur montre àl'heure sur les conditions dans les-quelles nous nous trouvons et qui

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favorisent tout ce que le patronat,notamment la plupart des grandspatrons, font pour diviser les tra-vailleurs entre eux : l'individualisationdes salaires avec les primes particu-lières, les stock-options, et aussi lemanagement qui consiste à créer unétat d'esprit maison incitant à plaireau patron plutôt que de se syndiquer.Voilà des questions face auxquellesun vrai syndicaliste ne peut pas selaisser faire et doit réagir. Ce n'estpas le cas pour le moment mais jecrois que lorsqu'on réfléchit à la per-spective et à la nécessité d'avoir unmeilleur rapport des forces cettequestion du taux de syndicalisationconsécutif à la division syndicale estune grande question qui doit concer-ner tout le monde.(applaudissements)

1968… La CGT au pouvoir ???

J'ai été interpellé sur la question desavoir pourquoi la CGT n'avait pasété tentée en mai 1968 de prendre lepouvoir. Voulez-vous que je vousdise ce que j'ai répondu?J' avoue qu'effectivement on y asongé, mais nous nous sommes misà réfléchir à la question de savoirquelles conditions il fallait remplirpour parvenir à cet objectif : s'empa-rer du pouvoir par la CGT elle-même.Tout d'abord, nous aurions dûconsulter les travailleurs pour savoirs'ils seraient d'accord pour tempérer

un peu les revendications et mettrecomme objectif essentiel de la grèvegénérale la conquête du pouvoir.Sans doute si nous l'avions fait nousaurions eu une majorité parmi les tra-vailleurs tellement la volonté dechangement était forte.Deuxièmement il fallait savoir quipouvait nous soutenir pour réalisercet objectif :Aucune organisation syndicaleconcurrente, ni les gauchistes quipensaient que nous étions des antirévolutionnaires, et du côté politique,ni la gauche non communiste quipensait prendre le pouvoir mais sansnous, ne nous auraient soutenus. Leparti communiste nous aurait soute-nus, il aurait pu jouer le rôle de cour-roie de transmission pour convaincrela gauche non communiste de ne pasnous mettre trop de bâtons dans lesroues…Ensuite il fallait comme autre condi-tion, être sûrs que la police n'inter-viendrait pas et que l'armée ne bron-cherait pas, c'est-à-dire que deGaulle lorsqu'il est allé à Baden-Baden voir Massu, ce dernier auraitdu lui dire : “mon Général, je suisdésolé mais je ne peux pas faire ceque vous me demandez”.Si toutes ces conditions avaient puêtre réunies, le chemin de l'Elyséenous aurait été grand ouvert, il suffi-sait d'aller y prendre place. Maiscomme nous sommes des démocra-tes nous aurions pensé qu'il fallaitfaire légaliser ce nouveau pouvoir par

le peuple, c'est-à-dire faire ratifier parle suffrage universel, un nouveaupouvoir qui aurait comme présidentde la République Benoît Frachon etcomme premier Ministre, GeorgesSéguy. On s'est dit, çà ce n'est paspossible ! Mieux vaut aller négocier àGrenelle !(rires et applaudissements)

Conclusion

Pour conclure, cette assemblée s'estrévélée très intéressante, et très sym-pathique, avec les représentants detoutes les professions qui sont ici ; jevoulais simplement dire que finale-ment nous nous sommes concertésaujourd'hui pour réfléchir ensemble àce qu'il convient de faire pour aller del'avant.J'espère que cette réunion, cet échan-ge d'idées, de souvenirs aussi et devolonté vers des perspectives nouvel-les, vont contribuer dans notre régionici - notre région puisque je suis tou-lousain et fidèle à mon origine - àpermettre le renforcement de la CGT età ouvrir de nouvelles perspectives eninvitant tous ceux qui sont d'accordpour un meilleur avenir, ce que je dissouvent, pour permettre cet idéal quiest le nôtre.Travailler plus pour gagner plus, çàn'existe pas ; en vérité, pour gagnerplus il faudrait lutter plus.(applaudissements)