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Concours de recrutement du second degré Rapport de jury _____________________________________________________________ Concours : Agrégation externe Section : Lettres classiques Session 2016 Rapport de jury présenté par : Monsieur François ROUDAUT Président du jury

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  • Concours de recrutement du second degr Rapport de jury

    _____________________________________________________________

    Concours : Agrgation externe Section : Lettres classiques Session 2016

    Rapport de jury prsent par : Monsieur Franois ROUDAUT Prsident du jury

  • 1

    La liste des membres du jury, le programme et les sujets des preuves de la session 2016

    sontdisponibles sur le site devenir enseignant : http://www.devenirenseignant.gouv.fr

    SOMMAIRE Droulement des preuves p. 2 Liste des ouvrages mis gnralement la disposition des candidats dans les salles de prparation p. 3 Rapport du Prsident p. 4 Bilan de ladmission p. 5 preuves crites dadmissibilit Thme latin p. 6 Thme grec p. 13 Version latine p. 18 Version grecque p. 24 Dissertation franaise p. 29 preuves orales dadmission Leon p. 32 Explication dun texte franais postrieur 1500 p. 35 preuve de grammaire p. 39 Explication dun texte antrieur 1500 p. 44 Explication dun texte latin p. 47 Explication dun texte grec p. 49 Programme de la session 2017 p. 51

    http://www.devenirenseignant.gouv.fr/

  • 2

    DEROULEMENT DES EPREUVES

    preuves crites dadmissibilit : 1. Thme latin Dure : 4 heures ; coefficient 6. 2. Thme grec Dure : 4 heures ; coefficient 6. 3. Version latine Dure : 4 heures ; coefficient 6. 4. Version grecque Dure : 4 heures ; coefficient 6. 5. Dissertation franaise sur un sujet se rapportant un programme duvres Dure : 7 heures ; coefficient 16.

    preuves orales dadmission : 1. Leon portant sur les uvres inscrites au programme, suivie dun entretien avec le jury : Dure de la prparation : 6 heures Dure de lpreuve : 55 minutes (dont 40 mn, au maximum, pour lexercice, et 15 mn dentretien, au maximum). Coefficient : 11. 2. Explication dun texte de franais moderne tir des uvres au programme (textes postrieurs 1500), suivie dun expos de grammaire portant sur le texte et dun entretien avec le jury : Dure de la prparation : 2 heures 30 Dure de lpreuve : 1 heure (dont 45 mn, au maximum, pour lexplication de texte et lexpos de grammaire, et 15 mn, au maximum, pour lentretien avec le jury). Coefficient : 9. 3. Explication dun texte dancien ou de moyen franais tir de luvre (ou des uvres) au programme (texte antrieur 1500), suivie dun entretien avec le jury : Dure de la prparation : 2 heures. Dure de lpreuve : 50 minutes (dont 35 mn dexplication, au maximum, et 15 mn dentretien, au maximum). Coefficient : 5. 4. Explication dun texte latin, suivie dun entretien avec le jury : Dure de la prparation : 2 heures. Dure de lpreuve : 50 minutes (dont 35 mn dexplication, au maximum, et 15 mn dentretien, au maximum). Coefficient : 8. 5. Explication dun texte grec, suivie dun entretien avec le jury : Dure de la prparation : 2 heures. Dure de lpreuve : 50 minutes (dont 35 mn dexplication, au maximum, et 15 mn dentretien, au maximum). Coefficient : 8. Les entretiens qui suivent chacune des preuves portent sur le contenu de la leon ou de lexplication prsente par le candidat. Sagissant des preuves orales de latin et de grec, le tirage au sort dtermine pour chaque candidat laquelle sera passe sur programme, laquelle sera passe hors programme.

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    LISTE DES OUVRAGES MIS GENERALEMENT A LA DISPOSITION DES CANDIDATS DANS LES SALLES DE

    PREPARATION Pour la leon et les explications, les ouvrages jugs indispensables par le jury sont mis la disposition des candidats ; la liste propose ci-aprs (la mention des diteurs a t omise) est indicative et prsente globalement, sans les distinguer, les ouvrages mis disposition dune part pour la prparation de lexplication de texte et dautre part pour celle de la leon. Atlas de la Rome antique. Atlas du monde grec. Bible de Jrusalem. Dictionnaire Grec-Franais dA. Bailly. Dictionnaire culturel de la Bible. Dictionnaire de la Bible. Dictionnaire de la langue franaise dE. Littr, 7 volumes. Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine. Dictionnaire de lancien franais. Dictionnaire de lAntiquit. Dictionnaire de potique et de rhtorique dH. Morier. Dictionnaire de rhtorique de G. Molini. Dictionnaire des lettres franaises, 5 volumes. Dictionnaire du franais classique. Dictionnaire du moyen franais. Dictionnaire tymologique de la langue franaise. Dictionnaire Latin-Franais de F. Gaffiot. Dictionnaire Grand Robert. Dictionnaire historique de la langue franaise, 2 volumes. Dictionnaire Petit Robert 1 (noms communs). Dictionnaire Petit Robert 2 (noms propres). lments de mtrique franaise de J. Mazaleyrat. Gradus. Les procds littraires. Grammaire grecque dE. Ragon et A. Dain. Grammaire homrique. Guide grec antique. Guide romain antique. Histoire de la littrature chrtienne ancienne grecque et latine, tome 1 : De Paul Constantin. Histoire de la littrature grecque de S. Sad et M. Trd. Histoire gnrale de lEmpire romain, 3 volumes. Histoire grecque de G. Glotz, 4 volumes. Histoire grecque de Cl. Orrieux et P. Schmitt. Histoire romaine de M. Le Glay, J.-L. Voisin et Y. Le Bohec. Institutions et citoyennet de la Rome rpublicaine. La civilisation de lOccident mdival. La civilisation grecque lpoque archaque et classique. La conqute romaine dA. Piganiol. La littrature latine de J.-P. Nraudau. La Rpublique romaine. La vie dans la Grce classique. La vie quotidienne Rome. La vie quotidienne en Grce au sicle de Pricls. Le mtier de citoyen sous la Rome rpublicaine. Le monde grec et lOrient, 2 tomes. Le sicle de Pricls. LEmpire romain / Le Haut Empire. LEmpire romain dE. Albertini. Les grandes dates de lAntiquit de J. Delorme. Les institutions grecques lpoque classique de C. Moss. Littrature franaise, 9 volumes. Littrature latine de J.-Cl. Fredouille et H. Zehnacker. Naissance de la chrtient. Prcis de littrature grecque de J. de Romilly. Rome lapoge de lEmpire de J. Carcopino. Rome et la conqute du monde mditerranen, 2 volumes. Rome et lintgration de lEmpire /Les structures de lEmpire romain. Septuaginta, id est Vetus Testamentum graecum. Syntaxe latine dA. Ernout et A. Meillet. Trait de mtrique latine.

  • 4

    RAPPORT DU PRESIDENT

    Cette anne, le nombre des postes tait de 87, soit deux de plus que pour la session 2015. Il tait de

    75 en 2014 et 2013, de 60 en 2012, de 50 en 2011, de 46 en 2010, de 40 en 2009, 2008, 2007 et 2006, de 60 en 2005, de 53 en 2004 et de 62 en 2003.

    La lgre augmentation du nombre des inscrits (381 cette anne contre 369 lanne dernire) ne doit pas masquer le nombre plus faible des candidats prsents toutes les preuves : 230 cette anne 2016, contre 240 en 2015.

    159 candidats ont t dclars admissibles. La moyenne des candidats admissibles est cette anne de 8, 73 / 20 (9, 86 en 2015 et 9, 81 en 2014), la barre dadmissibilit se trouvant cette anne 5, 13 (en 2015 5, 85 et en 2014 6, 5).

    La barre dadmission a t fixe 8, 03/20 ; elle se trouvait 8, 34 en 2015, 8, 36 en 2014 et 8, 27 en 2013. Le niveau gnral a nettement baiss, ce qui justifie le fait que la totalit des postes mis au concours nait pas t pourvue.

    Comme lors des trois dernires sessions, les admissibles les plus nombreux sont les professeurs certifis : 77 admissibles, 70 prsents loral et 19 admis. On trouve ensuite 51 tudiants hors ESPE admissibles et prsents, 30 admis ; 2 tudiants en ESPE admissibles et prsents, 0 admis ; 15 tudiants dune ENS admissibles et prsents, 14 admis. On pourrait se demander dans quelle mesure, cette anne encore, lagrgation interne nest pas plus slective que le concours externe.

    La profession continue se fminiser nettement : comme en 2015 et en 2014, plus des deux tiers des admissibles sont des femmes. Cette proportion se maintient lorsque lon considre les admis : 45 femmes et 22 hommes (en 2015 : 57 femmes et 28 hommes).

    Les notes stagent de 0, 5 20. Le jury na pas hsit attribuer parfois les notes de 19 et de 20, considrant que le niveau atteint par la copie ou par lexercice oral tait digne des plus grands loges. Loral est trs ouvert : comme les annes prcdentes, plusieurs candidats mal classs lissue de lcrit ont t reus dans un bon rang.

    Les rapports qui sont prsents dans les pages suivantes doivent moins tre lus comme des corrigs dpreuves passes que comme des guides pour acqurir ou confirmer une mthode, au sens le plus gnral du terme. Car si le concours a pour fonction dvaluer des connaissances, il doit permettre galement de mesurer les capacits transmettre comptences et savoir : lagrgation est un concours de recrutement de futurs enseignants. Ce point ne doit pas tre oubli par les candidats qui doivent donc possder, outre des connaissances, clart dans la pense ainsi que nettet et correction dans lexpression. La pense ne sexprimera pas par phrases toutes faites, et lon nemploiera pas quelques mots tort et travers (cette anne, lthos tait trs tendance ). Bref, il faut une tenue, qui doit non seulement se manifester dans le domaine intellectuel, mais aussi, il est ncessaire de le souligner puisquil sagit dun recrutement de futurs fonctionnaires , dans celui du vtement et du comportement. On vitera de venir passer les preuves comme si lon allait la plage, demployer un langage relch ou familier, ou encore de boire la bouteille face au jury. La transmission du savoir passe par des attitudes et des gestes : Pascal la dit, jadis. Et la politesse lgard dautrui (quil sagisse du jury ou de nimporte qui dautre) est une qualit ncessaire qui veut prcisment instruire, dans tous les sens du terme. Il va de soi que la prtention, acceptable aucun moment de la vie, lest encore moins au moment o lon passe les preuves dun concours. Quelques cas stant prsents, il faut malheureusement faire mention de ce point.

    Enfin, on rappellera, cette anne encore, que ce concours de la fonction publique est un concours national. Cela signifie que les convocations qui manent de lui priment sur toute autre convocation (si le candidat est un tudiant) ou sur toute autre obligation de service (sil sagit dun fonctionnaire), naturellement dans le strict cadre dfini par la circulaire n 2002-168 du 2 8 2002.

  • 5

    BILAN DE LADMISSION

    Nombre de candidats admissibles : 159. Nombre de candidats non limins : 150. Soit 94 % des admissibles. Nombre de candidats admis sur liste principale : 67 (sur 87 postes mis au concours). Soit 45% des non-limins. Barre de la liste principale : 642, 5 (soit un total de : 8, 03/20)

    Nombre de candidats inscrits sur liste complmentaire : 0. Nombre de candidats admis titre tranger : 0. Moyenne portant sur le total gnral (total de ladmissiblit + total de ladmission) Moyenne des candidats non limins : 682, 43 (soit une moyenne de 8, 53/20) Moyenne des candidats admis sur liste principale : 878, 64 (soit une moyenne de 10, 98/20) Moyenne portant sur le total des preuves de ladmission Moyenne des candidats non limins : 311, 01 (soit une moyenne de 7, 78/20) Moyenne des candidats admis sur liste principale : 428, 46 (soit une moyenne de 10, 71/20)

  • 6

    PREUVES CRITES DADMISSIBILIT

    RAPPORT SUR LE THEME LATIN

    tabli par Arnaud AIZIER

    Texte de lpreuve

    La Cour du Lion*

    Sa Majest Lionne un jour voulut connatre De quelles nations le Ciel lavait fait matre.

    Il manda donc par dputs Ses vassaux de toute nature, Envoyant de tous les cts

    Une circulaire criture, Avec son sceau. Lcrit portait

    Quun mois durant le Roi tiendrait Cour plnire, dont louverture Devait tre un fort grand festin,

    Suivi des tours de Fagotin1.

    Par ce trait de magnificence Le Prince ses sujets talait sa puissance.

    En son Louvre il les invita. Quel Louvre ! un vrai charnier, dont lodeur se porta Dabord au nez des gens. Lours boucha sa narine :

    Il se ft bien pass de faire cette mine. Sa grimace dplut. Le Monarque irrit Lenvoya chez Pluton faire le dgot. Le Singe approuva fort cette svrit,

    Et flatteur excessif il loua la colre, Et la griffe du Prince, et lantre, et cette odeur :

    Il ntait ambre, il ntait fleur Qui ne ft ail au prix

    2. Sa sotte flatterie

    Eut un mauvais succs, et fut encor punie : Ce Monseigneur du Lion-l

    Fut parent de Caligula. Le Renard tant proche : Or , lui dit le Sire, Que sens-tu ? dis-le-moi. Parle sans dguiser.

    Lautre aussitt de sexcuser, Allguant un grand rhume : il ne pouvait que dire

    Sans odorat ; bref il sen tire.

    Ceci vous sert denseignement. Ne soyez la cour, si vous voulez y plaire, Ni fade adulateur, ni parleur trop sincre ;

    Et tchez quelquefois de rpondre en Normand.

    La Fontaine, Fables. 1. Fagotin : singe savant appartenant un joueur de marionnettes, clbre lpoque. 2. au prix : en comparaison.

    *Traduire le titre

    Entre la fable de La Fontaine, propose pour le thme latin, et le pome des Chtiments, choisi pour

    le thme grec, le Lion a t doublement roi en cette session 2016. La fable a toutefois moins inspir les candidats et donn lieu des rsultats sensiblement moins satisfaisants que le texte de Rousseau propos la session 2015. Sur 232 copies corriges, seules 52 ont obtenu une note gale ou suprieure 10 ; il na pas t possible dattribuer, comme lan dernier, dexcellentes notes telles que 19, 18 et 17. Nous avons trouv quelques bonnes copies : deux ont obtenu 16, une, 15,5, trois, 15. La moyenne a t de 6,2. Celle-ci sexplique en partie par le nombre important de productions faibles ou trs faibles (23 copies notes 0,5), rvlant un dfaut flagrant de familiarit avec lexercice, une mconnaissance de la langue latine et une comprhension insuffisante du texte franais. Rappelons, lintention des auteurs de ces copies, que le thme latin ne consiste pas prendre les mots franais les uns aprs les autres et les traduire tels quels, mcaniquement, sans souci des rgles et usages de la langue latine, et dans leur ordre dorigine. On ne peut affronter cette preuve sans sy tre srieusement entran, sans avoir rvis la morphologie et la syntaxe latines ni lu en latin quelques discours ou traits de Cicron ou de longs passages des Commentaires de Csar, en vue dacqurir ce quil faut daisance dans le maniement du latin.

  • 7

    Comme nous lavions fait dans le rapport de 2015, nous rcapitulons succinctement quelques principes formels observer pour tout thme latin et que dveloppent les rapports des annes antrieures (2012, 2013, 2014) :

    - il convient dcrire une ligne sur deux ;

    - la graphie doit tre parfaitement lisible, ce qui est loin davoir t une gnralit cette anne, et lon attachera un soin particulier la formation des lettres critiques (forte / forti) : le doute ne profite pas aux graphies ambigus ;

    - il convient de laisser une marge suffisante gauche et droite.

    Rappelons aussi, ce qui a t ignor par nombre de candidats, que chaque phrase doit tre relie la prcdente par un mot de liaison, qui ait du sens et respecte le mouvement logique du texte de dpart. La non observation de cette rgle, outre quelle empche le texte darrive de prendre un air latin, finit par tre coteuse.

    En ce qui concerne le lexique, la morphologie et la syntaxe, cest au fil de lanalyse de dtail que nous mentionnerons les principales erreurs rencontres.

    Comprendre le texte franais

    Le rapport de la session 2015 avait insist sur la ncessaire comprhension pralable du texte franais, laquelle passe par plusieurs lectures attentives et par un reprage, avant d aborder la traduction, des mots ou expressions qui se font cho, afin de percevoir le sens global et la cohrence du propos. Le jury a constat que cette fable avait t en maints endroits mal comprise. Voici les erreurs dinterprtation le plus souvent rencontres et auxquelles sont imputables, pour une large part, les rsultats dcevants de cette anne : v. 1 : Sa Majest Lionne renvoyait au Lion pas de lionne dans cette fable-ci ! et il suffisait, pour sen convaincre, dobserver le jeu de reprises utilis pour le dsigner : le Prince, le Roi, le Sire, le Monarque, ce Monseigneur du Lion-l. Leaena ntait donc pas possible. Tout se passe comme si La Fontaine crait ici, avec cette fantaisie verbale quon lui connat, ladjectif Lionne saccordant avec Majest . v. 3 : Il manda donc par dputs signifiait Il fit venir (arcessivit) en envoyant des dputs . Les vassaux taient une difficult. Nous lvoquons plus bas dans Traduire les ralits non latines . v. 10 : Devait tre un fort grand festin : devait na pas ici un sens dobligation, mais une valeur de prospectif par rapport un repre pass. v. 23 : Il ntait ambre, il ntait fleur / Qui ne ft ail au prix : lambre dsigne ici la substance parfume (ambre gris), non la rsine fossile (ambre jaune, succinum en latin). Le singe en fait trop et ce sont ses propos, hyperboliques, qui sont ici rapports au discours indirect libre (DIL), procd courant chez la Fontaine. Cette tournure doublement ngative, typiquement latine et pouvant tre reprise telle quelle, signifie : Il ntait aucune substance parfume, aucune fleur qui, en comparaison, ne ft de lail. , ce qui, de faon simplifie et plate, pourrait se ramener Quelle odeur exquise se dgageait de cet antre ! Omettre la seconde ngation, ctait bien sr dire le contraire de ce que dit le singe. v. 25 : et fut encor punie : encor ne peut ici signifier nouveau , mais son tour , elle aussi . v. 29 : Que sens-tu ? : Il sagit dodeur et dodorat. Quid sentis ?, souvent rencontr, et qui signifie Quel est ton avis ? , Quen penses-tu ? , constituait un contresens. v. 30 : Lautre aussitt de sexcuser : sexcuser signifie ici non prsenter ses excuses, ses raisons pour se disculper , mais se dispenser (de se prononcer) ou demander tre dispens . v. 31 : Il ne pouvait que dire a donn lieu deux erreurs : dabord, il sagit nouveau de discours indirect libre, de sorte que lindicatif non poterat, souvent trouv, ntait pas possible (voir ci-dessous Discours indirect libre et concordance des temps ) ; ensuite, la traduction par non tantum, plusieurs fois lue, a rvl que le sens de ne savait que dire avait parfois chapp. Linterrogative indirecte dlibrative, linfinitif en franais, requiert en latin le subjonctif. v. 34 : Ne soyez la cour, si vous voulez y plaire / Ni fade adulateur, ni parleur trop sincre ; : le jury sest tonn de voir plusieurs fois Ne soyez la cour traduit comme si lexpression signifiait Ne vivez pas, ne demeurez pas la cour , sans donc que soient pris en compte les attributs du sujet prcds de ni ni . Traduire les ralits non latines

    Voici maintenant quelques conseils pour la traduction des ralits nayant pas dexact quivalent dans la langue ou la culture latine. La fable en comportait plusieurs, quil sagt de Sa Majest , du Louvre , des tours de Fagotin , de rpondre en Normand ou encore de lambre ou des vassaux et des sujets . Le bon sens doit en toute circonstance prvaloir : il sagit de continuer utiliser le vocabulaire de la langue classique tout en vitant les contorsions linguistiques, les tours alambiqus, les longues priphrases, qui ne sonnent pas latin. Souvent, on rsout la difficult en choisissant un quivalent simple, une expression qui, sans tre littralement exacte, est nanmoins juste quant lesprit. Ainsi, pour traduire Sa Majest , on vitait avec soin *Sua Majestas comme *Ejus Majestas et on se contentait de Leo Rex. Regia rendait suffisamment Louvre , sans quil ft besoin daller chercher *Lupara. Lambre trouvait un quivalent satisfaisant dans unguentum, puisque ctait lide de parfum qui importait ici. Pour rpondre en normand , le littral et peu clairant more Normannorum respondere pouvait cder la place ambigua respondere. Si, pour les tours de Fagotin , praestigiae (tours de passe-passe) ne venait pas, il valait

  • 8

    mieux chercher du ct du mimus ou du pantomimus que crer Fagotinus. Le plus difficile tait certainement la traduction de vassaux et de sujets , tous deux loigns des us latins. Une chose est sre : il convenait dviter cives, hors de propos sous une monarchie. Il a sembl au jury que, dans cette fable, la notion de vassal fantaisiste plus dun titre et celle de sujet se rejoignaient. Cela dit, ni subjecti ni subditi ne sont classiques. Nous proposons donc la priphrase (ei) qui illi (= regi) subjecti erant. Discours indirect (libre) et concordance des temps

    1

    Le jury sest tonn que nombre de candidats lagrgation de lettres classiques ne sachent pas reprer le discours indirect libre en franais et/ou ignorent le fonctionnement du discours indirect en latin. Faute de cette matrise, on attribue au narrateur des paroles qui reviennent un personnage. Ici, on la dit, cest le singe qui, aux v. 23 et 24, sextasie, en flatteur excessif, sur lodeur exquise de lantre, comme cest le renard qui, aux v. 31 et 32, prtend quen raison de son rhume il ne sait que dire. Concernant lours, au v. 17, il y avait matire hsitation (voir Analyse de dtail, phrases 7 et 8). Sagissant du latin, rappelons que ce qui, au discours direct, serait proposition indpendante ou principale devient au discours indirect proposition infinitive, que la concordance des temps sapplique et que passent au subjonctif toutes les subordonnes conjonctives, hormis celles que le narrateur dcroche , en quelque sorte, des paroles rapportes pour les prendre son compte.

    La mconnaissance de la rgle de la concordance des temps sest manifeste plusieurs endroits, et ce, ds la premire phrase (voir Analyse de dtail, phrase 1 ), o lon tait en prsence dun cas dantriorit par rapport un verbe principal au pass, et dans les deux passages au discours indirect libre (voir Analyse de dtail, phrases 11 et 15), o lon avait affaire deux cas de simultanit.

    Le genre des noms

    On ne saurait trop recommander aux candidats de se montrer rigoureux dans lobservation du genre des noms latins : il nest pas rare quun nom latin ne soit pas du mme genre que le nom franais correspondant. Ainsi, odor est masculin (comme tous les substantifs en or, except soror, uxor et arbor, fminins, et marmor, aequor et cor, neutres) et flos lest galement. Certains noms danimaux sont fminins, tels vulpes et simia. Il convient dy veiller lors des reprises pronominales ou quand il sagit de laccord des verbes passifs et dponents (cf. Vulpes excusata est). Afin dacqurir quelques repres et rflexes sur la question du genre des noms, il pourra tre utile de se reporter la page 16 du Prcis de grammaire des lettres latines (Magnard). Analyse de dtail Traduction du titre

    Au simple De Leonis aula, qui a t accept, on pouvait prfrer une interrogative indirecte, en prenant soin demployer le subjonctif, non imparfait, mais prsent ou parfait, selon que lon envisageait les faits voqus comme antrieurs au temps de lnonciation (Quae in aula acciderint) ou comme contemporains de celui-ci (Quae in aula accidant). Phrase 1 Sa Majest Lionne un jour voulut connatre De quelles nations le Ciel lavait fait matre.

    La traduction littrale *Sua Majestas, souvent rencontre, tait tous gards viter, commencer

    par lemploi impropre du rflchi (voir ci-dessus Comprendre le texte franais ). Linterrogative indirecte, ncessaire aprs cognovisse voluit, imposait la fois lutilisation du subjonctif plus-que-parfait pour marquer lantriorit par rapport voluit et celle du rflchi indirect se : soit quibus nationibus dei se dominum fecissent, soit, si lon choisissait le verbe praeficere, quibus nationibus dei se praefecissent. Pour le Ciel , Deus dieu unique ? na pas t admis, quand dei a convaincu et Juppiter t apprci.

    Phrase 2 Il manda donc par dputs Ses vassaux de toute nature, Envoyant de tous les cts Une circulaire criture, Avec son sceau.

    Pour manda , arcessere convient. Pour vassaux , nous renvoyons Traduire les ralits non latines : une priphrase dsignant ceux qui sont soumis la domination du Roi (qui Regi subjecti erant) pouvait rendre lide. Clientes, quoique non dpourvu d-propos, a paru une transposition un peu force. Le jury na pu admettre ni cives, notion minemment rpublicaine, ni servus, trop loign dune relation entre un monarque et ses sujets.

    1 Dans le cadre du thme latin, nous nous limitons dessein la question du reprage et de la juste attribution des paroles rapportes,

    sans rien dire du jeu nonciatif subtil que permet et reflte souvent, en outre, le discours indirect libre.

  • 9

    Pour une circulaire criture avec son sceau , limportant tait de restituer lide dcrit officiel, envoy la ronde. Envoy[er] de tous cts tait bien rendu par in omnes partes dimittere. La prposition circum suivie de lobjet parcouru convenait bien aussi (cf. Cicron : pueros circum amicos dimittit : il dpche des esclaves tous ses amis la ronde). Traduire avec par cum tait fort maladroit : une expression latine signifiant revtu du sceau officiel (litteras publico signo obsignatas) tait de beaucoup prfrable. Si lon utilisait lablatif absolu, le rflchi (signo) suo (de son sceau) tait possible, voire recommand, pour reproduire les penses du Lion (cf. Ernout-Thomas, 211, p. 185). Phrase 3 Lcrit portait Quun mois durant le Roi tiendrait Cour plnire, dont louverture Devait tre un fort grand festin, Suivi des tours de Fagotin.

    Le latin admet fort bien que lon fasse partir un discours indirect de lide de dire ou de stipuler contenue dans un substantif tel que lettre . Ainsi, aprs deux points, la proposition infinitive regem conventum acturum esse, sans passer par In hoc scripto scriptum erat, permettait denchaner lgrement les phrases.

    Un mois durant ne pouvait tre rendu par unum mensem car il ne sagit pas dun seul mois, mais de tout un mois : per totum mensem ou toto mense.

    Pour traduire le difficile Tenir cour plnire , la plupart des candidats ont choisi de recourir au verbe signifiant runir , soit suivi dun anim ( lensemble de ceux / des animaux qui composent la cour ), soit dun inanim ( la cour ) : regem cunctam aulam coacturum esse ou congregaturum esse. Dans lun et lautre cas, la traduction de dont louverture / Devait tre un fort grand festin requrait de la vigilance : la reprise littrale de la structure sujet ( ouverture ) + verbe ( devait tre ) + attribut ( un fort grand festin ) tait des plus maladroites et des moins latines. Par ailleurs, cujus initio / quorum initio ne pouvant renvoyer des mots tels que aulam, animalia ou subjectos, il fallait ajouter un mot support comme coetus ou conventus, que lon incluait dans la relative en pratiquant lattraction du relatif au cas de son antcdent : regem cunctam aulam coacturum esse, cujus conventus initio (littralement : assemble au dbut de laquelle ). Devait a souvent t mal vu ou rendu : le sens dobligation tait carter ; devait a ici une valeur prospective par rapport un repre pass, que linfinitif futur peut rendre en latin, supposer quon recoure une proposition infinitive. Phrases 4 et 5 Par ce trait de magnificence Le Prince ses sujets talait sa puissance. En son Louvre il les invita.

    Ces trois vers ne prsentaient pas de difficult. Il suffisait de bien saisir le sens de trait qui signifie ici, selon la dfinition du Littr, action, acte ayant quelque chose de remarquable (cf. Corneille, Polyeucte : Sil part malgr vos pleurs, cest un trait de prudence. ) Hoc magnificentiae facto ntant gure heureux, il y avait intrt recourir une subordonne introduite par cum ou dum, par exemple dum se ita magnificum praebet, en prenant soin dintensifier le tour par lajout de ita devant ladjectif.

    Pour traduire sa puissance , on pouvait penser linterrogative indirecte quam potens esset ostentabat.

    En ce qui concerne ses sujets , on se reportera Traduire les ralits non latines . Pour le Louvre , lide de palais royal convenait et suffisait. Sans donc recourir un hasardeux

    *Lupara, on se satisfera de regia. Phrase 6 Quel Louvre ! un vrai charnier, dont lodeur se porta Dabord au nez des gens.

    Laccusatif exclamatif, possible pour traduire Quel Louvre ! , nest pas de mise avec un adjectif exclamatif. Si lon choisit celui-ci, on crira donc au nominatif, et en employant lindicatif, cette exclamation quil y a tout lieu dattribuer au narrateur : Qualis autem regia erat !

    Il tait malvenu de recourir, pour traduire un vrai charnier , au trop littral et impropre *Vera

    carnaria ! (ou *Verum carnarium !), phrase nominale, de surcrot non relie logiquement ce qui prcde. Le sens du latin doit imposer ici le besoin dune rectification, quelque chose comme que dis-je Louvre ? , que rendra fort bien immo, ou encore comme Il sagissait en ralit , bien traduit par re vera / reapse / re ipsa hic erat locus strage completus .

    Lodeur sera mieux rendu dans ce contexte par foetor ou taeter odor que par le trop neutre odor, dont nous rappelons au passage quil est masculin.

    Dabord , ne signifiant pas ici en premier lieu , mais aussitt , tait bien traduit par statim.

    http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais/auteur/corneille/35

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    Enfin, pour le nez des gens , on prfrera au singulier nasum le pluriel nasos et on vitera de traduire littralement les gens par homines : nous sommes la cour du Lion, peuple de courtisans certes, mais tous animaux. Phrases 7 et 8 Lours boucha sa narine : Il se ft bien pass de faire cette mine. Sa grimace dplut.

    Pour boucher sa narine , on attend le rflchi au datif dintrt sibi. sibi obturare, quil a accept, le jury prfre, affaire de nuance, sibi comprimere.

    Deux faons de comprendre il se ft bien pass : il peut sagir dun commentaire du narrateur estimant que lours aurait mieux fait dviter cette grimace, et le jury a accept cette interprtation, ce qui donne en latin, lirrel du pass : melius fecisset si abstinuisset. Il parat toutefois intressant de voir ici du discours indirect libre particulirement libre et audacieux celui-l ! , reproduisant une rflexion de lOurs, sans quun verbe signifiant dire ou penser lannonce explicitement. Plaident en faveur de cette lecture :

    - la prsence des deux points, qui introduisent plus bas le discours indirect libre du singe et celui du renard ;

    - le fait que se ft bien pass , tant un tour plus subjectif que aurait mieux fait de , fait davantage penser une rflexion que lours sadresse lui-mme, quand il comprend, dans la seconde qui suit, donc trop tard, lerreur fatale quil a commise ;

    - le fait que chaque personnage a ainsi son propre discours indirect libre : le singe et le renard, pour sadresser au lion, lours, pour revenir, en sadressant lui-mme, sur l expression un peu trop directe qua t son geste.

    Si lon faisait ce choix, il convenait, pour compenser le caractre elliptique du franais, dajouter un verbe comme sentire ou secum reputare et un adverbe indiquant la prise de conscience soudaine : statim secum reputavit se melius facturum fuisse (irrel du pass dans une infinitive) si abstinuisset. Phrase 9 Le Monarque irrit Lenvoya chez Pluton faire le dgot.

    Pas de difficult ici. Si lon gardait la structure de la phrase franaise, tum tait un mot de liaison possible.

    Avec un verbe de mouvement (misit), seul ad (et non apud) peut tre employ : ad Plutonem eum misit donc. Avec ce type de verbe, lexpression du but peut tre rendue par le supin. Si lon choisissait le tour se fastidiosum praebere, la subordonne finale ou la relative au subjonctif valeur de but taient prfrables, permettant plus facilement lintroduction dun utile ibi : qui se fastidiosum ibi praeberet. Phrase 10 Le Singe approuva fort cette svrit, Et flatteur excessif il loua la colre, Et la griffe du Prince, et lantre, et cette odeur :

    Pour et flatteur excessif , la plupart des candidats se sont contents dune mise en apposition littrale : et nimius adsentator. Il y avait intrt dgager le sens de lexpression en recourant au tour valeur causale ut qui ou quippe qui, qui signifie en homme / animal qui , comme quelquun qui . Il convenait toutefois de mettre le relatif au fminin exig par simia : ut quae nimiis blanditiis uti soleret. Si lon choisissait le verbe adsentari, on devait veiller ne pas le construire absolument et lui donner un complment au datif. La remarque vaut pour plusieurs verbes de ce thme, que nombre de candidats ont eu tendance construire absolument, sans sassurer dans le Gaffiot de cette possibilit.

    Lnumration en franais des complments dobjet direct relis par une succession de et est tout fait latine : on pouvait donc la conserver en ajoutant mme un et en tte dnumration et en choisissant illum (et non istum) odorem pour traduire cette (odeur), dmonstratif lvidence louangeur, dans la bouche du singe.

    Dans et la griffe et lantre , il tait judicieux de voir des mtonymies : dune part, la cruaut sanglante que reflte le coup de griffe, dautre part, le carnage rvl par lantre ; moins ungulam et antrum, donc, que, respectivement, crudelitatem et stragem. Phrase 11 Il ntait ambre, il ntait fleur Qui ne ft ail au prix.

    Lambre, substance parfume, gagnait tre rendu par unguentum (cf. Traduire les ralits non latines ) ; succinum, qui renvoie lambre jaune, tait un contresens.

  • 11

    Le discours indirect latin impose le recours la proposition infinitive pour traduire ce qui serait principale ou indpendante au discours direct. Comme nous sommes dans un cas de simultanit par rapport un verbe principal au pass (probavit / loua), il convenait demployer linfinitif prsent esse. Lindicatif erat ou encore le subjonctif esset, trs souvent trouvs, ont donc t sanctionns, traduisant soit une mauvaise comprhension du texte franais, soit une ignorance du fonctionnement du discours indirect.

    Il y avait intrt reprendre tel quel le tour franais avec un quin suivi du subjonctif imparfait pour traduire qui ne : nullum unguentum esse quin. On pouvait aussi recourir au tour compos de deux ngations successives en prenant soin de les placer dans le bon ordre (nullus non, et non non nullus), ce qui donnait : Prae quo nullum unguentum non esse foetidi alii simile.

    Au prix (de) , qui signifie en comparaison (de) , comme le prcisait la note 2, se traduisait trs bien par prae + ablatif ou encore par ad + accusatif. Phrase 12 Sa sotte flatterie Eut un mauvais succs, et fut encor punie :

    Le succs dsigne ici le rsultat : ei male processit peut justement avoir pour sujet un inanim et on recourt au datif dintrt pour le complment ei.

    Concernant encor , nous renvoyons Comprendre le texte franais . Phrase 13 Ce Monseigneur du Lion-l Fut parent de Caligula.

    Pour Monseigneur du Lion-l , augustissimus a paru au jury une heureuse ide de traduction. Les tournures exprimant littralement la parent effective (cognatus, consanguineus, etc.) nont pas

    t juges recevables. Une transposition telle que novus Caligula rend simplement et exactement lide. Phrase 14 Le Renard tant proche : Or , lui dit le Sire, Que sens-tu ? dis-le-moi. Parle sans dguiser.

    Si lon cdait la tentation de lablatif absolu pour traduire la participiale, il fallait se souvenir que le nom (Vulpe) ou le pronom auquel se rapporte le participe (cf. E-T, 456) ne peut entrer dans la proposition comme sujet ou comme complment : *Vulpe adstante, Rex ei dixit []. Le mieux tait dutiliser un participe appos Vulpi, complment au datif du verbe dire (Vulpi adstanti Rex dixit), ou encore une subordonne, relative ou temporelle causale.

    Or se traduit fort bien par Agedum. Pour traduire dis-le-moi. Parle sans dguiser. , on pouvait avoir besoin de coordonner une

    proposition positive limpratif prsent (dic mihi) et une proposition ngative au subjonctif parfait exprimant la dfense (ne dissimulaveris). Dans ce cas prcis, on emploie neque, non neve, pour introduire la seconde proposition (cf. Prcis de grammaire des lettres latines, p. 86, 316, 2.) : Dic mihi nec quicquam dissimulaveris occasion de rappeler que limpratif de dico est dic, non *dice, et que et nihil, impossible dans la langue classique, doit tre remplac par nec quicquam.

    Pour Que sens-tu ? , quid olfacis ? ou quid naribus percipis ? convenaient. Olere, signifiant sentir au sens exclusif de exhaler une odeur , tait videmment proscrire avec le sujet tu . Phrases 15 et 16 Lautre aussitt de sexcuser, Allguant un grand rhume : il ne pouvait que dire Sans odorat ; bref il sen tire.

    Pour traduire lautre , alter et mme alius, au masculin de surcrot, alors que vulpes est fminin, sont des tours impropres qui traduisent, disons-le, au mme titre que olere linstant, un manque de rflexion sur la langue. Il convenait de choisir illa, au fminin, pour reprendre vulpes. Linfinitif de narration chez la Fontaine remplace le pass simple. En latin, il remplace lindicatif imparfait et exprime laction qui durait ou tait en train de saccomplir. Le jury a tolr les traductions y recourant, condition toutefois que le sujet de linfinitif ft bien au nominatif.

    On la dit plus haut, sexcuser signifie ici, non prsenter ses excuses , mais se dispenser

    ou demander tre dispens . On pouvait dvelopper un peu la chose en recourant au tour precatus est ut reticeret. Reticere, qui signifie taire, garder par devers soi , convenait bien. Il peut tre construit absolument.

    Allguer se traduisait bien par excusare, construit avec un accusatif (gravedinem excusavit) ou par excusari suivi dun infinitif (gravedine adfici excusata est). Pour rendre le discours indirect libre, une proposition infinitive la suite de gravedine affici excusata est convenait tout fait ( se non dicere posse),

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    mais il tait galement possible denchaner avec une subordonne conscutive : excusata est ita gravedine affici ut non haberet quid diceret.

    Bref se traduisait par uno verbo ou ne plura (dicam). Pour sen tirer , on pouvait choisir e periculo evadere ou emergere construit absolument.

    Phrases 17 et 18 Ceci vous sert denseignement. Ne soyez la cour, si vous voulez y plaire, Ni fade adulateur, ni parleur trop sincre ; Et tchez quelquefois de rpondre en Normand.

    Pour vous sert , le verbe esse construit avec le double datif tait certainement la traduction la plus juste et la plus latine : Hoc vobis est documento (documentum, driv de doceo, a ici toute sa pertinence). Le subjonctif sit, plusieurs fois trouv, sans manquer dintrt, forait un peu le texte.

    La phrase suivante a donn lieu nombre de solcismes : nous avons trouv maints *Ne sitis et *Ne loquamini. Lexpression de la dfense, rappelons-le, exige le recours au subjonctif parfait aprs ne : Ne fueritis ou Ne locuti sitis. Pour enchaner deux propositions exprimant chacune la dfense, il convient dutiliser neve, quil sagisse dindpendantes ou de subordonnes conjonctives. Ainsi, on crira aussi bien Ne fueritis neve locuti sitis que Hoc vobis documento est ne sitis neve loquamini.

    Si vous voulez y plaire demandait tre traduit par un ventuel, justifi par la prsence dun conseil pour lavenir ( ne soyez ), ce qui donnait en latin : Si ibi placere volueritis.

    Loquax et disertus ont bien le sens, pour lun, de bavard , pour lautre, de parleur habile , mais aucun des deux ntant un substantif, lon ne pouvait crire, en faisant se suivre deux adjectifs, *sinceri diserti ou *sinceri loquaces. Pour contourner cette difficult, il tait utile de recourir des tournures verbales (adsentari, loqui).

    Fade a ici, non le sens de plat et de fait, les exubrances du singe ne le sont pas mais celui, attest par le Littr, de qui est donn comme piquant et ne lest pas . On parle dun compliment, dune plaisanterie fade. Pensons la rplique dAlceste Philinte dans Le Misanthrope, I, 1 : Mon Dieu, laissons l vos comparaisons fades. Insulsus rendait bien lide.

    Et tchez : nous lavions rappel dans le rapport de 2015 : on ne peut, aprs une proposition ngative, traduire et par et, mais par sed : sed conamini.

    Une remarque encore sur cette phrase, souvent maltraite : si lon pouvait choisir soit le tu , soit le vous , il convenait de conserver la mme personne et de ne pas passer en particulier de Hoc tibi documento est Ne fueritis [], ce qui donnait la fcheuse impression que lallocutaire avait chang entre les deux phrases.

    Pour rpondre en normand : les tournures littrales telles que more Normannorum, non classique et obscur, ont pein convaincre. Le mieux tait sans doute de trouver un quivalent : loriginal more Pythiae, trouv une fois, a t apprci par le jury. Toute expression latine voquant une rponse ambigu tait approprie : ambigua ou ambiguum respondere. Proposition de traduction

    Quae in aula Leonis evenerint

    Leo Rex, cum ei placuisset cognoscere quarum gentium dei se dominum fecissent, in omnes partes legationes circummisit quae, epistula publico signo obsignata circum regni provincias dimissa, quicumque Regi subjecti erant eos accirent : illum per totum mensem sollemnem conventum acturum esse, cujus initio amplissimae epulae darentur, post quas praestigiae a simia quadam scurram agente ederentur. Rex autem, cum eis qui illi serviebant, dum se ita magnificum praebet, quam potens esset ostentaret, in regiam suam eos vocavit. Qualis vero regia erat ! Immo hic erat locus strage completus, cujus foetor statim ad omnium nasos pervenit. Etenim Ursus, cum sibi nares compressisset, statim secum reputavit se melius facturum fuisse nisi ita os duxisset. Qua oris depravatione adeo molestus visus est ut Rex iratus apud Plutonem eum mitteret* qui ibi se fastidiosum praeberet. Simia autem illam duritiam maxime probavit atque, ut quae nimiis blanditiis uti soleret, et Principis iram et saevitiam et stragem et illum odorem laudavit : prae quo nullum unguentum, nullum florem esse quin quasi foetidum alium esset. Stulta igitur blanditia Simiae male processit, quae et ipsa punita sit. Etenim augustissimus ille Leo novus Caligula fuit. Tum Vulpi, quae aderat, Rex : Age vero, inquit, quid olfacis ? Hoc dic mihi nec quicquam dissimulaveris. Illa autem statim precata est ut reticeret et magnam gravedinem excusavit qua adfecta, cum odoratu careret, non haberet quid diceret. Ne plura dicam, e periculo evadit.

    Hoc igitur vobis est documento ne, si in regis aula placere volueritis, ibi insulsi adsentatores sitis neve nimis simpliciter loquamini, sed interdum ambigua respondere conemini.

    *Le subjonctif parfait miserit est possible galement, pour insister sur la ralit du fait pass que constitue la consquence.

  • 13

    RAPPORT SUR LE THEME GREC

    tabli par Dimitri KASPRZYK

    Le thme grec a moins souri aux candidats que lan pass. La moyenne est de seulement 7,5 contre 8,5 en 2015. Le texte grec propos cette anne tait un extrait du pome La caravane , tir des Chtiments de Victor Hugo. La forme potique, le vocabulaire recherch, la longueur de certaines phrases, stendant parfois sur huit vers, ont, semble-t-il, drout certains candidats qui ont parfois tortur lordre des mots et utilis des tournures compliques. Il est vrai que certaines formulations de V. Hugo (les anaphores, les comparaisons, des expressions la fois abstraites et concrtes) requraient un effort de transposition en grec pour que le thme ne soit pas un simple dcalque du texte franais. On rappellera en effet que les particularits de la langue grecque imposent certaines transformations du texte initial, qui dans certains cas ne saurait tre traduit littralement : ainsi lexpression quelque champ qui vit la guerre est, telle quelle, peu heureuse en grec.

    Avant de passer lanalyse prcise du texte, commenons par quelques remarques gnrales qui ne sont parfois que des redites des prcdents rapports. Les correcteurs restent, dune anne sur lautre, sensibles la prsentation matrielle de la copie : il convient dcrire lisiblement, en laissant suffisamment despace entre les lignes ; on vitera les ratures et lon prendra soin de recopier la traduction au bon endroit dans la copie, sans parsemer le texte dastrisques renvoyant le correcteur en fin de copie pour des omissions combles in extremis. Un thme grec doit tre crit avec des lettres grecques cest--dire, pour prendre un seul exemple, quun b nest pas un et les graphies fautives sont sanctionnes. Mme si le pome dHugo est crit en alexandrin, il est inutile daller artificiellement la ligne en grec la fin de chaque vers. Les accents doivent tre forms et placs correctement ; certaines copies ignorent lexistence de la barytonse, et lon a pu lire des thmes o les mots semblent accentus de faon systmatiquement alatoire.

    Le vocabulaire de ce pome posait un certain nombre de difficults. Le texte comporte plusieurs verbes de mouvement, quil convient de ne pas traduire de faon uniforme ( venir nest pas surgir , ni marcher ; il faut distinguer contempler et regarder ) ; certaines ralits demandent tre transposes : le jaguar pouvait fort bien, pour les besoins du thme, se transformer en panthre (). Les adjectifs taient abondants : il convient de ne pas confondre les dsinences des adjectifs en -, - et -, dtre attentif au genre des noms auxquels ils se rapportent, de se souvenir que certains adjectifs sont picnes, et que leur place est variable selon la fonction quils occupent dans la phrase. Par ailleurs, le sens mme de certains mots a donn lieu des erreurs surprenantes : le gibet du v. 4 a manifestement t confondu avec le gibier et traduit par ; les voiles du crpuscule (v. 14) ne peuvent tre traduites par , qui dsigne trs concrtement les voiles dun navire. Prcisons propos de ce vers ( Il vient, du crpuscule il traverse les voiles, [] ) quil fallait analyser prcisment la fonction des mots en tenant compte de la ponctuation : du crpuscule ne saurait tre pour un complment de vient exprimant lorigine. Rappelons donc aux candidats quavant de se jeter sur un dictionnaire, ils doivent lire et relire attentivement le texte, pour en comprendre le sens littral, la logique et la tonalit. Cela permet par exemple de noter aux v. 11-12 la valeur potique plus que logique de lanaphore de Car : si le premier ( Car lazur ) a bien une fonction explicative, le second ( Car Dieu fait contempler ), concourt la solennit de la description.

    Un mot concernant lusage des dictionnaires. Les dictionnaires de thme tant extrmement sommaires, il faut absolument vrifier dans Bailly les informations quils donnent, en particulier pour connatre la construction dun verbe ou sa morphologie. Un grand nombre de candidats ont traduit flairer par *, orthographe fautive indique par le dictionnaire Hatier pour la forme . Texte : Le lion

    Le titre tait celui dun pome : on attend donc un nominatif ( ou ) et non une expression prpositionnelle. Un titre long ( Ce que fait le lion son rveil ) est inopportun. Il vient, il surgit o vous tes, Le roi sauvage et roux des profondeurs muettes

    Lordre des mots mrite dtre respect : Le roi doit tre plac aprs les verbes. Il vient, il surgit : mme si le pome comporte un grand nombre dasyndtes, la langue grecque classique exige que les groupes de mots sur le mme plan soient coordonns. o vous tes : le pronom vous a ici une valeur indfinie ; on pouvait donc traduire par une deuxime personne du singulier ou du pluriel, ou par lindfini ; le verbe tes implique une absence de mouvement : il fallait donc traduire o par ou . Le roi sauvage et roux : les adjectifs taient pithtes, et devaient donc tre enclavs ; en faire une apposition (appuye sur le participe , dans ce cas obligatoire) transformait indment, quoique lgrement,

  • 14

    la structure du groupe nominal. Au lieu de lordre des mots usuel , on pouvait galement crire ; certains candidats ont cependant utilis systmatiquement cette tournure, qui nest pas obligatoire. profondeurs muettes : lordre des mots et la ponctuation de la phrase indique coup sr que lon a ici un complment du nom, et non un complment de lieu du verbe surgit . Il semble un peu dlicat de traduire littralement lexpression : a une valeur presque exclusivement abstraite en grec (mme sil peut dsigner la mer profonde, la haute mer) ; on traduira plutt . Il vient de sveiller comme le soir tombait, Non, comme le loup triste, lodeur du gibet, Non, comme le jaguar, pour aller dans les havres Flairer si la tempte a jet des cadavres Il vient de sveiller : le parfait ne convient pas ici : on attend un aoriste accompagn dun adverbe, par exemple . comme le soir tombait : le gnitif absolu convient trs bien ici ; le soir () nest pas la nuit qui apparat dans les vers suivants. Non, non, non : on attend en grec une coordination entre les ngations (ngation dans une principale lindicatif) : soit (mais pas * ), soit (mais pas trois fois ). non comme : ; ne pas omettre le devant un esprit rude (ou devant un esprit doux). lodeur : traduire littralement ( , sans oublier les iota souscrits, ou ) ; est trop vague. Certains candidats ont parfois traduit comme le loup qui sent : dans ce cas, le relatif masculin singulier nominatif est , et non pas ; lerreur sest produite plusieurs fois, une rapide vrification dans Bailly permet de lviter aisment. gibet : lquivalent nexiste pas en grec ; le mot renvoyant une excution, une priphrase comme ceux qui ont t excuts selon la loi tait bienvenue : . pour aller [] flairer : le grec possde diffrents moyens dexprimer le but, mais , qui exprime la consquence, ne convient pas. On pouvait utiliser suivi du subjonctif (ou de loptatif oblique si le verbe principal tait laoriste), ou bien suivi dun participe futur (le participe futur seul semploie aprs un verbe de mouvement). Rappelons que dans la langue classique, le prsent du verbe ne sutilise qu lindicatif : , , etc. sont proscrire absolument au profit de , . Le futur d est , et non , non classique. Le verbe aller ne se construit pas directement avec un infinitif : le plus simple tait sans doute dassocier un participe un verbe conjugu : pour que, allant dans les havres, il flaire . Cela tant, flairer si parat peu correct : on dveloppera plutt linterrogative sous une forme savoir en flairant si . On obtiendra donc par exemple . dans les havres : ; larticle nest pas ncessaire ici (mais pas interdit) ; laccusatif pluriel est en - et non en -. Lerreur est assez frquente : il convient, le temps du thme grec, de perdre son latin. si la tempte a jet des cadavres : on attend plutt une tournure passive : . Attention ce dernier mot, qui ne se dcline pas comme , et conserve donc lomga dans toute sa dclinaison. Non, comme le chacal furtif et hasardeux, Pour dterrer la nuit les morts, spectres hideux, Dans quelque champ qui vit la guerre et ses dsastres ; Mais pour marcher dans lombre la clart des astres. Non : les ngations ou sont lides devant voyelle ( ; ). furtif et hasardeux : les adjectifs sont pithtes ; le sens et la traduction de hasardeux sont dlicats : plus que lide de danger (quon aurait par exemple dans une entreprise hasardeuse ), le mot semble ici impliquer une errance (de cadavres en charognes) : . Pour dterrer la nuit : (et non --, non classique) plutt que ; le datif seul ne convient pas pour le complment de temps ; diffrentes solutions taient possibles, selon que lon insistait sur le moment de laction ou sur la dure ( , ).

  • 15

    Dans quelque champ : quelque doit tre traduit ; on fera attention ne pas crire accentu ( au datif), qui est linterrogatif. qui vit : lide de vision nest pas indispensable (mme si le passif de peut tre utilis) ; on pourra crire simplement (o a eu lieu). la guerre et ses dsastres : on accepte les dsastres de la guerre ; la guerre malheureuse semble une facilit. dans lombre : pas de mouvement, donc ou + accusatif sont proscrire. la clart des astres : la clart nest pas ici lvidence , au sens abstrait, donc ne convient pas ; on nhsitera pas utiliser un participe appos ou un gnitif absolu ( ). Car lazur constell plat son il vermeil ; Car Dieu fait contempler par laigle le soleil, Et fait par le lion regarder les toiles. lazur : potisme pour le ciel ; o ne convient pas. Car Dieu : coordination par ou . fait contempler : une traduction littrale tait peut-tre maladroite ; on pouvait utiliser une priphrase ou : selon la volont de Dieu (lide de ncessit tait en revanche errone) ; contempler : par exemple ; est un peu plat. regarder : doit tre suivi de ou ; signifie plutt analyser . Il vient, du crpuscule il traverse les voiles, Il mdite, il chemine pas silencieux, Tranquille et satisfait sous la splendeur des cieux ; [] Et, dans lobscurit qui le sent approcher, Rien ne le voit venir, rien ne lentend marcher.

    On attend une coordination entre les verbes. les voiles : on accepte les expressions signifiant voiler ( au sens de cacher ), obscurit ; rappelons que lexpression ne convient pas pour introduire une expression image, puisquelle sert justement mettre laccent sur le mot juste. il chemine pas silencieux : on accepte silencieusement . Tranquille et satisfait : adjectifs apposs au sujet, on attend donc le participe ; si lon utilise un adjectif pour le premier mot et un participe pour le second, le participe doit porter uniquement sur le premier.On vitera donc absolument une expression comme * , et lordre sera ; dans cette expression, la coordination sutilisera de la faon suivante : ( en seconde position dans le premier groupe). dans lobscurit qui le sent approcher : une traduction littrale parat peu adquate : il convient sans doute dexpliciter le sujet de sent , par exemple sous la forme certaines btes le sentant approcher, aucune ne le voit, etc. , , voit venir, entend marcher : les deux verbes de perception se construisent avec un participe. rien rien : lanaphore doit tre rendue. Les palmiers, frissonnant comme des touffes dherbe, Frmissent. Cest ainsi que, paisible et superbe, Il arrive toujours par le mme chemin, Et quil venait hier, et quil viendra demain, cette heure o Vnus loccident dcline. Les palmiers : malgr le dictionnaire de thme, est masculin (comme lindique Bailly). frissonnant comme des touffes dherbe : il ny a aucune raison de traduire comme des touffes dherbe qui frissonnent ou frissonnent comme des herbes qui frmissent ; on accepte lherbe , les feuilles .

  • 16

    Cest ainsi que : le gallicisme cest que ne peut tre traduit littralement ; en revanche, ladverbe ainsi signifie bien la manire dont le lion arrive, et nest donc pas une simple coordination : traduire par et non par . paisible et superbe : adjectifs apposs au sujet, on attend donc le participe . est un peu faible, prfrer le superlatif . par le mme chemin : . Laccusatif seul suffit ; le mme exige lordre ; attention : le mot est fminin, lesprit est rude. venait viendra : on attend les formes du verbe , fournies par Bailly ( ; ). cette heure o : on accepte au moment o , en particulier avec une corrlation ; le mode verbal tait dlicat : loptatif de rptition est impossible ; dans la mesure o la rptition porte sur le verbe principal trois temps diffrents, il est difficile denvisager un subjonctif de rptition, dautant que lexpression lheure loccident dcline exprime une ralit : le lion ne sort pas chaque fois que le soleil se couche (on aurait l un ventuel du prsent) mais au moment effectif o il se couche : on prfrera donc un indicatif . Et quand il sest trouv proche de la colline, Marquant ses larges pieds dans le sable mouvant, Avant mme que lil daucun tre vivant Et pu, sous lternel et mystrieux dme, Voir poindre lhorizon son vague et noir fantme, Avant que dans la plaine il se ft avanc, Il se taisait. quand il sest trouv : le verbe principal tait limparfait, on peut comprendre la temporelle comme une rptition dans le pass ; cela tant, le pass compos et limparfait semblent un peu en dcalage, et limparfait peut simplement exprimer la dure : dans ce cas, la subordonne sera lindicatif. il sest trouv : on attend + participe. Marquant ses larges pieds : ne convient pas ; on pouvait transformer en ses larges pieds laissant des traces , . dans le sable mouvant : expression difficile ; on a accept (le substantif est fminin, mais ladjectif est picne) ou (le participe lactif en revanche fait contresens) ; le sable mouvant est profond () ou instable, non solide ( ). Avant mme que avant que : la proposition principale est affirmative ( il se taisait ) : on attend donc linfinitif aprs , et non le subjonctif ou lindicatif. Normalement un mot subordonnant nest pas rpt en grec : il convient donc que la parataxe indique prcisment que lon est encore dans la proposition temporelle pour le verbe il se ft avanc . Une difficult supplmentaire vient ici du fait que le sujet il tant le mme que le sujet du verbe principal, il ne doit pas tre exprim ; mais pour viter que les deux verbes ( et pu et se ft avanc ) ne semblent dpendre de lil ( laccusatif), il convenait dajouter un pronom (au nominatif) pour viter lambigut. que lil daucun tre vivant [] et pu [] voir : on traduira de faon plus naturelle en faisant de ltre vivant le sujet ; aucun a ici un sens positif : traduire par une ngation impliquait un contresens. dme : mot potique que lon pouvait traduire par ( ), le dos (du ciel) ; (vote au sens littral) a t accept, mais le mot est fminin dans ce sens. Voir poindre : on attend un participe . son fantme : . Le possessif sexprime ici par le pronom personnel non rflchi au gnitif : le rflchi renverrait ltre vivant ou lil ; ce pronom ne doit pas tre enclav. dans la plaine : le lion est prs de la colline, il va se diriger vers la plaine. Il convient donc dexprimer le mouvement . Il se taisait : . Attention la morphologie des verbes contractes, et en particulier ne pas ajouter diota souscrit inutilement.

  • 17

    Son souffle a seulement pass, Et ce souffle a suffi, flottant laventure, Pour faire tressaillir la profonde nature, Et pour faire soudain taire au plus fort du bruit Toutes ces sombres voix qui hurlent dans la nuit. son souffle a seulement pass : . ce souffle a suffi : , par ce souffle seulement : on vite ainsi le factitif ; la rptition du mot souffle est expressive et donc ncessaire en grec, sans omission du dmonstratif ; ne signifie pas suffire . flottant laventure : expression difficile. a t accept, mais lactif ( faire errer ) est erron ; ( flottant, navigable, aquatique ) est en revanche totalement inadquat. On pourra ventuellement traduire : . la profonde nature : on est de nouveau confront au mlange de notions abstraites et concrtes, quil est difficile de maintenir telle quelle : on peut traduire simplement (ou ) ; la nature se traduira . au plus fort : la traduction littrale est trs maladroite ; il faut transposer par une tournure plus naturelle en grec, le superlatif (et non le comparatif ici) : . ces voix qui hurlent : lventuel est incorrect, on attend donc une relative lindicatif ou un participe (en faisant attention la morphologie des verbes contractes si lon utilise , - : ).

  • 18

    RAPPORT SUR LA VERSION LATINE

    tabli par Marie LEDENTU Texte de lpreuve

    Les criminels ne peuvent chapper aux tourments de la conscience

    [...] Cur tamen hos tu euasisse putes, quos diri conscia facti mens habet attonitos et surdo uerbere caedit occultum quatiente animo tortore flagellum? Poena autem uehemens ac multo saeuior illis quas et Caedicius

    2 grauis inuenit et Rhadamantus,

    nocte dieque suum gestare in pectore testem. Spartano cuidam

    3 respondit Pythia uates

    haut impunitum quondam fore quod dubitaret depositum retinere et fraudem iure tueri iurando ; quaerebat enim quae numinis esset mens et an hoc illi facinus suaderet Apollo. Reddidit ergo metu, non moribus, et tamen omnem uocem adyti dignam templo ueramque probauit extinctus tota pariter cum prole domoque et quamuis longa deductis gente propinquis. Has patitur poenas peccandi sola uoluntas. Nam scelus intra se tacitum qui cogitat ullum, facti crimen habet. Cedo si conata peregit. Perpetua anxietas nec mensae tempore cessat, faucibus ut morbo siccis interque molares difficili crescente cibo, sed uina misellus expuit, Albani ueteris pretiosa senectus displicet ; ostendas melius, densissima ruga cogitur in frontem uelut acri ducta Falerno. Nocte breuem si forte indulsit cura soporem et toto uersata toro iam membra quiescunt, continuo templum et uiolati numinis aras et, quod praecipuis mentem sudoribus urguet, te uidet in somnis ; tua sacra et maior imago humana turbat pauidum cogitque fateri. Hi sunt qui trepidant et ad omnia fulgura pallent cum tonat, exanimes, primo quoque murmure caeli, non quasi fortuitus nec uentorum rabie set iratus cadat in terras et iudicet ignis. Illa nihil nocuit : cura grauiore timetur proxima tempestas uelut hoc dilata sereno. Praeterea lateris uigili cum febre dolorem si coepere pati, missum ad sua corpora morbum infesto credunt a numine, saxa deorum haec et tela putant. Pecudem spondere sacello balantem et Laribus cristam promittere galli non audent ; quid enim sperare nocentibus aegris concessum ? [...]

    Juvnal

    Le passage donn en version cette anne tait, comme lanne prcdente, un texte potique : un extrait, en hexamtres (v. 192-235), de la satire XIII de Juvnal, pote qui doit tre familier tout agrgatif de lettres classiques. Le sujet, quexplicitait le titre donn par le jury lextrait : les criminels ne peuvent chapper aux tourments de la conscients , relevait de la morale. Sous la forme dune consolation adresse un ami victime dun vol, Juvnal dveloppait dans cet extrait largument que la crainte du chtiment est pour les criminels la plus raffine des tortures et que le remords est le plus sr des justiciers. Sujet rhtorique et thique, trait sous la forme dune succession de petits tableaux vivants et ralistes alternant avec des propos porte gnralisante.

    2 Nom dun courtisan de Nron.

    3 Il sagit de Glaucos, dont Hrodote raconte lhistoire.

  • 19

    Les rsultats obtenus cette anne sont comparables ceux de la session 2015 : la moyenne

    gnrale, aprs correction de 230 copies, est de 8,61 (contre 8,42 lanne prcdente). Le nombre de copies inacheves est en lgre hausse par rapport lan dernier : 15 (contre 11). Les correcteurs ont eu le plaisir de lire de belles traductions, avec de vritables trouvailles, conjuguant la prcision, le sens des nuances, lexplicitation des sous-entendus : parmi celles-ci, une copie a obtenu la note de 19/20 et deux copies la note de 18/20.

    Elments danalyse au fil du texte et proposition de traduction [...] Cur tamen hos tu euasisse putes, quos diri conscia facti mens habet attonitos et surdo uerbere caedit occultum quatiente animo tortore flagellum? Poena autem uehemens ac multo saeuior illis quas et Caedicius grauis inuenit et Rhadamantus, nocte dieque suum gestare in pectore testem.

    La forme dialogue, caractristique de la satire comme sermo et que tout lecteur des Satires dHorace et de Juvnal doit avoir lesprit, se marquait ds ce passage par lemploi des marques de la deuxime personne et lapostrophe infelix. Le mot cl, qui donnait le thme de lextrait, tait mens : le titre donn la version orientait les candidats vers le choix du mot conscience pour le traduire. Les traductions par intelligence et esprit allaient de linexactitude au faux sens. * putes pouvait tre interprt comme un subjonctif de dlibration pourquoi timaginer ? ou identifi comme un potentiel pourquoi irais-tu penser ? . Il tait impossible en revanche de reconnatre une construction similaire quid est quod/quid est cur et traduire quelle raison y a-t-il pour que ? * euasisse : le sens de ce verbe nest pas pronominal ; il sagit bien dchapper un supplice, une punition, non pas de schapper comme on schapperait dun lieu clos ou dune prison, comme plusieurs candidats lont compris. Le temps de linfinitif, dans la proposition infinitive dpendant de putes dont le sujet, comme trs souvent lorsquil sagit dun pronom, ntait pas explicit (eos s.ent.), devait tre rendu en franais par un pass exprimant lantriorit. * factidiri : ladjectif a parfois donn lieu des confusions avec duri ! Il convenait de le traduire en explicitant la force de son signifiant : abominable , cruel , le gnitif se justifiant par la fonction de complment de ladjectif conscia qui qualifiait le substantif mens. * quoshabet attonitos etcaeditflagellum : la disposition des groupes des mots permettait didentifier que les deux verbes, habet et caedit, avaient chacun leur sujet : mens pour le premier, occultum flagellum, un fouet invisible/cach pour le second. Les sujets taient mis en valeur par leur placement aux extrmits des vers 3 et 4 o se dveloppe la proposition subordonne relative. * surdo uerbere.quatiente animo corpore : les ablatifs ntaient pas sur le mme plan. Surdo uerbere (o uerbere est lablatif du nom uerber, et non celui du nom uerbum le mot ) constituait un groupe nominal en fonction de complment circonstanciel de moyen du verbe caedit : frapper dun coup sourd ). Limage tait trs concrte. En revanche, la prsence dune forme verbale le participe quatiente dans le second groupe lablatif devait orienter sans hsitation les candidats vers la reconnaissance dun ablatif absolu, dont le sujet tait le substantif animo la pense , celle-ci tant compare un bourreau par lintermdiaire du nom dagent tortore en fonction dpithte ou dattribut. Il tait syntaxiquement impossible de relier occultum tortore en traduisant cach par le bourreau ou de faire de animo le complment dobjet de quatiente secouant leur esprit . * multo saeuior illis : beaucoup de candidats nont pas reconnu dans illis lablatif en fonction de complment du comparatif de supriorit saeuior, lequel se trouvait renforc par ladverbe multo. Illis, quil tait impossible daccorder avec ladjectif de la deuxime classe grauis, se trouvait tre lantcdent du pronom relatif quas, le pote comparant la poena quil vient de dcrire dans les vers 3 et 4 aux chtiments invents dans un pass lointain et plus ou moins mythique par Rhadamante et Caedicius. Si le verbe inuenit tait au singulier, cest par la rgle de laccord de proximit, mais il fallait comprendre que les sujets en taient Rhadamantus et Caedicius, ce qui imposait en franais laccord du verbe au pluriel. * nocte dieque suum gestare in pectore testem : le vers commenait avec un complment circonstanciel lablatif, exprimant donc la date et non la dure ( de jour comme de nuit ). Linfinitif gestare ne pouvait sexpliquer autrement quen lien avec le nom poena afin de reconnatre dans ce vers la description du chtiment uehemens et saeuior ; linfinitif tait en fonction de sujet, avec poena attribut et le verbe est sous-entendu. Le nom testem devait tre traduit par son sens propre tmoin (non pas juge ou accusateur , ni tmoignage ) et il convenait de rendre, par une traduction appuye, lantposition du possessif suum (par rapport lordre normal testem suum) : son propre tmoin . Limage porte par ce substantif se dduisait de la rfrence Rhadamante : cest celle du tribunal devant lequel comparat le criminel.

  • 20

    Proposition de traduction : Pourquoi cependant vas-tu timaginer quils ont chapp au chtiment ceux que la conscience de lacte abominable quils ont commis tient interdits et que frappe dun coup sourd le fouet invisible agit par la pense qui les torture ? Cest un chtiment violent et bien plus cruel que ceux quinventrent le svre Caedicius et Rhadamante, que de porter en son cur, de nuit comme de jour, son propre tmoin.

    Spartano cuidam respondit Pythia uates haut impunitum quondam fore quod dubitaret depositum retinere et fraudem iure tueri iurando ; quaerebat enim quae numinis esset mens et an hoc illi facinus suaderet Apollo. Reddidit ergo metu, non moribus, et tamen omnem uocem adyti dignam templo ueramque probauit extinctus tota pariter cum prole domoque et quamuis longa deductis gente propinquis.

    Ces neuf vers avaient une unit : ils dcrivent une petite scne, forment une vignette exemplaire, une anecdote destine illustrer le propos plus gnral des vers prcdents. On trouve dabord deux phrases respondit Pythia uates / quaerebat enim , qui rsument une scne de dialogue entre deux personnages, Spartano cuidam un habitant de Sparte et la Pythie inspire Pythia uates (le jury a valoris les traductions qui sattachaient rendre, sans trop de maladresse, les deux substantifs juxtaposs). Le contexte dcrit est celui de la consultation de loracle dApollon. Lordre question puis rponse est invers puisquon lit dabord la rponse de la Pythie avant de dcouvrir la question que le Spartiate a pose loracle. Puis, introduite par la conjonction ergo, on dcouvre la raction du Spartiate, la manire dont il traduit dans ses actes le conseil du dieu. * Les deux verbes, respondit et quaerebat ( cherchait savoir ) introduisaient chacun la subordonne complment attendue : pour le premier, verbe de dclaration, une proposition infinitive (haut impunitum quondam fore) ; pour le second, verbe de demande, deux propositions interrogatives indirectes (quaeesset / ansuaderet). La construction de la phrase se complexifiait dans le premier cas par lajout dune autre subordonne : quod dubitaret, qui tait en fonction de sujet de la proposition infinitive (littralement : le fait que.ne serait pas impuni ). Le jury a accept les traductions qui explicitaient une autre construction : un eum sous-entendu comme sujet de linfinitive avec quod dubitaret en fonction de subordonne causale ( il ne serait pas impuni parce que / au prtexte que / pour avoir). * tueri a le sens de cacher, masquer, dissimuler ; les traductions par protger , se garder de , dfendre relevaient de linexactitude ou du faux-sens lger. De mme, il convenait de traduire prcisment fraudem par crime / forfait , non par fourberie / perfidie . * iure devait tre rapproch de iurando : thmse pour le grondif iureiurando en prtant serment . Plusieurs candidats, faute davoir reconnu cette expression, ont identifi un impossible adjectif verbal exprimant lobligation. * Bien que juxtaposs (quae numinis), les deux mots quae et numinis ne constituaient pas un groupe nominal avec accord du nom et de ladjectif interrogatif. Quae ne pouvait tre rapproch que du substantif au fminin mens, prcis par le complment du nom numinis : quelle tait la pense / lavis de la divinit / du dieu . * reddidit : ce verbe, transitif direct en latin, ntait pas accompagn de son complment dobjet ; il convenait donc de le rtablir par dduction des vers prcdents. Ce que le Spartiate a rendu , cest le dpt dargent, depositum, qui lui avait t confi. * moribus avait ici, en contexte, un sens particulier, dailleurs donn par la consultation du Gaffiot : principes . * le verbe probauit prouva / fit la preuve ( approuva tait un contresens) avait pour complment une proposition infinitive, quil convenait didentifier : omnem uocem adyti dignam templo ueramque. Lordre des mots, qui nest pas le dsordre auxquels certains candidats croient ds lors quils sont en prsence dun texte en vers, permettait de grouper facilement les termes comme il se devait : omnem uocem adyti toute parole du sanctuaire dignam templo tait / est (esse sous-entendu) digne du temple ueramque et vridique . Il ny avait aucune difficult dans ces vers. * Les deux derniers vers de ce petit rcit dcrivaient le sort que subit le Spartiate, sort qui est la preuve par lexemple de la vracit de la parole oraculaire : il convenait en effet de rapprocher le participe parfait passif exstinctus, au nominatif masculin singulier, des verbes reddidit et probauit se rapportant au Spartiate et expliciter dans la traduction le lien logique entre les verbes conjugus et le participe, soit une relation de cause tant donn que / parce quil prit . * pariter cum ne signifiait pas que le Spartiate mourut en mme temps que toute sa descendance , ce qui na pas de sens dans la logique chronologique, mais il fallait comprendre beaucoup plus littralement et pareillement : cest toute une famille et une ligne qui est dcime et lnumration prole domo propinquis exprime le caractre inexorable dun destin funeste et collectif, comme celui qui marque les familles maudites du mythe dans les tragdies grecques.

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    * quamuis longa deductis gente propinquis : propinquis se trouvant tre, par la coordination et (que beaucoup de candidats nont pas vue), le troisime terme de lnumration de substantifs introduite par la conjonction cum, il ntait pas possible syntaxiquement de reconnatre ici un ablatif absolu. Le participe deductis tait en fonction dpithte du substantif propinquis.

    Proposition de traduction : un habitant de Sparte, la Pythie inspire rpondit que ne resterait pas un jour sans punition le fait davoir eu lintention de garder un dpt et de masquer son forfait sous le parjure ; il cherchait en effet savoir quelle tait la volont de la divinit et si Apollon lui conseillait ce forfait. Il restitua donc le dpt, par peur, non par principes, et fit la preuve que toute parole du sanctuaire est digne du temple et vridique car il prit et avec lui galement toute sa descendance, sa famille et sa parent si loin quelle remontt.

    Has patitur poenas peccandi sola uoluntas. Nam scelus intra se tacitum qui cogitat ullum, facti crimen habet. Cedo si conata peregit. Ces trois vers donnaient la morale de lhistoire : le remploi du substantif poena (sous la forme poenas) aprs loccurrence prcdente plusieurs vers plus haut (Poena autem uehemens) marquait le retour, aprs la narration de lanecdote exemplaire, un propos porte gnralisante, rendu sentencieux par lemploi du prsent et de la relative sans antcdent qui cogitat.habet. * peccandi : grondif complment du nom uoluntas, dont le sens est actif comme tout grondif : la volont de commettre une faute . * tacitum pouvait se lire comme le rgime de se ou de scelus et laccusatif ne pouvait se justifier par la prsence dune infinitive, comme plusieurs candidats lont fait en dpendance du verbe cogitat. Il fallait construire : qui cogitat ullum tacitum scelus intra se qui mdite intrieurement quelque crime sans en parler . * facti devait tre compris et analys par rapport uoluntas peccandi et dot de la force dun substantif neutre driv du participe parfait passif du verbe : factum est littralement ce qui a t fait, commis . Le pote envisage en effet dans cette leon lintention de la faute et sa ralit : entre mditer un forfait et le commettre en ralit, entre lintention et sa ralisation, la distance est trs mince. Seule lintention compte au dpart ; le reste (si conata peregit : sil a poursuivi ses efforts / son entreprise , o peregit est un parfait) en est la consquence aggravante et qui la confirme. Dans cette formulation conclusive, le verbe cedo tait comprendre comme une sorte de formule idiomatique, non comme un je auctorial.

    Proposition de traduction : Tels sont les chtiments quendure la seule intention de commettre une faute. Car celui qui mdite en son for intrieur quelque forfait sans en parler se voit incriminer de lavoir commis. Quest-ce donc sil a t jusquau bout de son projet !

    Perpetua anxietas nec mensae tempore cessat, faucibus ut morbo siccis interque molares difficili crescente cibo, sed uina misellus expuit, Albani ueteris pretiosa senectus displicet ; ostendas melius, densissima ruga cogitur in frontem uelut acri ducta Falerno. Nocte breuem si forte indulsit cura soporem et toto uersata toro iam membra quiescunt, continuo templum et uiolati numinis aras et, quod praecipuis mentem sudoribus urguet, te uidet in somnis ; tua sacra et maior imago humana turbat pauidum cogitque fateri.

    Aprs la leon, le pote revient un temps de description, qui braque la lumire sur le portrait du criminel en proie aux affres dune conscience tourmente qui le laisse sans repos (perpetua anxietas) ; les traits sont grossis, les comparaisons concrtes donnent analyser les effets visibles du tourment. On est ici en prsence dun portrait qui se construit par touches, celui dun type, le criminel que le pote satirique met en scne comme une figure exemplaire et repoussoir, en le saisissant sur le vif, dans deux moments distincts, quilibrs par le nombre de vers (6 vers pour chaque moment) qui leur sont consacrs : le jour, au cours dun repas (mensa) ; la nuit, nocte, dans la solitude dun face face avec sa conscience et en proie aux visions que favorise le sommeil.

    Les vers dcrivant le temps du repas ont concentr de nombreuses erreurs dans les traductions, en particulier sur la construction des ablatifs faucibus et cibo. Il convenait de reconnatre un ablatif absolu dans difficili crescente cibo et dans faucibus siccis, en saidant de la coordination -que (interque molares). Quant morbo, il fallait lanalyser comme un ablatif de cause : la gorge est sche comme sous leffet de la maladie , avec un ut introduisant la comparaison. Il tait impossible danalyser ut comme une conjonction de subordination introduisant une conscutive, comme nous lavons lu dans plusieurs copies. Les dtails sont trs concrets, visuels pour dcrire un tat de malaise intrieur qui affecte les ractions physiques : la

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    nourriture qui saccumule dans le gosier sec (cibo crescente), les gorges de vin que lon recrache parce quon ne peut rien avaler (uina expuit), la nourriture, ft-elle de prix, qui provoque le dgot (displicet). * Le mot Albani a trop souvent t confondu avec un individu lAlbain , dot mme de vieillesse quand il nest pas devenu dans certaines copies la cit d Albe , sans que ces traductions puissent prendre sens dans un contexte qui dcrit un repas et o il question de vin. Il fallait reconnatre le vin dAlbe , un cru rput dans lAntiquit, que le pote compare au Falerne, le plus clbre de tous les grands vins italiens. * Le verbe ostendas (subjonctif prsent dostendere prsenter / offrir avec une 2

    me personne valeur

    indfinie) et la phrase dans laquelle il est insr ont provoqu une hcatombe dans les traductions. Il ny avait pourtant pas de difficult, les groupes de mots senchanant simplement : quon lui prsente un vin meilleur (melius ), une ride trs profonde (densissima au superlatif) se forme (cogitur : prsent passif de cogere) sur son front comme si (uelut) elle avait t amene/provoque (ducta, participe parfait passif de ducere) par un cre Falerne (acri Falerno) . Les erreurs nombreuses ont rvl chez plusieurs candidats une mconnaissance de la morphologie verbale de base et de la dclinaison des adjectifs de la deuxime classe. * Forte avait ici le sens de par chance / daventure , plus que par hasard . Le participe uersata a gnralement t mal traduit : les membres tendus / allongs constituait une traduction trs maladroite. En se reprsentant la scne, savoir le criminel que sa conscience tourmente la nuit et qui peine donc trouver le sommeil, il devenait plus facile de comprendre ce que dcrivait prcisment le pote : le fait que le corps se tourne en tous sens dans le lit avant de trouver enfin (iam) le repos (quiescunt).Cest alors, une fois le repos trouv, que commence la phase des rves : le criminel voit aussitt (adverbe continuo) surgir dans ses songes (in somnis) les objets de ses tourments : templum aras te (sa victime). * quod.urguet : il tait difficile de donner quod la valeur dune conjonction de subordination causale, mais il fallait reconnatre en quod un pronom relatif sujet ce qui/chose qui accable sa conscience annonant, pour le mettre en relief en le dtachant en rejet, le troisime complment dobjet de lnumration : te. Ce fantme qui surgit dans les rves du criminel est bien une imago, qualifie par deux adjectifs coordonns, sacra et maior, le comparatif de supriorit appelant un complment du comparatif que lon devait reconnatre dans le mot humana, lablatif, qui le suivait ( un fantme plus grand quun portrait humain ). Une fois cette construction identifie, le mot pauidum sidentifiait comme un adjectif substantiv, complment dobjet, dsignant le criminel comme un tre constamment effray.

    Proposition de traduction : Son angoisse est alors perptuelle et elle ne cesse pas mme lheure du repas : dans son gosier sec comme sous leffet de la maladie et entre ses molaires la nourriture difficile avaler saccumule ; mais le pauvre diable recrache les gorges de vin ; la prcieuse vieillesse dun antique vin dAlbe lui rpugne ; quon lui prsente un vin meilleur, une ride trs profonde se creuse sur son front comme si elle avait t amene par un Falerne piqu. La nuit, si par chance le tracas lui a concd un bref assoupissement et si ses membres, aprs stre retourns travers tout le lit, trouvent enfin le repos, aussitt dans ses songes cest le temple, les autels de la divinit outrage et, ce qui accable sa conscience avec des sueurs abondantes, cest toi quil voit ; ton fantme sacr et dune taille surhumaine le trouble, pouvant quil est, et le force avouer.

    Hi sunt qui trepidant et ad omnia fulgura pallent cum tonat, exanimes, primo quoque murmure caeli, non quasi fortuitus nec uentorum rabie set iratus cadat in terras et iudicet ignis. Illa nihil nocuit : cura grauiore timetur proxima tempestas uelut hoc dilata sereno.

    Aprs la vignette descriptive, le pote largit une nouvelle fois le propos pour une gnralisation sur ltat des criminels avec la formule hi sunt qui (o le dmonstratif avait le mme sens que has patitur poenas quelques vers plus haut : tels sont ceux qui / tels sont les chtiments ) : il met en place une comparaison entre les criminels tourments par leur conscience et les hommes inquiets au moindre signe mtorologique comme si celui-ci annonait quelque punition divine, quelque rupture de la pax deorum. * Hi sunt qui trepidant : lindicatif prsent du verbe devait interdire toute traduction du type il y a des hommes tels quils tremblent qui faisait apparatre une relative conscutive. * ad omnia fulgura : le pluriel, volontiers hyperbolique, devait tre respect dans la traduction. * exanimes tait un adjectif au nominatif pluriel, appos au pronom hi, non une forme verbale au subjonctif prsent ; il portait sur les mots suivants primo quoque murmure caeli, la pleur (pallent) quant elle tant mise en lien avec la circonstance cum tonat. * quoque tait lablatif du pronom adjectif indfini quisque chaque premier grondement du ciel ; les traductions identifiant en quoque ladverbe aussi / mme affaiblissaient fortement le texte et sinsraient trs difficilement dans le sens de la phrase. * quasi devait tre rapproch des deux verbes au subjonctif prsent, cadat et iudicet, pour que lon reconnaisse une proposition subordonne de comparaison et hypothtique comme si , o plus exactement deux propositions coordonnes par nec dont le sujet commun, ignis, tait mis en relief la fin du vers et dfini par les deux adjectifs fortuitus (que certains ont confondu avec ladverbe fortuite) et iratus.

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    * Illa nihil nocuit : ces trois mots ont caus beaucoup de problmes aux candidats, qui nont pas su faire appel la scansion pour identifier dans illa le nominatif fminin du pronom qui pouvait tre rapproch du nom fminin rabie du vers prcdent ou, plus srement, du nom tempestas dans le vers suivant. La scansion devait galement permettre de confirmer que le sujet de timetur tait proxima tempestas.

    Proposition de traduction : Tels sont ceux qui tremblent et plissent devant tous les clairs quand il tonne, qui sont sans vie chaque grondement du ciel comme sil sagissait dun feu produit non par le hasard ni par la rage des vents, mais dun feu provoqu par la colre qui sabat sur les terres et fait justice. Cet orage ne leur a caus aucun mal : cest en revanche avec une peur plus grande quon craint le prochain orage comme sil tait diffr par ce ciel serein.

    Praeterea lateris uigili cum febre dolorem si coepere pati, missum ad sua corpora morbum infesto credunt a numine, saxa deorum haec et tela putant. Pecudem spondere sacello balantem et Laribus cristam promittere galli non audent ; quid enim sperare nocentibus aegris concessum ? [...]

    Cette dernire section du texte ajoutait (praeterea) un autre exemple des manifestations extrieures de la conscience tourmente qui conduit le criminel reconnatre, dans ltat fivreux auquel il peut tre en proie, le signe dune punition des dieux. * lateris, gnitif du nom latus (le flanc), a souvent t confondu avec le verbe lateo, lates, latere, ce qui a donn lieu des traductions insenses. Le nom febre tait rapprocher de son adjectif uigili, adjectif de la deuxime classe dont le sens est actif qui tient en veil . * Les deux verbes synonymes credunt et putant devaient tre traduits par deux verbes synonymes en franais et il convenait didentifier, malgr lomission de linfinitif du verbe esse, deux propositions infinitives en fonction de complments des deux verbes dopinion, la premire ayant pour sujet morbum et missum tant une forme passive du verbe mittere ( ils croient que la maladie a t envoye leur corps ), la seconde ayant pour sujet le pronom haec, au nominatif neutre pluriel par suite de lattraction avec les attributs saxa et tela (sur le modle de lexemple donn par les grammaires : haec est inuidia) : ils pensent que ce sont les pierres et les traits des dieux . * Sacello tait au datif en fonction de complment du verbe spondere (construction bien atteste), non un complment circonstanciel de lieu lablatif et la construction tait parallle celle de promittere qui avait pour complment le datif Laribus, dont il est difficile dadmettre que des agrgatifs ne sachent pas y reconnatre les Lares . Le contexte religieux dcrit par ces vers aurait d guider les candidats vers le choix du substantif sacellum, -i petit sanctuaire de prfrence saccellus, -i, m., sacoche / bourse , pour viter de produire des traductions absurdes. Les deux infinitifs spondere et promittere taient en fonction de complments du verbe audent, que plusieurs candidats ont malencontreusement confondu avec le verbe audiunt. * balantem, qui a souvent et curieusement t omis dans les traductions, devait tre rapproch du nom pecudem : le pote mentionne ici deux exemples danimaux quon sacrifie aux dieux, la brebis et le coq. * concessum devait tre identifie comme une forme verbale au passif (du verbe concedo, concedis, concedere) et nocentibus aegris comme le complment au datif.

    Proposition de traduction : En outre sils ont commenc souffrir dune douleur au ct avec une fivre tenace, ils croient que la maladie a t envoye leur corps par la divinit, ils imaginent que ce sont l les projectiles et les traits des dieux. Faire voeu dune brebis blante un petit sanctuaire, promettre aux Lares la crte dun coq, ils ne losent : quest-il permis desprer aux criminels malades ?

    Pour conclure, nous ne saurions que trop renvoyer les futurs candidats la lecture des rapports des

    annes 2014 et 2015, qui comportent des conseils mthodologiques. Nous rappellerons que lexercice de la traduction est dabord et toujours un exercice de comprhension et que traduire ncessite de savoir se poser les bonnes questions face un passage, un groupe de mots, une phrase en mobilisant un savoir lexical et grammatical qui ne sacquiert que dans la frquentation rgulire des textes littraires et de la grammaire latine, en y ajoutant aussi une certaine dose de bon sens.

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    RAPPORT SUR LA VERSION GRECQUE

    tabli par Romain BRETHES

    Le jury a corrig cette anne 230 copies, soit une lgre baisse au regard de la session de 2015, avec la rpartition suivante des notes :

    - 83 copies ont obtenu une note gale ou suprieure 10, mais dans cette tranche seulement 15 copies ont obtenu une note gale ou suprieure 15 ;

    - 91 copies ont obtenu une note comprise entre 9,5 et 6 ; - 56 copies ont obtenu une note comprise entre 6 et 0,5 : La moyenne stablit 8,52.

    Le texte traduire

    Il sagissait dun extrait de la correspondance de lempereur Julien qui, selon les termes de Pierre-Emmanuel Dauzat, permet de suivre la trace lvolution de son tat desprit et de ses sentiments lgard des chrtiens . Il peut tre consult en suivant le lien ci-dessous : http://cache.media.education.gouv.fr/file/agregation_externe/47/8/s2016_agreg_externe_lettres_class_4_548478.pdf

    La lettre 89, do la version traduire tait tire, sadresse au grand prtre Thodore, et lApostat sy prsente plus comme un mule du christianisme que comme son virulent dtracteur, en encourageant des pratiques (un terme important pour ce texte) qui sinspirent en grande partie de problmatiques thologiques. Cest ainsi le cas du pch de langue et du pch de lesprit, motif qui concluait notre passage et que lon trouve dj par exemple chez Clment dAlexandrie dans son Pdagogue (II, 6). Le ton protreptique de lensemble, visible travers les multiples adjectifs verbaux, impratifs ou locutions impersonnelles, indique que Julien sapprte manifestement envoyer une encyclique des prtres paens. ce propos, sil est comprhensible que le contexte des dbats, souvent complexes, entre Julien et les chrtiens au milieu du IV