parfum de jazz ladies in jazz 2019 nina simone · 2020-01-14 · nina simone chanteuse engagée et...
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Nina Simone Chanteuse engagée
et … enragée
Parfum de Jazz Ladies in Jazz 2019
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Nina SimoneNée Eunice Waymon
1933 (Tryon, Caroline du Nord) 2003 (Carry Le Rouet, France)
Une vie et une carrière chaotiques
- un contexte familial qui, très jeune, la perturbe
- sa haine précoce du racisme et de la ségrégation, qui va perdurer tout au long de sa vie
- son rêve mort-né d’une carrière de concertiste classique
- ses problèmes sentimentaux récurrents et imprévisibles
- sa détestation du monde du show-business malgré le très grand succès de ses concerts et de ses disques
- ses engagements politiques déçus
- son désir d’africanité et de « retour aux sources » souvent perturbés
- son caractère exigeant et imprévisible, bourré - de contradictions - la gestion catastrophique de sa carrière - graves dépressions et délires qui ont gâchés sa fin de carrière…
Son autobiographie et les livres qui lui ont été
consacrés narrent tout cela… -
Enfance et adolescence
Premières blessures et premières révoltes
Première humiliation à l’âge de 11 ans
Le rêve évanoui de devenir la
« première concertiste classique »
noire.
A l’issue d’une très bonne scolarité générale pendant laquelle elle a continué à travailler intensément le piano, son
professeur de piano l’inscrit au concours d’entrée d’une prestigieuse école de musique classique :
le Curtis Institut de Philadelphie.
Elle échoue plusieurs fois au concours d’entrée de ce
conservatoire en dépit d’une préparation
intense et très sérieuse. Toute sa vie elle ressassera
ces échecs en les attribuant uniquement à la
couleur de sa peau.
Il est attesté qu’à cette époque (début des années 50)
les musiciens noirs n’accèdent pratiquement pas
au monde de la musique classique. Pas plus comme solistes que comme instrumentiste d’orchestre symphonique.
Charles Mingus entre autres n’a pas pu accéder à l’univers de la musique classique
(et lui aussi, comme Nina, est devenu un rebelle dans le monde du jazz)
1954
Ses débuts comme chanteuse …
à Atlantic City
Elle a 21 ans
Désespérée, dégoutée par ses échecs elle trouve quelques
petits boulots à Philadelphie… Elle y fait connaissance
d’une prostituée qui la prend « sous son aile » (sans l’amener à se
prostituer), l’aide et lui propose de l’accompagner pour la saison estivale à
Atlantic City où elle lui promet de trouver un engagement musical…
Atlantic City est ville de plaisirs tarifés, de clubs musicaux et de casinos
à 60 miles de Philadelphie: c’est le « Las Vegas » de la côte est des USA.
Elle obtient effectivement un petit job de pianiste dans un des nombreux bars et clubs d’Atlantic City
En 1954 son premier engagement comme pianiste est au« Midtown bar and grill »… un petit bar pas très luxueux!
Selon ses dires, elle n’avait jamais mis les pieds dans un bar (« lieu de perdition » aux yeux de sa mère).
Elle choisit un « nom de scène »… pour que sa mère n’apprenne pas que sa fille joue dans un lieu mal famé : Nina.
Car un des ses boy-friend la surnomme ainsi et Simone car elle admire Simone Signoret
(très connue déjà en 1954)
Nina en 1954
Très vite le patron trouve qu’elle joue trop du piano et de manière trop « classique »…
Il lui demande de chanter… sinon elle sera virée!
Sans y être vraiment préparée elle chante des mélodies populaires et des « standards » et sa voix très particulière
séduit immédiatement le public du bar.
Un impresario New-yorkais la remarque et lui propose différents concerts à New-York…
Et il lui conseille d’épouser un des admirateurs (Don Ross)… pour « ne pas être seule à New-York » !
Catastrophe: ce mari est alcoolique, drogué et se révèle être un fardeau pour Nina.
Ce (premier!) mariage dure peu!
New-York 1958Un succès immédiat … comme chanteuse
Elle a 25 ans
Son agent réussit à lui faire enregistrer en 1958 son premier disque (Little Girl Blue) mal produit, enregistré à la va vite… mais qui se révèle pourtant un incroyable succès…
avec un tube (son premier) : My baby just cares for me
(tube qui fut repris longtemps plus tard pour une pub de parfum)
Sur ce disque il n’y a pas que ce tube « Baby just Cares for me » (sur lequel nous allons revenir)
Tube au succès mondial qu’elle considèrera toujours comme un morceau « mineur » dans son oeuvre.
mais aussi une superbe version de I love you Porgy
Porgy en live à la même époque (59/60)
Elle a 26 ans, son jeu de piano montre clairement son fort « attachement » à une technique « classique » du clavier. NB : public majoritairement blanc!
Son premier succès : My baby dont cares for meChanson écrite en 1928 pour une comédie musicale (Whoopee)
Chantée par Eddie Cantor
Acteur et chanteur célèbre dans les années 30 et 40 aux USA
Pour illustrer, une fois de plus, une caractéristique essentielle de la musique de jazz comme art d’interprétation
La version de Baby Dont Care par Eddie Cantor en 1930 avant d’écouter celle de Nina Simone…
Cherchez la différence !
1930 la version de My Baby just cares for me par Eddie Cantor… Ringardissime!
La première version de My baby just cares for me par Nina Simone en 1958
Radicalement différente de la version d’Eddie Cantor!
My baby don't care for showsMy baby don't care for clothes
My baby just cares for meMy baby don't care for cars and races
My baby don't care for high-tone placesLiz Taylor is not his style
And even Lana Turner's smileIs somethin' he can't see
My baby don't care who knowsMy baby just cares for me
Baby, my baby don't care for showsAnd he don't even care for clothes
He cares for meMy baby don't careFor cars and racesBaby don't care for
He don't care for high-tone placesLiz Taylor is not his style
And even Liberace's smileIs something he can't seeIs something he can't see
I wonder what's wrong with babyMy baby just cares forMy baby just cares for
My baby just cares for me My baby don't care for showsMy baby don't care for clothes
My baby just cares for meMy baby don't care for cars and races
My baby don't care for high-tone placesLiz Taylor is not his style
And even Lana Turner's smileIs somethin' he can't see
My baby don't care who knowsMy baby just cares for me
Baby, my baby don't care for showsAnd he don't even care for clothes
He cares for meMy baby don't careFor cars and racesBaby don't care for
He don't care for high-tone placesLiz Taylor is not his style
And even Liberace's smileIs something he can't seeIs something he can't see
I wonder what's wrong with babyMy baby just cares forMy baby just cares for
Mon amour ne t'inquiete pas des spectaclesMon amour ne t'inquiete pas pour les habits
Mon amour occupe toi seulement de moiMon amour ne t'inquiete ni des voitures ni des courses
Mon amour ne t'inquiete pas pour les places des hautes voix
Liz Taylor n'est pas son genreEt même le sourire de Lana Turners
C'est quelque chose qu'il ne peut pas voirMon amour ne t'inquiète pas de qui sait
Mon amour occupe toi seulement de moiMon amour, mon amour ne s'inquiete pas des
spectaclesEt il ne se fait pas pour les habits
Il s'inquiète pour moiMon amour ne se préoccupe
Ni des voitures, ni des coursesMon amour ne s'inquiète pas
Il ne s'occupe pas des endroits où sont les hautes voixLiz Taylor n'est pas son genre
Et même le sourire de Lana TurnersC'est quelque chose qu'il ne peut pas voir C'est quelque chose qu'il ne peut pas voir
Je me demande ce qui ne va pas avec mon amourMon amour s'occupe seulementMon amour s'occupe seulement
Mon amour s'occupe seulement de moiMon amour, mon amour ne s'inquiete pas des
spectaclesEt il ne se fait pas pour les habits
Il s'inquiète pour moiMon amour ne se préoccupe ni des voitures, ni des
coursesIl ne s'occupe pas des endroits où sont les hautes voix
Liz Taylor n'est pas son genreEt même le sourire de Lana Turners
C'est quelque chose qu'il ne peut pas voir Mon amour ne se préoccupe pas de qui le sait
Mon amour s'occupe seulement de moiMon amour, mon amour ne s'inquiete pas des
spectaclesEt il ne se fait pas pour les habits
Il s'occupe seulement de moi
My Baby… bien plus tard et en public (« Sacrée Soirée »!)
NB : Bien qu’ayant toujours affirmé ne pas aimer ce thème … elle fut « condamné » à le chanter des milliers de fois à la demande du public!
Ce qui généra parfois des incidents…
L’ « Affaire »… du Spot Chanel N°5
Toujours dans son premier album : l’influence du gospel (chanté dans l’église de sa mère…) He Gots the whole word in his hand
New YorkLes années 60
Le « décollage »
Le succès de son premier disque l’amène à signer avec un impresario influent et avec une grande maison de disque
(Colpix: un label lié à Columbia Records)
Les enregistrements studio chez Colpix
1958/59 1959 1960
1963 1960
Les enregistrements « live » chez Colpix
1959 1960 1962
1962 1963 1964
Ce nouvel impresario organise en 1959 un concert au
Town Hall de New-York
Enorme succès … avec de très importantes retombées « médiatiques »
NB : Dans la mairie de New-York il y a un Théâtre…
L’enregistrement du concert est publié en disque Grosses ventes…
Nina gagne soudain beaucoup d’argent, mais, dit-elle, cela ne la satisfait pas vraiment.
Le monde de la « variété » n’est pas celui dont elle avait rêvé! Il est, à ses yeux, « frelaté »…
Dans les compte-rendus du concert « la robe blanche de Nina » est omniprésente sous la plume des chroniqueurs!
Black is the color of my true love’s hair (1959 Live Town Hall)Black is the color of my true love's hair
His face so soft and wondrous fair The purest eyes
and the strongest hands I love the ground on where he stands I love the ground on where he stands
Black is the color of my true love's hair Of my true love's hair Of my true love's hair
Oh I love my lover and where he goes
yes, I love the ground on where he goes And still I hope
that the time will come when he and I will be as one when he and I will be as one
So black is the color of my true love's hair Black is the color of my true love's hair Black is the color of my true love's hair
Summer Time
Après le concert de Town Hall elle joue beaucoup: concerts, clubs, presque tous les jours…
Rien ne va plus avec son mari alcoolique et « défoncé ».
Elle rencontre Andy Strout… Un policier qui se dit employé de banque…
Coup de foudre. Il est « solide ». Il la rassure.
Il devient son nouveau manager et se révèle très efficace comme organisateur de tournée. Il gère tout.
Elle se marie avec Andy le 4 décembre 61 (elle a 28 ans) et part le 20 décembre au Nigeria pour inaugurer
un Centre Culturel à Lagos. Elle découvre l’Afrique.
Elle devient l’amie d’écrivains engagés comme James Baldwin ou Leroi Jones.
Ici avec James Baldwin
En 1962 (elle a 29 ans) son mari l’installe dans une superbe maison à
Mount Vermon : une campagne résidentielle idyllique. Servante, jardinier, chauffeur…
Elle pense quelque temps qu’elle va être heureuse dans sa « nouvelle » vie…
En 1962 elle chante du Duke Ellington comme ce It dont’ mean a thing…
Une fille nait en septembre 1962 : Lisa*
Apparemment tout va bien pendant quelques temps: croisière à Acapulco avec Andy et Lisa …
et intense préparation d’un important concert au Carnegie Hall
Le concert à Carnegie Hall est un très grand moment pour Nina… Le Carnegie Hall est comme la salle Pleyel à Paris où toutes les
stars et où, surtout, point capital à ses yeux, de grands instrumentistes classiques se produisent souvent … C’est pour elle le moment de la « revanche » par rapport à sa
non-admission au Conservatoire de Philadelphie.
Le concert de 1963 au Carnegie Hall (elle a 30 ans)
Enorme succès de ce disque: reflet du superbe concert qu’elle a donné
A partir de 1964/65
Nina The Civil Right Singer
Le jour même où elle triomphe au Carnegie Hall. Martin Luther King est arrêté en Alabama.
Une de ses amies, Lorraine Hansberry, très engagée pour le Mouvement des Droits civiques des Noirs, lui dit que c’est le moment d’utiliser sa notoriété au service de la lutte contre l’apartheid
et de ne plus se contenter de la célébrité dans le show bizness.
Martin Luther King arrêté fin des années 50Lorraine Hansberry : écrivaine
Après le concert de 1963 du Carnegie Hall elle démarre une tournée de huit mois triomphale mais harassante…
Pendant cette tournée de 1963 les racistes anti-noirs se déchaînent aux USA
Medgar Evers secrétaire du mouvement noir local est assassiné à Jackson Mississippi, en septembre, une bombe est lancée sur une église Baptiste tuant 4 enfants, la police tire sur un enfant dans la manifestation du même jour, et une foule blanche lynche un jeune
noir. Toutes ces informations entendues à la radio révoltent Nina qui décide
d’entrer dans l’action. Sa réaction immédiate, dit-elle, serait de sortir dans la rue
et tirer sur tout suspect de racisme anti-noir.Mais le soir, au retour d’Andy, elle retrouve son calme
et sait qu’elle ne peut agir seule. Elle pense que « la solution » n’est pas la non-violence.
« Je n’étais pas convaincue que la non-violence nous obtiendrait ce que nous voulions ».
Elle se radicalise… et compose (en un heure disent ses biographes!)
Mississipi GoddamUn puissant cri de colère contre la ségrégation,
les attentats mortels anti-noirs et les violences policières.
Edité en 45 tours : le disque est un succès au Nord des USA mais boycotté au Sud.
Sur les exemplaires distribués aux disc-jockey
des stations de radio aux USA le mot Goddam est censuré.
Certaines radios ont « bipé » le mot Goddam
Goddam :
littéralement « damné par Dieu »
mais en « slang » (l’argot des noirs)
signifie plutôt
« fuck » ou « asshole ».
En tous cas l’expression goddam est ici
très péjorative et insultante.
The name of this tune is Mississippi Goddam And I mean every word of it
Alabama's gotten me so upset Tennessee made me lose my rest
And everybody knows about Mississippi Goddam Alabama's gotten me so upset
Tennessee made me lose my rest And everybody knows about Mississippi Goddam
Can't you see it Can't you feel it It's all in the air
I can't stand the pressure much longer Somebody say a prayer
Alabama's gotten me so upset Tennessee made me lose my rest
And everybody knows about Mississippi Goddam This is a show tune
But the show hasn't been written for it, yet Hound dogs on my trail
School children sitting in jail Black cat cross my path
I think every day's gonna be my last Lord have mercy on this land of mine
We all gonna get it in due time I don't belong here I don't belong there
I've even stopped believing in prayer Don't tell me
I tell you Me and my people just about due
I've been there so I know They keep on saying 'Go slow!’
But that's just the trouble 'Do it slow'
Washing the windows 'Do it slow'
Picking the cotton 'Do it slow'
You're just plain rotten 'Do it slow'
You're too damn lazy 'Do it slow'
The thinking's crazy 'Do it slow'
Where am I going What am I doing
I don't know I don't know Where am I going What am I doing
I don't know I don't know Just try to do your very best Stand up be counted with all the rest
For everybody knows about Mississippi Goddam I made you thought I was kiddin'
Picket lines School boy cots
They try to say it's a communist plot All I want is equality
For my sister my brother my people and me Yes you lied to me all these years
You told me to wash and clean my ears And talk real fine just like a lady
And you'd stop calling me Sister Sadie Oh but this whole country is full of lies You're all gonna die and die like flies
I don't trust you any more You keep on saying 'Go slow!'
'Go slow!' But that's just the trouble
'Do it slow' Desegregation
'Do it slow' a Mass participation
'Do it slow' Reunification 'Do it slow'
Do things grad ually
'Do it slow' But bring more tragedy
'Do it slow' Why don't you see it Why don't you feel it
I don't know I don't know
You don't have to live next to me Just give me my equality
Everybody knows about Mississippi Everybody knows about Alabama
Everybody knows about Mississippi Goddam
« Ce chant est un concentré de rage pure »
(Nina Simone)
Nina chante Mississippi Goddam pendant une grande manifestation pour les droits civiques en 1964
Anthony Perkins, James Baldwin, Sammy Davis Junior sont présents
Quelques secondes d’une version « live » de Mississippi Goddam (vers 1965)
1965 : « Ne me quitte pas » (la version du disque Philips)
Version live quelques années plus tard…
A partir de 1964 Nina, qui a 31 ans, devient une star mondiale et nombre de ses chansons sont très engagées
(mais elle continue aussi à chanter des morceaux de jazz). Elle signe avec le label Philips car elle s’est liée d’amitié
avec des dirigeants de cette firme. Entre 1964 et 1967 elle enregistra 7 disques chez Philips
dans un climat de confiance avec les producteurs. C’est Philips qui va publier la version studio dite de référence de
« Mississippi Goddam ».
Mystère des discographies: c’est sur cet album annoncé «live » que figure la version studio de référence de Mississippi Goddam
C’est à partir de cet album où plusieurs chansons sont très politiques
qu’elle va être présentée désormais comme:
« Nina Simone The Civil Right Singer »
Pirate Jenny et Old Jim Crow sont des chants
clairement engagés.
En 1966 avec Four Women elle décrit les « itinéraires » de quatre « figures » de femmes noires de
« différentes » couleurs dans les USA des années 60.
Four Women (le 45 tours) : gros succès My skin is black My arms are long My hair is woolly
My back is strong Strong enough to take the pain
inflicted again and again What do they call me
My name is AUNT SARAH My name is Aunt Sarah
My skin is yellow My hair is long
Between two worlds I do belong
My father was rich and white He forced my mother late one night
What do they call me My name is SAFFRONIA
My name is Saffronia My skin is tan My hair is fine
My hips invite you my mouth like wine
Whose little girl am I? Anyone who has money to buy
What do they call me My name is SWEET THING
My name is Sweet Thing My skin is brown
my manner is tough I'll kill the first mother I see my life has been too rough I'm awfully bitter these days
because my parents were slaves What do they call me
My name is PEACHES
Une magnifique version live de Four Women en France (vers 1967)
De 1964 à 1967 elle mène une vie infernale. Tournées de concerts dans le monde entier,
enregistrements de disques, interviews… Tout en continuant son combat pour l’égalité des droits civiques.
Elle se rallie aux idées et principes du mouvement « Black Power »
Principes inspirés du « manifeste » de Stokely Carmichael
Les Black Panthers
Eldridge Cleaver
Vers 1966/67 elle commence à se sentir souvent incapable de mener de front sa vie d’artiste, de militante et de mère…
Elle craque fréquemment. Psychologiquement déstabilisée elle devient
irritable, égocentrique, incontrôlable. Durant une tournée du Cosby Show fin 1966/début 67 elle
perd sa santé mentale: instabilité permanente, hallucinations, incapable parfois de reconnaître son mari après un concert…
D’après ses biographes ses troubles mentaux n’ont jamais été diagnostiqués ni soignés correctement.
Mais… elle continue… sous la pression son mari qui doit gérer des dépenses colossales (30 personnes au service de Nina!)
Elle signe en 1967 chez RCA (elle enregistra 6 disques chez RCA) et entame une tournée européenne.
A Londres cela ne se passe pas très bien. Lors de passages TV et radio elle ne parle que
de sesluttes anti-racistes.
Son public ne la suit pas et il y a peu de monde dans ses concerts londoniens…
Ses relations avec son public deviennent souvent difficiles, parfois violentes. Les incidents autour de « Baby dont care » se multiplie…
Son premier disque chez RCA « Nina Simone sings the blues »
connait un certain succès.
Dans Nina Simone sings the blues , elle enregistre une version très personnelle de « The house of the rising sun »;
Ici une version « live »
De 1967 à 1970 malgré fatigues, crises et incidents son activité ne faiblit pas (disques, concerts).
Elle est et demeure une diva et une star mondiale.
A l’occasion d’un contrat longue durée à Las Vegas… elle quitte la ville au bout de 4 jours:
« C’était le comble, me produire dans une ville encore soumise à la ségrégation, remplie de joueurs et de putes. J’ai tenu quatre jours et j’ai plié bagages »*.
En 1968 elle triomphe à nouveau au festival de Montreux et au Lincoln Center de New-York
Montreux 1968
A la fin des années 60 elle est souvent classée dans les médias comme « grande prêtresse de la soul music »
Screamin Jay Hawkins a enregistré une célèbre version d’ I put a spell on you
Nina toujours surprenante en a donné une version très personnelle en1968
En 1970, elle a le sentiment d’un rendez-vous manqué avec l’histoire, dans la lutte pour la cause noire. Les leaders noirs se sont désunis, morcelés, exilés, ont été emprisonnés, assassinés, abandonnés. Nina lâche la cause et veut lever le pied dans sa carrière. Démotivation, et lassitude . C’est à l’occasion d’un concert de Newark en mars 1970 (elle a 37 ans), devant une salle exclusivement noire que Nina crie sa haine de tous les leaders politiques de toutes les races et décide de se retirer du militantisme politique.
Toujours en 1970 , au Newport Jazz Festival elle craque, elle veut tout lâcher. Andy veut continuer au même rythme, il a besoin de l’argent pour payer l’organisation, elle ne peut pas tout lâcher, ce serait abandonner trente personnes qui vivent par son travail. Andy rentre à Manhattan, Nina n’en peut plus, elle rentre à Mount Vernon, elle jette quelques affaires dans une valise, laisse son alliance sur la coiffeuse et prend le premier avion pour la Barbade, histoire de donner une bonne leçon à Andy. Elle prend quinze jours de vacances sans donner de nouvelles et rentre pour un concert à San Francisco. En passant par Mount Vernon, elle réalise que toutes les affaires d’Andy ont disparu. Il a quitté la maison. Nina voulait juste l’avertir qu’elle avait besoin de repos. Andy a répondu c’est terminé.
Début 1970 Nina va mal donc…
Très mal.
Avant d’entamer une longue et complexe procédure de divorce, son mari laisse péricliter les différentes sociétés
qui gèrent la carrière de Nina (concerts, enregistrements…).
Elle se brouille avec son père et sa mère: elle a toujours affirmé avoir envoyé régulièrement de
l’argent à ses parents… qui disent n’avoir jamais rien reçu…
Au début des années 70 Nina est persuadée que son son public s’éloigne d’elle
(ou est-ce elle qui s’éloigne de son public ?) Elle retourne quelques temps à la Barbade
(où elle a une première liaison avec un jeune amant). Des décès de ses proches l’affectent.
Le divorce est une étape compliquée. Toutes les sociétés sont gérées par son mari Andy. Le fisc commence une enquête, mais Nina n’a pas accès aux dossiers.
Un mystérieux incendie détruit les documents. A l’heure du divorce, il s’avère que toutes les sociétés, au nom de son mari sont en
faillite. Le fisc réclame des arriérés et Nina ne possède quasiment plus rien. Elle repart à nouveau à La Barbade où elle devient la maitresse du
Premier Ministre Errol Walton Barrow (c’est lui qui a négocié en 1966 les accords d’indépendance de la petite île…)
Errol Walton Barrow
L’idylle avec le Premier Ministre de la Barbade se termine mal… Retour à New York, le fisc a saisi ses comptes en banque et sa maison de
Mount Vernon pour payer les arriérés d’impôt laissés par son mari. Il lui reste pratiquement rien après paiement des impôts.
Vers 1972/73 Nina Simone, la star, n’a plus de mari, plus de manager, plus d’amant « stable », plus de maison, plus de contrat, plus d’argent.
RCA lui annonce qu’un best of sera publié en 1974 et que ce sera le dernier album de son contrat… qui ne sera pas renouvelé.
Comme pour son échec à l’entrée au Conservatoire elle considère que ses malheurs incombent « aux autres » : au music business,
aux diaboliques maisons de disques, aux producteurs, au monde de l’ « establishment »… Tous ceux qui ne supportent pas son
engagement militant pour la cause noire. Elle n’imagine pas une seconde que ses crises de colère, son tempérament insupportable, ses haines déclarées, soient une
entrave à ses relations avec une maison de disque ou un manager…
Pourtant et c’est assez incroyable au début des années 70 elle a continué, avec des hauts et des bas, à chanter en concert et à enregistrer…
Quelques « preuves »…
Quelques « live » du début des 70’ Elle fascine toujours le public… les jours de « forme »!
New York 1970 au Village Vanguard: Go to hell
Ain’t got no I got life (un tube de Nina très « soul » TV show)
Aint got no home, aint got no shoes Aint got no money, aint got no class
Aint got no skirts, aint got no sweater Aint got no perfume, aint got no bear
Aint got no mind
Aint got no mother, aint got no culture Aint got no friends, aint got no schooling
Aint got no love, aint got no name Aint got no ticket, aint got no token
Aint got no God
And what have I got why am I alive anyway Yeah what have I got
Nobody can take away
got my hair, got my head got my brains, got my ears got my eyes, got my nose
got my mouth, I got my smile
I got my tongue, got my chin got my neck, got my boobies
got my heart, got my soul got my back, I got my sex
I got my arms, got my hands got my fingers, got my legs
got my feet, got my toes got my liver, got my blood
I've got life, I've got my freedom I got life, I got life
And I'm gonna keep it I've got life and nobody's gonna take it away
I've got life
Ain’t got no I got life (en version très « soul » en public et en plein air…)
Paris Olympia 1970
Here comes the sun (1971) Chanson écrite par George Harrison en 1969
(dans une période où de graves dissensions apparaissent chez les Beattles)
Alors qu’elle avait déclaré à la fin des années 60 vouloir ne plus militer et que longtemps elle ne fut pas d’accord avec la non violence prônée par Martin Luther King, comme forme de lutte contre
le racisme, elle chanta souvent après son assassinat en 1968: Why ? (The King of love is dead)
Contradiction encore: alors qu’elle déclare ne pas aimer la « variété » elle enregistre « My Way » ! Mais déclare t-elle, comme je suis une artiste et pas une « entertainer » …
je « transforme » les « chansonnettes ».
1974/1975
L’Afrique (Monrovia)
Le 11 septembre 1974, elle part avec sa fille Lisa et Miriam Makeba à Monrovia, capitale du Libéria.
Elles y sont accueillies de manière princière. Nina est fascinée par la vie facile des élites à Monrovia. Elle pense que pour trouver un mari noir, beau et riche,
Monrovia est sans aucun doute la bonne place!!! Elle y est traitée comme une reine.
Au Liberia on reconnaît son action pour la cause noire. Elle est logée dans une demeure de l’Etat. Les fêtes se succèdent.
Nina veut rester vivre à Monrovia. Une des « bonnes » amies de Nina a fait savoir
que Nina cherchait un mari… Une sombre machination d’une rivale va la ridiculiser.
Mais Nina décide quand même de rester à Monrovia.
Elle y demeurera jusqu’en 1976.
Elle décide de mettre Lisa (adolescente) en pension en Suisse, ce qui va « brouiller » Lisa avec sa mère pour longtemps.
En définitive, après avoir rêvé d’une vie facile au sein de la riche (mais pleine de contradictions) société libérienne Nina part pour Genève, où elle vivra quelques temps. Bonne décision… puisque quatre ans plus tard, le 12 avril 1980, le sergent chef Samuel K. Doe, semi illettré, assassinera le président Tolbert avec une poignée de soldats affamés.
Les ministres seront exécutés en place publique. Toute l’élite libérienne défilera nue dans les rues de Monrovia
et les exécutions seront de véritables tortures sauvages!!!
Note sur le Liberia
En 1821, le Libéria a été fondé par une société américaine de colonisation (The National Colonization Society of America), pour y installer des esclaves noirs libérés. Très vite des tensions apparurent entre les Américano-Libériens et la population autochtone. Les anciens esclaves libérés venus des USA se comportèrent en esclavagistes violents vis à vis des populations autochtones… Aujourd’hui le pays sert de base pour les armateurs pour immatriculer leurs bateaux sans trop de contraintes…
Selon les experts en vexillologie (science des drapeaux) le drapeau du Libéria a une seule étoile en référence au drapeau américain
De son passage au Liberia il restera une forte amitié avec Miriam Makeba
Miriam Makeba (1932/2008) née en Afrique du Sud
surnommée Mama Africa
Elle chanteront ensemble un magnifique thème pour Nelson Mandela : I shall be released
En 1998 elles assisteront ensemble à la cérémonie d’anniversaire des 80 ans de Nelson Mandela
Nina en Suisse
1976: elle s’installe en Suisse, où elle a mis sa fille en pension. Elle renoue avec la musique abandonnée depuis presque 3 ans trois ans:
quelques concerts en Europe et aux USA.
Mais, écrit-elle dans son autobiographie, la vie en Suisse l’ennuie. Elle cherche désespérément, disent ses biographes, un mari ou un amant,
mais cela lui vaut de nombreuses mésaventures…
Lors des concerts elle traite souvent les journalistes de tous les noms, elle injurie le public, arrive fréquemment avec une heure ou deux de retard à ses concerts.
Elle a de plus en plus de mal à trouver des engagements… Mais elle en trouve!
Car son « aura » auprès du grand public est encore bien réelle malgré tous ses déboires…et sa « bipolarité » qui semble désormais diagnostiquée
Festival de Montreux en 1976… Nina l’imprévisible
1977 : année contrastée (euphémisme)…
- Concerts à Cannes (Midem), à Paris - nombreuses « télés » - elle envisage de chanter du Brecht (projet sans suite
semble t-il)… - son ex-mari « réapparait » pour lui procurer
d’importants concerts à New-York (!) pour fin 1977.
A peine arrivée à New-York on lui dit qu’elle va être arrêtée pour ses arriérés d’impôts… elle repart aussitôt et n’honore pas ses contrats!!!
En mai 1977 elle devient Doctor Honoris Causa en Music Degree
de l’Université Amherst College (Massachusetts, USA).
A partir de cette date elle demande qu’on l’appelle "Dr. Nina Simone"
Paris Olympia 1977 Le journal télévisé époque son retour
Une autre présentation de son retour en 1977
1977 : Les Voleurs (toujours son amour de la chanson française)
Elle récidivera (sans grand succès) en 1993 avec Il n’y a pas d’amour heureux
1978/1979/1980…
Quelques concerts isolés (pas de tournées comme au temps de sa gloire)…
Un grave incident à Londres en 1978
Un « impresario » (apparemment un escroc) londonien lui promet monts et merveilles…
Mais il est violent, la frappe… et disparait sans laisser de trace…
Nina choquée appelle la police mais… finit en hôpital psychiatrique avec une ordonnance d’anxiolytiques et… une minerve.
Nina est crainte de tous, elle est imprévisible, elle peut être extrêmement violente. La moindre contrariété peut la faire disjoncter : un retard (sauf les siens!), une
lumière, un mauvais réglage, un bruit dans la salle …
En 1981, elle tente de trouver un salut en France, elle cherche des concerts, un manager, une maison de disques, mais les propositions ne sont pas
nombreuses ou ne lui plaisent pas.
Elle fait la connaissance de celui qui fut son dernier manager (jusqu’à sa mort en 2003): Raymond Gonzalez, un français.
Comme il l’a dit à un journaliste : « Je l’ai supportée pendant 20 ans… car c’était une grande artiste »
En 1982 elle s’installe à Paris dans un petit appartement et joue (au gré de ses humeurs…) dans un tout petit club de jazz du Quartier Latin:
Aux 3 Mailletz
Club parisien mythique (une cave) où Memphis Slim (entre autres) a joué de nombreuses années)
Programmateur du Festival de jazz de Pampelune Raymond Gonzalez lui obtient en 1982 un contrat très bien rémunéré
pour ce festival…
Elle veut être payé d’avance et en cash…
Et … elle ne joue pas!
Son impresario grâce à ses relations lui évite des ennuis judiciaires en Espagne.
A Paris elle veut absolument enregistrer un disque mais les propositions ne sont pas nombreuses ou ne lui plaisent pas.
Malgré les habituels caprices de Nina, le disque est enregistré en 1982
et sort sous le titre Fodder on My Wings.
Le producteur et ingénieur du son de ce disque est venu très souvent à Buis… Yves Chamberlan
Elle renoue dans ce disque (qui n’obtient pas un grand succès) avec des climats « exotiques ». Comme dans ce Liberian Mambo
Certains titres sont considérés comme « bâclés » par des journalistes…Comme ce « Vous êtes seul mais je désire être avec vous… »
(en français)
1983/84/85
Des concerts épars mais certains assez prestigieux…
Souvent des incidents… (comme à Pau 1983!)
Elle déménage fréquemment :
Paris, Londres, Trinidad, Amsterdam.
Invitée en Guinée en 1983 par le Président de la République pour un mois de vacances avec Miriam Makeba
elle commence à se ressourcer…
En Décembre 1984, au retour de vacances à Trinidad elle rentre en Hollande rejoindre son impresario et des amis qui se sont fixé l’objectif de ramener Nina à l’équilibre, à une vie normale et à une joie de vivre.
Elle s’installe à Nijmegen, à cinquante kilomètres d’Eindhoven
Elle a acheté cet appartement à Nijmegen, ses amis lui ont trouvé une dame de compagnie, un certain équilibre (fragile) s’installe
dans la vie de Nina. Elle accepte de suivre un traitement pour ses déséquilibres mentaux. Elle le suit régulièrement.
En 1984 Baby Dont Care (musique pour la pub Chanel) relance sa carrière: hit planétaire…
Elle vit un renouveau artistique et psychologique. Pendant trois ans, jusqu’en 1987, elle reprend une vie quasi normale.
De 1987 à 1992 elle chante à nouveau dans de grands festivals (Montreux, Antibes, Montreal, New-York…)
A partir de 1990 elle reçoit de très nombreux et prestigieux prix et récompenses pour l’ensemble de son oeuvre.
En 1993 elle achète une maison près d’Aix en Provence.
Sa maison brule l’année d’après : elle s’installe alors à Carry Le Rouet (près de Marseille).
En 1995 lors d’un séjour à Los Angeles ses troubles psychiatriques réapparaissent … :
elle tire sur des enfants qui font trop de bruit dans une piscine!
Prison avec sursis et obligation de se soigner dans une institution psychiatrique.
Elle est à nouveau imprévisible : un JT en 1990
En 1991 elle se confie à Eve Ruggieri (Dee Dee Bridgewater est sur le plateau)
En 1992 , sort un documentaire magnifique (Nina The Legend). Dans les premières minutes elle se confie de manière émouvante à un vieil ami
(téléchargeable sur internet)
En 2000 à Marciac…
Photos Guy Le Querrec (Magnum)
A midi elle est intronisée dans l’Ordre des Mousquetaires de l’ArmagnacLe soir elle est quasi incapable de chanter correctement (même ses tubes)
Le 19 avril 2003 le Curtis Institut (où elle avait tant rêvé d’être admise) la nomme
Doctor Honoris Causa in Music and Humanities…
Elle meurt, en France, 2 jours après!!!
Nina meurt en 2003
JT annonçant sa mort
Lisa Simone et Miriam Makeba à l’enterrement de Nina Simone à Carry Le Rouet près de Marseille
Les obsèques de Nina (2003)
Dans son homélie, le curé des jazzmen (le père Guy De Fatto, ancien contrebassiste de Claude Luter) a reconnu que
«Nina n'était pas parfaite, mais elle s'est battue pour les droits des Noirs aux Etats-Unis. Rien que pour cela, Nina, elle est là-haut».
Sa fille Lisa, qui a interrompu ses représentations dans «Aïda» à Broadway (une adaptation signée Elton John), a pris la parole.
«Elle aimait la France et les Français. Je vous demande de ne pas laisser son souvenir s'éteindre», a-t-elle lancé avant d'entonner un gospel très émouvant.
Plusieurs messages ont ensuite été lus, dont celui du gouvernement sud-africain: «Nina Simone fait partie de l'histoire. Elle a lutté pour la libération du peuple noir. C'est avec beaucoup de peine que nous avons reçu la nouvelle de son décès».
Son corps a été incinéré à Marseille. Elle a demandé à ce que ses cendres soient disséminées sur plusieurs terres d’Afrique.
Une biopic à gros budget devrait sortir prochainement, intitulé
Nina
Les polémiques ont déjà commencé… sur le scénario et le choix des acteurs entre autres
L’actrice choisie… « Pas assez noire » ont
déjà critiqué les fans de Nina sur les réseaux sociaux!!!