paragangliomes : profil clinique et sécrétoire: À propos de 39 cas

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Article original Paragangliomes : profil clinique et sécrétoire À propos de 39 cas Paragangliomas: clinical and secretory profile Result of 39 cases A. Lamblin a , P. Pigny b , G. Tex a , N Rouaix-Emery c , N. Porchet d , E. Leteurtre e , D. Huglo f , A. Mondragon-Sanchez a , F. Pattou a , C. Cardot-Bauters g , J-L. Wemeau g , C. Proye a, * a Service de chirurgie générale et endocrinienne, hôpital Claude-Huriez, 1, rue Michel-Polonowski, 59037 Lille cedex, France b Laboratoire de biochimie, endocrinologie anténatale, clinique Marc-Linquette, CHRU de Lille, 1, rue M.-Polonowski, 59037 Lille cedex, France c Laboratoire de biochimie, hôpital Roger-Salengro, France d Laboratoire de biochimie, hôpital Claude-Huriez, 1, rue Michel-Polonowski, 59037 Lille cedex, France e Laboratoire d’anatomie, cytologie, pathologie, Eura-Santé, France f Service de médecine nucléaire d’imagerie fonctionnelle, hôpital Claude-Huriez, 1, rue Michel-Polonowski, 59037 Lille cedex, France g Service de médecine interne et endocrinologie, clinique Marc-Linquette, CHRU de Lille, 1, rue M.-Polonowski, 59037 Lille cedex, France Disponible sur internet le 23 décembre 2004 Résumé Le but de l’étude. – Le but de l’étude est de tenter de définir un profil clinique et sécrétoire des paragangliomes, tumeurs chromaffines de développement extrasurrénalien. Méthodes. – De 1971 à 2002, 39 paragangliomes ont été suivis chez 38 patients (22 hommes, 16 femmes, âge moyen 41,2 ans). Résultats. – Quatre étaient de localisation sus-diaphragmatique et 35 sous-diaphragmatique dont six au niveau de l’organe de Zuckerkandl. Une hypersécrétion de catécholamines était présente dans 32 cas, une hypertension artérielle dans 23 cas dont un seul sans hypersécrétion de catécholamines. La lésion fixait la méta-iodobenzylguanidine dans 20 cas sur 29 scintigraphies réalisées. Le traitement des lésions a été 35 fois chirurgical dont une fois associé à la radiothérapie, et une fois par radio-isotopes. Deux patients sont décédés avant tout traitement. Une persistance après traitement chirurgical était observée dans deux cas. Un second traitement (chirurgie ou isotope) a permis la disparition du syndrome d’hypersécrétion des catécholamines. Le diagnostic histologique a été supposé bénin dans 17 cas, malin dans 20 cas. Tous les paragangliomes sécrétant exclusivement de la dopamine étaient malins. Six patients ont récidivé dont deux pour tumeur classée initialement bénigne. Le traitement des récidives a été chirurgical, par isotope ou par radiothérapie. Parmi les 38 patients, neuf avaient des prédispositions familiales. L’étude génétique faite chez cinq de ces neuf patients était positive dans tous les cas. © 2004 Publié par Elsevier SAS. Abstract This retrospective study aims. – To define a clinical and secretory profile of paragangliomas extra-adrenal chromaffin tumors. Methods. – From 1971 throughout 2002, 39 paragangliomas have been observed in 38 patients (22 male, 16 female, average age 41,2 years). Results. – Four were located above the diaphragm, 35 were sub-phrenic (6 of the organ of Zuckerkandl), 32 secreted catecholamines, 23 were hypertensive (with only one without hypersecretion of catecholamines). Among 29 131 I-metaiodobenzylguanidine scans (MIBG) reviewed, 20 tumors took up the radiopharmaceutical. The treatment was surgical in 35 cases with addition of external radiotherapy and MIBG in one case each; two patients died before any treatment. Two patients with persistent disease after surgery were successfully treated by surgery or MIBG. Histologically, 20 were malignant and 17 were seemingly benign. All exclusive dopamine secreting paragangliomas were malignant. Six patients relapsed two of which for a tumor initially classified as benign. The treatment of recurrences was surgical, by MIBG * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Proye). Annales de chirurgie 130 (2005) 157–161 http://france.elsevier.com/direct/ANNCHI/ 0003-3944/$ - see front matter © 2004 Publié par Elsevier SAS. doi:10.1016/j.anchir.2004.12.001

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Page 1: Paragangliomes : profil clinique et sécrétoire: À propos de 39 cas

Article original

Paragangliomes : profil clinique et sécrétoireÀ propos de 39 cas

Paragangliomas: clinical and secretory profileResult of 39 cases

A. Lamblin a, P. Pigny b, G. Tex a, N Rouaix-Emery c, N. Porchet d, E. Leteurtre e, D. Huglo f,A. Mondragon-Sanchez a, F. Pattou a, C. Cardot-Bauters g, J-L. Wemeau g, C. Proye a,*

a Service de chirurgie générale et endocrinienne, hôpital Claude-Huriez, 1, rue Michel-Polonowski, 59037 Lille cedex, Franceb Laboratoire de biochimie, endocrinologie anténatale, clinique Marc-Linquette, CHRU de Lille, 1, rue M.-Polonowski, 59037 Lille cedex, France

c Laboratoire de biochimie, hôpital Roger-Salengro, Franced Laboratoire de biochimie, hôpital Claude-Huriez, 1, rue Michel-Polonowski, 59037 Lille cedex, France

e Laboratoire d’anatomie, cytologie, pathologie, Eura-Santé, Francef Service de médecine nucléaire d’imagerie fonctionnelle, hôpital Claude-Huriez, 1, rue Michel-Polonowski, 59037 Lille cedex, France

g Service de médecine interne et endocrinologie, clinique Marc-Linquette, CHRU de Lille, 1, rue M.-Polonowski, 59037 Lille cedex, France

Disponible sur internet le 23 décembre 2004

Résumé

Le but de l’étude. – Le but de l’étude est de tenter de définir un profil clinique et sécrétoire des paragangliomes, tumeurs chromaffines dedéveloppement extrasurrénalien.

Méthodes. – De 1971 à 2002, 39 paragangliomes ont été suivis chez 38 patients (22 hommes, 16 femmes, âge moyen 41,2 ans).Résultats. – Quatre étaient de localisation sus-diaphragmatique et 35 sous-diaphragmatique dont six au niveau de l’organe de Zuckerkandl.

Une hypersécrétion de catécholamines était présente dans 32 cas, une hypertension artérielle dans 23 cas dont un seul sans hypersécrétion decatécholamines. La lésion fixait la méta-iodobenzylguanidine dans 20 cas sur 29 scintigraphies réalisées. Le traitement des lésions a été35 fois chirurgical dont une fois associé à la radiothérapie, et une fois par radio-isotopes. Deux patients sont décédés avant tout traitement. Unepersistance après traitement chirurgical était observée dans deux cas. Un second traitement (chirurgie ou isotope) a permis la disparition dusyndrome d’hypersécrétion des catécholamines. Le diagnostic histologique a été supposé bénin dans 17 cas, malin dans 20 cas. Tous lesparagangliomes sécrétant exclusivement de la dopamine étaient malins. Six patients ont récidivé dont deux pour tumeur classée initialementbénigne. Le traitement des récidives a été chirurgical, par isotope ou par radiothérapie. Parmi les 38 patients, neuf avaient des prédispositionsfamiliales. L’étude génétique faite chez cinq de ces neuf patients était positive dans tous les cas.© 2004 Publié par Elsevier SAS.

Abstract

This retrospective study aims. – To define a clinical and secretory profile of paragangliomas extra-adrenal chromaffin tumors.Methods. – From 1971 throughout 2002, 39 paragangliomas have been observed in 38 patients (22 male, 16 female, average age 41,2 years).Results. – Four were located above the diaphragm, 35 were sub-phrenic (6 of the organ of Zuckerkandl), 32 secreted catecholamines,

23 were hypertensive (with only one without hypersecretion of catecholamines). Among 29 131I-metaiodobenzylguanidine scans (MIBG)reviewed, 20 tumors took up the radiopharmaceutical. The treatment was surgical in 35 cases with addition of external radiotherapy andMIBG in one case each; two patients died before any treatment. Two patients with persistent disease after surgery were successfully treated bysurgery or MIBG. Histologically, 20 were malignant and 17 were seemingly benign. All exclusive dopamine secreting paragangliomas weremalignant. Six patients relapsed two of which for a tumor initially classified as benign. The treatment of recurrences was surgical, by MIBG

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (C. Proye).

Annales de chirurgie 130 (2005) 157–161

http://france.elsevier.com/direct/ANNCHI/

0003-3944/$ - see front matter © 2004 Publié par Elsevier SAS.doi:10.1016/j.anchir.2004.12.001

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or by external radiotherapy. Nine patients had a family history of chromaffin tumor(s). The genetic survey made in five of these nine patientswas positive in all cases.© 2004 Publié par Elsevier SAS.

Mots clés : Paragangliome ; Zuckerkandl ; Catécholamines

Keywords: Paraganglioma; Zuckerkandl; Catecholamines

1. Introduction

Les paragangliomes sont des tumeurs endocrines dévelop-pées aux dépens des cellules chromaffines du tissu extrasur-rénalien. Ils peuvent survenir dans les paraganglions des nerfscrâniens, des plexus sympathiques paravertébraux, des plexusviscéraux et des plexus parallèles à l’aorte, en particulier dansles reliquats de l’organe de Zuckerkandl à l’origine de l’artèremésentérique inférieure. Ils se rapprochent par de nombreu-ses caractéristiques des phéochromocytomes qui sont déve-loppés à partir de la médullosurrénale. Plus fréquents chezl’enfant, ils représentent entre 10 et 30 % de l’ensemble destumeurs sécrétant des catécholamines [1,2].

Ces tumeurs posent encore plusieurs problèmes relatifs àleur diagnostic, leur localisation, leur expression clinique,leurs critères de malignité et leurs aspects génétiques.

À partir de l’étude 38 patients porteurs de 39 paraganglio-mes suivis dans le service de chirurgie générale et endocri-nienne du CHRU de Lille, notre travail a pour but de tenter dedéfinir les profils clinique, sécrétoire et génétique de ces para-gangliomes.

2. Matériel et méthodes

De janvier 1971 à décembre 2002, 230 patients ont étésuivis pour une tumeur à cellules chromaffines dans le ser-vice de chirurgie générale et endocrinienne du centre hospi-talier régional universitaire de Lille. Ont été considéréescomme paragangliomes, les tumeurs anatomiquement dis-tinctes de la glande surrénale.

Pour chaque paragangliome, les paramètres qui ont été étu-diés, étaient le sexe et l’âge du patient au moment du diagnos-tic, leur localisation, leur sécrétion urinaire de catécholami-nes, l’existence d’une sécrétion ectopique, la présence d’unehypertension artérielle (HTA) et son type, la fixation scinti-graphique de la méta-iodobenzylguanidine (MIBG), leur trai-tement, leurs critères histologiques de malignité, ainsi queleur suivi post-thérapeutique et à distance. Une enquête étaitfaite pour différencier les cas sporadiques des cas familiauxavec, en cas de prédisposition, recherche des gènes VHL, RET,SDHB, SDHC et SDHD. La localisation des paragangliomesa été faite en fonction des sous-systèmes paraganglionnairesrésumés dans le Tableau 1.

Des analyses statistique descriptive et analytique standardont été réalisées. Dans le but de rechercher une corrélationentre la topographie, l’expression clinique et la nature béni-

gne ou maligne de ces paragangliomes, la comparaison desgroupes a été faite par le test de v2 pour les variables ordina-les et le test de Student pour les variables continues.

3. Résultats

Parallèlement à 192 patients porteurs de phéochromocy-tome(s), notre étude a porté sur les 39 paragangliomes obser-vés au cours de la période d’étude chez 38 patients. Il s’agis-sait de 22 hommes et de 16 femmes de 41,2 ans ( ± 2,6) d’âgemoyen ( ± écart-type) au moment du diagnostic initial. Neufde ces patients étaient adressés secondairement au service audécours du premier geste à visée thérapeutique pour avis spé-cialisé. Les localisations des paragangliomes sont résuméesdans le Tableau 1. Une patiente a présenté deux localisationsdistinctes, l’une au niveau du corpuscule carotidien ; l’autre,cinq ans plus tard, au niveau du hile rénal.

Une hypersécrétion urinaire des catécholamines était pré-sente dans 32 cas sur 39 paragangliomes. Deux paraganglio-mes n’avaient pas d’hypersécrétion urinaire de catécholami-nes (5 cas de sécrétion non connue). La répartition deshypersécrétions était la suivante (Tableau 1) adrénaline :12 cas (31 %) dont deux de façon isolée ; noradrénaline :27 cas (69 %) dont 12 de façon isolée et dopamine : 13 cas(33 %) dont trois de façon isolée. Dans cinq cas, il existaitune hypersécrétion des trois hormones et dans un cas, unesécrétion ectopique d’érythropoïétine associé à l’hypersécré-tion des catécholamines. Une HTA était associée au paragan-gliome dans 23 cas. L’HTA était six fois permanente, 13 foisparoxystique et quatre fois mixte (permanente avec accèshypertensif). Une fixation scintigraphique de la MIBG étaitprésente dans 20 cas (Tableau 1). Il n’existait pas de fixationdans neuf cas (10 cas de scintigraphie non faite).

Au niveau histologique, les paragangliomes étaient clas-sés bénins 17 fois et malins 20 fois (Tableau 1). Dans deuxcas, le type histologique n’était pas précisé. La malignité étaitaffirmée 12 fois sur un envahissement locorégional, quatrefois sur un envahissement ganglionnaire et trois fois sur unenvahissement locorégional et ganglionnaire. Dans le der-nier cas, la malignité était supposée du fait qu’il s’agissait dela patiente avec double localisation dont la première locali-sation était maligne. Dans deux cas de paragangliomes loca-lisés au niveau de l’organe de Zuckerkandl qui étaient initia-lement classés bénins, le diagnostic histologique a été rectifiéen faveur d’une forme maligne au vu d’une récidive deux etsix ans après le traitement initial.

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Tableau 1Profil clinique et sécrétoire en fonction de la localisation des paragangliomes

Localisation ScintiMIBG

RécidiveType histologique Type de sécrétion

Forme génétiqueNb En détail Nb Bénin Malin Adrénaline Noradrénaline Dopamine

Sus

diap

hrag

mat

ique

4

Corpuscule carotidien 2 1 2 11 malin

22 malin

1 récidive 1 récidive

Intrathoracique / extracardiaque 1 1 1 1

Intracardiaque 1

Sous

diap

hrag

mat

ique

35

Cœliaque 4 1 1 3 22 malin

11 malin

11 malin

11 malin

Para-aortique sus-rénale 9 5 4 4 32 malin

53 malin

41 malin

21 malin

Hile rénal 7 5 4 3 32 malin

63 malin

33 malin

11 malin

Para-aortique sous-rénale 7 3 2 4 3 31 malin

62 malin

32 malin

21 malin

2 récidives 1 récidive 2 récidives 1 récidive 1 récidive

Organe de Zuckerkandl 6 4 2 2a 4 11 malin b

55 malin b

22 malin

11 malinb

2 récidives 1 récidive 1 récidive 1 recidive

Paroi vésicale 2 1 1 1 1 21 malin

11 malin

1 récidive 1 récidive 1 recidive

Scinti MIBG : fixation scintigraphie au méta-iodobenzylguanidine ; forme génétique : forme familialement déterminée ou enquête génétique.a Au moment du diagnostic histologique initial (avant récidive).b Au moment du diagnostic histologique final (après récidive).Sus-diaphagmatique, des corpuscules tympanojugulaires ; des corpuscules carotidiens.

159A

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Le traitement était chirurgical dans 36 cas dont une foisassocié à une radiothérapie postopératoire. Un traitement parisotope radioactif était réalisé dans un cas. Deux patients sontdécédés avant tout traitement. Deux patients sont décédés enpostopératoire. Dans un cas, le décès est survenu dans un étatde myocardite et cachexie adrénergique au décours d’unedeuxième intervention n’ayant pas permis une exérèse com-plète (seconde localisation ou envahissement ganglionnaireméconnu). Dans l’autre cas, le patient est décédé d’un infarc-tus mésentérique après réimplantation aortomésentérique pourenvahissement tumoral de l’artère mésentérique supérieure.Dans deux cas, une hypersécrétion persistait après traite-ment. Le traitement de ces persistances a été chirurgical àquatre ans du traitement initial et par isotopes radioactifs àsix mois avec disparition complète dans les deux cas de lasymptomatologie clinique et biologique à l’issue de cetteseconde stratégie thérapeutique. Le suivi à distance était connuchez 21 patients. Six paragangliomes ont présenté une réci-dive à distance du traitement initial (Tableau 1). Le traite-ment des récidives était chirurgical dans quatre cas, par radio-thérapie dans un cas et par isotopes dans un cas. Les quatrepatients traités chirurgicalement sont vivants à un, deux, neufet dix ans. Le patient traité par isotopes est décédé dans unétat de myocardite adrénergique. Le patient traité par radio-thérapie a été perdu de vue.

Au niveau de l’enquête génétique, neuf patients avaientdes prédispositions familiales dont la patiente ayant présentéune double localisation. Parmi ces dix paragangliomes fami-liaux, huit étaient histologiquement malins dont l’un classéinitialement bénin et trois ont récidivé (Tableau 1). Ce dia-gnostic de forme familialement déterminée était fait, soit aumoment du diagnostic initial, soit lors du suivi évolutif.L’étude génétique a été faite chez cinq de ces neuf patients.Elle a été positive dans tous les cas avec présence dans deuxcas du gène VHL et dans un cas, chacun des gènes suivants :SDHD, SDHC, SDHB. Parmi les paragangliomes non fami-liaux, l’étude génétique a été faite chez quatre patients, elleétait négative dans tous les cas.

Parmi les paragangliomes sécrétant de la dopamine(n = 13), neuf étaient malins (p = 0,0035) dont les trois sécré-tant exclusivement de la dopamine. Tous les paragangliomessécrétant de l’adrénaline et/ou de la dopamine étaient locali-sés dans la région surrénalienne ou au niveau de l’organe deZuckerkandl. En dehors des relations précédemment décri-tes, il n’a pas été possible de mettre en évidence d’autres rela-tions entre les différents éléments suivants : la captation auMIBG, le type de sécrétion de catécholamines, le type d’HTA,le type histologique et l’étude génétique de ces paraganglio-mes.

4. Discussion

Les paragangliomes sont des tumeurs rares mais leur inci-dence est probablement sous-estimée [1] malgré l’avène-ment de l’imagerie moderne qui facilite leur diagnostic. Leur

localisation principale est au niveau de la région para-aortique inférieure entre le diaphragme et la bifurcation aor-tique [3]. La localisation la plus classique étant au niveau del’organe de Zuckerkandl. Dans la série de la Mayo Clinic [1]comme dans la notre, plus de 85 % des lésions étaient situéesen sous-diaphragmatique. La localisation viscérale la plus fré-quente est au niveau de la paroi vésicale (10 % de l’ensembledes paragangliomes) et leur diagnostic est le plus souventporté de première intention par les urologues [2]. Certaineslocalisations plus exceptionnelles ont été décrites telle qu’auniveau des vésicules séminales [2].

Toutes les variétés topographiques peuvent sécréter descatécholamines sauf les paragangliomes cervicaux qui sontclassiquement non sécrétants. Il est difficile de savoir si dansnos deux cas, la discrète élévation observée de noradrénalineest bien d’origine tumorale.

Lorsqu’un bilan biologique a permis de faire le diagnosticd’une hypersécrétion de catécholamines, une combinaison desexamens modernes (la tomodensitométrie, la scintigraphie auMIBG et plus récemment l’imagerie par résonance magnéti-que) permet dans la majorité des cas de localiser les lésions[1,3]. Ces examens permettent également de rechercherd’autres localisations primitives ou des métastases dans lecadre d’un bilan d’extension. Comme pour les phéochromo-cytomes, les critères histologiques de malignité différenciantles formes bénignes des formes malignes sont discutés. Laprésence de zones nécrotiques, l’absence de corpuscules hya-lins et l’absence de cellules sustentaculaires marquées par laprotéine S semblent d’importants indicateurs de malignité,mais leur utilité comme prédicteur de malignité reste à prou-ver [4]. Certains auteurs rapportent qu’une étude de l’ADNen cytométrie de flux permet de prédire le comportement desphéochromocytomes. Mais cette hypothèse semble égale-ment controversée [2]. L’existence ou l’apparition de métas-tase(s) reste en définitive le seul critère valable pour affirmerla malignité, à condition qu’elles siègent dans un tissu necontenant pas normalement de reliquats embryologiques decellules chromaffines, comme l’os, le foie, les poumons, leslymphatiques ou le tissu nerveux [5,6].

Dans notre série, une sécrétion exclusive de dopamine étaitassociée dans tous les cas à une forme maligne. Ceci peutêtre expliqué par le fait que la synthèse de la dopamine sesitue très précocement dans la biosynthèse des catécholami-nes où elle apparaît comme un véritable précurseur de la nora-drénaline et de l’adrénaline [7]. Mais plus que le caractèreprédominant voire exclusif de la dopaminosécrétion commeprédictif de malignité, il semble que ce soit surtout le taux dedopamine qui soit important avec des taux nettement supé-rieurs lors de paragangliomes malins [6]. Lorsque tous cesindicateurs prédictifs de malignité sont présents sans affirma-tion formelle devant l’absence de métastase, une surveillancepostopératoire prolongée semble donc importante d’autantplus que ces métastases peuvent survenir parfois très à dis-tance de la lésion initiale (jusqu’à 41 ans) [6].

La surveillance postopératoire pourrait être égalementmodifiée par l’avancée de l’enquête génétique. Jusqu’à peu,

160 A. Lamblin et al. / Annales de chirurgie 130 (2005) 157–161

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la fréquence des formes héréditaires de paragangliomes variaitselon les études de 10 à 50 % [8]. Cette variabilité peut s’expli-quer par la nature de la population étudiée, et surtout par lenombre et les méthodes d’étude des gènes de prédispositionà ces affections. L’étude à grande échelle conduite en 2002 parle groupe de Neumann [9] a permis de préciser la prévalencedes formes héréditaires de phéochromocytomes. En étudiantquatre gènes majeurs de prédisposition (VHL, RET, SDHD etSDHB), ils rapportent une prévalence de 25 %. Notre étuderetrouve une prévalence de paragangliomes héréditaires de23,7 % en bon accord avec les données de Neumann. L’étudegénétique portant sur cinq gènes de prédisposition (les 4 pré-cédents et SDHC) était réalisée dans 55,6 % des formes héré-ditaires. Elle était positive dans 100 % des cas. Aucun para-gangliome n’a en revanche été associé à une mutation duproto-oncogène RET responsable de la néoplasie endocri-nienne multiple (NEM) de type II. Avant l’ère de la généti-que moléculaire, certains auteurs ont rapporté quelques casde paragangliomes retrouvés chez des patients appartenant àdes familles de NEM [10]. À notre connaissance, dans lesétudes modernes, aucun cas ne semble pouvoir être affirmépar les études génétiques [4–6,11,12]. Les paragangliomessemblent donc rarement voire jamais associés à la NEM II.

La fréquence élevée des formes génétiques justifie la réa-lisation systématique d’une enquête de prédisposition cheztout patient porteur d’un paragangliome ou d’un phéochro-mocytome a priori sporadique, comme nous l’avons récem-ment proposé [11]. En effet, l’identification d’une tumeurhéréditaire permettra de conduire trois actions essentiellespour le patient et sa famille :• pour le patient, recherche d’autres localisations tumorales

nettement plus fréquentes dans ce groupe que dans legroupe tumeurs sporadiques [11] ;

• pour le patient, individualisation de la prise en charge médi-cale en fonction de la nature de la mutation identifiée etdes corrélations génotype–phénotype déjà établies. Ainsi,l’identification d’une mutation VHL conduira à la recher-che des autres lésions caractéristiques de cette affection,une mutation de SDHD est plus souvent associée aux para-gangliomes de la tête et du cou tandis qu’une mutation deSDHB semble être un bon indicateur de malignité et delocalisation extrasurrénalienne [12] ;

• pour la famille enfin, mise en place d’un diagnostic géno-typique prédictif permettant de repérer rapidement lessujets à risque de paragangliomes.

5. Conclusion

Le profil sécrétoire des paragangliomes ne peut apporterque des éléments prédictifs de localisation ou du type histo-logique. Comme pour les phéochromocytomes, la dopamino-sécrétion des paragangliomes malins est statistiquement plusfréquente que dans les paragangliomes bénins. Mais il n’existepas de profil sécrétoire individuel spécifiquement prédictifde bénignité ou de malignité [6]. La généralisation del’enquête génétique et le développement de l’étude des gènesapporteront peut-être d’autres critères importants dans la priseen charge thérapeutique.

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161A. Lamblin et al. / Annales de chirurgie 130 (2005) 157–161