p189 - surrénalectomie bilatérale dans le syndrome de cushing par production ectopique d’acth....

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Congrès de la SFE – Reims 2004 Ann. Endocrinol. 384 pré-opératoire. Le patient porteur d’un carcinome pulmo- naire est décédé également d’une hémorragie alvéolaire. Les 6 adénomes corticosurrénaliens sont traités chirurgi- calement par surrénalectomie ou tumorectomie. L’exa- men anatomo-pathologique montre une tumeur mixte (adénome corticosurrénalien et phéochromocytome) dans un cas. Tous nos patients ont évolué vers la guérison sauf une patiente qui a présenté une récidive en rapport avec un adénome surrénalien controlatéral. Un patient âgé de 16 ans s’est suicidé avant tout traitement. Le corticosur- rénalome malin a été traité par surrénalectomie large avec récidive tumorale. Patients décédés 6 mois après. SURRÉNALECTOMIE BILATÉRALE DANS LE SYNDROME DE CUSHING PAR PRODUCTION ECTOPIQUE D’ACTH. EST-CE UNE BONNE DÉCISION ? P189 M. Joubert (1) , R. Verdon (2) , M. Ramakers (3) , Ph. Icard (4) , H. Bensadoun (5) , G. Samama (6) , Y. Reznik (1) , J. Mahoudeau (1) (1) Service d’Endocrinologie du CHU de Caen. (2) Service de Maladies infectieuses du CHU de Caen. (3) Service de Réanimation médicale du CHU de Caen. (4) Service de Chirurgie thoracique du CHU de Caen. (5) Service d’Urologie du CHU de Caen. (6) Service de Chirurgie viscérale du CHU de Caen. La sécrétion ectopique d’ACTH est la cause de 12 % des syndromes de Cushing (SC). L’exérèse de la tumeur sé- crétant l’ACTH n’est pas toujours possible et un traite- ment symptomatique est alors nécessaire : drogues antitumorales, ou anticortisoliques, ou surrénalectomie. Bien que la surrénalectomie ait été largement utilisée, son indication n’est pas clairement définie dans la litté- rature. Comme c’est un geste palliatif, agressif, aux conséquences lourdes, sa désision est criticable. Nous rapportons 2 cas exemplaires illustrant son indication avec un recul de 4 ans. 1 er cas : Homme de 20 ans avec un SC ectopique gravissime rapide et cachectisant avec hypokaliémie sévère. Cortisol (F) plasmatique 8h-20h = 1 100 ng/ml, FLU = 38 000 μg/j, freinage fort négatif, ACTH = 420 pg/ml (N = 20-100), LPH = 2 360 pg/ml (N = 20-160). IRM hypophysaire normale. L’inefficacité du kétoconazole pendant 3 semaines, l’absence de localisation de la tumeur sécrétant l’ACTH sur le scan- ner et la progression rapide d’une aspergillose inva- sive pulmonaire et cérébrale sous trithérapie antifongique adaptée font décider une surrénalecto- mie de sauvetage par laparotomie. L’amélioration cli- nique est immédiate mais l’aspergillose n’est controlée qu’après 6 mois. Un petite tumeur carci- noïde thymique (immunomarquage ACTH+) est dé- couverte 1 mois après la surrénalectomie, motivant une thymectomie dont les limites d’exérèse passent en tissu tumoral. 4 ans plus tard, le patient est en ex- cellent état général. L’ACTH à 14 h (sous HC et 9aF- HC) est à 19 pg/ml. Seul le taux élevé de LPH (198 pg/ml à 14 h) rappelle la persistance de tissu tumoral résiduel non visible sur le scanner. 2 e cas : Homme de 26 ans avec un SC ectopique moins intense : F plasmatique 8h-20h = 270-250 ng/ml, FLU = 1 390 μ g/j, freinage fort négatif, ACTH = 310 pg/ml, LPH = 1 220 pg/ml. IRM hypophysaire normale. Test au CRH négatif. Absence de gradient d’ACTH dans les sinus pétreux inférieurs. La recherche de la tumeur responsable est négative (3 scanners, PET-scan, octréos- can). L’octréotide SC est inefficace. Après 8 mois de ké- toconazole (600-1 200 mg/j), F8h = 307 ng/ml, ACTH = 741 pg/ml. Une surrénalectomie par coelioscopie améliore immédiatement l’état général. Après 6 mois, une hypertrophie du thymus sur le scanner fait opter pour une thymectomie (bien que ce phénomène bénin ait été décrit après guérison des SC) : hyperplasie simple. Après 4 ans, le patient est en état de guérison apparente. À 14 h (sous HC et 9aF-HC), l’élévation de l’ACTH (215 pg/ml) et de la LPH (954 pg/ml) traduisent la persistance du tissu néoplasique occulte, dont la re- cherche reste infructueuse. Conclusions : Bien que discutable, la surrénalectomie bila- térale a été bénéfique avec un recul de 4 ans chez nos 2 patients qui illustrent 2 indications très différentes : 1. Geste urgent de sauvetage dans le 1 er cas où le pro- nostic vital était en jeu à court terme ; 2. Décision dif- férée de 8 mois dans le 2 e cas, avec sécrétion occulte d’ACTH/LPH et échappement au kétoconazole. Ce cas pose la question : faut-il préférer la surrénalectomie et ses conséquences à la recherche obstinée et inefficace d’une tumeur peu évolutive, qui occasionne un SC grave ?

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Page 1: P189 - Surrénalectomie bilatérale dans le syndrome de cushing par production ectopique d’ACTH. Est-ce une bonne décision ?

Congrès de la SFE – Reims 2004 Ann. Endocrinol.

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pré-opératoire. Le patient porteur d’un carcinome pulmo-naire est décédé également d’une hémorragie alvéolaire.Les 6 adénomes corticosurrénaliens sont traités chirurgi-calement par surrénalectomie ou tumorectomie. L’exa-men anatomo-pathologique montre une tumeur mixte(adénome corticosurrénalien et phéochromocytome) dans

un cas. Tous nos patients ont évolué vers la guérison saufune patiente qui a présenté une récidive en rapport avecun adénome surrénalien controlatéral. Un patient âgé de16 ans s’est suicidé avant tout traitement. Le corticosur-rénalome malin a été traité par surrénalectomie largeavec récidive tumorale. Patients décédés 6 mois après.

SURRÉNALECTOMIE BILATÉRALE DANS LE SYNDROME DE CUSHING PAR PRODUCTION ECTOPIQUE D’ACTH. EST-CE UNE BONNE DÉCISION ? P189M. Joubert(1), R. Verdon(2), M. Ramakers(3), Ph. Icard(4), H. Bensadoun(5), G. Samama(6), Y. Reznik(1), J. Mahoudeau(1)

(1) Service d’Endocrinologie du CHU de Caen.(2) Service de Maladies infectieuses du CHU de Caen.(3) Service de Réanimation médicale du CHU de Caen.(4) Service de Chirurgie thoracique du CHU de Caen.(5) Service d’Urologie du CHU de Caen.(6) Service de Chirurgie viscérale du CHU de Caen.

La sécrétion ectopique d’ACTH est la cause de 12 % dessyndromes de Cushing (SC). L’exérèse de la tumeur sé-crétant l’ACTH n’est pas toujours possible et un traite-ment symptomatique est alors nécessaire : droguesantitumorales, ou anticortisoliques, ou surrénalectomie.Bien que la surrénalectomie ait été largement utilisée,son indication n’est pas clairement définie dans la litté-rature. Comme c’est un geste palliatif, agressif, auxconséquences lourdes, sa désision est criticable. Nousrapportons 2 cas exemplaires illustrant son indicationavec un recul de 4 ans.

1er cas : Homme de 20 ans avec un SC ectopiquegravissime rapide et cachectisant avec hypokaliémiesévère. Cortisol (F) plasmatique 8h-20h = 1 100ng/ml, FLU = 38 000 μg/j, freinage fort négatif, ACTH= 420 pg/ml (N = 20-100), LPH = 2 360 pg/ml (N= 20-160). IRM hypophysaire normale. L’inefficacitédu kétoconazole pendant 3 semaines, l’absence delocalisation de la tumeur sécrétant l’ACTH sur le scan-ner et la progression rapide d’une aspergillose inva-sive pulmonaire et cérébrale sous trithérapieantifongique adaptée font décider une surrénalecto-mie de sauvetage par laparotomie. L’amélioration cli-nique est immédiate mais l’aspergillose n’estcontrolée qu’après 6 mois. Un petite tumeur carci-noïde thymique (immunomarquage ACTH+) est dé-couverte 1 mois après la surrénalectomie, motivantune thymectomie dont les limites d’exérèse passenten tissu tumoral. 4 ans plus tard, le patient est en ex-cellent état général. L’ACTH à 14 h (sous HC et 9aF-HC) est à 19 pg/ml. Seul le taux élevé de LPH (198

pg/ml à 14 h) rappelle la persistance de tissu tumoralrésiduel non visible sur le scanner.2e cas : Homme de 26 ans avec un SC ectopique moinsintense : F plasmatique 8h-20h = 270-250 ng/ml, FLU= 1 390

μg/j, freinage fort négatif, ACTH = 310 pg/ml,LPH = 1 220 pg/ml. IRM hypophysaire normale. Test auCRH négatif. Absence de gradient d’ACTH dans lessinus pétreux inférieurs. La recherche de la tumeurresponsable est négative (3 scanners, PET-scan, octréos-can). L’octréotide SC est inefficace. Après 8 mois de ké-toconazole (600-1 200 mg/j), F8h = 307 ng/ml, ACTH= 741 pg/ml. Une surrénalectomie par coelioscopieaméliore immédiatement l’état général. Après 6 mois,une hypertrophie du thymus sur le scanner fait opterpour une thymectomie (bien que ce phénomène béninait été décrit après guérison des SC) : hyperplasiesimple. Après 4 ans, le patient est en état de guérisonapparente. À 14 h (sous HC et 9aF-HC), l’élévation del’ACTH (215 pg/ml) et de la LPH (954 pg/ml) traduisentla persistance du tissu néoplasique occulte, dont la re-cherche reste infructueuse.Conclusions : Bien que discutable, la surrénalectomie bila-térale a été bénéfique avec un recul de 4 ans cheznos 2 patients qui illustrent 2 indications très différentes :1. Geste urgent de sauvetage dans le 1er cas où le pro-nostic vital était en jeu à court terme ; 2. Décision dif-férée de 8 mois dans le 2e cas, avec sécrétion occulted’ACTH/LPH et échappement au kétoconazole. Ce caspose la question : faut-il préférer la surrénalectomie etses conséquences à la recherche obstinée et inefficaced’une tumeur peu évolutive, qui occasionne un SC grave ?