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1 Où est passée l’antimatière ? CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA - T1 Lors du big-bang, à partir de l’énergie disponible, il se crée autant de matière que d’antimatière. Alors, où est passée l’antimatière ? Existe-t-il des galaxies d’antimatière ou bien l’antimatière a- t-elle disparu de l’Univers ?

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Où est passée l’antimatière ?

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA - T1

Lors du big-bang, à partir de l’énergie disponible, il se crée autant de matière que d’antimatière. Alors, où est passée l’antimatière ?Existe-t-il des galaxies d’antimatière ou bien l’antimatière a-t-elle disparu de l’Univers ?

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L’antimatière

• Qu’est-ce que la matière ?

• Pourquoi de l’antimatière ?

• Où et comment produit-on de l’antimatière ?

• Que faire avec de l’antimatière ?

• Et notre univers ?

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA - T2

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Qu’est-ce que la matière ?

nombre de protons du noyau = nombre d’électrons de l’atomecaractérise l’élément chimique

un élément peut avoir plusieurs isotopes qui différent par le nombre de neutrons de leur noyau

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA - T3

matière atome électron proton

noyau neutron

quarks

Photo CERN

Si on fait des zooms successifs sur de la matière, du cuivre par exemple, on voit que la matière est composée d’atomes tous identiques.En zoomant sur les atomes, on voit qu’ils sont composés d’un noyau très compact entouré d’électrons très petits. Chaque électron porte une charge électrique négative, et le noyau une charge électrique positive égale à la somme des charges des électrons.En zoomant sur le noyau, on s’aperçoit que lui-même est composé de particules appelées des nucléons. Il y en a de 2 sortes : des protons et des neutrons. Les protons portent chacun une charge électrique positive. Ils sont en nombre égal au nombre d’électrons. Les neutrons leur sont très semblables sauf qu’ils n’ont pas de charge électrique.En zoomant sur les nucléons, on voit qu’ils sont eux-mêmes composés de 3 particules appelées des quarks. Et en zoomant sur les quarks, on ne sait pas encore…Le nombre d’électrons, et donc le nombre de protons qui lui est égal, détermine les propriétés chimiques de l’élément. Ainsi, les noyaux d’hydrogène ont un seul proton, ceux de cuivre en ont 29 et ceux d’uranium 92.Par contre, le nombre de neutrons n’est pas unique : ainsi, les noyaux stables de cuivre peuvent avoir 34 ou 36 neutrons ; ce qui, compte tenu des 29 protons, correspond aux isotopes « cuivre 63 » et « cuivre 65 ».

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Petite histoire de l’antimatière

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA - T4

1929 : Dirac

Électromagnétisme

électron

Maxwell

relativiste

1906 : EinsteinRelativité restreinte

avec spin

1926 : SchrödingerMécanique Quantique

Les lois de l’électromagnétisme découvertes au XIXème siècle par James Clerk Maxwell décrivaient le comportement de l’électron. En 1906, la théorie de la relativité introduite par Albert Einstein a permis de décrire le comportement de l’électron quand sa vitesse s’approche de celle de la lumière. En 1926, la Mécanique Quantique dont Erwin Schrödinger fut un des principaux fondateurs a permis de décrire l’électron en tenant compte de son spin. Mais décrire le comportement quantique d’un électron relativiste avec spin restait à faire. Le jeune physicien Paul A. M. Dirac réussit à le faire dès 1929.Albert Einstein a eu le prix Nobel en 1921. Paul A. M. Dirac

et Erwin Schrödinger ont eu le prix Nobel en 1933.

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L’équation de Dirac a 2 solutions ! l’électron????

Que signifie la deuxième solution ?

Problème…

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA - T5

1932 : Anderson découvre le positron dans les rayons cosmiques

Plomb

Rien ?Électron d’énergie négative …Une particule de charge +1 ???Le proton ? Mais sa masse est 2000 fois plus grande

Dirac invente l’antiélectron

en 1930

électron

e– e+

positron

Une nouvelle question surgit alors car l’équation formulée par Dirac avait deux solutions. La première décrivait parfaitement le comportement de l’électron. Mais la deuxième correspondait-elle aussi à une réalité physique ou à rien ? Elle correspondait à un électron d’énergie négative, ce qui n’avait pas de sens. Pour avoir une énergie positive, il fallait supposer que la charge électrique était positive et un débat s’instaura sur l’identité de cette particule positive. La plus légère connue était le proton, mais sa masse égale à 2000 fois celle de l’électron en faisait un partenaire très peu ressemblant. Finalement, quelques physiciens, dont Paul A. M. Dirac, imaginèrent l’existence d’un «anti-électron », ou positron, de même masse que l’électron, mais portant une charge électrique positive. Et le plus étonnant est que ce positron fut observé très peu de temps après, en 1932, par un autre jeune physicien anglais, Carl D. Anderson : il étudiait les rayons cosmiques avec un détecteur comportant un champ magnétique. Ce détecteur déviait la trajectoire des particules dans un sens ou dans l’autre selon le signe de la charge électrique, et il observa « des électrons chargés positivement », c’est-à-dire des positrons. Sur la photo provenant de la chambre à brouillard que Carl D. Anderson avait construite, la direction de la trajectoire est déterminée grâce à la plaque de plomb horizontale qui ralentit la particule : la trajectoire est plus incurvée après le passage ; on voit donc que la particule se dirige vers le haut. Le sens de rotation dans le champ magnétique permet alors de déterminer que la charge est positive. Enfin, la grande longueur de la trajectoire permet de dire qu’il s’agit d’une particule beaucoup plus légère que le proton qui aurait été ralenti beaucoup plus vite dans la chambre à brouillard.

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L’antimatière

même massemême durée de vie

charge opposéeetc.

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA - T6

électron e– •

proton p+

neutron n

photon γ •

+ –

• e+ positron

antiproton

antineutron

• γ photon

p–

n

Alors, puisque l’antiélectron existe, il pourrait bien exister aussi des antiprotons, des antineutrons, etc…C’est le cas. Àchaque particule on peut associer son antiparticule qui a la même masse, la même durée de vie que la particule, mais une charge électrique opposée. Les autres nombres quantiques non nuls changent également de signe, ce qui fait que l’antineutron est différent du neutron. Par contre, on peut remarquer une particularité étonnante : le photon est sa propre antiparticule.Dans la suite, la matière est en vert, l’antimatière en rouge

et le rayonnement (les photons), en noir. Les antiparticules sont notées avec une barre au-dessus (sauf le positron et le photon).

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Comment fabriquer de l’antimatière ?

Matérialisation

E = M c 2

Collision énergie matière + antimatière

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA - T7

La masse du proton = 2000 fois la masse de l’électron

énergie 2000 fois plus grande pour créer p +que pour créer e– + e+

p

Les physiciens ont alors cherché à fabriquer un antiproton ou un antineutron. La célèbre loi d’Einstein E=Mc2 qui donne l’équivalence entre masse et énergie indique la voie à suivre pour fabriquer des particules massives à partir d’énergie. Il faut remarquer que les lois de conservation font que l’énergie est alors transformée en exactement autant de matière que d’antimatière, problème sur lequel nous reviendrons.Mais, expérimentalement, la principale difficulté était que la masse du proton étant 2000 fois celle de l’électron, il fallait disposer de 2000 fois plus d’énergie pour le produire. Comme les accélérateurs de particules de cette époque ne permettaient pas de disposer de suffisamment d’énergie, de nouveaux accélérateurs plus puissants ont été construits aux USA dans le but de fabriquer des antiprotons.

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À la découverte de l’antimatière

1932 e+ Rayons cosmiques23 ans

1955 Berkeley (USA)

1956 Berkeley (USA)

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA - T8

Antinoyaux9 ans

p

n

1970 ( 2 + ) Serpukhov (URSS) np

1965 ( + ) Brookhaven (USA)np2H

3He

( + 2 ) Cern (Europe)np3H

On voit que s’il ne s’était écoulé que 3 ans entre l’équation deDirac et la découverte du positron, il a fallu 23 ans pour arriver à fabriquer les premiers antiprotons. L’antineutron, de même masse, mais plus difficile à détecter a été découvert l’année suivante. Une dizaine d’années plus tard, plusieurs antinoyaux plus compliqués ont été observés dans des chambres à bulles aux USA, en URSS et en Europe.

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Que devient l’antimatière ?

Annihilation

M c 2 = E

à l’arrêt :

matière + antimatière énergie γ

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA - T9

e– + e+ → 2 γp + → . . . . → des γp

Une fois fabriquée, quel est le devenir de l’antimatière ? Dans le vide, les antiparticules vont se comporter comme des particules. En présence de matière, la relation d’Einstein Mc2=E nous prédit que matière et antimatière vont « s’annihiler » pour redonner de l’énergie sous forme de rayonnement. Si l’énergie libérée est suffisante, elles produiront d’autres paires particule-antiparticule, mais de toute façon, à la fin, il ne restera que des photons.

10

De l’antimatière dans la radioactivité

oxygèneazotecarbone

sodiumnéonfluor

neutrons

11109876protons

6 1211109875 13

23

1916 1715

13121114 1513

2120 222018

18

proton → neutron + positron e+ + neutrino

neutron → proton + électron e- + antineutrino

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA -T10

β–

β+

Sur ce diagramme, chaque carré représente un noyau particulier. Le nombre de neutrons est en abscisse et le nombre de protons en ordonnée. Sur une ligne on trouve les isotopes d’un même élément chimique : carbone, azote, oxygène, fluor, néon et sodium. Les noyaux en bleu sont stables. Les noyaux en vert ont trop de neutrons : un neutron va pouvoir se transformer en proton en émettant un électron. C’est la radioactivité b–. Les noyaux en rose n’ont pas assez de neutrons : un proton va pouvoir se transformer en neutron en émettant un positron. C’est la radioactivité b+. En fait, dans les 2 cas il y a eu production d’antimatière. Mais en radioactivité b–, il s’agit d’un antineutrino de masse très petite. Par contre, dans le cas de la radioactivité b+, un positron est émis, qui va pouvoir s’annihiler en produisant des photons g détectables.Dans la nature, il existe des émetteurs b+, mais pour exister

encore sur terre, il faut que leurs durées de vie soient très longues. Ils émettent donc très peu de positrons, ce qui explique que ce n’est pas la radioactivité qui a permis de les découvrir.

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Principe de l’imagerie médicale

11C 13N 15O 18F 55Co 76BrQui ont des demi-vies de quelques heures

Production d’isotopes radioactifsavec un cyclotron

Exemple : Fluoro Deoxy Glucose avec 18F(demi-vie 110 minutes)

Préparation d’un composé chimique adapté

Injection du composé radioactif par voie intraveineuse

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA -T11

En bombardant une cible bien choisie de particules issues d’un accélérateur, on peut produire des isotopes radioactifs ayant des demi-vies de quelques heures. Les plus utilisés sont le carbone 11, l’azote 13, l’oxygène 15, le fluor 18, le cobalt 55 et le brome 76. Il faut ensuite insérer ces atomes radioactifs dans une molécule chimique adéquate, susceptible de se fixer sur la tumeur ou l’organe auquel on s’intéresse.Ce composé est alors injecté par voie intraveineuse.La demi-vie de ces atomes doit être assez longue pour avoir

le temps de faire ces différentes manipulations. Mais elle doit également être aussi brève que possible pour fournir le maximum de positrons en un temps court et ne pas contaminer le patient de façon durable. Cet optimum correspond à des demi-vies de quelques heures.

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18F e+

La tomographie par émission de positrons

Prototype développé au CEA en 1983 (LETI- CEA)

γ

γ

e–

e+ + e– → 2γ de 511 keV dos à dosCouronne de détecteurs

+ coïncidence

γ

γγ

γ

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA -T12

Le patient est installé de manière à ce que la partie du corps à examiner (ici le cerveau), soit au centre d’une couronne de détecteurs.Le positron émis par le fluor 18 rencontre immédiatement un électron de la matière voisine et s’annihile en produisant une paire de photons gamma qui partent dos à dos.Ces photons sont alors détectés en coïncidence par deux photomultiplicateurs de la couronne, placés à 180° l’un de l’autre. Après avoir détecté un grand nombre de paires, on obtient une image en 3 dimensions de la zone de fixation du composé radioactif.

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Détection de tumeurs cancéreuses

Phot

os Io

wa

P.E.

T. Im

agin

g C

ente

r

Avant traitement

Maladie de Hodgkin chez un homme de 35 ans

Un mois après la fin de la chimiothérapie

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA -T13

Ces 2 images montrent un exemple d’utilisation de la Tomographie par Émission de Positrons (TEP) pour contrôler l’efficacité d’une chimiothérapie. L’avantage de la TEP dans ce cas est sa très grande sensibilité de détection.Le patient, âgé de 35 ans, a été traité pour une maladie de Hodgkin (cancer des ganglions lymphatiques). On voit qu’un mois après la fin de la chimiothérapie, les tumeurs ont complètement disparu.Le traceur utilisé était le FluoroDesoxyGlucose (FDG) marqué au fluor 18.

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Étude de la maladie de Parkinson

Le traceur au fluor 18 ne se fixe pas car la maladie de Parkinson a fait disparaître les neurones dopaminergiques les neurones

dopaminergiques augmentent

3 mois 6 mois 12 moisaprès une greffe

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA -T14

Autre exemple : l’observation par TEP, avant (à gauche), puis 3, 6 et 12 mois après une greffe de neurones dopaminergiques, révèle une augmentation progressive de la fixation du traceur et témoigne de la viabilité de la greffe.

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Étude du fonctionnement du cerveau

Lecture Écoute

La lecture et l’écoute ne font pas travaillerles mêmes zones du cerveau

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA -T15

Par TEP avec du FluoroDesoxyGlucose (FDG) marqué au fluor 18, on voit quelles sont les zones du cerveau qui consomment du glucose. On observe que ce ne sont pas les mêmes zones selon que l’on lit des mots ou que l’on écoute parler. L’avantage de la TEP dans ce cas est la rapidité de sa réponse qui permet une étude en temps réel.

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Un outil pour les physiciens

Des collisionneurs pour la physique grâce à l’antimatière

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA -T16

Particule cible énergie disponible

300 GeV24,5 GeV

Particule antiparticule énergie disponible

600 GeV300 GeV 300 GeV

L’antimatière est aussi un outil pour les physiciens. En effet, si une particule à laquelle on a communiqué une grand énergie cinétique, et dont la vitesse est proche de celle de la lumière, vient frapper une cible immobile, les lois de la relativité nous disent que l’énergie disponible ne sera qu’une très petite fraction de l’énergie cinétique. Par exemple pour une énergie cinétique de 300 Gigaélectronvolts ou GeV, on ne peut en utiliser que 24,5 pour fabriquer de nouvelles paires particule-antiparticule.Par contre, si on fait entrer en collision une particule et son antiparticule accélérées à une énergie de 300 GeV, on disposera de la somme des 2 énergies, soit 600 GeV.

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Découvertes par collisionsmatière-antimatière

CERN

Linac

AA

Cible

Source

Protons

Antiprotons

PSB1 GeV/c

PS25 GeV/c

SPS300 GeV/c

LEAR100 MeV/c

3,5 GeV/c

C. Rubbia S. Van der MeerCNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA -T17

• p

• e–e+

1995 Fermilab

W+

W– 90 GeVZ0

1983 CERN

quark top 175 GeV

p

(1999) CERNRecherche du Higgs2001 Japon et USAViolation de CP dans Bd

0

Dans les années 70, on cherchait les bosons porteurs de l’interaction faible dont les théoriciens avaient prédit l’existence avec une masse d’une centaine de GeV. Comme le SPS qui était le plus gros accélérateur du CERN ne produisait que des protons de 300 GeV, il fallait des collisions pour disposer d’une énergie suffisante. Bien sûr, le calcul précédent est aussi valable pour une collision proton-proton. Mais l’intérêt d’utiliser l’antiparticule, est que dans un accélérateur en forme d’anneau où la rotation est induite par des aimants, la particule et son antiparticule vont tourner en sens inverse avec exactement le même champ magnétique. Sous l’impulsion de Carlo Rubbia et de Simon van der Meer, l’ensemble des accélérateurs du CERN qui avaient été construits pour accélérer des protons a ainsi pu être transformé en un temps assez court en un collisionneur proton-antiproton au début des années 80. Le parcours des protons est en vert et celui des antiprotons est en rouge. Les antiprotons étaient produits par des protons de 25 GeVfrappant une cible de béryllium, puis stockés dans l’anneau AA (Accumulateur d’Antiprotons) à une énergie de 3,5 GeV. Ils pouvaient ensuite être accélérés pour des collisions à 300 Gev dans le SPS, ou décélérés dans le petit anneau LEAR (Low Energy Antiproton Ring).Il a été ainsi possible de produire et identifier dès 1983 les bosons W+, W–, et Z0, ce qui valut le prix Nobel à Carlo Rubbia et Simon Van der Meer en 1984. Ce sont aussi les collisions proton-antiproton qui ont permis la découverte du dernier quark à Fermilab, près de Chicago aux USA, en 1995. Enfin des collisions électron-positron sont aussi très utilisées et ont permis de serrer de près le boson de Higgs au CERN, et de mettre en évidence la violation de CP dans la désintégration de B0

daux USA et au Japon en 2001.

18

À champ magnétique constant, la fréquence de rotation varie comme 1/M

G. Gabrielse

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA -T18

Des antiprotons en bouteillemasse de p ≡ masse de ?p

1999 CERN = 1,000 000 000 09 ± 0,000 000 000 09

M (p)M ( )p

-U

-U B

p

Les théoriciens affirment que la masse de la particule et de son antiparticule doivent être absolument identiques. Évidemment, les expérimentateurs ont décidé de relever le défi et de tenter de montrer que les théoriciens ont tort ! Pour l’antiproton, la méthode utilisée met les antiprotons en bouteille en les confinant dans un piège électromagnétique. Les potentiels électriques négatifs en haut et en bas confinent les antiprotons dans le plan vertical, tandis que le champ magnétique les maintient sur une trajectoire horizontale circulaire. La fréquence de rotation de la particule varie alors comme l’inverse de sa masse. En piégeant alternativement des protons, et des antiprotons fournis par l’anneau LEAR du CERN, Gerald Gabrielse et son équipe ont pu comparer leurs fréquences de rotation et vérifier que leurs masses sont identiques avec une précision de 9 10-11.Grâce à l’excellent vide régnant dans le piège, il leur a également été possible de stocker quelques antiprotons pendant plusieurs semaines.

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De l’énergie avec de l’antimatière ?

Conversion masse → énergie TRÈS TRÈS efficace

30 000 000pannihilation

200 000Hedd

fusion

O2

H2

H2Ochimique 1

235U 30 000fission

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA -T19

p

L’annihilation particule-antiparticule permet une conversion totale de la masse en énergie, donc extrêmement efficace. Dans les autres cas, on ne convertit que l’énergie de liaison, qui est soit chimique dans le cas des centrales thermiques, soit nucléaire dans le cas de la fission ou de la fusion. On voit que pour une même masse de carburant, l’annihilation produit environ 1000 fois plus d’énergie que la fission de l’uranium dans les réacteurs nucléaires.Cependant, le problème est que l’on dispose d’uranium naturel tandis que l’antimatière doit d’abord être fabriquée, ce qui consomme de l’énergie !

20

De l’antimatière pour quoi faire ? (1)

• 100 000 ans pour les fusées

• 100 000 000 ans pour les armes

MAIS Production très lente

• des microgrammes pour les fusées : réaliser des missions impossiblestelles que Terre Centre Galaxie

Carburant ultraléger

• des milligrammes pour des armes très puissantes

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA -T20

Même si la production d’antimatière est très coûteuse, cette extraordinaire efficacité de conversion de masse en énergie fait d’elle un carburant ultraléger, surpassant de très loin tous ses rivaux. On peut ainsi penser à deux applications : les fusées et les armes.Pour les fusées, comme dans le vaisseau « Enterprise » de Star Trek, le poids du carburant à emporter est décisif pour réaliser des missions très lointaines et il suffirait de microgrammes.Pour les armes, bien que l’intérêt d’utiliser de l’antimatière soit moins évident, les programmes de recherche américains sur sa production et son stockage bénéficient d’une aide des budgets militaires.Le problème est que produire des microgrammes pour les fusées ou des milligrammes pour les armes est non seulement très coûteux, mais demande aussi beaucoup de temps. En effet, comme on l’a vu, il faut réaliser des collisions avec des particules de grande énergie. Et encore, la probabilité de produire une paire proton-antiproton est-elle faible ! Il faut ensuite récupérer les antiprotons qui sont émis dans des directions et avec des énergies variées. Finalement, si le CERN ou Fermilab ne fonctionnaient que pour la production d’antiprotons, ils auraient pu produire et stocker dans un anneau tel que AA environ 1 nanogramme (un milliardième de gramme) par an. Avec une dizaine d’installations de ce type, il faudrait 100 000 ans pour disposer de 1 milligramme d’antimatière. Et si l’on désire mettre les antiprotons dans un piège, c’est encore 1000 fois plus difficile…. En plus on ne sait stocker dans un anneau ou un piège que des quantités infimes, bien inférieures au microgramme, et le stockage doit être d’une fiabilité parfaite.Ces deux applications ne sont donc pas pour demain…

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De l’antimatière pour quoi faire ? (2)De l’électricité ?

Pour fabriquer les antiprotons,100 millions de fois plus d’énergie dépensée que récupérée

Production très coûteuseStockage difficile et dangereux Pas rentable du tout !

Un sujet d’étude pour les physiciens…

Soigner avec des antiprotons au lieu des protons ?Annihilation des antiprotons → action très localisée

vérification du point touchéPossible mais coûteux

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA -T21

Il est évident aussi que la production d’électricité à partir d’antimatière n’est absolument pas rentable puisqu’il faut d’abord consommer beaucoup d’énergie pour fabriquer l’antimatière.Par contre, une application très intéressante, que l’on commence à étudier, est d’utiliser des antiprotons pour détruire les tumeurs car l’annihilation de l’antiproton est très localisée et facile à détecter. Donc peu de dégâts hors de la tumeur, et la possibilité de s’assurer en temps réel que c’est bien le point visé qui est touché. C’est possible, mais très coûteux. Mais n’oublions pas que, comme on l’a vu, l’imagerie médicale par TEP utilise déjà l’antimatière.Enfin c’est un sujet d’étude passionnant pour les physiciens qui sont capables de travailler avec de très petites quantités : la détermination de la masse de l’antiproton n’avait besoin que d’un seul antiproton dans le piège au moment de la mesure.

22

Un sujet d’étude pour les physiciens

En fabriquant des antiatomes d’hydrogène : 1995-2002…

En remplaçant un électron par un antiproton : 1990…

e–

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA -T22

e–e–

e–e–

p

p+ e– e+

p

En effet, il n’y a pas que la masse de l’antiproton qui intéresse les physiciens. Beaucoup d’études sont en cours dans lesquelles un des électrons d’un atome est remplacé par un antiproton de même charge, mais beaucoup plus massif, ce qui modifie les propriétés de l’atome.Un autre sujet agite beaucoup les physiciens : l’étude de l’antihydrogène, c’est-à-dire d’un antiatome dans lequel un positron gravite autour d’un antiproton. Il faut d’abord fabriquer les 2 ingrédients, et la difficulté est ensuite de persuader le positron de s’accrocher à l’antiproton. En 1995, les premiers antihydrogènes, une dizaine, ont été fabriqués “en vol” dans l’anneau LEAR du CERN. Malheureusement, ils avaient une vitesse voisine de celle de la lumière et n’ont pu franchir que quelques mètres avant d’être détectés par leur annihilation. Donc pas le temps de les étudier ! Mais, en 2002, grâce à un nouveau programme mis en place par le CERN, deux équipes ont réussi à fabriquer desantihydrogènes à partir d’antiprotons et de positrons confinés à extrêmement basse vitesse dans un piège. On va donc pouvoir comparer leurs propriétés à celles de l’hydrogène dans les années qui viennent.

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À la découverte de l’antimatière1932 e+ Rayons cosmiques

Antinoyaux

26 ansAntiatomes

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA -T23

2002 antihydrogène ( ⊕ e+) au repos CERN (Europe)p1996 antihydrogène ( ⊕ e+) rapide CERN (Europe)p

23 ans

1955 Berkeley (USA)p

1956 Berkeley (USA)n

1965 ( + ) Brookhaven (USA)p n2H

( + 2 ) CERN (Europe)p n3H

1970 ( 2 + ) Serpukhov (URSS) p n3He

Il avait fallu 23 ans pour passer du positron à l’antiproton, et il a fallu 26 ans pour passer des antinoyaux aux antiatomes…

24

Une dissymétrie matière-antimatière

Le kaon neutre peut osciller entre matière et antimatière :

En fonction du temps, on peut comparer :

matière → antimatière : →

→antimatière → matière :

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA -T24

K0

K0K0

K0

K0K0

L’étude de la symétrie entre les propriétés des particules et de leurs antiparticules est une question essentielle de la physique d’aujourd’hui. Les comparaisons des masses et des demi-vies sont toutes en accord avec la symétrie parfaite prédite par les théoriciens. Dans le cas de la particule appelée kaon, l’égalité des masses entre le kaon neutre (K0) et son antiparticule est vérifiée à 10-19 près…Mais une légère dissymétrie entre matière et antimatière a pourtant été observée il y a 40 ans, justement pour le kaon K. L’an dernier une dissymétrie analogue a pu être observée aussi pour la particule Bd neutre.L’exemple que l’on va montrer ici concerne le kaon neutre qui a l’étrange propriété de pouvoir osciller entre matière et antimatière. On peut en effet se poser la question de savoir si les probabilités de transformation de matière en antimatière, et vice versa, sont identiques.

25

CPLEAR étiquette les K0 et les K0

0K

K0

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA -T25

K0pp + → + K– + π+

p + → + K+ + π–p K0

Instant 0 :annihilation p → ou p K0K0 K0

Instant t :ou se désintègre : K0

K0

0K

→ π+ + e– + νeK0

→ π– + e+ + νeK0

Pour comparer ces probabilités, il faut produire des kaons et pouvoir leur coller une étiquette « matière » ou « antimatière » sur le dos. Il faut ensuite pouvoir à nouveau mettre des étiquettes un peu plus tard, à un instant t. L’expérience CP-LEAR a pu faire ces étiquetages.À l’instant 0, les kaons et antikaons sont produits par annihilation proton-antiproton, au repos. Pour conserver l’équilibre entre matière et antimatière, le kaon neutre doit être accompagné d’un kaon de charge négative, tandis que l’antikaon neutre doit être accompagné d’un kaon de charge positive. On peut donc faire l’étiquetage grâce à la détermination des charges des particules accompagnatrices : le kaon K et le pion π. À l’instant t où le kaon se désintègre, il y a un mode de désintégration qui, lui aussi, est sensible à l’état (kaon ou antikaon) du kaon neutre. L’étiquetage est fait grâce à la détermination des charges des particules émises lors de la décroissance.

26

Le hall expérimental de LEAR

Photo CERN

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA -T26

CP-LEAR a utilisé les protons de basse énergie fournis par l’anneau LEAR (Low Energy Antiproton Ring) du CERN. Dans le hall expérimental, les faisceaux d’antiprotons sont guidés jusqu’aux détecteurs des différentes expériences dans les tuyaux que l’on voit à gauche et au centre. Le détecteur CP-LEAR (qui est jaune) est placé sur le faisceau le plus à droite et signalé par son logo.

27

Le détecteur CPLEAR

π+

π+

K–e–

+–

cible

La collaboration CPLEAR : 100 physiciens de 9 pays

Portugal, Slovénie, Suède, Suisse

États-Unis, France, Grande Bretagne, Grèce, Pays-Bas,

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA -T27

p

K0K0

Le détecteur de CP-LEAR est en fait formé d’une série de détecteurs de forme cylindrique, emboîtés les uns dans les autres comme des poupées russes ou des pelures d’oignons, le tout baignant dans un champ magnétique parallèle à l’axe du faisceau (horizontal).Sur la vue de côté (à gauche ), on voit les antiprotons qui arrivent de la gauche. Ils s’arrêtent dans la cible d’hydrogène placée au centre du détecteur, et s’annihilent avec les protons de la cible.Sur la vue de face (à droite), les signes des charges des particules sont déterminés par les sens de rotation de leurs trajectoires dans le champ magnétique.On voit que l’annihilation au centre de la cible a produit un K–

et un pion π+, et donc aussi un kaon neutre. On ne voit pas le kaon neutre car les détecteurs, qui sont des chambres à fils, ne voient que les particules chargées. Mais quand il se désintègre, un peu plus loin sur la gauche, on voit un π+ et un électron e–, ce qui permet de conclure qu’il était alors dans l’état antikaon.Cette expérience a été menée par 100 physiciens appartenant à 16 Instituts de 9 pays différents dont la France.

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Le résultat de CPLEAR

La matière l’emporte sur l’antimatière

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA -T28

t

AT

Asymétrie AT = 0,0066 ± 0,0013stat ± 0,0010syst

En comparant le nombre de kaons qui deviennent des antikaons et le nombre d’antikaons transformés en kaons en fonction du temps, on peut tracer la fonction d’asymétrie ATqui vaut 0 s’il n’y a pas d’asymétrie. Le résultat de CPLEAR montre que AT est différent de 0, et que la dissymétrie est en faveur de la matière.L’unité de temps en abscisse est la durée de vie du KS (environ un dix-milliardième de seconde)

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Et notre Univers ?

matière + antimatière énergie γ

Autour de nous,Dans notre galaxie,

Dans les autres galaxies,Dans notre Univers,

On ne voit pas de signalant une frontière avec de l’antimatière

γ

Au moment du big-bang : énergie matière + antimatière

Ensuite :

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA -T29

Quand on crée de la masse à partir d’énergie, comme ce fut le cas au moment du big bang, matière et antimatière sont créées en quantités strictement égales. Mais ensuite, si de la matière et de l’antimatière entrent en contact, il y a des annihilations qui finalement produisent des photons gamma. Or nous n’observons rien de tel ni dans notre corps, ni dans le système solaire, ni dans notre galaxie, ni dans notre univers aussi loin que portent nos observations.

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Qu’est devenue l’antimatière ?

⇒ Production d’un léger déséquilibre :1 000 000 000antiprotonsou antineutrons…

⇓1 000 000 001protonsou neutrons…

• déséquilibre thermodynamique☺ possible au tout début du big-bang

• dissymétrie matière – antimatière☺ observée pour le kaon neutre (CPLEAR) et le B (expérience Babar)

Il peut y avoir disparition de l’antimatière si

A. Sakharov

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA -T30

• quarks et antiquarks se désintègrentex. p → 2 e+ + e– → 2 e– + e+

☺ théories de grande unificationp

Alors qu’est devenue l’antimatière ? En 1967, le physicien russe Andrei Sakharov a proposé une réponse en disant que l’antimatière pouvait disparaître si 3 conditions étaient remplies simultanément. La première condition est que les quarks et les antiquarks se désintègrent en des non-quarks. D’après les théories de grande unification, un tel processus est possible, mais non encore confirmé expérimentalement.La deuxième condition est l’existence d’une dissymétrie matière-antimatière. On vient de montrer qu’une telle dissymétrie a été observée expérimentalement. Elle ne suffit pas, mais on a au moins la preuve que matière et antimatière ne sont pas complètement symétriques.La troisième condition est un déséquilibre thermodynamique qui a pu exister au tout début du big-bang.Le résultat est alors la production d’un léger déséquilibre : à un milliard d’antiprotons ou antineutrons, correspondrait un milliard + une particules. Au moment de la phase d’annihilation, un peu après le big-bang, une particule sur un milliard survivrait. Les autres seraient transformées en rayonnement.Ce rapport est celui observé entre le rayonnement froid et la matière baryonique.

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Et si un extra-terrestre venait…Il veut atterrir, nous serrer la main, boire du champagne…Que répondre ?

vérifier qu’il ne vient pas d’un monde d’antimatière !Malgré sa gentillesse apparente, ne pas l’inviter sans

Car sinon :

CNRS-IN2P3 et CEA-DSM-DAPNIA -T31

Et si un extra-terrestre s’annonce et propose une rencontre amicale autour d’un verre de Champagne, que lui répondre ?Après tout ce qui a été dit, il est bien peu probable que cet extra-terrestre soit fait d’antimatière et ait pu parvenir jusqu’à nous, mais il faut quand même le vérifier car sinon…Pour éviter cette explosion d’amitié plutôt déplacée, il est en effet possible de le questionner habilement et de déterminer sa nature grâce à la dissymétrie que nous avons observée entre matière et antimatière … à condition bien entendu que nous croyions en l’universalité des lois de la physique.