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DOSSIER

LES PLUS DU MOINSEn 1982, Alain

Bashung posaitla question

“c’est commentqu’on freine ?“Aujourd’hui

la crise mondialeimpose au reste

du mondede se la poser

aussi.Au-delà des

cerclesaltermondialistes

et écologistes,l’idée de faire du

plus avec dumoins fait sensdans l’esprit de

nombre deconsommateurs.

Surtout enpériode

de rentrée.

Un simple coup d’œil dans une penderie classique soulève la question : est-ce vraiment nécessairepour un seul homme ?

Si certains doivent prendre l’option“décroissance” faute de pouvoir s’offrir desbrioches, d’autres font ce choix de vie,

convaincus que le pain et le beurre suffisent à leurbonheur.Au pays du dieu dollars, un homme a lancé l’idée en2008 que 100 objets personnels suffisaient pourprofiter pleinement de la vie. Ce défi, lancé au mondesur le net, n’a pas engendré des millions d’adeptescertes, mais ceux qui ont relevé le challenge s’enportent plutôt bien. Nous avons retrouvé un jeuneFrançais qui, depuis, est allé beaucoup plus loin danssa réflexion en créant raccourci-minimaliste.com. Ilrejoint sur certains points les réflexions des premiersphilosophes “écolos” du XIXe siècle et poursuit lesréflexions des pères de la décroissance, mot créé dèsla fin des années cinquante à l’aube du grand booméconomique.En 2012, dans un monde éminemment matérialisteoù l’économie en crise est largement mondialisée,c’est dans l’univers dématérialisé du web que lesidées “décroissantes” semblent avoir enfinl’opportunité de germer et croître. En cette rentrée decrise, nombreux sont les sites à proposer dessolutions qui passent par le troc, par l’échange ou parla location entre particuliers, facilitées par la fluidité

du net. Une tendance sur laquelle surfent denombreux sites forts des résultats d’une étude menéepar le Crédoc (centre de recherche pour l’étude etobservation des conditions de vie) après la crise de2008.Sans aller jusqu’à donner tout son mobilier, on peuts’interroger sur l’utilité des choses qui nousentourent. Et se débarrasser de certaines. Reste àdéfinir le mot “utile”. Pour la grande prêtresse duvide, Dominique Loreau, ce qui nous rend heureuxest utile. De quoi se jeter sur la première paired’escarpins vernis sans remords.Mais il existe aussi des idées simples pour faire“décroître” sa consommation. Voici donc quelquespistes pour “lever le pied” sans pour autant faire levide. Reste à convaincre votre progéniture, élevée auxspots TV, que le “must have”* est “has been”**.Et ça, c’est pas gagné. D’autant que cette mêmeprogéniture peut vous rétorquer finement que legouvernement compte sur son irrépressible besoinde consommer toujours plus pour enrayer la crise parla relance. Oups.

Carole Vignaud

* “Ce qu’il faut avoir”, en bon français.** obsolète voire, plus grave encore, ringard.

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DOSSIER

2012 : LES LISTES DE DAMIEN CASONI

2008 : UN GARS NOMMÉ DAVE DÉFIE TOUTLE MONDE DE “VIVRE AVEC 100 OBJETS”REDUCTIONS

Deux idées simplespour faire “décroître “votre rentrée.N Le covoituragescolaire. Sachant que73% des trajetsdomicile-école se fonten voiture, Scoléopropose d’organiser enligne le covoituragedomicile/école. Pourplus de sécurité lesannonces se font entreparents d’un mêmeétablissement. Uninternaute lambda nepeut pas accéder auservice.Pour s’inscrire, il suffitd’aller surwww.scoleo.fr.N Passer au savonnoir. Le produit pourles sols, celui pourl’évier, celui pour lelavabo qui n’est paspour la baignoire (bonlà j’exagère !), celuipour les WC, celui quidétartre, celui quidégraisse, celui quipulvérise la saleté, celuipour le linge délicat,celui pour le blanc,celui pour la couleur,celui pour le noir... Les3/4 de ces produitspeuvent être facilementremplacés par dusavon noir ménager (àne pas confondre avecle savon noircosmétique).Le ménager (liquide oupâteux) nettoie tout dusol au plafond et peutparfaitement s’utiliserdans la machine à laverle linge. (Pas encoretesté dans la machine àlaver la vaisselle !)Composé de savonpotassique et d’eau, lesavon noir liquidedégraisse poêles etplaques de cuisson,détache nappes etserviettes, nettoie aussiparquets, cuirs etautres tapis.Au jardin, le savon noirpeut aussi être utilisécomme traitementnaturel contre lesparasites.Compter 11 euros pour1 kg de savon noir enpâte. Faites le calcul.

raccourci-minimaliste.comSur son blog, Damien Casoni propose des pistes deréflexions mais aussi des “trucs” pour faire du plusavec du moins. Son “minimalisme” (aussialimentaire) va plus loin que le ras-le-bol duconsumérisme, il s’en explique. “Ce côté “gourou”n’est pas nouveau chez moi et je l’assume avechumour. Depuis tout petit j’ai toujours eu le goûtde parler en public, de partager... L’enthousiasmeest une qualité tellement rare dans notre sociétéassoupie que sa moindre manifestation éveille laméfiance. C’est une chance pour moi cependantd’avoir des lecteurs intelligents qui savent très bienadapter mon propos à leurs propres situations.”

Photo : Amélie Raoul

Infographiste de 30ans, Damien Casoniest aussi un blogueur

prolifique et un adeptedes listes et de ladécroissance. Vivant enNouvelle-Calédoniedepuis son enfance (“J’ysuis arrivé avec mesparents il y a 28 ans,alors que j’en avais 2”), ilexplique “vivre enNouvelle-Calédonie n’estpas judicieux dans uneoptique de frugalité. Onne trouve jamais un kilode tomates, laides quiplus est, à moins de

7 euros par exemple…tout est 3 à 8 fois pluscher qu’en métropole…”“Les transports encommun également sontaléatoires. Vivre sansvoiture n’est pas facile,mais c’est un choix quej’assume pleinement.”L’un de ses prochainsobjectifs est donc detrouver “un endroit ouvivre en dépensant moinstout en économisantdavantage...”Damien Casoni a relevéen 2010 le défi lancé parDave Bruno. Aujourd’hui

où en est-il ? “Je n’ai pluscompté mes possessionsdepuis que j’aiemménagé dans unstudio à mon nom.J’avais toujours été encolocation et je nepossédais alorsvéritablement ni frigo, nifour, etc. J’ai donc mespremiers meubles, mêmes’ils sont peu nombreux.Posséder le moinsd’objets possible restenéanmoins d’actualité. Jepense avoir trouvé unbon équilibre aujourd’hui,je n’ai besoin de rien deplus. Peut-être vais-jeeffectuer un comptageprochainement, c’est vraique les listes détailléesont toujours eu du

succès sur mon blog.”ajoute-t-il en souriant.“En regardant mapremière liste aujourd’huije vois que j’ai fait duprogrès depuis. Surtouten revenant de monvoyage en France (ndlr :mai-juin de cette année)où j’ai vécu un mois etdemi avec un sac à dosde cabine. J’ai puapprendre à vivre avecencore moins, ce qui m’adonné une nouvelle crisede “ je donne/je jette” enrentrant chez moi.A titre d’exemple,aujourd’hui il ne me resteplus qu’un short. Maison ne fait pas la coursehein?”

En novembre 2008,un habitant de SanDiego en Californie

lance sur le net une idéeun peu folle : tenter devivre avec seulement 100objets. Du cœur del’Amérique consumériste,Dave Bruno explique qu’ilse sent “à l’étroit”, voirequ’il “étouffe” dans sonstyle de vie. Il sent bien

que tous les objets quil’entourent ne l’aidentpas réellement à se sentirmieux.A travers son blog “A guyname Dave”*, il lance undéfi aux internautes dumonde entier : s’allégerdu poids des choses.Diplômé de théologie etdirecteur du marketinginformatique àl’Université de PointLoma Nazarene (uneuniversité catholique) oùil enseigne aussi l’histoiredes religionsaméricaines, Dave Brunoest le premier à releverson défi. Depuis, ce pèrede famille de trois filles,tient son blog (il précise

que ses idées ne sont pasobligatoirementpartagées par sonuniversité) et expliquequ’il se sent beaucoupmieux depuis qu’il arompu (et sa famille aveclui) avec “l’américan wayof life” du toujours plus.Attention, tout de même.Il ne s’agit pas de vivreen spartiate. Seuls lesobjets personnels sontcomptabilisés. Necompte pas les objetsutiles à toute la famillecomme l’électroménagerou la vaisselle ou encoreles lits et pièces demobiliers inévitablescomme les bureaux pourtravailler. Chats, chiens,

mantes religieuses,cochons d’Inde ethérissons ne sont pasdes objets... précise-t-il.Aujourd’hui, Dave Brunoa 40 ans et sa liste esttoujours d’actualité. Prèsde 1600 “100 thinkschallengers” poursuiventl’expérience à travers lemonde. Mais les“followers” (suiveurs) nesont que 2900 surTwitter et Dave comptemoins de 2 000 amis surFacebook. Les amisFacebook sont-ils desobjets?Notons que son épouseet ses trois filles sonttoujours à ses côtés.* Un gars nommé Dave

Dave Bruno.

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DOSSIERLES GRANDS THÉORICIENS

DE LA DÉCROISSANCE

EN 2011, FRÉDÉRIC MARSQUITTE L’ENFER MARCHAND

TROCS ET ÉCHANGES: DELA THÉORIE À LA PRATIQUESelon l’étude publiée le 17 juillet dernier par leCentre de recherche pour l’étude et observation desconditions de vie (Crédoc), la crise de 2008 aengendré l’apparition de nouvelles pratiquesd’acquisition comme le troc, l’occasion ou lalocation. Le Crédoc note que si “La crise favorise lespratiques liées à la seconde vie des objets” et que“celles-ci sont liées pour partie à la précarité et àl’inégalité sociale, elles relèvent égalementd’aspirations écologiques et citoyennes.”Et internet aide grandement ces échanges. Le site delocation entre particuliers “e-loue”, créé enJanvier 2009 affiche une croissance mensuelle de32% de son chiffre d’affaires. La voiture est un desobjets les plus loués sur e-loue avec les matériauxde bricolage et les objets high-tech. Le site Freecyclefonctionne, lui, sur le don d’objets (avec desrésultats moins probants), tout comme les sitesjedonnetout.com, récup.fr, co-recyclage.com ouencore Le-Dindon.frLes systèmes d’échanges locaux (SEL) qui ont étéles premiers à mettre en pratique les théories despenseurs de la décroissance fonctionnent sur le troc(2h de cours de français contre 2h de jardinage, parexemple). Ils s’affranchissent ainsi de l’argent etmettent l’échange au cœur des relations.Un dossier spécial SEL est paru dans Bol d’air enmars 2007.

LA PAPESSE DU VIDE...Dominique Loreau vit depuis la fin des années 70au Japon. Et curieusement, alors que nous pensonsles décors japonais très épurés, c’est en voyant lescitadins japonais vivres “dans tant d’encombrementet de choses, et d’être toujours fatigués etstressés…” que Dominique Loreau se demande “àquoi ça sert tout ça?”Mais éliminer le superflu signifie vérifier ce qui estvraiment utile ou non. Pour elle “est utile” ce quirend heureux. Un beau bouquet de fleur est doncutile, tout comme une œuvre d’art.Dans la maison, Dominique Loreau conseille deregarder chaque objet un par un et de se demandersi l’objet nous est réellement nécessaire.Aujourd’hui, après avoir écrit de nombreux autresouvrages sur le même thème (“L’art des listes”,“L’art de l’essentiel”), Dominique Loreau expliquequ’elle “vide surtout son emploi du temps” et restebeaucoup chez elle “en silence.”

La notion dedécroissance estrelativement récente.

Si l’idée que la croissancen’est pas obligatoirementsynonyme de civilisationet qu’elle peut mettre enpéril l’équilibre des liensentre l’Homme et laNature trouve sonfondement chezdifférents penseurs duXIXe siècle (Thoreau,

Tolstoï), les deuxprincipaux théoriciensmodernes en sontJacques Ellul et BernardCharbonneau.Jacques Ellul (1912-1994)s’inscrit dans lamouvance del’anarchisme chrétien etsa devise est “Exister,c’est résister”. Son ami,Bernard Charbonneaumet en pratique sa

philosophie en menantune vie spartiate àproximité des gaves dePau puis d’Oloron. Ildénonce dès les annéescinquante, la dictature dudéveloppement à toutprix. Pionnier del’écologie politique, il seméfiait du progrèstechnique, source pourlui de toujours plusd’organisation et demoins de liberté.Le concept de“décroissance” que l’ondoit à l’économiste etmathématicien roumainNicholasGeorgescu-Roegen,n’apparaît pourtant qu’àla fin des années 1950.

LA COMPLAINTEDU PROGRÈSL’Occident est alors enplein essor économique.En Europe, les dernierstickets de rationnementétaient encore encirculation en 1950. 10ans après, les Européensveulent tous bénéficierdes “Trente Glorieuses”et devenir desconsommateurs. Ladécroissance est unethéorie qui n’a aucunechance d’être entendue…encore moins écoutéemême si Georges Pérecfait paraître en 1965 “Leschoses”, un premierroman dénonçant l’enferdu consumérisme et queBoris Vian chante dès1957 “La complainte duprogrès”.La démarche desimplicité volontaire vadevoir attendre destemps de crise pour sefaire entendre.À noter aussi que desconsidérations d’ordrespirituel sont souventinvoquées pour dénoncerl’idéologie de croissancequi conduit à un mondeuniquement matérialisteet marchand. Le retourdu religieux va souventde pair avec l’idée desimplicité. Alors gare auxintégrismes.

Pendant une année,Frédéric Mars,romancier et

essayiste plutôthédoniste, a tenté, avecsa femme et son enfant,de répondre à cettequestion: “Parmi tous lesinstants de mon bonheur,lesquels dois-je à ceschoses que j’achète”.Tous trois cessent alorsd’aller dans leshypermarchés, de faireles soldes mais aussisuppriment la carte bleue(ni découvert, ni crédit : lebanquier n’est pascontent). Reste les capsdifficiles : Noël, fête desMères, rentrée desclasses!Très drôle etpragmatique, “Commentj’ai arrêté de

CONsommer” est lejournal de bord d’unrésistant à la fièvreacheteuse, sans idéologieni moralisme. Un achatvraiment utile !

N Éditions du Moment.247 pages. 18,50 euros.

De nombreuxpartisansde ladécroissancereconnaissentaussi unedetteintellectuelleenversGandhi.