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Département Universitaire des Soins Infirmiers Unité d’Enseignement 1.1 S2 « Anthropologie de la maladie et de la santé » Normal, anormal, pathologique A. DUMOND Professeur d’anthropologie médicale

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Département Universitaire des Soins Infirmiers Unité d ’ Enseignement 1.1 S2 « Anthropologie de la maladie et de la santé ». Normal, anormal, pathologique A. DUMOND Professeur d ’ anthropologie médicale. La norme. - PowerPoint PPT Presentation

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Page 1: Normal, anormal, pathologique A. DUMOND Professeur d ’ anthropologie médicale

Département Universitaire des Soins Infirmiers Unité d’Enseignement 1.1 S2

« Anthropologie de la maladie et de la santé »

Normal, anormal, pathologique

A. DUMONDProfesseur d’anthropologie médicale

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Cours IFSI

La norme

• Une norme désigne un état habituellement répandu ou moyen considéré le plus souvent comme une règle à suivre.

• Les normes ne s’imposent pas à l’individu. Elles résultent des interactions ou des lectures que les individus font du comportement d’autrui. Le comportement est normé selon l’interprétation que l’on en fait, selon sa légitimité ou non dans un contexte donné. (cf. ethnométhodologie)

• Selon Edward T. Hall, il existe trois niveaux de règles culturelles:• Les règles techniques (lois, règlements, codes..)• Les règles formelles (politesse, usages et coutumes…)• Les règles informelles (les comportements, la gestuelle, la proxémie [distance lors

d’une interaction], les « habitus » de Bourdieu…)

• La force des normes tient dans les sanctions positives ou négatives.

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Le pathologique et l’anormal

Le pathologique est ce qui affecte, ce qui est ressenti douloureusement et qui, en définitive, cause un dommage à celui qui en est atteint. Notion subjective.

Le pathologique désigne aussi quelque chose de fondamentalement différent (dévié, déformé, autre) qui introduit un désordre.

L’anormal, contrairement au pathologique n’a rien de subjectif. Il se définit objectivement, comme l’exception à une norme.

L’anormal est une dérogation à une norme (« contraire à la règle »), qu’elle soit morphologique, structurale ou fonctionnelle. L’anormal ainsi peut exister en soi, c’est une réalité, indépendamment de toute relation « pathogène ». Notion objective.

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« Nous ne pouvons pas dire que le concept de "pathologique" soit le contradictoire logique du concept de "normal" car la vie à l'état pathologique n'est pas absence de normes mais présence d'autres normes (...) La maladie, l'état pathologique, ne sont pas perte d'une norme mais allure de vie réglée par des normes vitalement inférieures ou dépréciées du fait qu'elles interdisent au vivant la participation active et aisée, génératrice de confiance et d'assurance, à un genre de vie qui était antérieurement le sien et qui reste permis à d'autres. »

G. Canguilhem (philosophe), 1951.

« La santé, c'est la vie dans le silence des organes. Inversement, la maladie c'est ce qui gêne les hommes dans l'exercice normal de leur vie, et dans leurs occupations et surtout ce qui les fait souffrir. »

R. Leriche (chirurgien)

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Le normal et le pathologique

• Il existe des formes de pathologies reconnues par la biomédecine et qui ne sont pas considérées comme des maladies dans d’autres groupes socioculturels (dépression, vers intestinaux…).

• Ces notions fluctuent non seulement dans l'espace, d'une culture à une autre, mais aussi dans le temps, d'une période à une autre. Il arrive ainsi que des maladies soient retirées de la nosographie médicale (comme l’homosexualité en France, en 1992).

• Au cours de l’histoire de chaque groupe, de nouvelles pathologies apparaissent (le burn out [épuisement professionnel], maladies neurotoxiques dues à de nouveaux polluants…).

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Il existe des syndromes culturellement conditionnés (SCC) ou maladies populaires : c’est-à-dire que leur équivalent n’existe pas dans la nosographie biomédicale.

Par exemple, dans une société ouest-africaine, celle des Bisa du Burkina Faso, « la maladie du python » désigne toutes sortes de dermatoses et n’a pas d’équivalent dans la nosographie biomédicale.

« La maladie de l’arbre » évoque quant à elle les œdèmes provoquant l’augmentation du volume d’un membre et les maladies articulaires. Le même mot désigne les articulations du corps humain et les nœuds de l’arbre.*

Les réseaux de significations de ces maladies conduisent à interpréter les symptômes et les causes autrement que par la biomédecine et amènent à recourir à des thérapies traditionnelles.

*cf. Sylvie Fainzang (1984).

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Pour une même pathologie les traitements peuvent être très différents

Pour une pathologie comme une tumeur de l’utérus ou une tumeur du sein, on remarque que les pays anglo-saxons vont plus facilement amputer l’organe touché qu’en France (chirurgie conservatrice). Cela vient du fait que la France a toujours développé une politique nataliste et que les pratiques médicales suivent l’histoire du pays.

Au Pays-Bas, un accouchement sur trois se déroule à domicile, avec des indicateurs en termes de mortalité et de morbidité comparables à ceux de la France. En France, l'hôpital reste le lieu préféré pour accoucher (64%), suivi de la clinique (25%), tandis que, selon une enquête Ipsos, seulement 2% des femmes enceintes préféreraient accoucher chez elles.

Contrairement à de nombreux pays où des milliers d'hommes y ont recours, la vasectomie (stérilisation des hommes) est peu courante en France. Longtemps considérée comme une intervention mutilante par l'Ordre des Médecins, elle a été légalisée pour raison médicale en France en 1999.

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La désignation comme normal ou pathologique ne se fait pas hors d'une organisation sociale et elle ne prend sens qu'en fonction de ce contexte. La perception de la frontière entre normal et pathologique répond à un système de représentations donné.

La frontière entre le normal et le pathologique renvoie à d'autres frontières auxquelles elle se superpose souvent, comme celles qui existent entre les notions de santé et de maladie, mais aussi de pureté et d'impureté ou d'ordre et de désordre, de chance et d’infortune, de hasard et de contrôle…

Soigner, c’est replacer l’individu dans sa norme. Chaque professionnel de santé choisit ce qui lui semble normal ou pathologique.

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La chronémie

• C’est le rapport au temps de chaque individu. Le temps n’est pas une valeur absolu.

• Nous ne percevons pas le temps qui passe à la même vitesse à tous les âges de la vie ; il n’est pas non plus le même selon l’état physique et psychique. Parce que la fonction de chacun est différente, tout comme son histoire et son positionnement, le temps est fondamentalement différent pour chaque individu.

• Certaines valeurs et normes déterminent nos différentes conceptions de la ponctualité (politesse), de l’organisation du temps (rentabilité, efficacité), de la notion d’attente ou de perte de temps…

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Dans un même service hospitalier, les patients ne vivent pas tous à un rythme identique. Pour chacun, le temps personnel se superpose au temps de l’institution. Certains sont impatients, d’autres se trouvent bousculés et les familles sont souvent pressées. Les journées des patients sont ponctuées par les soins, les repas, les changements d’équipes, les visites et le bruit.

Les soignants, quant à eux, doivent effectuer les soins dans une plage horaire donnée (planification), tout en accordant du temps à chacun des patients, aux proches ou à leurs collègues.

Le lien au temps dépend également de sa relation à l’autre: « une infirmière s’occupe seule d’un service de gériatrie de 50 lits. Elle a le sentiment de passer “en coup de vent” auprès d’un résident mais celui-ci, en évoquant quelques secondes un sujet qui le passionne, a l’impression qu’elle est restée un long moment auprès de lui ».

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Le soignant peut parvenir à changer la perception temporelle du patient pour que le soin redevienne « uchronique », c’est-à-dire un temps « en suspens » où lui seul est concerné par la présence, même brève, du soignant.

La problématique du temps est donc bien plus qu’une question de découpage d’actes; elle concerne la pertinence de ce qui se passe ou se dit au cours d’un soin. Ces instants d’exclusivité restituent au patient sa dimension humaine et le réinscrivent dans sa propre histoire d’homme.

Le patient peut ainsi vivre l’absence du soignant ou son occupation auprès des autres patients de façon moins angoissante.

Porter une véritable réflexion sur cette question du temps afin de mieux l’adapter au rythme du patient peut éviter de nombreux conflits.

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Les représentations de la maladie

• Cette notion est socialement et culturellement construite. • La maladie est un phénomène perçu spontanément à propos duquel

on communique pour lui donner un sens qui va au-delà d'une simple lecture médicale, productrice de catégories de diagnostics.

• Les anthropologues considèrent qu’il y a maladie quand il y a sentiment d’un désordre par une société, ce désordre pouvant être physiologique mais aussi social, il peut parfois être l’un parce qu’il est l’autre.

• La guérison dans cette vision est la réparation de ce désordre telle qu’elle est pensée par la société en question. Les rituels thérapeutiques ont pour objectif de réparer ce désordre.

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La biomédecine se considère comme un domaine autonome et scientifique dont l’objet est la maladie et non son cadre socioculturel. Sous ce même terme, existent pourtant plusieurs réalités et la médecine compose avec ces différentes visions.

Dans notre langue, nous n’avons qu’un seul terme pour définir la maladie, en anglo-saxon trois terme sont utilisés:

Disease: la maladie du point de vue du médecin Illness: la maladie du point de vue du patient, son vécu de la maladie, son

histoire propre. Sickness: la maladie du point de vue socioculturel, ce qu’un groupe met dans

la définition de la maladie (en général, il n’existe que peu de différences avec le ressenti du patient, hormis dans les cas où celui-ci vit dans un autre cadre socioculturel).

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Claudine Herzlich explique que santé et maladie sont vécues et pensées par l'individu en référence à ses rapports avec la société ; par la santé et la maladie, l'individu s'insère dans la société contraignante ou en est exclu. La maladie est une forme de déviance motivée par les pressions de la société sur l'individu.

Dans beaucoup de sociétés, le mot « maladie » ne concerne que certaines catégories de maux ; les autres pathologies appartiennent à des catégories plus vastes du mal, de l’infortune et du désordre.

Ces représentations sont liées à celle du corps, du monde visible et invisible, de la place de l’être humain…

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Exemple : « la maladie d’Alzheimer en Chine »

En Chine à partir de 60 ans, le potentiel pathologique de la personne âgée se réduit au profit d’une « normalité » de la vieillesse. Dans ce cadre, les signes de la sénescence ne sont pas des signes de sénilité.

La maladie d’Alzheimer ou les démences séniles n’existent pas dans le tableau clinique de la vieillesse en médecine chinoise. Les signes cliniques, les symptômes et les syndromes qui les constituent sont bien isolés, mais ne sont pas réunis en maladie.

Les Chinois ont une représentation du temps cyclique; ainsi, quand un membre âgé de la famille commence « sa maladie d’Alzheimer », ce n’est pas considéré comme grave, il suffit d’attendre qu’il redevienne jeune.

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Cette approche de la grande vieillesse influe sur le vécu et l’agir de ce qu’on appelle en Occident les accompagnants ou les aidants. L’entourage a une indulgence et une tolérance extrême à l’égard de ses « malades d’Alzheimer ».

Les « malades » ont les mêmes lésions neurologiques mais pas les mêmes symptômes, par exemple, pas de symptômes d’agressivité, car l’entourage attend sans inquiétude. La grande vieillesse n’est pas de l’ordre du drame.

On remarque qu’en Occident un membre de l’entourage sur trois entre en dépression, car le malade d’Alzheimer est considéré comme un poids, une charge pour toute la famille. Cette maladie représente la dégénérescence et une perte d’identité vécue dramatiquement par l’entourage.

* cf.: François Lupu (2009)

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Les médecines traditionnelles

• Selon la définition officielle de l'Organisation mondiale de la santé, les médecines traditionnelles se rapportent aux savoirs, aux pratiques et aux croyances en matière de santé.

• Elles utilisent des plantes, des parties d'animaux et de minéraux mais aussi des techniques manuelles ou des thérapies spirituelles.

• Elles doivent permettre de diagnostiquer, de soigner ou tout simplement de préserver la santé.

• 80% de la population mondiale utilise ces médecines traditionnelles.• De nombreux Occidentaux considèrent les différents types de médecines

comme complémentaires et recourent également aux connaissances traditionnelles.

• En France, on estime ainsi que 75 % de la population a eu au moins une fois recours à une médecine parallèle.

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On peut distinguer deux types de médecines traditionnelles

Les médecines traditionnelles totalement codifiées, inscrites dans des livres depuis des millénaires comme les médecines chinoises ou les médecines ayurvédiques.

Ces médecines ont les mêmes caractéristiques de reproductibilité, de régularité que la biomédecine. Médecines parfaitement vivantes, non menacées, elles sont souvent pratiquées dans des hôpitaux qui associent les deux types de médecines.

Les médecines de traditions orales qui respectent des rituels, utilisent la phytothérapie, basées sur un savoir ancestral et une pratique qui font sens pour la société donnée.

Ces médecines se basent sur des croyances, des représentations du monde. Les tradipraticiens tissent des liens forts avec leurs malades. Le remède n’a pas forcément une efficacité en laboratoire (scientifique), mais une efficacité sur le terrain. Ce savoir est menacé par la biomédecine, qui le déconsidère.

Ces traitements ne peuvent être compris hors de leur terrain d’application et du contexte complexe qui les encadre.

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Conclusion

On ne peut parler de maladie au singulier. La guérison est souvent le rétablissement de la norme de l’individu, ou l’acceptation puis l’éducation à de nouvelles normes.

L’infirmier doit s’interroger sur les normes qu’il suit, tant personnelles qu’hospitalières ou sociales.

Les patients suivront des itinéraires thérapeutiques qui les mèneront d’une représentation de la maladie à une autre.

Les médecines prédictives (prévoir par la génétique les affections futures), et préventives (dépistage) créent aussi de nouvelles représentations de la maladie.

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Les concepts de ce cours

Proxémie Chronémie Norme Normal Pathologique Représentations de la maladie

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Bibliographie et filmographie

Canguilhem G., Le Normal et le pathologique, collection « Les Empêcheurs de penser en rond », 1998.

Canguilhem G., Écrits sur la médecine, Seuil, « Champ freudien », 2002. Elias N., Scotson J.L., Logiques de l’exclusion, Paris, Fayard, 1997. Foucault M., Naissance de la clinique : une archéologie du regard médical, PUF, 1963. Foucault M., Les Machines à guérir, Mardaga, Paris, 1995. Goffman Erving, Asiles. Étude sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus ,

Collection, Le Sens Commun, Éditions de Minuit, 1979. Macherey P., De Canguilhem à Foucault, la force des normes, Paris, La fabrique édition,

2009. Murphy R. F. (1990), Vivre à corps perdu, Paris, Plon, Coll.Terre humaine Dastugue (J.), Normal, anormal, pathologique... Un problème pour l'anthropologiste,

Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris Année 1982, Volume 9, Numéro 9-3.

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Le Scaphandre et le papillon de Julian Schnabel, Pathé Renn Productions, 2007. Gardes à vue à l’hôpital de Dominique Lenglart, Production Bonne compagnie,

2011, (52’) Fabrice champion trapéziste de Olivier Meyrou, Production Hold Up Films, 2010,

(52’) Tous pour un de Audrey Péguin, 2008, (52’) Mes questions sur… de Serge Moati, Production Image&Compagnie, 2010 (52’) Autisme, l’espoir de Natacha Calestrémé, Production Mona Lisa, 2010, (52’) Docteur faites-moi rire de André Halimi, Editing Production , 2010 (52’) Elephant Man de David Lynch (1981) Freaks de Tod Browning (1932), Vol au-dessus d’un nid de coucou de Milos Forman (1975)