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Revue éditée par la FédérationNationale des Orthophonistes2 , rue des Deux-Gares, 75010 PARISe - m a i l : f n o @ w a n a d o o . f r

Rédaction - Administration :2, rue des Deux-Gares, 75010 PARIS— Tél. : 01 40 34 62 65 —— F a x : 01 40 37 41 42 —

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G. DECROIX • R. DIATKINE • H. D U C H Ê N E

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G . PORTMANN • M. PORTMANN • B. V A L L A N C I E N .

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Téléphone : 01 43 46 92 92

Comité scientifiqueAline d’ALBOYDr Guy CORNUTGhislaine COUTUREDominique CRUNELLEPierre FERRANDLya GACHESFrédéric MARTINPr Marie-Christine MOUREN-SIMEONIBernard ROUBEAULiliane SPRENGER-CHAROLLESMonique TOUZIN

Rédacteur en chefJacques ROUSTIT

Secrétariat de rédactionMarie-Dominique LASSERRE

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Revue créée par l’A.R.P.L.O.E.V.Paris

Directeur de la publication : le Président de la F.N.O. :

Jacques ROUSTIT

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Abonnement étudiant : 210 Fréservé aux étudiants en orthophonie

Abonnement étranger : 600 F

Commission paritaire : 61699

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LA CONSCIENCEPHONOLOGIQUE

Sommaire Mars 1999 N° 197

Rééducation Orthophonique, 2, rue des deux gares, 75010 Paris

Ce numéro a été dirigé par Monique Touzin, orthophoniste

La conscience phonologique dans le cadre d’une évaluation psycholinguistiquede l’enfant 4Bill Wells, Joy Stackhouse, Maggie Vance, Londres

1. Sensibilité phonologique et traitement métaphonologique :compétences et défaillances 13Monique Plaza, Chargée de recherches, CNRS, Paris

2. Déficits phonologiques et métaphonologiques chez des dyslexiquesphonologiques et de surface 25Liliane Sprenger-Charolles, Philippe Lacert, Pascale Colé, CNRS, ParisWilly Serniclaes, Laboratoire de Phonétique expérimentale, Bruxelles

3. Evaluation de la mémoire de travail verbale chez six enfantsprésentant une hémiplégie congénitale 53Monique Sanchez, Sibylle Gonzalez, Annie Ritz,Service de Rééducation Pédiatrique, Pierre-Bénite

4. Conscience phonologique et surdité 69Annie Dumont, Orthophoniste, Paris

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1. Approche rééducative de la conscience phonologiqueauprès d’une enfant présentant une dysphasie et une dyslexie 79Guillemette Bertin, Isabelle Retailleau, Orthophonistes,Sibylle Gonzalez, Médecin neurologue, Lyon

2. Phonorama : matériel d’entraînement de la compétence métaphonologique 95Naseman Issoufaly, Orthophoniste, Drancy, Béatrice Primot, Orthophoniste, Groslay

3. Pratique de la D.N.P. et développement de la conscience phonologique 125Danièle Prado, Orthophoniste, Briançon

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1. Evaluation de la conscience phonologique et entraînement des capacitésphonologiques en grande section de maternelle 139Michel Zorman, Médecin, Laboratoire Cogni-Sciences et Apprentissages, Grenoble

2. Entraînement à la parole et au langage acoustiquement modifiés :une relation entre l’entraînement à la discrimination auditive du motet les mesures d’évolution du langage 159Steven L. Miller, Nancy Linn, Paula Tallal, Michael M. Merzenich et William M. Jenkins,Scientific Learning Corporation, Berkeley, USA

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La conscience phonologique dans le cadred'une évaluation psycholinguistique de l'enfant

Bill Wells, Joy Stackhouse, Maggie Vance

R é s u m é

Les principes de l'examen psycholinguistique de la conscience phonologique sont illustrésen utilisant une étude de cas. Zoe a été atteinte de troubles sévères du langage oral. A l'âgede 9 ans 8 mois, elle présente d'importantes difficultés de langage écrit. Nous avons faitune évaluation psycholinguistique, utilisant comme cadre d'évaluation une liste de questionsafin d'identifier les niveaux de traitements déficitaires à l'origine du trouble présenté parl'enfant. Les résultats indiquent que Zoe n'a pas encore atteint l'étape métaphonologique,caractérisée par la conscience phonologique, que la plupart des enfants atteint à l'âge de 4ou 5 ans. L'analyse de ses erreurs de lecture et d'orthographe indique qu'elles sont liéesaux déficits sous-jacents de traitement phonologique.

Mots clés : conscience phonologique, psycholinguistique, langage oral, langage écrit.

AbstractSome principles of psycholinguistic assessment of phonological awareness are illustrated bymeans of a case study. Zoe, who in the past had severe speech difficulties, at the age of 9years 8 months presents with serious written language problems. We carried out a psycho-linguistic assessment using a framework which comprises a list of questions designed toidentify the levels of deficit underlying the child's difficulties. Results indicated that Zoe hadnot yet reached the Metaphonological Phase, which is characterised by phonological aware-ness and which most children reach by the age of 4 or 5. Analysis of reading and spellingerrors suggests that these are linked to the underlying speech processing deficits.

Key Wo r d s : phonological awareness, psycholinguistics, spoken language, written language.

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Nous présentons ici une étude de cas pour illustrer quelques principes del ' examen psycholinguistique de la conscience phonologique et aussipour illustrer l'intégration d'un examen de la conscience phonologique

dans le cadre d'une évaluation compréhensive du traitement de la parole.

Zoe est une jeune fille qui a été atteinte de troubles sévères du langageparlé, dont nous avons fait une étude linguistique (phonétique et phonologique)et psycholinguistique quand elle avait 5 ans 11 mois (Wells & Stackhouse 1992,Wells 1994, Stackhouse & Wells 1997). A l'âge de 9 ans 8 mois, Zoe présentetoujours des difficultés résiduelles de langage oral, ainsi que des difficultés pro-noncées du langage écrit.

◆ Lecture

Sur le Wechsler Objective Reading Dimensions (WORD) Basic Readingsubtest (Wechsler, 1993), elle a obtenu un score standard de 81 (9e percentile)soit un âge équivalent de 7 ans 6 mois. Voici quelques erreurs sur le GradedNonword Reading Test (Snowling, Stothard & McLean, 1997).

<egwop> → [twɒpf]<stansert> → [stεnt]<chamgalp> → [tʃæmb]<balras> → ['bæwə] <molsmit> → ['məυləz]<nolcrid> → ['nəυtwd].

◆ Orthographe

Voici quelques erreurs que Zoe a faites :

Bill WELLS, Joy STACKHOUSE, Maggie VANCEDepartment of Human CommunicationScience University College London Chandler House, 2 Wakefield Street, London, WC1N 1PG, Angleterre.e-mail : [email protected]

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Mots cibles Ecriture de ZoeCLOWN <calren>DRESS <darse>FLOOR <fole>STAR <sote>SNAIL <sane>SMALL <semll>GIRAFFE <gafe>BROTHER <borth>SLEEPING <selding>COLLAR <core>PUPPET <pue>TELEPHONE <tlefon>UNDERSTAND <undsand>ELEPHANT <enfet>UMBRELLA <unbe>PYJAMAS <beg>

Nous avons fait une évaluation psycholinguistique de Zoe à l'âge de9 ans 8 mois, dans le but de tester l'hypothèse selon laquelle les déficits detraitement phonologique identifiés à 5 ans 11 mois sont à l'origine de sesproblèmes actuels en lecture et orthographe. Nous nous intéressons surtoutaux épreuves de conscience phonologique, par exemple aux tests de rime(production, détection), parce que l'hypothèse de déficit phonologique sup-pose que les problèmes de dyslexie ont à leur origine un déficit de traitementphonologique, qui se manifeste par une conscience phonologique peu déve-l o p p é e .

Le cadre d'évaluation psycholinguistique que nous proposons prend laforme d'une liste de questions afin d'identifier les niveaux de traitements défici-taires à l'origine du trouble présenté par l'enfant (cf. Figure 2 : Profil psycholin-guistique).

Ces questions sont organisées en fonction d'un modèle de traitement del'information (Figure 2) qui distingue l'entrée, la sortie et les représentationsinternes des mots dont l'information linguistique (y compris phonologique etsémantique) est stockée de façon permanente en mémoire à long terme(Constable, Stackhouse & Wells, 1997).

Ce cadre différencie les processus de traitement « bottom-up » (ascen-dants) des processus de traitement « top-down » (descendants). Les processusdescendants portent sur l'information linguistique contenue au niveau des repré-

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sentations internes ; les processus ascendants exigentl'analyse et le maniement de phénomènes sensoriels etphysiques : par exemple sur le versant « entrée », ladétection des signaux acoustiques et sur le ve r s a n t« sortie », les mouvements articulatoires.

Nous présentons l'examen psycholinguistique de Zoe enutilisant le profil psycholinguistique (Figure 1). Cepen-dant, nous ne couvrons pas chaque question en détail etnous ne suivons pas toujours l'ordre des questions sur leprofil. Pour avoir de l'information supplémentaire surl'établissement du profil, le lecteur peut se référer àStackhouse & Wells (1997).

◆ Etude de l'entrée

A. L'enfant a-t-il une perception auditive adéquate?

Les tests audiométriques n'ont décelé aucune perte auditive chez Zoe

B. L'enfant peut-il discriminer les sons de la parole sans se référer auxreprésentations lexicales?

Ce niveau de traitement d'entrée peut être analysé par la recherche descapacités à discriminer des différences entre des non-mots. Dans ce cas, l'en-fant ne peut pas utiliser les représentations phonologiques des mots stockées etexistantes. Zoe devait déterminer si des paires de non-mots étaient identiquesou non, par exemple BEKSET - BESKET ; SPODER - SPODER. Zoe a obtenu8 7 , 5 % de réponses correctes, ce qui est dans la gamme des résultats obtenuspar les enfants de 7 ans avec un développement normal (Stackhouse & We l l s ,1997).

◆ Etude des représentations

E. Les représentations phonologiques de l'enfant sont-elles exactes ?

L'évaluation ici a comporté une épreuve de décision lexicale sur image.L'examinateur présente une image, par exemple d'un poisson. L'examinateurprononce à haute voix ou bien le mot correct (FISH), ou bien une versioninexacte (FIS). L'enfant doit décider si le nom est correct ou non. Pour réussir,l'enfant doit comparer la forme qu'elle entend avec sa propre représentation pho-nologique stockée de ce mot. Si sa représentation est inexacte, l'enfant peut

Fig. 1 : Modèlepsycholinguistique

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accepter des prononciations erronées, comme FIS. Zoe a fait trois erreurs surdix mots, acceptant ['kæɹə,fæn] (CARAVAN), ['hεl,gɒptə] (HELICOPTER),['pæwəʃut] (PARACHUTE). Ces résultats indiquent que pour plusieurs motsZoe a des représentations inexactes.

La conscience phonologique est la capacité de réfléchir sur la structurephonologique d'un mot ou d'une expression et de la manier. La conscience de larime est normalement l'une des capacités métaphonologiques qui se développele plus précocement et qui est indépendante de l'acquisition de la langue écrite.Maintenant nous présentons les résultats de quatre épreuves de rime. Pour com-parer les résultats de Zoe, nous avons les résultats de 100 enfants de 3 à 7 ansavec un développement normal.

F. L'enfant est-il conscient de la structure interne des représentationsphonologiques?

La capacité de Zoe à détecter la rime fut testée en utilisant trois méthodesqui n'exigent aucune réponse orale de la part de l'enfant.

1) Détection de rime - présentation orale : mots réels

Il y a trois jouets : un chien et deux ours. Le chien prononce le mot cible,par exemple BOAT. Chaque ours prononce un mot différent : BATH, COAT.L'enfant doit choisir l'ours qui a prononcé le mot qui rime avec le mot du chien.Zoe a obtenu 11 réponses correctes sur 12.

2) Détection de rime - présentation orale : non- mots

Ce test est comme le précédent, sauf qu'il utilise des non-mots, ex : POAT/ HOAT. Ici, l'enfant ne peut plus utiliser une connaissance de mots déjà stockés(processus descendant). L'enfant doit utiliser uniquement les processus ascen-dants d'analyse du signal acoustique. Zoe a obtenu 11 réponses correctes sur 12.

3) Détection de rime - présentation visuelle

L'enfant doit choisir entre deux illustrations (ex : BOAT, GLOVE) cellequi rime avec une troisième (coat). Aucun des trois mots n'est prononcé parl'examinateur, de sorte que l'enfant est obligé (i) d'accéder à ses propres repré-sentations phonologiques pour les trois mots (processus descendant) ; (ii) de lescomparer l'une à l'autre ; (iii) et d'identifier les deux mots qui riment. On pré-sume que cette tâche implique la segmentation des mots en ces constituantsphonologiques « attaque » et « rime ». Zoe a obtenu 12/12 réponses correctes. Ilsemble que Zoe n'a pas de gros problème de segmentation des mots dans « l'at-taque » et la « rime », ce qui suggère une réponse affirmative à la question :F. L'enfant est-il conscient de la structure interne des représentations phonolog i q u e s ?

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Les résultats des tests de détection de rime indiquent aussi une réponseaffirmative à la question : D. L'enfant peut-il discriminer entre des mots réels ?Cependant nous avons observé que dans la troisième épreuve, (détection de rime- présentation visuelle) Zoe a vocalisé les mots en décidant sa réponse - commeles enfants plus jeunes (4 - 6 ans) dans l'étude contrôle. La plupart des enfantsde 7 ans a cessé de vocaliser. Quoique elle n'ait pas fait de fausses réponses, ilest possible que cette épreuve reste assez difficile pour Zoe.

H. L'enfant peut-il manier des unités phonologiques?

Un enfant peut être conscient du fait qu'un mot est composé d'unités pho-nétiques, et le prouver dans des tests de détection ; mais il peut toutefois avoirdes difficultés à manier ces unités en production. On a demandé à Zoe de pro-duire une succession de rimes à partir de 12 mots cibles prononcés par l'exami-nateur, par exemple : RING, LIGHT, PURSE. Elle a eu 20 secondes pourrépondre à chaque mot. Zoe a donné une première réponse exacte pour 8/12mots cibles (groupe contrôle, 7 ans : moyenne 11,4). Total de réponsescorrectes : Zoe : 20 ; groupe contrôle (moyenne) : 40. Pour six mots cibles, Zoen'a pu produire aucune rime. Une de ses meilleures réponses fut pour le motcible ring :

RING : " ring ping ting lingring ping [fə'lε] booring ping ['tli] boo "

Elle a bien commencé, mais fut incapable de soutenir cette stratégie pen-dant les vingt secondes. Cet exemple montre aussi que Zoe a répété le mot cibleà des intervalles réguliers. Quoique cette stratégie soit typique d'enfants plusjeunes, nous ne l'avons rencontrée que dans 15 pour cent des enfants de 7 ans(les plus âgés dans notre étude de contrôle).

Pour réussir à ce test de production de rime il faut (1) segmenter le motprésenté en « attaque » et « rime » ; (2) manier ces unités phonologiques pourcréer de nouveaux programmes moteurs ; (3) produire ces mots. Les réponsesde Zoe aux tests de détection suggèrent qu'elle est capable d'exécuter (1). Sesréponses au test de production indiquent qu'elle est incapable d'exécuter (2), etque par conséquent elle ne peut pas produire les réponses correctes (3).

◆ Etude de la sortie

G. L'enfant a-t-il accès aux programmes moteurs corrects?

Zoe a bénéficié d'une rééducation orthophonique depuis l'âge de 2 ans10 mois, jusqu'à 6 ans, pour ses difficultés de langage et de parole (Wells &

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Stackhouse 1992, Stackhouse & Wells, 1997). Une grande part du travail réédu-catif a été consacrée à l'articulation. A l'âge de 9 ans 8 mois, elle a une paroleintelligible, mais avec quelques difficultés résiduelles, surtout avec lesséquences complexes de consonnes, par exemple : QUEEN /kwin/ → [kjwɔin] ;PUMPKIN / 'pÃm p k n/ → [ ' pà ŋkn ] ; INSTRU C T E D /n ' s t rÃ, td /→[nds'dÃk,td]. La production exacte d'un mot exige que Zoe accède à partir deson lexique au programme moteur stocké pour ce mot, et puis qu'elle le pro-nonce. Ainsi l'erreur peut provenir du fait d'un programme moteur inexact ausein du lexique.

I. L'enfant peut-il prononcer correctement les mots réels?

Les épreuves de répétition de mots réels constituent un test assez pur desprogrammes moteurs pour les mots déjà stockés au lexique. Zoe a dû répéter desmots complexes mais familiers, ex : HELICOPTER, FEATHER, CROCODILE,S U P E R M A R K E T. Zoe a obtenu 17/24 (Groupe contrôle, 6 ans : 20/24).Quoique Zoe ait fait quelques erreurs, elles étaient peu significatives du point devue articulatoire, par exemple CROCODILE → ['kwɒkədail], AQUARIUM →[ə’'kwεəυiən].

J. L'enfant peut-il émettre une parole sans se référer aux représentationslexicales?

Nous avons utilisé la répétition des non-mots pour évaluer les capacitésde production de termes nouveaux ou non familiers chez Zoe. Les non-mots ontété appariés aux mots réels du test précédent, afin de comparer les compétencesentre la répétition des mots réels et des non-mots. Des difficultés plus impor-tantes dans le cas des non-mots pourraient relever d'un déficit d'assemblage desnouveaux schémas moteurs. Zoe a obtenu 8/24 (groupe contrôle, 6 ans : 11/24).Voici des exemples de ses erreurs : /'lεw,gɒbdə/ → ['lεV,glɒbdə] ; /'vεθə/ →[ ' fε ð ə] ; /'glɒgətail/ → [ ' g lɒdətail] . /'zubə, bɑgd/ → [ ' z u bə, gɑe dd ] ,['zubə,gɑvd], ['zubə,gVɑvd]. Zoe manifeste sans doute des difficultés de pro-grammation des schémas moteurs ; elle a du mal à élaborer des programmesmoteurs exacts pour les mots complexes en particulier quand ils sont nouveauxpour elle.

K. L'enfant peut-il produire des sons adéquats ?

Nous avons déjà remarqué que Zoe peut émettre les sons individuels de lalangue anglaise, par exemple dans les mots peu complexes.

Nous avons maintenant un profil assez complet pour Zoe (Figure 2). '✔'indique qu'il n'y a pas de problème à ce niveau de traitement ; 'X' indique qu'il y

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a un problème ; 'XXX' indique que le problème est assez grave. Cette évaluationa été faite sur la base d'une comparaison avec des enfants ayant un développe-ment normal.

Souvent il n'est pas possible d'interpréter la signification des résultatsd'une tâche isolée. Par exemple, Zoe n'a pas réussi la tâche de production derime. On peut construire deux hypothèses alternatives : (1) l'origine de seserreurs est qu'elle ne peut pas segmenter les mots en « attaque » et « rime » ; (2)la cause de ses erreurs est qu'elle a du mal à assembler les schémas moteursnouveaux. Si nous n'avons que les résultats de l'épreuve de production de rime,nous ne pouvons pas choisir entre les deux hypothèses. Mais nous avons aussiles résultats des tâches de détection de rime. Pour réussir avec ces tâches dedétection, il faut segmenter les mots dans « attaque » et « rime ». Zoe a eu peude difficultés avec les trois tâches de détection de rime. Ainsi nous pouvonsabandonner l'hypothèse (1) et accepter l'hypothèse (2.).

Cette conclusion est soutenue par l'évidence des difficultés que Zoe a euesavec la répétition des non-mots, ex : /' z u bə, bɑgd/ → [' z u bə, gɑdd] ,['zubə,gɑvd], ['zubə,gυɑbd]. Pour réussir à cette épreuve, il faut (1) discrimi-ner et identifier les sons dans le mot nouveau /'zubə,bɑgd/ ; (2) assembler unschéma moteur pour la production du mot, en utilisant les syllabes et les gestesarticulatoires (Kent 1997) déjà stockés. Nous avons déjà vu que Zoe peut discri-miner des non-mots ; ainsi il apparaît que le problème est plutôt d’assembler unn o u veau schéma moteur. Ainsi il apparaît que les deux tâches où Zoe a la plusgrande difficulté (production de rime ; répétition de non-mots) ont une étape detraitement en commun : l'assemblage des nouveaux programmes moteurs.

◆ Relation entre langage oral et langage écrit

Nous avons déjà vu que Zoe a du mal à lire ou à orthographier les motsnouveaux. Maintenant nous allons considérer la relation entre ce déficit spéci-fique de traitement de parole chez Zoe, et ses problèmes de lecture et d'ortho-graphe. Pour réussir à l'orthographe il faut (1) entendre le mot ; (2) le segmenteren ses constituants phonologiques ; (3) choisir les lettres qui correspondent auxphonèmes segmentés, (4) puis rassembler les lettres dans l'ordre correct. Pourfaire cela, il est évidemment très utile d'être capable de retenir le mot prononcéen mémoire à court terme. Ceci dépend de la capacité à répéter le nouveau mot(à haute voix, en chuchotant, ou même silencieusement). Pour répéter un nou-veau mot, il faut d'abord le segmenter dans ses constituants phonologiques ouphonétiques. Nous avons déjà vu que Zoe est capable de segmenter les mots, dumoins à un certain niveau. Ensuite il faut rassembler ces constituants en un nou-

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Figure 2

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veau programme moteur. - mais nous avons déjà vu que cette étape de traite-ment présente des difficultés importantes pour Zoe. Il semble donc que ce défi-cit est impliqué dans ses difficultés avec l'orthographe, qui deviennent d'autantplus prononcées que les mots sont longs.

Pour lire un nouveau mot (ou un non-mot), l'enfant doit (1) établir la cor-respondance entre les graphèmes du mot et les phonèmes (ou autres constituantsphonologiques, ex : attaques, rimes) stockés dans la mémoire à long terme ; (2)utiliser ces constituants phonologiques pour assembler un nouveau programmemoteur ; (3) énoncer le mot à haute voix. Les erreurs de lecture de Zoe montrentqu'elle a des difficultés à signaler le nombre correct de syllabes et à arranger lesphonèmes dans l'ordre correct.

En conclusion, les résultats de l'examen psycholinguistique indiquent qu'àl'âge de 9 ans 8 mois, Zoe n'a pas encore atteint l'étape métaphonologique,caractérisée par la conscience phonologique, que la plupart des enfants attei-gnent à l'âge de 4 ou 5 ans (Stackhouse & Wells 1997). L'analyse de ses erreursde lecture et d'orthographe indique qu'elles sont liées aux déficits sous-jacentsde traitement phonologique (cf. Vance, Stackhouse & Wells, 1998). Nous pro-posons que des connexions significatives et précises entre les déficits de langageécrit et les déficits de langage oral peuvent être relevées par une approche systé-matique lors de l'évaluation du traitement de la parole, en utilisant, par exemple,le profil et le cadre de questions que nous avons présentés ici.

REFERENCESC O N S TABLE, A., STACKHOUSE, J., WELLS, B. (1997) Developmental word finding difficulties and pho-

nological processing : the case of the missing handcuffs. Applied Psycholinguistics, 18, 4 507-536. KENT, R. (1997) Gestural Phonology : basic concepts and applications in speech-language pathology.

In Ball, M.J. & Kent, R.D. (eds) The New Phonologies : Developments in Clinical LinguisticsSingular pp 247-268.

SNOWLING, M., STOTHARD, S.E. & MCLEAN, J. (1997) The Graded Nonword Reading Test. Bury StEdmunds : Thames Valley Test Company.

STACKHOUSE, J. & WELLS, B. (1997) Children's Speech and Literacy Difficulties : A PsycholinguisticFramework. Whurr Publishers.

VANCE, M., STACKHOUSE, J & WELLS, B. (1998) Examen psycholinguistique des troubles du lan-gage oral et du langage écrit chez l'enfant. In : DJ Duche, CL Gerard, J Metellus, J Roustit (eds)Entretiens d'orthophonie, Paris. Expansion Scientifique Française, Paris. p103-110. ISBN 2-7046-1566-X.

WECHSLER, D. (1993). Wechsler Objective Reading Dimensions (WORD). New York : PsychologicalCorporation.

WELLS, B. & STACKHOUSE, J (1992) Application d'un cadre psycholinguistique à l'évaluation et l'in-tervention orthophoniques auprès d'enfants présentant des troubles developpementaux de lan-gage. In Kremin, H. & Leclerq, M. (eds) Approche neuropsychologique de l'enfant. Société deNeuropsychologie de Langue Française. pp 131-142.

WELLS, B. (1994) Junction in developmental speech disorder : a case study.Clinical Linguistics & Pho-netics 7 1-25.

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Sensibilité phonologique et traitementmétaphonologique :compétences et défaillances

Monique Plaza

R é s u m éLes compétences phonologiques peuvent être définies comme primaires et secondaires. Lescompétences primaires sont de l'ordre de la sensibilité phonologique et elles pré-existent àl'apprentissage de la lecture. Les compétences métaphonologiques, qui permettent desmanipulations phonémiques complexes, sont secondaires à l'acquisition de la lecture. L'ar-ticle ici présenté a deux objectifs. D'une part, il analyse l'évolution et la variabilité des com-pétences phonologiques et métaphonologiques chez des enfants pré-lecteurs, lecteursdébutants et lecteurs confirmés. D'autre part, il décrit deux profils de dysfonctionnementphonologique, chez un enfant et un adulte dyslexiques.

Mots clés : sensibilité phonologique, traitement métaphonologique, dyslexie.

Phonological sensitivity and metaphonological processing : strengthsand weaknesses

AbstractThe phonological abilities include primary and secondary skills. Primary skills which involvephonological sensitivity are developed in children before they acquire reading skills. Secon-dary skills which involve metaphonological processing are the result of the development ofreading skills. This article has two objectives: 1) to analyze the development and variabilityof phonological and metaphonological skills in non-reading children, beginning readers andfluent readers, and 2) to describe two profiles of phonological impairment, that of a dyslexicchild and of a dyslexic adult.

Key Wo r d s : phonological sensitivity, metaphonological processing, dyslexia.

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L a notion de compétence phonologique a pris, ces trente dernières années,une fonction fondamentale dans les théories de l'acquisition, par l'enfant,de la langue écrite. Pour apprendre à déchiffrer d'une manière précise les

mots d'une langue de type alphabétique, et accéder à leur sens, l'enfant doit éta-blir des correspondances entre les graphèmes et les phonèmes, établir desséquences très complexes d'association entre ces unités. La compétence phono-logique est impliquée dans cette activité dite d'« assemblage » dans la mesureoù elle permet à l'enfant de prendre distance par rapport à la langue, de l'analy-ser, et ainsi d'accéder à des unités abstraites peu prégnantes sur le plan perceptif.Le jeune enfant traite évidemment l'unité phonémique bien avant d'apprendre àlire (il distingue très aisément un bateau et un barreau, mots qui diffèrent par unseul phonème), mais il ne se représente et ne manipule consciemment le pho-nème que lorsqu'il apprend à lire.

La notion de compétence phonologique est contemporaine de la linguis-tique chomskyenne et jakobsonienne, des travaux neuropsychologiques sur lestroubles de la lecture acquis chez l'adulte après lésion cérébrale, et d'uneapproche pédagogique accordant une place prépondérante à l'acquisition dudécodage grâce à la maîtrise des règles de transcription graphème-phonème.Cette approche pédagogique, qui s'est inscrite en faux contre la méthode dite« globale » de la lecture, a souligné l'importance pour l'enfant de construire lui-même la signification de l'écrit en assimilant les phonèmes et les graphèmes,instruments de valeur abstraite constituant un code de référence [Galifret-Gran-jon, 1967]. L'accès aux règles de fonctionnement, permettant l'auto-intelligibi-lité de l'écrit, est posé comme un préalable nécessaire avant que ne s'instaurel'appréhension globale, directe et lexicale, du mot. L'enfant doit dans le premiertemps de l'apprentissage acquérir les règles de décodage, plutôt que chercher à« deviner » les mots sur la base d'indices partiels [Girolami-Boulinier, 1966].

Monique PLAZAChargée de recherches CNRSNeuropsychologie clinique de l'enfantHôpital de la SalpêtrièreBâtiment Pharmacie, 3ème étage75651 Paris cedex 13Tel : 01 42 16 24 82 et 01 42 16 22 04Fax : 01 53 79 08 25E-mail : [email protected]

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La notion de conscience phonétique était centrale dans les élaborationsthéoriques et pédagogiques proposées notamment par la revue R é é d u c a t i o northophonique, autour de Suzanne Borel-Maisonny. Selon ces théories, l'enfant,pour apprendre à lire, doit dans un premier temps saisir, reconnaître, évoquer etémettre correctement les sons de la parole, c'est à dire le système phonétique desa langue, avant de découvrir la symbolisation des phonèmes constituée par leslettres de l'alphabet. La correspondance écrit/oral n'est possible que si l'enfantadmet la symbolisation du phonème par une lettre ou un groupe de lettres, et lasymbolisation du groupe de phonèmes (syllabes) par un groupe de signes. Dansce contexte théorique, l'examen phonétique prenait une place centrale dans touteapproche des apprentissages lexiques. L'examen préconisé par Suzanne Borel-Maisonny mettait en jeu simultanément trois facteurs : le système phonéma-tique, le système graphématique, et la correspondance entre ces deux systèmes.Les recherches effectuées dans cette optique théorique sur le développementlexique de l'enfant tentaient de préciser, en élaguant la dimension de la signifi-cation, les mécanismes élémentaires permettant l'acquisition de la lecture [Pia-cere, 1969]. Les troubles dyslexiques apparaissaient comme une difficulté fon-damentale, non réductible à un simple mauvais apprentissage, dansl'établissement de ces mécanismes structurels [Borel-Maisonny, 1967].

Ces quinze dernières années, une question a suscité d'importantes contro-verses. Il s'agissait de savoir si la compétence phonologique est une conditionnécessaire à l'acquisition de la lecture, si elle en est le corrélat, ou si elle en estla conséquence. Comme l'a très clairement montré l'école de Bruxelles pour cequi concerne la langue française [Alegria et Morais, 1979 ; Alegria, Pignot etMorais, 1982 ; Bertelson, 1986 ; Content, 1984 et 1985 ; Morais, Cary, Alegriaet Bertelson, 1979 ; Morais, 1994] la compétence phonologique comporte deuxdimensions. La première est de l'ordre de la sensibilité phonologique et elleapparaît chez les enfants avant qu'ils n'apprennent à lire. La sensibilité phonolo-gique, qui s'appuie fortement sur des indices perceptifs, permet par exemple lejugement de rimes, la discrimination auditive de phonèmes, la manipulation desyllabes. Elle semble être un élément qui facilite l'apprentissage de la lecture,dans la mesure où elle témoigne d'une bonne intégration phonétique, permettantà l'enfant de s'intéresser à la forme de la langue. La seconde compétence, dontl'on rend compte le plus souvent par les notions de « conscience phonologique »ou de « traitement métaphonologique », apparaît essentiellement après la maî-trise du code alphabétique et de la stratégie d'assemblage par l'enfant. Elle luipermet d'accéder à un traitement abstrait des sons du langage, et de manipulerles unités discrètes que sont les phonèmes.

Les enfants présentant des troubles du langage oral et écrit manifestentsouvent des défaillances aux épreuves phonologiques, défaillances qui peuvent

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affecter les niveaux primaires (sensibilité phonologique) et/ou secondaires (pro-cessus métaphonologiques) de la compétence phonologique [Plaza, 1997 et1998]. Dans le cadre d'une langue alphabétique comme la nôtre, compétencesphonologiques et maîtrise de la lecture sont en interaction étroite en début d'ap-prentissage, notamment lors de l'acquisition de la stratégie d'assemblage. Enconséquence, le constat d'une défaillance phonologique lorsque l'enfant est pré-lecteur, ou lecteur en difficulté, peut amener à préconiser un entraînement por-tant sur les secteurs phonologiques les plus déficients. C'est le sens du travailréalisé, pour leur mémoire de certificat d'orthophonie, par Béatrice Primot etNasenam Issoufaly [Primot et Issoufaly, 1994], qui ont édité une méthode d'en-traînement de la conscience phonologique à l'usage des orthophonistes franco-phones [Primot et Issoufaly, 1996].

Parler de « d é fa i l l a n c e s » implique de connaître l'évolution des compé-tences phonologiques chez des enfants « t é m o i n s » ou « c o n t r ô l e s ». Ce trava i ld'étalonnage est en cours, dans les Nouvelles Epreuves pour l'examen du langage,qui comportent des épreuves phonologiques [Chev r i e - M u l l e r, Plaza et al, àparaître]. Dans l'étude présente, nous avons deux objectifs. D'une part, celui derendre compte de l'évolution et de la variabilité des compétences phonologiqueset métaphonologiques chez des enfants pré-lecteurs, lecteurs débutants et lecteursc o n firmés. D'autre part, celui de définir deux profils de dysfonctionnement pho-nologique que nous avons pu observer chez un enfant et un adulte dyslex i q u e s .

◆ Méthode

Nous appuyant sur les travaux réalisés par différents auteurs [Alegria etMorais, 1979 ; Bruck et Treiman, 1990 ; de Gelder et Vroomen, 1991 ; Lecocq,1991], nous avons construit deux protocoles qui tiennent compte (a) du fait queles compétences phonologiques comportent deux niveaux différents (la « sensi-bilité phonologique » et « le traitement métaphonologique ») et (b) du fait queles activités les plus complexes (le traitement métaphonologique) ne se dévelop-pent pleinement que lorsque l'enfant est lecteur.

Le premier protocole, destiné à des enfants non-lecteurs ou lecteurs,comporte cinq épreuves mettant en jeu la sensibilité phonologique. Ilcomprend : (a) une épreuve de jugement de rime portant sur 20 paires de mots (« craie-

baie », « pain-mie »). L'enfant doit dire si les mots riment, en répondant paroui ou par non.

(b) deux épreuves de discrimination auditive du phonème « S » en position ini-tiale et du phonème « F » en position centrale, sur des logatomes tels que

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« PFI » ou « BOS » (en position initiale l'enfant doit dire si le mot com-mence par le son S, en position centrale, si le mot contient le son F aumilieu). L'enfant doit répondre par oui ou par non.

(c) une épreuve d'inversion de logatomes bi-syllabiques (l'enfant doit inverserles segments : « pati » devient « tipa »).

(d) une épreuve d'identification du phonème initial, portant sur cinq voyellessyllabiques et sur cinq consonnes qui, par définition, ne peuvent qu'être unepartie de la syllabe. L'enfant doit dire quel est le premier son du logatome« alac » ou du logatome « milu ».

De ces cinq épreuves, la dernière est la plus difficile puisqu'elle obligel'enfant à segmenter le mot pour en extraire et en produire le premier son.Lorsque le phonème initial est une voyelle syllabique, le traitement est plusfacile que lorsqu'il s'agit d'une consonne. La voyelle syllabique constitue ene ffet une unité traitée de façon précoce par les enfants. En contraste, laconsonne ne peut s'extraire de la syllabe sans la mise en jeu d'une compétenceplus abstraite, détachée de la prégnance acoustique : la compétence phoné-mique.

Le second protocole, destiné à des enfants lecteurs, comprend, outre cescinq épreuves, cinq tâches métaphonologiques de segmentation et de manipula-tion phonémique : (a) une épreuve d'inversion phonémique, l'enfant étant invité à inverser les seg-

ments de logatomes monosyllabiques (« im » devient « mi »).(b) Une épreuve d'élision du phonème en position initiale. L'enfant est invité à

dire ce que devient le logatome « pouk » sans le p initial.(c) Une épreuve d'élision du phonème en position finale. L'enfant est invité à

dire ce que devient le logatome « pac » sans le c final.(d) Une épreuve d'élision du phonème en position centrale. L'enfant est invité à

dire ce que devient le logatome « ska » sans le k médian.(e) Une épreuve d'ajout d'un phonème en position initiale. L'enfant est invité à

dire ce que devient le logatome « amo » si on lui ajoute un p au début.

Ces deux protocoles ont été proposés à deux populations différentes d'en-fants témoins. Le protocole de sensibilité phonologique a été proposé à 100enfants scolarisés en grande section de maternelle, à la fin de l'année scolaire(Mai-Juin). Les 100 enfants constituant l'échantillon de référence avaient tousété, à trois ans six mois, l'objet d'un dépistage à l'aide du Questionnaire Lan-gage et comportement 3 ans 1/2 [Chevrie-Muller et al, 1994]. Selon les critèresde ce questionnaire, ils ne présentaient aucune difficulté de langage ni de com-portement. Ces enfants ne savaient pas lire, mais une épreuve de reconnaissance

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des 52 graphies minuscules et majuscules que nous leur avons proposée mon-trait une compétence alphabétique variable (étendue de 0 à 52, moyenne de24,3, soit 46,7 %, écart-type de 16,6). Une analyse de variance prenant encompte la capacité alphabétique a cependant montré qu'elle n'intervenait, defaçon significative, dans aucune des épreuves de sensibilité phonologique.

Le second protocole a été proposé à 100 enfants : 20 enfants lecteurs débu-tants (ayant accompli quatre mois d'apprentissage de la lecture), 20 enfants end é but de CE1 (après un an révolu d'apprentissage), 20 enfants en début de CE2,20 enfants en début de CM1 et 20 enfants en début de CM2. Sélectionnés par lesenseignants, ces enfants ne présentaient aucune difficulté d'apprentissage dansl'acquisition de la lecture. La compétence lexique de ces enfants a été en outreé valuée par une épreuve de reconnaissances de lettres, une épreuve d'identifi c a-tion de graphèmes complexes, et une épreuve de lecture de logatomes. Lese n fants de C.P. maîtrisaient les correspondances lettres-sons à hauteur de 84,8 % ,i d e n t i fiaient les graphèmes complexes à hauteur de 35 %, et lisaient 48,5 % desl o gatomes proposés. Dès le CE1, les enfants maîtrisaient l'ensemble des épreuve sà plus de 95 %. Le recueil des données du deuxième protocole a été l'objet d'unmémoire pour le certificat d'orthophonie [Ramel et de Maistre, 1995].

◆ Compétences phonologiques et métaphonologiques d'enfants sanstrouble d'apprentissage

Dans un premier temps, nous comparons les scores obtenus par les enfa n t spré-lecteurs, lecteurs débutants (après 4 mois de C.P.) et lecteurs confi r m é s( d é but de CM2) au protocole de sensibilité phonologique. Dans un deuxièmetemps, nous comparons les résultats obtenus par chaque niveau de classe pri-maire (après 4 mois de CP, en début de CE1, CE2, CM1 et CM2) d'abord au pro-tocole de sensibilité phonologique puis au protocole métaphonologique.

(1) La sensibilité phonologique préexiste à l'apprentissage de la lec-ture, mais elle s'automatise avec la lecture

Ce tableau montre que les enfants non-lecteurs maîtrisent la plupart desépreuves de sensibilité phonologique qui leur ont été proposées. Les épreuvesles plus difficiles sont celle d'inversion syllabique (qui requiert une manipula-tion de segments mettant en jeu la mémoire de travail auditivo-verbale) et celled'identification de la consonne initiale, qui requiert la segmentation d'un élé-ment peu perceptible sur le plan acoustique. Nous observons que les enfants lec-teurs débutants obtiennent des scores très proches de ceux des non-lecteurs, saufen ce qui concerne l'identification de la consonne initiale, qui est pratiquementmaîtrisée après quatre mois d'apprentissage de la lecture.

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En contraste, les enfants ayant quatre années pleines d'apprentissage de lalecture (début de CM2) ont une maîtrise parfaite de toutes les épreuves. Cesrésultats confirment que la sensibilité phonologique se manifeste chez l'enfantavant qu'il n'apprenne à lire, mais que cette compétence se développe et s'auto-matise pleinement après la maîtrise de la stratégie d'assemblage par l'enfant.

(2) La sensibilité phonologique se stabilise très rapidement au coursdu cycle primaire

Epreuves Enfants Lecteurs débutants Lecteurs confirmésnon lecteurs (après 4 mois de CP) (en début de CM2)

Jugement de rime 15.99 (79,9 %) 14.7 (73,5 %) 19.2 (96 %)

Discriminationconsonne initiale 9.61 (80 %) 10.6 (88,3 %) 11.9 (99,1 %)

Discriminationconsonne médiane 9.85 (82 %) 10.6 (88,3 %) 11.8 (98,3 %)

Inversion syllabique 6.62 (66,2 %) 7.5 (75 %) 9.7 (97 %)

Identificationdu phonème initial 7.14 (71,4 %) 8.6 (86 %) 9.8 (98 %)(e) voyelles : 4.7 (94,6 %) 4.8 (97 %) 5 (100 %)(f) consonnes : 2.4 (49,4 %) 4.8 (97 %) 4.9 (98 %)

Tableau 1.Sensibilité phonologique chez les enfants pré-lecteurs,

lecteurs débutants et lecteurs confirmés

Tableau 2.Evolution de la sensibilité phonologique du CP au CM2

Epreuves C.P. CE1 CE2 CM1 CM2

Jugement 14.7 (73,5 %) 18.2 (91 %) 19.1 (95,5 %) 19 (95 %) 19.2 (96 %)de rime 3.4 1.8 0.9 1.8 1.8

Discri. Phon. 10.6 (88,3 %) 11.8 (98,3 %) 11.7 (97,5 %) 11.8 (98,3 %) 11.9 (99,1 %)initial 1.5 0.36 0.5 0.4 0.2

Discri. Phon. 10.6 (88,3 %) 11.9 (99,1 %) 11.8 (98,3 %) 11.8 (98,3 %) 11.8 (98,3 %)médian 1.8 0.36 0.6 0.5 0.4

Inversion 7.5 (75 %) 9.1 (91 %) 9.5 (95 %) 9.5 (95 %) 9.7 (97 %)syllabique 2.4 1.1 0.8 0.8 0.5

Identifi. du 8.6 (86 %) 9.9 (99 %) 9.7 (97 %) 10 (100 %) 9.8 (98 %)phomène initial 1.6 0.3 0.5 0.4

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Les résultats montrent que les épreuves de sensibilité phonologique sestabilisent après un an d'apprentissage de la lecture, parallèlement au fait que lesenfants maîtrisent les bases de la stratégie d'assemblage (comme le montrentleur connaissance des règles de correspondances graphèmes-phonèmes, et leursscores en déchiffrage de logatomes).

(3) Les compétences métaphonologiques se développent en parallèle àla stratégie d'assemblage, et elles sont maîtrisées après un an plein d'ap-prentissage de la lecture

Tableau 3Evolution des compétences métaphonologiques du CP au CM2

Epreuves C.P. CE1 CE2 CM1 CM2

Elision 10.5 (50 %) 18.8 (94 %) 18.7 (93,5 %) 19.5 (97,5 %) 19.7 (98,5 %)initiale 5.7 1.8 1.1 0.8 0.4

Elision 3.3 (27,5 %) 10.9 (90,8 %) 10.9 (90,8 %) 11 (91,6 %) 11.7 (97,5%)médiane 3.5 1.2 1.5 1.2 0.5

Elision 10.3 (51,5 %) 18.5 (92,5 %) 19.1 (95,5 %) 18.6 (93 %) 19.5 (97,5 %)finale 5.6 4.5 1 1.4 0.8

Inversion 5.7 (57 %) 9.3 (93 %) 9.7 (97 %) 9.8 (98 %) 9.9 (99 %)phonémique 3.7 1.5 0.7 0.3 0.3

Ajout 6.6 (38,8 %) 14.1 (82,9 %) 15.2 (89,4 %) 15.1 (88,8%) 16.3 (95,8 %)initial 3.2 2.2 0.8 1.5 0.7

Nous constatons que les enfants lecteurs débutants traitent de façon par-tielle les tâches de segmentation et de manipulation phonémique, l'épreuve lamieux réussie étant l'inversion phonémique, l'épreuve la plus difficile étant l'éli-sion centrale. Après un an d'apprentissage de la lecture, toutes les tâches sonttraitées avec efficacité. Cependant, l'élision de la consonne centrale et l'ajoutd'un phonème en position initiale ne sont pleinement acquis que chez les enfantsentrant en CM2.

◆ Discussion

Ces études exploratoires qui, rappelons-le, ont un statut expérimental,montrent que la sensibilité phonologique préexiste à l'apprentissage de la lectureet qu'elle se développe en parallèle à des éléments tels que la maîtrise de la stra-tégie d'assemblage par l'enfant et le développement de sa maturité. Les tâchesphonologiques sont, en effet, très complexes sur le plan cognitif. Elles requiè-

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rent de la part de l'enfant attention et concentration, mise en jeu de la mémoireimmédiate et de la mémoire de travail, compréhension de consignes portant surla forme de la langue. La maturité intellectuelle, linguistique et cognitive del'enfant ne peut que faciliter l'épanouissement de cette compétence.

Les résultats obtenus aux épreuves métaphonologiques par les enfants decycle primaire sont comparables à ceux obtenus par l'équipe de Bruxelles dansle cadre de la batterie BELEC [Mousty et al, 1994]. Les auteurs notent, en effet,que les épreuves proposées (inversion syllabique et phonémique, soustractionsyllabique et phonémique, acronymes auditifs) sont très bien réussies (scoresautour de 90 %) dès l'âge de 7 ans et demi.

◆ Défaillances phonologiques chez deux sujets dyslexiquesphonologiques

Nous analysons ici les profils de performance phonologique de deuxsujets dyslexiques, en rappelant que la plupart des épreuves proposées sont maî-trisées vers 6 ans (pour ce qui concerne la sensibilité phonologique) ou vers 8ans (pour ce qui concerne le traitement métaphonologique).

S.G. est une jeune femme de 25 ans qui présente des séquelles de dys-lexie-dysorthographie de type phonologique. Aimant beaucoup lire, elle a déve-loppé une lecture rapide et efficace, sémantique et inférentielle. Son ortho-graphe d'usage est globalement efficace. En revanche, elle a le plus grand mal àorthographier des noms propres inconnus d'elle, à situer les lettres les unes parrapport aux autres, à chercher des mots dans le dictionnaire. En transcription delogatomes, on note des confusions persistantes p/b, c/t, v/p, t/d. Les épreuvesphonologiques aboutissent à des résultats dissociés. D'une part, les tâches desegmentation phonémique (du phonème initial, du phonème central, du pho-nème final), d'inversion phonémique et d'ajout du phonème initial sont bienréussies, avec cependant des petites erreurs de type phonétique (p + amo =bamo, t + rep = drep, ti à l'envers devient id). En contraste, S.G. est en difficultélors de l'épreuve de rimes, et surtout lors de l'épreuve de discrimination du pho-nème central. Elle n'« entend » pas le son f dans les logatomes CCV « pfi »,« tfé », et « cfa » (alors qu'elle a bien réussi les deux épreuves de discriminationphonémique proposées par ailleurs). La jeune femme dit s'être appuyée sur sesconnaissances orthographiques pour traiter les épreuves métaphonologiques(elle se représentait visuellement les mots). Ses difficultés lors de la tâche dediscrimination auditive du phonème central, et lors de l'épreuve de rimes, mon-trent une altération de la sensibilité phonologique, qui persiste en dépit d'unebonne compétence métaphonologique. On peut faire l'hypothèse que cette alté-

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ration persistante de la sensibilité phonologique, qui n'a pas entravé le dévelop-pement des compétences lexiques et orthographiques, a cependant des effetsrésiduels localisés qui gênent la jeune femme lors de certaines de ses activités.

C.H. est un garçon de 12 ans qui a connu un développement précoce etharmonieux du langage oral. Il présente une dyslexie-dysorthographie sévèreaffectant à la fois l'assemblage et l'adressage. La lecture de logatomes et de motsirréguliers est très déficiente, et la transcription d'une dictée montre des difficul-tés majeures en phonétique, en usage et en grammaire. Les épreuves phonolo-giques aboutissent à des résultats dissociés. D'une part, C.H. est très à l'aise danstoutes les épreuves de sensibilité phonologique pour traiter le jugement de rimeet pour discriminer des phonèmes initiaux et centraux. En revanche, il parvient àsupprimer le phonème initial avec 25 % d'erreurs, le phonème final avec 50 %d'erreurs, il fait 50 % d'erreurs lors de l'addition du phonème initial, et il ne par-vient pas du tout à supprimer le phonème central. Ses erreurs lors de la manipu-lation des phonèmes sont de type séquentiel : C.H. inverse ou désorganise laséquence des phonèmes (p+amo = poam, i+ru = iur, d+rom = dorm). Les perfor-mances métaphonologiques sont donc en adéquation avec les difficultés rencon-trées par C.H. en lecture et en orthographe. On peut faire l'hypothèse que lesdifficultés lexiques / orthographiques et les difficultés métaphonologiques deC.H. sont interdépendantes, sans pouvoir décider ce qui, des deux éléments, estle facteur déterminant.

Précisément, afin de déterminer si les défaillances phonologiques desenfants dyslexiques sont primaires ou secondaires, causes ou conséquences deleurs difficultés de lecture, on a coutume de comparer leurs performances àcelles d'enfants de même niveau de lecture. La comparaison avec des enfants dumême âge a été écartée dans la mesure où, la maîtrise de la lecture améliorant etdécuplant les performances phonologiques, une telle comparaison ne pouvaitque défavoriser les enfants mauvais lecteurs. On a donc admis le principe de lacomparaison avec des enfants de même niveau de lecture, ce qui permettait d'ex-clure en quelque sorte l'« effet lecture ». Ce principe, bien qu'en théorie plusjuste, est lui aussi contestable. D'une part, du fait de l'ambiguïté de la notion de« niveau de lecture », l'utilisation d'un test tel que l'Alouette (auquel se réfèrentbeaucoup de chercheurs français) ne permet pas de définir sur quel mode l'en-fant recourt à l'adressage et à l'assemblage, quelle stratégie il utilise pour déchif-frer. De plus, les enfants dyslexiques font des erreurs de lecture atypiques quel'on ne retrouve pas chez les enfants « contrôle » plus jeunes. A niveau de lec-ture prétendument égal, le mode de lecture peut donc être très différent. D'autrepart, comparer les performances d'enfants dyslexiques à celles d'enfants de« même niveau de lecture », revient à comparer les performances d'enfants de

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10 ans à celles d'enfants de 7 ou 8 ans. Cette comparaison est étrange car elle netient pas compte de la maturité de l'enfant plus âgé, de ses capacités linguis-tiques en général, des connaissances qu'il a pu acquérir à l'école, des rééduca-tions dont il a bénéficié, éléments qui peuvent modifier ses performances, ycompris au niveau phonologique.

On conclura donc provisoirement que si certaines habiletés phonolo-giques (relevant de la sensibilité phonologique) peuvent être considérées commedes éléments facilitant l'apprentissage de la stratégie d'assemblage, en revancheles défaillances métaphonologiques sont davantage des corrélats ou des consé-quences des difficultés lexiques, dont elles sont en quelque sorte l'écho. Cetteconclusion, qui relativise la fonction de « pré-requis » de la conscience phono-logique, ne doit cependant pas occulter l'importance de l'entraînement phonolo-gique pour les enfants pré-lecteurs chez qui la sensibilité phonologique estdéfaillante, et pour les enfants lecteurs qui rencontrent des difficultés dans lastratégie d'assemblage.

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Déficits phonologiques et métaphonologiqueschez des dyslexiques phonologiqueset de surface

Liliane Sprenger-Charolles, Philippe Lacert, Pascale Colé

R é s u m éLes dyslexiques phonologiques présentent un déficit de la voie phonologique de lecture etles dyslexiques de surface, un déficit de la voie orthographique. Dans l'article, on examinetout d'abord si ces deux sous-types sont également représentés dans la dyslexie. Pour cela,on évalue l'efficience des voies phonologique et orthographique de 33 dyslexiques de 10ans issus d'une cohorte de 373 enfants suivis depuis l'âge de 5 ans. La comparaison avec19 normo-lecteurs de même âge permet de relever 16 dyslexiques phonologiques et 11dyslexiques de surface. Onze des 16 dyslexiques phonologiques, mais seulement 2 des 11dyslexiques de surface, résistent à la comparaison avec 19 normo-lecteurs plus jeunes maisde même niveau de lecture. Ces résultats indiquent que les dyslexiques de surface - maispas les dyslexiques phonologiques - auraient un simple retard d'apprentissage. Une autrequestion est celle de l'origine des troubles de la lecture dans ces deux sous-types de dys-lexie. Etant donnée la nature de leur déficit en lecture, les dyslexiques phonologiquesdevraient présenter des troubles en analyse phonologique et en mémoire phonologique àcourt terme. A l'inverse, les dyslexiques de surface devraient présenter des troubles demémoire visuelle qui ne leur permettraient pas de 'fixer' l'image orthographique des mots.Pour tester ces hypothèses, on compare, à différentes époques (entre 5 et 11 ans), lesrésultats des dyslexiques à ceux des normo-lecteurs dans des épreuves d'analyse phonolo-gique et non-phonologique ainsi que de mémoire à court terme phonologique et visuelle. Undéficit dans tous les tests phonologiques, mais pas dans les tests non-phonologiques, estrelevé dans le groupe des 16 dyslexiques phonologiques, tout comme dans celui des 11dyslexiques de surface, ce qui indique qu'un déficit spécifiquement phonologique serait à labase des différents types de dyslexie.

Mots clés : dyslexie phonologique, dyslexie de surface, capacités d'analyse phonologique,mémoire à court terme phonologique, mémoire à court terme visuelle

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Phonological and metaphonological deficits in phonological andsurface dyslexia

AbstractPhonological dyslexia involves a deficit in the phonological reading channel and surface dys-lexia involves a deficit in the orthographic channel. This article deals with two importantissues. The first question is to determine whether these two subtypes are equally represen-ted in dyslexia. To answer this question, we assessed the level of efficiency of the phonolo-gical and spelling channels in 33 ten-year-old children with dyslexia, selected among agroup of 373 children followed since kindergarden. Using a comparison group of 19 averagereaders of the same age, we found 16 children with phonological dyslexia and 11 childrenwith surface dyslexia. Compared to 19 younger average readers of the same reading level,11 out of the 16 phonological dyslexic children could still be classified as having phonologi-cal dyslexia, as opposed to only 2 of the 11 children with surface dyslexia. These resultssuggest that phonological dyslexia represents a specific phonological processing deficitwhereas surface dyslexia represents a more general delay in the development of readingskills.

The second question concerns the origin of the reading disorder for each subtype of dys-lexia. In view of the nature of the reading deficit observed in children with phonological dys-lexia, one expects to find in these children specific deficits in phonological awareness andphonological short-term memory, whereas children with surface dyslexia would exhibit defi-cits in visual short-term memory which would prevent them from « fixating » the orthogra-phic pattern of words. To test this hypothesis, we compared the results of our two groupswith those obtained from average readers on tasks of phonological vs. non-phonologicalawareness as well as tasks of phonological vs. visual short-term memory. Phonological andnon-phonological awareness skills were assessed at 5, 7 and 8 years of age; phonologicalmemory and visual memory skills were measured at 8, 10 and 11 years of age. Both phono-logical and surface dyslexic children showed deficits on phonological tests only, suggestingthat the same phonological deficit is responsible for different types of dyslexia.

Key Wo r d s : developmental dyslexia, phonological dyslexia, surface dyslexia, phonologicalawareness, phonological short-term memory, visual short-term memory.

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L es difficultés d'apprentissage de la lecture peuvent être la conséquence deconditions sociales difficiles ou d'une scolarisation non assidue. La pré-sence de lésions neurologiques, d'atteintes du système visuel ou auditif,

de déficits intellectuels ou encore de perturbations psychologiques graves peu-vent également affecter cet apprentissage. Dans ces cas, les enfants présententdes troubles sur l'ensemble des acquisitions scolaires, leurs difficultés ne sontpas limitées à la lecture. Au contraire, les dyslexiques n'ont des difficultésgraves et persistantes que pour apprendre à lire.

D'un point de vue opérationnel, on caractérise un enfant comme dys-lexique s'il a un retard en lecture d'au moins deux ans, les causes potentiellesd'échec précédemment évoquées pouvant être éliminées.

Il est largement admis que les procédures d'identification des mots écritssont déficientes chez ces enfants, leur problème de compréhension de texte étantune conséquence de cette déficience 1. Notre objectif est d’examiner la nature etl’origine possible de ce déficit. La question est de savoir si tous les dyslexiquessouffrent d’un même déficit ou si on peut cerner plusieurs sous-types de dys-lexie ayant une origine différente.

1.1. Procédures d’identification des mots et dyslexie

Pour reconnaître les mots écrits, le lecteur expert peut utiliser des infor-mations orthographiques issues du traitement perceptif d'un mot-stimulus pourcontacter directement une représentation mentale stockée dans le lexique ortho-graphique. Il peut également utiliser des unités infra-lexicales et associer dessegments orthographiques des mots écrits aux segments phonologiques corres-

Liliane SPRENGER-CHAROLLES 1

Philippe LACERT 2

Pascale COLÉ 3

1 Université René Descartes, Paris, 2 Dpt. de Linguistique et CNRS/UMR 8606, 3 UFR de Psychologie et CNRS/UMR 8605, Faculté de Médecine. Willy SerniclaesUniversité Libre de Bruxelles, Lab. de Phonétique expérimentale

Adresse pour correspondance :L. Sprenger-Charolles, LEAPLE/CNRS, Dpt. de Linguistique, Université René Descartes, 12 rue Cujas,75230 Paris

1. Voir en particulier, Stanovich, 1981.

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pondants. Ces deux procédures respectivement dénommées « orthographique »et « phonologique » ont pour caractéristique d'être très rapides chez ce type delecteur 2. Au début de l’apprentissage de la lecture, le lexique orthographique nepeut pas être fonctionnel, les enfants utilisent donc principalement la procédurephonologique. C'est ce que montrent les études portant sur le lecteur débutant 3.Les études longitudinales indiquent également que le recours précoce à cetteprocédure joue un rôle central dans la dynamique développementale en permet-tant la mise en place du lexique orthographique 4.

Dans les écritures alphabétiques, les unités utilisées pour le traitementphonologique sont principalement les graphèmes en relation avec lesphonèmes 5. Un des problèmes auquel va être confronté l’enfant qui apprend àlire est lié au fait que le phonème n’est pas une unité facilement perceptible àl’oral en raison de la coarticulation. Par exemple, le mot « pour » est prononcéen un seul mouvement articulatoire. Par contre, à l’écrit, ce mot est représentépar les trois graphèmes qui correspondent aux trois phonèmes /p/+/u/+/r/. Pourp o u voir associer les graphèmes aux phonèmes, l’enfant doit donc prendreconscience de la structure phonémique de l'oral.

Si les représentations phonémiques des enfants ne sont pas correctementspécifiées, la procédure phonologique de lecture devrait se mettre en place diffi-cilement. Cela peut être le cas des dyslexiques comme en témoignent les résul-tats de recherches qui montrent que, d'une part, ces enfants présentent, bienavant l'apprentissage de la lecture, des capacités d'analyse phonémique défi-cientes 6 et que, d’autre part, c’est essentiellement la procédure phonologique delecture qui dysfonctionne chez eux 7. Reste à savoir si de tels déficits sont spéci-fiques d’une forme particulière de dyslexie ou s’ils se trouvent chez tous lesdyslexiques.

1.2 Dyslexie phonologique et dyslexie de surface

En fonction de la nature de leur déficit en lecture, on distingue les dys-lexiques phonologiques et les dyslexiques de surface. Les premiers présententun déficit touchant la voie phonologique de lecture et les seconds, un déficit de

2. Voir la revue de question de Ferrand, 19953. Que ce soit dans des expériences de lecture à haute voix ou de lecture silencieuse. Voir pour une synthèseen français Sprenger-Charolles & Casalis, 1996.4. Voir la note 3 ou la synthèse de Share, 1995.5. Les graphèmes peuvent être composés d’une seule lettre, d’une lettre accompagnée d’un signe diacritiqueou encore de plusieurs lettres. Par exemple, « b », « c », « é », « ou », « ch » ou encore « eau » sont des gra-phèmes du français. Voir Catach, 1986.6. Voir Lundberg et Hoien, 1989; Wimmer, 1996.7. cf. Rack, Snowling et Olson, 1992. Voir également en français Casalis 1995.

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la voie orthographique 8. Le fonctionnement de la voie orthographique est géné-ralement évalué par la lecture de mots fréquents irréguliers (par exemple, sept,femme, second) qui, parce qu'ils ont été fréquemment rencontrés, peuvent êtrestockés dans le lexique orthographique et, vu la non-régularité de certaines deleurs correspondances grapho-phonémiques, ne peuvent être lus correctementpar la voie phonologique. Le fonctionnement de la voie phonologique est évaluépar la lecture d'items qui ne font pas partie du lexique de la langue cible (despseudomots), et qui, en conséquence, ne peuvent pas avoir été intégrés dans lelexique orthographique mental des sujets ; ces items ne peuvent donc être lusque par une procédure phonologique 9. La dyslexie phonologique est mise enrelief par des performances plus faibles en lecture de pseudomots qu’en lecturede mots irréguliers fréquents et la dyslexie de surface par des performances plusfaibles en lecture de mots irréguliers fréquents qu’en lecture de pseudomots.

Deux questions sont au centre de cet article. La première est de savoir sices deux formes de dyslexie sont également représentatives de la dyslexie dudéveloppement. Pour répondre à cette question, on examine les résultats d'uneétude française récente, en les comparant à ceux obtenus dans d'autres étudesdans lesquelles on a évalué, dans un groupe de dyslexiques développementaux,la proportion de dyslexiques phonologiques et de surface. Les performances deces dyslexiques ont été comparées à celles de normo-lecteurs de même âge oude même niveau de lecture.

Pour mieux cerner l'intérêt de ces deux comparaisons, on peut imaginer unebalance avec deux plateaux et des poids à droite et à gauche. Le poids de ga u c h eindique l'efficience de la procédure phonologique, celui de droite, l'efficience de laprocédure orthographique. Le poids global de ces deux procédures est bien sûrplus lourd chez des normo-lecteurs que chez des dyslexiques de même âge. To u t e-fois, les plateaux de la balance peuvent ne pas s'équilibrer de la même façon. Onpeut, par exemple, observer chez les dyslexiques un fort déséquilibre au détrimentdu plateau gauche, celui censé évaluer les déficits phonologiques. Ce résultatserait conforme à l'abondante littérature qui indique que c'est principalement laprocédure phonologique qui est détériorée dans la dyslexie du déve l o p p e m e n t 1 0.

Ce qu’apportent les comparaisons entre dyslexiques et normo-lecteursplus jeunes mais de même niveau de lecture, c’est de pouvoir évaluer comments’effectue l’équilibre de la balance avec un même poids global de départ. Un

8. Voir également sur cette question Casalis 1995 ; Valdois, 1996. 9. Sauf quand un pseudomots est proche d’un mot fréquent. Par exemple, mable qui ne diffère de table que parson début, peut être lu par « analogie » à ce mot fréquent. 10. Voir la note 7.

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point d’équilibre identique dans les deux populations permet de penser que lesdyslexiques ont simplement un retard développemental, puisqu'ils se compor-tent de la même façon que des enfants plus jeunes qu'eux mais de même niveaude lecture. Si, dans la même comparaison, il s'avère que le point d'équilibre dela balance n'est pas le même chez les dyslexiques, on peut avancer l'hypothèseque la dyslexie serait une déviance développementale.

On peut observer que, dans l'ensemble, c'est bien le plateau gauche quipèse le moins lourd chez les dyslexiques. Cette constatation peut toutefois mas-quer de fortes différences entre enfants, certains ayant des performances phono-logiques relativement préservées alors que d'autres se caractérisent par un lourddéficit à ce niveau. Il est donc important d'aller au-delà des résultats d'ensembled'un groupe de dyslexiques. Il faut pouvoir examiner, cas par cas, comment sesituent les performances de chaque sujet. C'est ce que permettent les méthodesde cas adaptées à l'étude de groupe.

La méthode la plus classique consiste à faire ressortir un déficit absolu.On définit alors comme dyslexique phonologique l'enfant qui a des perfor-mances normales en lecture de mots irréguliers mais dont les performances enlecture de pseudomots se situent, par exemple, à au moins un écart-type de lamoyenne de celles des normo-lecteurs. L'enfant qui, à l'inverse, peut lire norma-lement les pseudomots mais a des performances au-delà d'un écart-type en lec-ture de mots irréguliers, est caractérisé comme dyslexique de surface. Une autreméthode consiste à faire ressortir un déficit relatif qui est fonction de la taille del'écart entre les performances pour les mots irréguliers et pour les pseudomotsdans les différents groupes. Dans ce cas, c'est l'importance de la différence entreles plateaux de gauche et de droite qui permet de caractériser la nature du défi-cit. On prend comme référence les performances des normo-lecteurs en lecturede mots irréguliers, en regard de celles pour les pseudomots, ou à l'inverse, leursperformances en lecture de pseudomots en regard de celles pour les mots irrégu-liers. Cette méthode permet de tracer deux droites de régression. La premièrepermet de repérer les cas de dyslexie phonologique, à savoir les enfants dont lesperformances en lecture de pseudomots - mais pas en lecture de mots irréguliers- sont hors de l'intervalle de confiance défini à partir des performances desnormo-lecteurs 11. La seconde permet de repérer les cas de dyslexie de surface,en l’occurrence les enfants qui ont des performances hors de l'intervalle deconfiance pour les mots irréguliers, mais pas pour les pseudomots. Les enfantsqui se situent, dans les deux cas, hors de l'intervalle de confiance, présentent undéficit mixte, à la fois phonologique et orthographique.

11. A 90 % ou à 95 %.

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1.3. Autres déficits associés à la dyslexie du développement

La seconde question au centre de cet article est celle de l'origine destroubles de la lecture dans les deux sous-types de dyslexie du développement.Les dyslexiques phonologiques ont plus de difficultés avec les traitements pho-nologiques qu'avec les traitements orthographiques en lecture. Ils dev r a i e n tdonc présenter des troubles phonologiques en dehors du domaine de la lecture.Ces troubles devraient concerner, d'une part, l'analyse phonologique et plus spé-cifiquement l'analyse phonémique et, d'autre part, la mémoire phonologique àcourt terme. Ces deux capacités sont fortement sollicitées par la procédure pho-nologique de lecture. En effet, l'opération de « recodage » nécessite une analysephonémique qui permet de mettre en relation les graphèmes avec les phonèmes.Il faut également pouvoir garder en mémoire les unités résultant de ce recodagepour les « assembler ». Par contre, ces dyslexiques ne devraient pas avoir dedéficit en mémoire à court terme visuelle.

A l'inverse, les dyslexiques de surface ont plus de difficultés avec les trai-tements orthographiques qu'avec les traitements phonologiques en lecture. Onpeut donc s'attendre à ce que ces enfants aient des troubles de la mémoire à courtterme visuelle qui ne leur permettraient pas de fi xer l'image orthographique desmots. Par contre, on ne devrait pas relever de troubles phonologiques chez cesd y s l exiques. Pour tester ces hypothèses, on examine les résultats obtenus, entre 5et 11 ans, par nos deux sous-groupes de dyslexiques comparativement à desnormo-lecteurs dans des épreuves d'analyse phonémique et syllabique, ainsi quedans des épreuves de mémoire à court terme phonologique et visuelle.

◆ Enfants, épreuves et sessions d'observation

2.1. Les enfants

Des dyslexiques et des normo-lecteurs ont été sélectionnés dans unecohorte de 373 enfants francophones (202 garçons et 171 filles) qui ont été sui-vis de 5 à 8 ans. Les normo-lecteurs étaient tous inclus dans un sous-groupe de58 enfants de cette population dont 43 (27 garçons et 16 filles) ont pu être suivisintensivement de 5 à 11 ans. D'après les enseignants et les psychologues sco-laires, ces enfants ne présentaient pas de troubles langagiers, psychologiques ousensori-moteurs au début de l'étude. Leur QI non-verbal était normal (au-dessusdu 25e centile aux Matrices de Raven, PM47) et ils étaient alors tous non-lec-teurs d'après leurs résultats à un test de lecture standardisé (Bat-Elem 12). Alorsqu’ils avaient 10 ans et 11 ans, on a revu 49 mauvais lecteurs sélectionnés parmi

12. Savigny, 1974.

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les 373 enfants de la cohorte en fonction de leurs résultats dans différents testsde lecture et d’écriture à 8 ans. Ont été retenus comme dyslexiques les 33enfants (21 garçons et 12 filles) qui, à 11 ans, avaient deux ans au moins deretard en lecture d'après l'Alouette 13.

Dix-neuf normo-lecteurs (11 garçons et 8 filles) de la sous-cohorte des 43enfants suivis plus intensivement ont pu être appariés aux 33 dyslexiques enfonction de leur âge ainsi que de leur QI non-verbal et verbal au début del’étude, à 5 ans. Ces 19 normo-lecteurs avaient, à 11 ans, moins d’un and’avance ou de retard en lecture d’après l’Alouette et, un an auparavant, lesscores des dyslexiques étaient à deux écarts-type de la moyenne de ceux desnormo-lecteurs à l'épreuve de lecture à haute voix de l'ANALEC (vitesse +erreurs 14). Le groupe de 19 normo-lecteurs constitue notre groupe contrôle demême âge que les dyslexiques.

Les résultats obtenus par les normo-lecteurs à 8 ans dans un test de lec-ture de mots sont supérieurs à ceux des dyslexiques de 10 ans pour les réponsescorrectes, mais pas pour les temps de latence, ni pour les réponses correctes enécriture. On a considéré ces 19 normo-lecteurs de 8 ans comme groupe contrôle,approximativement de même niveau de lecture que les dyslexiques de 10 ans.Les résultats des tests qui ont permis d'apparier les enfants sont présentés dansles tableaux 1 (appariement en fonction de l'âge) et 2 (appariement en fonctiondu niveau de lecture).

13. Lefavrais, 1965.14. Inizan, 1995.

Tableau 1 : Appariement en fonction de l’âge (moyenne et écart-type)

Age Age lexique Niveau lexique QI QI(en mois) (en mois) (Temps) Non-verbal Verbal

Tests Alouette ANALEC RAVEN TVAP(en sec.) (PM47) (max = 60)

(max = 36)

Sessions Fin de l’étude Début de l’étude11 ans 11 ans 10 ans 5 ans 5 ans

Normo-lecteurs 10 ans 132.2 (3.2) 129.6 (8.4) 60.6 (7.3) 17.6 (2.0) 41.0 (5.3)(N = 19)

Dyslexiques 10 ans 131.2 (3.5) 97.2 (6.0) 141.9 (42.1) 16.4 (3.6) 38.7 (4.8)(N = 33)Différence : F [1,50] F < 1 F = 263.6, F = 69.2, F = 2.0 F = 2.5

p < .01 p < .01

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2.2. Principales épreuves et sessions d'observation

En dehors des résultats aux tests de lecture standardisés tels que« l'Alouette » et « l'ANALEC » utilisés alors que les enfants avaient 10 et 11ans, on dispose des résultats obtenus dans des épreuves expérimentales de lec-ture de mots et de pseudomots. Tous les enfants ont passé ces épreuves sur ordi-nateur alors qu'ils avaient 10 ans. L'ordinateur était équipé d'un système d'enre-gistrement de la parole ce qui nous a permis de vérifier la nature des réponses etde calculer leur temps de latence 15. Les normo-lecteurs ont passé les mêmesépreuves à 7 et 8 ans, avec la même méthodologie, ainsi que les futurs dys-lexiques mais, pour la plupart, en version « papier-crayon ». L’épreuve de lec-ture de mots comportait 48 mots, dont 12 irréguliers.

Pour évaluer la part des déficits orthographiques dans la dyslexie, on autilisé les scores en lecture de mots irréguliers. On exploite aussi les résultatsd'une épreuve de vérification orthographique. Les enfants devaient désigner le« bon mot » dans une liste de 3 items comportant un pseudomot homophone etun intrus visuel (par exemple, pomme vs pome vs pomne). Cette épreuve a étépassée sur ordinateur par tous les enfants à 10 et 11 ans ainsi que par les normo-lecteurs à 9 ans. Les mots utilisés dans ces deux épreuves étaient tous fré-quents 16. Pour évaluer la part des déficits phonologiques dans la dyslexie, on autilisé la lecture de deux listes de pseudomots. Une liste comportait des itemsappariés en difficultés orthographiques aux mots réguliers, l’autre était compo-sée d’items de 6 lettres ayant une structure syllabique simple (CV/CV/CV) ou

15. On appelle temps de latence de la réponse, le délai qui s’écoule entre le moment où un mot apparaît surl'écran et le début de la réponse de l'enfant.16. Liste des mots irréguliers : pied, compte, noël, femme, sept, attention, punition, poêle, noeud, scie, short,album. Liste des items utilisés pour le test de vérification orthographique: rouge, blanc, pomme, carotte, train,auto, vélo, fraise, loup et pigeon.

Tableau 2 : Appariement en fonction du niveau de lecture (moyenne et écart-type)

Epreuves Lecture de mots Ecriturede mots

Réponses Temps de Réponsescorrectes latence des correctes

réponses(en msec.)

Normo-lecteurs de 8 ans (N = 19) 44.1 (1.8) 1000 (274) 35.7 (4.5)Dyslexiques de 10 ans (N = 33) 42.2 (3.4) 1031 (258) 26.3 (4.7)

Différence : F [1,50] F = 4.9, p < .05 F < 1 F < 1

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complexe (CVC/CVC ou CCV/CVC) 17. Les items de ces deux listes ont été pré-sentés en même temps, en ordre quasi-aléatoire. L'épreuve de lecture de pseudo-mots a été passée sur ordinateur, après l'épreuve de lecture de mots.

On a évalué les habiletés des enfants dans des domaines supposés avoir uneincidence sur leur niveau de lecture, tels que la mémoire à court terme phonolo-gique et visuelle ou les capacités d'analyse phonologique. La mémoire à courtterme phonologique a été évaluée, à 8, 10 et 11 ans, par la répétition de pseudo-mots de 3 à 6 syllabes et la mémoire visuelle, à 10 et 11 ans, par un test de répéti-tion de séquences visuelles de 2 à 7 items (CORSI 1 8). On a aussi évalué, à 10 ans,les capacités visuo-motrices via la copie de figures géométriques non signifi a n t e s 1 9.On dispose également de données recueillies alors que les enfants avaient 5, 7 et8 ans dans trois épreuves d’analyse phonologique ainsi que dans deux épreuve sd’analyse musicale. Dans la première épreuve d’analyse phonologique, on deman-dait aux enfants de dire si deux mots ou deux pseudomots bisyllabiques étaientidentiques. Pour les paires non-identiques, la différence portait sur la consonnei n t e r vo c a l i q u e 2 0. Dans les deux autres épreuves phonologiques, on demandait auxe n fants, après une série d’exemple, de « m a n g e r » le début de pseudomots, soit leurpremière syllabe, soit leur premier phonème. Les 20 items utilisés dans l’épreuvede suppression syllabique avaient deux ou trois syllabes simples de type CV. Vi n g titems ont également été utilisés pour l’épreuve de suppression phonémique, despseudomots de deux ou trois phonèmes de structure CV ou CVC. En analyse musi-cale, les enfants devaient se prononcer sur l'identité de deux mélodies de trois notes(test dit de mélodie) ou sur l'appartenance d'une note à une mélodie de 3 notes (testdit de musique). Tous ces tests ont été préalablement enreg i s t r é s .

◆ Les sous-types de dyslexie

3.1 Profils individuels des enfants : méthode dite classiqueLes comparaisons entre dyslexiques et normo-lecteurs de même âge ne sont

pas exploitables pour les réponses correctes en raison d'effets « p l a f o n d ». Ene ffet, 16 des 19 normo-lecteurs et 7 des 33 dyslexiques lisent pratiquement tousles pseudomots. De même, 16 normo-lecteurs et 4 dyslexiques lisent pratiquementtous les mots irréguliers. On a donc utilisé les temps de latence des réponses pouré valuer les sous-types de dyslexie. On a défini comme dyslexiques de surface les

17. Liste 1 des pseudomots: lople, mirpe, sinope, tanepi, sulche, moube, turche, loumi, tocir, silge, lurce, mar-pige. Liste 2: tirbul, bultir, puldir, dirpul, tribul, blutir, pludir, dripul, tibulo, butiro, pudiro, dipulo.18. Voir Hitch, Haliday, Schaafstal, Marten et Schraagen, 1988.19. Voir Beery, 1982.20. Par exemple, bouder vs bouger ou zabo vs zado. Cf. Autesserre, Deltour et Lacert, 1988. En raison d’effet« plafond », ce test n’a pas été passé lors de la dernière session.

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e n fants qui ont des performances s'éloignant à au moins un écart-type de lam oyenne de celle des normo-lecteurs en lecture de mots irréguliers, tout en ayantdes performances normales en lecture de pseudomots. A l'inverse, les dyslex i q u e sphonologiques ont des performances à un écart-type de celle des normo-lecteurspour les pseudomots et des performances normales en lecture de mots irréguliers.

Avec cette méthode, on a pu identifier 6 dyslexiques de surface, qui pré-sentent un déficit de la voie orthographique sans déficit de la voie phonologiqueet 5 dyslexiques phonologiques, qui ont le profil inverse. On a pu aussi repérer17 dyslexiques qui ont un double déficit, ainsi que 5 enfants qui n'ont pas ded é ficit apparent, ni orthographique, ni phonologique. Comme le montre letableau 3, nos résultats sont proches de ceux obtenus dans trois autres étudesrécentes. La principale différence par rapport à une autre étude française est quenous avons observé une plus faible proportion de dyslexiques de surface.

Cette différence peut être due au fait que nous n'avons utilisé que despseudomots courts, de 5 à 7 lettres, alors que Génard et al. utilisent des pseudo-mots courts et longs. En conséquence, nous avons obtenu un nombre élevé deréponses correctes en lecture de pseudomots, y compris chez les dyslexiques.C'est ce qui a conduit à prendre en compte comme indicateur d'une défaillancede la procédure phonologique non les réponses correctes, mais leur temps delatence. Or le temps de latence d'une réponse est un indicateur très fiable de l'ef-ficience d'une procédure, quelle qu'elle soit. Cet indicateur est peut être pluspertinent que les réponses correctes pour mettre à jour des déficits. En effet, lesdyslexiques peuvent parfaitement lire des pseudomots simples. Toutefois, s'illeur faut au moins deux fois plus de temps qu'à des normo-lecteurs de mêmeâge pour les lire, on ne peut pas dire que ces enfants s'appuient pour lire sur uneprocédure phonologique efficiente.

Tableau 3 : Proportion des différents types de dyslexiepar rapport à des normo-lecteurs de même âge

Manis et al. Castles et Genard et al., Présente étude1996 Coltheart, 1993 1998

Langue parlée anglais anglais français françaisIndicateurs Réponses Réponses Réponses Temps de latence

correctes (-1ET) correctes (-1ET) correctes (-1ET) des réponses (-1ET)

Double déficit 76,5 % 60,4 % 67 % 51,5 %Dyslexie phonol. 9,8 % 15,1 % 3 % 15,1 %Dyslexie de surface 9,8 % 17,0 % 23 % 18,2 %

Aucun déficit 3,9 % 7,5 % 8 % 15,1 %

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Quand on compare les performances de nos dyslexiques à celles desnormo-lecteurs plus jeunes qu'eux, mais de même niveau de lecture, on ner e l è ve aucun déficit, ni phonologique, ni orthographique, chez la majoritéd'entre eux (22 soit 66,7 %). On relève par contre 7 cas de type phonologique(21 %) contre un seul cas de type surface et trois enfants présentant un doubledéficit. Ces résultats indiquent que nos dyslexiques se comportent massivementcomme des lecteurs en retard. Toutefois un nombre non négligeable d'entre euxont des performances phonologiques plus faibles que les normo-lecteurs demême niveau de lecture, et donc un profil déviant.

3.2. Mise en relief de déficits phonologiques ou orthographiques relatifs

On définit comme dyslexiques phonologiques les enfants qui, par rapportaux normo-lecteurs de même âge ou de même niveau de lecture, ont des perfor-mances en lecture de pseudomots - mais pas en lecture de mots irréguliers - quise situent hors de l'intervalle de confiance. A l'inverse, les performances desdyslexiques de surface doivent être hors de l'intervalle de confiance pour lesmots irréguliers mais dans cet intervalle pour les pseudomots.

On relève 16 dyslexiques phonologiques et 11 dyslexiques de surface parrapport aux normo-lecteurs de même âge. Comparativement aux normo-lecteursplus jeunes mais approximativement de même niveau de lecture qu'eux, 11 des 16d y s l exiques phonologiques ont toujours un déficit plus marqué en lecture de pseu-domots qu'en lecture de mots irréguliers mais seulement 2 des 11 dyslexiques des u r face ont plus de difficultés à lire des mots irréguliers que les pseudomots.Comme le montrent les tableaux 4 et 5, ces résultats reproduisent ceux obtenusdans les autres études, plus particulièrement dans celles menées avec des enfa n t sanglophones. Les différences entre les deux études françaises, surtout en ce quiconcerne la dyslexie phonologique, peuvent s'expliquer par le fait qu'on a détectéles sous-types de dyslexie en prenant en compte les temps de latence des réponsescorrectes. Cette méthode serait peut être plus fiable en français dans la mesure où,dans cette langue, les correspondances graphème-phonème sont plus régulièresqu'en anglais. En conséquence, certains dyslexiques phonologiques peuve n tapprendre à lire des pseudomots sans erreurs, leur déficit n'étant apparent qu'aun iveau du temps qui leur est nécessaire pour effectuer cette lecture.

Les résultats présentés dans le tableau 5 indiquent clairement que la dys-lexie de surface ne serait qu'un simple retard de lecture puisque ces dyslexiquesse comportent globalement, à quelques rares exceptions, comme des normo-lec-teurs plus jeunes, mais de même niveau de lecture. Les performances lexiquesdes deux dyslexiques de surface 'consistants' pourraient s'expliquer par des défi-cits visuels, particulièrement en mémoire, qui ne leur permettraient pas de

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Tableau 4 : Comparaisons entre dyslexiques et normolecteurs de même âge

Castles, Manis Stanovich Genard PrésenteColtheart, 1993 et al., 1996 et al., 1997 et al., 1998 étude

Sex Ratio Garçons DYS : DYS : DYS : DYS :uniquement 37G+14F 9G+39F 50G+25F 21G+12F

NL : NL : NL : NL :35G+16F 16G+28F 99G+132F 11G+8F

Age des dyslexiques 11.2 ans 12.4 ans 9 ans 10 ans 10 ans(entre 7.6 (entre 9 (entre 9 (plus ouet 15 ans) et 15 ans) et 12 ans) moins 6 mois)Réponses Réponses Réponses Réponses Temps decorrectes correctes correctes correctes latence des

rép. correctes

DYS.phonologiques 54,7 % 33,3 % 25 % 4 % 48,5 %Pseudomots ‘–’ = 29 = 17 = 17 = 3 = 16Mots irréguliers “+”Dyslexiquesde surface 30,2 % 29,4 % 22,1 % 56 % 33,3 %Mots irréguliers ‘–’ = 16 = 15 = 15 = 42 = 11Pseudomots “+”Double déficit 5,7% 9,8 % 27,9 % 2,7 % 3 %Mots irréguliers ‘–’ = 3 = 5 = 19 = 2 = 1Pseudomots “–”

Aucun déficit 9,4 % 27,5% 25 % 37,3 % 15,2 %Mots irréguliers ‘+’ = 5 = 14 = 17 = 28 = 5Pseudomots “+”

mémoriser la forme orthographique des mots irréguliers. Toutefois, à la mêmeépoque, on n'a relevé aucun déficit visuel chez ces deux sujets, ni en mémoire àcourt terme visuelle (Corsi), ni en copie de séquences visuelles, alors qu'ils ontun déficit en mémoire à court terme phonologique. De plus, leur déficit phono-logique était manifeste deux ans auparavant (à 8 ans) en mémoire à court termeet en analyse phonologique. Surtout, il apparaît que tous les dyslexiques présen-taient des troubles phonologiques en analyse phonologique et/ou en mémoirephonologique à court terme à 5, 7 ou 8 ans.

3.3 Résultats des groupes

Dans cette partie, on analyse les résultats des groupes des 16 dyslexiquesphonologiques et des 11 dyslexiques de surface comparativement à ceux des 19

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normo-lecteurs d'une part de même âge et, d'autre part, de même niveau de lec-ture. Les temps de latence des réponses correctes pour les mots irréguliers et lespseudomots sont présentés dans la figure 1. Les comparaisons portant sur lestrois groupes de même âge indiquent que l'écart entre les performances pour lespseudomots et les mots irréguliers varie en fonction des groupes. En fait, lesnormo-lecteurs de 10 ans, tout comme les dyslexiques phonologiques de mêmeâge, lisent plus lentement les pseudomots que les mots irréguliers 21 alors qu’iln’y a pas de différence significative entre ces deux types d’items chez les dys-lexiques de surface. De plus, les dyslexiques phonologiques sont plus lents queles dyslexiques de surface en lecture de pseudomots alors que l’inverse estobservé pour les mots irréguliers 22. Enfin, par rapport aux normo-lecteurs, les

21. Effet du groupe et interaction groupe x type d’item : F[2,43]=14.06 et 40.32, p<.01. Effet du type d’itemr e s p e c t ivement pour les normo-lecteurs et pour les dyslexiques phonologiques : F[1,18]=58.08, p< . 0 1 ;F[1,15]=118.15, p<.01.22. Respectivement pour les pseudomots et les mots irréguliers : F[1,25]= 6.24 et 7.34, p<.05.

Tableau 5 : Comparaisons entre dyslexiques et normolecteurs de même niveau de lecture

Stanovich, Manis Stanovich Genard Présenteet al.a, 1997 et al., 1996 et al., 1997 et al., 1998 étude

Age 11;6 vs 8;6 12;5 vs 8;6 ans 9 vs 7;5 ans 10;2 vs 7;10 10 vs 8 ansRéponses Réponses Réponses Réponses Temps decorrectes correctes correctes correctes latence des

rép. correctesDYS.phonologiques = 12/17b = 11/16b

Pseudomots ‘–’Mots irréguliers “+” Total = 15/40c Total = 17/68c Total = 6/75c Total = 12/33c

Dyslexiquesde surface = 1/15b = 2-11b

Mots irréguliers ‘–’Pseudomots “+” Total = 2/40c Total = 1/68c Total = 0/75c Total = 2/33c

Double déficit ? = 0/5b ? = 0/1b

Mots irréguliers ‘–’Pseudomots “–” Total = 0/75c Total = 1/33c

Aucun déficit ? ? =5/5b

Mots irréguliers ‘+’Pseudomots “+” Total = 69/75c Total = 18/33c

a : Réanalyse des données de Castles et Coltheart.b : Effectif restant d'un sous-type particulier de dyslexie (phonologique ou de surface...) par rapport aux dys-

lexiques du même sous-type repérés dans les comparaisons avec les normo-lecteurs de même âge.c : Effectif d'un sous-type particulier de dyslexie par rapport à l'ensemble de la population des dyslexiques.

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deux groupes de dyslexiques, mais surtout les dyslexiques de surface, lisent pluslentement les mots irréguliers ; de même les deux groupes de dyslexiques, maissurtout les dyslexiques phonologiques, lisent plus lentement les pseudomots 23.Ces données indiquent que les dyslexiques phonologiques ont principalementun déficit dans l’utilisation de la voie phonologique de lecture alors que c’estsurtout la voie lexicale qui est détériorée chez les dyslexiques de surface. Toute-fois, les performances orthographiques et phonologiques des dyslexiques, quelleque soit leur forme de dyslexie, sont significativement inférieures à celles desnormo-lecteurs.

23. Lecture de mots irréguliers : dyslexiques de surface vs normo-lecteurs : F[1,28]=24.08, p<.01 ; Dys-lexiques phonologiques vs normo-lecteurs : F[1,33]=9.93, p<.01. Lecture de pseudomots : dyslexiques phono-logiques vs normo-lecteurs : F[1,33]=49.53, p<.01 ; Dyslexiques de surface vs normo-lecteurs : F[1,28]=9.03,p<.01).

Fig. 1 : Lecture de mots irréguliers et de pseudomots (temps de réponse en ms)

Comme l'indique la figure 1, le déficit phonologique des dyslexiques pho-nologiques ressort également quand on compare leurs temps de réponse en lec-ture de pseudomots à ceux des normo-lecteurs plus jeunes. En fait, seuls lesnormo-lecteurs de 8 ans et les dyslexiques phonologiques de 10 ans, mais pasles dyslexiques de surface du même âge, lisent plus lentement les pseudomots

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que les mots 24. De plus, les dyslexiques phonologiques de 10 ans sont plus lentsque les normo-lecteurs qui ont deux ans de moins pour lire les pseudomots maispas les dyslexiques de surface 25. Pour les mots irréguliers, on n’observe aucunedifférence significative entre les normo-lecteurs de 8 ans et les deux groupes dedyslexiques de 10 ans. Les performances des dyslexiques de surface ne diffèrentdonc de celles des normo-lecteurs plus jeunes ni pour les mots irréguliers, nipour les pseudomots.

Les résultats de l’épreuve de choix orthographique indiquent que lelexique orthographique des dyslexiques, quel que soit leur groupe, est moinsstable que celui des normo-lecteurs de même âge, puisqu'il leur faut plus detemps pour fournir une réponse correcte 26. Il est à noter que, dans cette épreuve,on ne relève pas de supériorité des dyslexiques phonologiques par rapport auxdyslexiques de surface. On ne relève également pas de différence significativeentre les deux groupes de dyslexiques de 11 ans et les normo-lecteurs de 9 ans.

Dans la mesure où les dyslexiques phonologiques ont des performancesen lecture de pseudomots inférieures à celles de normo-lecteurs de même âge etde même niveau de lecture, ces enfants ont un profil d'apprentissage déviant. Parcontre, il semble que les dyslexiques de surface présentent un simple retardd'apprentissage de la lecture puisqu'ils se comportent comme des normo-lec-teurs plus jeunes, mais de même niveau de lecture. Toutefois, les performancesphonologiques des dyslexiques de surface, tout comme les performances ortho-graphiques des dyslexiques phonologiques, sont loin d'être préservées.

◆ Origine possible des troubles de la lecture dans les sous-typesde dyslexies

4.1. Mémoire à court terme phonologique et visuelle et capacités visuo-motrices

Le fait que les dyslexiques phonologiques rencontrent plus de diffi c u l t é savec les traitements phonologiques qu'avec les traitements lexicaux en lecture per-met de penser qu'ils doivent avoir des troubles phonologiques manifestes en dehorsdu domaine de la lecture, entre autres, en mémoire phonologique à court terme ; parcontre, ces dyslexiques ne devraient pas avoir de déficit en mémoire à court terme

24. Effet principal du type d’item et interaction entre Groupes et Types d'items : F[1,43]=48.58, p<.01,F[2,43]= 15.88, p<.01. Différence entre mots irréguliers et pseudomots pour les normolecteurs (F[1,18]=5.43,p<.05), les dyslexiques phonologiques (F[1,15]=118.15, p<.01) et les dyslexiques de surface (F[1,10]<1).25. Dyslexiques phonologiques vs normo-lecteurs : F[1,33]=10.04, p<.01. Dyslexiques de surface vs normo-lecteurs : F<1.26. Différence non significative entre les deux groupes de dyslexiques (F[1,25]=2.62). Différence entre lesdyslexiques phonologiques ou de surface et les normolecteurs : F[1,33]=8.40, p<.05; F[1,28]=16.28, p<.05.

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Fig. 2 : Epreuve de choix orthographique (temps de réponse en ms)

visuelle. A l'inverse, le fait que les dyslexiques de surface ont plus de diffi c u l t é savec les traitements lexicaux qu'avec les traitements phonologiques en lecture laisseaugurer de la présence de troubles de la mémoire à court terme visuelle, troublesqui ne leur permettraient pas de fi xer l'image orthographique des mots irréguliers ;par contre, ces dyslexiques ne devraient pas avoir de troubles phonologiques.

Les enfants ont passé l'épreuve de mémoire à court terme phonologique à8, 10 et 11 ans, le test de mémoire visuelle (Corsi) à 10 et 11 ans et celui éva-luant leurs capacités visuo-motrices à 10 ans. Les résultats sont présentés dansla figure 3. Dans l'épreuve de mémoire phonologique, aucune différence signifi-cative n'émerge entre les deux groupes de dyslexiques qui ont, par contre, desrésultats systématiquement inférieurs à ceux des normo-lecteurs de même âge,aussi bien à 8 qu'à 10 ou 11 ans. Leurs résultats sont également inférieurs à ceuxdes normo-lecteurs plus jeunes qu'eux mais approximativement de même niveaude lecture 27. Pour les deux tests qui n’impliquent pas de traitement phonolo-

27. Effet des groupes : F[2,43]=17.81, p<.01 ; effet des sessions et interaction Groupe x Session non signifi c a-tifs (respectivement : F[2,75]=2.86 et F<1). Comparaison globale entre normo-lecteurs de 10 ans et respective-ment dyslexiques phonologiques ou de surface : F[1,33]=23.54 ; F[1,28]=25.03, tous les p<.01. Comparaisonsentre les dyslexiques phonologiques ou de surface et les normolecteurs à 8 ans, 10 et 11 ans respectivement :F[1,33]=10.84, 15.84, 14.88 ; F[1,28]=9.74, 16.59, 16.71, tous les p<.01. Comparaison entre normo-lecteurs de8 ans et dyslexiques phonologiques ou de surface de 10 ans : F[1,33]=15.88 ; F[1,28]=17.01, tous les p< . 0 1 ) .

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gique, il n’y a aucune différence entre les groupes, ni en mémoire visuelle, ni autest de copie de dessin. Ces résultats indiquent que les dyslexiques, quelle quesoit leur forme de dyslexie, ont des déficits spécifiques en mémoire à courtterme phonologique. Ils reproduisent ceux obtenus dans d'autres études avec desgroupes de dyslexiques indifférenciés 28.

28. Lecocq, 1991 ; Liberman, Mann et Werfelman, 1982 ; McDougall, Hulme, Ellis et Monk, 1994.

Fig. 3 : Empan de mémoire à court terme phonologique (1) et visuelle (2) :Test d’intégration visuo-motrice (3) (réponses correctes)

4.2. Analyse phonologique et musicale

Les tests d’analyse phonologique ont été passés alors que les enfantsavaient 5, 7 et 8 ans, sauf le test de discrimination phonémique qui n’a pas étépassé lors de la dernière session. A ces différentes époques, aucun diagnostic dedyslexie n’avait encore pu être prononcé. En discrimination phonémique (voir lafigure 4), les deux groupes de futurs dyslexiques ont des scores qui ne diffèrentpas signifi c a t ivement alors que les futurs dyslexiques phonologiques, toutcomme les futurs dyslexiques de surface, ont des scores inférieurs à ceux desfuturs normo-lecteurs. On peut noter que c'est dès la première session, avant

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l'apprentissage de la lecture, qu'on constate une infériorité des deux groupes defuturs dyslexiques 29.

Fig. 4 : Test de discrimination phonémique (réponses correctes)

Les résultats pour les tests de suppression syllabique ou phonémique sontprésentés dans les figures 5 et 6. Les différences entre les deux groupes defuturs dyslexiques et le groupe des futurs normo-lecteurs sont plus marquéesdans le sous-test de suppression de la première syllabe d'un pseudomot trisylla-bique et dans celui qui porte sur le premier phonème d'un pseudomot triphoné-mique que dans les sous-tests qui incluent des items bisyllabiques et biphoné-miques. On observe également une augmentation des différences entre les futursnormo-lecteurs et les deux groupes de futurs dyslexiques pour le sous-test com-portant des items trisyllabiques, alors que l'écart entre les groupes reste stable,voire diminue, pour les autres sous-tests 30. Les résultats de la troisième sessionsont toutefois entâchés d’effets plafond pour les normo-lecteurs.

29. Effet des groupes et des sessions : F[2,43]=5.35, F[1,43]=40.19, les deux p<.01, sans interaction (F<1).Différence d’ensemble entre les futurs dyslexiques phonologiques ou de surface et les futurs normo-lecteurs,respectivement : F[1,33]=7.75, et F[1,28]=7.92, les deux p<.01. Différence entre les deux groupes de futursdyslexiques et les futurs normo-lecteurs pour la première et la seconde session, respectivement : F[1,33]=4.52,4.93 p<.05 et F[1,28]=3.77, p<.06, 8.24, p<.01. 30. Effets principaux : Groupe : F[2,43]=12.78 ; Session : F[2,86]=190.93 ; Type d’épreuve : F[3,129]=52.82,tous les p<.01. Interactions Type d’épreuve x Session : F[6,258]=4.31, p<.01; Groupe x Type d’épreuve :F[6,129]=2.64, p<.05 ; Groupe x Type d'épreuve x Session : F[12,258]=2.55, p<.01; Session x Groupe, F<1.

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Fig. 5 : Suppression de la première syllabe :pseudomots bi-syllabiques (1) et tri-syllabiques (2) (réponses correctes)

Fig. 6 : Suppression du premier phonème :pseudomots bi-phonémiques (1) et tri-phonémiques (2) (réponses correctes)

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Quand on examine les résultats de chaque sous-test, on n’observe aucunedifférence significative entre les deux groupes de futurs dyslexiques. Par contre,dans les quatre sous-tests, les futurs dyslexiques phonologiques, mais égalementles futurs dyslexiques de surface, ont systématiquement des résultats inférieursaux futurs normo-lecteurs, y compris avant l'apprentissage de la lecture, à 5ans 31. Les mêmes tendances se retrouvent trois ans plus tard.

Dans le premier test d’analyse musicale, on observe simplement une amé-lioration des scores des enfants dans le temps, sans changement en fonction desgroupes. L’ e ffet du groupe est significatif pour le second test d'analyse musicale.Dans ce test, on relève une différence entre les futurs dyslexiques de surface et lesfuturs normo-lecteurs mais pas entre les futurs dyslexiques phonologiques et cesmêmes enfants, ni entre les deux groupes de dyslexiques. Des analyses séparées

31. Effet du groupe en suppression de la première syllabe de bi- ou tri-syllabiques : F[2,43]=7.39 et 12.29,p<.01 ; en suppression du premier phonème de bi- ou tri-phonémiques : F[2,43]=7.34 et 11.20, p<.01. Diffé-rences pour les deux sous-tests syllabiques et les deux sous-tests phonémiques entre futurs dyslexiques phono-logiques et futurs normo-lecteurs : F[1,33]=12.10 ; 17.40 ; 8.27 ; 21.37, tous les p<.01 ; entre futurs dys-lexiques de surface et futurs normo-lecteurs : F[1,28]=12.69 ; 22.01 ; 15.36 ; 15.36, tous les p<.01 ; entre lesdeux groupes de dyslexiques : tous les F < ou = 1. Différences significatives (p < .05 ou .01) entre futurs dys-lexiques phonologiques et futurs normo-lecteurs pour les quatre sous-tests à 5 ans F[1,33]=8.01 ; 5.65 ; 4.70 ;6.19 ; à 8 ans : F[1,33]=4.39 ; 13.60 ; 9.55 ; 4.70 ; entre les futurs dyslexiques de surface et futurs normo-lec-teurs à 5 ans : F[1,28]=6.81 ; 4.53. 8.51 ; 4.23 ; à 8 ans : F[1,28]=16.85 ; 24.56 ; 6.00 ; 8.02.

Fig. 7 : Test de musique (1) et de mélodies (2) (réponses correctes)

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session par session indiquent que, à la différence des épreuves phonologiques, onne trouve pas d'infériorité des futurs dyslexiques par rapport aux futurs normo-lec-teurs à 5 ans dans la seconde épreuve de musique, pas plus que dans la première 3 2.

En résumé, on observe une infériorité des futurs dyslexiques phonolo-giques, tout comme des futurs dyslexiques de surface, dans tous les tests d’ana-lyse phonologique, sans exception. En analyse musicale, un résultat similairen’est observé que dans un des deux tests et que pour un des deux sous-groupesde futurs dyslexiques (les dyslexiques de surface). Le résultat le plus surprenantest que les futurs dyslexiques phonologiques n’ont jamais des scores inférieurs àceux des futurs dyslexiques de surface en analyse phonologique. Un autre résul-tat marquant est qu'à 5 ans, avant l'apprentissage de la lecture, on ne trouve pasde différence entre futurs dyslexiques et futurs normo-lecteurs dans les deuxtests d'analyse musicale. Par contre, une infériorité des futurs dyslexiques pho-nologiques, tout comme des futurs dyslexiques de surface, est observée danstous les tests d'analyse phonologique.

Un autre résultat mérite l'attention. Les scores obtenus en suppression desyllabe, particulièrement pour les items trisyllabiques ne sont pas inférieurs àceux relevés en suppression de phonème dans des items triphonémiques. Parexemple, on relève, pour l'ensemble des sessions, 70 % de réponses correctespour les trisyllabiques contre 78 % pour les triphonémiques chez les futursnormo-lecteurs, 42 contre 52 % chez les futurs dyslexiques phonologiques et 31contre 52 % pour les futurs dyslexiques de surface. On s'attendrait à ce que lescapacités d'analyse syllabique soient supérieures aux capacités d'analyse phoné-mique. La supériorité de la segmentation syllabique sur la segmentation phoné-mique est surtout escomptée avant l'apprentissage de la lecture qui permettraitl'émergence de la dernière forme de segmentation parce que le phonème, à ladifférence de la syllabe, n'est pas facilement identifiable à l'oral en raison de lacoarticulation. De fait, il est généralement rapporté dans la littérature qu'avantcet apprentissage les capacités d'analyse syllabique sont relativement bien éta-blies, ce qui n'est pas le cas pour l'analyse phonémique qui se développerait sur-tout sous l'effet de cet apprentissage 33. Or, dès la première session on ne relève

32. Premier test d’analyse musicale, effet du groupe non significatif (F[2,43]=2.29) ; effet des sessions :F[2,86]=15.00, p<.01 ; interaction Groupe x Session : F[4,86]=1.73. Effet du groupe pour les second testd’analyse musicale (F[2,43]=3.33, p<.05). Différences entre futurs dyslexiques de surface et futurs normo-lec-teurs: F[1,28]=5.88, p<.05 ; entre futurs dyslexiques phonologiques et normolecteurs : F[1,33]=3.82 ; entre lesdeux groupes de futurs dyslexiques (F<1). Différence entre les dyslexiques phonologiques ou de surface et lesnormo-lecteurs à 5 ans dans ces deux tests : F[1,33]=1.06 et 1.74 ; F[1,28] < 1.33. Voir par exemple, pour les enfants avant et après l’apprentissage de la lecture, Liberman, Shankweiler,Fisher et Carter, 1974 ou les résultats des illettrés comparés à ceux des ex-illettrés : Bertelson et de Gelder,1989 ; Morais & Kolinsky, 1995.

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pas d’infériorité des résultats en suppression syllabique par rapport à la suppres-sion phonémique, ni chez les futurs normo-lecteurs, ni dans les deux groupes defuturs dyslexiques (voir les figures 5 et 6). Les faibles scores relevés en segmen-tation syllabique peuvent s’expliquer par le fait que toutes les tâches d’analysephonologique ont été présentées au magnétophone. Cette procédure élimine lapossibilité de s'appuyer sur les aides labiales qui peuvent faciliter la reconnais-sance des frontières syllabiques. Le résultat obtenu pour l'épreuve syllabique,particulièrement pour les trisyllabiques, suggère donc que les performances desdyslexiques dans cette tâche sont fortement dégradées quand ils ne peuvent pass'appuyer sur les aides labiales complémentaires.

◆ Interprétation des résultatsDans l'ensemble, nos résultats indiquent que les dyslexiques phonolo-

giques, comparativement aux normo-lecteurs de même âge ou de même niveaude lecture, souffrent d'un déficit spécifique aux traitements phonologiques enlecture. Par contre, on n'observe un déficit orthographique chez les dyslexiquesde surface que lorsque leurs performances sont comparées à celle de normo-lec-teurs de même âge alors qu'aucune différence entre leurs performances en lec-ture de pseudomots et de mots irréguliers ne ressort dans les comparaisons avecdes enfants plus jeunes, mais approximativement de même niveau de lecture. Lemême résultat a été observé dans d'autres études (voir le tableau 5). Partant dece constat, il est possible d'avancer que les dyslexiques de surface seraient desenfants ayant un simple retard de lecture 34.

Toutefois, les deux groupes de dyslexiques, y compris les dyslexiques desurface, semblent souffrir d’un déficit phonologique en dehors de la lecture.C’est ce qu’on relève dans le test de mémoire à court terme phonologique passéà l'époque où les enfants ont été diagnostiqués comme dyslexiques (à 10 et 11ans). Par contre, à la même époque, il n'y a aucune différence entre les deuxgroupes de dyslexiques et les normo-lecteurs de même âge en mémoire à courtterme visuelle et en copie de figures géométriques non signifiantes. De plus, lesdéficits phonologiques des dyslexiques, quel que soit leur type de dyslexie,apparaissent antérieurement au diagnostic de dyslexie. Ainsi, l'infériorité desdyslexiques par rapport aux normo-lecteurs de même âge ressort dès 8 ans dansle test de mémoire à court terme phonologique. A la même époque, on constateune infériorité systématique des dyslexiques, toujours quel que soit leur type dedyslexie, dans tous les tests d'analyse phonologique. Cette infériorité des dys-lexiques, quel que soit leur type de dyslexie, est manifeste bien avant l'appren-

34. Manis et al., 1996, p.179. Voir aussi Bryant et Impey, 1986; Stanovich et al., 1997.

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tissage de la lecture (à 5 ans), alors qu'à la même époque on ne trouve pas dedifférence entre futurs dyslexiques et futurs normo-lecteurs dans deux testsd'analyse musicale. Le résultat le plus surprenant est que, d'une part, les futursdyslexiques phonologiques n'ont jamais des scores inférieurs à ceux des futursdyslexiques de surface en analyse phonologique, ni en mémoire à court termephonologique. D'autre part, les dyslexiques de surface n'ont pas de résultatsinférieurs aux dyslexiques phonologiques, ni même aux normo-lecteurs demême âge, dans les tests visuels.

Ces résultats suggèrent qu'un déficit spécifiquement phonologique serait àla base des deux formes de dyslexie. Reste à comprendre comment, à partir d'unmême déficit, on peut obtenir deux profils différents de dyslexie. On peut com-prendre qu'un déficit phonologique hors du domaine de la lecture entraîne unedétérioration des procédures phonologiques de lecture. C'est le cas pour les dys-lexiques phonologiques. Le fait que ces enfants ont aussi un lexique orthogra-phique moins stable que celui de normo-lecteurs de même âge qu'eux (cf.l'épreuve de vérification orthographique) s'envisage facilement si l'on pense quel'utilisation de la voie phonologique contribue à la mise en place du lexiqueorthographique. Dans la mesure où les mots irréguliers ne sont jamais totale-ment irréguliers, on peut en effet produire une prononciation partiellement cor-recte de ces mots en utilisant les correspondances graphème-phonème (CGP) 35

et, par une confrontation avec le lexique oral, corriger ensuite les « erreurs »auxquelles a pu conduire l’utilisation de cette procédure de lecture. Pa rexemple, si on lit « femme » en utilisant les CGP les plus fréquentes, on obtientl'item /fem/ qui n'existe pas. Dans la mesure où existe un mot fréquent de pro-nonciation voisine (/fam/), les enfants peuvent inférer que, dans ce contexte, 'e'doit être lu /a/. Les relations entre orthographe et phonologie peuvent êtreacquises par cette procédure. En fonction de la fréquence des correspondancesgraphème-phonème, et de celle des mots, des associations fortes entre unitésorthographiques et phonologiques vont se créer. La consolidation de ces asso-ciations permettrait la mise en place progressive du lexique orthographique 36.

Il est plus difficile de comprendre pourquoi les dyslexiques de surface, endépit de compétences phonologiques dégradées hors de la lecture, ont des com-

35. On peut aussi utiliser les relations entre des unités de l'écrit et de l'oral plus larges que les graphèmes, parexemple, l'attaque et la rime de la syllabe. L'utilisation de ces unités peut être particulièrement rentable pour lalecture en anglais. En effet, cette langue se caractérise par un nombre élevé de mots courts qui ont des rimescomportant des groupes consonantiques complexes (light, night, right, sight) dont la prononciation est plusprédictible si on tient compte de la rime entière (ight).36. Voir sur ce point la synthèse de Share, 1995 ; voir également Sprenger-Charolles & Casalis, 1996, et pourune évaluation de l'effet, sur l'apprentissage de la lecture, de la consistance des relations graphème-phonème,voir Sprenger-Charolles, soumis.

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pétences phonologiques relativement préservées en lecture et des compétencesorthographiques plus faibles, ces dernières ne pouvant s’expliquer par un déficitde leur mémoire visuelle. On peut toutefois rappeler que, d’une part, par rapportaux normo-lecteurs de même âge, les dyslexiques de surface lisent plus lente-ment les pseudomots, même si ce déficit est moins marqué chez eux que chezles dyslexiques phonologiques. De plus, on n'observe pas de différence entre cesdyslexiques et les normo-lecteurs qui ont deux ans de moins pour les temps deréponse des pseudomots. Les compétences phonologiques de lecture de ces dys-lexiques sont donc loin d'être totalement préservées. D'autre part, si ces enfantsont un déficit orthographique plus marqué que celui des dyslexiques phonolo-giques, ce déficit ne ressort signifi c a t ivement que dans une de nos deuxépreuves. En effet, aucune différence entre les deux groupes de dyslexiquesn'apparaît dans l'épreuve de vérification orthographique.

Il ne faut donc pas perdre de vue que les déficits des procédures de lec-ture qu'on a pu détecter avec la méthode utilisée ne sont que relatifs. En d'autrestermes, les dyslexiques phonologiques présentent principalement, mais pas uni-quement, un déficit de la voie phonologique de lecture, et les dyslexiques desurface ont principalement, mais pas uniquement, un déficit de la voie orthogra-phique. Dans ce cas, il n'est plus surprenant de trouver des déficits phonolo-giques en lecture, et en dehors de la lecture, chez des dyslexiques de surface. Laméthode classique serait donc mieux adaptée pour détecter les diff é r e n t e sformes de dyslexie dans la mesure où elle permet de relever des déficits « abso-lus ». Or avec cette méthode, comme l'indiquent les résultats des différentesrecherches examinées (voir le tableau 3), on observe surtout des doubles défi-cits, et non des dissociations. Par exemple, dans notre cohorte, seuls 6 enfantsprésentent un profil de type surface et 5 un profil de type phonologique. Toute-fois, nos 6 dyslexiques de surface avaient tous des déficits en analyse phonolo-gique avant l'apprentissage de la lecture 37.

Ces résultats indiquent que les déficits phonologiques sont au centre de lad y s l exie du déve l o p p e m e n t 3 8. Cet article met donc en relief une nouvelle fois cequi ressort avec une grande conve rgence des recherches menées depuis une ving-taine d'année. Des progrès restent toutefois à faire dans le domaine pour trouve rdes épreuves plus fines que celles dont nous disposons à l'heure actuelle pour éva-luer les capacités d'analyse phonologique et de mémoire à court terme phonolo-

37. La moyenne des normo-lecteurs pour l’ensemble des épreuves d’analyse phonologique passées alors queles enfants avaient 5 ans est de 72.95 (écart-type : 14.61). Les scores des 6 futurs dyslexiques de surface sesituent entre 36 et 45.38. Voir entre autres, Siegel, 1993.

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gique des enfants et, plus généralement, leurs capacités phonologiques. Il se pour-rait en effet que les problèmes repérés par les épreuves classiques phonologiquesque nous signalons dans l'article recouvrent en fait des déficits phonologiques denature diff é r e n t e 3 9 qui pourraient entraîner des profils différents de dyslex i e .

39. Bishop, Bishop, Bright, James, Delaney & Tallal, 1999.

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Evaluation de la mémoire de travail verbalechez six enfants présentant une hémiplégiecérébrale congénitale

Monique Sanchez, Sibylle Gonzalez, Annie Ritz

R é s u m éLe rôle de la Mémoire de travail (MDT) verbale dans les apprentissages est maintenantreconnu. Les troubles d'apprentissages dans la population des enfants présentant unehémiplégie cérébrale congénitale (HCC) sont très fréquemment rapportés. Nous présentonsles résultats d'une étude portant sur l'évaluation de la MDT verbale chez six enfants présen-tant une HCC. Le matériel d'évaluation a été élaboré en référence au modèle de la MDT deBaddeley (1986). En l'absence d'étalonnage, actuellement indisponible chez l'enfant, de cematériel, nous avons comparé les résultats des enfants hémiplégiques à ceux d'une popula-tion témoin. Lorsque les résultats des enfants hémiplégiques sont considérés globalement,on observe un déficit de la boucle phonologique. En revanche, lorsque les résultats des sixenfants sont étudiés séparément, on met en évidence une hétérogénéité du dysfonctionne-ment de cette mémoire. Ces résultats sont interprétés en comparaison avec ceux que l'onobserve dans d'autres pathologies du développement cognitif telles que la dysphasie.Mots clés : mémoire de travail verbale, boucle phonologique, hémiplégie cérébrale congéni-tale, enfant, évaluation, troubles d'apprentissages.

Evaluation of verbal working memory in 6 children with congenitalhemiparesis

AbstractThe role of verbal working memory in the development of learning skills is now well recogni-zed. Learning disorders in children with congenital hemiparesis are frequently reported. Wepresent the results of a study on the evaluation of verbal working memory in 6 children withcongenital hemiparesis. The tests we used in this study were developed on the basis ofBaddeley's model (1986). Since these tests do not provide norms for children, we comparedthe results of hemiplegic children with those of a control group. Global results from thehemiplegic group showed a phonological loop deficit. However, when results were analyzedseparately for each of the 6 children, they indicated some heterogeneity in this memory dys-function. Our results are interpreted and contrasted with those obtained in other cognitivedevelopment disorders such as speech and language impairment.Key Wo r d s : verbal working memory, phonological loop, congenital hemiparesis, child, eva-luation, learning disorders.

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L e terme d'hémiplégie désigne une atteinte motrice intéressant exclusive-ment de façon prédominante un hémicorps, consécutive à une lésioncérébrale unilatérale et controlatérale à l'atteinte clinique. Selon la défini-

tion de Hagberg et al. (1975), on parle d'hémiplégie cérébrale congénitale(HCC) en l'absence d'épisode causal identifié au-delà du 7e jour de vie. Sa fré-quence est d'environ 7 pour 10 000. L'atteinte est plus fréquente chez le garçon.Des causes anté et/ou péri-natales sont retrouvées mais l'étiologie inconnuereste prédominante. Sur le plan moteur, la sévérité de l'hémiplégie dépend del'atteinte du membre supérieur.

On trouve dans la littérature trois grandes études (Goutières et al. 1972,Uvebrant 1988, Wiklund et Uvebrant 1991) qui rendent compte des donnéesgénérales, neurologiques et neuroradiologiques de cette population.

Plusieurs auteurs se sont interrogés sur l'origine des troubles d'apprentis-sage sur le plan scolaire souvent rencontrés dans cette population.

Pour Claeys, Deonna et Chraznowski (1983) et Molteni et al.(1987), lequotient intellectuel (QI) moyen de la population HCC se situe dans l'intervallede normalité mais à un niveau inférieur à celui de la population ordinaire.

Banich et al. (1990) parlent d'une dégradation du QI avec le temps ; résul-tats que ne retrouvent pas Aram et Eisele (1994) à partir du suivi longitudinal de26 enfants hémiplégiques. Les études, telles que celle de Carlsson et al. (1994), quiprennent en compte le facteur côté de la lésion, rapportent que le groupe des hémi-plégies droites a de moindres performances intellectuelles que le groupe des hémi-plégies gauches. Dans une étude antérieure, nous avons (Gonzalez et al. 1998) rap-porté un résultat identique. Sur le plan du suivi longitudinal, nous avons pumontrer que quel que soit le côté de l'hémiplégie, il existerait, avec le temps, unep r é s e r vation de l'intelligence verbale au détriment de l'intelligence visuo-spatiale.

Les travaux concernant le développement du langage de cette populationrapportent une récupération quasi normale ou du moins des déficits qui ne cor-

Monique SANCHEZSibylle GONZALEZ Annie RITZService de Rééducation Pédiatrique L'Escale, Centre Hospitalier Lyon-Sud 69495 Pierre-Bénite Cedex.

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respondent pas à ceux que l'on observe chez l'adulte pour des sites lésionnelsidentiques (Bates et al. 1997). Feldman en 1994 considère que cette récupéra-tion du langage dans les premières années de développement ne témoigneraitd'une plasticité cérébrale que pour les fonctions les plus élémentaires. Selon cetauteur, l'hémisphère gauche serait recruté pour les aspects plus élaborés du lan-gage et des déficits pourraient donc s'exprimer plus tardivement.

On voit donc que les différents travaux tendant à rendre compte des diffi-cultés d'apprentissage que rencontre cette population ne portent que sur des don-nées psychométriques globales ou sur le langage. Nous n'avons pas trouvéd'études dans la littérature concernant l'évaluation de la mémoire de travail.

Si la mémoire de travail est sollicitée pour la compréhension, le raisonne-ment, l'apprentissage (Baddeley et Hitch, 1974 ; Baddeley, (1986, 1990 a), ilparaît légitime de se pencher sur cet aspect du développement cognitif chez l'en-fant HCC.

La Mémoire De Tr avail (MDT) est conçue, dans le modèle de Baddeley(1986), comme un système hiérarchique tripartite, dont la composante essen-tielle est l'Administrateur Central (AC) responsable de la répartition des res-sources cognitives entre le stockage et le traitement de l'information : unea c t ivité mentale complexe est en effet mise en jeu lorsqu'une information doitêtre mémorisée en vue d'un traitement cognitif. Pour le stockage, l'AC estassisté de deux systèmes périphériques auxiliaires : la Boucle Phonologique(BP) spécialisée dans le maintien temporaire d'un matériel verbal, et le Cale-pin visuo-Spatial (CVS) spécialisé dans le maintien temporaire d'un matérielvisuel et spatial.

La MDT est classiquement évaluée par la mesure de l'empan mnésique :l'empan définit la plus longue séquence d'items que le sujet est capable de rap-peler dans l'ordre de présentation. La plupart des batteries psychométriques ontrecours à ce type d'épreuve.

Notre étude se centrera sur le fonctionnement de la BP ou mémoire pho-nologique à court terme. Déjà en 1887, un instituteur anglais, Jacobs, observaitque les enfants qui répétaient la plus longue séquence de chiffres étaient ceuxqui obtenaient les meilleurs résultats scolaires. Depuis, différents auteurs ontmontré le rôle de la BP dans plusieurs aspects de la cognition verbale : l'acquisi-tion du vocabulaire (Gathercole et Baddeley, 1989 ; 1990 a), la compréhensiondu langage (Baddeley, 1990 a et b), l'acquisition de la lecture (Baddeley etGathercole, 1992), l'acquisition de nouvelles structures syntaxiques (Adams etGathercole, 1995)...

La BP est elle-même dotée de deux composantes :

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* une unité de stockage phonologique qui reçoit directement les informa-tions verbales présentées auditivement et les stocke passivement, sousforme de représentations phonologiques, pendant une durée de 1,5 à 2secondes.

* un processus d'auto-répétition subvocale actif qui, en réactivant cestraces mnésiques, va permettre de les réintroduire dans l'unité de stockagephonologique, différant ainsi leur déclin. Le processus d'auto-répétitionsubvocale intervient également pour convertir une information verbali-sable présentée visuellement (image, mot écrit) en un code phonologiquelui donnant accès à l'unité de stockage phonologique.

C'est la sensibilité de l'empan à différents effets qui attestera du bon fonc-tionnement de ces deux composantes.

* L'Effet de Similarité Phonologique (ESP) : le rappel immédiat apparaîtmoins bon lorsque les items sont phonologiqement proches : cet ESP estinterprété comme un indice du fonctionnement normal de l'unité de stoc-kage phonologique.

* L'Effet de Longueur de Mot (ELM) : le rappel immédiat se révèle d'au-tant moins bon que les mots sont plus longs : cet ELM dépendrait de lamise en œuvre adéquate du processus d'auto-répétition subvocale du faitque les mots longs demandent un temps d'auto-répétition plus long, ce quilaisse à la trace mnésique le temps de s'effacer avant de pouvoir être réin-troduite dans l'unité de stockage phonologique.

* L'effet de Suppression Articulatoire (ESA) : l'empan est égalementaffecté négativement lorsqu'on demande au sujet de répéter à haute voixune série itérative (telle une suite de chiffres : 1, 2, 3, 1, 2, 3...) pendantl'encodage des items à mémoriser. Ce procédé, appelé suppression articu-latoire, perturbe le recodage phonologique de l'information présentéevisuellement et empêche d'auto-répéter sous-vocalement les mots. La pré-sence d'un ESA témoigne donc du fonctionnement normal du processusd'auto-répétiton subvocale.

Ce modèle de fonctionnement d'une BP mature a été conceptualisé chezl'adulte. On sait que, chez l'enfant, l'empan augmente avec l'âge, et on admetque la BP se développe progressivement avec l'apparition d'opérations succes-sives (Gillet et al., 1996, pour une revue de la littérature). Ainsi, le concept deBP, considéré dans une perspective développementale, peut-il servir de cadrethéorique pour tenter d'expliquer certaines difficultés d'apprentissage chez l'en-fant HCC.

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◆ Sujets et méthodeNotre population est constituée de 6 enfants HCC : 3 enfants présentent

une hémiplégie droite (HD) et 3 enfants présentent une hémiplégie gauche (HG)(cf. tableau 1). Le diagnostic d'HCC a été porté sur des arguments cliniques etneuroradiologiques (lésion cérébrale unilatérale et controlatérale à l'atteinte cli-nique, identifiée au scanner cérébral et/ou à l'IRM cérébrale). On note une pré-dominance de garçons. Nous n'avons retenu que des enfants avec un QuotientIntellectuel (QI) supérieur à 90, afin d'éliminer des déficits intellectuels plusglobaux. Tous bénéficient d'une éducation maternelle en langue française. Unenfant (sujet 5) présente une épilepsie traitée. Il est le seul de notre population àavoir été maintenu dans une classe (actuellement 2e année de CE1).

Nous avons constitué un protocole expérimental d'évaluation de lamémoire de travail verbale que nous avons proposé à ces 6 enfants. Ce protocolea été élaboré en référence au modèle de la mémoire de travail de Baddeley(1986) dans le cadre d'un mémoire de DESS de Neuropsychologie (Sanchez,1998). Il est constitué de 13 épreuves présentées ci-après. Les mêmes épreuvesont été présentées à une population témoin : nous avons apparié, à chaqueenfant HCC, trois enfants tout-venant de même sexe, même âge chronologique(à 3 mois près), d'éducation maternelle en langue française et suivant un cursusscolaire normal. Nous n'avons pas pu contrôler le QI de ces enfants en raisondes problèmes matériels que pose ce type d'évaluation en milieu scolaire. Nousn'avons pas pu non plus contrôler le niveau socio-culturel de leurs parents. Nousnous sommes contenté d'éviter les extrêmes.

épreuve 1 : empan de mots monosyllabiques en modalité auditive de pré-sentation.épreuve 2 : empan de mots trisyllabiques en modalité auditive de présen-tation.épreuve 3 : empan de mots monosyllabiques en modalité visuelle de pré-sentation.épreuve 4 : empan de mots trisyllabiques en modalité visuelle de présen-tation. épreuve 5 : empan de mots monosyllabiques en modalité auditive de pré-sentation, avec suppression articulatoire.épreuve 6 : empan de mots trisyllabiques en modalité auditive de présen-tation, avec suppression articulatoire.épreuve 7 : empan de mots monosyllabiques en modalité visuelle de pré-sentation, avec suppression articulatoire.épreuve 8 : empan de mots trisyllabiques en modalité visuelle de présen-tation, avec suppression articulatoire.

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Ces 8 épreuves sont constituées d'un lexique de 10 mots, commun auxdeux modalités de présentation et évitant les rapports phonologiques et séman-tiques entre les items d'une même série. Les items présentés visuellement nesont pas des mots écrits, mais des images, afin d'éviter d'éventuelles difficultésliées au déchiffrement. En modalité auditive, les items sont énoncés au rythmede un mot par seconde ; en modalité visuelle, les images sont présentées aurythme d'une image toutes les 2 secondes.

On peut conclure à un ELM si l'empan de mots trisyllabiques est inférieurà l'empan de mots monosyllabiques : l'ELM atteste de l'utilisation du processusd'auto-répétition subvocale pour réviser le contenu du stock phonologique.

On peut conclure à un ESA si l'empan diminue lorsqu'est imposée paral-lèlement à l'encodage, l'articulation de la séquence itérative : 1, 2, 3, 1, 2...

La disparition de l'ELM lors de la suppression articulatoire, quelle quesoit la modalité de présentation, signe un fonctionnement normal de ce méca-nisme.

Nous avons choisi de ne pas étudier l'ESP au moyen d'empans de motsphonologiquement similaires en raison de l'absence de mots proches phonologi-quement de même fréquence d'utilisation que les mots proposés pour lesempans de référence.

Pour évaluer la composante stockage phonologique, nous avons alors pré-senté une tâche d'analyse phonologique de mots ayant des codes phonologiquesproches : détecter un intrus dans une tâche d'identification de rimes (épreuve 9),ainsi qu'une tâche de répétition de non-mots de longueur croissante (épreuve10).

épreuve 11 : empan digital.

A ces épreuves d'évaluation de la BP, nous avons ajouté deux épreuvesimpliquant l'AC sur des tâches verbales :

épreuve 12 : complètement de phrases (la consigne est de compléter ora-lement les phrases lacunaires avant de rappeler dans l'ordre de présenta-tion des phrases, les mots évoqués).épreuve 13 : ordonnancement de chiffres (la consigne est de restituer dansl'ordre numérique croissant une série de chiffres).

Ces deux dernières épreuves combinent stockage et traitement de l'infor-mation, à la différence des précédentes qui n'exigent qu'un stockage.

* la passation du protocole s'est déroulée, pour les enfants HCC, dans leservice où ils sont habituellement suivis et, pour les enfants témoins, en milieuscolaire. La présentation des épreuves a été scindée en deux séances indivi-duelles, organisées de la même façon pour tous les enfants. Chaque épreuve,

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toujours précédée d'une démonstration, comporte trois séries d'items. L'empande l'enfant correspond au niveau le plus élevé où deux séries sont réussies.

◆ RésultatsNous présentons tout d'abord les résultats des 6 enfants HCC en compa-

raison avec les résultats de leurs sujets témoins (cf. tableau 2). On note que lesujet 1 présente des résultats normaux pour les épreuves qui évaluent la BP etl'AC. Si le sujet 2 présente une réduction de l'empan de base, on constate,cependant, une certaine fonctionnalité de la BP. Le sujet 3 compense ses capaci-tés relativement limitées au niveau de la BP par une bonne utilisation de l'AC.Les résultats du sujet 4 témoignent d'une BP déficitaire. Pour le sujet 5, on meten évidence des performances faibles essentiellement pour l'AC. Enfin, le sujet6 présente des performances globalement déficitaires.

Etant donné la mise en évidence d'une telle hétérogénéité du fonctionne-ment de la MDT verbale dans notre population, nous avons procédé, secondaire-ment, à une analyse globale des résultats en comparant les scores du groupe desenfants HCC à ceux du groupe des sujets témoins. Nous avons eu recours pourcela à trois tests statistiques :

- le test d'hypothèse khi-deux du rapport de vraisemblance,- le test t appariés de Student : en ce qui concerne ce test, le faible nombrede sujets conduit à reconnaître que cette méthode d'analyse est employéedans des conditions limites et qu'on peut en discuter l'utilisation par suitedu manque de puissance. - le test non paramétrique de signes. Nous n'avons pas constitué de sous-

groupes en fonction du côté de la lésion, ceci en raison du faible nombre d'en-fants, ainsi que des différences d'âge et de sexe au sein de notre population.

* test d'hypothèse khi-deux du rapport de vraisemblance : on considère,pour une première analyse, que les variables sont quantitatives et on explorel'indépendance de chaque épreuve par rapport au fait d'être hémiplégique ounon, à l'aide de tableaux croisés (épreuves X status).

Pour toutes les épreuves, les scores du groupe des enfants HCC sont infé-rieurs à ceux du groupe contrôle (cf. tableaux 3). La différence s'avère statisti-quement significative (.05) pour les épreuves 1, 3, 4, 9. On ne note pas de diffé-rence significative pour la tâche d'empan de mots trisyllabiques en modalitéauditive de présentation (épreuve 2), alors que cette différence est significativepour les mots monosyllabiques (épreuve 1). L'empan du groupe contrôle estplus faible pour les mots longs que pour les mots courts. L'ELM témoigne d'unbon fonctionnement du mécanisme d'auto-répétition subvocale dans la popula-

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tion contrôle ; cet effet n'est pas retrouvé dans le groupe d'enfants HCC. On nenote pas non plus de différence significative lorsqu'intervient la suppression arti-culatoire (épreuves 5, 6, 7, 8). L'empan du groupe contrôle diminue alors, tandisque celui du groupe des enfants HCC est moins affecté. L'ESA reflète aussi lebon fonctionnement du mécanisme d'auto-répétition subvocale chez les enfantstémoins ; cet effet est moins net chez les enfants HCC.

Ces résultats témoigneraient d'une moindre utilisation du mécanismed'auto-répétition subvocale chez les enfants HCC. En outre, les enfants HCCseraient moins sensibles à la similarité phonologique entre les mots (différencestatistiquement significative à l'épreuve 9).

La BP paraît donc être de capacité plus réduite chez l'enfant HCC(empans de référence plus bas en modalités auditive et visuelle : épreuves 1 et3) et moins fonctionnelle dans ses deux composantes.

En revanche, on ne peut pas conclure à un déficit de l'AC pour les deuxtâches verbales que nous avons présentées (épreuves 12 et 13).

* test t appariés de Student : on utilise, pour une seconde analyse, la diff é-rence de moyennes sur des variables appariées (on a supposé que la distribution desvariables était normale, sans le vérifi e r, et que les variances étaient homogènes).

Les moyennes du groupe d'enfants HCC sont toujours inférieures à celledu groupe contrôle (cf. tableau 4). La différence est statistiquement significative(.05) pour les épreuves 1, 4, 9. A noter que si les enfants HCC ont, en moyenne,un empan de mots monosyllabiques en modalité auditive de présentation plusfaible que celui des enfants témoins de façon statistiquement signifi c a t ive( é p r e u ve 1 : 3,50 pour les sujets HCC / 4,38 chez les sujets témoins) (cfannexe), la différence, quoique non statistiquement significative, existe aussi enmodalité visuelle de présentation (3,50 pour les sujets HCC / 4,27 pour lessujets témoins).

Ces résultats semblent donc confirmer un certain déficit de la BP chez lesenfants HCC.

* le test non paramétrique de signes : les résultats sont encore en faveurd'un moins bon développement de la BP chez les enfants HCC (cf. tableau 5).Cependant, ce test statistique « robuste » ne permet pas de généraliser ces obser-vations, sans doute en raison du nombre trop faible d'individus participant à lasérie étudiée.

◆ DiscussionL ' existence d'un lien entre MDT verbale et apprentissages semble confi r m é e

par différentes données. Notre étude concerne l'évaluation de cet aspect de la

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mémoire chez des enfants HCC en début de scolarité (CP, CE1, CE2) dans l'optiquede repérer d'éventuels déficits susceptibles de retentir sur les résultats scolaires.

Si on considère l'étude de groupes (groupe d'enfants HCC comparé augroupe contrôle), on note, pour les 13 épreuves de notre protocole, des scorestoujours inférieurs dans le groupe d'enfants cérébrolésés. L'analyse statistiquerévèle des différences significatives pour les épreuves évaluant la BP (empan demots, identification de rimes), alors que l'AC serait plus épargné. Au vu desrésultats, la BP paraît être de capacité plus réduite dans le groupe d'enfant HCC,mais également moins fonctionnelle.

* la présence moins nette de l'ESA, en modalité auditive, et de l'ELM,dans le groupe d'enfants HCC témoignerait d'une moins bonne utilisation duprocessus d'auto-répétition subvocale pour renforcer le stockage (il reste cepen-dant délicat d'interpréter une absence d'effets lorsque les empans de référencesont déjà faibles).

* le recodage phonologique existe : la quasi totalité des enfants HCCpasse par une dénomination des images à voix chuchotée, d'où la présence d'unESA en modalité visuelle de présentation. La difficulté résiderait plutôt dans ladénomination subvocale de ces images ("inner speech").

* la composante stockage phonologique semble également être de moinsbonne qualité dans le groupe d'enfants HCC si on se réfère à la différence signifi-c a t ive qui apparaît pour la tâche d'identification de rimes. Nous pouvons toutefoisnuancer cette affirmation en rappelant qu'il ne s'agit pas là de la tâche habituelle-ment utilisée pour évaluer la composante stockage phonologique (plus communé-ment explorée par la recherche d'un ESP dans la tâche d'empan de mots).

Nous insistons sur le fait que notre population est constituée d'un nombretrop faible d'enfants pour que nous puissions généraliser ces résultats. On peutnéanmoins s'interroger sur la raison des moindres performances du groupe d'en-fants HCC dans les tâches de MDT verbale, lorsqu'on compare leurs résultats àceux du groupe contrôle. Ces moindres performances peuvent-elle être expli-quées par le fait que, comme le rapportent les travaux de Clayes et al. (1983),Cohen-Lévine et al. (1987), Molteni et al (1987), la population des enfants HCCa un QI globalement inférieur à celui de la population ordinaire bien que dansl'intervalle de normalité. Mais les six enfants de notre échantillon ont un QIsupérieur à 90. Dans ce cas, peut-on poser l'hypothèse pour notre échantillond'un déficit spécifique de la MDT verbale ?

Il aurait été intéressant de pouvoir contrôler l'effet du côté de la lésion surles résultats. Les sujets hémiplégiques droits sont-ils plus déficitaires enmémoire verbale et dans les tâches de similarité phonologique que les sujetshémiplégiques gauches ? Ceci serait à explorer sur un effectif plus large.

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62

L'analyse séparée des résultats des six enfants HCC met cependant enévidence l'hétérogénéité du dysfonctionnement de la MDT verbale.

Le sujet 1, qui obtient de très bons scores, souvent supérieurs à ceux dessujets témoins, est l'enfant le plus jeune de notre échantillon. Il est trop tôt pourdire qu'il ne présentera pas de troubles ultérieurement ; ceci en référence auxtravaux de Banich et al. (1990) qui reprennent l'hypothèse de Goldman (1974)selon laquelle, en cas de lésion cérébrale précoce, le potentiel de réorganisationcérébrale serait limité à la prise en charge des fonctions élémentaires jusqu'auxenvirons de 6 ans et non des fonctions plus élaborées qui se développent plustard, c'est-à-dire après 6 ans. Précisons aussi qu'il s'agit du seul sujet de sexeféminin de notre population et que certains travaux tels que ceux de Kimura(1983) évoquent une différence de réorganisation cérébrale post-lésionnelle enfonction du sexe.

Le sujet 4 présente des séquelles de retard d'acquisition du langage oral.Pour cet enfant, la présentation visuelle facilite la rétention d'un matériel verbal(empan de mots supérieur en modalité visuelle de présentation). Lors de la pas-sation du protocole, on constate qu'il essaye d'évoquer la représentation visuellede l'image pour compenser la défaillance de la BP, ce qui améliore sa perfor-mance, mais au prix d'une extrême lenteur et d'importants efforts de concentra-tion.

Le sujet 5 présente une épilepsie : il obtient des scores nuls à certainesépreuves de MDT verbale. Rappelons que pour Vargha-Khadem et al. (1992), ilexiste un lien entre la présence d'une épilepsie et l'abaissement du QI. Le QITde cet enfant est supérieur à 90, mais c'est le seul enfant de notre population àprésenter une dissociation entre QI verbal et QI performance supérieur à 15 ;cette différence est cependant en faveur de l'aspect verbal.

Les sujets 2, 3 et 6 ne présentent pas de dysfonctionnements neuropsy-chologiques particuliers.

Nos résultats pourraient être rapprochés de ceux que rapportent Gillet etal. (1996) dans la population des enfants dysphasiques. Ces auteurs mettent enévidence une altération de la BP qui ne serait pas univoque et pourrait affecterl'unité de stockage phonologique et le processus d'auto-répétition subvocale. Enr evanche, dans notre population d'enfants HCC, le recodage phonologiquesemble être fonctionnel. Ceci signifie que ces enfants, s'ils ne présentent pas detroubles spécifiques du langage associés, utilisent les codes de parole pour sup-porter la rétention mnésique des images.

Les résultats de cette étude suggèrent que quel que soit le côté de lalésion cérébrale, l'enfant atteint d'HCC pourrait présenter un déficit de MDTverbale. Ce déficit pourrait être un des facteurs responsable des difficultés d'ap-

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prentissage fréquemment observées dans cette population. Si les enfants denotre échantillon ne présentent pas actuellement de difficultés scolaires impor-tantes, ce trouble de mémoire pourrait-il être prédictif de difficultés à venir ?Seul un suivi longitudinal permettra de vérifier s'il s'agit d'un retard de matura-tion ou d'un déficit spécifique de la BP.

◆ RemerciementsNous tenons à remercier le docteur Louis Ayzac pour l'analyse statistique

des résultats, Françoise Combe pour la relecture du texte et ses propositions decorrection, Véronique Chambe pour le soin apporté à la présentation du texte etdes tableaux.

Nous remercions également l'association Handicap International dont lesoutien financier, depuis plusieurs années, a permis d'initier cette étude chezl'enfant hémiplégique dans le service du docteur Carole Bérard.

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Tableaux 3

Epreuve 1 : empan de mots monosyllabiquesen modalité auditive de présentation

X2 = 8,997 (ddl2) p = 0,011.

cas témoins3 mots 3 (50 %) 1 (5,6 %)4 mots 3 (50 %) 9 (50 %)5 mots 0 8 (44,4 %)

Epreuve 2 : empan de mots trisyllabiquesen modalité auditive de présentation

X2 = 1,708 (ddl2) p = 0,426.

cas témoins3 mots 4 (66,7 %) 8 (44,4 %)4 mots 2 (33,3 %) 8 (44,4 %)5 mots 0 2 (11,1 %)

Epreuve 3 : empan de mots monosyllabiquesen modalité visuelle de présentation

X2 = 6,457 (ddl2) p = 0,040.

cas témoins3 mots 3 (50 %) 3 (16,7 %)4 mots 3 (50 %) 7 (38,9 %)5 mots 0 8 (44,4 %)

Epreuve 5 : empan de mots monosyllabiquesen modalité auditive de présentation+ suppression articulatoire

X2 = 4,042 (ddl2) p = 0,133.

cas témoins3 mots 1 (16,7 %) 04 mots 2 (33,3 %) 3 (16,7 %)5 mots 3 (50 %) 15 (83,3 %)

Epreuve 4 : empan de mots trisyllabiquesen modalité visuelle de présentation

X2 = 6,796 (ddl1) p = 0,009.

cas témoins3 mots 4 (66,7 %) 2 (11,1 %)4 mots 2 (33,3 %) 16 (88,9 %)

Epreuve 6 : empan de mots trisyllabiquesen modalité auditive de présentation+ suppression articulatoire

Epreuve 7 : empan de mots monosyllabiquesen modalité visuelle de présentation+ suppression articulatoire

X2 = 1,618 (ddl1) p = 0,203.

X2 = 3,037 (ddl2) p = 0,219.

cas témoins3 mots 5 (83,3 %) 10 (55,4 %)4 mots 1 (16,7 %) 8 (44,4 %)

cas témoins2 mots 4 (66,7 %) 7 (38,9 %)3 mots 2 (33,3 %) 7 (38,9 %)4 mots 0 4 (22,2 %)

Epreuve 8 : empan de mots trisyllabiquesen modalité visuelle de présentation+ suppression articulatoire

X2 = 3,612 (ddl2) p = 0,164.

cas témoins0 mots 1 (16,7 %) 02 mots 2 (33,3 %) 11 (61,1 %)3 mots 3 (50 %) 7 (38,9 %)

Epreuve 9 : jugement de rimes

X2 = 14,855 (ddl6) p = 0,021.

cas témoins4 séries 0 1 (5,6 %)5 séries 1 (16,7 %) 06 séries 0 1 (5,6 %)7 séries 0 3 (16,7 %)8 séries 4 (66,7 %) 2 (11,1 %)9 séries 1 (16,7 %) 3 (16,7 %)

10 séries 0 80 (44,4 %)

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Cas Témoins P

1 - mono / prés. aud. 3,50 (0,55) 4,38 (0,53) 0,043

2 - tri / prés. aud. 3,33 (0,52) 3,66 (0,56) 0,332

3 - mono / prés. vis. 3,50 (0,55) 4,27 (0,65) 0,104

4 - tri / prés. vis. 3,33 (0,52) 3,88 (0,27) 0,042

5 - mono / prés. aud. + SA 3,33 (0,52) 3,83 (1,18) 0,203

6 - tri / prés. aud. + SA 3,16 (0,41) 3,44 (0,27) 0,141

7 - mono / prés. vis. + SA 2,33 (0,52) 2,88 (0,46) 0,185

8 - tri / prés. vis. + SA 2,16 (1,17) 2,38 (0,39) 0,679

9 - jugement de rimes 7,66 (1,37) 8,55 (1,47) 0,029

10 - non-mots 4,33 (1,51) 5,05 (0,80) 0,17

11 - empan digital 4 (0,89) 5,05 (0,80) 0,115

12 - complèt. de phrases 2 (1,10) 2,22 (0,54) 0,675

13 - ordt de chiffres 3,50 (0,55) 4,11 (0,62) 0,069

Epreuve 10 : répétition de non-mots

X2 = 8,666 (ddl4) p = 0,70.

cas témoins3 syllabes 2 (33,3 %) 04 syllabes 2 (33,3 %) 8 (44,4 %)5 syllabes 1 (16,7 %) 3 (16,7 %)6 syllabes 0 5 (27,8 %)7 syllabes 1 (16,7 %) 2 (11,1 %)

Epreuve 11 : enpan digital

X2 = 7,803 (ddl4) p = 0,099.

cas témoins3 chiffres 2 (33,3 %) 04 chiffres 2 (33,3 %) 5 (27,8 %)5 chiffres 2 (33,3 %) 10 (55,6 %)6 chiffres 0 2 (11,1 %)7 chiffres 0 1 (5,6 %)

Epreuve 12 : complément de phrases

X2 = 5,227 (ddl3) p = 0,156.

cas témoins0 mot 1 (16,7 %) 02 mots 3 (50 %) 15 (83,3 %)3 mots 2 (33,3 %) 2 (11,1 %)4 mots 0 1 (5,6 %)

Epreuve 13 : ordonnancement de chiffres

X2 = 3,935 (ddl3) p = 0,269.

cas témoins3 chiffres 3 (50 %) 4 (22,2 %)4 chiffres 3 (50 %) 9 (50 %)5 chiffres 0 4 (22,2 %)6 chiffres 0 1 (5,6 %)

Tableau 4 : Test t appariés de Student

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Différence - Différence + Ex aequo P

1 - mono / prés. aud. 5 1 0 0,219

2 - tri / prés. aud. 5 1 0 0,219

3 - mono / prés. vis. 5 1 0 0,219

4 - tri / prés. vis. 4 0 2 0,125

5 - mono / prés. aud. + SA 3 1 2 0,625

6 - tri / prés. aud. + SA 4 1 1 0,375

7 - mono / prés. vis. + SA 4 2 0 0,688

8 - tri / prés. vis. + SA 2 3 1 1

9 - jugement de rimes 5 1 0 0,219

10 - non-mots 4 1 1 0,375

11 - empan digital 4 1 1 0,375

12 - complèt. de phrases 2 2 2 1

13 - ordt de chiffres 4 0 2 0,125

Tableau 5 : Test non paramétrique des signes

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Conscience phonologique et surditéAnnie Dumont

R é s u m éFace à un enfant sourd, la question de la conscience phonologique est d'emblée posée. Eneffet sachant qu'à partir d'une surdité moyenne, l'enfant perçoit difficilement les contrastesphonétiques on s'interroge sur ses possibilités de segmentation du flux acoustique de laparole. Il semble toutefois que la conscience phonologique existe chez l'enfant sourd etqu'elle soit post lexique.

Mots clés : conscience phonologique, surdité, cued-speech, langage des signes, langageécrit.

Phonological awareness and deafness

AbstractThe issue of phonological awareness is immediately raised when dealing with deaf children.Even when the hearing impairment is of moderate severity, the child has difficulty perceivingphonetic contrasts and his ability to segment the acoustic flow of speech can be questioned.Phonological awareness nevertheless seems to exist in deaf children as a post-lexical phe-nomenon.Key Wo r d s : phonological awareness, deafness, cued speech, sign language, written lan-guage.

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Ce numéro spécial de la revue Rééducation Orthophonique consacré entiè-rement à la conscience phonologique rappelle l'importance des habiletésphonologiques dans l'acquisition du langage oral et écrit. Cependant les

liens entre l'audition « normale » et l'acquisition de la conscience phonologiquesont loin d'être simples. Certains enfants entendent bien mais ne développentpas une conscience phonologique efficace ce qui revient à se poser la questionde la place réelle de l'audition dans ce processus et à s'interroger sur les aspectsperceptifs, cognitifs et linguistiques mis en jeu dans la conscience phonolo-gique. A ce titre le cas de l'enfant sourd peut apporter des indications et peut-être des pistes de recherche.

◆ Comprendre par les yeux ?

Comment les sujets qui présentent des surdités sévères ou profondes pro-cèdent-ils pour recevoir, traiter et comprendre le langage oral? Sur quelles pro-cédures s'appuient-ils pour segmenter le flux acoustique de la parole? Suivantl'importance de leur perte d'audition, leur niveau de langage et la qualité de leurappareillage (prothèses numériques, implants cochléaires) ils peuvent dans cer-taines conditions d'attention spécifique percevoir des éléments du signal sonoremais ces bribes de mots, ces parcelles de sens sont insuffisantes pour recevoirune information complète. Le sujet sourd doit donc avoir recours à d'autressources perceptives pour compléter les trous du message et la lecture labialesemble la compensation la plus naturelle.

Toutes les personnes, les sourds comme les entendants utilisent le visuelpour renforcer la perception auditive. L'expérience peut en être faite lors de laconversation courante où la perception des mouvements des lèvres du locuteuraméliore le traitement de l'information verbale. A contrario un doublage ciné-matographique mal synchronisé procure une certaine gêne. Et Mc Gurk a bienmis en évidence l'influence de la lecture labiale en décrivant le phénomène de

Annie DUMONTOrthophoniste15, rue Cino del Duca75017 Parise-mail : [email protected]

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« blend illusion ». Lorsque deux stimuli, visuel et auditif, correspondant à deuxsons différents, sont présentés simultanément c'est un troisième son qui estperçu. Ainsi, lorsqu'on présente visuellement un « ga » et auditivement un« ba » en même temps à un sujet il percevra un « da » ou un « ta ».

Au niveau segmental les indices visuels et auditifs fonctionnent en syner-gie l'un venant à l'aide de l'autre. On peut décrire que les indices visuels appor-tent des informations sur les points d'articulation des consonnes tandis que lesindices auditifs permettent d'en distinguer leur mode et la présence ou non dutrait de voisement. Cependant dans le traitement du langage, le flux acoustiquede la parole n'est pas segmenté en phonèmes isolés mais il déclenche des procé-dures qui permettent un accès au lexique interne. L'hypothèse d'une intégrationaudiovisuelle du signal de parole intervenant à un niveau pré-lexical, avant lacatégorisation phonétique, est actuellement émise. En effet les travaux de RuthCampbell révèlent l'existence d'une activation du cortex auditif au cours d'opé-rations de lecture labiale. En comparant les régions cérébrales activées lors detâches de lecture labiale silencieuse et celles activées au cours de tâches d'audi-tion sans lecture labiale, Ruth Campbell a mis en évidence une activation desaires de Brodmann dans la situation d'audition alors que la lecture labiale silen-cieuse active la partie inféro-postérieure du lobe temporal et que le gyrus angu-laire met en relation un input visuel avec la représentation verbale correspon-dante. Il semble d'après ces travaux que les informations visuelles de la lecturelabiale influencent la lecture labiale avant que les sons de parole ne soient dis-criminés en phonèmes au niveau du cortex auditif associatif. Par ailleurs le cor-tex temporal n'étant pas activé par des mouvements du visage sans significationverbale ni par l'articulation labiale de pseudo-mots, force est de reconnaîtrel'existence d'une activation par la lecture labiale des zones du cortex auditif pri-maire impliquées dans le perception du signal de parole. De ce fait on peut pen-ser que la lecture labiale influe sur la perception auditive non seulement à unniveau prélexical mais également au stade de la catégorisation phonétique.

Cependant sur le plan fonctionnel, la lecture labiale est loin d'être un boncandidat pour être une modalité unique de traitement du langage parlé puis-qu'elle n'apporte que 40 % de l'information en raison du nombre de sosieslabiaux et des différences suivant les locuteurs.

Lorsqu'on évoque la lecture labiale de la langue française, on comprendque cette saisie soit incomplète puisque le système consonantique de la languen'est représenté que par cinq images labiales pour les consonnes et trois posi-tions pour les voyelles. De nombreux phonèmes sont donc identiques sur leslèvres: P = B = M, T = D = N (L), F = V, S = Z, CH = J, sans oublier ceux quidemeurent invisibles sur les lèvres K = G = R.

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De plus le paysage se complexifie avec les phénomènes de coarticulation.En effet des modifications dans la production des consonnes sont observées enfonction de leur voisinage vocalique car /o/, /u/, /ou/ arrondissent les lèvres ettransforment « peau » en « l'eau » ou encore « mot » ou « chaud ». Pour ajouterencore de la complexité il faut rappeler les variations de performance en lecturelabiale en fonction des locuteurs, des niveaux linguistiques de chacun, de lafatigue du labio-lecteur, de l'éclairage, de la distance…

◆ Ajouter quelque chose ?

Le Langage Parlé Complété

Un moyen de contourner les ambiguïtés de la lecture labiale consiste àajouter un code supplémentaire comme le Langage Parlé Complété. Cet ajout declés constitué d'un accompagnement gestuel composé de 8 configurations de lamain et de 5 localisations autour du visage permet de lever les ambiguïtés et depercevoir 100 % du message sans confusion. Ainsi « bateau », « manteau »,« gâteau » sont différenciés.

Et les phrases « Tu fais ton gâteau », « Tu veux le manteau », « Je fais dubateau » ne prêtent plus à confusion.

Cet entraînement au décodage de l'information verbale visuelle complète,semble de plus favoriser la mise en place de la conscience phonologique ainsique le révèlent certains travaux. Leybaert, Charlier, Hage et Alegria (1996) ontmontré qu'en la quasi absence d'informations auditives les habiletés phonolo-giques peuvent se développer sur la base d'informations visuelles comportantdes signaux manuels. Ainsi les jeunes sourds exposés au LPC sont capablesd'effectuer des jugements de rimes corrects et d'apprendre des mots nouveaux.Alegria, Dejean, Capouillez et Leybaert (1990) ont proposé à des enfants sourdsd'apprendre une suite de mots nouveaux en utilisant le LPC et ils leur ontensuite demandé de choisir la représentation orthographique adéquate en choixmultiple. Les résultats obtenus démontrent que les nouveaux items lexicauxintroduits par l'intermédiaire du LPC possèdent une structure phonologiquecomplète.

Une étude réalisée par M. Herbault et V. Pierret en 1994 sur le rôle duLPC dans l'identification des mots écrits auprès d'une population de 44e n fants présentant des surdités profondes et âgés de 6 ans à 8 ans a mis en évi-dence des scores supérieurs dans des tâches d'appariement d'images et de motsen choix multiple (1) de même que pour le subtest (2) où il s'agissait dephrases à compléter par un mot présenté en choix multiple. Deux autres

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73

é p r e u ves intéressantes ont également mis en évidence des spécificités dans lescorrespondances grapho-phonologiques. Il s'agit d'une épreuve de seg m e n t a-tion syllabique (3) et d'une tâche de différenciation de mots et de loga t o m e sprésentés visuellement (4).

LD LPC LD non LPC LC LPC LC non LPC

Mots (1) 60, 83% 34,66% 89,12% 65,55%

Phrases (2) 61,11% 8,8% 64,91% 43,5%

Segmen. Syll. (3) 67% 21,33% 69,47% 56,1%

Mots/Logat. (4) 48%/77,54% 30,9%/23,6% 76%/78,4% 61,3%/73,3%

Il apparaît ici évident que le LPC joue un rôle déterminant dans l'appren-tissage de la lecture notamment chez le lecteur débutant (LD) de Cours Prépara-toire où la médiation phonologique est très présente mais l'écart tend à diminuerchez le lecteur confirmé (LC).

La Langue des signes

L'utilisation du « v i s u e l » et de l'espace est tout autre dans la langue dessignes puisqu'il ne s'agit plus ici de décoder des informations en synergie avec lalangue orale mais d'utiliser un autre moyen pour transmettre le message. Par lalangue des signes, le locuteur et l'interlocuteur utilisent un système iconique decommunication avec un code. Le codage de l'information est basé sur 5 éléments :

• la configuration de la main et des doigts : 35 formes peuvent être repé-rées suivant le nombre de doigts étendus et le degré d'ouverture de lamain.

• l'orientation des mains et plus précisément des paumes et des bras per-mettant de différencier certains signes comme « maison » bras verti-caux, doigts qui se rejoignent vers le haut, « je te demande » bras hori-zontaux les doigts pointés vers l'interlocuteur, « je lui demande » brashorizontaux les doigts pointés à l'oblique.

• l'emplacement où les signes se font. Il peuvent être situés dans une quin-zaine d'endroits, le front, les yeux, la bouche, le menton, le bras, le côtéde la poitrine, l'estomac…

• le mouvement simple, répété, détendu, en rotation… avec ou non desdéplacements du visage ou des yeux.

• l'expression du visage qui est fondamentale dans la phrase.

Par ailleurs le recours à la dactylologie peut apporter des éléments d'orga-nisation dans le temps et favoriser la segmentation mais en fait elle n'est utilisée

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que pour transmettre les noms propres ou quand on ne connaît pas le signe maisil ne garantit en rien l'accès au mot si celui-ci ne fait pas partie du stock lexicaldu récepteur. De plus on peut s'interroger sur la possibilité de développer uneconscience phonologique quand on segmente le message sur une base visuellequi renvoie à une lettre et non à sa composition sonore. L'épellation ne semblepas un bon candidat dans la maîtrise de la lecture.

Mais le problème fondamental réside dans le fait qu'il n'existe pas deparité entre la LSF et l'écrit. L'enfant sourd doit dans la situation de bilinguismeêtre capable de faire le lien entre l'iconicité de la morpho-syntaxe française et lamorpho-syntaxe de la langue écrite. De plus les signes comportent des élémentsqui se combinent simultanément pour apporter l'information contrairement aumessage oral ou écrit qui se déroule de façon séquentielle.

Cependant la langue des signes par son caractère visuel est d'un accèsfacile pour l'enfant sourd et quand l'enfant sourd vit dans une famille de sourdsil peut dans ses interactions avec des locuteurs de cette langue apprendre àdénommer, à agir sur autrui, à exprimer ses sentiments, ses désirs, à jouer, à rai-sonner avec les éléments de la langue sans effort apparent. Et pour entrer dansl'écrit, parallèlement à une compétence phonologique, il apparaît indispensablede posséder des compétences linguistiques précoces les plus complètes pos-sibles. En ce sens la langue des signes peut apporter une aide mais beaucoupd'hypothèses restent à vérifier et peu d'études permettent d'étayer ces hypo-thèses.

Un mémoire d'orthophonie réalisé en 1995 par S. Cauchois et C. Latour atenté d'établir une comparaison entre enfants sourds pratiquant le LPC et ceuxqui étaient engagés dans une pédagogie basée sur le signe. Il s'agissait dans leprotocole de proposer aux enfants des tâches d'appariement mots/images pre-nant en compte la régularité et la fréquence des mots, un autre test soumettaitaux enfants des mots et des pseudo mots analogues (« lorte ») et non analogues(« lople ») pour une tâche de décision lexicale. Les résultats de l'étude montrentque les enfants « LPC » sont sensibles à l'orthographe (p<.01) et insensibles àl'analogie. L'enfant signeur contrairement à l'enfant « LPC » est insensible à lastructure du mot. Les mots réguliers (« samedi ») sont mieux lus que les motsirréguliers (« pieds ») par les enfants sourds bénéficiant du LPC (p<.01) alorsqu'on n'observe pas d'effet significatif de la régularité graphique pour le grouped'enfants sourds bénéficiant d'un prise en charge en LSF. Cette même étude amontré que les sourds signeurs lisent mieux les mots fréquents que les motsrares ce qui est compatible avec un mode d'apprentissage global. Les auteursrepèrent également que les sourds qui signent, lisent mieux les pseudo motsanalogues que les pseudo mots non analogues mais cet effet n'est pas significa-

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tif. Dans leur conclusion S. Cauchois et C. Latour soulignent le peu d'écart entreles résultats des enfants LPC dont la moyenne est de 70 % et celle des enfantsLSF qui obtiennent une moyenne de 65 % de réussite dans la tâche d'identifica-tion de mot écrit.

Le mouvement

On peut s'interroger sur d'autres candidats à la conscience phonologiqueet notamment sur une voie motrice et kinesthésique donnant accès à uneconscience motrice de la parole. Pour J. Segui « percevoir les sons en tant quesons de parole implique de les envisager comme l'expression de gestes articula-toires ». Le recours à une rétro-action phonatoire semble une stratégie utiliséepar certains. On observe en effet des enfants qui « redisent » pour différencier etne semblent opérer une distinction des traits que lorsqu'ils activent leurs organesmoteurs de la parole. De plus ce procédé est souvent renforcé dans la rééduca-tion. Dans certaines approches les gestes de la méthode Borel-Maisonny sontutilisés lors de l'apprentissage de la lecture afin de préciser la production et defavoriser les transcodages grapho-phonologiques. Cependant pour la plupart desenfants les gestes Borel-Maisonny sont délaissés lorsque la lecture devient cou-rante. Les pratiques de la verbo tonale avec le rythme corporel, le rythme musi-cal et le graphisme phonétique font intervenir le corps comme médiateur de laparole et par le graphisme phonétique l'enfant est orienté vers un vécu de latrace dans une recherche des possibilités d'expression par le corps tout entier.

C'est donc dans un contexte hétérogène et dépendant des modalités decommunication choisies par la famille et l'entourage que l'enfant sourd déve-loppe sa communication, entre dans le code linguistique puis accède au langageécrit.

◆ Conscience phonologique et langage écrit

Sachant que la médiation phonologique est indispensable dans l'accès àl'écrit on s'interroge sur les procédures des personnes sourdes dans des activitésde lecture ou de production d'écrits.

Comment l'enfant sourd établit-il des correspondances grapho-phonolo-giques au cours de son apprentissage de l'écrit?

S'appuie-t-il sur des reconnaissances logographiques ? Et dans ce cas onpeut s'interroger sur ses capacités de mémoire? Les confusions peuvent-ellesapporter des informations sur les modalités de traitement?

Comment procèdent les lecteurs sourds face au mot, à la phrase et autexte ?

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Les travaux de L. Paire Ficout et N. Bedoin (1998) ont tenté d'abordercette question par des tâches de décision lexicale. La technique d'amorçagesémantique médiatisée par la phonologie montre que le codage phonologiqueprécoce observé à 100ms chez les lecteurs entendants n'apparaît pas chez leslecteurs sourds. Il apparaît vers 150 ms pour se stabiliser à 200ms. La différencetemporelle dans l'intervention d'un code phonologique entre les lecteurs enten-dants et sourds peut s'interpréter en terme de « robustesse » des connaissancesphonologiques grâce à des expériences indirectement dérivées de l'auditiontelles que la lecture labiale, l'articulation et la dactylologie. Les données dispo-nibles permettent d'avancer l'idée que les sujets sourds peuvent développer desconnaissances phonologiques et surtout utiliser leurs représentations dans lesprocessus de reconnaissances de mots écrits. L'intervention de ces représenta-tions est simplement plus tardive comparativement aux lecteurs entendants. Ceciconfirme d'autres recherches indiquant que les connaissances phonologiques nesont pas inexistantes mais elles sont moins spécifiées chez le sujet sourd (Ley-baert. 1996)

Certaines tâches de la Batterie d'évaluation du langage écrit et de sestroubles (BELEC) ou du DMI proposées à des jeunes sourds mettent en évi-dence l'existence d'habiletés métaphonologiques.

Avec la BELEC on relève des capacités à inverser des syllabes mais parrapport aux entendants du même âge, on note un allongement du temps deréponse et le recours à des procédures de subvocalisation. Par ailleurs onobserve des erreurs en rapport avec des confusions vocaliques « tuli = lifi ».L'accès est plus direct et rapide pour les inversions de syllabes mais le phonème/K/ est élidé ce qui semble en rapport avec des difficultés d'articulation. La sous-traction de la consonne initiale est plus difficile dans les situations CCV queCVC. Pour les tâches d'acronymes auditifs, la consigne est difficilement appré-hendée car les jeunes sourds doivent conjointement inhiber la référence au gra-phème et préciser leur production.

Par le DMI on peut préciser certains aspects de la conscience phonolo-gique. Dans une recherche orthophonique auprès de 65 élèves sourds du LycéeFrançois Truffaut de Paris âgés de plus de 16 ans et présentant des surditéssévères à profondes certains points spécifiques apparaissent. Pour l'épreuve delogatomes on relève que

• le nombre de syllabes est bien restitué ;• la répétition des suites de 4 syllabes est possible (ce qui n'est pas réalisé

par les illettrés) ;• il n'existe pas de corrélation entre le niveau de surdité et la réussite ou

l'échec à cette épreuve ;

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• les sujets transforment la suite de syllabes en mots réels dont ilsconnaissent la représentation écrite (sémantisation).

◆ ConclusionA travers toutes ces analyses il apparaît que l'on peut reconnaître l'exis-

tence d'une conscience phonologique chez les jeunes sourds. Cependant cesconnaissances phonologiques semblent moins spécifiées et l'hypothèse d'unemise en place post lexique de cette conscience phonologique est posée. Il seraitsouhaitable de poursuivre ces recherches en les reprenant sur des populationsplus étendues et de favoriser des études longitudinales permettant de suivrel'évolution de cette conscience phonologique au fur et à mesure des acquisitionslexicales.

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Entretiens Nathan.CAMPBELL R. (1997) Activation of auditory cortex during silent lipreading. Science, 276, 594-596CAMPBELL R., BROOKS B., DE HAAM E., ROBERTS T. (1996) Dissociation face processing skills :

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DUMONT A. (1995 2ème edition) L'orthophoniste et l'enfant sourd. Paris Masson éd. 199 pp.FRANCO A., PORTE E (1994) Peut-on développer une conscience phonologique chez l'enfant sourd pro-

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PAIRE FICOUT L. BEDOIN N. (1998) Contribution de la phonologie dans le processus de reconnais-sance de mots écrits : comparaison entre les lecteurs sourds et entendants. Acfos II (en cours depublication)

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Approche rééducative de la consciencephonologique auprès d’une enfant présentantune dysphasie et une dyslexie

Guillemette Bertin, Isabelle Retailleau, Sibylle Gonzalez

R é s u m é

Nous présentons un travail de rééducation portant sur la conscience phonologique chez uneenfant âgée de 9 ans et demi présentant un trouble du langage et de la parole et une dys-lexie. Nous faisons l’hypothèse que cette prise en charge lui permettra l’accès à la conver-sion graphème-phonème et aura des répercussions sur son trouble de parole. Alors que leniveau de conscience phonologique a été évalué à partir de tests sur afférence exclusive-ment auditive, la rééducation a été menée à partir d’un support exclusivement visuel. Lesrésultats mettent en évidence le lien entre mémoire de travail et habiletés métaphonolo-giques. Ils montrent également l’intérêt d’utiliser différents canaux perceptifs pour le déve-loppement de la conscience phonologique chez l’enfant.

Mots clés : conscience phonologique, évaluation, rééducation, mémoire phonologique,parole et langage, lecture, enfant.

A case study of rehabilitation of phonological awareness in a dyslexicchild with speech and language disorder

Abstract

This paper presents a case study of rehabilitation of phonological awareness in a girl aged 9years and half with dyslexia and a speech and language disorder. We hypothesise that thiskind of remediation will help grapheme-phoneme conversion and will have a positive impacton her speech disorder. While phonological awareness was exclusively assessed with audi-tive tests, the remediation was carried out exclusively with visual material. The results showa link between short-term memory and metaphonological abilities. They also show howuseful it can be to use different perception channels for the development of phonologicalawareness in children.

Key Wo r d s : phonological awareness, evaluation, remediation, phonological short-termmemory, speech and language disorder, reading, child.

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L a conscience phonologique peut être définie comme la capacité à mani-puler explicitement des unités discrètes du langage de dimensionsvariées et à effectuer certaines opérations sur ces unités.

Son développement s’enracine dans des comportements épiphonolo-giques qui apparaissent avant trois ans à travers des jeux vocaux, des produc-tions de rimes d’abord spontanées puis sur commande (Gombert 1990). Aumême âge l’enfant est capable de distinguer un son appartenant au langage d’unautre son, et de développer les premières conduites de segmentation.

« L’habileté épiphonologique serait le prérequis de la mise en place d’unecapacité métaphonologique » (Gombert 1990).

Lecocq (1991) décrit cette genèse selon plusieurs paramètres. Il proposedans l’ordre croissant de difficultés :

- La reconnaissance des unités rime, syllabe, semi-syllabe (ex : bl/eu),puis phonème.

- Ces segments de la parole seraient identifiables plus ou moins facile-ment suivant leur position dans le mot : au début, à la fin puis au milieudu mot.

- La nature des opérations proposées suit également un gradient de diffi-cultés.

L’identification (reconnaissance d’un son cible) et la comparaison précé-deraient :

- la catégorisation,- la segmentation

Guillemette BERTINIsabelle RETAILLEAUOrthophonistesSibylle GONZALEZMédecin neurologueService de Rééducation Pédiatrique,L’EscaleCentre Hospitalier Lyon-Sud69495 Pierre-Bénite Cedex.

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- la soustraction- la fusion.

On peut ainsi se baser sur quelques repères chronologiques (Lecocq1991). La suppression d’une syllabe initiale est réalisable par la majorité desenfants de 6-7 ans, et même par des enfants plus jeunes. En revanche, la sup-pression de la syllabe médiane reste encore problématique jusqu’à 12 ans (45%de réussite seulement à cet âge). La suppression de la syllabe finale semble bienplus facile puisqu’elle correspond à une simple répétition interrompue du motprésenté (dans des mots bisyllabiques 80 % des enfants de 6-7 ans réussissent).La suppression phonémique serait possible vers 7 ans en position finale et ini-tiale mais plus tardivement en position médiane (un quart des enfants de 9 ans yparviendrait).

De nombreux travaux ont tenté de préciser le rôle de la conscience pho-nologique dans l’apprentissage du langage écrit (Mehler, Segui et Fraqenfel-der 1981, Gombert 1992, Alegria et Moraïs 1979). Les résultats de ces trava u xsont parfois contradictoires et poussent à envisager un lien de causalité réci-proque entre la conscience phonologique et le développement du langa g eécrit.

L’étude d’un cas de rééducation de la conscience phonologique chez unenfant présentant des troubles d’apprentissage du langage écrit nous permet deposer plusieurs questions :

Si la conscience phonologique est nécessaire à l’acquisition de la langueécrite, cette faculté doit-elle être abordée sur un mode uniquement auditivover-bal ?

Le développement de la conscience phonologique fait-il appel à d’autresfonctions cognitives : la mémoire phonologique de travail, le traitement séquen-tiel (Plaza et Guitton 1997) ?

La réponse à ces questions pourrait orienter différemment la prise encharge rééducative et pédagogique des enfants gravement atteints sur le plan dulangage.

Ainsi, dans le cadre d’un mémoire d’orthophonie, nous avons proposé àune enfant un travail portant sur la conscience phonologique, pour lui permettred’accéder à la conversion graphème-phonème et d’améliorer son trouble deparole.

Il s’agit d’Aurélie, 9 ans 6 mois, scolarisée en CE1. Elle présente unedysphasie diagnostiquée en mars 1996 à l’issue d’examens cliniques et paracli-niques. Elle bénéficie d’orthophonie depuis novembre 1992. Elle a redoublé son

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CP, et redoublait alors son CE1. Nous avons tout d’abord procédé à une évalua-tion cognitive globale à l’aide de la batterie K-ABC (Kaufman et Kaufman1983). Nous nous sommes assurés des bonnes capacités d’analyse visuelle del’enfant par l’épreuve de barrages de cloches et des demi-cercles et droites(Bmo Borel). Nous avons ensuite proposé plusieurs épreuves qui ont constituéun prétest :

- langage oral : décision lexicale orale à partir des mots tirés du corpus del’enfant, recueilli à partir d’une histoire en images,

- discrimination auditive : test Montréal Toulouse d’évaluation des gno-sies auditives PEGA (Agniel et al. 1992),

- conscience phonologique : D2 de Lobrot (Lobrot 1973)épreuves de la batterie Belec (Mousty et al. 1994)épreuves élaborées par Plaza (Plaza 1995)épreuves élaborées par nous mêmes, visant à compléter ces tests(Bertin et Retailleau 1997),

- mémoire verbale : répétition de mots et phrases de Borel,- mémoire auditive : rythme du Bmo de Borel - orthographe : dictée de Borel,- lecture : de mots : Lmc de Khomsi (Khomsi 1990)

Belec : Mim et Regul, reconnaissance des lettres etdes graphèmes,

La rééducation orthophonique s’est déroulée au rythme d’une séance de45 minutes par semaine, durant dix semaines.

Un post-test a été proposé à l’issue de la rééducation, constitué des testsde lecture, de conscience phonologique et de parole, cités dans le prétest.

◆ Profil de l’enfantIl s’agit d’une dysphasie portant sur le versant expressif associant un

trouble de parole important et des troubles fins de compréhension orale.

- Profil cognitif (K-ABC) :

Processus Processus Processus Connaissancesséquentiels simultanés mentaux

Composites

notes standardm = 100 ± 15 58 82 78 57

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Les résultats à la batterie K-ABC situent Aurélie à la limite inférieure del’intervalle de normalité (Pmc = 78). Il existe par ailleurs une dissociation signi-ficative entre les scores obtenus aux échelles séquentielle (Pséq = 58) et simul-tanée ( Psim = 82), au profit du traitement simultané. On met en évidence undéficit du traitement séquentiel. On note une hétérogénéité des scores obtenusaux différents subtests à l’intérieur de chaque échelle. L’enfant obtient un scorenormal au subtest « arithmétique ». Les notes les plus faibles sont obtenues auxdeux subtests « mémoire immédiate de chiffres » et « suites de mots ». Cecitémoignerait d’un trouble de la mémoire auditive. Les résultats à l’échelleConnaissances mettent en évidence une faible exploitation de son potentielcognitif dans les acquisitions scolaires.

Les tests ont mis en évidence : - des difficultés de conscience phonologique. Aurélie est capable de por-

ter son attention sur des syllabes et des rimes et peut repérer un phonème cibledans un mot sans pour autant être capable de segmenter un mot en phonèmes eteffectuer des opérations métaphonémiques. Aurélie se situe donc au stade de laconscience phonétique dans la genèse décrite par Lecocq, niveau observé chezles enfants qui débutent l’apprentissage de la lecture. Cet apprentissage a débutépour Aurélie il y a trois ans.

- l’existence d’une dysorthographie primaire caractérisée par la prédomi-nance de fautes phonétiques,

- des paralexies sémantiques et l’utilisation préférentielle de la stratégieiconique dans le traitement des énoncés écrits.

Subtests processus Processus Processusmentaux Séquentiels Simultanés

(notes d’échelle)m = 10 ± 3

Mouvements 7de mains

Reconnaissance 9de formes

Mémoire immédiate 3de chiffresTriangles 9

Suites de mots 1

Matrices analogiques 6Mémoire spatiale 7Séries de photos 7

Connaissancesm = 100 ± 15

personnages et 73lieux connusarithmétique 104

devinettes 50

lecture et 50déchiffrement

lecture et 50compréhension

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Epreuves RésultatsRépétition de mots (Borel) niveau < 6-8 ansDécision lexicale orale :- mots du corpus 10/10- pseudomots phonologiquement proches 7/10- non-mots 10/10Connaissance des lettres et des graphèmes (Belec) 21/26Sons des graphèmes(Belec) 8/37Lmc (lecture de mots Khomsi)- PseudoSynonymes 4/5- PseudoLogatomes Ecrits 8/13- Distracteurs 4/5Empan de mots (K ABC) 2Test de discrimination des paires phonologiques (PEGA) 39/40Jugements de rimes (Plaza) 14/20Manipulations syllabiques :- Inversions (Belec) 8/10- Elisions (Belec) en initiale 8/8

en finale 7/7en médiane 5/7

- D2 de Lobrot 6/20Manipulations phonémiques :- Inversions (Belec) 0/3- Elisions en finale (Plaza) 11/20- Ajouts (Plaza) 1/17- Extractions (Plaza) 7/10Temps de lecture (Belec) :- MIM 24’05”- REGUL 8’25”Rythme (Bmo) :- Désignation 2 points- Reproduction 12 pointsManipulations syllabiques :- Identification [ta] 11/20Manipulations phonémiques :- Elision en initiale (Belec)Consonne Voyelle Consonne 1/3Consonne Consonne Voyelle 0/3- Elision en médiane (Plaza) 0/1- Acronymes auditifs (Belec) non présentésHabiletés de perception de la parole et mémoirephonologique de travail (Belec)- CV 11/20- CCV 7/20

Pré-test :

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Concernant la lecture, ces résultats orientent vers un diagnostic de dyslex i ede type phonologique, diagnostic renforcé par des difficultés séquentielles misesen évidence avec la K ABC, et l’existence de bonnes aptitudes visuospatiales.

◆ RééducationLes résultats du prétest ont permis de mettre en place une rééducation, en

suivant la genèse du système phonologique décrite par Lecocq. Le tableau pré-sente l’ensemble des exercices proposés à l’enfant. Nous avons tenté de les clas-ser par ordre de difficulté.

Pour construire la rééducation nous avons utilisé divers matériels (Cele-rier 1991, 1992 ; Estienne - Dejong 1991 ; Issoufaly, Primot 1996) et nous avonségalement construit d’autres exercices. Nous détaillerons deux de ces exercicesà la suite du tableau 1.

Ces exercices concernent la segmentation (S), l’identification (I) , l’extra-ction (E), la fusion (F) de syllabes.

L’étape première fut la segmentation syllabique à l’aide de jetons. Cesderniers seront ensuite symbolisés pour les exercices avec support graphique.

Tableau 1 : Exercices d’entraînement aux habiletés syllabiques

Travail sur la syllabe S I E FIdentification de rimes. PhonoramaRelier les images dont les noms riment 2 par 2 parmi 4 paires de mots. XPromenons-nous dans les bois.Avancer un bonhomme (playmobil)à chaque fois que l’on entend la syllabe cible. XBasket-son.Lancer une balle dans des poubelles portant le nom de deux ou troissyllabes quand celles-ci sont entendues, en respectant leur ordred’apparition. X

Identification de la rime. PhonoramaA partir d’images éloignées ou proches phonologiquement. XIdentification de syllabes en position initiale.Phonorama XIdentification de syllabes en position médiane.Phonorama X

Reconnaissance de syllabes à partir d’images.Phonorama XJeu de l’oie.Dé à facettes de couleurs qui correspondent à des syllabes.Sur un parcours, se placer sur l’image contenant la syllabe. X

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Le jeu des familles phonologiques : Il comporte des familles de syllabescibles contenues dans des mots. Il s’agit pour l’enfant de rassembler les cartesd’une même famille de syllabe. Pour ce faire, il doit mettre en jeu sa capacitéd’extraction syllabique. On propose une mémoire sur laquelle sont représentéestoutes les cartes du jeu.

Dans l’exemple on peut dégager deux familles « to » et « pi ». L’enfantdoit demander par exemple : « dans la famille « to », je voudrais marteau ».

Chenille syllabique. Phonorama X

Qui va à la chasse...Dire la place de la syllabe-cible dans un mot e n t e n d u ,et avancer du nombre de cases correspondant, sur un parcours. X XRébus. Phonorama XQue manque-t-il ? Phonorama.Rébus à trous X X

Syllabes retranchées. Plaisir et langageDeviner la syllabe manquante à partir d’un mot présenté d’abordsous sa forme correcte. XEvocation lexicale sans support et segmentation syllabique XComptage du nombre de syllabes. Phonoramaà partir d’images X

Le mot de passe. Plaisir et langageTrouver la syllabe commune à plusieurs mots à l’aide d’images. X XProduire un mot dont le nombre de syllabes correspondau chiffre obtenu au dé. Plaisir et langage XEffeuillage syllabique. Phonoramaà partir de mots entre 2 et 5 syllabes . X

Segmentation syllabique de mots longs. Orthopholistes XCatégorisation d’images selon le nombre de syllabesPhonorama XLes invités.Trouver et fusionner les syllabes communes à des imagespour découvrir le nom et le prénom des invités à un goûter. X X

Jeu des familles phonologiques.Dans chaque famille, les images ont une syllabe commune.La segmentation en jetons est symbolisée sous les images. X XSaute Planète.Ce jeu récapitule toutes les habiletés travaillées auparavant ainsique la fluence. Il se présente sous la forme d’un voyage dansl’espace avec des missions à remplir en répondant à des questions. X X X X

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Saute planète (Bertin et Retailleau) : Il reprend toutes les habiletés tra-vaillées en séance :

- inversion syllabique avec et sans support visuel d’images,

- fluence après extraction syllabique avec support visuel

- fusion syllabique à l’aide de support visuel

- identification de syllabes communes à deux mots avec et sans support

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La rééducation s’est arrêtée au niveau des manipulations syllabiques,mais nous avions prévu d’aborder la semi-syllabe puis le phonème. Nous pré-sentons en annexes les exercices initialement prévus.

Post test

Nous présentons tout d’abord les épreuves dans lesquelles l’enfant n’apas progressé à la suite de la rééducation :

- répétition de mots (Borel),- décision lexicale orale,- connaissance des lettres et des graphèmes (Belec),- sons des graphèmes (Belec),- Lmc (Khomsi 1990)- empan de mots (K. ABC)- test de discrimination des paires phonologiques (PEGA)- jugements de rimes (Plaza 1995)- manipulations syllabiques : D2 de Lobrot, inversions (Belec), élisions

(Belec),- manipulations phonémiques : inversions (Belec), élisions en fi n a l e

(Plaza 1995), ajouts (Plaza 1995), extractions (Plaza 1995).

Le tableau 2 rassemble les épreuves dans lesquelles l’enfant a progressé.

Tableau 2 : Résultats aux pré et post tests des épreuves dans lesquelles l’enfant a progressé

Epreuves Résultats au prétest Résultats au post testTemps de lecture (Belec) :- Mim 24’05’’ 20’10’’- Regul 8’25’’ 8’50’’

On note une amélioration qualitative dans les productions lexiques d’Aurélie : - le mot lu est plus proche phonologiquement de la cible,- Aurélie peut davantage fusionner le résultat de son déchiffrage.

Rythme (Bmo Borel) :- Désignation 2 points 16 points- Reproduction 12 points 17 pointsManipulations syllabiques :- Identification [ta] 1 1 / 2 0 1 6 / 2 0Manipulations phonémiques :- Elision en initiale (Belec)CVC 1/3 1/10CCV 0/3 1/10

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Aurélie a compris la consigne au post-test et a fait preuve d’un certaindegré de conscience phonémique. Elle a pu donner le dernier phonème desitems. Parfois, elle a réussi à n’ôter que le premier phonème, mais en inversantles deux derniers.

- Elisions en médiane (Plaza) 0/1 6/12- Acronymes auditifs (Belec) non présentés 2/10Habiletés de perception de laparole et mémoire phonologiquede travail (Belec)CV 11/20 16/20CCV 7/20 12/20

Les améliorations concernent essentiellement :- la mémoire auditive : répétition de non-mots, rythme,- certaines manipulations phonémiques (élisions, acronymes),- la qualité de lecture de mots et non-mots. En effet, le temps de lecture

s’est amélioré, le mot prononcé est plus proche de la cible, et l’enfant peutdavantage fusionner les syllabes déchiffrées, ex : caler au prétest est lu [ka-la-er], et au post-test [kaloer], participer : [pa-er-ti-si-pa-ar] [partisipar].

Il n’y a pas eu de répercussions sur la connaissance des lettres et des gra-phèmes, ni sur la parole (dans les tests de répétition de mots), ni dans la plupartdes habiletés syllabiques.

◆ Discussion

Cette enfant a progressé en conscience phonologique lorsque l’on consi-dère les tests portant sur le phonème. Mais il existe très peu de progrès dans lesmanipulations syllabiques (tous les tests étant passés sur le mode auditivover-bal). Cette dissociation est inattendue puisque la syllabe peut être considéréecomme plus facile à manipuler et puisque notre essai de rééducation n’a portéque sur des manipulations syllabiques.

Cet écart pourrait s’expliquer par les faibles capacités en mémoire de tra-vail (cf. résultats empan de chiffres K-ABC, et répétition de non mots de laBelec). En effet, le matériel phonémique est plus court que le matériel sylla-bique, l’unité phonème monopoliserait-elle moins la mémoire phonologique detravail que l’unité syllabe ? On peut donc s’interroger sur l’implication de lamémoire phonologique de travail dans le développement de la conscience pho-nologique.

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Seule la constitution de tests de conscience phonologique sollicitant aminima la mémoire phonologique de travail permettrait de répondre à cettequestion. Les résultats de l’enfant après la rééducation apportent une amorce deréponse.

Cette rééducation basée sur le canal visuel amène à envisager la possibi-lité de développer la conscience phonologique en passant par d’autres canauxque le canal auditivoverbal. Il semble donc important de dive r s i fier lesapproches sensorielles.

On peut donc envisager l’utilisation complémentaire de plusieurs canauxperceptifs :

- le canal visuel (cf. rééducation proposée),- le canal tactile ex : associer une sensation tactile à une syllabe ex :

doux : [da]- rugueux : [ri]. On fait énumérer les syllabes à l’enfant en mêmetemps qu’il fait un repérage tactile : doux - rugueux - doux - doux. L’enfant doitémettre oralement : « daridada ».

- le canal somesthésique ex : taper le nombre de jetons sur le bras de l’en-fant pour travailler la fluence.

◆ Conclusion

L’ exemple de cet essai de rééducation chez cette enfant montre la possi-bilité de développer la conscience phonologique par un canal non auditivove r-bal. On peut donc s’interroger sur la validité de l’évaluation de la consciencephonologique par des tests uniquement auditivoverbaux. En effet, l’implica-tion de la mémoire phonologique de travail dans ces épreuves rend diffi c i l e-ment interprétables les résultats. Ces données demandent à être confirmées parle développement de matériel de rééducation utilisant différents canaux per-c e p t i f s .

◆ Annexes

A la suite des manipulations de la syllabe, partie de mots, on propose àl’enfant la semisyllabe comme partie de syllabes. On travaille à l’aide de jetonsde taille différente de ceux utilisés pour les manipulations syllabiques avec desmots contenant des groupes consonantiques ex : bleu : bl/eu. Les habiletés tra-vaillées sont les mêmes que celles exposées pour la syllabe : segmentation,extraction, fusion, identification, fluence.

Puis le phonème est abordé. Le tableau 1 propose une série d’exercicesprévus initialement dans l’essai de rééducation.

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Travail sur le phonème S I E FLa course des sons.Avancer un bonhomme à chaque fois que son nom (phonème)est entendu dans des mots ou des non-mots. X XJeu de l’oie.Dé à facettes de couleurs qui correspondent à des phonèmes.Sur un parcours, se placer sur l’image qui contient le phonème-cible. XRelier les mots contenant le son cible. Phonorama XLe diapason. Plaisir et langageColorier une case pour découvrir un dessin après avoir identifiéle son qui revient le plus : X- dans une série de mots entendus ou- dans une phraseL’invité. Plaisir et langageIl s’agit de découvrir le phonème ajouté dans une paire de motsentendus. Les phonèmes identifiés doivent faire découvrirle prénom de notre invité. X XBarrer l’intrus. Phonorama XLe coquin. Supports verbauxRepérage et identification du type d’erreurs phonologiques. XRepérage d’erreurs phonologiques dans une phrase.Supports verbaux XTrouver le phonème commun. PhonoramaEntre 2 ou 3 mots représentés par des images,en positions initiale et finale. X XQui va à la chasse...Dire la place du phonème dans le mot et avancer du nombrede cases correspondant, sur un parcours. X XIdentification de la position des phonèmes. PhonoramaRanger les images (3) en fonction de la place du son commun. XReconnaissance de la place du phonème cible [l] dans dessyllabes complexes à partir d’images. Phonorama XLabyrinthe. PhonoramaRetrouver les sons communs en début et en fin de motspour progresser dans le labyrinthe. XComptage de phonèmes. PhonoramaMettre autant de croix que de sons dans le mot. XOrganisation de phonèmes. Supports verbauxTrouver tous les arrangements possibles des phonèmesdans des syllabes à segmenter au préalable. X X X

Tableau 1 : Exercices d’entraînement aux habiletés phonémiques

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Basket-son.Lancer une balle dans des poubelles portant le nom de phonèmes-cibles quand ceux-ci sont prononcés dans des mots ou des logatomes. XTrouver l’intrus.entre plusieurs dessins puis segmentation phonémique d’une syllabe.Trouver toutes les combinaisons possibles des phonèmesde la syllabe segmentée. X X

Apparier des dessins dont le nom commence par le même phonème. XSaute PlanèteCe jeu récapitule toutes les habiletés travaillées, ainsi que la fluence. X X X X

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Phonorama : matériel d’entraînementde la compétence métaphonologique

Naseman Issoufaly, Béatrice Primot

R é s u m éNous souhaitions proposer un entraînement spécifique des compétences défaillantes chezdes enfants en difficulté d’apprentissage de la lecture après deux ans d’enseignement.Aussi, nous avons élaboré un programme d’entraînement de la compétence métaphonolo-gique, à base d’exercices d’analyse segmentale. Nous avons pu évaluer les améliorations decette capacité et ses répercussions sur la qualité de la lecture.

Mots clés : métaphonologie, conscience phonologique, analyse segmentale, dyslexie, tech-niques rééducatives, exercices métaphonologiques.

Phonorama : Metaphonological skills training program

AbstractWe were interested in creating a specific skills training program for those children whoexperienced problems in reading acquisition after two years of school exposure. For thispurpose, we developed a metaphonological training program based on exercises in segmen-tal analysis. We evaluated levels of skills improvement and their impact on the quality ofreading skills.

Key Wo r d s : metaphonology, phonological awareness, segmental analysis, dyslexia, reme-dial techniques, metaphonological exercises.

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Notre contact avec les enfants présentant des difficultés de lecture nous aamenés à nous interroger sur l’origine de leur incapacité à accéder à unelecture fluide et à une compréhension correcte du langage écrit.

Nous voulions contribuer à mieux connaître ces difficultés en nous inscri-vant dans une recherche à long terme visant à mieux cerner les capacités défici-taires de ces enfants.

D’autre part, nous avions le désir d’effectuer un travail ayant trait à l’as-pect rééducatif plutôt qu’évaluatif. En tant que rééducatrices, l’analyse fine desdifférents secteurs de compétence des enfants se conçoit dans le but de proposerune meilleure prise en charge. En répondant aux obstacles d’apprentissage,notre action rééducative, mieux ciblée, est plus à même de se répercuter effica-cement sur le comportement de l’enfant.

De nombreux chercheurs ont entrepris des travaux permettant de res-treindre progressivement le champ d’inve s t i gation des causes des dyslex i e s .Ils ont démontré que ce n’est pas seulement dans la pauvreté du lexique, niune moindre organisation de la mémoire sémantique, ni un défaut de sensibi-lité à l’information contextuelle, ni une faiblesse de l’analyse syntaxique, ni,de manière générale, dans des différences de compréhension que réside lad é ficience des dyslexiques, mais dans le développement général de la compé-tence linguistique, et plus particulièrement sur l’incapacité à accéder à cer-taines informations phonético-phonologiques, et à les utiliser dans un certainnombre de tâches dont la liaison est évidente avec les activités requises lors dela lecture.

En effet, lors de la lecture, l’enfant est confronté à différentes unités qu’ilva devoir manipuler. Il lui faut apprendre leur caractère arbitraire, leur structureformelle et segmentale, leur capacité à se composer avec d’autres pour formerdes phrases selon certaines règles, leur décomposabilité en éléments de diffé-rentes dimensions dépourvus de signification.

Naseman ISSOUFALY 280 av. Henri Barbusse 93700 Drancytél : 01 48 30 81 18

Béatrice PRIMOT 55, rue du Général Leclerc 95410 Groslay tél : 01 39 83 00 54

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L’accès à ces représentations constitue une condition nécessaire à la capa-cité de lecture et la prise de conscience de ce savoir-faire paraît être détermi-nante à l’acquisition d’une lecture fluide et automatisée.

Pour certains théoriciens, cette défaillance des capacités métaphonolo-giques, qu’ils définissent comme primaire serait d’origine génétique et nonaccessible directement à l’entraînement. Pour d’autres, elle est d’origine fonc-tionnelle, puisque leur expérimentation leur a permis d’agir sur cette compé-tence. Nous avons choisi de mettre en pratique cette deuxième conception de larééducation dans ce domaine spécifique par l’élaboration de Phonorama, maté-riel de rééducation phonologique

◆ Partie théoriqueUn des domaines les plus explorés ces dernières années concerne l’in-

fluence du développement de la conscience phonologique sur l’apprentissage dela lecture.

De nombreux auteurs (Lecocq, Ferrera, Lowett, Morais, Alegria) recon-naissent l’importance de la conscience phonologique dans l’acquisition de lalecture. Il est aujourd’hui admis qu’un enfant présentant des défaillances de laconscience phonologique sera susceptible de présenter un trouble de la lecture.

1 - Qu’est-ce que la conscience phonologique ?

C’est la capacité des sujets à discriminer les différentes composantes dela parole, à prendre conscience des segments de différentes dimensions et àmanipuler les unités phonologiques.

Elle comprend la conscience des suites phonologiques ou sensibilité pho-nologique qui suppose une attention à certaines unités comme les rimes et lessyllabes :

- la décomposition des séquences de mots en unités de plus en pluspetites,

- la soustraction d’éléments,- l’identification ou la discrimination de rimes,- la fusion d’éléments présentés séparément, etc.

Ces tâches sont échouées par les enfants dont la conscience phonémiqueest insuffisante ou irrégulière.

La conscience phonologique n’est pas innée, automatique ou spontanée.Elle apparaît avec l’apprentissage de la langue et se développe avec l’apprentis-sage de la lecture sur un mode interactif. Par conséquent, un enfant, dont le

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développement linguistique n’a pas suivi le cours normal, rencontrera des diffi-cultés dans la prise de conscience des différents éléments constitutifs de laparole et dans l’apprentissage du langage écrit.

2 - Le développement de la conscience phonologique

Mac Lean et al. (10), ont montré que 20 % des enfants de trois ans avaientconscience de la rime des mots isolés sans toutefois que leurs connaissancesphonémiques ne leur permettent de réussir des tâches d’analyse plus sophisti-quées.

Liberman et al. (8) ont proposé une épreuve de comptage syllabique etphonémique à des enfants âgés de quatre ans dix mois à six ans dix mois. Il res-sort de cette étude que si, dès quatre ans, pratiquement la moitié des enfants(46 %) réussit la tâche de segmentation syllabique, aucun d’entre eux ne seg-mente au phonème. Cette réussite précoce à la segmentation syllabique sembleprovenir du fait que les syllabes sont isolables d’un point de vue articulatoire, cequi n’est pas le cas des phonèmes. A cinq ans, 48 % des enfants segmentent à lasyllabe contre seulement 17 % au phonème. Ce n’est que vers six ans que lagrande majorité des enfants réussit les deux tâches (90 % en segmentation sylla-bique et 70 % en segmentation phonémique). Toutefois, comme le montrentBredart et Rondal (2) entre trois ans et cinq ans et demi, les enfants montrentune « sensibilité à l’étage phonétique de la langue » puisqu’ils peuvent déformervolontairement certains mots ou s’amuser des fautes de prononciation desautres.

Ainsi la capacité à utiliser la conscience phonologique de façon intention-nelle n’apparaît chez l’enfant que vers six ans, au moment où il doit appréhen-der l’écrit. Selon Content (4), cette habilité phonologique ne se manifesteraitcomplètement qu’à la condition que l’enfant soit confronté à un problème pourlequel elle est indispensable, c’est à dire l’accès au code écrit (le langage oral nenécessitant pas une analyse segmentale de la structure phonétique de la langue).J. Alegria (4) va également dans ce sens : il explique que la confrontation avecl’écrit a un caractère causal exclusif dans l’émergence de la conscience de cettestructure segmentale, qu’il n’existe pas d’autre habileté exigeant une telle prisede conscience.

Or la conscience phonologique des enfants dyslexiques ne suit pas cedéveloppement. Ainsi, en 1986, Lecocq (7) montrait que les dyslexiques présen-taient un retard d’environ 4 ans sur leurs homologues de même âge chronolo-gique et de 2 ans sur ceux de même âge lexique dans une tâche où il s’agissaitde soustraire une syllabe ou un phonème dans des mots significatifs ou deslogatomes, puis de fusionner ou de prononcer les éléments restants. Ce n’est pas

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seulement la discrimination des segments phonétiques ou phonémiques qui poseproblème à ces enfants, mais également la maîtrise d’unités plus globales etsaillantes comme les syllabes.

3 - Rapport entre conscience phonologique et apprentissage de la lecture

Le modèle d’acquisition de la lecture attribue une importance primordialeà la prise de conscience du fait que la parole est constituée d’unités segmentales,phonémiques. C’est grâce à cette prise de conscience que l’enfant comprend lecode alphabétique lui permettant de mettre en rapport la version orale de laparole avec sa version écrite. Dans ce but, l’enfant doit isoler mentalement leséléments de la parole auxquels correspondent les lettres, les phonèmes.

L’activité permettant d’isoler mentalement les phonèmes est de natureconsciente et doit être distinguée de celle qui intervient au cours de la compré-hension du message oral et qui est automatique sans que la conscience inter-vienne.

Une étude menée par Mann et Ditunno (14) suppose que « les habiletésphonologiques » ne sont pas seulement concomitantes à la capacité de lecture etn’en sont pas non plus des sous-produits, mais en sont de véritables antécédentsqui peuvent rendre compte de 60 % de la variance des capacités de lecture desenfants. Une équipe suédoise Lunberg et Olofsson (9), travaillant à la fois dansle domaine de l’analyse prédictive et des effets à court et long terme desépreuves d’entraînement sur la compétence lexique, ont testé les capacités defusion, d’analyse et de manipulation de syllabes et de segments de 200 enfantsde 7ans pendant 3ans : ils ont constaté que les facteurs prédictifs les plus déter-minants du niveau de la réussite en lecture et en orthographe étaient l’analyse ensegments et la capacité à inverser ces segments. Des corrélations entre les per-formances en lecture et les épreuves de rimes ont également été relevées chez400 enfants par Bryant (3) et Stuart et Coltheart (5) (sur des épreuves d’identifi-cation de phonèmes initiaux et de rimes).

Ceci explique la réussite des expériences d’entraînement spécifique de laconscience phonologique des enfants. Bradley et Bryant (1), ainsi que Olofssonet Lunberg (11), ont mis en évidence, par un entraînement à la segmentation,une amélioration du niveau de lecture.

Le fait que la conscience phonologique soit un pré-requis pour l’appren-tissage de la lecture n’est pas incompatible avec le fait que cet apprentissagefacilite le développement de la conscience phonologique. Ainsi, la prise deconscience de la structure segmentale n’a pas lieu hors du cadre de l’acquisitionde la lecture, dans un système alphabétique, parce qu’il n’existe pas d’autreshabilités exigeant de l’enfant une telle prise de conscience. Certaines capacités,

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comme celle de générer des images orthographiques qui sont acquises ou ren-forcées au cours de l’apprentissage de la lecture, peuvent améliorer considéra-blement les performances obtenues lors des tests portant sur la conscience pho-nologique.

Comme le souligne Stanovitch (16), la conscience phonologique pourraitêtre à la fois une cause et une conséquence de l’acquisition de la langue écrite.L’enfant doit disposer d’un minimum de conscience phonologique pour pouvoiracquérir les compétences fondamentales de la lecture, cette acquisition permet-tant en retour le développement de capacités secondaires pouvant ensuite servirde base pour la réalisation de traitements métalinguistiques plus élaborés.

4 - Quelques données expérimentales sur les dyslexiques

De très nombreuses recherches comparatives ont montré l’infériorité desenfants dyslexiques dans les tâches que nous venons d’évoquer et dans cellesplus directement liées à la lecture, que nécessitent l’utilisation des règles de cor-respondance graphèmes-phonèmes ou des analogies dans le décodage de non-mots.

Snowling (15), a comparé la performance d’un groupe d’enfants dys-lexiques à celle d’enfants plus jeunes ayant le même âge lexique, dans l’utilisa-tion des règles de correspondance graphèmes-phonèmes en lecture : il s’agissaitde procéder à un appariement visuo-auditif sur des mots non significatifs. Lese n fants dyslexiques se révélaient inférieurs à leurs camarades du groupecontrôle, pourtant plus jeunes qu’eux, et réussissaient moins bien à lire les non-mots.

Manis et al. (6), ont exploré les stratégies de décodage utilisées dans lalecture des non-mots, c’est à dire l’utilisation des règles de conversion gra-phèmes-phonèmes et/ou le recours aux analogies. Les résultats montraient queles dyslexiques, âgés de 11 ans, arrivaient loin derrière les normo-lecteurs dansl’utilisation des deux stratégies de déchiffrage et avaient encore recours auxanalogies quand leurs homologues de même âge lexique utilisaient les règles.L’auteur établit une liaison étroite entre les déficiences dans le traitement pho-nético-phonologique des dyslexiques et leur échec bien connu en orthographe.

◆ HypothèsesAu vu des études longitudinales et des expériences comparatives portant

sur les enfants présentant des troubles du langage, il semble désormais acquis : - qu’un certain niveau de conscience phonologique soit nécessaire pour

intégrer et maîtriser la lecture,

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- qu’au contact du langage écrit, par un jeu inter-relationnel, cetteconscience se développe et s’améliore, permettant l’automatisation desprocessus de décodage et l’enrichissement des compétences orthogra-phiques.

Cependant, pour certains enfants, ce développement des processus phono-logiques ne suit pas un cours harmonieux. Ils n’ont pas les capacités nécessairespour percevoir les unités déterminantes au décodage et à la compréhension dumessage. L’exposition à un matériel orthographique, même dans un contexted’apprentissage de la lecture ne leur suffit pas à prendre conscience de la struc-ture segmentale de la parole. Les capacités cognitives de ces enfants peuvent nepas leur permettre de réaliser d’emblée les opérations métalinguistiques néces-saires à l’apprentissage de la lecture. Ils se révèlent alors incapables de réaliserdes opérations telles qu’inverser des syllabes, des phonèmes.

Puisqu’il semble que le déclencheur de la prise de conscience de la struc-ture segmentale de la parole n’est pas le fait en soi d’apprendre à lire et d’êtreconfronté au principe alphabétique, nous faisons l’hypothèse qu’un entraîne-ment explicite de la conscience phonologique puisse, par l’emploi du matérielPhonorama conçu à cet effet, permettre à ces enfants en difficulté de tirer unmeilleur profit de l’enseignement de la lecture.

◆ Elaboration du matériel Phonorama (17)

Nous nous sommes inspirées dans une certaine mesure des travaux deLecocq réalisés auprès de jeunes enfants de 4 à 8 ans en cours d’acquisition dela lecture et ne présentant pas de trouble de la lecture, pour élaborer une batteried’exercices aussi diversifiés que possible, permettant d’entraîner les différentescapacités nécessaires au développement de la conscience phonologique (recon-naissance, identification et manipulation).

Matériel

Le choix d’un matériel imagé s’explique par :* Une présentation plus attrayante pour les enfants.* De par son imageabilité, le matériel exposé est composé exclusivement

de notions concrètes (composante majoritaire du vocabulaire enfantin), qui sontdonc supposées être d’un accès facile.

* Il offre la possibilité de pallier les problèmes mnésiques qui se pose-raient pour des exercices similaires n’impliquant qu’une présentation orale dumatériel (les troubles spécifiques de la lecture sont souvent associés à des diffi-cultés de rétention).

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* Les présentations auditives et visuelles (du mot écrit) rendent la seg-mentation perceptible. Cependant, avec du matériel imagé, l’enfant est contraintà l’utilisation de ses capacités métaphonologiques afin de réaliser la consigne. Iln’a :

- ni l’aide des graphies, dont les unités correspondent la plupart du tempsaux phonèmes sur lesquels l’enfant doit travailler, et qui traduisent dansl’espace la successivité des éléments constitutifs,

- ni le retour auditif, qui rend également compte de l’agencement desphonèmes, bien que celui-ci soit moins prégnant qu’à l’écrit.

Cependant, au cours des exercices, chacune de ces voies sera utilisée afind’initier les mécanismes que l’on cherche à apprendre à l’enfant, puis abandon-née lorsqu’elle se révélera inutile.

Les théories classiques de la lecture reposent sur l’idée qu’il existe troisniveaux de conscience phonologique : la conscience de la rime, celle-ci étant lepremier aspect de la décomposition des mots que l’enfant puisse appréhender, laconscience des syllabes et celle des phonèmes.

Les conceptions actuelles nous amènent donc à établir un programmed’entraînement respectant les trois étapes de développement métaphonologique.

1 - la prise de conscience des rimes,

2 - la segmentation du mot en syllabes, dont les éléments intra-sylla-biques (attaque et rime) ne seront pas abordés directement,

3 - la prise de conscience phonémique.

Afin de respecter au plus près une progression logique de difficulté danschacun de ces trois chapitres et leurs sous-parties, nous avons essayé d’éclaircirles différents processus cognitifs successifs qu’implique leur réalisation.

La plupart des exercices s’appuie sur trois types d’aide : orale, écrite,sémantique.

1- La prise de conscience des rimes

1-1- Reconnaissance

Cette première opération mentale conditionne les étapes suivantes. Dansun premier temps, la discrimination auditive de la rime va amorcer le processusde décomposition volontaire du mot par l’enfant. Différents types d’exercicessont proposés à cet effet :

Dans l’exercice « Relie les mots qui riment avec l’image du milieu », unerime cible clairement désignée est proposée à l’enfant qui doit la retrouver dans

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d’autres items « par simple comparaison » : au début, l’appréhension de la rimecible par l’enfant peut être associée à une aide auditive. L’orthophoniste pourraoraliser la rime en isolé et en segmentant le mot. On pourra également écrire lemot et souligner la rime.

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Ceci multiplie les afférences et, on le suppose, contribue au repérage de lacible. Puis, on s’abstiendra progressivement de ces deux aides en laissant à l’en-fant le soin d’oraliser le mot et de le segmenter seul à l’oral, puis finalement,effectuer la tâche sans l’aide de l’oralisation.

Bon nombre d’exercices, par la suite, pourront être exécutés en suivant ceschèma de paliers progressifs.

Nous avons distingué deux degrés de difficultés dans cette tâche :* des mots avec des rimes éloignées de la rime cible parmi des mots

rimants (coeur/fleur) - (coeur/souris), (6 planches),* des mots avec des rimes proches de la rime cible parmi des mots

rimants (doigt/noix) - (doigt-poire), (6 planches).

1-2- Identification

Dans l’exercice « Dis si les mots riment ou ne riment pas », les enfantsn’ont plus de repère cible et doivent dire si les mots présentés deux par deuxriment ou ne riment pas : ils doivent être capables de fixer leur attention sur lafin des mots pour pouvoir identifier la rime de chacun d’entre eux ; ils peuventalors « délimiter » la rime qui n’est plus donnée comme précédemment, puis,seulement dans un troisième temps, les enfants sont à même de reconnaître lesrimes « par comparaison », comme dans le premier exercice.

Dans cet exercice, deux degrés de difficultés sont également proposés :* identification de rimes éloignées, (7 planches),* identification de rimes proches, (7 planches).D’autres variantes à cet exercice ont été proposées, comme « Relier les mots

qui riment deux par deux », (2 planches), et le « Memory de rimes » ou « Po u i l l e u xde rimes », (4 planches) qui fait appel aux mêmes mécanismes mentaux : parmi unjeu d’images face cachée, l’enfant doit retrouver des couples d’images rimantes.

1-3- Transcription

Une fois que l’enfant est parvenu à un certain degré de réussite au niveaude l’analyse perceptive de la rime, les correspondances entre les sons et leurtranscription peuvent être introduites. C’est l’exercice « Quelle est la rime ?Ecris-la », (2 planches).

La transition vers l’écrit sera d’autant plus aisée que les items proposésont préalablement été présentés et travaillés dans les exercices antérieurs.

1-4- Production de rimes

A la différence des exercices précédents, le matériel n’est plus proposé àl’enfant. Dans cet exercice ultime, il doit au contraire faire un effort d’évoca-tion, de recherche dans son propre stock lexical pour retrouver des mots rimant,

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uniquement à partir d’un item cible. Le domaine d’investigation est plus vasteque lors des exercices précédents ce qui augmente la difficulté de la tâche.

D’autre part, la démarche d’analyse mise en jeu est sensiblement diffé-rente de celle des exercices précédents.

Pour cet exercice « Trouve des mots qui riment avec l’image et écris-les », (2 planches), l’enfant doit rechercher des mots à partir de la rime (aller dela partie au tout) alors que les exercices précédents l’obligeaient à effectuerl’opération inverse, c’est à dire, partir de mots pour trouver la rime (partir dutout pour trouver la partie).

2- La segmentation du mot en syllabes

2-1- Reconnaissance

L’enfant doit reconnaître une syllabe cible transcrite dans des mots parmilesquels figurent des distracteurs. L’opération est identique à celle demandéepour les rimes. La cible est clairement désignée par la trace écrite, mais égale-ment, au début, par la production orale de la syllabe et la segmentation du mot àl’oral par l’orthophoniste.

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Cette double afférence favorise, au départ, la reconnaissance du phonème« par comparaison ». Par la suite, l’enfant devra trouver la syllabe uniquement àpartir de la trace écrite, en s’aidant éventuellement de la boucle audio-phonatoire,le but ultime étant de parvenir à accomplir la tâche en « lecture silencieuse » .

L’exercice « Retrouve les mots qui contiennent la syllabe », (12 plan-ches), va permettre d’initier ce premier mécanisme cognitif concernant l’unitésyllabique. (cro : crocodile/ accordéon/ groseilles).

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2-2- IdentificationL’exercice « Retrouve la syllabe commune aux trois mots », (4 planches),

suppose l’identification de trois mots imagés ;- la syllabe cible n’est plus clairement désignée, comme dans l’exercice

précédent, cependant l’extraction de celle-ci est orientée par son empla-cement, invariable au sein d’un même exercice. L’ e n fant doit êtrecapable de porter son attention sur une partie précise du mot, au début, àla fin ou milieu de l’item selon la consigne.

- la tâche la plus délicate est sans doute la phase de « délimitation » del’unité syllabique. A ce stade peuvent interférer ces autres éléments,appelés attaque et rime par Stanovitch & al, définis comme des unitésinfra-syllabiques. Celles-ci rendent floue la notion de syllabe et sonétendue dans le mot : soit l’enfant est tenté de délimiter une unité plusgrande que la syllabe par l’inclusion d’un ou deux phonèmes adjacents ;soit, au contraire, l’unité désignée par l’enfant sera moins étendue que lasyllabe cible (uniquement formée de l’attaque ou de la rime).

- c’est par une troisième phase de confrontation d’au moins deux desitems que l’enfant sera amené à rectifier la « délimitation » de la cibleafin de reconnaître une seule et même unité dans chacun des items. Letroisième mot imagé peut servir de vérificateur. Ce travail de délimita-tion est facilité par le choix de mots dont les syllabes adjacentes à lacible sont systématiquement différentes d’un item à l’autre.

Par ordre supposé de difficulté nous avons présenté la syllabe cible dansun premier exercice, en position initiale, (4 planches), puis en position finale(cet exercice pourrait être présenté comme exercice de repérage du phonèmefinal et non plus de la syllabe finale), (4 planches) et en dernier lieu, en positionintermédiaire (3 planches).

Le même travail en position initiale est également proposé sous forme de« Mémory de 1re syllabe », (4 planches), au cours duquel on demande à l’enfantd’apparier les images de mots commençant par la même syllabe à partir d’unjeu d’images retournées sur la table. A tour de rôle, les joueurs doivent retournerdeux cartes afin de retrouver les couples ainsi définis. Le vainqueur est le joueurqui a reconnu le plus grand nombre de paires. Il est également possible de joueravec une carte de plus au jeu du « Pouilleux » sur le même principe.

Un autre exercice permet de travailler plus spécifiquement « L’identifica-tion de la place de la syllabe », (1 planche), dans le mot sans support imagé. Cetexercice porte sur l’aspect séquentiel des mots, que l’enfant doit commencer àpercevoir comme une succession linéaire et structurée de syllabes dont chacuneest audible et transcriptible.

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2-3- Segmentation mot/syllabes

Pour aider à la prise de conscience syllabique et à son renforcement, lesexercices suivants sont proposés:

* « Mots rébus », (11 planches), cette phase du programme est destinée àengager l’enfant à saisir plusieurs unités sémantiques à l’échelle de la syllabe etde les concaténer de façon à créer des mots. Ce travail sur syllabes sémantiséesest plus propre à faire distinguer les éléments constitutifs du mot résultat.

* La segmentation de mots en syllabes signifiantes dans l’exercice « Quemanque-t-il ? », (11 planches), est, elle, plus proche de la fonction de transcrip-tion qui consiste à coder le sens par l’intermédiaire des éléments phonologiques.La réalisation de cet exercice est plus facile car elle reprend les items travaillésprécédemment.

Ces deux opérations vont permettre à l’enfant d’individualiser plus aisé-ment les composants syllabiques du mot. L’intermédiaire d’unités sémantisées

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facilite le travail de « délimitation » des unités parce que celles-ci sont déjàfamilières à l’enfant.

* « Trouve la syllabe manquante », (7 planches), associe évocation ettranscription de syllabes. Le matériel verbal est donné à l’enfant, c’est un méca-nisme de reconnaissance qui permet par comparaison du mot écrit tronqué avecl’image oralisée du mot et, plus tard, avec son image mentale donnée par le des-sin, de retrouver la syllabe manquante. Là également, toutes les positions sonttravaillées.

* « L’Identification de la syllabe manquante », (1 planche), fait appel àun processus d’évocation lexicale afin de reconstituer un prénom. L’enfant doittravailler sur un support lexical non désigné, appartenant à un registre ouvert,bien que la consigne soit restreinte à un champ sémantique particulier (les pré-noms). On peut imaginer deux stratégies de réponses : soit l’enfant effectue desconfrontations successives de prénoms qu’il connaît à l’item tronqué, soit ilchoisit de « combler le vide » de l’item par des phonèmes jusqu’à trouver un

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logatome qui soit également un mot (en l’occurrence un prénom, mais le jeupeut se faire à partir de noms de fruits ou autres…).

* Les exercices de « Catégorisation », (9 planches), et « comptage de syl-labes », (6 planches), procèdent des mêmes mécanismes mentaux : ils permet-tent de renforcer les automatismes de la segmentation syllabique. Ils seront réa-lisés en oralisant la segmentation des mots, puis, uniquement en s’appuyant surla représentation mentale du mot.

2-4- Manipulations syllabiques

Ces opérations nécessitent la maîtrise des capacités de seg m e n t a t i o n .Leur exécution implique des opérations supplémentaires à celles demandéesdans les exercices ci-dessus. Ces exercices consistent en :

* « L’ e ff e u i l l age syllabique », (1 planche) l’enfant doit isoler la syllabe,l ’ e n l ever pour restituer la partie restante, soit en commençant par le début, soitpar la fin du mot. Ceci laisse supposer que l’enfant passe par les étapes suiva n t e s :i d e n t i fier la syllabe, porter son attention au début ou à la fin du mot, délimiter las y l l a b e , élider la syllabe (c’est-à-dire en faire abstraction), constituer une nouve l l eunité, un logatome avec les syllabes restantes. L’ e n fant a tendance à sémantiserses réponses, c’est à dire chercher dans son lexique un mot approchant. Il estobligé, à l’inverse des exercices de rébus, de faire abstraction du sens qui n’estplus un support de travail, et de considérer les syllabes en tant que telles.

* « Inversion de syllabes » (tin-pa ; patin), (1 planche). Il ne s’agit plusd’identifier une seule syllabe : chacune des deux syllabes doit être « délimitée »correctement. On enlève la première syllabe par effeuillage syllabique pour iso-ler la seconde avant de se remémorer la première. L’aide de l’oralisation estimportante lorsqu’il s’agit de reconstituer l’unité nouvelle. Cette reconstitutionest facilitée par le fait que l’unité recherchée est un mot sémantisé : il y aconfrontation avec le lexique interne à ce stade de la tâche.

* « Quel est le mot caché », (1 planche), l’isolation des syllabes initialesde chacun des deux mots entraîne par fusion, la reconstitution d’un nouveaumot. Les mécanismes cognitifs sont identiques à ceux de l’inversion syllabiquedans la complexité de la tâche : il y a identification puis fusion de deux syllabespour constituer une unité sémantique, cette dernière opération étant facilitée parla confrontation au lexique interne. On pourrait relever plus d’erreurs étantdonné que le matériel de base est constitué de 4 syllabes au lieu de 2 pour l’in-version syllabique.

* Les « Chenilles », (6 planches), suivent le principe des dominos : la syllabefinale d’un mot correspond à la syllabe initiale du mot suivant. Le critère de réus-

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site de cet exercice est la prise de conscience de la place de la syllabe à l’intérieurdes mots impliquant, à ce stade une identification des syllabes à peu près automati-sée. Il faudra toujours passer par une étape orale, graphique puis silencieuse.

3 - Prise de conscience phonémique

Les exercices sur les phonèmes respectent les mêmes étapes que ceuxportant sur les syllabes :

3-1 - Reconnaissance

On propose une sensibilisation à la recherche de l’unité phonémique àl’occasion de ce premier exercice, « Relie les mots dans lesquels tu entends leson cible », (16 planches). Aidé, dans un premier temps, par l’oralisation dechacun des mots et/ou par leur transcription, le repérage du phonème résulte dela comparaison des différentes caractéristiques de chaque phonème du mot aveccelles du phonème cible. Ces caractéristiques peuvent induire l’enfant en erreurde deux façons : soit les distracteurs ont des caractéristiques phonétiquesproches (f/v), soit leurs caractéristiques graphiques sont proches (p/b), ceciayant certainement moins d’incidence sur la réalisation de la tâche.

On supprimera progressivement les aides orales et écrites afin d’engagerl’enfant à répondre à partir de l’élaboration d’une image mentale.

Sur une même planche, les phonèmes cibles sont systématiquement pré-sentés en différentes positions (initiale, intermédiaire, finale).

On pourra présenter les exercices portant sur les phonèmes vocaliques audépart, beaucoup plus faciles à repérer dans la chaîne parlée que ne le sont lesconsonnes. On abordera ensuite les phonèmes consonantiques longs (fricatives,nasales, vibrantes), pour terminer par les occlusives orales.

Ont été introduits dans cet exercice quelques phonèmes à double graphieafin que l’enfant puisse appréhender l’aspect irrégulier de la transposition gra-phème/phonème (in, ch).

3-2 - Identification

* L’exercice « Par quel son commence », (5 planches), « finit le mot »(5 planches), est le premier des exercices pour lesquels l’enfant ne peut plusprocéder par simple « comparaison » d’une cible bien définie avec les phonèmesd’un mot. On peut observer deux moments dans cette tâche : 1. le phonèmen’étant plus désigné, la recherche de l’enfant est orientée par l’indication de saplace. L’enfant doit encore restreindre son champ de recherche. 2. Il s’agit alorsde « cerner » le phonème et ne pas donner la syllabe entière, l’attaque ou larime. Le processus d’identification du phonème, qui pourrait s’effectuer à partir

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d’un seul mot imagé est facilité par la présentation d’un second mot imagé. Laconfrontation des deux items lève d’éventuelles ambiguïtés concernant l’éten-due de l’unité par le choix d’un environnement phonétique automatiquementdifférent d’un item à l’autre.

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(On aurait pu proposer, par la suite, des items pour lesquels l’environne-ment phonétique peut induire en erreur.)

* On tentera de renforcer et affiner les processus de discrimination phoné-mique à travers les « Mémory/Pouilleux » (5 planches) : à partir d’un jeud’images de paires minimales (fer/verre), l’enfant prend conscience du fait quele changement d’une seule unité phonémique entraîne le changement de sens.

* Une autre variante à cet exercice, « Barre l’intrus », (5 planches), rendla détection phonémique plus difficile par un environnement non inducteur(maison/ niche/ martien/ mouton). Dans un premier temps on pourra désigner lephonème à l’enfant, ou alors, lui donner une indication sur la place du phonèmecible.

* Cet exercice est également proposé sans support imagé dans « Catégo-risation de phonèmes », (1 planche) : à l’oral, l’enfant doit trouver le mot quin’appartient pas à la série en fonction du phonème initial ou final (louche/ cage/vache/ torche). Cependant, à l’oral, se pose le problème mnésique : il s’agit pourl’enfant d’isoler très rapidement le phonème pour limiter la charge mnésique.Cet exercice sera proposé en dernier lieu.

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* L’ exercice « Range les images en fonction de la place du son commun »,(4 planches), travaille plus particulièrement la conscience de la place du phonèmeà l’intérieur du mot. Il fait intervenir 2 processus : l’identification du phonèmecommun aux 3 mots imagés, qui n’est pas orientée par l’indication de sa positiondans le mot ; et l’identification même de sa place dans le mot qui, une fois le pho-nème repéré, est une condition sine qua non à l’application de la consigne.

* Ce travail sur la place du phonème est consolidé par l’exercice « Où setrouve le son cible? », (5 planches) : la discrimination porte, cette fois-ci, sur lasériation des phonèmes, non plus à l’intérieur des mots, mais en syllabes com-plexes où l’un des phonèmes consonantiques échappe, bien souvent, à l’atten-tion des enfants (crocodile/corde).

3-3- Segmentation

* Comme précédemment pour les syllabes, nous avons élaboré un exer-cice de comptage de phonèmes, « Mets autant de croix que de sons dans lemot », (6 planches). Nous avons distingué deux niveaux de difficulté au sein decet exercice : les premières planches sont exclusivement composées d’items àsyllabes simples et relativement courts, les mots des planches suivantes com-prennent une ou plusieurs syllabes complexes.

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* « Trouve la lettre manquante », (5 planches), est le pendant de l’exe r c i c eélaboré pour les syllabes : la recherche du phonème manquant à la représentationécrite d’un item s’effectue à partir de l’évocation lexicale induite par la représen-tation imagée de ce mot. Cette évocation pourra au début être oralisée, puis lareconnaissance du phonème ne se fera qu’à partir de l’image mentale de l’item.La position du phonème manquant est indiquée par un tiret. Ce travail porte plusparticulièrement sur les phonèmes en syllabe complexe. La réponse matérialiséepar la transcription consolide la conscience de la séquence phonémique.

3-4 - Manipulations

Les exercices de manipulation de phonèmes ont été proposés en dernier lieucar ils demandent à l’enfant l’exécution de tâches successives plus nombreusesque pour les exercices précédents. Ce sont d’ailleurs ces « manipulations » quioccasionnent le plus d’échec à la passation du protocole (n°6, n°7 et n°8).

* « L’identification du phonème élidé », (1 planche), impose à l’enfant desaisir l’importance de chacun des éléments phonémiques de la chaîne parlée :l’élision d’une seule unité phonémique suffit à modifier le sens d’un mot(bœuf/œuf ; pile/île). Le matériel lexical est donné à l’enfant qui n’a aucuneffort d’évocation lexicale à fournir.

Lors de la passation des tests, l’épreuve de rajout de phonème a été laplus échouée. Nous avons donc inclus dans notre programme, des exercicesappropriés :

* Cet exercice, « Trouve la pre m i è re lettre, tu auras un prénom »,( 1 planche), est sans doute plus facile que celui portant sur les syllabes. L’ e n fa n tpeut retrouver d’emblée le prénom, ce qui n’implique pas pour autant qu’il soitcapable de désigner le phonème manquant : il s’agit bien de dénommer ce pho-nème. L’ e n fant aura alors la même stratégie de recherche que dans l’exercice pré-cédent. L’approche peut être différente de celle de l’identification du phonèmeélidé si l’enfant, n’ayant pas trouvé tout de suite, effectue une recherche active :soit en essayant de « combler » par des phonèmes successifs, jusqu’à trouver unmot qui fasse partie de son lexique, soit en évoquant tous les prénoms qu’il connaît.

* La « Substitution du 1er phonème », (1 planche), met en œuvre plusieursstratégies consécutives dont l’enfant doit strictement respecter les étapes : isola-tion du phonème initial, suppression de ce phonème, recherche et ajout d’unphonème de substitution puis consulltation du lexique interne pour vérifier quece mot appartient à la langue.

* « Chenilles », (2 planches), et « Labyrinthes », (2 planches), visent à auto-matiser la précision et la rapidité des capacités entraînées précédemment. Ces exe r-

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cices suivent le principe des dominos : il s’agit de placer ou de retrouver à côté d’unpremier mot un deuxième dont le phonème initial correspond à son dernier phonème.

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◆ Rééducation métaphonologique par Phonorama :mise en application, évaluation

A- ProtocoleDifférents tests nous ont permis de déterminer les difficultés de lecture

ainsi que les capacités métaphonologiques :

Evaluation de la lecture :

- ANALEC : permet de quantifier les performances des enfants au niveaudu langage oral et écrit.

- Identification des mots de KHOMSI : permet de mettre en évidence laou les stratégies préférentielles de lecture utilisées par l’enfant.

- Appariement phrases / images de KHOMSI : permet de tester la com-préhension du langage écrit.

Evaluation de la conscience phonologique :

Nous avons expérimenté le protocole d’évaluation de la conscience pho-nologique élaboré par Madame Monique PLAZA, psychologue, chercheur auCNRS (12), (13). Celui-ci fait appel aux trois niveaux de la conscience phonolo-gique et à ses étapes intermédiaires. Il nous permet d’analyser les compétencesidentiques à celles développées lors des recherches précédentes.

De la plus accessible à la plus complexe, l’étude des différentes épreuvessuit le plan suivant :

* sensibilité aux similarités phonologiques (épreuve d’identification derimes)

* conscience syllabique ( épreuve d’inversion de syllabes)* sensibilité aux phonèmes :

- conscience phonétique (reconnaissance de phonèmes en positioninitiale, et intermédiaire),- conscience phonémique (identification du phonème initial, du pho-nème final, élision du phonème initial, du phonème final, rajout d’unphonème, inversion de phonèmes).

L’ordre de passation des épreuves respecte quasiment cet ordre dans lacomplexité de la tâche.

Nous avons retenu les enfants échouant aux différentes épreuves du pro-tocole : l’échec était considéré comme significatif lorsque les erreurs étaientsupérieures ou égales à 15-20 % à au moins 5 épreuves sur 10.

Leur échec traduisait donc, pour nous, un déficit de la conscience phono-logique, puisqu’ils ne parvenaient pas, soit à identifi e r, soit à manipulerconsciemment les phonèmes.

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B - Planification des exercices

A la mi-février, début mars pour certains enfants, des exercices d’entraî-nement de la conscience phonologique étaient proposés aux enfants retenuspour cette expérimentation, à raison d’une séance hebdomadaire de 15 à 20minutes, inclus dans une séance classique de rééducation orthophonique.

L’entraînement était prévu pour 12 semaines.Le programme d’entraînement individuel était établi en fonction des défi-

cits spécifiques à chaque enfant, observés lors des tests, et en particulier, lors duprotocole d’évaluation de la conscience phonologique.

Tout matériel de même conception que celui des tests était écarté du pro-gramme de rééducation. Le support employé n’était pas similaire. De la mêmemanière, les tâches demandées étaient éloignées, dans la mesure du possible decelles du test.

Enfin, nous tenions à alterner les exercices portant sur les rimes, les syl-labes et les phonèmes, tout en respectant l’ordre de progression dans l’identifi-cation, la compréhension, la manipulation et la production. Ceci dans le but derendre la rééducation moins monotone, mais également afin de répondre auxbesoins de la rééducation car le développement de ces compétences est conco-mitant bien que l’on ait montré que leur maîtrise s’acquière de façon chronolo-gique.

Les enfants qui avaient échoué à l’épreuve de rimes à plus de 15 % sesont vus proposer des exercices de sensibilisation à la rime. Il est à noter que lamajorité des enfants n’avaient aucune idée de ce qu’est une rime et qu’une pré-sentation de cet aspect du mot ne leur avait donc jamais été proposée.

Les exercices respectaient un ordre de difficultés croissantes : discrimina-tion auditive de plus en plus fine de la rime dans des mots d’abord éloignés puisproches ; reconnaissance de mots rimants ; appariement de mots rimants, avecun choix de plus en plus restreint ; production et transcription.

Les aides diminuaient au fur et à mesure des exercices proposés.Au niveau de la syllabe, nous leur avons donc proposé une palette variée

de tâches, similaire à celle proposée pour le phonème, qu’ils ont accomplieselon le niveau de compétence atteint. Celle-ci comprenait : l’identification dessyllabes initiales, les exercices de reconnaissance de syllabes communes à tra-vers les images, la reconnaissance de syllabes complexes permettant de tra-vailler la discrimination fine des syllabes proches (bra/dra - cro/gro) et lesconfusions sonores, l’utilisation de l’identification de la syllabe finale et inter-médiaire, l’imprégnation sonore de la place de la syllabe était travaillée à traversdes exercices oraux, imagés (mots rébus) et a développé les capacités de recon-

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naissance, de segmentation du mot en syllabes, les exercices de segmentation,de découpage, de reconstitution de rébus, d’isolation de syllabe et de fusion. Unultime exercice « la chenille », a permis, sous un aspect ludique, de confirmerces acquis : l’enfant devait ordonner en tenant compte du fait que la syllabe ini-tiale de l’image à trouver est la syllabe finale de l’image précédente.

L’objectif final de cet entraînement était, bien sûr, que l’enfant parvienneà discriminer et manipuler la plus petite unité de la phrase, le phonème.

Pour beaucoup d’enfants, les exercices portant sur l’identification desphonèmes en initial n’ont pas eu d’utilité, les enfants maîtrisant la correspon-dance graphème-phonème.

Par contre, les exercices de catégorisation se sont révélés difficiles à exé-cuter : les exercices « l’intrus » et « range les images en fonction du son com-mun » étaient laborieux et nécessitaient plus d’une séance avant d’être réalisés.

Ces projets de rééducation étaient d’emblée divers. La volonté de s’adap-ter au plus juste aux besoins de chaque enfant a encore entraîné des modifica-tions dans le cours des séances initialement prévues.

C- Analyse des Résultats

* P.J. (13-06-84) âgé de 9ans 6, QIV=91, QIP=101, QIG=95 en classe deCE2, avait redoublé son CP en raison d’importantes lacunes en lecture et en dic-tée, pris en charge à partir de décembre 91 présentait :

- des difficultés au niveau du langage oral, surtout en compréhension syn-taxique,

- une dissociation de la rétention chiffres/phrases, avec support langagierniveau de 6 ans,

- la lecture était difficile, hésitante, avec des confusions visuelles, la com-préhension du texte lu était mauvaise,

- à la transcription, on notait de nombreuses fautes phonétiques, desconfusions, des inversions au niveau des graphèmes, l’orthographed’usage était très faible.

*S.N. (31-01-82) âgé de 11ans 11, en classe de sixième (5 années d’ap-prentissage de la lecture). QIV= 90, QIP= 92, QIG= 90

S.N. était suivi en réeducation orthophonique depuis le CP pour untrouble articulatoire (schlintement). On avait pu constater une amélioration dutrouble en dirigé, mais celui-ci était encore présent en spontané.

Le stock lexical, de même que l’élaboration syntaxique étaient encorei n s u ffisants, mais la compréhension et la rétention étaient correctes. Il persistaitune importante dyslexie-dysorthographie mise en évidence par des erreurs de

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lecture, des omissions, un défaut d’intonation, un débit trop rapide et d’impor-tantes difficultés de transcription

1- Analyse individuelle des enfants entraînés: PJ et SN

Nous avons choisi deux enfants dont les performances au protocoleétaient antagonistes :

- PJ était l’enfant qui échouait le plus, dans toutes les tâches exceptée laseptième (opération de rajout de phonème), dans le groupe (E),

- SN était un des meilleurs.Nous avons pu constater que SN, meilleur au départ, a progressé de

manière plus sensible de décembre à mai, que PJ.

Progression de PJ :(Abscisse : les épreuves ; Ordonnée : % d’erreurs)

Progression de SN :(Abscisse : les épreuves ; Ordonnée : % d’erreurs)

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On peut se demander si les progrès observés sur les autres épreuves sontdu même ordre.

L’ é p r e u ve de l’ANALEC situe PJ au niveau du dixième décile endécembre comme en mai. On n’a pu distinguer de progrès quantifiable pour PJ,concernant les capacités de lecture en dehors de ceux constatés au protocole et àla lecture des mots.

L’ANALEC situait SN au niveau du dixième décile, en mai comme endécembre, comme PS. Mais contrairement à ce dernier, on a noté un net progrèspour SN (- 35 points du 9e décile en décembre, - 5 points en mai). Cettedeuxième évaluation objectivait une amélioration des capacités de lecture de SNsous plusieurs de ses aspects (temps de lecture, qualité de lecture, compréhen-sion, combinatoire, stratégies de lecture et traitement morpho-syntaxique).

On peut donc dire que l’évolution des performances en lecture n’était passystématiquement objectivée par rapport aux progrès constatés au protocole : bienque l’on ait constaté des progrès au protocole pour les deux enfants, en considé-rant le lien de cause à effet entre capacités métaphonologiques et lecture, on peuté m e t t re l’hypothèse de l’existence d’un « seuil d’effi c a c i t é » qui aurait été atteintpar SN et pas encore par PJ, dont les capacités initiales étaient moins bonnes.

2- Cas particulier d’une rééducation exclusive de la métaphonologie : GL

En regard de ce graphique, le résultat obtenu chez cette enfant non lec-trice ayant bénéficié uniquement de 8 séances entièrement consacrées à laconscience phonologique était aussi probant que pour les autres enfants pour cequi est du protocole :

Progression GL :(Abscisse : les épreuves ; Ordonnée : % d’erreurs)

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Au niveau qualitatif, la lecture s’était améliorée, l’association syllabiqueétait devenue possible ainsi que la lecture des mots courants. Les tests de lecturede l’ANALEC, impossibles en décembre étaient accessibles.

L’épreuve d’analyse échouée précédemment (5/20) était mieux réalisée(12/20).

A la lecture de phrases, la progression était visible. De 9 erreurs elle nefaisait plus que 3 erreurs sur l’ensemble bien que la tâche ait été réalisée cepen-dant après 3 ou 4 relectures des phrases.

L’entraînement a contribué à une meilleure maîtrise de la voie phonolo-gique puisque GL n’utilisait plus de stratégies contextuelles compensatoires à lalecture de mots et de phrases.

Les exercices ont incontestablement amélioré les trois niveaux de laconscience phonologique : la sensibilité aux similarités (épreuves de rime), laconscience phonétique (reconnaissance de phonèmes) et la conscience phoné-mique (tâches de segmentation, soustraction, addition)

Ces tâches, qui ne manifestaient non pas une incapacité totale, mais uneinstabilité et une irrégularité dans leur réalisation, étaient mieux maîtrisées. Lesrésultats témoignaient d’une plus grande régularité dans la mobilisation descapacités métaphonologiques.

Toutes ces épreuves découlent d’un seul facteur commun, elles renvoientà un même fond de compétence tant au niveau des unités rime-phonème qu’aun iveau opératoire (identification, discrimination, segmentation, suppression,fusion).

On fait précisément appel à la conscience que l’enfant a de la langueorale par rapport à la langue écrite.

◆ Conclusion

Nous nous posions la question de savoir si les capacités métaphonolo-giques sont améliorables à partir d’un entraînement, d’exercices rééducatifs spé-cifiques tels que Phonorama, même chez des enfants ayant déjà deux ou troisannées d’apprentissage de la lecture. Notre expérimentation nous permet derépondre de façon positive : de manière générale, nous constatons que les lec-teurs entraînés ont, dans toutes les épreuves, une performance supérieure à celledes lecteurs non entraînés, même si l’on observe ici et là, quelques cas où leursperformances sont équivalentes. Nous pouvons donc affirmer que les capacitésmétaphonologiques, telles que testées à travers le protocole, sont améliorées parun entraînement spécifique.

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Nous étions curieuses de savoir si cet entraînement spécifique a une inci-dence à court terme sur les capacités de lecture. L’entraînement se répercute defaçon indirecte sur les capacités de lecture, puisqu’on note également une évolu-tion différentielle des stratégies de lecture aux épreuves du KHOMSI. Seuls lesrésultats obtenus à l’ANALEC ne sont pas probants car ils sont liés aux capaci-tés lexiques. Cependant, notre pratique quotidienne avec Phonorama nous laissepenser que cet effort de rééducation métaphonologique est d’autant plus efficacelorsqu’elle se poursuit sur des périodes plus longues que celle expérimentée pré-cédemment.

Il nous semble donc que ce nouveau paramètre pourrait faire l’objet d’uneévaluation plus systématique dans le cadre du bilan orthophonique au mêmetitre que les capacités de rétention.

Notre action parvient à affiner l’analyse segmentale de la chaîne parlée etindirectement à modifier le comportement de l’enfant face aux tâches de lecture.Il semble donc nécessaire d’inclure, dans tout programme pédagogique, scolaireou orthophonique, des exercices favorisant l’émergence ou le renforcement deces capacités métaphonologiques.

Certes, leur amélioration ne permet pas aux mauvais lecteurs de devenirdes lecteurs parfaits, mais elle peut leur donner les moyens de compenser unepartie de leur retard comme nous avons pu le constater pour certains de nosenfants.

D’autre part, le matériel P h o n o ra m a présente des intérêts autres quemétaphonologiques :

- il peut être utilisé pour travailler le stock lexical des enfants en retard delangage,

- chez les aphasiques pour renforcer les rééducations par l’apport d’unsupport visuel souvent nécessaire.

Enfin, d’un point de vue expérimental, il nous a paru intéressant d’évaluerune méthode rééducative. Ceci nous amène à relever que trop peu d’études véri-fient l’adéquation des méthodes thérapeutiques utilisées aux pathologies obser-vées. L’évaluation des méthodes thérapeutiques permettrait de vérifier leur bien-fondé. Cette recherche aurait pour conséquence la définition de choixthérapeutiques de plus en plus adaptés et donc efficaces.

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Pratique de la Dynamique Naturellede la Parole (D.N.P.) et développementde la conscience phonologique

Danièle Prado

R é s u m éSentir, voir, toucher la parole, tel est le projet dans lequel nous conduit Madeleine Dunoyerde Segonzac pour développer la Dynamique Naturelle de la Parole.Nous analyserons dans cet article comment cette méthode favorise le développement de laconscience phonologique à travers des approches psychomotrices inspirées entre autressources de la méthode verbo-tonale, permettant de visualiser la parole par le biais d’unecalligraphie phonétique.Nous aborderons également l’apport de cette méthode pour le travail du rythme verbal et dupassage à la phrase.

Mots clés : phonologie, calligraphie phonétique, parole enrichie, polysensorialité.

Use of Natural Dynamics of Speech method and development ofphonological awareness

AbstractTo feel, watch and touch speech was the aim of Madeleine Dunoyer de Segonzac when shedevelopped the Natural Dynamics of Speech Program. In this article, we discribe how thismethod enhances the development of phonogical awareness through the use of psychomo-tor approaches such as the verbal-tonal method, making it possible to visualize speechthrough phonetic calligraphy. We also decribe the contributions of this method to our workwith verbal rythm and sentence construction.

Key Wo r d s : phonology, phonetic calligraphy, enriched speech, multi-sensory perception.

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I l n’est plus à démontrer l’importance sinon la nécessité des compétences del’enfant à jouer avec les segments de la parole et du langage pour accéder àla langue écrite.

Devant cet acquis indiscutable, il nous reste à affiner dans nos relationsd’aide aux enfants en difficulté de parole, les outils susceptibles de faire émer-ger cette conscience phonologique dont on perçoit quotidiennement la fragilitéchez ces tout petits atteints de troubles graves de l’acquisition du langage, dedysphasie, chez les enfants atteints de surdité, ou chez les dyslexiques.

Nous avons maintenant à notre disposition du matériel et des logicielsfort bien pensés dans ce projet. Je vais pour ma part vous présenter uneapproche polysensorielle et psychomotrice susceptible de développer la Dyna-mique Naturelle de la Parole par une libération du geste, pratique élaborée parMadeleine Dunoyer de Segonzac qui s’est appuyée dans sa démarche créativesur trois piliers fondamentaux : l’anthropologie du geste de Marcel Jousse, laméthode verbo-tonale du Professeur Guberina, la méthode Martenot pour l’en-seignement du dessin.

Développer la Dynamique Naturelle de la Parole, voilà bien qui nous pré-occupe lorsque nous sommes en présence de ces enfants chez lesquels ces facul-tés font défaut alors quelles sont très précocement présentes chez le bébécomme l’a montré Bénédicte De Boysson-Bardies dans son ouvrage : « Com-ment la parole vient aux enfants » (1999).

Pour la clarté de l’exposé, j’appellerai D.N.P la méthode de MadeleineDunoyer de Segonzac consistant en une libération de la parole par une libérationdu geste développant la Dynamique Naturelle de la Parole.

Revenons maintenant aux sources. J’ai cité Marcel Jousse et je vous ren-voie à l’article du Professeur Metellus dans « Voyage à travers le langage » d’oùj’extrais la citation suivante : « Nous vivons actuellement sur la dégradation desgestes aussi bien corporels, manuels, que laryngo-bucco et graphiques parce que

Danièle PRADO Orthophoniste 10 Avenue du 159e RIA 05100 Briançon

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vidés de leur concrétisme originel par des millénaires d’usure... Pour Jousse legeste constitue le fondement même de l’expression humaine. Il s’agit de prendrela mesure de ce que le geste et les activités praxiques ont jadis permis àl’homme de réaliser : transposition des mouvements du corps et des mains surles muscles pneumo-laryngo-bucco-faciaux, le langage oral reste un geste àfinalité significative ».

Nous voici tout naturellement amenés à citer le second pilier de la D.N.P,la méthode verbo-tonale du Professeur Guberina, méthode d’éducation et derééducation des enfants sourds.

Pour Guberina, on entend avec tout son corps et on parle avec son corps.La méthode verbo-tonale permet à l’enfant de prendre conscience de sa

parole au moyen de son corps.Chaque phonème est produit et porté par le corps selon des mouvements

spécifiques de tension, relâchement, ouverture, durée.Les rythmes corporels travaillés en verbo-tonale sont des ensembles de

mouvements reprenant les paramètres de la parole que nous appelons en D.N.Pchorégraphie phonétique.

Il est temps de citer maintenant le troisième pilier : l’éducation par l’artselon la méthode Martenot. Notre projet pour aider ces enfants en difficulté deparole va être de les amener à sentir, voir, toucher la parole avec tout leur êtreafin d’amener une calligraphie phonétique matérialisant ainsi la parole.

Avec les « images pulsées » dont nous parlerons plus loin, nous dévelop-perons chez ces enfants une créativité esthétique par une représentation du réeldirectement issue des pulsions phonétiques de la parole.

Selon la méthode Martenot et les apports de Madeleine Dunoyer deSegonzac, nous utiliserons la relaxation pour mettre l’enfant en état de récepti-vité d’une imprégnation du réel. Nous préparerons également le rythme de laparole pour que le réel puisse être « parlé », « découpé », en accord avec la ryth-mique de notre langue.

Il convient maintenant d’illustrer ces propos par des exemples concrets etd’analyser comment cette méthode peut soutenir le développement de laconscience phonologique.

Je viens de parler de traces de l’articulation de la parole. Comment les produirons-nous ? En associant une couleur attribuée à une

voyelle, au mouvement générateur de la consonne. Les couleurs des voyellessont représentées dans le soleil des voyelles où ces dernières sont disposéescomme dans le triangle vocalique selon leurs propriétés d’ouverture ou de fer-meture du canal buccal et selon leurs valeurs fréquentielles.

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Le soleil des voyelles se chante et se joue par l’ouverture et la fermetureprogressive des bras autour de l’axe de notre corps, utilisant au maximum notrebilatéralisme (illustration 1).

Quant aux mouvements générateurs des consonnes, voici quelques ex p l i c a-tions essayant de désigner au mieux le mouvement agrandi de leur production.

« L » : on enroule et on déroule les bras.« K » : les coudes donnent un coup en arrière. « S » : on presse et on ondule sur l’air.« B » : les mains, les bras et tout le corps retombent dans un mouvementdétendu.« T » : on tape des pieds et des mains dans une explosion.« R » : on ébranle et on râcle l’air avec ses bras et tout son corps.La projection, la matérialisation de ces grands mouvements donnent les

traces figurées sur les illustrations 2a et 2b (illustrations 2a et 2b).

A vous d’essayer maintenant : un peu de jaune sur les index pour le« ou », la pulsion phonétique du « s », pression sur l’air et en la disant vous réa-lisez la trace de la syllabe « sou ». Un peu de vert maintenant pour le « i » et lapulsion phonétique du « r » et vous avez devant vous la trace de la syllabe « ri ».

Avez-vous senti combien en traçant « sou » vous avez allongé dans votreparole la production de la consonne sifflante? Faites de même en ressentant lon-guement le raclement du « r » dans la production de la syllabe « ri ».

Ne sommes-nous pas là dans une démarche phonologique amenant l’en-fant à construire dans sa parole et sa gestuelle les syllabes « sou » « ri », lui per-mettant ainsi le ressenti de la fusion syllabique? Car pour analyser la facturesonore du mot - et combien cette analyse est défaillante chez les enfants dontnous nous occupons - une attention phonématique à la boucle audio-phonatoireest nécessaire, l’articulation participant à la construction de cette audition pho-nématique. « Prononcer les mots, c’est déjà analyser les composantes motricesde ce mot, c’est réaliser leur analyse sonore. » (Métellus).

Faisons état des besoins et des manques de ces enfants pour poursuivredans la voie de ce que la D.N.P. peut leur apporter. Nous l’avons déjà dit « lesujet doit être capable de fractionner le flux continu du langage oral, d’en déga-ger les phonèmes stables, d’en conserver l’ordre de succession et de les fusion-ner en groupes phonématiques de synthèse. S’il n’est pas capable de réalisercette activité, il ne pourra rentrer dans la lecture. » (Métellus).

Vous avez déjà saisi avec les traces d’articulations du mot « souris » com-ment nous montrons à l’enfant la segmentation syllabique. Il vous est doncfacile d’imaginer tous les jeux au bout des doigts pour faire sentir, voir, toucher

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le nombre de syllabes, mais aussi les rimes (bateau, château, couteau), lesattaques (gâteau, cadeau) (illustrations 3a, 3b et 3c).

Quant à l’ordre de succession des phonèmes qui suppose cette activité sidifficile consistant à saisir un son isolé dans un groupe de sons, commençonspar le jouer avec tout notre corps dans une chorégraphie phonétique. Suivez-moi : en tapant des pieds et des mains nous reculons en disant « ta-ta-ta » puisarrive le léger raclement du « r » en position faible et sa gestuelle comme diluéedans l’air pour produire « tar ». Puis nous repartons en produisant sur chaquepas le phonème « t » discrètement accompagné de sa gestuelle « t...t...t... » etsoudain explose le groupe consonantique « tra » avec le râclement du « ra ».

Après ce vécu corporel de la place des sons, réalisons leurs traces dontvous pouvez vous-même faire la reviviscence (illustration 4). Posez vos poucessur la syllabe pleine « ta » puis laissez venir au bout de vos doigts en mêmetemps que dans votre gorge le léger frôlement du « r » en position faible et vousdites « tar ». A l’inverse, posez légèrement vos pouces pour rappeler la place dece « t » lointain et peu consistant et couvrez-le du râclement dominant de la syl-labe « ra » et vous dites « tra ». Là encore vous sentez bien la richesse de cetoutil kinesthésique et visuel pour aider à la conscience de la succession des pho-nèmes dans les groupes consonantiques, ces structures sonores si difficiles àanalyser et à réaliser par les sujets dont nous nous occupons.

Avançons encore. Lorsque de phonétique l’univers devient phonologique,l’enfant doit apprendre à repérer consciemment les frontières souvent ténues quiséparent les sons, et plus deux sons sont proches, plus il aura de mal à les main-tenir séparés, à distinguer « papa » de « tata », ou « cha » de « sa », d’où lerecours à la concrétisation visuelle par les traces d’articulation de ces produc-tions phonétiques et phonologiques (illustration 5).

Il nous sera alors utile de rassembler ces traces dans un classeur confié àl’enfant et à sa famille, classeur qui servira de support à cette « reviviscence » àce « rejeu », à ce soutien quotidien à la mémoire du geste laryngo-buccal pro-ducteur de la parole et fondement de la boucle audio-phonatoire sur laquellereposent les possibilités de discrimination et d’analyse.

Il semble bien que nous soyions là au coeur du problème et qu’avec cetoutil D.N.P., nous travaillions sur les difficultés spécifiques de ces enfants quiprésentent une désorganisation de l’analyse sonore, une instabilité des tracesmnésiques et des traces sonores, de ces enfants porteurs de déficit phonolo-gique, susceptibles de devenir des sujets dyslexiques « caractérisés par l’ab-sence d’automatisme dynamique dans l’interprétation de sons successifs, parl’impossibilité à déterminer quel son précède ou suit un autre. » (Métellus).

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Mais si la conscience de la structure sonore d’un mot est nécessaire, ilc o nvient également que ce mot appartenant au lexique de la langue prenne sens. Ilfaut associer reconnaissance et mémorisation d’un schéma phonétique à la repré-sentation du référent signifié par ce schéma phonétique. Me voici donc amenée àvous présenter un nouvel outil D.N.P. que nous appelons « images pulsées » .

Encore une fois, je m’appuierai sur un exemple concret. Comme moipeut-être vive z - vous douloureusement la blessure imposée à ce référentmythique rythmant nos saisons, nos rêves, voire nos combats écologiques, jeveux parler de « l’arbre » tristement élagué dans la parole de nos enfants etrabougri à « rab », quand ce n’est pas « ra » ou « na ». Nous avons vu par quelmoyen nous allons aider à segmenter en syllabes, à placer le « r » en positionfaible de « ar », et le « r » du groupe consonantique « bre ». Nous allons avecl’image pulsée faire découvrir à l’enfant qu’une parole « enrichie », une parole« debout », une parole « construite » permet à ce référent d’apparaître au boutde ses doigts dans sa représentation imagée.

Essayez vous-même et placez la tranche des mains jointes posées sur letronc en disant « a ». Avec la pulsion phonétique du « r » vibrez sur les racinesdu bout des doigts. Puis avec « b » et dans la détente du mouvement producteurde ce phonème, le dos de vos mains retombe produisant le feuillage. Enfin elless’animent en vibrant, donnant au feuillage le mouvement impulsé par la vibrationdu « r ». Essayez en enduisant vos doigts des couleurs du réel, car dans l’imagepulsée nous nous débarrassons du code de la couleur du soleil des voyelles pournous rapprocher du réel, et au bout de vos doigts et en le disant vous créerez« votre arbre » ( i l l u s t rations 6a et 6b). Les enfants aussi, seuls ou délicatementsoutenus dans leurs gestes produiront « leur arbre », et vous pouvez imaginer nonseulement leur bonheur à cette création, car elle est belle, mais aussi vous pouve zressentir les bienfaits réparateurs d’un tel accompagnement à la représentation duréel. Nous avons là un merveilleux moyen de développer chez ces enfants unl exique expressif, de donner sens et vie à un lexique réceptif ou interne dont laproduction est handicapée par la mise en oeuvre pragmatique.

Reprenons les outils dont nous disposons maintenant pour faire sentir,voir, toucher au bout des doigts non seulement la structure sonore, mais ledécoupage morpho-syntaxique. Après avoir transporté au bout de nos troisdoigts les trois syllabes du mot « éléphant » chargées de ses couleurs, après lesavoir « tapotées » selon trois traces que nous nommons « mémogrammes » puis-qu’elles réfèrent à une trace mnésique ou image mentale, nous avons alors lapossibilité de marquer visuellement les mots grammaticaux (déterminants défi-nis, indéfinis, singuliers pluriels) par des « dessingrammes » appelés « mimo-grammes », de la taille du bout des doigts (illustrations 7a et 7b).

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Abordons maintenant l’extension de ce nouvel outil nous permettant d’al-ler encore plus avant dans le fait de montrer la parole et la langue au bout desdoigts. Suivez-moi dans le déroulement de l’extension propositionnelle (illus-tration 8). A partir de l’image pulsée du mot « voiture », nous vivons avec l’en-fant non seulement les segments de la parole, mais l’enrichissement syntagma-tique. Ayant transporté la couleur de l’objet représenté, il nous est maintenantpossible de l’enrichir de qualités et de le faire agir :

La voitureLa belle voitureLa belle voiture bleueLa belle voiture bleue rouleLa belle voiture bleue roule sur la route La belle voiture bleue roule vite sur la route

Nous abordons ici la nécessité du travail du rythme, car pour amener l’en-fant à exprimer « la belle voiture bleue roule vite sur la route », il nous faudrapasser par toutes les enveloppes rythmiques, de la plus simple à la plus com-plexe. Rappelons que pour Suzanne Borel-Maisonny comme pour Guberina, lerythme est au premier rang des éléments d’intelligibilité de la parole et du lan-gage et que pratiquer un entraînement des capacités rythmiques prépare etaccompagne l’enfant dans son développement du langage. L’objectif est d’ame-ner cet enfant à une prise de conscience des différents éléments rythmiquesinhérents au langage afin qu’il les utilise dans sa parole spontanée. Nous dispo-sons là aussi avec la D.N.P. d’un matériel simple et adapté : la boite de rythmescomprenant des petites surfaces de bois représentant les durées réparties selontrois temps, longues, semi-brèves, brèves. Ce matériel permet encore une fois defaire saisir à l’enfant les structures rythmiques à travers de multiples jeux et res-sentis corporels, de les lui représenter visuellement.

C’est donc une pédagogie ludique, artistique et créative que je viens devous présenter. Je me permettrai maintenant de citer Marc Monfort et AdoracionJuarez Sanchez dans « L’intervention dans les troubles graves de l’acquisitiondu langage et les dysphasies développementales » : « La méthode maternellecontinue d’être le meilleur moyen connu à ce jour de développer le langage etde transmettre les caractéristiques particulières de chaque langue... Si l’on veutcependant établir une séquence standard minimum, nous serions par exempleassez d’accord avec la séquence suivante destinée à refléter la hiérarchie desobjectifs d’une intervention :

- Comportements qui démontrent initiative et plaisir dans la communica-tion ;

- Comportements d’imitation en situation de jeu ;

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- Premières manifestations de production vocale volontaire ;- Comportements d’imitation vocale ;- Comportements d’imitation verbale ;- Premières manifestations de compréhension de phrases ;- Premières manifestations de productions verbales ;- Augmentation du répertoire lexical en compréhension ;- Augmentation du répertoire lexical en expression ;- Premières combinaisons de deux ou trois mots en expression ;- Stimulation du développement de l’intelligibilité de la parole ;- Introduction de mots fonctions et de structures morpho-syntaxiques

dans l’expression de l’enfant ;- Amélioration de la prononciation au-delà de la simple intelligibilité ».

Nous avons pu effleurer dans la démarche interactive de cet article com-ment la pratique de la D.N.P. permet d’aborder de façon ludique les différentspoints de ce programme en utilisant les moyens sensoriels, visuels, auditifs,kinesthésiques et psycho-moteurs qui seront les supports du développement dela parole et du langage. Je terminerai encore sur une citation de Marc Monfortdans le même ouvrage : « Il est possible, surtout si nous les renforçons par desmoyens appropriés spécifiques, de faire parvenir au cerveau certains élémentsde la parole et du langage par la voie de la vue et du toucher. Il est possibleaussi de renforcer le contrôle de la production à travers des sensations proprio-ceptives et kinesthésiques. »

C’est dans cette voie que nous conduit Madeleine Dunoyer de Segonzacavec une méthode si riche que je n’ai pu vous en donner qu’un aperçu rapidevous laissant peut-être le goût d’y aller « voir, sentir et toucher » de plus près.

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Illustration 1

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Illustration 2a Illustration 2b

Illustration 3a

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Illustration 3b Illustration 3c

Illustration 4 Illustration 5

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Illustration 6a Illustration 6b

Illustration 7a Illustration 7b

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Illustration 8

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REFERENCESDE BOYSSON BARDIES, B. (1999 2éme éd.) : « Comment la parole vient aux enfants » - Ed : Odile

JACOB.DUNOYER de SEGONZAC, M. (1991) : « Pour que vibre la Dynamique Naturelle de la Parole» : Asso-

ciation La Joie de Parler.METELLUS, J. (1997) : « Voyage à travers le langage » : Ed Ortho Edition.MONFORT, M. et JUAREZ SANCHEZ, A. (1996) : « L’intervention dans les troubles graves de l’acqui -

sition du langage et des dysphasies développementales » : Ed Ortho Edition.

VidéoDUNOYER de SEGONZAC, M. « Une dynamique ludique et artistique pour la joie de parler ».

Renseignements pour la formationAssociation La joie de parler, 424, route de Laudon, 74410 Saint Jorioz. Tél. : 04 50 77 08 86.

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Evaluation de la conscience phonologique etentraînement des capacités phonologiques engrande section de maternelle

Michel Zorman

R é s u m é

La population de cette étude comprend 2265 enfants répartis en 118 classes de grandesection de maternelle dans les cinq départements de l’académie de Grenoble (Ardèche,Drôme, Isère, Savoie, Haute-Savoie). Le service de Santé scolaire a évalué au cours de sonbilan de santé de la sixième année des habiletés cognitives impliquées dans l’apprentissagede la lecture : conscience phonologique, mémoire à court terme, vocabulaire. A la suite, 473enfants parmi les plus faibles en conscience phonologique ont bénéficié d’un entraînementmétaphonologique réalisé en classe par leur enseignant. Les enfants entraînés ont plus pro-gressé en capacités métaphonologiques que les autres. Les capacités phonologiques sonten relation avec le niveau culturel de la famille. Le bilan réalisé permet d’effectuer un dépis-tage des enfants à risque de développer une dyslexie.

Mots clés : conscience phonologique, entraînement métaphonologique, dyslexie, lecture.

Evaluation of phonological awareness and phonological skills trainingin kindergarden children

AbstractThe sample of this study comprises 2265 children from 118 kindergarden classrooms loca-ted in five french « departments » of the Grenoble School District (Ardêche, Drôme, Isère,Savoie, Haute-Savoie). As part of a regular medical check-up during the child’s sixth year,the School Health Services assessed those cognitive skills involved in the development ofreading skills: phonological awareness, working memory and vocabulary. As a result of thisevaluation, 473 children were selected among those who obtained the lowest scores onphonological awareness tests and placed in a metaphonological training program which wasconducted by their own teacher. Children from this training program made more progress inmetaphonological knowledge than other children. Phonological abilities were associatedwith the family’s educational level. This type of evaluation usefully screens those childrenwho are at risk for dyslexia.Key Wo r d s : phonological awareness, metaphonological training, dyslexia, reading.

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D epuis 1987, les médecins et infirmières de l’Académie de Grenobleont souhaité donner une grande part au dépistage et à la préve n t i o ndes difficultés et troubles des apprentissages. Cette démarche s’appuie

sur le constat que les adolescents et jeunes adultes qui vont le moins bien(quel que soit l’indicateur de santé : les comportements addictifs, les compor-tements violents ou asociaux, les tentatives de suicide) sont ceux qui ont étéen situation d’échec scolaire dès leur plus jeune âge. Il apparaît dans diff é-rentes études (Choquet, 1995) que la santé mentale, l’insertion sociale, lacapacité à gérer sa santé, l’estime de soi sont fortement corrélées à la réussitescolaire. Dans les pays économiquement développés et riches, apprendre àl’école et s’y insérer sont des fortes composantes du développement et de laconstruction de la personne et donc de la santé de l’enfant, de l’adolescent etaussi du futur adulte.

Apprendre à lire est fondamental dans la mesure où cela est absolumentnécessaire pour accéder aux autres savoirs de l’école (Delahaie, 1998). Cetteplace centrale et générative occupée par la lecture est le cadre des rechercheset des expérimentations du Service de Santé Scolaire (Service de Promotionde la Santé en Faveur des Elèves, SPSFE) depuis plus de dix ans. Cela s’esttraduit par l’élaboration et le développement d’outils de dépistage, de préve n-tion et d’évaluation précoce des retards simples, des risques de déve l o p p e rune dyslexie, des difficultés d’apprentissage de la lecture. Ce travail a com-mencé à l’initiative d’une infirmière du Nord Isère par la mise au pointd ’ é p r e u ves d’évaluation des capacités de traitement visuel de l’information(Zorman, 1994) et d’un entraînement visuel (Jacquier-Roux, 1998) réalisé enclasse dont l’évaluation a montré un effet positif sur la performance de lec-t u r e .

Pour piloter, coordonner ces études et produire les outils, le Centre Res-sources Cogni-Sciences de l’académie de Grenoble a été créé il y a une dizained’années. En 1998, il est devenu Laboratoire Cogni-Sciences et Apprentissages

Michel ZORMANLaboratoire Cogni-Scienceset Apprentissages IUFM Académie de Grenoble30, avenue Marcellin Berthelot38100 Grenoblee-mail : [email protected]

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de l’IUFM 1 de Grenoble en association avec le Laboratoire de PsychologieExpérimentale CNRS, Université P. Mendès France de Grenoble.

Dans cet article, nous présentons les résultats de la première partie d’unerecherche qui a débuté en 1995 en grande section de maternelle pour mesurerles effets sur l’apprentissage de la lecture d’un entraînement de la consciencephonologique des élèves qui ont de faibles habiletés dans ce domaine.

◆ La conscience phonologiqueLes études expérimentales réalisées sur la lecture durant ces vingt-cinq

dernières années ont mis en évidence l’un des déterminants essentiels des pre-miers progrès en lecture, qui est en même temps un moyen de la prévention del’échec de son apprentissage, la conscience phonologique ou capacités métapho-nologiques (Bradley, 1 9 8 3 ; Juel,1986 ; Olofsson, 1985 ; Stanovich, 1988 ;Sprenger-Charolles, 1996 ; pour des revues Goswani, 1990 ; Gombert 1992). Denombreuses recherches ont montré les liens entre l’apprentissage de la lecture etla capacité à identifier, à manipuler de façon intentionnelle les unités phonolo-giques de la langue orale.

L’enfant apprend peu à peu à reconnaître les graphèmes qui composentles mots écrits (« ch », « ou », « p », « eu ») et prend conscience des unités pho-némiques qui composent les mots parlés ( /s/, /u/, /p/, /œ/). Les mots écrits qu’ilrencontre seront alors systématiquement décodés : les différents graphèmes dumot seront individualisés ; à chaque graphème sera associé le phonème corres-pondant ; les phonèmes seront fusionnés en syllabe, puis en mot permettant dereconstruire la forme phonologique globale du mot et d’en évoquer le sens. Onparle quelquefois de médiation phonologique pour exprimer le fait que le sensdu mot ne puisse être évoqué qu’après traitement phonologique. Les traitementsphonologiques y jouent un rôle fondamental puisque l’enfant doit acquérir desprocédures de conversion grapho-phonologique et prendre conscience des unitésphonémiques qui composent les mots. Ce stade (alphabétique, Frith, 1985) secaractérise par une lecture lente et analytique pendant laquelle l’enfant seconcentre sur le traitement des lettres constituant les mots afin de les décodersans erreur.

La conscience phonologique est un puissant mécanisme d’auto-apprentis-sage lié à la conception même des écritures alphabétiques. L’élève doit com-mencer par apprendre le principe général du code alphabétique, puis acquérir unnombre suffisant de correspondances entre les graphèmes et les phonèmes pour

1 Institut Universitaire de Formation de Maîtres.

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commencer à décoder. L’apprentissage de ces premières correspondances per-met la mise en place des procédures de déchiffrement qui sont lentes car ellesdemandent à l’enfant un travail conscient, volontaire et de l’attention. Cette cor-respondance graphème/phonème va rapidement et progressivement deve n i rautomatique, jouant un rôle moteur et génératif dans l’apprentissage de la lec-ture.

L’acquisition du principe du code alphabétique nécessite que l’enfant pré-lecteur ait préalablement acquis un début de conscience phonologique. Laconscience phonologique (ou capacités métaphonologiques) peut être définiecomme l’aptitude à percevoir et se représenter les unités de segmentation nonsignifiantes de la langue orale comme les syllabes, les rimes, les phonèmes. Lesé p r e u ves qui permettent d’évaluer les habiletés métaphonologiques peuve n tconsister à demander à l’enfant si deux mots riment, de prononcer ce qu’il restedu mot lorsqu’on enlève la première syllabe d’un mot bi-syllabique (enlever/tor/ de torchon, il reste /chon/), pour la conscience phonémique demander dedire ce qui reste si on enlève le premier « bruit » de « Bœuf » → « œu ».

Certaines habiletés à segmenter la langue sont plus précoces que d’autres.En particulier, un certain nombre d’enfants de quatre ans sont capables d’identi-fier les rimes et des syllabes; par contre la sensibilité aux phonèmes est plus tar-dive : si elle peut être présente avant six ans, elle se développe en même tempsque l’apprentissage de la lecture.

En résumé, la conscience phonologique peut être définie comme l’apti-tude à percevoir, produire et se représenter la langue orale comme une séquenced’unités ou de segments comme la syllabe, la rime, le phonème.

L’importance de la médiation phonologique est également démontrée àtravers l’étude de cas d’enfants souffrant de troubles sévères d’apprentissages dela lecture. En effet, il a été montré (Valdois, 1996) que la majorité des enfantsdyslexiques souffre de troubles phonologiques qui se manifestent par des diffi-cultés importantes de répétition des non-mots et des difficultés à manipulervolontairement les sons qui composent les mots. Il semble donc que des déficitstouchant les procédures phonologiques soient à l’origine de troubles sévèresd’apprentissage de la lecture.

D’autres recherches ont montré que l’entraînement de la conscience pho-nologique consistant en une pratique régulière d’exercices oraux fait progresserplus rapidement l’enfant prélecteur et favorise l’apprentissage de la lecture(Content 1982, Olofsson, 1983 ; Lundberg, 1988 Vellutino, 1985, Lecocq, 1991).

Les habiletés phonologiques sont des compétences qui permettent de trai-ter les sons élémentaires du langage et de les combiner (syllabes, rimes, pho-

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nèmes). Le système phonologique est une représentation qui permet à l’hommede produire et de mémoriser un nombre indéfini de mots à partir de quelqueséléments abstraits sans signification, les phonèmes.

La mesure de la conscience phonologique peut se faire à l’aided’épreuves de reconnaissance et de production de rimes, de découpage sylla-bique, d’identification et de segmentation phonémique.

Depuis une quinzaine d’années, des recherches anglo-saxonnes etquelques-unes en langue française ont été effectuées sur les liens entre le niveaude conscience phonologique et l’apprentissage de la lecture (Bradley et Bryant,L u n d b e rg, Fox et Routh, Stanovitch, Lecocq, Content et Alégria, Lacert etSprenger-Charolles,...).

◆ En résumé

- Des études longitudinales ont montré la valeur prédictive du niveau deconscience phonologique des enfants avant l’apprentissage de la lecture, sur laréussite de celui-ci.

- Des recherches ont mis en évidence qu’un entraînement de laconscience phonologique, avant d’apprendre à lire, permet d’améliorer les per-formances en lecture.

Ces travaux montrant la valeur prédictive de la conscience phonologiqueet l’efficacité de l’entraînement sur l’apprentissage de la lecture ont été réaliséssur de petits effectifs d’enfants, et la plupart d’entre eux sur des enfants delangue anglaise.

Notre étude se proposait de vérifier les deux hypothèses énoncées plushaut, mais sur une grande population d’élèves. Pour ce travail, nous souhaitionsêtre aussi proches que possible des conditions normales d’enseignement afin devérifier les hypothèses dans cette situation et d’en faciliter la reproduction et ladiffusion ultérieures. Nous avions aussi comme objectif de mettre au point et devalider des tests simples d’évaluation de la conscience phonologique, rapides àpratiquer dans le cadre du bilan de 5-6 ans réalisé par le Service de Promotionde la Santé en Faveur des Elèves et permettant de dépister les enfants présentantdes risques de développer une dyslexie.

• L’ é valuation de la conscience phonologique sur un large eff e c t i fd ’ é l è ves de grande section de maternelle et le suivi de cette cohortesur trois années scolaires (de la grande section de maternelle jusqu’àla fin du CE1) devraient permettre de mesurer le rôle et la part deshabiletés phonologiques dans la réussite ou l’échec de l’apprentissagede la lecture.

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• L’entraînement de la conscience phonologique pratiqué en grande sec-tion de maternelle devra faire la preuve qu’il peut améliorer de façonsignificative l’acquisition de la lecture (C.P., C.E.1).

1 Population et méthode

La population de cette étude comprend 2265 élèves répartis en 118classes de grande section de maternelle dans les cinq départements de l’acadé-mie de Grenoble (Ardèche, Drôme, Isère, Savoie, Haute-Savoie). Les donnéesont été recueillies par 37 enquêteurs, médecins et infirmières du service de pro-motion de la santé de l’Education Nationale. Ces médecins et infirmières ontpréalablement participé à une formation. Les 118 classes ont été choisies dans lesecteur d’intervention des enquêteurs. Les médecins et les infirmières ont évaluéles capacités phonologiques des 2265 enfants à deux reprises, une première foisen décembre 1995 (nous l’appellerons le pré-test), une deuxième fois en juin1996 (nous l’appellerons le post-test).

L’ensemble des tests d’évaluation du niveau phonologique a été enregistrésur cassette. La passation des épreuves a été réalisée avec un magnétophone,tous les enfants avaient les mêmes consignes et les mêmes épreuves prononcéespar la même voix afin de limiter les biais dus à la différence de prononciation, àl’intonation ou à la vitesse d’élocution. Pendant les tests phonologiques, l’inter-vention de l’enquêteur était limitée et avait été codifiée pour mettre les élèvesdans des conditions les plus similaires possible. Pour chacun des tests, il y avaitdes items de démonstration et une consigne énoncée avec un vocabulaire trèssimple. Ces épreuves étaient à priori difficiles pour les enfants dans la mesureoù ils n’avaient que les informations orales de la voix (magnétophone) sansaucun indice non verbal (lecture labiale, mimique,…).

Les enfants ont passé d’autres épreuves :- une épreuve de répétition de non-mots,- un test de mémoire à court terme consistant à répéter trois séries de 3, 4

et 5 mots comportant deux et trois syllabes,- une épreuve de vocabulaire (TVAP) passée en mai,- une évaluation de la connaissance des lettres de l’alphabet et du niveau

de lecture réalisée en juin.

Les tests réalisés en décembre ont été faits dans le cadre du bilan desanté de la 6e année et accompagnés d’un bilan plus global (vision, audition,psychomotricité,...). Les données socio-démographiques, éducatives et desanté ont été recueillies auprès d’un des parents présent au moment de ceb i l a n .

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La méthode consiste à évaluer la conscience phonologique des 2265enfants, puis à entraîner les sept enfants par classe qui ont le moins bon niveaude conscience phonologique et ceci dans 69 classes sur 104, pendant 31 jours(février-mars 1996), à raison de 15-20 minutes par jour, puis à effectuer troismois après une nouvelle mesure de la conscience phonologique avec les mêmesépreuves qu’au pré-test, enfin à comparer les progrès réalisés entre les deuxtests par les 2265 élèves et par chacun des quatre groupes définis plus haut.

Pour l’analyse, les 2265 élèves sont classés en quatre groupes : • le groupe des élèves entraînés qui est composé des 6-7 (N=473) élèves

de la moitié des classes concernées, ayant obtenu les moins bons scoresau pré-test,

• le groupe contrôle construit par appariement avec les élèves du groupeentraîné regroupant des élèves (N=451) des autres classes ayant endécembre un score de conscience phonologique identique à ceux dugroupe entraîné,

• le groupe coentraîné (N=841) qui est le groupe des élèves qui étaientdans les classes des élèves entraînés et qui n’ont pas bénéficié de l’en-traînement.

• le groupe témoin (N=387) qui est le groupe d’élèves des classes quin’avaient pas d’entraînement, moins les élèves du groupe contrôle.

On a comparé les progrès du groupe d’élèves entraînés avec ceux dugroupe contrôle (qui a des caractéristiques identiques, mais qui n’a pas bénéficiéde l’entraînement) afin d’évaluer l’effet de cet entraînement sur le niveau deconscience phonologique.

Les différentes séquences de l’entraînement (Jacquier-Roux,1998) ont étéconstruites à partir de celles de P. Lecocq (1992) et d’une revue de la littératureinternationale en sélectionnant les exercices qui avaient montré le plus grandeefficacité comme préparation à la lecture. L’entraînement était entièrement oral,il ne comportait pas d’association de lettres ou de graphème pour ne pas antici-per en maternelle sur l’apprentissage de la lecture. Ils avaient donné lieu l’annéeprécédente à une pré-étude de faisabilité (Zorman, 1996), sur une plus petitepopulation d’élèves. Les soixante-neuf enseignants qui ont réalisé les entraîne-ments avaient bénéficié d’une demi-journée de formation.

2 Évaluation de la conscience phonologique

2.1 Performance des élèves

Tous les élèves ont passé la même épreuve de conscience phonologiquecomportant 52 items, en décembre et en juin de la grande section de maternelle.

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146

Les figures 1 et 2 qui représentent la distribution de la moyenne desscores des élèves sont assez proches de courbes normales (courbe en cloche) etmettent en évidence les progrès des élèves enregistrés dans les épreuves méta-phonologiques.

L’évaluation de la conscience phonologique comportait six épreuves :- reconnaissance de rimes (8 items): il faut trouver, parmi trois mots, le

mot qui rime avec le mot cible ex : galette/ manteau, cahier, dînette.- comptage syllabique (8 items), il faut dire (ou montrer avec les doigts)

le nombre de syllabes d’un mot (qui compte une, deux ou trois syl-labes).

- suppression syllabique (12 items), il faut enlever la première syllabe, ladernière ou celle du milieu et prononcer ce qui reste, (4 items pour cha-cun), ex : chapeau/ peau.

- identification de consonnes (8 items), il faut trouver, parmi trois mots,celui qui ne commence pas par le même bruit que le mot cible, ex :main/ puits, mur, moi.

- nommer la consonne initiale (8 items), il faut prononcer le phonème dedébut de huit mots, ex : faim, /f/.

- suppression de phonèmes (8 items), il faut supprimer le premier bruit dumot et dire ce qui reste, ex : Bœuf →/ œuf/.

Figure 1 : Distribution des scores phonologiques du pré-test (Total des 6 épreuves ; 12/1995)

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2.2 Performance en fonction de l’âge

Au pré-test (décembre, figure 3) on constate que la moyenne des scoresobtenus par chaque groupe pour quatre épreuves (rimes, deux épreuves de syl-labes, et nommer la consonne), met en évidence que plus les élèves sont jeunes,moins bon est leur score en phonologie. Les résultats aux épreuves de phonèmessont faibles tout particulièrement pour la suppression du premier phonème. Le

Figure 2 : Distribution des scores phonologiques du post-test (5/1996)

Figure 3 : Scores moyens aux épreuves phonologiques du pré-test en fonction de l’âge

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groupe des élèves les plus jeunes a des performances significativement infé-rieures à celles des deux autres groupes. Aux mêmes épreuves en juin (figure 4),les enfants ont globalement progressé. Les différences en fonction de l’âge ontpratiquement disparu, mais les scores aux épreuves phonémiques restent bas.

On peut remarquer qu’à âge égal, les élèves ont un meilleur score deconscience phonologique en juin qu’en décembre. Ceci met en évidence que lescapacités métaphonologiques ne sont pas principalement liées au développe-ment de l’enfant mais à sa confrontation avec la langue. Cette différence à âgeégal entre juin et décembre est imputable à l’école qui développe la consciencephonologique à travers les différentes activités de langage dispensées.

2.3 Conscience phonologique en fonction du niveau scolaire de la mère 2

2 Parmi les variables socio démographiques, (catégorie socio-professionnelle du père, de la mère, niveau dediplôme des parents) c’est le niveau de diplôme de la mère qui est le plus corrélé aux résultats scolaires desenfants.

Figure 4 : Scores moyens aux épreuves phonologiques au post-test en fonction de l’âge

Nous n’avons pris en compte que les élèves en deçà d’un écart type de lamoyenne (les 20 % ayant les moins bons scores phonologiques) et au-delà d’unécart type de la moyenne (les 14 % qui ont le meilleur score phonologique).

Les pourcentages, à plus ou moins un écart type, correspondent à la pro-portion d’enfants pour un même diplôme de la mère. Par exemple, pour le pré-test, 35 % des enfants dont la mère a un niveau scolaire de primaire ont un écart

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type de moins que la moyenne et 6 % ont un écart type de plus que la moyenneet donc 59 % (ceux qui ne sont pas représentés sur l’histogramme) sont entre lesdeux.

Figure 5 : Pourcentage d’enfants à moins et plus un écart type selon le diplôme de la mère(ET = écart type)

L’histogramme de la figure 5 montre qu’il y a une forte relation entre leniveau de diplôme des mères et le niveau de conscience phonologique desenfants. Moins le niveau de diplôme de la mère est élevé, moins l’enfant maî-trise de façon consciente la structure sonore de la langue.

Entre le pré-test et le post-test (six mois d’école) les écarts entre lesélèves ne se sont pas modifiés.

Nous avions recueilli l’âge d’entrée à l’école. Nous avons constaté que lese n fants dont les mères ont un niveau de scolarité de primaire et qui sont entrés àl’école avant deux ans six mois ont des scores en conscience phonologique signi-fi c a t ivement supérieurs à ceux dont la mère a le même niveau scolaire, mais quisont entrés à l’école après trois ans ou plus. Cet avantage n’est pas retrouvé pourles enfants dont les mères ont un niveau scolaire secondaire ou supérieur.

3 Niveau de lecture et de vocabulaire

3.1 Connaissance des lettres de l’alphabet et lecture de mots

Au mois de juin, les enquêteurs ont évalué le niveau de reconnaissancedes lettres de l’alphabet et le niveau de lecture des élèves. Ces épreuves compre-

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150

naient une lecture de cinq voyelles, le nom de cinq consonnes, le son de cinqconsonnes, la lecture de trois mots de trois lettres (VCV : « ami » ou CVC :« car ») et de trois non-mots de trois lettres (VCV : « ima », CVC : « dic »).

LECTURE DE MOTS LECTURE DE NON MOTS(ami, car, ose) (ima, dic saf)

0 95 % 96 %1 2 % 1 %

2 1 % 1 %3 2 % 2 %

Tableau n° 1 : Pourcentage d’élèves lisant des mots et des non-mots en fin de maternelle

Les cinq voyelles sont lues par 37 % des élèves, 9 % n’en lisent aucune. Enm oyenne, les élèves lisent trois voyelles en fin de grande section de maternelle.

Les cinq consonnes sont lues par 29 % des élèves, 26% n’en lisentaucune, la moyenne de consonnes lues est de 2,5.

6% connaissent les cinq sons de consonnes, 75 % des enfants ne connais-sent aucun des sons.

Pour les mots, comme le montre le tableau n° 1, 95 % des élèves ne lisentaucun des trois mots, 2 % en lisent un et 2 % en lisent trois.

Pour les non-mots, les résultats sont identiques, 2 % seulement lisent lestrois non-mots.

Ces résultats confirment qu’en fin de maternelle, il y a très peu d’enfantsqui savent lire : 2 % ce qui correspond à un élève toutes les deux classes.

Il est intéressant de constater que ce sont les mêmes élèves qui lisent lestrois mots et les trois non-mots. Sur les 41 élèves qui lisent trois mots en fin dematernelle, 36 lisent les trois non-mots, 4 lisent deux non-mots et 1 un non-mot.Ces résultats montrent que les enfants qui savent lire les mots ont déjà mis enplace la voie de lecture par médiation phonologique du modèle à deux voies(Frith, 1985,1986 ; Harris, 1986 ; Morton, 1989) car ils savent lire les non-motsqu’ils n’ont pas pu rencontrer avant ce test.

3.2 Vocabulaire actif et passif (TVAP)

En juin, les élèves ont passé une épreuve de vocabulaire, le TVAP (Testde vocabulaire actif et passif) qui consiste à définir verbalement (actif) des motscomme hiver, château, bâiller puis à les reconnaître parmi différentes imagesdont certaines sont proches sur le plan sémantique ou sonore. Les résultats serépartissent sur une courbe normale et témoignent de l’existence d’un assezgrand écart entre les élèves.

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Figure 6 : Distribution des scores au TVAP (actif+passif) score sur 60

La relation entre la performance des élèves et le niveau de diplôme desmères met en évidence, comme pour la conscience phonologique, un gradientcontinu entre le niveau scolaire des mères et le niveau de vo c a bulaire (lan-gage) des enfants. Les différences illustrées par la figure 7 sont signifi c a t ive ssur le plan statistique et se retrouvent aussi bien pour le vo c a bulaire passifq u ’ a c t i f .

Figure 7 : Score moyen au TVAP en fonction du niveau de diplôme de la mère

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4 Effet de l’entraînement phonologique

Au total, 473 enfants ont été entraînés. Ils avaient tous un score faible aupré-test (entre 0 et 19 /52) [19 représente à peu près la médiane de la distribu-tion des élèves (50 %)].

Pour analyser l’effet de l’entraînement sur la conscience phonologique,nous avons choisi, dans le groupe témoin, les enfants qui avaient un score de 0 à19 au pré-test (n=451). Ils constituent le groupe contrôle.

4.1.Comparaison des deux groupes en fonction des scores au post-testLes deux groupes ont progressé pendant l’année scolaire : une comparai-

son des moyennes des scores à chacun des deux tests dans chaque groupemontre que la différence constatée est significative (p<10-3).

Dans chaque groupe, la différence entre les deux moyennes représente leprogrès réalisé par les élèves entre le pré-test et le post-test.

Tableau n° 2 : Comparaison des scores du pré-test et du post-test pour les deux groupes

pré-test post-test différence pmoyenne moyenne (progrès)

entraîné 9,8 24,5 14,7 0,0001contrôle 12,1 20,5 8,4 0,0001

La comparaison des progrès réalisés dans les deux groupes montre unedifférence significative (p<0,01) ; le groupe entraîné a plus progressé que legroupe contrôle.

Les progrès sont plus importants dans le groupe entraîné pour toutes lesépreuves comme le montre la figure 8. Les progrès sont particulièrement impor-tants dans les épreuves de suppression syllabique et phonémique.

4.2-Comparaison intra-groupe

La progression enregistrée pour chaque groupe n’est pas due à une forteprogression de quelques uns ; elle est présente pour tous les élèves du groupe.

Sur la figure 9 on voit par exemple que les élèves qui avaient 8 au scorephonologique en décembre ont progressé pour le groupe entraîné de 16 pointsen juin et pour le groupe contrôle de 9 points. Pour tous les scores, la différenceest statistiquement significative (p<0,01) à l’exception de 0 et de 5.

Au total, les élèves, quel que soit leur niveau de départ aux épreuves phono-logiques, ont plus progressé dans le groupe entraîné que dans le groupe contrôle.

La figure 9 montre que les progrès du groupe entraîné ne sont pas dus àcertains des élèves, tous les élèves ont plus progressé dans le groupe entraînéque dans le groupe contrôle.

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153

4.3-Comparaison avec les autres groupes de notre population

Outre le groupe entraîné et le groupe contrôle, les 2 autres groupes étaientle groupe témoin et le groupe coentraîné définis plus haut (Population etméthode).

Figure 8 : Progrès phonologique pour chacune des épreuves

Figure 9 : Comparaison des progrès en phonologie en fonction du score du pré-test

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* Les différences de progrès des 4 groupes sont significatives sur le planstatistique à p<0,01.

Le groupe coentraîné progresse plus que le groupe témoin, cette diffé-rence pourrait s’expliquer par une contagion avec le groupe entraîné ou dumoins avec l’activité d’entraînement phonologique pratiquée par un groupe dansla classe.

Les figures 10 et 11 mettent en évidence les différences de score deconscience phonologique avant et après l’entraînement. On note qu’endécembre le groupe qui va être entraîné a des performances faibles et nettementen dessous du groupe contrôle. Après l’entraînement, les positions se sont inver-sées et le groupe entraîné est très proche de la moyenne du groupe dénommé« Tous » qui est composé des groupes témoin et coentraîné. Le groupe contrôlese situe pour toutes les épreuves en dessous du groupe entraîné.

À l’épreuve de suppression de phonème, le groupe entraîné a fortementprogressé au point de dépasser le groupe « Tous » alors que pour cette mêmeépreuve le groupe contrôle n’a pratiquement pas progressé. Ce constat pourraitavoir une certaine importance dans la mesure où les performances de lecturesemblent fortement influencées par la conscience phonémique.

Tableau N° 3 : Comparaison des scores pré, post-test pour les différents groupes

Progrès entre le pré et le post-test (différence)témoin 4,43*

coentraîné 6,76*entraîné 14,75*contrôle 8,40*

Figure 10 : Moyennes des scores par épreuve au pré-test en fonction des groupes

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◆ Résumé et discussionDans le cadre du bilan de santé de la 6e année, le service de santé scolaire

de l’académie de Grenoble a évalué la conscience phonologique de 2265 élèvesde la grande section de maternelle en décembre et en juin. Nous avons pu noterqu’au début de l’année les enfants les plus jeunes sont moins performants queles autres, mais qu’après six mois d’école tous les enfants avaient progressé etles différents groupes d’âge avaient tendance à s’homogénéiser. Ceci met enévidence le rôle de l’école et des exercices de langage qui y sont développés.

Figure 11 : Moyennes des scores par épreuve au post-test en fonction des groupes

Nous avons constaté que le niveau de conscience phonologique était for-tement déterminé par le niveau de diplôme de la mère. Les écarts entre lesenfants dont la mère avait un niveau d’étude primaire et ceux dont la mère avaitle Baccalauréat ou plus n’étaient pas diminués après six mois d’école. Ce mêmetype de constat a pu être fait en ce qui concerne le niveau de langage et de voca-bulaire. Plus l’enfant a été élevé dans un milieu culturellement défavorisé, où lapratique langagière est fruste ou peu développée, moins il a l’occasion d’acqué-rir et d’exercer les connaissances et compétences linguistiques et métalinguis-tiques nécessaires à l’apprentissage de la lecture.

Nous avons aussi montré qu’un entraînement phonologique en petitgroupe des enfants les plus faibles en capacités métaphonologiques leur permet-tait de faire des progrès significativement supérieurs à ceux qui n’en bénéfi-ciaient pas. Il reste à vérifier que le bénéfice constaté pourra se réinvestir dansl’apprentissage de la lecture jusqu’en CE1. Ce type d’entraînement devrait aussi

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être réalisé en même temps que l’apprentissage de la lecture en CP et au-delàpour les élèves qui nécessitent la mise en place de remédiations pédagogiques.

Cette première partie de l’étude a aussi permis de mettre au point et d’éta-lonner des épreuves de conscience phonologique, de mémoire à court terme, devocabulaire, qui permettront aux équipes de santé scolaire d’évaluer et de dépis-ter les enfants à risque de développer une dyslexie. Ceci pourrait permettre soitune prise en charge préventive avant que l’enfant n’apprenne à lire, soit derevoir cet enfant après le premier trimestre de CP pour vérifier s’il a pu faire desacquisitions et dans le cas contraire d’envisager une rééducation sans attendre.Une dyslexie diagnostiquée et traitée précocement accompagnée d’un aménage-ment scolaire va éviter à l’enfant la situation d’échec scolaire et l’incompréhen-sion du milieu scolaire et familial.

Des échanges, des rencontres, une collaboration entre le service de santéscolaire et les orthophonistes ne peuvent qu’être bénéfiques aux enfants présen-tant des retards ou des troubles du langage oral et/ou écrit.

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Entraînement à la parole et au langageacoustiquement modifiés : une relation entrel’entraînement à la discrimination auditive dumot et les mesures d’évolution du langage

Steven L. Miller, Nancy Linn, Paula Tallal,Michael M. Merzenich, William M. Jenkins

R é s u m éLa relation entre la performance à un programme d’apprentissage du langage assisté parordinateur (Fast ForWord) et l’évolution du langage au Clinical Evaluation of Language Fun-damentals - Third Edition (CELF-3) a été explorée. Les résultats montrent globalement queles enfants avec des problèmes de langage font des progrès significatifs dans certainsdomaines de performance en langage réceptif et expressif, tels que mesurés par le CELF-3,après entraînement avec le Fast ForWord. Les résultats montrent que la performance pen-dant le programme d’entraînement est en relation non linéaire avec les performances ulté-rieures de jeu et l’évolution du langage. Les enfants ont été divisés en trois groupes d’aprèsleur performance à l’entraînement du Fast ForWord, mesurée par le pourcentage d’entraîne-ment accompli, qui atteignait un maximum de différenciation au 20ème jour de l’entraîne-ment. Les trois groupes suivants ont été identifiés : le groupe I (performance supérieure à lamoyenne) comprenait des enfants dont les performances au jeu était réalisées à plus de90% ; le groupe II (performance moyenne) était constitué d’enfants ayant réalisé de 20 à90% des exercices, et le Groupe III (performance inférieure à la moyenne) regroupait lesenfants ayant réalisé moins de 20 % des exercices d’entraînement. Les enfants du groupe Iont terminé la majorité des jeux à un niveau supérieur à 90% dans le cadre d’un entraîne-ment continu. Les enfants du groupe II ont augmenté leur performance à un niveau de 90 %ou plus à la majorité des autres exercices, mais plus lentement que les enfants du Groupe I.Il était rare que les enfants du Groupe III parviennent à améliorer leur maîtrise des exercicesau delà d’un niveau de 20 % aux autres jeux avec la poursuite de l’entraînement. Globale-ment, les enfants ayant bénéficié du FFW ont amélioré leurs scores au CELF à la fois sur leversant expressif et réceptif (F (2, 100) = 73,195, p < .0001). Cependant, la performance àl’entraînement a révélé une dissociation intéressante entre les groupes dans les résultatsréceptifs et expressifs. L’amélioration du quotient réceptif du CELF ne distingue pas signifi-cativement les trois groupes de niveaux de performance différents à l’entraînement. Enrevanche, les trois groupes présentaient une différence significative dans leurs progrès auxmesures de langage expressif. Les progrès en langage expressif étaient les plus importantschez les enfants avec la plus haute performance d’entraînement (groupe III).Mots clés : apprentissage du langage, rééducation du langage, Fast ForWord, langageréceptif, langage expressif, conscience phonologique.

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Acoustically modified Speech and Language Training:A Relationship between Auditory Word Discrimination Trainingand Measures of Language Outcome

Abstract

The relationship between performance on a computer-based language learning program(Fast ForWord) and language outcomes on the Clinical Evaluation of Language Fundamentals- Third Edition (CELF-3) was explored. Overall, results demonstrate that children with lan-guage problems make significant improvements in several areas of receptive and expressivelanguage performance, as measured by the CELF-3, following training with Fast ForWord.Results show that performance during the training program revealed a non-linear relation-ship with subsequent game performance and language outcomes. Children were dividedinto 3 groups based on their Fast ForWord training performance, measured as the percent oftraining completed, which reached maximal differentiation on the 20th day of training. Thefollowing three groups were identified: Group I (Above Average Performance) consisted ofchildren whose game performance was above 90% complete, Group II (Average Perfor-mance) children reached between 20% and 90% complete, and Group III (Below AveragePerformance) children had completed less than 20% of the training exercises. Group I chil-dren finished a majority of the games above 90% complete with continued training. Group IIchildren increased their performance to 90% complete or greater on a majority of the otherexercises but more slowly than the children in Group I. Group III children were unlikely toimprove their mastery of the exercises to a level of above 20% completion on the othergames with continued training. Overall, the children who went through FFW improved onboth the CELF receptive and expressive language scores (F (2, 100) = 73,195, p < .0001).However, training performance did reveal an interesting dissociation among the groups inreceptive and expressive results. The improvement on the CELF receptive quotient did notsignificantly differ among the three groups differing in training performance. In contrast,there was a significant difference in improvement on measures of expressive languageamong the three groups. Expressive language improvements were the largest in childrenwith the highest training performance (Group III).

Key Wo r d s : language learning, language remediation, Fast ForWord, receptive language,expressive language, phonologicial awareness.

Paula Tallal, Ph.D. est aussi Professeur et co-directeur au Département des Neurosciences, Centerfor Molecular and Behavioral Neuroscience, Rutgers, The State University of New Jersey Michael M.Merzenich est le Sooy Professor au William M. Keck Center for Integrative Neuros-cience, University of California, San Francisco Medical Center, San Francisco, CA 94143-0732

Toute correspondance concernant cet article peut être adressée à :Steven L. Miller, Ph.D. Suite 400, 1995 University Avenue, Berkeley, CA 94704.

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A u cours des dernières années, il y a eu un intérêt grandissant pour l’éva-luation de l’efficacité de différents traitements ou programmes d’éduca-tion. Cette évaluation peut être séparée en deux parties. La première

partie est une évaluation permettant de déterminer si le programme en questionapporte un bénéfice direct ou non. Cette évaluation est généralement menée surune population ou condition bien ciblée, avec un contrôle expérimental rigou-reux de tout facteur extérieur pouvant systématiquement biaiser l’étude. Généra-lement, durant cette phase le programme est statistiquement comparé à dessujets contrôles non traités en utilisant une série de procédures objectives quiréunissent les critères d’un échantillon contrôle établi de manière aléatoire. Il estimportant de noter que les procédures et mesures d’évolution employées dansune étude d’efficacité ont peu de caractéristiques communes avec celles du pra-ticien. C’est un point qui peut expliquer certaines suggestions récentes faitesaux chercheurs et praticiens d’utiliser différents résultats de recherche dans leurchoix de nouvelles approches thérapeutiques (Kamhi, 1999).

La seconde étape permettant de déterminer l’utilité d’un programme thé-rapeutique devra inclure une évaluation des facteurs associés au sujet qui pour-raient contribuer à son efficacité (âge, sexe et histoire médicale), ainsi que desvariables liées au programme (durée du programme et intensité). Des facteursqui dans l’étude initiale d’efficacité ont pu être expérimentalement contrôlés enlaboratoire, ne pourront pas l’être par des praticiens individuels parce que cettedémarche est trop contraignante. Comme on s’en doute, ce type de contraintes(financières ou autres) influence considérablement l’adoption d’un programmepar les praticiens.

Dans cet article, nous discuterons du programme d’entraînement par ordi-nateur Fast ForWord et de deux variables de performance qui influencent lesmesures d’évolution obtenues : pourcentage de réussite aux exercices et durée

Steven L. MILLERNancy LINN Paula TALLAL Michael M. MERZENICH et William M. JENKINSScientific Learning CorporationBerkeley, CA 94704E-mail : [email protected]

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de l’entraînement. Ces deux mesures simples ont été sélectionnées car nous pen-sons qu’elles ont un impact sur tout programme d’entraînement efficace.

◆ Principes de base du Fast ForWord

Dans des articles précédents, nous avons décrit une méthode efficaced’entraînement adaptatif par ordinateur permettant d’améliorer les problèmes deréception de la parole et de compréhension du langage chez des enfants avec destroubles d’apprentissage du langage (Merzenich et al., 1996 ; Tallal et al., 1996 ;Merzenich et al., sous presse). Cette approche était fondée sur une série de don-nées venant de champs de recherche traditionnellement séparés sur les troublesdéveloppementaux et la plasticité cérébrale. Les recherches sur les enfants avecdes troubles développementaux du langage et des apprentissages suggéraientqu’une proportion non négligeable ne décomposait pas avec exactitude la finestructure spectro-temporale de la parole (Liberman et al., 1974 ; Tallal & Piercy,1974 ; 1975 ; Leonard, McGregor ; Allen, 1992 ; Leonard, 1997). De plus, lesétudes psychophysiques auditives menées auprès de ces populations trouventune détection et une reconnaissance inversées anormalement fortes, qui mas-quent des interférences entre des inputs acoustiques successifs rapides, y com-pris la parole (Tallal & Piercy, 1973 ; Protopapas et al., 1997 ; Wright et al.,1997 ; Farmer & Klein, 1995 ; Stein & McNally, 1995 ; de Weirdt, 1988 ; Stark& Heinz, 1996 ; Cornelissen et al., 1996). Les études empiriques portant sur lapetite enfance suggèrent que les problèmes de réception d’un signal acoustiquecomplexe (la parole) peuvent être démontrés dès les six premiers mois de la vie(Benasich & Tallal, 1996), une période critique du développement pour la miseen place des catégories phonétiques. En plus des problèmes en grammaire, syn-taxe et sémantique, ce problème interfère avec la capacité à faire des progrès enrapport avec l’âge en langage et en acquisitions scolaires.

De nombreuses recherches ont montré le rôle critique que l’expérienceprécoce a sur le développement du langage. Par exemple, l’expérience du bébéqui avec un langage spécifique altère ses perceptions phonétiques préférentielle-ment pour ce langage dans les premiers mois de vie (Kuhl, 1994 ; Kuhl et al.,1992 ; Eimas, Miller & Jusczyk, 1987). Des troubles transitoires, tels que lesotites moyennes, gênant les capacités des enfants à décomposer les détails spec-tro-temporaux dans les inputs acoustiques complexes, peuvent retarder et dégra-der le développement de la parole et du langage et l’évolution scolaire ultérieure(Gravel & Wallace, 1995 ; Roberts, Wallace & Henderson, 1995). Il est doncenvisageable que beaucoup d’enfants avec des troubles d’apprentissage du lan-gage aient de façon persistante des capacités de réception acoustique dégradéesqui étaient inefficaces dans l’induction ou le maintien des progressions d’ap-

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prentissage du langage. En conséquence, des progressions du langage ineffi-caces ou moins efficaces se sont développées et deviennent solidement instal-lées après des années de pratique. Ces antécédents d’apprentissage inefficaceconstituent des aspects importants du développement cérébral qui compliquentensuite la prise en charge de l’enfant présentant des problèmes de langage etd’apprentissage. Nous pensons que les problèmes d’apprentissage du langagedont la base est biologique pourraient sans doute exiger (ou être exacerbés) par,un autre type de progression d’apprentissage du langage, dans un cerveau ayantpar ailleurs des capacités d’apprentissage normales.

Certaines études venant des neurosciences intégratives et comportemen-tales ont démontré qu’un entraînement dirigé pouvait améliorer de manièresignificative la distinction et l’identification correctes et fidèles d’inputs senso-riels changeant et se succédant rapidement. Ces résultats ont été obtenus sur unepériode limitée d’entraînement adaptatif intensif chez des sujets adultes (Karni& Sagi, 1991 ; 1993 ; Merzenich et al., 1996). Les représentations neurolo-giques, dans le cortex cérébral, de stimuli changeant rapidement ou se succédantrapidement sont soumis à des effets puissants d’apprentissage qui sont dus à laplasticité cérébrale et qui sont indépendants de l’âge (Recanzone, Merzenich &Schreiner, 1992 ; Wang, Merzenich, Sameshiman, Jenkins, 1995 ; Kilgard &Merzenich, 1998 ; Merzenich & deCharms, 1996 ; Merzenich & Jenkins, 1995).A partir d’études sur la plasticité corticale dans les apprentissages de compé-tences, conduites essentiellement sur des modèles animaux, nous avons formulél’hypothèse que de nets progrès en langage réceptif peuvent être réalisés chezces enfants grâce à une période relativement limitée d’entraînement intensif ettrès ciblé de la réception de la parole et du langage. De plus, on peut prédire dela recherche sur la plasticité corticale qu’une clarification des représentationsneurologiques des signaux acoustiques de la parole favoriserait des formes neu-rologiquement plus saillantes et mieux distribuées de représentations de laparole, ce qui aurait à son tour un impact important sur les opérations percep-tives et cognitives associées au langage.

S’appuyant sur ces deux lignes de recherche, Michael Merzenich etWilliam Jenkins de l’Université de Californie au Medical Center de San Fran-cisco ainsi que Paula Tallal et Steve Miller de l’Université de Rutgers dans leNew Jersey ont développé une série d’exercices d’entraînement auditifs à laparole et au langage, déguisés en « jeux sur ordinateur ». Le but de ces exercicesétait de procurer un entraînement systématique 1) pour augmenter progressive-ment le taux de traitement acoustique des enfants avec un trouble du langage et2) pour entraîner spécifiquement les enfants à des exercices gradués visant àaméliorer les capacités phonologiques, grammaticales et syntaxiques. De plus,

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une nouvelle forme de parole altérée par ordinateur (modifiée acoustiquement) aété appliquée, dans laquelle les composantes successives rapides de la parolecontinue étaient initialement allongées (séparées) dans le temps et différemmentamplifiées (plus fortes). Une série de sept exercices sur ordinateur a été pro-grammée en utilisant une série d’algorithmes d’apprentissage procurant systé-matiquement différents niveaux de difficultés pour chaque enfant, et dans cer-tains cas s’adaptant à chaque enfant, suivant essai par essai sa progressiond’apprentissage. Grâce à ces exercices adaptatifs sur ordinateur, les enfantsseront entraînés à faire progressivement plus de distinctions adaptées d’inputsverbaux et non verbaux, ainsi qu’à les traiter de façon exacte et à les com-prendre de façon plus rapide (moins modifiés acoustiquement). Le but final deces sept exercices, qui formeront ensuite le programme d’entraînement nomméFast ForWordTM, était d’atteindre une capacité normale à distinguer rapidementdes événements acoustiques successifs, ainsi qu’une capacité à traiter les partiesphonologiques de la parole naturelle présentes dans les mots et les phrases.

◆ Recherche antérieure utilisant un entraînement par ordinateur dela parole acoustiquement modifiée et du langage

Etude 1 : Les effets de l’entraînement direct au traitement temporel et àla compréhension du langage avec une parole temporellement modifiée ont étéévalués en comparant les scores aux tests pré- et post-entraînement de traite-ment auditif, de discrimination de la parole, de compréhension verbale et degrammaire réceptive chez sept enfants ayant des troubles significatifs de l’ap-prentissage du langage (moyenne d’âge chronologique 7 ans 3 mois). Lese n fants ont été soumis aux exercices d’entraînement pendant environ deuxheures par jour, cinq jours par semaine, sur quatre semaines consécutives del’été 1994. Une analyse de variance à mesures répétées comparant les perfor-mances pré- et post-test de chaque enfant à toutes les mesures standardisées deparole et de langage a montré que les performances se sont significativementaméliorées (Figure 1, F (1,6) = 200,1, p < .001). L’amplitude de l’améliorationvariait selon l’enfant et la tâche, mais une amélioration moyenne d’environ unan et demi à deux ans a été enregistrée, le groupe des enfants LLI (Troublesd’apprentissage du langage) se rapprochant des limites de la normale pour leurâge en discrimination de la parole et compréhension du langage (voir Merzenichet al., 1996 ; Tallal et al., 1996, pour une description complète de cette étude).

Les résultats de cette étude étaient spectaculaires, tant dans l’amplitudeque dans la période de temps relativement courte sur laquelle ils ont été obtenus.Ces résultats encourageaient fortement la poursuite de l’utilisation du pro-gramme chez les enfants avec des troubles d’apprentissage du langage. Cepen-

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dant, beaucoup de questions importantes restent sans réponse. Les manipula-tions acoustiques temporelles adaptatives de la parole et l’intensité de l’entraî-nement du langage, deux éléments fondamentaux du programme, peuve n tcontribuer de manière différentielle aux gains langagiers mesurés. Une secondeétude plus vaste avec un groupe contrôle apparié a été débutée pour répondre àcette question importante.

Etude 2 : Pour répondre à cette question, une seconde étude plus large aeu lieu en été 1995. Non seulement cette étude visait à reproduire les résultatsde l’étude 1, mais l’addition d’un groupe contrôle cherchait à évaluer la spécifi-cité de l’entraînement à la parole et au langage acoustiquement modifiés et del’entraînement au traitement temporel versus l’intensité du programme d’entraî-nement.

Vingt-deux enfants ont participé à l’étude 2 (âge moyen 7 ans 4 mois ;âge moyen de langage 4 ans 9 mois). Ils ont été sélectionnés selon les mêmescritères que pour l’étude 1. La méthodologie de l’étude 1 a été reprise ave cquelques modifications des exercices (voir Merzenich et al., 1996 ; Tallal et al.,1996, pour une description plus complète de cette étude). Les enfants ont étéplacés de manière aléatoire dans l’un des deux groupes selon les procéduress t r a t i fiées suivantes : deux groupes appariés sur la base de leur QI non ve r b a l ,leurs capacités de langage réceptif, sexe et âge, au test de pré-entraînement.Pour évaluer la spécificité ainsi que l’efficacité de l’entraînement à la paroleacoustiquement modifiée et de l’entraînement temporel, nous avons présenté à lamoitié des enfants 1) les jeux sur ordinateur qui entraînaient de manière adapta-t ive au traitement temporel et 2) les exercices de langage enregistrés avec paroleacoustiquement modifiée (groupe de parole modifiée). Les autres enfants LLIont reçu essentiellement le même entraînement, mais avec 1) des jeux sur ordi-nateur qui n’étaient pas temporellement adaptatifs et 2) exactement les mêmesexercices de langage mais avec une parole naturelle non modifiée (groupe deparole naturelle). Les enfants des deux groupes ont participé ensemble pourqu’ils soient dans les mêmes conditions de renforcement, d’encouragement, derééducation de la parole et d’entraînement par ordinateur. Ainsi, les effets plusgénéraux d’attention, de motivation, de renforcement et d’exposition en labora-toire à une rééducation rigoureuse et quotidienne de la parole, étaient les mêmespour les deux groupes. Il n’y avait pas de groupe contrôle « placebo » au sensusuel du terme. Disons plutôt que les deux groupes recevaient le même traite-ment, l’un avec une modification temporelle et l’autre sans.

Une comparaison des deux groupes de traitement aux mesures de pré-et post-entraînement a montré que les performances se sont significativementaméliorées (F(1,20) = 34,18, p<.001), reproduisant les résultats de l’étude 1.

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Cependant, comme prévu, l’amélioration du groupe d’entraînement par parolemodifiée était significativement plus importante que celle du groupe qui avaitreçu essentiellement la même intensité d’entraînement, mais avec une parolenaturelle non modifiée (F (120) = 5,44, p< .015). De nouveau, comme dansl’étude 1, il y avait une corrélation significative entre l’amélioration du seuil del’enfant pour correctement séquencer et segmenter des tonalités « balayantes »auditives non verbales présentées de façon successive rapide et l’évolution post-entraînement du langage réceptif de l’enfant (r = .89 ; p<.01). De plus, le degréde diminution des seuils temporels était significativement corrélé à l’évolutiondu langage réceptif post-entraînement (Etude 1 ; Figure 2a ; r = .81, p<.05).

Conclusion des études d’entraînement : Dans les études précédentes,nous posions la question de savoir si une manipulation directe des composantestemporelles de la forme continue de l’onde acoustique de la parole, associée àun entraînement visant à réduire les seuils d’intégration temporelle, permettaientd’améliorer la perception de la parole et du langage. Pour répondre à cette ques-tion, nous avons développé un algorithme sur ordinateur qui accentuait (en lesamplifiant et les allongeant) les aspects du signal acoustique (changements tem-porels rapides), dont on sait qu’ils sont traités de manière défectueuse par beau-coup d’enfants LLI. Ensuite, la parole acoustiquement modifiée a été intégréedans une série « d’exercices » sur ordinateur qui devaient, de manière adapta-tive, conduire à des réductions de seuils d’intégration temporelle des stimuli nonverbaux et verbaux. Nous avons modifié la parole continue en temps réel sous laforme d’une série d’exercices d’entraînement de la parole et du langage et avonsexposé de manière intensive les sujets à ce signal de parole modifiée durantquatre semaines. Les résultats ont montré une diminution significative des seuilsd’intégration temporelle associée à une très nette amélioration dans tous lesdomaines de parole et langage réceptifs évalués. De plus, les changements deseuils temporels étaient fortement corrélés aux progrès langagiers (Merzenich etal., 1996 ; Tallal et al., 1996).

Il est important de noter que les résultats de l’étude 1 ont été reproduitssur un échantillon indépendant d’enfants LLI dans l’étude 2. Dans l’étude 2 dereproduction, la spécificité de l’amélioration en parole et langage a été démon-trée par comparaison avec un groupe contrôle qui a bénéficié de la même théra-pie et de la même intensité d’entraînement, mais sans modification adaptativeacoustique de la parole. Le groupe soumis au traitement temporel adaptatif s’estsignificativement plus amélioré que le groupe ayant reçu le même traitement,mais sans modification temporelle adaptative. Deux autres points importants del’étude 2 méritent d’être discutés. Une amélioration significative a été obtenuenon seulement pour la parole acoustiquement modifiée, mais aussi pour la

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parole naturelle non modifiée, après un mois d’entraînement intensif du langageréceptif avec parole temporellement modifiée. De plus, une partie significativedes progrès résultant de l’entraînement était encore présente douze semainesplus tard (investigation de suivi), suggérant que l’amélioration des capacités detraitement s’est maintenue. L’investigation suivante avait pour but d’évaluer ledegré de généralisation au langage expressif de l’entraînement adaptatif de laparole acoustiquement modifiée.

◆ Méthodologie

Sujets

Les sujets étaient 216 enfants (152 garçons et 64 filles) chez lesquels 78orthophonistes avaient repéré la présence d’un trouble du langage réceptif. Lesscores moyens de langage expressif et réceptif des sujets étaient inférieurs à unécart type à une évaluation standardisée du langage réceptif. L’âge moyen del’échantillon était de 8 ans 9 mois (écart type de 2 ans 6 mois), la distributionallant de 4 ans 2 mois à 18 ans 9 mois.

Instruments et Procédure

Programme d’entraînement Fast ForWord : Fast ForWord est un pro-gramme d’entraînement assisté par ordinateur, basé sur un entraînement à laparole et au langage acoustiquement modifiés, décrit ci-dessus et de manièreplus détaillée dans d’autres publications (Merzenich et al., 1996, Nagarajan etal., 1998). L’enfant a des écouteurs pour entendre les instructions ou les stimuliet utilise la souris de l’ordinateur pour répondre. Le programme d’entraînementcomprend sept exercices présentés sous forme de jeux sur ordinateur qui sontorganisés de telle façon que l’enfant entraîne d’abord ses capacités de réceptionacoustique de base et progresse vers des exercices visant à améliorer ses compé-tences syntaxiques et sémantiques. Chaque exercice d’entraînement (jeu) com-mence par un entraînement à cet exercice, à un niveau où la plupart des enfantspeut réussir. Le niveau de difficulté est continuellement adapté pour que l’enfantobtienne des réponses correctes à la majorité des exercices (environ 80%). Ini-tialement, les éléments acoustiques brefs et changeants de la parole (BlockC o m m a n d e r, Language Comprehension Builder, Phonic Match, and PhonicWord) ou les signaux acoustiques (Circus Sequence, Old McDonald’s FlyingFarm, et Phoneme Identification) étaient rallongés dans le temps ou amplifiés.Au fur et à mesure que l’enfant progressait, les éléments acoustiques et lessignaux se rapprochaient adaptivement des vitesses de parole normale. Le der-nier niveau de tous les exercices d’entraînement était une parole ou des signaux

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acoustiques normaux non modifiés. Pendant les jeux, l’enfant était informé deses performances à chaque essai. Après une réponse incorrecte, la réponse cor-recte était montrée avant de présenter l’essai suivant. Les réponses correctesétaient récompensées par des sons, des lumières, des indicateurs de progrès, desanimations à l’écran et des points. Les points étaient convertis en jetons quel ’ e n fant pouvait échanger contre des objets disponibles dans son économielocale.

C i rcus Sequence (CS) améliore le taux de traitement au sein des sonsnon verbaux et entre ces sons. On apprend à l’enfant à discriminer entre uneséquence de deux balayages acoustiques successifs brefs, séparés par un inter-valle inter-stimulus précis (ISI). Les balayages sont modulés selon la fré-quence (FM), glissant vers le haut à partir d’une fréquence de base ou vers lebas pour rejoindre cette même fréquence de base, donnant quatre combinai-sons possibles de balayage : bas-bas, bas-haut, haut-bas et haut-haut. Il y ava i ttrois fréquences de base, 0.5, 1 ou 2 kHz, six durées de stimulus variant de 80à 25 ms, et 45 intervalles inter-stimulus allant de 500 à 0 ms. L’ e n fant com-mence par les durées d’intervalles et de balayages les plus longues, fait le tourdes fréquences de base, et progresse vers des durées de balayage et des inter-valles de plus en plus courts au fur et à mesure de l’amélioration de ses per-f o r m a n c e s .

Old McDonald’s Flying Farm (OMDFF) apprend à l’enfant à distinguerles changements de sons au niveau des phonèmes individuels. L’enfant captureun animal de ferme volant qui déclenche un flot de phonèmes constitué d’unnombre aléatoire de phonèmes distracteurs phonétiquement proches, ainsi qued’un phonème cible provenant d’un des ensembles suivants de paires consonne-voyelle (CV) /gi/ vs. /ki/, /chu/ vs. /shu/, /si/ vs. /sti/, /ge/ vs. /ke/, ou /do/ vs./to/. L’enfant doit délivrer l’animal dans les 125 ms de la présentation de laconsonne-voyelle cible. Le temps de l’attaque vocale (VOT) et des espaces entrefricative et voyelle étaient rallongés, puis systématiquement raccourcis jusqu’àatteindre le rythme naturel de parole. Il y avait également cinq niveaux de ISIvariant de 500 à 300 ms.

Phoneme Identification (PI) apprend à l’enfant à identifier des pho-nèmes spécifiques. Les paires de stimuli consonne-voyelle (CV) et voy e l l e -c o n s o n n e - voyelle (VCV) sont /ba/ vs. /da/, /be/ vs. /de/, /bi/ vs. /di/, /va/ vs./ fa/, et /aba/ vs. /ada/. L’ e n fant entend le stimulus cible qui est une des pairescitées, puis l’un des deux personnages animés vocalise soit la syllabe ciblesoit la syllabe composée de phonèmes distracteurs phonétiquement proches.La tâche de l’enfant est d’identifier le personnage animé qui a vocalisé la syl-

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labe cible. Il existe trois ordres de présentation : stimulus cible présenté isolé-ment, cible suivi de phonèmes distracteurs phonétiquement proches, et pho-nèmes distracteurs phonétiquement proches suivi de cible, et 26 niveaux dis-tinguant les changements de ISI, de longueur de la parole et d’amplifi c a t i o ndes transitions de fréquence.

Fig. 1. Entraînement de base au balayage FM et aux Phonèmes.Trois exercices donnant un entraînement individualisé adaptatif au traitement acoustique

(intra- et inter-) des sons non verbaux et des phonèmes.

Phonic Match (PM) renforce les compétences de mémoire et de raison-nement au sein de structures simples de mots qui ne diffèrent que par un pho-nème. La tâche est d’apparier les CV en appuyant successivement sur les deuxcases correctes d’un tableau quadrillé de 2x2 cases (quadrillages de jeu de3x3, 4x4, ou 5x5 à des niveaux supérieurs). Chaque fois que l’enfant appuiesur une case, une CV sonore est évoquée, l’enfant devant correctemententendre chaque CV et se souvenir de son emplacement sur le tableau de jeu.Le degré de confusion possible des CV et CVC a été pris en compte lors de la

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construction du continuum de difficulté de l’épreuve. La durée de la parolep o u vait être rallongée de 1,5 ou 1,25 ou 1,0 fois la durée de parole normale etles éléments acoustiques brefs étaient amplifiés de +20, +10 ou +0 dB. Lenombre maximum de réponses pour chaque taille de tableau était fixé en des-sous d’un niveau établi par la procédure d’échantillonnage Monte-Carlo pourdéterminer le nombre de réponses correctes possibles en jouant au hasard. Sil ’ e n fant finissait le jeu en ayant donné un nombre de réponses inférieur à cetaux, il avait droit à des points supplémentaires. Lorsque l’enfant peutentendre et se souvenir de manière fiable des CV et CVC, il donne un total deréponses moins important.

Phonic Wo rds (PW) : d é fie l’enfant de distinguer entre des mots quid i ffèrent uniquement par une consonne initiale ou finale. L’ e n fant entend lemot, puis choisit entre deux images celle qui décrit le mieux ce mot. La lon-gueur de la parole peut être allongée de 1,5 fois, 1,25 ou 1,0 fois la durée deparole normale et les éléments acoustiques brefs sont amplifiés de +20, +10,ou +0 dB.

Block Commander (BC) apprend la compréhension de la parole entendueet la mémoire à court terme par l’utilisation de structures de phrases de plus enplus complexes. Dans cet exercice, l’enfant touche ou déplace des objets surl’écran de l’ordinateur en réponse à des instructions verbales de plus en plusc o m p l exes, semblables au To ken Test pour enfants (DeSimoni, 1978). Lesobjets varient en taille (grand, petit), couleur (rouge, bleu, blanc, jaune, vert) etforme (rond, carré). Cet exercice débute avec une parole acoustiquement modi-fiée (1,5 fois la durée normale ; les éléments rapides sont amplifiés de +20 dB),puis traverse de façon adaptative 5 niveaux de traitement de la parole. L’algo-rithme de traitement prolonge la parole de 1,5, 1,25 ou 1,0 fois la normale etamplifie les éléments acoustiques brefs de +21, +10 ou +0 dB (Nagarajan et al,1998).

Language Comprehension Builder (LCB) introduit des phrases de plus enplus complexes pour développer les compétences plus élevées de langa g e ,notamment la phonologie, la morphologie, la syntaxe et la grammaire. L’exer-cice LCB a été adapté de Curtiss-Yamada Clinical Language Evaluation (Curtissand Yamada, non publié). Après avoir entendu une phrase, l’enfant pointel’image cible parmi 2 à 4 images. Les phrases varient par leur structure gram-maticale et leur complexité et présentent systématiquement plus de 40 structuressyntaxiques et grammaticales. Les phrases étaient initialement présentées avecune durée de parole prolongée d’1,5 fois et avec des éléments rapides différem-ment amplifiés de +20 dB, +10 dB ou +0 dB, puis évoluant systématiquementen 4 étapes vers une parole naturelle.

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Evaluation du langage

L’évaluation Clinique de la Fonction du Langage (CELF-3, Semel et al,1995 ; Wiig et al, 1992) a été administrée à tous les enfants pour évaluer leurlangage avant et immédiatement après l’entraînement par le Fast ForWord. LeCELF-3 comprend les épreuves suivantes (sub-tests) qui mesurent les compé-tences langagières réceptives. L’examinateur introduit chaque épreuve, et guidele sujet pendant un ou deux items d’essais avant de commencer. Certainesépreuves comprennent un livre d’images qui est fourni avec le matériel de test.

- Mesures du langage réceptif• Structure de la phrase (6-8 ans) évalue la compréhension qu’a l’enfant des

règles structurelles dans les phrases. L’ examinateur présente à l’enfa n tquelques images, puis dit une phrase. L’enfant pointe l’image qui correspondle mieux à la phrase. Exemple : l’examinateur montre à l’enfant quatre images

Fig. 2. Entraînement langagier de niveau supérieur:Quatre exercices qui se centrent sur la discrimination auditive, la reconnaissance

et la compréhension de mots individuels et de phrases.

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et dit : « montre-moi… le canard marche vers la fille ». Réponse correcte :l’enfant montre l’image d’un canard qui marche vers une fille.

• Concepts et consignes (6 ans et plus) évalue la capacité de l’enfant à réaliser desinstructions orales de longueur et complexité croissantes. L’ examinateur présenteà l’enfant quelques images de formes différentes et lui donne quelques consignes.Exemple : l ’ examinateur dit : « Montre-moi tous les carrés, mais pas les noirs » .Réponse correcte : l ’ e n fant montre tous les carrés qui ne sont pas noirs.

• Classes de mots (6 ans et plus) évalue la capacité de l’enfant à comprendre les rela-tions entre des groupes de mots. L’ examinateur dit une série de mots et demandeensuite à l’enfant d’indiquer ceux qui vont ensemble. Exemple : l ’ examinateur dit« Ecoute bien les mots que je vais te dire et donne-moi les deux qui vont le mieuxe n s e m b l e : a i g l e, aile, main ». Réponse correcte : l ’ e n fant dit « a i g l e, aile. »

• Relations sémantiques (9 ans et plus) évalue la capacité de l’enfant à interpré-ter des relations sémantiques dans des phrases. L’examinateur présente un pro-blème à l’enfant qui doit donner la réponses correcte. Exemple : je vais te lirequelques problèmes à résoudre. Chaque problème a deux réponses exactes.« Les livres sont plus lourds que… une télé…des plumes…des chaises…deslettres ». Réponse correcte : l’enfant répond : « des plumes, des lettres ».

- Mesures de langage expressif• Structure de mots (6-8 ans) évalue la connaissance qu’a l’enfant des règles de

la structure des mots. L’examinateur montre à l’enfant deux images, et fait uncommentaire sur la première image. Il demande alors à l’enfant de faire uncommentaire sur la seconde image. Exemple : l’examinateur montre à l’enfantl’image d’un garçon et l’image d’une fille. Il dit, « Ici il y a un garçon (enpointant l’image du garçon) et là, il y a ......... » (en pointant l’image de lafille). Réponse correcte : l’enfant dit « une fille ».

• P h rases formulées (6 ans et plus) évalue la capacité de l’enfant à formuler desphrases simples, composées et complexes. L’ examinateur montre à l’enfant uneimage et lui demande de faire une phrase sur cette image, en utilisant un mots p é c i fique. Exemple : le testeur montre à l’enfant l’image d’une famille en trainde prendre le petit déjeuner et dit, « Fais une phrase sur cette image en utilisantle mot “a donné” ». Réponses correctes : l ’ e n fant reçoit le maximum de pointss’il donne une réponse entièrement exacte comme « La mère a donné descéréales à ses enfa n t s ». L’ e n fant reçoit une partie des points s’il donne uneréponse partiellement correcte, telle que « la mère a donné le petit déjeuner » .

• Rétention de phrases (6 ans et plus) évalue la capacité de l’enfant à répéter unephrase orale. L’examinateur lit une phrase et demande à l’enfant de la répéter.Exemple : il dit : « Est-ce que les petits garçons n’ont pas mangé lesbonbons ? ». Réponse correcte : l’enfant est crédité de tous les points pour une

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réponse entièrement correcte, telle que « Est-ce que les petits garçons n’ontpas mangé les bonbons ? ». L’enfant n’est crédité que d’une partie des pointspour une réponse partiellement correcte telle que « Est-ce que les garçons nevont pas manger des bonbons ? »

• Assemblage de phrases (9 ans et plus) évalue la capacité de l’enfant à compo-ser des phrases correctes et ayant un sens. L’examinateur lit une série de motset demande à l’enfant d’en faire une phrase. Exemple : l’examinateur dit :« fais une phrase avec ces mots : la balle, perdue, est, du bébé ». Réponse cor-recte : « La balle du bébé est perdue ».

La performance au CELF-3 est ensuite indiquée par le calcul de troisscores composites.• Score de Langage Réceptif (Moyenne = 100, Ecart type = 15) indique la perfor-

mance de l’enfant aux épreuves de langage réceptif. Il est calculé en utilisant lestrois sub-tests de langage réceptif qui sont en rapport avec l’âge de l’enfant.

• Score de Langage Expressif (Moyenne = 100, Ecart type = 15) indique la perfor-mance de l’enfant aux épreuves de langage expressif. Il est calculé en utilisantles trois sub-tests de langage expressif qui sont en rapport avec l’âge de l’enfa n t .

• Score Total de Langage (Moyenne = 100, Ecart type = 15) reflète les perfor-mances de l’enfant aux épreuves réceptives et ex p r e s s ives. Il est calculé en utili-sant les six sub-tests de langage réceptif appropriés à l’âge de l’enfant. Le scoretotal de langage est le plus complet car il reflète les capacités globales de l’enfa n t .

Les scores de langage réceptif, expressif et global peuvent aussi êtreconvertis en percentiles, scores standards, équivalents de courbe normale etéquivalents d’âge.

Protocole d’entraînement

Chaque enfant était entraîné 1 heure 40 minutes par jour, 5 jours parsemaine, sur une moyenne de 39 jours (SD = 15,05, entre 15-116 jours). La duréede l’entraînement variait considérablement, se basant sur plusieurs facteurs telsque la motivation de l’enfant, l’absence de progrès aux exercices d’entraînementou un problème d’accès aux ordinateurs. Ainsi, la plupart des enfants arrêtaient dejouer quand ils atteignaient un niveau de performance de 90 % à 5 des 7 jeux, ouquand le thérapeute jugeait que l’enfant avait reçu assez d’entraînement. Certainse n fants continuaient de jouer après avoir atteint un niveau de performance de 90 %à 5 des 7 jeux. Nous avons obtenu pour les 216 enfants le pourcentage de réussiteà chaque jeu pour chaque jour, les scores pré- et post-test aux quotients réceptif etexpressif du CELF, et l’âge. Un « calendrier graphique » du jeu retraçait visuelle-ment le pourcentage quotidien de réussite par jeu pour chacun des sept jeux pourchaque enfant. Un niveau alpha de 0.05 a été utilisé pour toutes les analyses.

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◆ RésultatsUne analyse de variance à mesures répétées a été conduite sur les scores

standard corrigés pour l’âge (Moyenne = 100, SD = 15) sur les quotients de lan-gage du CELF. Les résultats ont révélé des améliorations significatives à la suitede l’entraînement Fast ForWord, aux quotients de langage réceptif et expressifdu CELF. L’analyse a été effectuée en utilisant comme mesures les quotientsréceptif et expressif du CELF et en utilisant la dimension temps (pré-test etpost-test) comme facteur intra-sujet ; elle a montré que dans l’ensemble lesenfants amélioraient significativement leurs résultats au CELF après entraîne-ment par le Fast ForWord (F(2, 206) = 230,8, p < .0001). Le quotient réceptif duCELF a augmenté de 15,48 en moyenne (SD = 12,43) (pré-test : x = 77,05, SD= 20,02 ; postest : x = 92,99, SD = 21,21) et le quotient expressif du CELF asubi une augmentation moyenne de 13,77 (SD = 11,29) (pré-test : x = 75,21, SD= 17,13 ; post-test : x = 88,99, SD = 20,75). Il est important de noter que lesmesures de langage réceptif du CELF manquaient pour 8 sujets. Il est intéres-sant de souligner qu’en plus des gains importants de 1 SD (15 points) dans ledomaine du langage réceptif, globalement les enfants entraînés ont égalementamélioré de façon significative leur quotient de langage expressif.

L’amplitude de ces gains, obtenus dans un temps relativement court avant laré-administration de la même batterie de tests (moins de 6 mois) peut être inter-prétée de plusieurs façons. La fiabilité test/retest de ces batteries est de nive a uacceptable, (avec des coefficients de corrélation > 0.8 pour les quotients du CELF-3). Ces batteries de tests donnent un indice raisonnable du niveau de langage del ’ e n fant à chaque administration. Pour définir les augmentations de scores entenant compte de la fiabilité test-retest et des effets possibles de régression vers lam oyenne, un critère d’Erreur Standard 2 est souvent utilisé comme index de chan-gement positif univoque (Hsu, 1995). Quand un enfant obtient une diff é r e n c ed’Erreur Standard > 2 SE à n’importe quel test ou subtest, les probabilités quel’augmentation observée au test ou subtest soit réelle sont de 95,05 %. En utilisantce critère ex t r ê m e m e n t c o n s e r va t e u r, la majorité des enfants entraînés au Fast Fo r-Word ont présenté des améliorations de scores à la plupart des mesures de tests.

En même temps, les données de fiabilité test/retest produites par lesconcepteurs des batteries CELF-3 peuvent être directement comparées auxrésultats de cette étude. Les données test-retest des concepteurs du CELF ont étéobtenues une à quatre semaines après le test initial et reflètent, en moyenne,environ 30 % des améliorations observées dans la présente étude. A noter quenotre « retest » a été administré, en moyenne, après 72 jours d’intervalle, suggé-rant que la comparaison directe des résultats test-retest des concepteurs produitune surestimation de l’impact du retest sur la présente étude. De plus, Fast For-

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Word donnait un cours intensif d’entraînement par interférence pendant lessemaines d’intervalle entre les deux tests.

Performance à l’entraînement et amélioration au CELF : Le critèred’arrêt de l’entraînement aux exercices du Fast ForWord était 90 % de réussite à5 des 7 jeux. Six enfants ont dépassé ce critère de 90 % à 5 des 7 jeux au boutde la 4e semaine (Jour 20). Deux enfants ont dépassé ce critère de 90 % aux7 jeux à la fin de la 4e semaine de jeu. Tous les enfants ont atteint la catégorie dejeu la plus élevée aux 7 exercices ; ceci indique qu’ils ont réussi les différentsn iveaux de parole modifiée et qu’ils travaillaient à des niveaux de paroleproches de la normale quand ils ont arrêté les jeux.

Le nombre total de jours de jeu n’était pas signifi c a t ivement associé aun iveau de réussite de l’enfant aux jeux ou aux scores pré- et post-test du CELF, lescorrélations étaient faibles, entre ± .30. Ce résultat n’était pas surprenant dans lamesure où le point d’arrêt du jeu était flexible. Le taux de progrès hebdomadaireaux jeux et sa relation avec les pré- et post-tests du CELF ont ensuite été ex p l o r é s .

Le pourcentage hebdomadaire de réussite a été calculé pour chacun dessept jeux pendant les neuf premières semaines de jeu (5 jours de jeu =1 semaine de calendrier). A la fin des 9 semaines, plus de 80 % des enfantsavaient fini de jouer. Pour chaque semaine, le pourcentage de réussite hebdoma-daire a été utilisé pour répartir les enfants en trois groupes. Le groupe 1 compre-nait les enfants dont le taux de performance au jeu était supérieur à 90 %. Dansle groupe 2, les enfants atteignaient des taux de 20 % à 90 %. Les enfants dugroupe 3 étaient en dessous d’un niveau de 20 % de réussite. Un enfant pouvaitêtre dans le groupe 1 pour un jeu et dans le groupe 3 pour un autre. L’attributionà l’un des trois groupes s’est faite jeu par jeu, car un seul enfant a atteint unniveau supérieur à 90% à tous les jeux au jour 20 et qu’il y aurait 7 ! = 5040catégories si l’on voulait que toutes les combinaisons possibles de jeux attei-gnent le niveau de 90 % à chaque semaine de jeu.

Pré-tests du CELF et Pourcentage de Réussite au Jeu. Pour chacune dessemaines allant de la deuxième à la neuvième, des analyses de variance multiva-riées ont été réalisées en utilisant le groupe jeu comme facteur, pour déterminerl’influence des scores au pré-test du CELF sur les performances aux jeux. Lesdifférences hebdomadaires significatives combinées avec les graphiques de jeuindiquaient que dès le jour 20 (4 semaines de calendrier) le taux de performanceaux jeux était stable.

Il y avait des différences significatives entre les 3 groupes, aux perfor-mances de jeu à la fin de la semaine 4 (jour 20) au pré-test CELF du BlockCommander (F(4,404) = 3,451, p = .009), Language Comprehension Builder(F(4,404) = 9,789, p < .0001), Old McDonald’s Flying Farm (F(4,404) = 2,776,

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p = .027), Phoneme Identification (F(4,404) = 2,490, p = .043),Phonic Match (F(4,404) = 6,288, p < .0001), et Phonic Words (F(4,404) =3,596, p = .007). Il n’y avait pas de différence significative entre les troisgroupes pour Circus Sequence, mais dans l’ensemble, la moyenne des quotientsréceptif et expressif augmentait en même temps que le pourcentage de réussiteau Circus Sequence. Ainsi, les performances au jeu du 20e jour prédisaient lesquotients réceptif et expressif du pré-test CELF.

Les résultats du groupe 1 ont montré que lorsque le pourcentage de réussiteaux exercices de discrimination auditive des mots (Phonic Words) était supérieur à9 0 % au jour 20, l’enfant finissait la majorité des jeux à un niveau supérieur à9 0 %. Le groupe 2 avait un pourcentage de réussite aux Phonic Words de 20 % à9 0 %. Pour ce groupe, Phonic Words et quelques autres jeux atteignaient aussi unn iveau de 90 %, bien que plus lentement. Dans le groupe 3, si le taux de réussiteaux Phonic Words était inférieur à 20 % à la semaine 4, il était peu probable quele pourcentage de réussite dépasse les 20 % aux autres jeux. A noter que cetteétude ne nous permettait pas d’aborder le problème de causalité et que l’objectifétait plutôt de trouver le jeu servant de facteur clé dans la prédiction des perfor-mances aux autres jeux. Phonic Words est systématiquement l’un des 7 exe r c i c e sles plus performants, de sorte qu’il n’est pas surprenant que si l’enfant ne réussitpas bien aux Phonic Words, il/elle ne réussira pas bien aux autres jeux.

Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3 Tous

Age 7.9 (2.4) 8.8 (2.4) 9.9 (2.2) 8.9 ans (1.06)Homme :FemmeRatio 2.8:1 2.0:1 2.6:1 2.4:1Joursd’entraînement 47 (19.1) 40 (13.9) 34 (11.3) 39 (1.1)

Tableau 1. Caractéristiques d’échantillonnage

Les statistiques descriptives de l’échantillon d’entraînement. Les valeurs descriptives indiquent que plus degarçons que de filles ont participé à l’étude et, qu’en moyenne, les sujets étaient à - 1 écart type de leur niveaude performance attendu selon l’âge, tant dans leur performances de langage réceptif que de langage expressif.Les valeurs sont exprimées en moyenne (écart type).

Différences d’Age. Des ANOVAs séparées ont exploré les différencesd’âge entre les trois groupes et mis en évidence des différences d’âge significa-tives aux tests de Block Commander (F(2,209) = 28,965, p = .0001), LanguageComprehension Builder (F(2,209) = 12,068, p < .0001), Old McDonald’s FlyingFarm (F(2,209) = 4,740, p = .010), Phoneme Identification (F(2,209) = 5,236,p = .006), Phonic Match (F(2,209) = 20,908, p < .0001), et Phonic Words(F(2,209) = 16,820, p < .0001). Pour tous les exercices, le groupe 1 était plus

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jeune que le groupe 2, lui-même plus jeune que le groupe 3. Il n’y avait pas dedifférence significative d’âge entre les trois groupes au test de Circus Sequence.A noter que les quotients au CELF sont ajustés pour l’âge. Une analyse devariance multivariée a donné des différences significatives (F(77, 1428) = 1,998,p < .0001) à toutes les performances de jeu pour des enfants d’âges différents.Malgré des différences d’âge significatives au pré-test du CELF et aux perfor-mances de jeu, il n’y avait pas de différences significatives de progrès entre lepré-test et le post-test entre les différents groupes d’âges ou de jeu à aucun desjeux ; ceci suggère que les enfants ont tiré bénéfice de l’entraînement, quels quesoient leur âge et leurs performances aux jeux.

Pré- et Post-test du CELF et Taux de Réussite au Jeu. Les scores aux pré-test et post-test ont été analysés par analyse de variance mutivariée avec mesuresrépétées, avec le temps (pré et post-test) comme facteur intra-sujets et le groupede jeu à la fin de la semaine 4 comme facteur inter-sujets, les quotients réceptifet expressif du CELF constituant les mesures répétées. Des analyses séparéesont été réalisées pour chacun des sept jeux pour les raisons décrites plus haut.Les interactions multivariées globales entre le facteur temps et le facteur groupede jeu étaient significatives pour Language Comprehension Builder (F(4, 410) =2,904, p = .022), Phonic Match (F(4, 410) = 3,018, p = .018), et Phonic Words(F(4, 410) = 2,595, p = .036), indiquant que les trois groupes de jeu se différen-ciaient dans leurs progrès au post-test du CELF. Les interactions entre facteurtemps et facteur groupe n’étaient pas significatives pour Block Commander,Circus Sequence, Old McDonald’s Flying Farm, et Phoneme Identification.

Cependant, des analyses complémentaires ont montré que le quotientexpressif du CELF expliquait l’interaction significative entre le temps et legroupe ; aucun groupe de jeu ne montrait de différences significatives au quo-tient réceptif du CELF, pour aucun des jeux. Les enfants ayant les quotientsréceptifs au pré-test du CELF les plus faibles et qui ne réussissaient pas aussibien au jeu, ont fait autant de progrès que les enfants dont les quotients réceptifsau pré-test du CELF étaient plus élevés et qui avaient de meilleures perfor-mances au jeu. Bien que les enfants se soient globalement améliorés au quotientexpressif du CELF, les analyses post-hoc (Student-Newman-Keuls) ont indiquéque les enfants qui réussissaient les jeux à plus de 90 % se distinguaient signifi-cativement des autres enfants. Les enfants qui réussissaient au 20e jour d’entraî-nement à plus de 90 % chacun des exercices suivants avaient un quotient expres-sif du CELF signifi c a t ivement meilleur : Block Commander, LanguageComprehension Builder, Phonic Match, et Phonic Word. Nous n’avons pastrouvé de relations semblables pour Old McDonald’s Flying Farm, CircusSequence, et Phoneme Identification.

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◆ DiscussionL’entraînement adaptatif par parole acoustiquement modifiée a produit

une amélioration signifi c a t ive des mesures de langage réceptif et ex p r e s s i f .C’est la quatrième étude qui utilise des échantillons indépendants et démontrece type de relation avec les mesures de performance de langage. (Tallal et al.,1996; Merzenich et al., 1996 ; Merzenich et al., sous presse). Les quatre étudesont mis en évidence des améliorations de langage qui étaient en moyenne de1SD et étaient spectaculaires puisqu’on les obtenait après une moyenne de 8semaines d’entraînement. Les sujets de la présente étude se sont significative-

Fig. 3 - Moyenne des quotients de langage réceptif et expressif pré- et post-entraînement(CELF-R) en fonction du groupe d’entraînement (groupe 1-3) à l’exercice de Phonic Words.L’axe vertical représente le score standard de performance corrigé pour l’âge, à la batteriede langage CELF (moyenne = 100, SD = 15). L’ordre sur l’axe horizontal (de gauche àdroite), reflète les groupements suivants- (a) quotient de langage réceptif pré-entraînement,(b) quotient de langage réceptif post-entraînement, (c) quotient de langage expressif pré-entraînement, (d) quotient de langage expressif post-entraînement pour chaque gro u p e(groupe 1, groupe 2, groupe 3). La hauteur de la barre reflète la performance moyenne àchaque mesure pour chaque groupe, la ligne fine reflétant l’erreur standard.

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ment améliorés à une mesure globale de langage puisqu’ils sont partis d’unn iveau bien inférieur à celui attendu pour l’âge avant entraînement, pouratteindre des niveaux moyens de performance après entraînement. L’amplitudeet la cohérence de ces améliorations dépassent les estimations de changement deperformances observées, d’après la fiabilité test-retest (publiée) et les erreurstypes des mesures de langage utilisées dans cette étude.

Il est important de noter que les bénéfices tirés de ces exercices, telsqu’ils sont mesurés par les quotients réceptif et expressif du CELF, étaient indé-pendants de l’âge des sujets (de 4 à 18 ans). Malgré les différences significativesd’âge au pré-test du CELF et aux performances de jeu, il n’y avait pas de diffé-rences significatives de bénéfice observé après entraînement. Le manque d’effetsignificatif de l’âge sur les résultats en langage confirme l’intérêt d’une applica-tion continue des algorithmes d’entraînement adaptatif dans la construction descompétences. Cependant, tous les algorithmes d’entraînement adaptatif n’ontpas la même efficacité. Dans la recherche présente, ils étaient fondés sur lesrésultats d’études de plasticité corticale réalisées principalement chez l’adulte.Les études physiologiques de plasticité neuronale chez l’animal et l’humain ontmontré une réorganisation importante des neurones corticaux après entraîne-ment intensif. Bien que la notion de changement physiologique n’ait pas étéabordée directement dans l’étude présente, les résultats comportementaux nousconduisent à formuler l’hypothèse d’une réorganisation corticale des représenta-tions neurologiques des stimuli de parole chez ces enfants.

De meilleures performances aux différents exercices conduisent-elles à deplus grands progrès dans les résultats des mesures de langage ? En effet, la per-formance aux exercices d’entraînement était directement liée aux améliorationsdes quotients expressif et réceptif du CELF. Cependant, la relation n’était paslinéaire et variait pour le langage expressif et le langage réceptif. Les enfantsavec les moins bonnes performances au jeu ne se distinguaient pas significative-ment des enfants avec de bonnes performances au jeu, au quotient réceptif duCELF. Les enfants qui avaient les scores les plus faibles au pré-test du CELF etqui n’avaient pas d’aussi bons résultats aux jeux, ont fait autant de progrès auquotient réceptif du CELF que les enfants qui avaient de meilleurs scores aupré-test du CELF et une meilleure performance au jeu. Tous les groupes d’en-fants ont amélioré leur quotient réceptif du CELF, quel que soit leur niveau deperformance au jeu. Cependant, les progrès étaient significativement différentsau quotient expressif du CELF, les enfants qui étaient à 90 % ou plus de niveaude réussite au Phonic Words, Language Comprehension Builder, Block Com-mander, et Phonic Match ayant gagné plus d’un écart type à la mesure de lan-gage expressif du CELF.

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Le degré d’amélioration du traitement du langage réceptif, comprenant laphonologie réceptive, la morphologie et la syntaxe, suggère que les déficits desenfants LLI doivent dans une certaine mesure refléter les conséquences dévelop-pementales de l’accumulation de difficultés dans le traitement du langage, plutôtqu’un défaut de compétence langagière en soi. Il semble peu probable que cesenfants aient appris l’équivalent de deux ans de langage en un mois. Ces enfantsont vraisemblablement développé beaucoup plus de langage qu’ils ne sontcapables de le montrer ou de l’utiliser « en direct » dans des conditions nor-males d’écoute et de parole. Cependant, l’accès à un signal acoustique modifié,fourni dans le cadre d’un environnement d’entraînement adaptatif, semble amé-liorer signifi c a t ivement le traitement ultérieur de la parole naturelle « endirect ».

◆ ConclusionLe présent article contribue à enrichir la littérature en démontrant que les

enfants avec un LLI (trouble d’apprentissage du langage) améliorent significati-vement leurs performances en langage réceptif par un entraînement en langageadaptatif qui utilise la parole acoustiquement modifiée. Tallal et ses collèguesont émis l’hypothèse que les enfants avec un LLI avaient besoin de significati-vement plus de temps que les enfants de développement normal pour intégrerdeux événements sensoriels brefs et rapidement présentés (dans les 10 millise-condes) ou pour produire des mouvements moteurs séquentiels rapides dans lemême intervalle de temps. Ceci confirme l’existence possible d’un déficit fon-damental d’intégration temporelle qui sous-tendrait le développement destroubles phonologiques réceptifs, entraînant une cascade d’effets négatifs sur ledéveloppement ultérieur du langage réceptif et expressif et en dernier lieu surl’acquisition de la lecture et de la transcription (dyslexie). Bien que les étudesantérieures aient montré de fortes corrélations entre la sévérité des déficits detraitement temporel non verbal et les diverses composantes du langage et de lalecture, notamment les compétences phonologiques, l’existence de ces corréla-tions ne peut pas résoudre directement les problèmes de causalité ou d’étiologie.Pour le moment, nous dirons que les études d’intervention actuelles apportentun étayage supplémentaire à ce modèle théorique de Troubles d’Apprentissagedu Langage (LLI).

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WELLS, B. & STACKHOUSE, J (1992) Application d'un cadre psycholinguis-tique à l'évaluation et l'intervention orthophoniques auprès d'enfants pré-sentant des troubles developpementaux de langage. In Kremin, H. &Leclerq, M. (eds) Approche neuropsychologique de l'enfant. Société deNeuropsychologie de Langue Française. pp 131-142.

MATERIEL DE REEDUCATION

CELERIER P. (1991) : Supports verbaux en orthophonie. Isbergues : L’OrthoEdition.

CELERIER P. (1992) : Orthopholistes - Isbergues : L’Ortho Edition.

GERIP : Logiciels ; 8, rue des Prés, 95130 Franconville.

STEFINEL : Logiciels ; Z.A. St Ernel, 29800 Landernau.

ISSOUFALY N., PRIMOT B. (1996) : Phonorama, programme d’entraînementà la conscience phonologique. Isbergues : L’Ortho Edition.

JACQUIER-ROUX M. ZORMAN M.(1998), Entraînement phonologique. Edi-tions La Cigale. Grenoble.

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UNADREOUnion Nationale pour le Développement de laRecherche et de l’Evaluation en Orthophonie

Unité de Recherche en OrthophonieUNADREO - Institut d’orthophonie de Lille

❖ Vous êtes orthophoniste

❖ Vous avez un projet de recherche

❖ Vous souhaitez une a i d e matérielle, méthodologique, bibliogra-phique, pour recueillir ou traiter vos données, pour constituer un dos-sier de subventionnement ou d’accès à un 3e cycle, pour publier, ...

Vous pouvez vous adresser à :

URO Unadréo - Institut d’orthophonie de LilleUniversité Lille 2

Faculté de Médecine Warembourg - Pôle formation59045 Lille Cedex

Tél. 03 20 62 76 16 • Fax 03 20 62 76 04ou

UNADREOBP 145 - 72303 Sablé/Sarthe Cedex

Tél. 02 43 92 04 06 • Fax 02 43 95 40 60Email : [email protected]

Votre dossier (objectifs de la recherche, hypothèses, informationssur la méthodologie envisagée) sera soumis à un comité scientifique

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DERNIERS NUMÉROS PA RU S

N °1 93 : I . M . O . C . - R e n c o n t r e ( B .W A H L ) — Données Actuelles : Infirmités Motrices d’Origine Cérébrale -Généralités ( F . R E V O L ) - Paroles d’enfants IMC ( F . DE BARBOT) - L’enfant porteur d’un handicap sévèreet sa famille ( M . MARTINET, J.M. B L A N C ) - Déficits visuo-spatiaux et dyspraxies : une entrave aux appren-tissages (M. MAZEAU) - Etude du développement intellectuel et du langage chez 34 enfants présentant unehémiplégie cérébrale congénitale (S. GONZALEZ, F. COMBE, A. RITZ, A.S. EYRAUD, C. E B E R H A R D T ,C . B E R A R D ) - Evaluation médicale des IMC lourdement handicapés par leur dysarthrie ou leur absenced’expression orale (pour raison mécanique) (D. TRUSCELLI) - Bilan de langage et diagnostics chez lesenfants infirmes moteurs cérébraux ( M . H .M A R C H A N D ) - Les conditions neuromotrices de l’apprentissagede la parole chez l’IMOC (A. LESPARGOT) - Des moyens différents pour communiquer et développer le lan-gage ( M . H . M A R C H A N D ) — Examens & Interventions : L’évolution des conduites de communication chezun enfant polyhandicapé ( A .T O S C A N E L L I - R O U A U L T ) - Les troubles de la motricité bucco-faciale del’enfant IMC ( D .C R U N E L L E ) - La rééducation des troubles de la déglutition des enfants et adolescentsI.M.O.C. ( C . S E N E Z ) - Les systèmes de communication alternative chez l’enfant IMC ( M .M O N F O R T ,A . J U A R E Z - S À N C H E Z ) — Perspectives : Facilitation à la mise en place de tableaux ou d’aides techniquesde communication (E. CATAIX-NÈGRE) - Etude de cas : Romain - Quel cheminement pour une synthèsev o c a l e ? ( J .C H A I L L E Y ) - O.E.A./A.T.C. (Outil d’Evaluation Adapté) (Téléthèses) - Evaluation préalable à lamise en place d’une aide technique à la communication ( A . D’ALBOY, V. CHATAING).

N °1 94 : LES PATHOLOGIES VOCALES CHEZ L’ENFANT - L’enfant, sa demande et sa motivation -R e n c o n t r e ( C .K L E I N - D A L L A N T ) — Données Actuelles : L e s dysphonies de l’enfant : aspects cliniques etthérapeutiques ( G . CORNUT, A. TROLLIET-CORNUT) - L’évolution de l’appareil phonatoire et la voix etl ’ e n f a n t ( V . WOIZARD, J. PERCODANI, E. SERRANO, J.J. PESSEY) - Particularités du travail vocal enr é é d u c a t i o n ( B . AMY DE LA BRETÈQUE) - Qualité de voix chez l’enfant et facteurs sociaux / environne-m e n t a u x ( P . H . DEJONCKERE) - Pour une logique dans la démarche rééducative de la dysphonie de l’enfant(M.C. PFAUWADEL) - Le chant chez l’enfant et ses difficultés ( J . SARFATI) - Dysphonie de l’enfant : rela-tions entre professeur de formation musicale et phoniatre ( M . LECOQ) — Examens et interventions :Expérience clinique de la rééducation vocale de l’enfant ( F . MARQUIS) - Le profil vocal et son adaptationchez l’enfant (F. DEJONG-ESTIENNE) - L’enfant et sa voix. Comment les réconcilier. Le but, les étapes et lesmoyens qui font la trame d’une rééducation ( F . DEJONG-ESTIENNE) - Relaxer l’enfant ou détendre sa voix ?( C . K L E I N - D A L L A N T ) - Voix et oralité chez l’enfant dysphonique ( C .T H I B A U L T ) - Rééducation vocale del ’ e n f a n t : écoute ce qui est ( P .L U P U ) - Bertrand, l’histoire d’une mue faussée. Utilisation de la méthode desmouvements minimaux associée à cette rééducaation ( M .H A B I F ) - Apports de la sophrologie en rééducationvocale de la dysphonie de l’enfant hypertonique ( E . DE MONTAUZAN) — Perspectives : Que deviennent lesdysphonies de l’enfant à l’âge adulte ? ( D . HEUILLET-MARTIN, C. SEYOT) - Questionnaire ( C .K L E I N -D A L L A N T ) - Questions et réponses ( J . A B I T B O L ) .

N °1 95 : LES MALADIES NEURO-D É G É N É RATIVES - La prise en charge orthophonique des maladiesneurologiques - Rencontre (F. MARTIN) — Données Actuelles : Plasticité du système nerveux : chances deréhabilitation (N. ANNUNCIATO) - Importance des facteurs neurotrophiques dans la régénération du sys-tème nerveux (N. ANNUNCIATO) - Les maladies neurologiques chroniques dégénératives et la réadaptation( C . HAMONET) - Les troubles de la déglutition dans la maladie de Parkinson (B. ROUBEAU) - F o n c t i o n scognitives et sclérose latérale amyotrophique (S.L.A.) (J. MÉTELLUS) — Examens et interventions : L amaladie de Steele-Richardson-Olszewski : diagnostics différentiels et rééducation orthophonique ( I . E Y O U M ,S. DEFIVES-MASSON) - Un cas particulier de chorée : l’hémiballisme (N. COHEN, I. EYOUM) - S c l é r o s een plaques : examen de la dysarthrie (G. COUTURE, A. VERMES) - L’orthophonie dans la SLA : un accom-p a g n e m e n t ? (S. BRIHAYE) — Perspectives : La communication après l’aphémie (S. BRIHAYE) - Aides tech-niques (A. VETRO, M. VETRO)

N °1 96 : LANGAGE ORAL - PRODUCTION - Justine ou la difficile conquête de l’autonomie et du langage -R e n c o n t r e (P. AIMARD) — Données Actuelles : De l’approche neuropsychologique en général et du langageoral en particulier (J.-P. LASSERRE) - Etiologies des dysphasies : le point de la question (J.-J. DELTOUR)- Développement des productions vocales : évaluation et implications cliniques (S. VINTER) - Pour une éva-luation intégrative du langage oral (J.A. RONDAL) — Examens et interventions : Etude de cas : Emmanuelle,née le 14 novembre 1969 (A.-M. ROBERT-JAHIER) - Qui dit quoi ? Le rôle de la reformulation dans la réédu-cation du langage oral chez l’enfant de 4 ans (C. FOUASSIER, A. GADOIS, C. HÉNAULT, D. M O R-CRETTE, L. BIHOUR, N. GUÉRET) - Quand le nombre est parlé avant d’être écrit : acquisition et élabora-tion de la chaîne numérique verbale (A. MÉNISSIER) — Perspectives : Apports de la pragmatique et de lapsychologie du langage à la compréhension des troubles du développement du langage ( G . DE WECK)- Premiers pas dans l’acquisition du lexique (D. BASSANO) - Et si l’humour c’était sérieux ? ( M .F O S S A R D )- L’oral : une tâche moins discriminante que l’écrit ? ( K . D U V I G N A U )