moneyocracy dossier final

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Cette présentation du 90 minute est la dernière version que nous avons rédigé pour Moneyocracy. De nombreux ajustements - notamment stylistiques - ont été réalisés.

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A documentary byGerald HOLUBOWICZ & Jean Nicholas GUILLO

MONEYOCRACYTHE RISE OF THE UNITED CORPORATIONS OF AMERICA

HAPPY FANNIE presents

with the support of

International Sales INSOMNIA WORLD SALES

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MONEYOCRATIE Un documentaire 90’ de Gérald Holubowicz et Jean Nicholas Guillo produit par Happy Fannie “The liberty of a democracy is not safe if the people tolerate the growth of private power to a point where it comes stronger than their democratic state itself. That, in its essence, is fascism - ownership of government by an individual, by a group.” Franklin D. Roosevelt

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LA FIN D’UNE DEMOCRATIE

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SOMMAIRE

PRESENTATION ET CONTEXTE ........................................................... 4 Dans le sillage d'une décision assassine ............................................. 5 La Fissure ........................................................................................... 6 A sol ouvert ........................................................................................ 8 Sous terre : le rhizome ..................... Error! Bookmark not def ined. Hic et nunc ....................................................................................... 10 A ciel ouvert… .................................................................................. 11

TRAITEMENT ...................................................................................... 13 NOTE D'INTENTION DES AUTEURS REALISATEURS ......................... 24

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PRESENTATION ET CONTEXTE

Moneyocratie est un documentaire de 90 minutes. Il propose un parcours au cœur de la machine législative et électorale américaine. Le film œuvre à documenter, pièce par pièce, les rouages complexes d’une mécanique qui s’est rouillée depuis la décision Citizen United vs. Federal Election Commission (C.U vs F.E.C) de janvier 2010. Dans le démontage de l’appareil démocratique, c’est le premier coup de clé à avoir été donné, pour déboulonner le système et ainsi ouvrir les vannes de fonds privés considérables sur le monde politique américain. Le Juge en chef des Etats-Unis, John G Roberts, en est l’artisan. Il est de notre point de vue indispensable de revenir sur cet arrêt de la cour suprême pour mieux comprendre les enjeux de demain. Car il marque un point de rupture historique et politique aux Etats-Unis, en permettant aux entreprises, les corporations 1 de participer financièrement aux campagnes politiques, et ainsi d’influencer les élections. Elle établit qu’il est inconstitutionnel de plafonner les montants investis en politique par les corporations. Car au même titre qu’une personne morale, les corporations sont désormais protégées par le 1er amendement, qui garantit à tout individu la liberté d’expression. Il s’agit d’une entaille sérieuse à l’indépendance de la démocratie Américaine. L’implication est lourde. Entreprises, syndicats, ou tout autre groupement d’intérêt peut donc dépenser sans compter pour supporter son candidat. Le dispositif a tout ce qu’il y a de plus légal. Ni lobbying, ni détournement de fonds, ici, c’est bien l’expression du droit à la « liberté de parole » qui prévaut. Laisser ce pouvoir d’influence entre les mains d’intérêts privés, ne fait nul doute sur son utilisation : placer des hommes à tous les niveaux de l’arbre, dans la hiérarchie politique et judiciaire. Comprendre ce système et cette absurdité, comprendre pourquoi une population entière abandonne le terrain à des forces qui lui sont hostiles, et enfin pourquoi aucune réaction significative, de révolte ou d’amendement ne voit le jour, sous-tend, comme une ligne de tension, toute la démarche de ce film. En tant que citoyen, nous voyons la démocratie comme un outil qui mérite d’être bien compris, pour être bien utilisé. Pour nous la décision Citizen United vs. Federal Election Commission dresse une ligne de front où s’est engagée une bataille sans précédent contre la possibilité et l’idée même d’une démocratie par le peuple, contre la liberté et l’indépendance de son exercice. A travers la narration filmique de notre documentaire, nous allons remonter le fil des évènements qui ont conduit à cette situation inédite dans l’histoire américaine.

1 Dans les pays anglophones, le terme de corporation désigne le plus souvent une des formes de propriété commerciale groupée, où l'entreprise

est légalement considérée comme une personne morale (principe de la « Business corporation » )

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Nous ne sommes pas dans l’immédiateté des faits, mais nous cherchons cependant à comprendre les effets de ce processus aujourd’hui. Dans la course à la Maison Blanche fin 2012, jusqu’à l’investiture en 2013 du prochain président américain, le film dénonce clairement les effets pervers de C.U vs F.E.C sur la vie politique américaine, ses institutions, ses représentants : opacité du système, influence. Alors comment saisir à l’image, dans le film, les ramifications obscures d’un processus systémique qui s’inscrit en profondeur dans le temps, de manière souterraine et organique, dans le corps de cette nation. Par le biais d’une recherche minutieuse, c’est à dire une investigation qui prend le temps d‘écouter ces protagonistes. Mais c’est également dans une forme de mise en doute, de questionnement et de confrontation que le film se place. Le but étant, d’interpeller le spectateur, le mettre en face et en conscience, du rapport de force qui est en jeu et qui pourrait bien à terme, le priver de sa voix. Nous sommes deux photographes, si par l’image nous cherchons à capturer des instantanés, aussi à l’instant T, c’est par ce qu’il faut se préparer à voir les États-Unis se transformer sous l’influence des corporations. Il faut s’attendre à voir se déliter, ce qui a été pendant plus de 50 ans, l’une des plus puissantes démocraties occidentales. Ici, à travers le documentaire et la narration filmique, nous prenons le temps de comprendre, d’assembler les pièces du puzzle. Les prises de vue s’étirent pour donner du relief à ce qui s’est passé en creux. Ecouter les silences lourds de signification, mais également sonder les voix de ceux qui s’élèvent courageusement contre cette décision. Car sans un amendement de la constitution pour indiquer que « We the People » ne s’applique qu’aux individus, et non aux entreprises, il est certain que l’influence des corporations sera sans limites et peut-être définitif. Moneyocratie raconte l’histoire de la privatisation du système démocratique Américain et de la naissance des « Etats incorporés d’Amérique »

Dans le sillage d’une décision assassine

«This is a sanction murder decision, this is Government of the people by the Corporation, for the corporation» (C’est une décision assasine, c’est le gouvernement du peuple, par les corporations, pour les corporations)

Keith Olberman

A notre connaissance, peu de décisions de la Cour Suprême des États-Unis avaient eu de conséquences dramatiques sur la société américaine et radicalement bouleversé l’histoire de ce pays. En réalité, selon nous, il y en a deux : le jugement “Dred Scott”2 et l’arrêt Citizen United vs. Federal Election Commission. La première décision, appelée jugement « Dred Scott », légalisait l’infériorité des esclaves par rapport aux blancs et leur refusait citoyenneté et protection constitutionnelle. Cette décision fut rendue en 1857, par le Juge en chef des Etats-Unis (Chief of Justice) Robert B. Taney.

2 “Dred Scott (du nom de l’esclave qui poursuivait son maître en justice afin d’obtenir sa liberté)

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Cet arrêt cherchait à clore tout débat possible autour de l’abolition de l’esclavage. Elle eut exactement l’effet inverse. Quatre ans plus tard, elle laissait dans son sillage plus d’un demi-million de morts à l’issue de la guerre civile de Sécession entre les États du nord et du sud des Etats-Unis. La seconde décision de la Cour Suprême marquant un tournant est très récente. Elle date du 21 janvier 2010. Rendue par le Juge en chef des Etats-Unis, John G. Roberts, elle porte le nom de Citizen United vs. Federal Election Commission (CU vs FEC). Cette décision fait suite à la plainte déposée par Citizen United (un comité d’action politique, un super Pac3 conservateur) contre la commission fédéral des élections. L’objet de la plainte est l’interdiction d’une campagne de publicités, faisant la promotion d’un documentaire très critique vis à vis d’Hillary Clinton4, quelques semaines avant les primaires démocrates de 2008. L’association conservatrice Citizen United, qui avait payé pour ces publicités, estime alors que l’interdiction de diffuser des vidéos de communication politique (30 jours avant une primaire ou 60 jours avant une élection générale) s’oppose à la liberté d’expression, et donc au Premier Amendement. Cette interdiction, établie par le Bipartisan Campaign Reform Act de 2002, avait pour but de limiter l’influence déjà très importante des entreprises et des associations non-lucratives, syndicats y compris, dans le processus électoral. Cependant, la Cour Suprême a jugé bon d’utiliser ce cas pour réformer en profondeur le financement des campagnes électorales. 2 ans plus tard,  si nous y regardons de plus près, nous pouvons suivre le mouvement, la tâche jaûnatre d’une mauvaise infiltration d’eau, laissée par cette décision. Pour les dernières élections de novembre 2010, ce sont près de $314 millions investis par les corporations dans les campagnes publicitaires à caractère politique, contre $157 millions en 2008. Plus récemment en 2012, une campagne de spots simplistes et très agressifs contre la politique de Barack Obama, pilotée par un comité d’action politique conservateur, à elle seule, a atteint le coût record de $25 millions.  

La fissure Les premiers effets de cette décision, plus destructrice qu’il n’y paraît, remontent déjà à la surface. Ils pourraient bien ouvrir une large brèche dans le fonctionnement de la démocratie américaine. De manière organique, cette lésion contamine progressivement le corps politique américain. Elle annonce l’effritement de tout un idéal démocratique, qui avait su jusqu’alors préserver l’indépendance de son système électoral contre les lourds intérêts privés et corporatistes.

3 Super pac : Lorsqu'un groupe d'intérêt souhaite s'impliquer directement dans le processus électoral, il crée alors un comité d'action politique. Ce

PAC récolte et reçoit de l'argent de la part des membres du groupe de pression, ce qui lui permet, en fonction des intérêts du groupe en question,

de contribuer financièrement à des campagnes politiques.

4 «Hillary : The movie », documentaire à charge contre la politique d’Hillary Clinton.

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A l’image d’une fissure lancée dans son processus irréversible, les craquelures du système progressent, sillonnent en profondeur, se lézardent en ramifications souterraines, pour enfin se propager durablement dans tous les organes politiques américains. C’est le symbole pour nous, qu’une faille profonde et systémique s’est dessinée dans le sol aride de cette nation, qui a perdu son idéal de liberté et d’autonomie le 10 janvier 2010 avec C.U vs F.E.D

Le film pose clairement cette question : comment le modèle d’une démocratie indépendante peut-il repousser et sur quel terrain, après que celui-ci a été asséché dans une logique cynique et implacable ? Qui en seront les futurs artisans, les braves qui élèvent leur voix dans le désert, et cultivent encore l’espoir et l’intérêt collectif ? Citizen United vs. F.E.C est pour nous, bel et bien, le point de césure dans l’histoire, celle d’une décision, que nous qualifions ici d’assassine pour faire écho au « cri » courageux lancé à la TV par le journaliste Keith Olberman. Le film remonte à l’origine de cette trace obscure en creux, comme une trainée de poudre, car elle porte en elle les germes d’une corruption passive devenue aujourd’hui plus que tolérée, mais tout bonnement, légiférée et donc rendue parfaitement légale, sans faire d’explosion en apparence. Depuis longtemps déjà, l’argent des corporations finance grassement les lobbyistes de Washington qui se sont démultipliés en nombre ces dernières années. Le lobbying politique cultive ses boutures, se déploie en arborescence et en réseaux organisés, se propage un peu comme les ronces et la mauvaise herbe, qui s’immiscent dans toutes les brèches du mur. L’influence de ces professionnels de la “persuasion” est montée crescendo dans la sphère politique et s’est accompagné, comme toujours, de dérapages dangereux. Il suffit de se pencher sur l’histoire de Jack Abramoff, lobbyiste Républicain, afin de pressentir à quel point le corps politique est lié à l’argent des corporations. Condamné pour fraude et conspiration dans une histoire abracadabrantesque d’achats de bateaux-casinos, Abramoff est aussi soupçonné de trafic d'influence et de corruption active de plusieurs parlementaires et assistants. Son implication dans les scandales et les affaires ont poussé George W. Bush et plusieurs élus à reverser les fonds qu'ils avaient alors reçus de cet homme d’influence. Ce scénario, digne d’un film de Scorsese, s’est pourtant bien déroulé. Et hormis notre admiration pour le cinéaste, nous n’entretenons absolument aucune fascination ambivalente pour ces créatures troubles qui bradent leur conscience contre quelques poignées de dollars5. Le documentaire ne restituera pas ce portrait de manière épique. Il s’efforcera de retracer nettement la trajectoire sombre de cette affaire. Cet argent gris (soft money) s’est immiscé dans toutes les allées, du Sénat à la Chambre des représentants. Au détriment de l’intérêt collectif du peuple américain lui-même, cette manne

5 60 millions de dollars sur les 147 millions nécessaires à l’achat des casinos ont été obtenus auprès d’une banque d’investissement avec usages

de faux documents. Abramoff a été condamné le 6 mars 2006 a 5 ans de prison.

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financière assure passe-droits et dérogations aux complexes nébuleux industriels et financiers.

 Mais jusqu’alors, ce Monopoly politique était contraint, encadré, surveillé et la corruption passive illégale. Avec la décision Citizen United vs. F.E.C il n’existe plus de limite aux montants que les corporations peuvent investir en politique, ni aucun contrôle sur la façon dont cet argent est dépensé. Plus de limites, plus aucun mécanisme de surveillance et de régulation : les vannes sont complètement ouvertes. Le terrain s’assèche, se craquelle, se fissure et ouvre une large béance…

A sol ouvert C’est à près de 100 ans de lutte contre l’influence des corporations en politique que, le 21 janvier 2010, les 9 juges de la Cour Suprême ont mis fin. Par 5 voix contre 4, la décision a mis à mort le Tillman Act mis en place par Teddy Roosevelt en 1907 empêchant l’argent de ces associations d’acheter les élections américaines. Elle a également, enterré toutes les précédentes jurisprudences de la Cour Suprême qui réaffirmaient cas après cas la position de Roosevelt. Mais que sont ces fameuses corporations ? Qu’ont-elles de si spécial pour bénéficier d’un tel traitement de la part de la Cour Suprême ? Jeffrey Clements, avocat, cofondateur de Freespeech.org a rédigé un “amicus curiae” (Avis juridique extérieur destiné à aiguiller les débats de la cour suprême) dans l’affaire Citizen United pour éclairer la Cour Suprême sur le risque d’influence des corporations sur la vie politique. Selon lui, le but légal de la corporation est de générer des profits. « Aucun impératif moral ne s’applique à la corporation qui par définition ne possède ni coeur, ni âme, ni conscience ». C’est pour cette raison, nous confie Clements, que les corporations n’ont pas à s’exprimer au sein d’une démocratie. Dans la vie de tous les jours, les corporations peuvent aussi bien ressembler à la supérette du coin, à une chaîne de restaurant, à une station-service ou bien à une multinationale telle que Coca Cola ou Apple. Des juges aux gouverneurs, des députés aux sénateurs en allant jusqu’au président lui-même, cette dépendance à l’argent pour être élu, puis réélu garantit un futur aux mains des corporations. Quel pouvoir restera-t-il aux politiciens indépendants, aux représentants du peuple ? D’ailleurs qu’en pense la population américaine ? 6

6 D’après un sondage conduit par Hart Research Associates for People for the American Way, 85% des électeurs pensent que les corporations ont

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Pourtant, les mises en garde ne datent pas d’hier. En 1953, dans son discours d’adieu à la nation, Dwight Eisenhower prévenait le peuple américain de l’influence du complexe militaro-industriel, tout comme Teddy Roosevelt près de 50 ans avant lui, avait prévenu ses concitoyens des méfaits de la corruption du corps législatif. Quelques jours après la décision Citizen United vs. F.E.C, c’était au tour de Barack Obama durant son discours sur l’état de l’union au Capitole, de pointer du doigt l’influence de l’argent privé dans le débat politique: “Je ne pense pas que les élections américaines doivent être influencées par les grandes puissances économiques de notre pays, ou pire par des ennemis de l’étranger. Elles doivent être le résultat du vote du peuple américain.”

Sous terre : le rhizome Pour permettre aux citoyens de soutenir un candidat et défendre un point de vue politique, le Federal Election Campaign Act autorise la formation d’une organisation appelée un PAC (un comité d’action politique). L’existence de ces PAC remonte bien avant la décision Citizen United vs. F.E.C. En revanche, la décision de 2010 a entériné l’absence de plafond aux montants collectés. Et, pour une certaine catégorie de ces comités nommés PAC (les 501c 4) assure la garantie de l’anonymat des donateurs, leur conférant dès lors un tout nouveau pouvoir... On pourrait dire que les comités PAC, de cette dernière catégorie, les mystérieux 501c 4, sont des “sociétés écrans” permettant aux fonds de transiter d’une main à une autre, sans laisser trace de leur origine. En souterrain, une deuxième vie politique, opaque, prend racine. Impossible de trouver l’origine de la pousse… à l’image d’un système de racines en rhizome s'enfonçant profondément dans le sol, se ramifiant à grande vitesse et permettant la multiplication végétative de ces plantes proliférantes et pourtant intraçables… Dans les mois qui ont suivi la décision de la Cour Suprême, des dizaines de ces fameux groupes d’influence ont d’ailleurs été créés. La quasi-totalité de ces organisations sont proches des conservateurs Républicains. Le Super PAC American Crossroads et son affilié Crossroads GPS, créés par Karl Rove, ancien conseiller spécial de Georges Bush s’est fixé pour but de lever $250 millions pour la campagne 2012. Depuis 2010, 38 comités d’actions politiques : Super PAC et 501c (les PAC garantissant l’anonymat des fonds récoltés) se sont constitués. On en compte 18 chez les Démocrates et 20 chez les Républicains. Ces comités ne cessent de pousser à droite et à gauche, comme l’ivraie enivrante qui gangrène un sol devenu infertile. A droite, certains PAC sont supportées par Karl Rove, ancien conseiller de Georges W.

trop d’influence sur la classe politique et 93% pensent que les citoyens n’en ont pas assez.

Le même sondage rapporte également que 95% des électeurs pensent que les corporations soutiennent les campagnes politiques principalement

pour influencer le gouvernement et faire élire des hommes/femmes politiques enclins à soutenir leurs intérêts financiers.

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Bush et des milliardaires comme les frères Kochs, tous bien décidés à faire tomber l’administration démocrate présumée peu favorable aux intérêts des corporations. Ces PAC pro-républicain totalisent à ce jour près de $177 millions de fonds contre $53 millions côté Démocrate. Une disproportion largement due aux contributions des corporations. Constitués dans l’unique but de soutenir les candidats des élections, ces groupes martèlent des messages propagandistes à travers du matériel de communication, des publicités TV négatives et tapageuses, des tracts, des spots radio très couteux.

Hic et nunc Aux Etats-Unis, traverse actuellement une période électorale présidentielle. Quelle sera l’issue en novembre 2012 ? L’Argent : comment devient-il « l’expression » du soutien des corporations aux campagnes politiques, quel sera son poids dans cette élection ? Dans l’ombre de cette décision CU vs FEC, notre documentaire tente d’éclairer les ramifications de cette mécanique obscure et méconnue de la population Française. En France, nous venons de traverser une élection présidentielle, les enjeux globaux de la crise financière mondiale nous font aussi regarder Outre-Atlantique. La teneur de l’échange entre François Hollande et Barack Obama lors de sa récente visite, nous montre bien que la question de la crise monétaire européenne ne se règlera pas uniquement en Europe. Nous portons en nous, aussi en tant que français, une interrogation à venir sur le fonctionnement et l’indépendance de la démocratie américaine contre les intérêts privés et financiers. Car en janvier 2013, quid de Barack Obama ou de Mitt Romney sera investit à la tête des décisions qui règleront le sort des populations ? En 2010 pour les élections de mi-mandat, la Chambre des Représentants bascule à droite, empêchant Barack Obama de mener à bien ses réformes. les Républicains se sont alors lancés dans une bataille d’influence colossale avec pour objectif de diminuer l’influence du gouvernement. En juin 2011, les représentants Républicains du mouvement Tea Party7 bloquent le vote, obligeant le gouvernement fédéral à relever son plafond de dette pour éviter un défaut de paiement. Par ricochet, et sous prétexte d’éviter le creusement du déficit, John Boehner (Chef du parlement, Républicain) et Eric Cantor, cherche à diminuer l’influence de l’administration et la force à fermer des pans entiers de son activité. En première ligne, l’éducation, l’indemnisation chômage, les services de protection environnementale et de régulation énergétique. Des secteurs qui s’opposent directement aux intérêts de puissantes industries. Pour avoir le champ libre, les corporations doivent museler voire éliminer les syndicats de travailleurs, premiers soutiens politiques et financiers des politiques Démocrates. Les premières tentatives sont menées dans le Wisconsin et dans l’Ohio. Objectif : interdire à des

7 Tea party7 - nouvelle force depuis les élections mi-mandat de 2010 sans laquelle les Républicains ne pourraient pas agir

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milliers d’enseignants, d’infirmières, de policiers et de pompiers de négocier leurs droits à travers les syndicats afin de diminuer le poids politique de leurs organisations. Une autre offensive vise à favoriser l’élection de candidats pro-corporation à tous les niveaux de décision. A défaut de convertir les électeurs qui votent démocrates à coup de publicités, il faut réduire leur nombre. C’est à la mi-2011 que plusieurs États dirigés par des gouverneurs Républicains imposent aux électeurs de présenter une photo d’identité pour pouvoir voter (ce qui n’était pas le cas avant). La cible : dissuader les minorités et les jeunes, qui votent majoritairement démocrate, mais qui ont des moyens modestes pour obtenir une carte d’identité. Ces opérations offensives requièrent de mobiliser des moyens humains et financiers considérables en terme de communication pour convaincre la population de leur bienfait. Au coeur de l’été 2011, le voile s’est levé sur les véritables intentions des candidats leaders aux primaires Républicaines : en août, Mitt Romney, milliardaire, ancien gouverneur du Massachussetts déclarait sans détour les corporations sont des individus (“corporations are people !”) . Dans les mois précédant cette provocation, Restore our future, un Super PAC créé par trois proches de Mitt Romney parvenait à lever près de $12 millions... C’est donc un (nouveau) monde qui est inauguré par le Chief of Justice, John G. Roberts. Placées sous la protection de la constitution et de son premier amendement, plus rien dans le futur ne pourra empêcher les corporations d’imposer leur point de vue et transformer les Américains en petits porteurs d’action des “États Incorporés d’Amérique”. Depuis déjà près de 20 ans, à travers ALEC (the American Legislative Exchange Council), ces groupements proposent régulièrement aux sénateurs et aux représentants, des lois utiles à leur propres intérêts. Rien qu’en 2010, 118 textes ont passé les fourches caudines du Congrès et sont devenus lois : toutes étaient porteuses d’une dérégulation favorable à un type d’industrie ou une autre. Ces lois sont généralement soutenues par des membres du Congrès qui - pour la quasi-totalité - sont Républicains. Nous nous interrogeons, regardons nos propres fonctionnements institutionnels et électoraux en France. Cette différence fait-il des États-Unis un pays amoral au regard de l’Europe, un pays vendu ? En France et en Europe, une telle confiscation du pouvoir semble peu probable dans les décennies à venir. Les conditions ne sont pas encore réunies, l’implication des peuples dans la vie politique encore trop forte, les dispositifs législatifs et les constitutions trop différentes. Si la mondialisation du marché et le poids de certaines multinationales se font sentir, leur influence reste encore limitée et régulée sur la sphère politique au regard de cette situation dantesque aux États-Unis.

A Ciel Ouvert, des voix s’élèvent… Nous écoutons les voix singulières de ceux qui s’élèvent aux Etats-Unis, pour protester contre cette dérive du système démocratique. Ils sont simples citoyens, journalistes, auteurs, juristes, entrepreneurs éclairés Ces activistes donnent l’alerte et tentent de réagir avant qu’il ne soit trop tard.

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Quel est l’agenda à venir post Citizen United vs. F.E.C ? Des organisations de citoyens telles que FixCongressFirst.org, Thestoryofcitizenunited.org mais également des organisations de corporations «responsables» telles que Business for Democracy, militent pour un désengagement des corporations dans le débat politique. Très tôt, les deux géants de la crème glacée américaine Ben & Jerry ont pris position contre Citizen United. Dans une vidéo diffusée sur le site web de l’organisation Business for Democracy, ils expliquent que leur entreprise est bien une somme d’individus, de citoyens, et leur voix compte. Mais Ben & Jerry demeure une corporation, elle ne doit pas intervenir dans le débat politique. Malgré le poids de Ben&Jerry, le message n’a pas eu le retentissement espéré. Près de 1300 compagnies proches des valeurs démocrates ont rejoint le mouvement. La majorité reste de petites entreprises. Leur impact, au regard des 27 millions d’entreprises aux Etats-Unis, reste relatif. Depuis septembre 2011, les initiatives se multiplient à la faveur du mouvement Occupy Wall Street. Selon l’écrivaine Naomi Wolf (proche du mouvement Occupy) la décision Citizen United vs. F.E.C est une préoccupation majeure et doit concerner tout un chacun. Le réalisateur et activiste Michael Moore est le premier à soutenir les manifestants de Zuccotti Park, portant leurs préoccupations sur le devant de la scène médiatique. Très vite, il est rejoint par Dylan Radigan (présentateur du show politique éponyme sur MSNBC). Ce dernier utilise le pouvoir de son émission pour pétitionner contre l’argent en politique. Sa plateforme web, Get money out of politics rassemble plus de 250.000 signatures. Ces signatures de citoyens, soutiennent une proposition d’amendement constitutionnel pour renverser les effets de la décision Citizen United. A travers le pays, les pétitions se multiplient à mesure qu’Occupy Wall Street gagne en popularité. Entre novembre et décembre 2011, Keith Ellison, Représentant du Minnesota et Bernie Sanders, Sénateur du Vermont, présentent chacun au Congrès un amendement anti-Citizen United. Tout indique que les prochains mois vont être décisifs pour ces activistes Libéraux. Si Barack Obama remporte la victoire au soir du 6 novembre, une fenêtre de tir pourrait s’offrir à eux et permettre de renverser la décision de la Cour Suprême en appuyant sur la Maison Blanche et le Congrès pour une réforme constitutionnelle. C’est dans ce contexte, où les entreprises les plus puissantes des États-Unis pèsent désormais dans le processus électoral, que notre documentaire traque, suit, cherche les fissures où le système se craquèle et laisse percevoir les signaux ostentatoires de la privatisation du système démocratique américain. Mais le film tend également une oreille attentive à toutes les voix de ceux pour qui l’arbre vertueux, prenant racine dans un idéal de démocratie libre, n’est pas mort et peut repousser sur le corps de la nation américaine.

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Traitement Prologue Washington D.C | Janvier 2013 Le film s’ouvre au petit matin, fin Janvier 2013. La foule commence à se presser sur National Mall à Washington D.C, pour assister à l’inauguration Présidentielle. Au pied du Capitole les invités prennent place. Photographes et cameramen tournent leurs objectifs vers la bulle vitrée ou le prochain Président prêtera serment. Tous viennent assister à l’investiture du 45ème président des États-Unis élu le 6 novembre 2012. Que ce soit le Républicain Mitt Romney, ou le Démocrate Barack Obama, comme il est de tradition, l’un des deux prête serment en face du Juge en chef des États-Unis John G Roberts (Chief of Justice). Président de la Cour Suprême des États-Unis. L’homme qui a bouleversé la course démocratique américaine. Le 45ème Président est le premier Président à avoir bénéficié du soutien massif d’un tout nouvel arsenal de communication financé par les corporations. Romney ou Obama, est le premier Président de l’ère Citizen United vs. F.E.C. Une ère, où les corporations et les syndicats sont protégés par le 1er amendement, garant de la liberté d’expression. Une ère sans précédent, où l’argent a inondé la sphère politique, où les groupes partisans ont une voix plus puissante que celle des électeurs. Une ère consacrée par la Cour Suprême de justice américaine et son Juge en chef John G Roberts. Nos premiers protagonistes partagent leur expérience, ressenti et analyse personnelle de la situation. Leur parole est précieuse car ce sont les premiers à s’être levés contre l’arrêt anti-démocratique que représente C.U vs F.E.D. Ils racontent ce qui ce cache derrière la décision de la Cour Suprême. Croisant entretiens hors-champs et plans serrés, des phrases résonnent, elles donnent la mesure de l’enjeu. Donna Edwards, représentante démocrate, qui fut la première à proposer un amendement anti Citizen United vs. F.E.C, 6 jours après la décision controversée rendue par Roberts, s’insurge du manque de soutien de la part de ses collègues parlementaires à l’époque. Keith Olberman, ancien présentateur de MSNBC et auteur d’une diatribe virulente contre John G Roberts, s’énerve contre l’apathie des grands médias et le manque de couverture suscité par la décision. Bernie Sanders, Sénateur Indépendant du Vermont, opposé à la décision, s’emporte contre les efforts des corporations à confisquer le pouvoir électoral de la population. Lawrence Lessig, avocat et activiste rejette l’idée qu’on laisse le Congrès être inféodé aux corporations. Ou encore, John Paul Stevens, juge associé à la Cour Suprême et auteur de la note de dissentiment dans le jugement Citizen United vs. F.E.C déplore la position de la cours et souligne son caractère dangereux. Nous retrouverons certains de ces protagonistes au fil du film.

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Part I : Un corps sans âme (Corporations are people)

Maryland | 6 Novembre 2012 Donna Edwards entourée de quelques membres de sa famille et de son staff observe médusée les résultats que CNN diffuse en boucle. Mitt Romney vient de remporter la victoire. La représentante Démocrate du Maryland rumine en silence les conséquences. Avec un second mandat d’Obama, elle aurait eu le temps d’organiser une riposte, malgré l’opposition de ses collègues républicains. Maintenant, il lui reste peu de chance de renverser la décision prise par le  Juge en chef des Etats-Unis J. G Roberts... l’homme par qui tout est arrivé. Jeffrey Toobin, avocat et analyste pour le New Yorker, observateur aguerri de la Cour Suprême, qui a écrit sur Roberts, nous le décrit comme l’homme clef de la décision Citizen United vs. F.E.C. John G. Roberts, 17ème Juge en chef des Etats-Unis,   résolument conservateur, sans son intervention, la Cour Suprême n’aurait pas retourné près de 100 ans de jurisprudence sur les lois de finances électorales. La voix posée et assurée de Tobbin en off, sur les images d’archives montrent que John G. Roberts commence sa carrière sous Reagan comme assistant de l’Avocat général. Très vite, il est nommé par Bush père à des postes clefs à la Justice, où il rédige de nombreuses de décisions conservatrices. Proche des Bush, il est ensuite nommé par Georges Bush fils pour prendre la tête de la Cour Suprême. L’ensemble de son propos est soutenu par des images d’archives montrant la nomination de Roberts et sa proximité avec W Bush.

Les démocrates, dont Barack Obama sénateur à l’époque, se sont largement opposés à cette nomination, voyant en lui un conservateur activiste. Ils soupçonnaient sa volonté partisane de diriger les débats de la Cour. Entre 2007 et 2010, lorsque Roberts prend la parole sur la notion de « liberté d’expression » c’est pour à chaque fois donner une interprétation à géométrie variable, ses interprétations au service de vues conservatrices. Jeffrey Toobin analyse alors la personnalité de Roberts, sa proximité avec le clan Bush, ses vues partisanes et le contexte de l’après 11 Septembre favorable aux Républicains. Tous ces points de convergences, ont préparé le terrain, pour qu’un arbitrage de cette amplitude puisse être pris, au plus grand bénéfice des corporations et des lobbyistes de Washington. J. G Robert est à l’image d’une mauvaise herbe, comme l’ivraie dans le champ de blé. Il a planté dans le sol d’une démocratie restée indépendante pendant plus de 100 ans, la première graîne d’une plante parasite et proliférante…

Le documentaire revient alors sur la genèse de la décision de la Cour Suprême. Comment Citizen United, groupe d’influence pro-conservateur s’est battu pour imposer sur les écrans un film anti Hillary Clinton durant les derniers moments de la campagne 2008 ? Comment le film a-t-il été interdit et sur quelle base Citizen United a cherché à défendre son film ? Pour mettre en lumière les conséquences de Citizen United vs. F.E.C, nous visitons Russ Feingold, artisan en 2002 de la réforme de financement des campagnes aux côtés du sénateur John McCain. Il nous offre alors une perspective bipartisane sur le financement des campagnes et sur les modifications nécessaires à celles-ci pour en assurer la parfaite

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transparence. A ce moment là, ce n’est pas l’expert avec lequel nous nous entretenons, mais bien l’homme politique. Celui qui pour être élu, a dû comme tous les autres faire des compromis pour trouver des financements, et recevoir des lobbyistes de tous bords quelques dollars contre un peu d’influence. Le cadre et le dispositif de l’entretien offre de l’espace. Le nom du protagoniste et sa fonction s’inscrit discrètement à l’écran dans une typographie claire. L’ensemble est épuré de tout élément visuel parasite susceptible de troubler le propos. La perception du spectateur doit reposer sur un message raisonné et documenté. Les échanges et les questions s’intensifient pour tenter de faire émerger une certaine contradiction. Comment l’artisan d’une réforme “propreté” se fait-il élire à son poste de sénateur. Si tous ses concurrents profitent d’un système corrompu par l’argent des corporations ? Dans un système, où 90% des élus, sont ceux qui ont le plus gros budget de campagne, comment a-t-il pu résister aux sirènes des lobbies ? L’idée derrière cette séquence, n’est pas de démontrer que tous les hommes politiques sont corrompus. Mais de mettre en lumière le fait que dans un système défaillant, des hommes politiques même intègres sont en position de faiblesse, car moins soutenus financièrement. Et sont obligés de composer et de jouer des coudes dans un rapport de force inégal : le volume global d’argent investi dans les campagnes politiques. C’est le système de campagne hérité de Citizen United vs. F.E.C. Anthony Corrado, expert en finances politiques et auteur de Financing 2008 Election rappelle les dispositions McCain / Feingold et les jurisprudences de la Cour Suprême antérieures à Citizen United vs. F.E.C. Il explique alors le fondement de la décision elle-même et détaille la controverse qui entoure John Roberts. Il rappelle l’ambivalence de ses déclarations contradictoires devant la commission d’examen fédérale, assurant tantôt son parfait respect de la jurisprudence, et tantôt sa volonté de faire respecter la liberté d’expression vue au service des conservateurs pro-corporationnistes. On sait qu’en coulisse il ourdit déjà les conditions d’un renversement du système. Ce processus est à l’image d’un réseau de fissures qui se propagent de manière systémique sous le poids de la pression et de la sécheresse. Les archives TV, prennent alors le relais pour rappeler l’état d’esprit de l’époque. Elles montrent Rachel Maddow, présentatrice du show éponyme, expliquer à l’écran ce que vient de faire la Cour Suprême. Keith Olberman et son « this is a sanction murder decision, this is Government of the people by the Corporation, for the corporation ».8 Greg Palast, journaliste spécialisé dans les questions de financement de campagne et auteur de “The Best Democracy Money can Buy” se rappelle de la réaction des médias à l’époque. Il livre son analyse sur le manque de couverture démocratie.

8 C’est une décision assasine, c’est le gouvernement du peuple, par les corporations, pour les corporations

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Un poste TV diffuse des news d’archive sur l’annonce de Citizen United vs. F.E.C. on se rapproche de plus en plus du cadre pour rentrer complètement dedans.

Part II : Liberté d’expression à vendre ? (Does Money equal free speech ?) Washington D.C | juillet 2012 Après cette mise en contexte, nous sommes de retour à Washington, quelques mois avant les élections de novembre 2012. Des touristes, des jeunes gens, des couples passent ici et là, devant la statue d’Abraham Lincoln, le 16ème président des Etats-Unis. Dans son discours de Gettysburg, il déclara que la démocratie était « le gouvernement du peuple, par le peuple pour le peuple ». Et si depuis 2010, la population américaine se dirigeait vers « un gouvernement du peuple, par les corporations, pour les corporations » ? Mais ici, à proximité de ce mémorial, qui semble prendre la mesure du paradoxe ? Cette population est-elle en train de perdre sa mémoire politique, celle d’un idéal de démocratie qui est peut-être en train de lui échapper. A Washington, c’est aussi le début d’une autre longue campagne… La grande messe de l‘élection présidentielle se prépare. Toutes les ressources sont nécessaires pour convaincre les électeurs. C’est le temps des pubs assassines, des campagnes de communication sans merci. C’est le temps de la politique spectacle. Le temps où les comités d’actions politique, les Super PACs conservateurs vont pouvoir déchaîner leurs forces et leurs finances contre le candidat démocrate Barack Obama. La campagne se prépare au siège des Républicains. On court dans tous les sens, on passe des coups de fils, on observe les derniers sondages. Les visages sont parfois tendus, des portes se referment sur des conversations, le secret est de mise. Rick Davis, ancien chef des campagnes 2000 et 2008 de John McCain, nous explique la stratégie. A ce stade, les points faibles du candidat adverse sont identifiés, la stratégie de communication est lancée plein pot et s’organise pour démonter un par un les points avancés dans le discours opposé. C’est aussi le temps des négociations et des levées de fonds qui permettent de financer la campagne. L’élection 2012 rajoute dans cette équation, la coordination officieuse du message politique à délivrer aux électeurs, entre les comités d’action politique, les Super PACs, et la campagne officielle. L’essentiel du message passera à travers une avalanche de pubs diffusées sur les principales chaînes du pays. Des groupes pro-conservateurs comme American Crossroads, porté par Karl Rove, l’ancien conseiller de Georges W Bush à la Maison Blanche, entame à peine son budget de $250 millions destiné à renverser les élections en faveur du candidat Républicain. L’argent a toujours été le moteur de la parole politique de ces groupes d’influence. Avec Citizen United vs. F.E.C, l’argent est désormais l’outil de leur liberté d’expression. Évidement les partis se défendent de coordonner leurs efforts avec ces groupes de supporters. A l’image de Mitt Romney qui en Décembre 2011 déclare dans une interview sur la chaîne américaine ABC, qu’il “n’écrit pas le script des groupes qui le supporte”. Républicains comme Démocrates bénéficient pourtant du support de ces Super PACs.

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Washington D.C | juillet 2011 David Axelrod, conseiller de Barack Obama pour la campagne 2008 et 2012 nous explique à quel point il est difficile de gérer ces groupes autonomes. Le message porté par ces Super PAC, du côté Démocrate, n’est pas celui souhaité par le candidat. Il peut alors être difficile d’établir une stratégie de communication homogène. D’autant plus difficile que leur simple existence semble plantée une épine dans le pied au Président sortant Barack Obama qui s’est déclaré opposé à la décision Citizen United vs. F.E.C, et par conséquent, à ces groupes d’influence. Un paradoxe difficile à embrasser. Dans le coin d’une salle de réunion, une TV allumée crache la dernière pub républicaine anti-Obama à 25 millions de dollars, avant de reprendre sur le fil d’actualités qu’un présentateur gominé débite à une vitesse folle. Washington D.C | Septembre 2011 John Bonifaz, avocat et activiste politique, dirige aux cotés de Jeffrey Clements, Freespeech.org une organisation non gouvernementale particulièrement en pointe sur le cas Citizen United. Rapidement, il nous donne les chiffres clefs appuyés par une série d’infographies pour comprendre le déséquilibre qui naît de la décision. « En 2008, un candidat sénateur dépense $1.5 million pour être élu, quand un candidat à la chambre des Représentants en dépense $1.4. Rien que pour la campagne présidentielle de 2008, les partis politiques ont dépensé près $1.5 milliard et les Comités d’action Politique (PAC) $1.2 milliard ». La décision de la Cour Suprême ouvre une brèche où s’engouffre énormément d’argent. Les contributions directes à un candidat sont encore interdites. C’est donc sur la communication que va se reporter les différents budgets de ces fameux comités : PACs, Super PACs et 501c4. Oui la pub politique est une arme essentielle pour gagner des votes ou discréditer son adversaire. Les spots de pub politique les plus emblématiques défilent. La première : “I like Ike”, publicité pro-Eisenhower diffusée en 1956, puis “the Ashley’s story ad” qui propulsa Bush en 2004 jusqu’aux dernières productions Hollywoodiennes de Mitt Romney, Rick Perry ou Barack Obama pour la campagne 2012. Ces spots nous montrent que l’utilisation de la pub en politique et une affaire de longue date et que son art s’est complexifié avec le temps tout en jouant un rôle clef dans des élections générales. New York City | octobre 2011 Nous nous retrouvons dans les couloirs d’une agence de pub, la Deutsh Inc. Donnie Deutsh, CEO et ancien présentateur sur la chaine câblée MSNBC, revient sur le rôle de la pub en politique et la stratégie sous-jacente. Il nous explique notamment que les campagnes sont nationales, souvent placées à des heures de grande écoute pour toucher le plus grand nombre d’électeurs potentiels. L’évènement le plus regardé reste le Super Bowl. En février, il réunit 90 millions de téléspectateurs. En moyenne, ce soir-là les 30 secondes de pub coûtent aux environs de $2.6 millions. Les campagnes sont donc coûteuses à produire et à diffuser. Parfois d’ailleurs on ne se

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contente pas que de pub TV. Spots radios, robot-call, campagne de tracts, c’est tout l’arsenal de communication qui est déployé pour influencer l’électorat. A ce jeu-là, les Démocrates ne sont pas en reste et bénéficient des mêmes armes... en théorie. Washington D.C | octobre 2012 Jeffrey Clements nous explique d’où proviennent les fonds qui permettent de telles dépenses. Sa voix vient supporter une série d’infographies qui montrent que parmi les donateurs Démocrates en 2008, on retrouve les syndicats, dont historiquement celui des enseignants, puis quelques membres du secteur privé issus de corporations “progressistes” telles que Google ou Microsoft et enfin la majorité de l’argent provenant des Grassroot campaign (argent donné par des particuliers). Les données de la campagne 2012 apparaissent ou l’on retrouve l’ensemble des contributeurs historiques, plus un certain nombre de Super PAC. Clements continue et nous décrit le paysage coté Républicain. Contributions majoritairement issues du monde des affaires et de la finance, et comme du côté Démocrate une nébuleuse de Super PAC s’est ajouté en 2012. les similarités s’arrêtent là. Il finit en comparant les deux partis, toujours appuyé dans son explication par une série d’animations simples basées sur des jeux de volumes et de couleur pour différencier les masses financières et les acteurs en jeu : - Côté Démocrate : 12 Super PAC, puis 6 groupes appellés 501 c (4) - organisations dont les fonds récoltés bénéficient de l’anonymat le plus complet - totalisent $53 millions. - Côté Républicain : 9 Super PAC, puis 11 groupes 501 c (4) totalisent près de $177 millions soit plus du triple. 90% des candidats remportant une élection aux Etats-Unis, sont ceux qui précisément ont le plus d’argent à disposition pour leur campagne nous explique Clements. On comprend alors les enjeux derrière une décision comme Citizen United vs. F.E.C. Part III : L’influence des Corporations (The rise of corporate influence ) Paris - New York city | Juillet 2012 + Archives A l’aide d’images d’archives entrecoupées d’entretiens avec l’historienne Linda Gordon, spécialiste des États-Unis au 20ème siècle à NYU et la politologue Nicole Bacharan, professeur à Science Po Paris, spécialiste de la société américaine. Nous traversons le passé. Nous sommes au début du siècle un peu avant l’époque du Fordisme, du travail à la chaîne et de l’industrialisation, alors que les premières corporations telles que nous les connaissons font leur apparition. L’Amérique essuie les plaies de 4 ans de guerre civile qui reste présente dans toutes les mémoires. En 1905 dans son discours annuel au Congrès, Teddy Roosevelt met en garde contre la corruption du corps législatif et contre l’argent des corporations. Deux ans plus tard, le Tillman Act interdit toute contribution aux campagnes politiques nationales de la part des corporations. Au cours des années suivantes, la démocratie américaine se dote de système de régulation et accumule les jurisprudences, certaines venant de la Cour Suprême, et la

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corruption recule. La crise de 1929, plongeant les uns dans la plus grande pauvreté d’une part, et donnant aux plus riches les leviers nécessaires pour assurer une position dominante d’autre part, fait craindre le pire. Mais la jurisprudence tient bon : pas de financement venant des corporations en politique. Au sortir de la guerre c’est le boum économique, l’Amérique prospère et se développe exportant le capitalisme érigée en doctrine politique, dernier rempart contre le communisme. A cette époque, capitalisme rime avec patriotisme et la puissance économique du pays ne souffre d’aucun compromis. Les unions encore très fortes voient leurs premières défaites, l’affaire Jimmy Hoffa éclate et l’arrivée de Nixon au pouvoir marque la fin d’une ère sacrée. Les années 80 et l’accession de Reagan au pouvoir, marquent l’âge d’or du capitalisme financier. Les théories de Milton Friedman, économiste néolibéral, étendent leur influence au monde occidental. Les corporations américaines Apple, Coca Cola, Levis, Ford ou Amoco sont les emblèmes de la réussite d’un système sur un autre : le communisme. Depuis la fin de la guerre, la Cour Suprême ne cesse de réaffirmer sa position sur la nécessaire et stricte séparation entre la sphère politique et le financement privé, mais les tentatives pour renverser la décision s’accumulent. Aux États-Unis, l’ère Reagan puis Bush père ont éliminé l’ensemble des régulations réellement contraignantes. La période Bush marque la célébration du pouvoir du capital et de la finance. C’est le point culminant du lobbying avec Jack Abramoff, Grover Norquist ou Karl Rove, les spins doctor qui oeuvrent dans l’ombre à Washington pour faire adopter toutes les réformes possibles favorables aux corporations et aux intérêts financiers. Après plus de 100 ans, le Tillman Act est finalement renversé avec le Citizen United vs. F.E.C, un renversement qui nécessitera plusieurs cycles d’élections pour que les conséquences, encore méconnues, se révèlent. Part IV : La Parodie du système dans le système New York city | Septembre 2012 Le documentaire propose de rencontrer les hommes qui de façons très diverses dénoncent le système en utilisant tour à tour les armes du militantisme ou même de l’humour pour réveiller les conscience civiques Américaines. Quand Stephen Colbert parodie le système, c’est toute « une nation » qui se réapproprie une culture politique. Le colbert report est un show grinçant qui fait rire l’Amérique. Stephen Colbert, l’acteur/animateur star du show éponyme sur Comedy Central a bien compris le paysage politique américain. Il est devenu lui même la parodie d’un système en revêtant le costume de l’ultra-conservateur typique, extrême sur toutes les positions, amis des riches et des puissants, cynique avec l’Amérique d’en bas. Quelques extraits du show montrent que l’acteur utilise tous les codes de la communication politique et du néo-libéralisme pour décortiquer avec un brillant humour les déviances d’un système de plus en plus corrompu. Mieux, il s’engage. A l’aide d’images d’archives, nous revenons sur sa convocation au siège de la F.E.C quand la commission l’autorisa à former un

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Super PAC. Son avocat, Trevor Potter, nous explique la démarche du comédien et les difficultés rencontrées. Colbert, lui, nous explique le fond de sa démarche, revient sur les enjeux, mais sans jamais quitter son rôle de composition. Ce n’est pas Stephen Tyrone Colbert le citoyen qui parle dans le film, mais bien la parodie du présentateur ultra libéral. Le prolongement de la parodie invite le spectateur à une double lecture. Celle-ci permet de mieux appréhender les fausses pubs de « America for a better tomorrow tomorrow », le Super PAC de Colbert, censées soutenir Rick Perry et Herman Cain, alors candidats aux primaires Républicaines, ainsi que la démarche de Colbert lorsqu’il va jusqu’à prétendre à la candidature Républicaine en Caroline du Nord, battant dans les sondages John Huntsman, un véritable candidat. Aujourd’hui, le Colbert Report est un véritable relai d’opinion et utilise l’humour et le second degré pour inciter à la réflexion. Avec son partenaire et ami Jon Stewart – présentateur du Daily Show – Stephen Colbert décrypte l’Amérique à travers une performance artistique permanente. La « Nation » Colbert découvre les absurdités du système à travers le rire. La dénonciation se fait dans la bonne humeur en usant et abusant des situations décalées. Si l’analyse de la pub politique à travers le regard de Colbert se fait avec humour, elle ne s’éloigne pourtant pas du sujet de fond, celui de l’influence colossale de ces communications politiques sur le corps électoral Américain. Le documentaire poursuit son chemin pour donner plus de fond. Progressivement, la pub soulève une série de questionnements. Combien ces spots coutent ils, qui paie, qui produit, pour quelle raison, comment en est-on arrivé à cette situation ou prés de 72% de l’argent dépensé dans la pub politique durant les primaires Républicaines provient de Super PACs ? Part V : Secret connexions A ce moment du documentaire, le film se penche sur les conséquences de la décision du 21 janvier 2010. Le dispositif d’interview change. Il n’est plus question de décortiquer mais de démontrer l’effet néfaste de la décision. L’idée est de pousser dans leur retranchement les défenseurs de Citizen United vs. F.E.C, de les faire réagir par provocation, de souligner les liens malsains entre candidats et corporations et la corruption passive qui en découle. Tampa - Floride | Fin Août 2012 Le cours de la campagne se poursuit et les candidats alignent les déclarations d’intention pour rallier à eux les électeurs potentiels et leur base. Les conservateurs durant les primaires ont dû rivaliser d’agressivité les uns avec les autres pour s’assurer une base d’électeurs effrayés par le contexte économique. La déclaration de Mitt Romney « Corporation are people » montre à quel point les liens entre corporations et candidats plus que jamais se sont resserrés. Les supporters des comités d’action politiques suivent aveuglement leur candidat de coeur, sans questionner particulièrement cette relation incestueuse. A Tampa, Floride, la convention Républicaine réunit des milliers de supporters galvanisés par un an de campagne. A trois mois des élections générales, c’est le moment qu’ils attendent

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depuis longtemps. Les allées du stade sont pleines, les banderoles sont fièrement tendues. Chapeaux et badges aux couleurs du GOP sont bien visés, tout est prêt pour recevoir le candidat Républicain au poste de président des États-Unis. Lorsqu’on leur demande d’expliquer cette relation entre l’argent et la politique, les réactions hostiles se font sentir. “C’est de la faute au main Stream médias, à Obama qui est socialiste, qui n’est pas Américain, qui détruit les États-Unis”. Comme il est courant de rapporter les messages politiques « Vu à la TV ». Aucun d’entre eux ne réalise qu’une menace bien plus grande pèse sur leur tête. Citizen United vs. F.E.C a non seulement ouvert les vannes à un torrent d’argent dont les Républicains sont majoritairement bénéficiaires, mais elle offre également une opportunité pour les puissances étrangères, les investisseurs mal intentionnés (Al Qaeda) de participer aux élections. Il suffit en effet que ces groupes ou ces pays disposent d’actions et possèdent des parts dans des corporations américaines pour faire valoir leur droit de vote au sein d’un conseil d’administration et de décider leur implication dans le débat politique américain. Delaware - Washington D.C | Pendant les élections Nous nous retrouvons dans un lobby immense, plaque de marbre, de chromes et de verre. Un homme entre dans le champs, on lui pose un micro. Il se présente, il est représentant de la Ben Laden corporation aux États-Unis. La question est posée : La Ben Laden corporation est-elle en mesure de supporter un candidat de son choix à travers la jurisprudence Citizen United vs. F.E.C ? La réponse a priori hésitante est pourtant positive. Ont-ils l’intention de soutenir un candidat durant cette course à la présidentielle 2012 ? Le représentant est embarrassé, il bafouille, regarde à droite et à gauche, puis répond qu’il ne peut pas répondre. L’image se brouille légèrement. Les contours moins nets suggèrent que l’on observe la même scène mais désormais à partir d’un écran. Le cadre s’élargit, nous sommes dans un bureau d’American Crossroads - le Super PAC pro-Républicain - Mike Duncan son CEO est assis, légèrement blême, un poil embarrassé, il vient de visionner la scène sur l’écran. Au début de la campagne American Crossroads s’est doté d’une organisation annexe Crossroads GP, une 501 c (4) dont les statuts autorisent à lever des fonds de façon illimitée sans jamais divulguer leur provenance. Entre 2010 et 2012, le nombre de ces organisations a explosé du côté Républicain. La question est posée à Mike Duncan: “Si la Ben Laden Corp. peut financer des Super PACs et des 501 c (4)... comment savoir que Crossroads GP n’a pas perçu d’argent de leur part ?” L’homme se défend d’avoir, lui-même ou l’organisation qu’il représente, un lien quelconque avec la Ben Laden Corp., mais en réalité, personne ne pourra jamais le savoir. Epilogue : The rise of United corporations of America Washington D.C | novembre 2012 Quelles sont les solutions ? Y-a-t-il seulement un remède à administrer à une démocratie mourante ? Certains pensent que oui. Les efforts de Lawrence Lessig, universitaire et activiste, fondateur de FixCongressfirst.org avance une proposition. L’option publique pourrait définitivement régler le problème de la

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dépendance des candidats à l’argent des corporations. Mais les candidats le veulent-ils vraiment ? Qu’en est-il de l’homme qui a soutenu que les corporations étaient des individus comme les autres ? Massachusetts - Delaware | Eté 2012 Flash-back durant la campagne. On retrouve Mitt Romney dans un village du Massachusetts où il est venu saluer la population avant de délivrer un de ses discours à caractère pro-libéral. On s’approche de lui, fendant la foule de reporters qui s’agglutine autour de lui. C’est la bousculade et au milieu de ce tohu-bohu la question est lancée : “Monsieur Romney, allez-vous amender la Constitution pour renverser le cas Citizen United ?”. Il ne répond pas, à peine un sourire. On repose la question avant que le candidat ne s’éloigne. Second test, en soirée, Mitt Romney achève un discours dans le Delaware, on le retrouve dans la foule, en train de saluer les supporters Républicains. La question est à nouveau posée : “Monsieur Romney, allez-vous amender la Constitution pour renverser le cas Citizen United ?”. L’homme ne répondra pas, malgré d’autres tentatives. Mais a-t-il le soutien de toutes les corporations ? Société Ben&Jerry | octobre 2012 On se retrouve chez Ben&Jerry dans le Vermont, les patrons de la compagnie éponyme. Ils nous font visiter une de leur usine, les pots de milliers de litres crème glacée de parfums tous plus incroyables les uns que les autres. L’usine est gigantesque à l’image de l’entreprise. Les seuls individus présents sont les salariés qui travaillent sur place. Très tôt le discours des deux partenaires a été clair, Ben&Jerry est une corporation. Une entité créée pour réaliser un but : vendre des crèmes glacées et en tirer un profit. Cette corporation - qui n’est pas un individu - n’a aucun droit à venir s’immiscer dans la vie politique américaine. En réaction, ils ont monté Business for Democracy un groupe de plus de 1300 corporations responsables, toutes signataires d’une charte les engageant à ne pas participer au débat politique de façon directe ou indirecte. Partout à travers les États-Unis, des groupes de citoyens se forment et pétitionnent pour obtenir l’adoption d’un amendement constitutionnel stipulant que par “We the people” les pères fondateurs n’incluaient pas les corporations. Soutenu par quelques représentants à Washington dont Bernie Sanders, Sénateur du Vermont ou Donna Edwards représentante du Maryland, le mouvement anti Citizen United vs. F.E.C tente d’agir au plus vite en relais avec quelques organisations d’influence telles que Movetoamend.org. Leurs efforts, les enjeux, les difficultés rencontrées, chacun d’eux nous livre un témoignage de cette bataille, de leur révolte, et de leur combat pour la démocratie L’issue de l’élection 2012 aura donc un impact considérable sur la suite des évènements. Que ce soit pour l’option publique comme pour l’amendement constitutionnel, ces activistes auront besoin d’un réel support politique pour rendre concret leurs aspirations et faire voter les textes nécessaires. Avec L’homme des corporations, Mitt Romney au pouvoir, la majorité au congrès bascule

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définitivement à droite, bloquant ainsi tout espoir de réforme favorable aux populations. Si Barack Obama l’emporte, le partie démocrate devra encore se battre pour récupérer la majorité puis avoir le courage de voter les réformes indispensables. Sans amendements, toutes les élections fédérales ou générales, du juge au shérif, de l’attorney général au gouverneur jusqu’au représentants du congrès porteront la marque de la suspicion. Le congrès Américain en 2013 aura t’il le courage de réformer ? Le candidat démocrate de 2016 pourra t’il renverser la machine. Si Mitt Romney remporte l’élection 2012 ? Et si Barack Obama est élu pour un second mandat, quel sera l’homme des corporations de 2016….Jeb Bush ? Tout dépendra de l’homme qui se tiendra en face de John G Roberts le 20 janvier 2013, trois ans jour pour jour après la décision de la cour suprême. Tout dépendra de l’identité du prochain président des Etats-Unis…

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Note d'intention des auteurs

D’aussi loin que je me souvienne, l’image de l’Amérique, a toujours été associée dans mon esprit à son histoire politique grandiose et romanesque (l’assassinat de Kennedy, la chute de Nixon, l’ascension de Reagan, les guerres des Bush et la revanche historique d’Obama). Cette perception d’adolescent a conduit mes pas de photographe professionnel à m’installer aux Etats-Unis durant 5 années, pour y observer la société américaine intimement. Le challenge de l’intégration au sein d’une culture si proche en apparence et pourtant si subtilement différente m’a finalement fait “ressentir” les États-Unis dans tous leurs contrastes et leur complexité. Avec humilité, j’ai découvert la dynamique d’un grand pays et la force de sa culture. C’est au cœur de l’inauguration présidentielle de 2009 que j’ai compris le poids du système démocratique américain. Non seulement est-il important pour le peuple américain lui-même, mais également pour l’ensemble de la planète qui ne cesse de regarder vers cette superpuissance tantôt pour la défier, tantôt pour l’admirer. Entouré par des milliers de gens venus des quatre coins du pays, j’ai eu le sentiment que la voix qui s’était levée pour élire le premier président noir des États-Unis était également en train de perdre une bataille plus secrète, commencée des décennies auparavant, et que ce dernier acte de bravoure populaire allait celer leur destin. Le pouvoir de l’argent, qui avait conduit à la crise économique de 2008 et mis sur le carreau des familles entières n’allait décidément pas abdiquer à la vox populi. Les enjeux financiers et d’influence étaient trop grands. Les premiers à en pâtir allaient être ces hommes et ces femmes avec lesquels je me tenais sur National Mall, à Washington. A travers la réalisation de ce documentaire, nous souhaitons prendre ce temps indispensable à la compréhension, à l’encontre d’une enquête journalistique, Jean Nicholas et moi-même, proposons de rassembler les morceaux d’un puzzle qui se construit depuis près d’une décennie, lézardant d’une fissure indélébile le système démocratique qui l’a conduit à la décision suicidaire du 21 janvier 2010. Méconnue du public américain et française, largement ignorée par les médias de droite et du centre, peu couverte par les médias de gauche, cette décision de la Cour Suprême, selon le sénateur John McCain, ancien candidat Républicain à la Maison blanche en 2008, porte les germes d’une corruption généralisée du système politique aux Etats-Unis, une fissure profonde et insidieuse qui le ronge de l’intérieur. Par une réalisation organique, créant des liens entre les événements, nous voulons rendre compte de cette situation. La parole des protagonistes sera évidemment au cœur de notre film mais une parole écoutée, assumée, amenée, voire poussée dans ces derniers retranchements, une parole intelligible de laquelle, des profondeurs, sort une vérité. Pas

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forcément celle voulue par l’interviewé mais celle mise à nue à la manière des montages de William Karel ou de celui de Charles Ferguson dans Inside Job, qui a montré que des sujets pointus loin de désintéresser le public, l’a attiré en masse. Français, j’ai grandi dans un système démocratique, où, certains garde-fous permettaient de prévenir, réguler, ou sanctionner les dérives et la corruption de nos hommes politiques. Cette possibilité et liberté de décision, par les urnes, changer le cours de notre histoire, a affirmé sans aucun doute ma conscience politique et citoyenne. Durant mes cinq années de vie passée aux États-Unis, j’ai pu avec regret et parfois révolte, observer l’intégrité du système démocratique américain se fissurer. J’ai constaté avec amertume, que cette chance dont nous bénéficions encore en Europe et plus particulièrement en France, d’avoir une démocratie fonctionnelle, venait d’être enlevée aux Américains sans qu’aucun d’eux n’aient encore eu l’occasion de le réaliser. Moneyocratie démonte pièce par pièce la mécanique, qui en coulisse, à l’ombre des regards, s’est mise en branle et a abouti à cette situation dantesque. Nous souhaitons que les spectateurs du documentaire appréhendent la situation, par cette prise de temps nécessaire à l’intelligence, de la même manière que je l’ai fait, en assemblant les évènements éparses qui se sont déroulés entre 2008 - date de la sortie du film “Hilary Clinton” commandité par le groupe “Citizen United” à l’origine de la décision de la Cour Suprême - et janvier 2010. Moneyocratie cherche, pour créer ce lien nécessaire avec lui, à plonger le spectateur dans les codes et la grammaire visuelle américaine, pour mieux l’emporter dans un univers qu’il ne connait pas. Le documentaire, volontairement au rythme plus lent, cherche à mieux lui faire appréhender une culture politique et médiatique à l’opposé de la France. Créer ce décalage par une narration qui laisse le temps de remonter les faits, sert alors le propos du film en plongeant directement dans les rouages de la machine électorale US. Sans être un spécialiste, c’est une immersion directe et immédiate dans un autre environnement d’images au service d’une dénonciation d’un processus. Mais avant tout, ce film cherche à faire comprendre les enjeux qui se trament autour de la démocratie américaine pour susciter une prise de position définitive en faveur de la défense des droits exclusifs des peuples et des individus à s’exprimer sur leur destin.

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NOTE DE PRODUCTION   Plus qu’une simple enquête politique sur la prochaine campagne présidentielle américaine, les auteurs Gérald Holubowicz et Jean-Nicholas Guillo ont véritablement nourrit un propos, un point de vue, une démarche sous l’angle d’un questionnement de la démocratie américaine à travers le fonctionnement de son financement électoral. C’est d’abord cette démarche qui nous a convaincu, ainsi que l’effort de documentation et de recherche minutieuse dont elle a fait l’objet d’une part, et d’autre part pour le traitement d’une situation devenue ubuesque aux Etats-Unis : son show permanent et tapageur de publicités politiques, la conséquence directe de la décision de 2010 rendue par la cour suprême permettant que des sommes colossales soient investies sur des campagnes politiques. Toutes ces extravagances, permises à coup de messages hauts en couleurs et de moyens financiers dignes de blockbusters américains, devraient interpeller le public français pour aller plus loin dans la compréhension plus en profondeur de cette « moneyocratie » américaine. Ce documentaire est une porte d’entrée vers des ramifications financières plus obscures. Nous proposons de faire découvrir au public français, ce sujet mal connu ici sur notre territoire et qui appellent des prolongements et des questions pour l’avenir.

Nous avons accompagné les deux auteurs dans le développement de ce projet depuis un an, Normandie TV s’est engagé pour la diffusion de ce documentaire de 90 minutes. L’ambassade de Washington, et l’alliance Française de Washington nous soutiennent et vont apporter leur contribution au film. Nous demandons l’aide à la production documentaire du CNC, afin de nous aider à mener à bien ce documentaire nécessaire et ambitieux.

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Gérald Holubowicz

Auteur, Réalisateur, Photographe. Gerald Holubowicz est photojournaliste depuis près de 10 ans, basé à New-York depuis 2006. Il a collaboré avec les agences Abaca, Gamma et Polaris. Il est aujourd’hui distribué par l’agence allemande LAIF. Son travail a été publié en France et à l’étranger dans les principaux titres de la presse magazine tels que VSD, le Nouvel Observateur, l’Express, le Point, Stern, Bild, Internazionale, Portfolio, Newsweek, Time Magazine, et Life. En 2008, Gerald a couvert la campagne présidentielle américaine qui allait conduire à l’élection de Barack Obama, la soirée électorale à Harlem et l’inauguration du 20 janvier 2009 à Washington. Ce travail fut l’occasion pour lui de découvrir l’extraordinaire complexité du processus électoral aux Etat-Unis et d’initier une réflexion sur le projet présenté dans ces pages. Parallèlement, Gerald s’est intéressé dès 2008 aux questions liées aux webdocumentaires et à la narration transmédia, rencontrant les professionnels en pointe dans ce domaine à travers le Transmédia Meetup de New York et diverses conférences entre New York et Paris. Depuis peu, sous l’impulsion de travaux réalisés par Sandra Gaudenzi de la MA Interactive Media of the London College of Media, il milite pour l’adoption de la terminologie i-doc (interactive documentary) où l’intéraction est poussée au-delà de la simple interface en faisant intervenir community management En 2011, il a animé l’atelier vidéographie au sein de la formation photojournaliste de l’EM I à Paris, dirigeant la vingtaine d’étudiants pour coréaliser avec Jean-Nicholas Guillo un documentaire (Maux de presse). Il est également intervenu au sein de l’atelier webdocumentaire où il a supervisé la réalisation d’un webdoc. Il a par ailleurs écrit un manuel de vidéographie édité par les éditions Eyrolles et collabore au site web sur le documentaire interactif (i-docs.org) en collaboration avec d’autres professionnels.

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Jean Nicholas Guillo

Co-Auteur & Photojournaliste. Jean-Nicholas Guillo, ne se contente pas seulement de la photographie pour exprimer sa créativité, il est aussi vidéographe, réalisateur et monteur. Au-delà des piges qu'il réalise pour Télérama et Le Monde, ses POM (Petites OEuvres Multimédia, courts métrages photographiques) sont projetés à l'occasion de festivals comme Visa pour l'image, le festival Circulations ou dans des lieux culturels alternatifs parisiens. Après avoir suivie la formation Photojournalisme à l'EMI (école des métier de l'information) et réalisé différents reportage photos en France comme à l'étranger, il s'engage dans le développement multimédia de ses sujets. C’est avec The Ninth Floor un reportage multimédia de Jessica Dimmock produit par MediaStorm qu’il découvre une nouvelle forme de récit. Cette prise de position l’amène aujourd'hui à travailler également en tant que réalisateur et monteur pour d'autres journalistes et institutions incluant de l'image fixe, de la video et de l'audio. Il réalise en 2010, avec le soutien de Mat Jacob (Tendance Flou), un court-métrage photographique Faubourg Saint-Denis au sein du collectif FSD réunissant 19 photojournalistes. Parallèlement, il constitue le collectif 1/25ème avec 7 autres photographes indépendants, pour promouvoir leurs travaux lors de projections communes à Perpignan, Arles et Paris. En 2011, il anime la partie post-production de l’atelier vidéographie au sein de la formation photojournaliste de l’EMI à Paris, regroupant une vingtaine d’étudiants pour coréaliser avec Gerald Holubowicz un documentaire (Maux de presse).

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PRESENTATION DE LA SOCIETE HAPPY FANNIE

HAPPY FANNIE est une société de production audiovisuelle travaillant à la confluence des nouvelles images et des nouveaux médias. Depuis sa création en Août 2008, l’activité d’Happy fannie est dédiée à la production de projets innovants. Nous travaillons également à mettre les technologies numériques au service d’œuvre audiovisuelles. A travers l’exploration de nouveaux supports, Happy Fannie entend produire des films libres, innovants et originaux. La production de Faits Divers Paranormaux, une série de fiction écrite et réalisée par Jean-Christophe Establet, à été pour nous l’occasion de développer un savoir faire en production dans les domaines artistiques, juridiques et financiers. Le soutien accordé à ce précédent projet par le CNC (commission d’aide aux projets pour les nouveaux médias en 2009) ainsi que la participation d’Orange Cinéma Série, nous a permis de mener à bien cette expérience passionnante, une des premières initiatives visant à la convergence des médias autour d’une fiction TV. Happy fannie a également accompagne Fanfan2, Quinze ans après, une fiction littéraire participative (média sociaux, web, i-phone, ipad) écrite tous les jours par Alexandre Jardin, et produite par la division des contenus d’Orange.

FANNIE est l’association de 2 producteurs : Sandrine Girbal et Matthieu Chéreau. Sandrine GIRBAL a travaillé en télévision (Canal+, TPS jeunesse) et en radio (RFI) puis dans des sociétés de production de longs-métrages français (Central Films, Fidélité Films). Elle construit son expérience auprès de producteurs aguerris aussi bien de longs-métrages de fiction, que des documentaires politiques comme Looking for Fidel, un documentaire d’Oliver Stone sur Fidel Castro produit par Fernando Sulichin chez Central Films. Au fil de son parcours, elle s’intéresse à tous les aspects de la production en développant parallèlement des projets. A présent, elle produit pour Happy Fannie le documentaire Moneyocratie.

Matthieu CHEREAU diplômé de Sciences Po Paris, il a été successivement critique aux Cahiers du cinéma et sélectionneur de longs-métrages en festival (Semaine de la critique de Cannes). Également responsable du contenu au sein de la plateforme vidéo EYEKA, il est adepte de nouvelles technologies, il s’intéresse aux nouvelles images et aux nouveaux supports de diffusion. Il a produit “Meg Chan”, un documentaire réalisé par Takako Yabuki avec le soutien de la SCAM. FANNIE, à travers l’association de ces producteurs, c’est aussi et avant tout : de l’énergie à revendre, un vrai côté maniaque, et de la suite dans les idées. FANNIE renvoie étymologiquement à la lumière, et incarne l’idée que nous nous faisons de la production. 1. Clarifier. Le cinéma est riche en révélations, en projetant il dévoile. Nous sommes partisans d’un cinéma simple et direct, qui va droit au but.

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2. Éclairer. Nous produisons des films qui nous inspirent, et éclairent la société sous un nouveau jour. 3. Se projeter. Entre documentaire et fiction. Croire pour nous, c’est adhérer à des histoires qui parlent, qu’elles soient réelles ou fictives elles invitent le public à se projeter par la conscience ou l’imaginaire. 4. Rayonner. La lumière que nous partageons à travers les films, nous la tenons des auteurs, et des partenaires qui a un moment donné nous accompagnent. Derrière Fannie, c’est toute une famille qui rayonne. Nous souhaitons produire des films indépendants et innovants, défendre des auteurs auxquels nous croyons et mener à bien leur projet, créer des relations de confiance dans le temps avec nos partenaires financiers, les diffuseurs et les institutions.