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Focus CGAP N o 17 septembre 2000 Microfinance et gestion des risques : la perspective du client A mesure que le secteur de la microfinance se développe, les prestataires de services cherchent de plus en plus à mettre au point des produits nouveaux et meilleurs. L’importance accordée au développement de nouveaux produits s’explique par l’intensification de la concurrence sur le marché de la microfinance, la recherche de créneaux mieux définis et l’inquiétude que suscite le niveau élevé de perte de clients. Pour concevoir un produit qui sera bien accueilli, il faut d’abord comprendre les besoins financiers des clients existants (et potentiels) et voir de quelle manière les services financiers s’inscrivent dans leurs stratégies de gestion de trésorerie. Pour cela, il faut avoir conscience des objectifs économiques des ménages pauvres, savoir comment ils organisent leurs ressources et activités et comment ils gèrent le risque au quotidien. Ces données de base peuvent fournir un bon point de départ pour mieux comprendre les préférences des ménages pauvres en matière de services financiers. Une étude récemment réalisée dans la perspective du prochain Rapport sur le développement dans le monde (2000-2001) 1 sur la pauvreté montre bien l’importance de se concentrer sur le risque et la vulnérabilité pour comprendre les potentialités et limites qui caractérisent les liens entre pauvreté et microfinance. Cette étude est axée sur un certain nombre d’aspects de la pauvreté autres que le revenu, et plus particulièrement sur la façon dont les pauvres utilisent les services de microfinance pour se constituer un capital matériel, financier, humain et social, atténuer les risques et réduire leur vulnérabilité. L’étude cherche à répondre aux quatre grandes questions suivantes : Quels sont les bénéficiaires des programmes de microfinance ? Quelle est la nature des risques auxquels sont exposés les clients ? A quelles stratégies les clients ont-ils recours pour gérer les risques auxquels ils sont exposés ? Quel est le rôle des services de microfinance dans ces stratégies ? Les recherches sur le terrain ont porté sur sept institutions de microfinance (IMF) situées dans quatre pays (Bolivie, Bangladesh, Ouganda et Philippines). Utilisant des méthodes peu coûteuses, les auteurs de l’étude ont réuni un ensemble de données qualitatives et quantitatives de base sur les clients et non clients des IMF. L’étude s’appuie sur les données recueillies lors d’entretiens sur le terrain avec quelque 1 500 clients d’IMF dans les quatre pays. Les éléments d’information ainsi rassemblés ont été complétés de données indirectes et de conclusions d’autres études d’impact récentes. Conclusions de l’étude réalisée pour le Rapport sur le développement dans le monde Quels sont les bénéficiaires des programmes ? Le classement des ménages par niveau de richesse fait ressortir l’hétérogénéité de la clientèle des IMF étudiées. Les clients se CGAP GROUPE CONSULTATIF D’ASSISTANCE AUX PLUS PAUVRES [UN PROGRAMME DE MICROFINANCE] La série de notes Focus constitue un des supports clés de diffusion d’informa- tions sur les meilleures pratiques en matière de microfinancement auprès des gouvernements, des bailleurs de fonds, des institutions financières et du secteur privé. Si vous désirez recevoir les autres numéros de la série, ou envoyer des commentaires ou contributions, veuillez contacter le Secrétariat du CGAP à l’adresse suivante : CGAP Secretariat 1818 H Street, NW Washington, DC 20433 Tél : (202) 473 9594 Fax : (202) 522 3744 Courrier électronique : [email protected] WWW : http://www.cgap.org

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Focus

C G A P

No 17s e p t e m b r e 2 0 0 0

Microfinance et gestion des r isques :

la perspective du cl ient

A mesure que le secteur de la microfinance sedéveloppe, les prestataires de services cherchentde plus en plus à mettre au point des produitsnouveaux et meilleurs. L’importance accordéeau développement de nouveaux produitss’explique par l’intensification de la concurrencesur le marché de la microfinance, la recherchede créneaux mieux définis et l’inquiétude quesuscite le niveau élevé de perte de clients.

Pour concevoir un produit qui sera bienaccueilli, il faut d’abord comprendre les besoinsfinanciers des clients existants (et potentiels) etvoir de quelle manière les services financierss’inscrivent dans leurs stratégies de gestion detrésorerie. Pour cela, il faut avoir consciencedes objectifs économiques des ménages pauvres,savoir comment ils organisent leurs ressourceset activités et comment ils gèrent le risque auquotidien. Ces données de base peuvent fournirun bon point de départ pour mieux comprendreles préférences des ménages pauvres en matièrede services financiers.

Une étude récemment réalisée dans la perspectivedu prochain Rapport sur le développement dansle monde (2000-2001)1 sur la pauvreté montrebien l’importance de se concentrer sur le risqueet la vulnérabilité pour comprendre les potentialitéset limites qui caractérisent les liens entre pauvretéet microfinance. Cette étude est axée sur uncertain nombre d’aspects de la pauvreté autresque le revenu, et plus particulièrement sur lafaçon dont les pauvres utilisent les services demicrofinance pour se constituer un capitalmatériel, financier, humain et social, atténuerles risques et réduire leur vulnérabilité.

L’étude cherche à répondre aux quatregrandes questions suivantes :

• Quels sont les bénéficiaires desprogrammes de microfinance ?

• Quelle est la nature des risquesauxquels sont exposés les clients ?

• A quelles stratégies les clients ont-ilsrecours pour gérer les risques auxquelsils sont exposés ?

• Quel est le rôle des services demicrofinance dans ces stratégies ?

Les recherches sur le terrain ont porté sursept institutions de microfinance (IMF)situées dans quatre pays (Bolivie, Bangladesh,Ouganda et Philippines). Utilisant desméthodes peu coûteuses, les auteurs del’étude ont réuni un ensemble de donnéesqualitatives et quantitatives de base sur lesclients et non clients des IMF. L’études’appuie sur les données recueillies lorsd’entretiens sur le terrain avec quelque1 500 clients d’IMF dans les quatre pays.Les éléments d’information ainsi rassemblésont été complétés de données indirectes etde conclusions d’autres études d’impactrécentes.

Conclusions de l’étude réalisée pour leRapport sur le développement dans lemonde

Q u e l s s o n t l e s b é n é f i c i a i r e s

d e s p r o g r a m m e s ?

Le classement des ménages par niveau derichesse fait ressortir l’hétérogénéité de laclientèle des IMF étudiées. Les clients se

C G A P G R O U P E C O N S U L T A T I F D ’ A S S I S T A N C E A U X P L U S P A U V R E S [ U N P R O G R A M M E D E M I C R O F I N A N C E ]

La série de notes Focus

constitue un des supports

clés de diffusion d’informa-

tions sur les meilleures

pratiques en matière de

microfinancement auprès

des gouvernements, des

bailleurs de fonds, des

institutions financières

et du secteur privé.

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Philippines (CARD) Ouganda (UWFT) Bolivie (quatre programmes) Bangladesh (BRAC)

Indigents négligeable négligeable négligeable négligeable

Très pauvres quelques-uns peu presque aucun ~40 %Assez pauvres beaucoup beaucoup beaucoup ~35 %Vulnérables mais non pauvres quelques-uns beaucoup beaucoup ~25 %

T a b l e a u 1 : Q u e l s s o n t l e s b é n é f i c i a i r e s d e s I M F ? *

sont eux-mêmes classés dans l’une des catégoriessuivantes : indigents, très pauvres, assez pauvres (justeau-dessous du seuil de pauvreté) et vulnérables maisnon pauvres (juste au-dessus du seuil de pauvreté). Ainsiqu’il ressort du tableau 1, l’étude réalisée pour le Rap-port sur le développement dans le monde, complétée desconclusions d’autres études d’impact, montre que :

• La plupart des clients appartiennent à des ménagesassez pauvres et vulnérables mais non pauvres ;

• Les clients appartenant à des ménages très pauvresparticipent aux programmes de microfinance maissont minoritaires. Les programmes visant expressé-ment les segments les plus pauvres de la populationtouchent généralement un plus gros pourcentagede clients appartenant à des ménages très pauvres ;

• Les indigents ne font pas partie des bénéficiairesdes programmes de microfinance.

Les ménages vulnérables mais non pauvres représententune partie importante de la clientèle de nombreuses IMF.Cette catégorie de clients n’a ni assurance ni couverturesociale et peut facilement tomber dans la pauvreté à lasuite d’un choc économique (voir encadré 1).

L’objectif de nombreux programmes de microfinanceétant de faire reculer la pauvreté, ces conclusions semblentplaider en faveur de mesures innovantes — qui amélioreraientla conception des produits et services offerts — pourmieux répondre aux besoins d’un éventail plus large de

E n c a d r é 1 : P a u v r e d u j o u r a u l e n d e m a i n

Contrairement à la majorité de la clientèle des institutions demicrofinance, Mme Muwanga connaissait mal le monde dutravail informel avant d’obtenir son premier prêt de l’UgandaWomen’s Finance Trust (UWFT). La famille de Mme Muwangaétait relativement aisée. Son mari était avocat et leurs enfantsfaisaient leurs études en internat et à l’université Makerere deKampala. Ils vivaient confortablement dans une maison de cinqpièces. En avril 1997, l’époux de Mme Muwanga a eu uneattaque et, depuis, ne peut plus travailler. Du fait de cette pertesoudaine de revenu, Mme Muwanga est devenue soutien defamille, et les enfants ont dû être retirés de l’école et del’université. Elle s’est lancée dans la préparation et la vente degâteaux. Son premier prêt lui a permis de réaliser un petitbénéfice d’environ 150 dollars. Elle n’a pas été aussi chanceusependant le deuxième cycle de prêt. L’achat d’une farine demauvaise qualité l’a obligée à retirer ses économies et à vendresa cuisinière pour rembourser le prêt. Après cette expérience,elle a loué un espace dans la cantine de l’école et s’est lancéedans la préparation de repas et de collations pour les élèves etles enseignants. Cette histoire illustre les aléas de la générationde revenu et la nature évolutive de la pauvreté.

clients allant des ménages très pauvres aux ménagesvulnérables non pauvres. Pour toucher un plus grandnombre de pauvres, ces innovations devront réellementtenir compte des risques et de la vulnérabilité auxquelsceux-ci doivent faire face.

Q u e l l e e s t l a n a t u r e d e s r i s q u e se n c o u r u s p a r l e s c l i e n t s ?

Quel que soit leur niveau de pauvreté, tous les clientsdes services de microfinance sont exposés à des risquesfréquents et diversifiés. Un client de la banque CARDaux Philippines résume parfaitement cette situation :«... la vie des pauvres est un risque permanent ». Lessources de risque sont multiples. Citons les facteursstructurels, tels que les variations saisonnières, l’inflationet les aléas météorologiques ; les évènements imprévus,telles que la maladie ou le décès d’un membre de lafamille, la perte d’un emploi, l’incendie et le vol ; lesgrosses dépenses liées aux épisodes de la vie, tels que lemariage, les obsèques et l’éducation des enfants. Il y aégalement les risques qui sont liés à l’exploitation d’uneentreprise ou à la signature d’un contrat de prêt.

Les clients interrogés ont cité la maladie comme principalfacteur de risque, suivie par le décès d’un membrede la famille et les accidents. Le risque d’entreprise a étéfréquemment mentionné en Bolivie et aux Philippines,pays dont l’économie a subi des transformations structurellesprofondes et rapides. Le risque lié à l’emprunt a aussi étésignalé, notamment par les titulaires d’un premier prêt etpar des clients de longue date bénéficiant de prêts d’unmontant plus important. Le risque de défaut de paiementet de privation d’accès à un précieux service financier peutse doubler d’une perte d’amour-propre ou de confianceen soi et d’une mise à mal des liens sociaux. La figure 1fait ressortir l’importance relative des facteurs de risquepour les clientes de l’Uganda Women’s Finance Trust.

L e r ô l e d e s s e r v i c e s f i n a n c i e r s d a n sl a g e s t i o n d u r i s q u e

Examinant la façon dont les services de microfinancepeuvent aider les clients à gérer le risque, Rutherfordconsidère le risque en termes de chocs et de tensionséconomiques qui obligent les ménages à verser en uneseule fois une somme d’argent dont ils ne peuvent disposersur le champ2 . Le Rapport sur le développement dans lemonde considère la vulnérabilité des clients aux chocscomme un élément essentiel de la pauvreté. Les servicesfinanciers permettent aux ménages pauvres de trans-

* Estimations des enquêteurs sur la base des éléments d’information disponibles (résultats d’études secondaires, entretiens individuels avec le personnel et la clientèle des IMF et entretiens avec des groupes tests).

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C G A P G R O U P E C O N S U L T A T I F D ’ A S S I S T A N C E A U X P L U S P A U V R E S [ U N P R O G R A M M E D E M I C R O F I N A N C E ]

1987

1993

1997

1998

0,0 10,0 20,0 30,0 40,0 50,0

E n c a d r é 3 : L e s M u n n o M u k a b i :U n e a s s u r a n c e d e p r o x i m i t é e n O u g a n d a

Les Munno Mukabi (qui signifient « associations d’amis dansle besoin ») sont parmi les groupes d’entraide les plus populaires.De nombreux clients de l’UWFT appartiennent à l’un d’entreeux. Comment un Munno Mukabi fonctionne-t-il ? Au début,un budget est approuvé et chaque membre apporte une con-tribution égale. Les fonds sont utilisés pour acquérir les biensnécessaires aux événements célébrés par les ménages, quiattirent un grand nombre de membres des Munno Mukabi.Marmites, plats, lanternes, bâches, etc., sont ainsi achetés pourles enterrements, les mariages, les remises de diplômes desenfants, les baptêmes, etc. Une fois réalisé l’investissement ducapital initial, les membres assistent à des réunionshebdomadaires ou mensuelles au cours desquelles des fondssont collectés. L’un des groupes recueille par exemple 200 shil-lings par personne et par réunion ; d’autres collectent jusqu’à5 000 shillings. Ces fonds sont conservés pour être prêtés encas de « coup dur ». Les membres s’engagent également àproposer leur force de travail lorsque l’un d’entre eux doit faireface à une crise ou célébrer un événement 3 .

E n c a d r é 2 : L a m a i s o n : r é s i d e n c e , l i e ud e t r a v a i l e t s o u r c e d e r e v e n u s l o c a t i f s

En période de crise, beaucoup de ménages font de leurlogement un espace à usages multiples. En Ouganda, denombreux clients avaient subdivisé leur maison en logementsà louer pour compléter leurs revenus ou affectaient leur de-meure à différents usages en fonction des moments de lajournée. Ainsi, une maison était utilisée le jour comme salonde coiffure, le soir comme bar et la nuit pour dormir.

Dans d’autres cas, pour faire face à une situation de crise, deslocaux à usage commercial étaient utilisés comme chambre àcoucher, ainsi que l’a expliqué l’un des clients interrogés :« Mon logement, considéré comme structure illégale, a étémis sous scellés pendant que j’étais au travail. Aujourd’hui, enattendant de trouver un logement abordable pouvant abriterles quinze membres de ma famille, certains passent la nuitdans le bar que ma femme tient, les autres dans le kiosquedont je m’occupe. »

former de petites économies en une somme globalesuffisamment importante pour financer une grossedépense, ce qui peut largement contribuer à réduire leurvulnérabilité. L’étude a mis en évidence le fait que lesIMF jouent davantage un rôle de protection contre lerisque a priori que contre les chocs a posteriori.

Le rôle des services financiers dans la prévention contre lerisque. L’étude in situ montre que les individus et lesménages ont recours à différentes stratégies pour seprémunir contre le risque, parmi lesquelles la diversifica-tion des sources de revenu, la constitution d’un capitalmatériel, financier, humain et social, et la gestionrationnelle de la trésorerie.

Les services financiers jouent un rôle important dans ceprocessus. Les prêts permettent de saisir les occasions deconstituer et de diversifier des actifs de toute nature, quipourront être utilisés en cas de besoin. Les clients ontrecours aux prêts pour diversifier les sources de revenudu ménage et niveler les rentrées d’argent et la consommation.Ils investissent dans des immobilisations pour leur entreprise,constituent un patrimoine financier et acquièrent desbiens matériels, surtout immobiliers (voir encadré 2).Les services de microfinance servent également à renforcerle capital humain en finançant l’éducation des enfants etles dépenses de santé.

La participation à des programmes de microfinance permetaux femmes d’acquérir des connaissances et des informationsqui encouragent leurs échanges avec le monde extérieur,et contribue à la constitution et au renforcement des réseauxsociaux. Les femmes voient dans l’appartenance à un groupe— l’une des composantes du capital social — une protec-tion contre le risque (voir encadré 3). En accroissant lacontribution économique de la femme à la vie du ménage,la participation à un programme de microfinance l’aide àavoir davantage confiance en elle et à mieux contrôler lesactifs. L’ensemble du capital ainsi constitué multiplie lesoptions et les ressources à la disposition de ménages encas de chocs ou de tensions économiques.

En soi, le maintien de l’accès aux programmes demicrofinance est une stratégie préventive de gestion

F i g u r e 1 : I m p o r t a n c e r e l a t i v e d e s f a c t e u r s d e r i s q u e p o u r u n é c h a n t i l l o n d e c l i e n t sd e l ' U W F T

Brusque hausse des prix

Alcoolisme

Frais de scolarité

Manque de nourriture

Impôts

Respect des échéances de remboursement

Perte d'emploi

Vol

Faillite ou perte

Maladie

DécèsFAC

TEU

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I M P O R T A N C E R E L A T I V E D E S F A C T E U R S D E R I S Q U E

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Source: Adapté de Sebstad, Jennefer et Monique Cohen (mars 2000), «Synthesis Reporton Microfinance, Risk Management and Poverty». Le rapport est établi à partir d’étudessur le terrain de Ronald T. Chua, Paul Mosley, Graham A. N. Wright et Hassan Zaman.Document présenté à l’USAID par AIMS. Washington D.C. : Management SystemsInternational. Le présent numéro de Focus a été préparé par Imran Matin et Brigit Helmsdu secrétariat du CGAP.

Traduction : Département de traduction de la Banque mondiale/GRET ; édition : TiphaineCrenn ; production: Valerie Chisholm; EarthWise Printing, Gaithersburg, MD (301) 340-0690.

70 %

60 %

50 %

40 %

30 %

20 %

10 %

0 %

des risques pour de nombreux clients (voir encadré 4).Ceux-ci se donnent beaucoup de mal pour honorer leursremboursements, surtout lorsqu’ils sont confrontés à unecrise ou un choc économique, et ont souvent recours pourcela à des sources de financement informelles. Rembourserrégulièrement permet de pouvoir accéder à un nouveauprêt pour repartir sur des bases saines, reconstituer les stocksd’une microentreprise, reconstruire une maison ou réglerdes frais de scolarité.

Encadré 4 : P rése rve r l ’ a c cès au p rogrammed e c r é d i t P r o M u j e r e n B o l i v i e

Lupe a deux activités : la restauration rapide et la confectiond’ornements pour revers de vêtement. En 1996, Pro Mujerlui a accordé un premier prêt, qui a été suivi de quatre autres.Au moment de son cinquième crédit, elle dégageait desbénéfices réguliers, quand deux catastrophes sont survenues :son fils, qui l’aidait dans ses activités, est mort et son mari,qui était salarié, a été atteint de paralysie. Elle a donc étéobligée de décapitaliser son activité. Plutôt que de se retirerdu programme, elle a prélevé sur ses économies pour réglerle solde de son prêt. Six mois plus tard, elle était libre detoute dette et le groupe de Pro Mujer auquel elle appartientlui a donné une deuxième chance en lui permettant derepartir sur des bases solides. Petit à petit, Lupe reprend sesactivités. Le maintien de ses liens avec Pro Mujer lui a permisde faire face lorsqu’un « coup dur » est arrivé.

Le rôle des services financiers dans les stratégies de réactionaux chocs et contraintes économiques. Lorsqu’un choc ouun événement contraignant se produit, les gens ont recoursà différentes stratégies de réaction. Ils modifient leur con-sommation, augmentent leurs revenus en mobilisant de la maind’œuvre ou en vendant des biens, puisent dans leur épargneformelle ou informelle et cherchent à se faire indemniserpar des mécanismes informels d’assurance de groupe.

Les enquêtes réalisées sur le terrain dans le cadre de l’étudeeffectuée pour le Rapport sur le développement dans lemonde semblent indiquer que les clients ont généralementrecours à des stratégies peu ou moyennement contraignantespour faire face à une perte : ils modifient leur consommation,mobilisent de la main-d’œuvre et empruntent de façoninformelle en s’adressant à des amis et à des parents. Ilscherchent à conserver les biens productifs et donc à préserverleur potentiel de génération de revenus chaque fois quepossible. Quel que soit le pays, les clients sont réticents àretirer leurs enfants de l’école, à prélever sur leur épargneou à vendre des biens productifs.

En règle générale, les clients ont tendance à recourir aucrédit informel plutôt qu’aux prêts des IMF pour faire faceaux pertes résultant d’un choc économique. Les services

des IMF n’étaient sollicités que lorsque les autres sourcesétaient épuisées ou non disponibles. Les clients ontindiqué qu’ils utilisaient les prêts des IMF suite à deschocs économiques pour reconstituer leurs stocks, réparerdes locaux ou des équipements, ou lancer une activiténouvelle ou complémentaire. Dans certains cas, ils ontdéclaré utiliser leurs prêts directement pour niveler leurconsommation, mais moins souvent que prévu. AuxPhilippines, les stratégies d’adaptation ont tendance àvarier en fonction du degré de pauvreté, la clientèle laplus pauvre étant moins portée à emprunter (figure 2).

Pourquoi les clients ne se tournent-ils pas vers les IMFpour faire face aux chocs économiques lorsqu’ils seproduisent ? La réponse à cette question est complexe.La nature du choix – délibéré ou contraint – dépendlargement de plusieurs facteurs : conception des produitsde crédit, pertinence et souplesse des crédits proposés parles IMF par rapport aux autres sources, type de choc etalternatives possibles.

C o n c e p t i o n d e p r o d u i t s d em i c r o f i n a n c e : l e d é f i à r e l e v e r

Il ressort de cette étude que le principal défi consisteaujourd’hui à concevoir des produits ne se limitant pas aucrédit et susceptibles d’aider un large éventail de clientsà réduire les différents types de risques auxquels ils sontconfrontés et à faire face aux crises une fois survenues. Lesmécanismes souples d’épargne et d’assurance, les créditsà l’habitat et à l’éducation et les prêts d’urgence sont desexemples de produits pouvant aider les clients à mieuxgérer le risque. Le secteur de la microfinance doit s’attacherà améliorer les produits de prêt existants et chercher le moyend’offrir une vaste gamme de produits susceptibles decontribuer à réduire la vulnérabilité des clients.

1 Un projet est présenté, pour avis, sur le site internet suivant : http://www.worldbank.org/poverty/wdrpoverty. Le rapport devrait être publié à la finde l’an 2000.2 Stuart Rutherford, The Poor and Their Money (Oxford University Press, India,2000). Une version antérieure de cette étude avait fait l’objet, en 1999, d’undocument de travail de l’Institute for Development Policy and Management,University of Manchester. Voir également le numéro 15 de Focus.3 Wright, Graham A. N., Deborah Kasente, Germina Ssemogerere et LeonardMutesasira, 1999. « Vulnerability, Risks, Assets and Empowerment — The Impactof Microfinance on Poverty Alleviation » . Rapport final. Kampala, Ouganda :MicroSave-Africa et Uganda Women’s Finance Trust.

F i g u r e 2 : S t r a t é g i e s d e r é a c t i o n e n f o n c t i o n d u d e g r é d e p a u v r e t é d e s c l i e n t s d e l a b a n q u e C A R D ,r é u n i s e n g r o u p e s d e d i s c u s s i o n

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