métastase d’un carcinome de prostate mimant une tumeur parotidienne : à propos d’un cas

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Page 1: Métastase d’un carcinome de prostate mimant une tumeur parotidienne : à propos d’un cas

CAS CLINIQUE

Métastase d’un carcinome de prostate mimantune tumeur parotidienne : à propos d’un cas

D. Déquanter (1), P. Lothaire (2), G. Andry (2), T. Gil (2)

(1) Département de chirurgie, (2) Département de médecine, Institut Bordet, Centre des Tumeurs de l’Université Libre de Bruxelles, 1, rue Héger-Bordet1000 Bruxelles, Belgique.Tirés à part : D. Déquanter, Paardestraat 48A, 1640 Sint Genesius Rode, Belgique.e-mail : [email protected]

Metastatic prostate carcinoma mimicking a parotid tumor: a case report

D. Déquanter, P. Lothaire, G. Andry, T. Gil

Rev Stomatol Chir Maxillofac, 2004 ; 105, 3 : 182-184

We report a case of prostate carcinoma metastatic to the mandible that had been initiallysuspected as being a primary tumor of the parotid. The initial symptom was hard swelling inthe left parotid region. No pathologic fracture was diagnosed. The metastatic lesion wasdiagnosed 4 years after diagnosis of the carcinoma of the prostate. This is a very interestingevent because of its unusual localization.

Keywords: Prostate neoplasms, Metastasis, Mandible, Parotid neoplasms.

Métastase d’un carcinome de prostate mimant une tumeur parotidienne :à propos d’un cas

Nous rapportons le cas clinique d’un patient ayant présenté une lésion métastatique osseuseau niveau de la mandibule mimant une tumeur parotidienne. Aucune fracture pathologiquen’a été diagnostiquée. La lésion osseuse secondaire est apparue 4 ans après le diagnostic decancer de prostate. Cette localisation métastatique est rare et doit être connue dans lediagnostic différentiel de lésion dans la région parotidienne.

Mots-clés : Néoplasies prostatiques, Métastases, Mandibule, Tumeur parotidienne.

INTRODUCTION

Bien que les métastases au niveau dela mandibule et des parties molles dela cavité buccale ne représentent que1 % des tumeurs malignes de la ca-vité buccale [1], la majorité des tu-meurs malignes intra-osseuses sontde nature métastatique. Le cancer dusein, du poumon, de la thyroïde et dela prostate sont les cancers primitifssusceptibles de donner le plus fré-quemment des métastases au niveaude la mandibule. Cependant, des mé-tastases mandibulaires de cancer del’estomac, du côlon, du pancréas, destesticules et du col utérin ont égale-ment été rapportées. Une variété desymptômes et de signes cliniquespeut accompagner l’apparition d’unemétastase mandibulaire. Nous rap-portons le cas rare d’un patient ayantprésenté une lésion osseuse secon-daire à un cancer de la prostate mi-mant dans sa présentation cliniqueune tumeur maligne de la parotide.

CAS CLINIQUE

Le patient a été admis aux urgencespour une tuméfaction non doulou-reuse de la région parotidiennedroite. L’examen clinique mettait enévidence une tuméfaction mal délimi-tée, non douloureuse, mais excessive-ment indurée et adhérente au planprofond. Aucun signe inflammatoiren’était associé. Le tissu cutané n’étaitpas infiltré. Le patient ne présentaitaucun déficit sensitif du territoire exa-

Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac., 2004; 105, 3, 182-184© Masson, Paris, 2004.

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miné. De même, aucun déficit du nerf facial n’était objec-tivé. L’examen endobuccal tant à l’inspection qu’à lapalpation ne révélait aucune lésion suspecte. Les airesganglionnaires étaient libres. Le patient n’était pas fébrile.Il n’y avait pas de syndrome inflammatoire biologique.

L’examen clinique laissait suspecter une tumeur de laparotide.

À l’anamnèse, le patient signala le traitement d’uncancer de la prostate diagnostiqué en 1999. Cet élémentd’anamnèse a fait évoquer la probabilité d’une lésionosseuse secondaire avec toutefois une biologie sans aug-mentation ni du marqueur spécifique, ni des phosphata-ses alcalines.

La radiographie standard précédant l’échographie cer-vicale a permis de mettre en évidence une lésion ostéo-blastique de la mandibule. L’échographie cervicale avecponction pour examen cytologique a confirmé le dia-gnostic de métastase du cancer de la prostate.

DISCUSSION

Tout comme le cancer du sein, du poumon et du rein, lecancer de la prostate se distingue par sa propension àdisséminer au niveau du squelette osseux. Cependant, lalocalisation au niveau de la mandibule est rare. Seulement1 % des patients présentant un cancer de la prostatedéveloppent une métastase mandibulaire [2, 3].

Le diagnostic d’atteinte osseuse mandibulaire peut êtrefait avant le diagnostic du primitif.

Dans sa série [4], Hirshberg, après une analyse de 390cas, définit un taux de diagnostic de métastase mandibu-laire avant tout diagnostic de primitif dans 37,2 % descas. Cependant, en cas d’atteinte osseuse maxillo-facialepar un processus métastatique, la mandibule reste le siteosseux le plus souvent envahi.

Mais, l’atteinte de l’orbite, de l’os temporal ou encoredu maxillaire a été décrite [5]. Ce que confirme Hirshbergdans sa série analytique puisque la mandibule était lalocalisation métastatique dans 81 % des cas. Dans seule-ment 53 % des cas la métastase osseuse se localisait auniveau du maxillaire. L’atteinte bilatérale de la mandibuleest plus rare (seulement 21 des 390 cas soit 5,4 % descas).

La symptomatologie est le plus souvent une douleurvariant d’un inconfort à une douleur extrême par envahis-sement secondaire de structures nerveuses. D’autressymptômes comme un trismus, un déficit sensitif desbranches du trijumeau, une paralysie faciale, une ptosepalpébrale ou une fracture pathologique ont égalementété rapportés. Un déficit du rameau mentonnier peut êtreégalement la première manifestation d’une métastase auniveau de la mandibule. Cousin rapporte trois cas dedéficit de rameau mentonnier, résultant de l’envahisse-ment métastatique de la mandibule par un adénocarci-

nome de la prostate [5]. Ce symptôme est souvent né-gligé dans le diagnostic [6]. Dans notre cas, le patient aprésenté un gonflement au niveau de la région paroti-dienne mimant le diagnostic de tumeur parotidienne.Seule l’anamnèse a permis d’évoquer la probabilité d’unelésion osseuse secondaire au cancer de la prostate, mêmesi la biologie de contrôle ne montrait pas d’augmentationdu marqueur ni des phosphatases alcalines.

La radiographie standard précédant l’échographie cer-vicale a permis de mettre en évidence une lésion ostéo-blastique de la mandibule. Certaines lésions secondairesproduisent en effet ce type d’images.

Carmichael décrit deux cas de métastases au niveau dela mandibule avec une présentation radiologique tout àfait différente. Dans le premier cas, la radiographie stan-dard mettait en évidence une lésion ostéoblastique.

Dans le deuxième cas il s’agissait d’une lésion ostéolyti-que. Hirshberg précise que l’examen radiologique a misen évidence une lésion lytique dans 355 des 390 cas [4].Le diagnostic radiologique est donc difficile et doit êtrecomplété par un scanner osseux qui manque cependantde spécificité. Dans sa série, Glase rapporte la nécessitéde compléter le bilan par une scintigraphie osseuse et unPet-scan, chez 7 des 8 patients présentant une suspicionde cancer métastatique de la mandibule [6].

Dans le cancer de prostate, en cas de disséminationmétastatique, les lésions osseuses sont fréquentes. Dansnotre cas également, après bilan complémentaire, lamandibule n’était pas le seul site osseux atteint par ceprocessus néoplasique secondaire.

Le temps moyen entre l’apparition de la lésion secon-daire osseuse au niveau de la mandibule et le primitif esten moyenne de 39,5 mois [4]. Cependant dans 15 des3901 cas, le diagnostic était fait après un intervalle deplus de 10 ans. Dans notre cas, la lésion osseuse secon-daire mandibulaire est apparue 48 mois après le diagnos-tic du primitif.

Le diagnostic d’une métastase osseuse est donc difficilede par sa rareté mais aussi de par sa symptomatologievariable mais il doit être établi. En effet, la présence demétastases osseuses au niveau de la cavité buccale est unfacteur de pronostic grave qui doit être contrecarré parune thérapeutique adaptée. L’intervalle moyen de tempsentre l’apparition de la métastase et un décès est deseulement 7,3 mois.

CONCLUSION

Ce cas clinique illustre l’intérêt de considérer une atteintemandibulaire par un processus néoplasique secondairedans le diagnostic différentiel des tuméfactions de larégion parotidienne.

Vol. 105, n° 3, 2004 Métastase d’un carcinome de prostate mimant une tumeur parotidienne

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REFERENCES1. Mesa ML. Metastatic prostate carcinoma to the mandible: report

of case. J Oral Surg 1977;35:133-5.2. Catrambone RJ, Pfeffer RC. Significant postoperative hemor-

rhage following biopsy of a prostate tumor metastatic to themandibular condyle: report of a case. J Oral Maxillofac Surg1990;48:858-61.

3. Carmichael FA, Mitchell DA, Dyson DP. Case report. Twocontrasting radiological presentations of prostatic adenocarci-noma in the jaws. Dentomaxillofac Radiol 1996;25:283-86.

4. Hirshberg A, Leibovich P, Buchner A. Metastatic tumors to thejawbones: analyses of 390 cases. J Oral Pathol Med 1994;23:337-41.

5. Cousin GC, Ilankovan V. Mental nerve anaesthesia as a result ofmandibular metastases of prostatic adenocarcinoma. Br Dent J1994;177:382-4.

6. Glaser C, Lang S, Pruckmayer M, Millesi W, Rasse M, Marosi C,Leitha T. Clinical manifestations and diagnostic approach tometastatic cancer of the mandible. Int J Oral Maxillofac Surg1997;26:365-8.

D. Déquanter et coll. Rev. Stomatol. Chir. Maxillofac.

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