memoire 46

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INTRODUCTION

La dglutition peut se dfinir comme lacte permettant le transport des aliments, des boissons et de la salive, de la cavit orale lestomac, tout en protgeant les voies ariennes suprieures. Si lon dglutit plus de 300 fois par heure lors dun repas, il sagit dun phnomne complexe qui ncessite la participation squentielle de diverses structures anatomiques et neurologiques. Au del de la nourriture du corps, la dglutition contribue faire de lalimentation un moment de plaisir non seulement gustatif mais aussi social et convivial. La personne crbrolse est particulirement risque de dvelopper des troubles de la dglutition. Ces troubles engendrent une gne fonctionnelle et sociale qui perturbe lautonomie et la vie quotidienne. Ils peuvent parfois remettre en cause le pronostic vital par leur retentissement sur ltat nutritionnel et respiratoire (Runions et al., 2004 ; Desport et al., 1998 ; Finestone et al, 1995 ; Smithard et al. 1996). La dysphagie dorigine neurologique apparat, en outre, dans un contexte mdical particulier o dautres dficiences, lies la lsion crbrale, peuvent majorer les troubles de la dglutition. Elle ncessite donc une prise en charge spcifique base sur une valuation prcise des dficits, des limitations dactivits et des restrictions de participation. Si une telle prise en charge est pluridisciplinaire, lorthophoniste y joue un rle important, notamment dans la construction du programme de rhabilitation.

En 2002, Fontaine et Hergault, dans le cadre dun mmoire dorthophonie, ont labor un bilan de dglutition pour adultes crbrolss bas sur les principes de la Classification Internationale du Fonctionnement, du Handicap et de la Sant. Lobjectif de cet outil est de permettre aux orthophonistes de dterminer prcisment les dficits, les limitations dactivit et restrictions de participation, en prenant en compte les rpercussions sociales et psychologiques du trouble, pour proposer une prise en charge adapte (rducation et stratgies dadaptation). Dans le prsent mmoire, nous nous sommes proposs de reprendre ce protocole dvaluation afin de laffiner, le normaliser et le valider. Notre but tait de crer des normes et dtudier sa sensibilit, sa reproductibilit inter-observateurs et sa consistance interne. Dans une premire partie, nous dcrirons les bases thoriques ayant servi la conception du bilan. Nous y voquerons la dglutition normale chez ladulte puis, dune manire gnrale, la dysphagie. Nous tudierons ensuite la spcificit des troubles de la dglutition dorigine neurologique. Aprs avoir dfini le cadre du bilan orthophonique, nous proposerons une revue de la littrature concernant lvaluation de la dglutition chez le patient crbrols. Dans une seconde partie, consacre notre exprimentation, nous exposerons les objectifs de notre tude, et prsenterons le bilan. Nous dcrirons ensuite notre mthodologie, citerons puis discuterons des principaux rsultats obtenus. Enfin nous resituerons notre travail dans le champ de lorthophonie. 1

PARTIE THEORIQUE

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Chapitre 1 : La dglutitionLa mise en vidence de troubles de la dglutition ncessite dabord une bonne comprhension de la dglutition elle-mme. Dans ce chapitre, nous prsenterons ainsi brivement les connaissances actuelles concernant la dglutition normale chez ladulte.

1. Anatomie structurale et fonctionnelleLa dglutition met en jeu les diffrentes structures du carrefour arodigestif : la cavit buccale, le pharynx, lsophage et le larynx (Le Thiec, 1998). Une coupe sagittale des voies arodigestives suprieures montrant la localisation des diffrentes structures est prsente en annexe 1.

1.1 La cavit buccale- Les lvres sont deux replis musculo-membraneux mis en mouvement par le muscle orbiculaire des lvres (annexe 2.). Celui-ci joue un rle de sphincter et maintient ainsi la bouche ferme au repos. Les lvres permettent la prhension des aliments. - Les joues constituent les parois musculaires latrales de la bouche. Elles jouent un rle dans la mastication et la formation du bol alimentaire, principalement grce laction du muscle buccinateur (annexe 2.). Ce dernier, associ lorbiculaire des lvres, forme la sangle labiojugale qui assure ltanchit de la cavit buccale lavant et stabilise la mandibule. - La langue est un organe muqueux et polymusculaire dont la double musculature, intrinsque et extrinsque, garantit sa grande mobilit dans toutes les directions. La langue prend origine dans le plancher buccal et se rattache, par sa partie postrieure, los hyode, luimme reli au larynx (annexe 1.). Le plancher buccal est constitu de muscles tendus entre la mandibule et los hyode. Sur celui-ci, plac transversalement au-dessus du larynx, sinsrent des muscles provenant de lensemble du carrefour arodigestif, de sorte que leur contraction lors de la dglutition entrane une lvation antrieure du larynx (annexe 3.). Sur le plan morphologique, la langue est divise en deux parties par le V lingual. Sur le plan fonctionnel, on lui distingue en ralit trois parties : (1) une partie antrieure, qui lors de la dglutition sappuie progressivement davant en arrire, (2) une partie moyenne ou arrire qui 3

vient slever contre le palais mou grce laction de la musculature linguale extrinsque puis se dforme pour laisser passer le bol alimentaire dans le pharynx , (3) une partie postroinfrieure ou base qui recule en synergie avec les muscles pharyngs. La langue a ainsi un rle dans la mastication et la propulsion du bol alimentaire. Elle a galement des fonctions tactile et gustative. - La rgion palatine correspond la paroi suprieure de la cavit buccale quelle spare des fosses nasales. Elle est divise en deux parties : (1) le palais dur, osseux, qui constitue ses 2/3 antrieurs et (2) le palais mou ou voile du palais qui en forme le 1/3 postrieur (annexe 1.). Le voile du palais est une cloison musculo-membraneuse mobile prolonge en arrire par la luette. Grce un ensemble musculaire complexe form des muscles lvateurs du voile et des muscles extrinsques du pharynx, il assure dans le premier temps de la dglutition la fermeture de la communication oropharynge (occlusion glosso-vlaire), puis il permet la fermeture entre les cavits nasales et loropharynx (occlusion vlopharynge), empchant ainsi le reflux des aliments dans le nez (Woisard et Marque, 2003). - Les glandes salivaires, situes proximit de la cavit buccale, ont un rle dans linsalivation et donc dans la formation du bol alimentaire. - Le maxillaire infrieur ou mandibule est une structure osseuse pouvant tre anime de mouvements dlvation et dabaissement, de propulsion et de rtropulsion. Ceci notamment grce laction des muscles masticateurs. Elle est ainsi, avec les dents, essentielle la mastication.

1.2. Le pharynxLe pharynx est un conduit musculo-membraneux travers par le bol alimentaire lors de la dglutition. Il comporte trois parties, de haut en bas : - le rhinopharynx ou cavum, en arrire des fosses nasales, nest normalement pas concern par la dglutition ; - loropharynx souvre sur la cavit buccale. Il est limit en avant par listhme du gosier, en haut par la projection du bord du voile (quand celui-ci est relev) sur la paroi pharynge et en bas par les bords de lpiglotte ;

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- lhypopharynx se situe en arrire du larynx quil entoure latralement formant ainsi les sinus piriformes. Il se prolonge en bas par lsophage avec le sphincter suprieur de lsophage ou bouche oesophagienne. La musculature du pharynx, forme essentiellement des muscles constricteurs et des muscles lvateurs du pharynx (annexe 3.), assure le pristaltisme pharyng qui participe au passage du bol alimentaire depuis loropharynx jusqu la bouche oesophagienne. Le pharynx ralisant un carrefour entre les voies digestives et respiratoires (puisquil fait communiquer la cavit buccale avec lsophage et les fosses nasales avec le larynx), le bol alimentaire traverse les voies ariennes suprieures (annexe 4.). Deux mcanismes, qui seront dcrits ultrieurement, assurent alors leur protection : (1) locclusion vlopharynge, qui empche le reflux des aliments dans le nez, et (2) les mouvements complexes du larynx qui protgent la trache.

1.3. LoesophageLsophage est un conduit musculo-membraneux qui relie le pharynx lestomac. Il est limit, en haut, par le sphincter suprieur de lsophage, form essentiellement par le muscle crico-pharyngien et, en bas, par le sphincter infrieur de lsophage. Dans sa partie suprieure, il est situ en avant de la colonne cervicale et en arrire de la trache. Le bol alimentaire se dplace le long du conduit grce aux contractions pristaltiques des muscles stris puis lisses de lsophage. Le sphincter infrieur se relche ds que le bol pntre dans lsophage mais empche le reflux des aliments en provenance de lestomac (le reflux gastro-oesophagien), notamment en position de dcubitus. Au repos, lair ne pntre pas dans lsophage lors de la respiration, la bouche oesophagienne tant ferme.

1.4. Le larynxLe larynx est un organe trs mobile situ dans la partie mdiane antrieure du cou et au dessus de la trache qui le prolonge. Il est constitu de cartilages recouverts de muqueuses : des cartilages de soutien (lpiglotte, le thyrode et le cricode, qui forment la charpente du larynx), des cartilages fonctionnels (les deux arytnodes qui rglent la tension des cordes vocales) et des nodules intercalaires (Ryckebusch, 2001). Il est galement form de membranes, de ligaments et de muscles, dont les cordes vocales (ou plis vocaux) situes dans le plan horizontal. 5

Le larynx est classiquement dcoup en trois parties, de haut en bas (annexes 5. et 6.): la sus-glotte forme du vestibule larynge (avec le ventricule, les bandes ventriculaires, la face larynge de lpiglotte et la face mdiale des arytnodes) et de la margelle larynge (zone frontire avec lhypopharynx comprenant le bord libre de lpiglotte, le repli ary piglottique, le sommet des arytnodes et la commissure postrieure) (Woisard et Marque, 2003) ; la glotte qui comprend les plis vocaux et le plancher du ventricule laryng ; la sous-glotte correspondant la face mdiale du cartilage cricode. Sil sagit de lorgane de la phonation, le larynx joue nanmoins un rle vital dans la dglutition en fermant laccs la trache par une srie de mouvements complexes qui seront dcrits ultrieurement. Ces mouvements sont raliss grce la musculature intrinsque et extrinsque du larynx. De plus, toute particule alimentaire au contact de la muqueuse dclenche ltat normal une toux rflexe.

2. La physiologie de la dglutitionLa dglutition est un acte sensori-moteur qui permet le transport des aliments de la bouche lestomac tout en assurant la protection des voies ariennes suprieures. Cest un phnomne complexe qui ncessite la mise en uvre coordonne dun grand nombre de muscles du carrefour arodigestif, et ce sur un temps trs court (1 2 secondes) (Pouderoux, 1999). Lacte mme davaler se caractrise donc par la coordination dglutition / respiration. La dglutition prend la forme dune squence motrice ( annexe 7.) qui se droule selon un ordre immuable et sous la dpendance dun programme central (Le Thiec, 1998). Nous prsentons ici la description classique qui dcoupe la dglutition, selon la localisation du bolus au cours du temps, en 3 phases : le temps oral (comprenant 2 sous-parties, la prparation du bol alimentaire et la propulsion du bol alimentaire), le temps pharyng et le temps oesophagien (Cot et Desharnais, 1984 ; Guenier, 1998 ; Pouderoux, 1999 ; Bleeckx, 2001). Certains auteurs (Guinvarch, 1995 ; Logemann, 1998 ; Woisard et Marque, 2003) considrent la prparation du bol alimentaire comme une phase part entire distinguer du temps oral.

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2. 1 Le temps oralLe temps oral est une succession dactes volontaires puis automatico-volontaires durant lesquels la respiration, nasale, nest pas suspendue. La prparation du bol alimentaire est une phase dpendante des proprits physiques des aliments (elle sera pratiquement inexistante pour les liquides par exemple) et pourra tre allonge pour des motifs gustatifs (Logemann, 1998). Aprs leur prhension, les aliments sont mastiqus, insalivs puis rassembls en un bol prt tre dgluti, grce aux mouvements de la mandibule, de la langue et grce la tonicit de la sangle labiojugale. La propulsion du bol alimentaire est ensuite engage grce lascension du plancher buccal, au mouvement dlvation de la pointe de la langue et au mouvement antro-postrieur de larrire de la langue. La phase orale est acheve quand le bolus franchit listhme du gosier. Cette phase peut durer jusqu une 1 seconde (Woisard et Marque, 2003). Durant tout le temps oral, le maintien des aliments dans la cavit buccale, et donc la protection des voies ariennes, est assure (1) en avant par la fermeture labiale empchant tout bavage, (2) en arrire par locclusion glosso-vlaire (la partie moyenne de la langue sappose activement contre le voile du palais, abaiss) qui empche la pntration du bolus dans le rhino et loropharynx.

2.2. Le temps pharyngIl sagit dune phase dite automatico rflexe (Bleeckx, 2001) qui ralise le transport du bolus travers le pharynx jusqu lsophage. Elle dmarre avec le rflexe de dglutition. Celui-ci est dclench par le bolus au contact des rcepteurs sensitifs de listhme du gosier, de loropharynx et de la margelle larynge. Le rflexe de dglutition a des consquences multiples : Au niveau du transport du bolus : (1) la base de la langue recule et par un mouvement de piston propulse le bolus qui avait pntr dans loropharynx ; (2) en synergie avec le recul de la base de la langue, se dclenche un pristaltisme pharyng qui amnera le bolus jusqu lentre de lsophage ; (3) paralllement le sphincter suprieur de lsophage se dilate avec laide de llvation larynge.

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Simultanment, au niveau de la protection des voies ariennes suprieures : (1) le voile du palais slve, locclusion vlo-pharyng empche tout reflux nasal ; (2) en synchronie avec le dclenchement du rflexe de dglutition, la respiration sinterrompt : lapne durera jusqu' pntration des aliments dans lsophage ; (3) le larynx slve pour se loger sous la base de langue tout en se fermant de bas en haut (adduction des cordes vocales, bascule en avant des arytnodes et bascule en arrire de lpiglotte entrane par la base de langue). Laccs la trache ainsi protg, le bol alimentaire scoule dans les sinus piriformes. Ce temps doit durer moins dune seconde (Woisard et Marque, 2003)

2.3. Le temps oesophagienCette phase, comme la prcdente, est involontaire et rflexe. Elle dbute par la pntration du bolus dans lsophage. La respiration reprend alors et ce, gnralement, sur une expiration (Logemann, 1998 ; Perlman et al., 2000 cit par Bleeckx, 2001). Le pristaltisme oesophagien amne le bol alimentaire jusqu lestomac : la dglutition est acheve, peut dbuter la digestion.

3. Le contrle nerveux de la dglutitionSi la dglutition prend la forme dune squence motrice strotype, elle peut tre initie et module dans son amplitude, sa dure de manire volontaire ou rflexe. Ceci sexplique par un contrle sexerant diffrents niveaux du systme nerveux (Pouderoux, 1999) . Un schma synthtisant le contrle nerveux de la dglutition (Danoy, 1993) est prsent en annexe 8.

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3.1. Le contrle priphriqueLes voies affrentes sensitives parcourent le trajet des nerfs crniens V, VII, IX, X et XI (Fontaine, 1999) dont les terrains dinnervation sensitive et sensorielle respectifs sont dcrits en annexe 9. Elles transmettent au centre de la dglutition, situ dans le bulbe du tronc crbral, des informations sensitives et sensorielles qui vont permettre, de manire automatique : (1) linitiation du rflexe de dglutition ds que le bol alimentaire arrive au niveau de la muqueuse oropharynge, (2) la modulation de la squence motrice de la dglutitrice en fonction du volume et de la viscosit du bolus (Pouderoux,1999). Les voies effrentes motrices prennent naissance au niveau des noyaux moteurs des nerfs crniens ( V, VII, XII) et du noyau ambigu (regroupant les noyaux moteurs des nerfs IX, X, XI). Les fibres motrices de ces nerfs, dont les terrains dinnervation motrice sont dcrits annexe 10., vont vhiculer jusquaux muscles impliqus dans la dglutition les ordres moteurs labors par le centre bulbaire de la dglutition (Le Thiec, 1998).

3.2. Le centre bulbaire de la dglutitionLe centre nerveux de la dglutition est situ dans le tronc crbral au niveau de chaque hmibulbe. Compos de deux rgions : le noyau du tractus solitaire (rgion dorsale) et le noyau ambigu (rgion ventrale), il organise les actes rflexes de la dglutition (Bleeckx, 2001). Le noyau du tractus solitaire est form dinterneurones qui reoivent et intgrent les affrences sensitives priphriques mais aussi corticales et sous corticales. Ces interneurones sont appels gnrateurs car ils sont responsables de linitiation et de lorganisation de toute la squence motrice de la dglutition (Pouderoux, 1999). Les interneurones du noyau ambigu sont sous le contrle dorsal. Ils ont pour charge la transmission de lactivation nerveuse en provenance du noyau du tractus solitaire vers les motoneurones de la dglutition (Pouderoux,1999). Cette rgion recevant des affrences sensitives priphriques mais aussi des projections corticales en plus grand nombre que les interneurones gnrateurs, on estime quelle jouerait un rle modulateur sur les motoneurones (Woisard et Marque, 2003). Le centre bulbaire de la dglutition est en relation troite avec les centres bulbaires de la ventilation, de la toux rflexe (les centres pneumogastriques) et de la mastication assurant ainsi la coordination de ces diffrentes fonctions. Il est galement situ proximit de la formation rticule qui rgule la vigilance (Danoy, 1993).

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Pour chaque hemibulbe, les centres de la dglutition reoivent les affrences sensitives priphriques ipsi et controlatrales. De mme chaque centre projette vers les motoneurones de faon ipsi et controlatrale. Ainsi une lsion unilatrale ne peut supprimer la dglutition (Woisard et Marque, 2003).

3.3. Le contrle corticalLe cortex a pour rle lactivation de la squence motrice de la dglutition. Les stimulations sensitives et sensorielles sont galement transmises aprs plusieurs relais au cortex sensitif de la rgion oro-facio-pharyngo-larynge ( au pied de la circonvolution paritale ascendante). Le cortex moteur quivalent (lopercule rolandique, au pied de la circonvolution frontale ascendante) informe alors le centre bulbaire de la dglutition via le faisceau gnicul (Danoy, 1993). Le lien entre les activations volontaire et rflexe de la dglutition est complexe et non encore compris (Logemann,1998). Pour certains auteurs (Roueche, 1980 ; cit par Logemann, 1998), les composants volontaire et rflexe sont tout deux impliqus dans la dglutition normale : aucun de ces mcanismes seul nest capable de produire une dglutition avec limmdiatet et la rgularit que requiert le processus normal de lalimentation orale . Pour Woisard et Marque (2003) en revanche, le cortex nexerce quun effet facilitateur accessoire sur linitiation de la dglutition . Le cortex permet par ailleurs la ralisation des actes volontaires de prparation du bolus et le dclenchement volontaire de la dglutition, dune apne, de la toux en labsence de stimulation sensitive. La reprsentation des muscles dglutiteurs au niveau des cortex moteur et prmoteur serait bilatrale et asymtrique, ce qui expliquerait la survenue dun trouble de la dglutition en cas de lsion unilatrale. La rcupration pourrait ainsi tre due une augmentation de la reprsentation corticale du ct sain grce la plasticit crbrale. Le ct dominant pour la dglutition ne correspond pas forcment la latralit de lindividu (Mosier et Liu, 1999, cits par Bleeckx, 2001).

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3. 4. Le contrle extra-pyramidal et crbelleux de la dglutitionLes noyaux gris centraux assurent la rgulation de la squence motrice de la dglutition, les voies extra-pyramidales grant la motricit automatique. Le cervelet assure la coordination, la synchronisation des mouvements (Bleeckx, 2001).

4. Les fonctions associes la dglutitionLtude des structures anatomiques, de la physiologie et du contrle nerveux de la dglutition met en vidence son lien troit avec dautres fonctions : la fonction ventilatoire et en particulier la respiration, la mise en bouche, la mastication, la salivation, le got et lolfaction (Fontaine et Hergault, 2002). Une perturbation chacun de ses niveaux aura des consquences sur la dglutition. Cette association et coordination de fonctions autour de la dglutition est donc dterminante dans la participation de lindividu lactivit dalimentation, ce qui justifie ainsi le regard largi du thrapeute au del du simple acte davaler.

5. La question de la normalit : les variables influenant la dglutitionWoisard et Marque (2003) rappellent que la description classique de la dglutition normale chez ladulte a t obtenue partir dun bolus dune consistance pteuse, du volume dune cuillere chez le sujet jeune. Or il est montr (Logemann, 1998) quil existe des variations du droulement de la dglutition en fonction des caractristiques biomcaniques du bolus, savoir le volume et la viscosit mais aussi en fonction de lge. Laugmentation du volume entrane notamment un dclenchement plus prcoce, une dure prolonge de lactivit pharynge et de louverture du sphincter suprieur de loesophage (Pouderoux, 1999). Laugmentation de la viscosit entrane une prolongation des diffrentes fermetures (vlopharynge, larynge, ou encore celle du sphincter suprieur de loesophage) qui surviennent lors de la dglutition (Logemann, 1998). Plus la viscosit du bolus est moindre, plus le transit est rapide : le risque de fausses routes dues un retard de dclenchement du rflexe de dglutition serait donc plus important pour les liquides que pour les solides. 11

Le vieillissement aurait un effet sur la dglutition. Le terme de presbyphagie est ainsi utilis pour dcrire ces effets (Rossi, 2003). Cependant Finiels et al (1999) soulignent quil est encore parfois difficile de distinguer les changements dus lge des consquences daffections morbides ventuellement associes. Pour Buchloz et Robbins (1997) nanmoins, les modifications avec lge de la dglutition chez le sujet sain existent et nont pas les mmes rpercussions que les maladies neurologiques lies lge : la personne ge saine , ne prsente pas de symptmes dysphagiques de type fausses routes et peut manger des repas entiers sans danger et avec plaisir. Des changements statistiquement significatifs ont t mis en vidence (Logemann, 1998): - chez les sujets normaux de plus de 60 ans, un allongement de temps oral, un dclenchement plus tardif du rflexe de dglutition, une lgre augmentation des rsidus pharyngs ; - chez des sujets normaux de plus de 80 ans : une rduction de llvation larynge. Dautres auteurs ( Finiels et al., 1999 ; Rossi, 2003), rapportent galement une altration du pristaltisme pharyng, une ouverture diminue et prolonge du sphincter suprieur de lsophage, et des atteintes des fonctions associes la dglutition : rduction de linsalivation, perturbation de la mastication, augmentation du temps dapne et altration du rflexe de toux , de mme quune altration du got et de lolfaction. Dautres facteurs tel le got du bolus ou encore le niveau de vigilance du sujet semblent avoir des effets prdictibles sur la dglutition mais ceuxci restent encore mconnus (Logemann, 1998). Du fait de lexistence de ces diffrentes variables, il nous parat donc ncessaire quau moins deux conditions soient remplies lors dun examen de la dglutition. En effet , pour juger du caractre normal ou pathologique de la performance du sujet observ : - (1) Celle-ci doit pouvoir tre compare la description classique de la dglutition. Pour cela la fonction de dglutition doit tre tudie avec un bolus de constance pteuse et dun volume dune cuillre - (2) Lexaminateur doit pouvoir se rfrer des normes tablies en fonction de lge pour dterminer si ce quil observe renvoie aux variations normales dues au vieillissement ou la pathologie. Massey et Shaker (1997) insistent ce propos sur la difficult et limportance de la dfinition de standards de rfrence dans le domaine de lexploration des troubles de la dglutition, tant donn le manque de consensus encore existant.

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Chapitre 2 : Les troubles de la dglutitionQue doit- on mettre en vidence, quels lments doit-on rechercher lors dun bilan de dglutition ? Dans ce chapitre, nous prsenterons une vue gnrale des troubles de la dglutition travers les classifications, les donnes smiologiques et tiologiques actuelles. Mme si certains lments sont encore du domaine de la recherche, il sagit dautant de points de repres pour le dpistage, lorientation du diagnostic, la comprhension des troubles prsents par le patient et, par consquent, les dmarches thrapeutiques mettre en place.

1. Les classifications des dysphagiesLes troubles de la dglutition sont dsigns par le terme gnrique dysphagie . Celle - ci, qui se dfinit par difficult faire passer le bol alimentaire de la bouche dans lestomac (Logemann, 1998), renvoie des faits pathologiques varis. On peut ainsi, daprs Le Thiec (1998) et Hendrix (1980), typer une dysphagie selon diffrents critres: - le type daliments en cause : on parlera alors de dysphagie pour les liquides, les solides ou les deux ; - le caractre de la dysphagie, savoir aigu ou chronique, intermittente ou constante ; - la cause de la dysphagie : celle-ci peut tre fonctionnelle (perturbation ou incoordination des tapes de la dglutition), ou organique, structurale (par exemple, une limitation de louverture de la cavit buccale ou un rtrcissement de la lumire oesophagienne d un processus inflammatoire ou tumoral) ; - dun point de vue clinique, le temps de la dglutition atteint : on distinguera ainsi la dysphagie orale, la dysphagie pharynge et la dysphagie oesophagienne correspondant respectivement une atteinte du temps oral, pharyng ou oesophagien.

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2. Smiologie des troubles de la dglutition (daprs Woisard(2003) et Le Thiec (1998))La smiologie est ltude des signes des maladies. Nous dcrirons ici les manifestations de la dysphagie telles quelles peuvent transparatre lors de lentretien avec le patient, les examens clinique et vidoradioscopique. Ces manifestations peuvent tre analyses trois niveaux qui orienteront les dcisions thrapeutiques: - les anomalies anatomiques et/ou neurologiques lorigine des troubles ; - les mcanismes physiopathologiques du trouble ; - les consquences de ces mcanismes sur le dplacement du bol alimentaire. La dduction des mcanismes physiopathologiques partir des anomalies morphologiques et neurologiques reste nanmoins probabiliste et ncessite une tude fonctionnelle de la dglutition ( laide dun essai alimentaire), du fait de la compensation possible de ces anomalies par dautres structures.

2.1. Symptmes de la dysphagie2.1.1. Les symptmes spcifiques Lentretien et lobservation du patient peuvent rvler des symptmes spcifiques de la dysphagie. Ceux-ci aideront la localisation topologique du trouble et la dfinition des mcanismes physiopathologiques, mais ne constitueront en rien un indice de svrit. Les principaux symptmes spcifiques des troubles de la dglutition sont : des difficults de mastication ; un bavage ; des rsidus buccaux ; un blocage (sensation daliments colls voire vritable blocage), celui ci peut tre dcrit comme haut (au niveau buccal) ou bas (au niveau pharyng); une toux et/ou une sensation dtouffement avant, pendant ou aprs la dglutition, ceci laissant supposer la survenue dune fausse route ; un reflux nasal.

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Les auteurs insistent sur le fait que le patient peut ne prsenter aucun symptme spcifique : les fausses routes peuvent survenir en effet sans dclenchement du rflexe de toux, notamment cause de troubles sensitifs. Pour Logemann (1998), plus de 50 % des patients qui aspirent ne toussent pas. Des signes dtouffement et diffrents signes indirects permettent nanmoins dvoquer des fausses routes dites silencieuses : - un changement de la qualit de la voix ( une voix mouille ou des gargouillis rvlent lexistence de stases vallculaires ou sus-glottiques pouvant entraner des fausses routes indirectes par regorgement) ; - lapparition dun rictus, dune grimace deffort, dun facis fig ; - une augmentation des mouvements parasites, si le patient est spastique ou athtosique par exemple. Parfois les symptmes aspcifiques sont les seuls signes dalerte, do limportance de les rechercher grce un entretien correctement orient avec le patient. 2.1.2. Les symptmes aspcifiques Ce sont des signes de gravit qui mettent en vidence le retentissement des troubles de la dglutition sur lalimentation, la respiration et la nutrition. La dysphagie, en effet, est une dficience grave : elle retentit ngativement sur la prise alimentaire, exposant linstallation dun tat de dnutrition avec la morbidit qui y est lie et altre dautre part la qualit de la vie en transformant le moment privilgi du repas en une preuve pnible (Kotzki et al,1999). Au niveau de lalimentation, Woisard (2003) dcrit ainsi les symptmes aspcifiques suivants : des modifications de droulement du repas, savoir une augmentation de dure du repas, une adaptation des consistances ou des restrictions alimentaires ; des consquences sociales, un isolement lors des repas, une perte de convivialit ; des consquences psychologiques, une perte du plaisir de passer table , une peur des prises alimentaires (due une peur de stouffer par exemple).

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Et au niveau de ltat nutritionnel : une sensation de faim persistante aprs le repas ; une altration de ltat gnral, qui peut se traduire par une perte de poids, une fatigue gnrale, une hyperthermie ; des consquences sociales, une limitation des activits physiques et sociales En outre, les troubles de dglutition peuvent engendrer des complications au niveau respiratoire : les inhalations rptitives de salive ou daliments quils occasionnent sont lorigine de bronchopneumopathies svres, sources dhospitalisations prolonges et parfois de dcs (Kotski et al., 1999). Au niveau de la respiration, Woisard (2003) rapporte les symptmes

aspcifiques suivants: une infection pulmonaire, telles une pneumopathie, une bronchite chronique, une toux chronique ou encore une bronchioalvolite chronique ; une altration de la fonction respiratoire, avec une insuffisance respiratoire chronique, une diminution de la tolrance aux fausses routes. Des liens de corrlation ont t tablis entre la dtection de fausses routes en radioscopie et des antcdents de pneumopathie chez des patients dysphagiques, toutes tiologies confondues (Guinvarch, 1995 ; Martin et al., 1994). Guinvarch (1995) a ainsi montr quau sein de sa consultation, un patient prsentant des fausses routes avait deux fois plus de risques de faire des complications (pneumopathies et/ou amaigrissement) quun patient qui nen prsentait pas. Curtis et Langmore (1997) rappellent en outre que lintroduction de matriel tranger dans les poumons peut provoquer une occlusion plus ou moins tendue des alvoles pulmonaires (atlectasie), ceci constituant un important facteur de prdisposition aux pneumopathies.

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2.2. Anomalies anatomiques et / ou neurologiquesDes anomalies anatomiques et/ neurologiques intressant les structures participant la dglutition peuvent tre mises en vidence lors de lexamen clinique. Elles sont dues des malformations, des cicatrices, des squelles de rsections chirurgicales et/ou des lsions neurologiques et peuvent entraver lacte davaler. Il peut sagir : un dficit de la motricit labiale, jugale, linguale, des masticateurs, vlaire, pharynge, larynge extrinsque et intrinsque ; un dficit de la motricit rflexe, au niveau des rflexes normaux (dglutition, toux, nauseux, vlopalatin) ou rsurgence pathologique de rflexes (morsure, succion) ; un dficit sensitif au niveau buccal, pharyng ou laryng ; un dficit sensoriel avec altration du got et de lolfaction ; des troubles du tonus, focaliss ( cavit buccale, voile du palais, sphincter suprieur de lsophage) ou diffus ; des troubles de linitiation motrice ou de coordination ; des troubles de la coordination dglutition respiration, avec non blocage de la respiration pendant le temps pharyng ou reprise respiratoire sur une inspiration.

2.3. Consquences des troubles de la dglutition sur le transport du bol alimentaireLes anomalies anatomiques ou neurologiques perturbent la squence motrice de la dglutition. Le bol alimentaire nest pas alors amen correctement de la bouche lestomac. Un bavage, des fausses routes, des blocages ou encore des stases peuvent ainsi se manifester lors dun essai alimentaire, et tre visualiss grce des examens paracliniques (vidoendoscopie, vidofluoroscopie). La localisation de ces diffrents signes fonctionnels dans le temps et dans lespace permet la dtermination des mcanismes physiopathologiques (signals en gras dans le corps du texte).

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2.3.1. Le bavage (Le Thiec, 1998) Il tmoigne dun dfaut de fermeture labiale lors de la phase orale. 2.3.2. Les fausses routes Elles peuvent tre dfinies comme le passage de salive, de liquides ou daliments dans les voies ariennes suprieures. Guinvarch (1995) parle ainsi de fausses routes nasales ou et de fausses routes endotrachales, cette dernire catgorie se divisant en fausses routes susglottiques (le bolus ne franchit pas les cordes vocales) et fausses routes sousglottiques (le bolus franchit les cordes vocales et pntre dans la trache). Pour dautres auteurs, notamment anglosaxons, le terme de fausse route, alors synonyme daspiration, est rserv au passage du bolus au del des cordes vocales (fausses routes trachales), ce qui correspondrait selon eux un rel risque pulmonaire. Le terme de pntration est alors utilis pour dsigner le passage du bolus dans les rgions anatomiques o il ne devrait pas sjourner un instant prcis (Woisard, 2003). Cette distinction est conteste par Guinvarch (1995) : les corrlations obtenues au sein de sa consultation entre lexistence de fausses routes et des complications pulmonaires montrent quune fausse route est dangereuse quelle que soit sa profondeur. Les fausses routes sont classiquement catgorises selon leur moment de survenue par rapport au dclenchement du rflexe de dglutition (dbut du temps pharyng). Avant la dglutition, elles tmoignent :- soit dun mauvais contrle du bolus dans la cavit orale (atteinte du temps oral). Cest un bol alimentaire mal prpar qui arrive alors au niveau pharyng par dfaut dinsalivation ou de mastication, ou cest un bolus ( souvent liquide) qui arrive trop tt au niveau pharyng par dfaut de fermeture oropharynge. - soit dun retard de dclenchement du temps pharyng. Les liquides peuvent alors couler sur la base de la langue, inonder le pharynx, les sinus piriformes, et le larynx avant que le rflexe de dglutition ne soit dclench. En cas de dficit majeur, ces fausses routes peuvent concerner les liquides et les solides.

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Pendant la dglutition, elles tmoignent :- au niveau suprieur dun dfaut de fermeture vlopharynge entranant des fuites par le nez. - au niveau infrieur, dun dfaut de fermeture larynge. La survenue de fausses routes trachales sexplique par labsence de fermeture glottique et de mcanismes dexpulsion point de dpart glottique et susglottique. Aprs la dglutition, on observe des fausses routes par regorgement dues : un dfaut de fermeture larynge ou un dfaut de transport pharyng (le plus souvent, dfaut de recul de la base de langue ou dfaut de propulsion linguale) qui entrane laccumulation de stases au dessus de lentre du larynx. Ces stases sont aspires lors de la reprise respiratoire la fin du temps pharyng. un dfaut de vidange secondaire un dfaut de transport pharyng ou un dysfonctionnement du sphincter suprieur de lsophage. Les fausses routes surviennent distance du temps pharyng par regorgement des stases accumules lors des dglutition successives (Woisard, 2003). Il existe aussi des fausses routes suite un reflux oesophagien. On parle galement de fausses directes (ou primaires) et de fausses routes indirectes (ou secondaires) pour distinguer les fausses routes survenant avant et pendant la dglutition des fausses routes par regorgement. 2.3.3. Les blocages (Woisard, 2003) Les arrts de la progression du bol alimentaire ou blocages peuvent tre voqus par le patient travers le signalement de quelque chose qui coince ou qui reste . Ils peuvent tre visualiss : au niveau buccal, signant un trouble de linitiation du temps oral, un dfaut majeur de contrle ou de transport oral ou un trouble de linitiation du temps pharyng ; au niveau des vallcules, signant un retard de dclenchement du temps pharyng (blocage avant le rflexe de dglutition) ou un dfaut majeur de propulsion linguale (blocage aprs le rflexe de dglutition) ; 19

au niveau du pharynx, signant la prsence dun obstacle mcanique,

dune diminution de la propulsion linguale ou pharynge, ou dun dysfonctionnement du sphincter suprieur de lsophage Bien quelle lie la notion de blocage celle de stase, Woisard (2003) les envisage nanmoins comme deux signes fonctionnels diffrents. Dautres auteurs ne font pas cette distinction et nvoquent que la notion de stases (Le Thiec, 1998 ; Guinvarch, 1995) ou de rsidus (Logemann, 1998). 2.3.4. Les stases (Woisard, 2003 ; Le Thiec, 1998) Les stases peuvent tre alimentaires ou salivaires. Leur localisation aide la dtermination des mcanismes physiopathologiques en orientant vers les structures dficitaires. Les stases intra buccales refltent un dfaut de transport oral qui peut tre d une hypotonie labiale ou jugale, ou encore un dficit dlvation linguale (stases au niveau du palais dur). Les stases vallculaires refltent, aprs la dglutition, un dfaut de transport pharyng (d une diminution de la propulsion linguale, du recul de la base de langue ou du pristaltisme pharyng) ou, avant la dglutition, un retard de dclenchement du temps pharyng. Les stases au niveau de la paroi pharynge signent galement un dfaut de transport pharyng d ici un dficit de contraction pharynge. Les stases au niveau des sinus piriformes refltent un dfaut douverture du sphincter suprieur de lsophage (lvation insuffisante du larynx ou anomalie du cricopharyng). Les stases larynges renvoient un dfaut de fermeture glottique ou susglottique .

2. 4. Les mcanismes physiopathologiquesCes mcanismes correspondent aux perturbations de la squence motrice de la dglutition. Ils sont interprts la lumire des symptmes, des anomalies morphologies ou neurologiques et des signes fonctionnels dcrits prcdemment. Un rsum des diffrents mcanismes et des anomalies anatomiques et neurologiques associes est prsent en annexe 11.

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3. Etiologies des troubles de la dglutitionLes tiologies de la dysphagie renvoient aux atteintes des structures anatomiques du carrefour arodigestif ou des structures en jeu dans le contrle neurologique de la dglutition. Elles peuvent tre ds lors trs varies: causes infectieuses, structurelles (malformatives ou encore tumorales), neurologiques, iatrogne, pathologies musculaires, maladies mtaboliques, ou encore systmiques. Les causes les plus frquentes de troubles de la dglutition sont prsentes en annexe 12. Les tiologies dominantes correspondent aux pathologies neurologiques et aux pathologies tumorales du carrefour arodigestif (Folia et Woisard, 2003). La prvalence des troubles de la dglutition dans la population augmente avec lge : elle serait value 30 % en Europe aprs 75 ans (Folia et Woisard, 2003). La presbyphagie peut tre voque dans les tiologies neurologiques (Woisard et Puech, 2003). Pour Buchholz et Robbins (1997) une dysphagie oropharynge chez le patient g, ne prsentant pas daffection neurologique spcifique, serait la consquence dune dcompensation lie son tat mdical (une maladie systmique intercurrente entranant un tat de faiblesse gnrale par exemple).

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Chapitre 3 : La dysphagie dorigine neurologiqueLa dysphagie est une squelle frquente des lsions crbrales. Toute valuation doit prendre en compte la spcificit de ladulte crbrols quant aux troubles de la dglutition, ceci afin de favoriser au mieux sa rhabilitation. Dans ce chapitre nous tudierons les caractristiques des troubles de la dglutition chez les personnes prsentant une lsion acquise du systme nerveux central.

1. EpidmiologieNous voquerons ici les pathologies les plus frquemment associes aux troubles de la dglutition. Une liste plus exhaustive des tiologies neurologiques centrales acquises est prsente en annexe 12.

1.1. Les accidents vasculaires crbrauxChez les patients ayant souffert dun accident vasculaire crbral, la dysphagie est dcrite avec des incidences allant de 30 65 % (Runions, Rodrigue et White, 2004 ; Roth et Harvey, 1996) et des degrs de svrit variant du dficit fonctionnel lger laltration majeure. Les aspirations ou fausses routes trachales surviennent avec une frquence de 51 73 % (Holas, DePippo et Reding, 1994). Si la dysphagie et la prsence daspirations concernent essentiellement les accidents vasculaires crbraux postrieurs (implication du tronc crbral), puis les accidents vasculaires crbraux hmisphriques bilatraux, elles ont galement t mises en vidence chez des patients prsentant un accident vasculaire crbral hmisphrique unilatral ( Guatterie et al. 1996 ; Hilker et al., 2003 ; Horner et Massey, 1988). Logemann et al. (1993) ont montr galement lexistence de troubles de la dglutition conscutifs des accidents vasculaires crbraux sous-corticaux. Quel que soit le site lsionnel de laccident vasculaire crbral, la majorit des patients rcuprent leur aptitude avaler (Barer, 1989 ; Finestone et al, 2002 ; Logemann, 1998 ; Smithard, 1997), lamlioration survenant pour la plupart dans les 3 mois (Barer, 1989 ; Westergren, Ohlsson et Hallberg, 2001 ; Wolfe et al. 1993), voire au cours des 4 premires semaines (Ramsey et al., 2003). Nanmoins pour certains dentre eux, les troubles persistent la vie entire (Runions et al, 2004).

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1.2. Les traumatismes crniensChez les patients ayant souffert dun traumatisme crnien svre, les troubles de la dglutition ont t dcrits avec une incidence pouvant atteindre 71% (Schurr et al, 1999). Les fausses routes trachales peuvent toucher jusqu 41 % des patients dysphagiques traumatiss crniens (Morgan et Mackay, 1999). Les lsions les plus frquemment associes laspiration sont les atteintes du tronc crbral et les atteintes multifocales, avec au moins trois siges lsionnels diffrents (Morgan et Mackay, 1999). La rcupration de la dysphagie chez les traumatiss crniens est encore mal documente (Logemann, 1998). Si les troubles de la dglutition sont invitables en phase dveil de coma, une grande partie des traumatiss crniens, selon Godlewski (2003), retrouveront une alimentation orale. Nanmoins, les squelles dfinitives demeurent frquentes, notamment les fausses routes aux liquides, et touchent particulirement les patients prsentant un syndrome frontal ou crbelleux ou des mouvements anormaux (Woisard, 2003).

1.3. Les maladies neurodgnrativesDes troubles de la dglutition sont prsents galement dans les maladies neurodgnratives. Il est admis que 50 90 % des personnes atteintes de la maladie de Parkinson ont des troubles de la dglutition. Ceux-ci sajoutent, dans la phase de dclin de la maladie, la dysarthrie (Barat et al., 1999). La dysphagie, chez le parkinsonien, peut tre significativement amliore vers des niveaux fonctionnels sans aspiration grce une mdication au dosage optimal (Logemann, 1998). Elle est galement rceptive une rducation spcifique base sur leffort et le contrle volontaire (Logemann, 1998). La dysphagie est plus prcoce dans les syndromes parkinsoniens atypiques ( les Atrophies Multi-Systmatises, ou encore la Paralysie Supranuclaire Progressive). Latteinte svre ncessite la mise en place de solutions palliatives, compte tenu de la rsistance aux traitements (Barat et al., 1999). Dans les syndromes chorques, et notamment la chore de Huntington, les troubles de la dglutition sont constants en phase terminale conduisant laphagie (Barat et al, 1999). Les formes bulbaires de la sclrose latrale amyotrophique, touchant la sphre ORL, associent une dysarthrie paralytique et une dysphagie. Les troubles de dglutition apparaissent en principe aprs les troubles arthriques et dbutent par les liquides. Latteinte bulbaire peut se complter par une atteinte pseudobulbaire. Lvolution est inluctable vers une paralysie labioglosso-pharyngo-larynge totale (Barat et al. 1999). 23

Des troubles de la dglutition peuvent survenir galement dans les diffrents types de dmences dgnratives comme la maladie dAlzheimer, les dmences fronto-temporales, et les dmences vasculaires (Portet-Tarodo et Touchon, 1999). Il existe peu de donnes dans la littrature quant leur incidence. Horner, Alberts et Dawson (1994) ont tudi lincidence des troubles de la dglutition par vidofluoroscopie chez 25 patients atteints de la maladie dAlzheimer. Une aspiration avait lieu dans 6 cas sur 25 (28,6 %) mais seulement 4 patients (24 %) avaient un examen strictement normal. Les anomalies retrouves taient corrles de manire significative la dure dvolution de la maladie, au degr de dpendance pour lalimentation, aux troubles praxiques oropharyngs.

2. Retentissement de la dysphagie chez le patient crbrols2.1 Le retentissement organique et fonctionnelQuelle soit temporaire ou permanente, et quelle que soit la pathologie neurologique sous-jacente, la dysphagie est un marqueur de pronostics fonctionnel et vital pjoratifs, par les complications quelle entrane au niveau respiratoire (infection pulmonaire, pneumopathie dinhalation) et nutritionnel (malnutrition, dnutrition, dshydratation) . En effet un cercle vicieux peut sinstaller entre les troubles de dglutition et leurs complications mdicales. La dysphagie, limitant les entres caloriques et azotes peut entraner une dnutrition. Celle-ci favorise la survenue dun dficit immunitaire, dinsuffisances cardiaque ou respiratoire, descarres et retentit sur ltat musculaire organique et fonctionnel, do laggravation possible des troubles de la dglutition et linstallation dune spirale de dclin (Desport et al., 1998 ; Finestone et al, 1995 ; Smithard et al. 1996). Hilker et al (2003) ont montr que la dysphagie est un facteur de risque pour le dveloppement dune pneumonie chez des patients ayant subi un accident vasculaire crbral et hospitaliss dans une unit de soin intensif. Le dveloppement dune pneumonie chez ces patients tait associ une morbidit et une mortalit plus leves. Finestone et al. (1995) ont mis en vidence lassociation entre la prsence dune dysphagie et un tat de malnutrition chez des patients crbrolss (accident vasculaire crbral) admis dans un service de rducation fonctionnelle et de rhabilitation. De nombreux auteurs ont ainsi montr que la dysphagie conscutive aux accidents vasculaires crbraux prdisposait la survenue de pneumopathies et de malnutrition avec une morbidit et une mortalit plus importantes, une hospitalisation 24

prolonge (deux trois fois plus longue selon les auteurs) et une prise en charge institutionnalise plus frquente chez les sujets dysphagiques compars aux sujets non dysphagiques (Smithard et al, 1996 ; Ramsey et al, 2003 ; Rodrigue et al, 2002 ; Runions, Rodrigue et White, 2004). Des observations similaires ont t faites chez les patients traumatiss crniens prsentant des troubles de la dglutition. Les aspirations, et en particulier les aspirations de reflux gastrique, dues aux dficits des mcanismes de protection des voies ariennes suprieures, entranent la survenue prcoce de pneumopathies dinhalation qui contribuent une morbidit et une mortalit plus leves chez des patients traumatiss crniens pris en charge en soin intensif (Morgan et Mackay, 1999). Mackay, Morgan et Bernstein (1999) insistent sur les consquences nfastes de la dysphagie au niveau nutritionnel : du fait dun hypermtabolisme avec accroissement des dpenses nergiques au repos, les traumatiss crniens ont un besoin vital dune alimentation suffisante et sans danger ; or la prsence daspirations est facteur de risque dun apport nutritionnel dficitaire. La dysphagie est reconnue, en outre, pour avoir, dans les maladies neurodgnratives, des consquences majeures sur lesprance de survie des malades. En effet, les troubles de la dglutition constituent dans ces maladies un tournant volutif grave, annonciateur de complications mettant en jeu le pronostic vital (infections pulmonaires et sous alimentation conduisant la cachexie) et favorisant une perte dautonomie, une institutionnalisation et une volution vers un tat grabataire beaucoup plus rapides (Barat et al, 1999, Portet-Tarodo et Touchon, 1999). Les rpercussions organiques et fonctionnelles de la dysphagie ont par ailleurs un cot pour la socit : charges en soins plus importantes (Delattre et al. 1998 ; Hilker et al, 2003), traitements plus coteux, hospitalisations plus longues (Hilker, 2003).

2.2. Le retentissement psycho-socialNcessit physique, manger est galement une source de plaisir individuel et social ( cest se rassembler, partager, dsirer, voir, sentir, saliver, goter, ... (Salle et al, 1999)) que perturbent les troubles de la dglutition. Plusieurs auteurs ont ainsi tudi leffet de la dysphagie sur la qualit de vie des patients neurologiques. Au niveau psychologique, des troubles de la dglutition ont t relis la prsence de sentiments ngatifs, voire de dpression (Carr & Hawthorn, 1988 ; Jacobsson et al.,

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2000 ; cits par Runions et al. 2003). Pour Shintani et Shiigai (2004), larrt de lalimentation orale conduit un tat dpressif, et peut augmenter les troubles cognitifs de type dmentiel. Le retentissement psychologique se rpercute au niveau social et inversement. Hamdy et al. (2003) insistent sur la souffrance que peut engendrer le stigmate psychosocial dtre incapable de manger . Les troubles de la dglutition ont dailleurs t associs par plusieurs tudes un isolement social (Runions et al. 2003).

2.3. Troubles associs la dysphagie et leurs consquencesLes troubles de la dglutition dans les pathologiques neurologiques, ne peuvent senvisager isolment (Godlewski, 2003). En effet, le patient crbrols est un tout, aux multiples dficits qui, interfrant les uns avec les autres, peuvent perturber la prise alimentaire, voire lacte davaler lui-mme, et contribuer un pronostic pjoratif. Une valuation globale du patient est donc ncessaire. A la simple atteinte des voies anatomiques rgulant directement la dglutition, peuvent sajouter ainsi des troubles praxiques oropharyngs qui gnent la premire tape, volontaire, de la dglutition (mastication et propulsion du bol alimentaire jusquau pharynx) ( PortetTarodo et Touchon, 1999). Ces troubles se traduisent par un dfaut dinitiation du temps pharyng avec maintien des aliments en bouche sans savoir quoi faire (Logemann, 1998). Cette perte du savoir faire davaler peut tre observe dans les syndromes frontaux, dorigine traumatique notamment (Woisard, 2003) et dans certaines dmences comme la maladie dAzheimer (Logemann, 1998) et la dgnrescence cortico-basale (Portet-Tarodo et Touchon, 1999). Suite un accident vasculaire crbral sylvien, peut tre observe une apraxie buccofaciale svre qui associe la dglutition des troubles de la mastication et des anomalies lors de la mise en bouche (Woisard, 2003). Dans la maladie dAlzheimer, les troubles praxiques sont associs une agnosie visuelle et gustative des aliments (ceux-ci ne sont alors pas reconnus comme tels) qui contribue au maintien du bol alimentaire dans la bouche sans dglutition. La perturbation du got ou de lolfaction, conscutive une lsion des nerfs crniens, peut entraner une perte de lapptit (Burnett, Watanabe et Greenwald, 2003). A linstar de Mackay, Morgan et Bernstein (1999), de nombreux auteurs soulignent limpact ngatif sur la dglutition dun niveau de vigilance dficitaire (Dziewas, Stgbauer et Ldemann, 2003 ; Hilker at al., 2003 ; Morgan et Mackay, 1999 ; Smithard et al., 1996 ; Woisard, 2003). Les troubles de la vigilance, dont le dficit le plus grave correspond au coma, sont lis une atteinte de la formation rticule situe au niveau du tronc crbral. Une telle 26

atteinte est conscutive par exemple un accident vasculaire crbral postrieur ou un traumatisme crnien. Un faible niveau de vigilance provoque des rflexes de protection des voies ariennes suprieures dficitaires, un dysfonctionnement du sphincter suprieur de loesophage et une perturbation de la coordination respiration-dglutition (Dziewas, Stgbauer et Ldemann, 2003 ). Il prdispose la survenue de fausses routes trachales, notamment les aspirations silencieuses (Hilker et al., 2003) et constitue un facteur de risque de pneumopathie (Dziewas et al., 2004). La prsence au niveau des membres de dficits moteurs (hmiplgie, ttraplgie) de mouvements anormaux (tremblements, myoclonies, dyskinsies, troubles de coordination de type crbelleux) de troubles du tonus (spasticit des atteintes pyramidales, ou encore lhypertonie plastique des syndromes extrapyramidaux), de troubles sensitifs (le plus souvent hypoesthsie), ainsi que la prsence de troubles visuels et oculomoteurs peuvent gnrer des difficults de saisie et de mise en bouche des aliments et, ce faisant, une diminution des apports caloriques (Finelstone et al, 1995 ; Godlewski, 2003). De telles difficults peuvent tre source dune incapacit majeure, limitation voire perte de lautonomie alimentaire, et se rpercuter sur la sphre psycho-sociale. Des troubles du comportement alimentaire, conscutifs des lsion frontales (Bleeckx, 2001), peuvent galement tre observs. Ces troubles, dcrits essentiellement chez les patients atteints de la maladie dAlzheimer et les traumatiss crniens, se manifestent soit sur un mode actif (impulsivit, boulimie, voire ingestion de tout ce qui passe porter de la main si les centres de la satit sont perturbs par la lsion, ou attitude dopposition, le patient repoussant ou jouant avec les aliments) soit sur un mode passif (apathie, apragmatisme, le patient nouvrant plus spontanment la bouche, se dsintressant du repas..) (Bleeckx, 2001 ; Halper et al. 1999 ; Logemann, 1998 ; Portet-Tarado et Touchon, 1999). Plusieurs tudes, menes auprs de patients traumatiss crniens, suggrent en outre que la prsence de troubles cognitifs est un facteur daggravation des troubles de la dglutition. Halper et al. (1999) ont ainsi montr que le score une chelle valuant les capacits dintraction, la mmoire, la rsolution de problmes, la comprhension et lexpression orales tait associ au score dune chelle valuant la svrit des troubles de mastication et de dglutition, et ce, ladmission et la sortie du service de rducation fonctionnelle et de radaptation. Mackay, Morgan et Bernstein (1999) ont ainsi mis en vidence comme facteurs de risque de troubles de la dglutition et daspiration un score bas lchelle de coma de Glasgow (Glasgow Coma Scale qui value le niveau de vigilance), et un score bas la RLA ( Rancho Los Amigos Scale of Cognitive Functioning , qui value les fonctions cognitives). De plus, les troubles cognitifs peuvent perturber la prise en charge des troubles de la dglutition et la reprise alimentaire en entravant par exemple, la comprhension, la rtention des consignes 27

ou encore lapprentissage, lutilisation et la gnralisation des stratgies compensatoires (Harper et al., 1999). Enfin, les actes de ranimation raliss en cas de coma ont une incidence sur la dglutition, en particulier dans son rle de protection des voies ariennes suprieures du flux salivaire. La canule de trachotomie et la sonde nasogastrique dnaturent la physiologie des organes effecteurs du carrefour arodigestif, altrant leur sensibilit, les rflexes dexpulsion, la mobilit larynge, la synchronisation respiration dglutition et favorisent les aspirations . Les actes de ranimation peuvent ainsi laisser des squelles svres (dfaut de dclenchement du rflexe de dglutition, dfaut de propulsion pharynge et de fermeture larynge, dsynchronisation apne-dglutition) retardant de plusieurs mois la reprise de lalimentation orale (Nougaret, 1999 ; Woisard, 2003).

3. Physiopathologie des troubles de la dglutitionLa cause primaire des troubles de dglutition dorigine neurologique est un dysfonctionnement sensorimoteur des temps oral et pharyng (Buchholz et Robbins, 1997). Comme nous lavons vu prcdemment, un grand nombre de pathologies neurologiques peuvent provoquer une dysphagie (cf annexe 12) Or dans ltat actuel des connaissances, trs peu de donnes permettent de distinguer les caractristiques de la dysphagie produite par telle ou telle pathologie (Buchholz et Robbins, 1997). Le retard de dclenchement du temps pharyng sera ainsi le trouble le plus frquent non seulement dans les accidents vasculaires crbraux, mais aussi dans les traumatismes crniens et les lsions neurochirurgicales (Logemann, 1998). Une caractristique de la dysphagie neurologique, quelle que soit la pathologie sous-jacente, est le risque lev daspirations silencieuses du fait dun dficit sensitif au niveau du carrefour arodigestif (Logemann, 1998). La qualit des troubles varie nanmoins en fonction de la localisation des lsions le long de la commande nerveuse de la dglutition (Bleeckx, 2001). Dans certaines pathologies, les lsions sont multiples et diffuses, comme chez les traumatiss crniens ( du fait du phnomne de coup contre coup), ou les maladies neurodgnratives (le niveau datteinte dpendra alors de lvolution de la maladie). Ces patients prsenteront donc un tableau clinique mixte.

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3.1. Les atteintes du tronc crbralLa lsion touche les noyaux des nerfs crniens et prsente un tableau de pathologie priphrique avec des symptmes tels quarflexie, paralysie, hypotonie, amyotrophie et fasciculations (Bleeckx, 2001 ; Barat et al., 1999). Ltiologie peut relever dune lsion tumorale, traumatique ou dgnrative (forme bulbaire de la sclrose latrale amyotrophique), dun .accident vasculaire crbral du tronc vertbro-basilaire dont la forme clinique la plus classique est le syndrome de Wallenberg (atteinte unilatrale des noyaux du V, du IX, du X et du XI crant la phase initiale une dysphagie massive due une paralysie homolatrale de lhmivoile, de lhmilarynx, de lhmipharynx et une hypotonie linguale (Marque, 2003 ; Patin, 1998)). Les consquences sur la dglutition sont fonction des noyaux des nerfs crniens touchs (Bleeckx, 2001). Pour certaines pathologies, on peut cependant trouver dans la littrature quelques caractristiques gnrales. Par exemple, dans les accidents vasculaires unilatraux, le temps oral de la dglutition est relativement prserv : la force musculaire linguale diminue du ct homolatral la lsion peut provoquer un dfaut de propulsion du bol alimentaire. Le temps pharyng lui est perturb avec : un trouble de la motricit vlaire, entranant un reflux nasal, une absence voire un retard important du rflexe de dglutition, risquant de provoquer des fausses routes primaires aux liquides avant la dglutition, une parsie pharynge unilatrale avec diminution du pristaltisme pharyng et stases vallculaires et hypopharynges favorisant les fausses routes secondaires par regorgement, une fermeture et une ascension larynges retardes voire absentes provoquant des fausses routes primaires pendant la dglutition, un dfaut de relaxation du sphincter suprieur de lsophage entranant une sensation de blocage et une stase hypopharynge lorigine de fausses routes secondaires lors de la reprise inspiratoire. (Patin, 1988 ; Schweizer et Woisard, 2003) Dans les accidents vasculaires crbraux bilatraux du tronc crbral ou la phase initiale du syndrome du Wallenberg, les fausses routes constituent un risque vital, la mise en place dune alimentation non orale est alors indispensable.

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La forme bulbaire de la sclrose latrale amyotrophique, qui volue vers une paralysie labio-glosso-pharyngo-larynge totale, se manifeste par : Une atteinte prcoce du temps oral avec difficult de mastication, dfaut de prparation et de propulsion du bol alimentaire entranant des stases buccales (notamment gingivo-jugales) et vallculaires. Lincomptence du sphincter buccal postrieur entranera des fausses routes avant la dglutition, qui touchent essentiellement les liquides au stade initial de la maladie. Un bavage pour la salive et les liquides d au dfaut dtanchit de la sangle labio-jugale apparat plus tardivement. Une atteinte pharynge plus tardive, marque, outre les fausses routes aux liquides , par des difficults de dglutition pour les solides. Le dficit de la musculature pharynge entrane ainsi une diminution du pristaltisme et la prsence de stases dans loro et lhypopharynx qui, associes un dficit douverture du sphincter suprieur de lsophage, favorisent les fausses routes secondaires. La paralysie des muscles lvateurs du voile provoque des reflux nasaux. Le dfaut dascension et de fermeture larynge favorise enfin la survenue de fausses routes pendant la dglutition. (Robert et Spezza, 2003)

3.2. Les atteintes supra-nuclairesCes atteintes correspondent une lsion de la voie cortico-nuclaire en un point quelconque de son trajet : opercule rolandique (cortex), capsule interne, pdoncules, protubrance. Elles se manifestent par un dficit de la motricit volontaire (paralysie de type centrale) qui concerne notamment les organes dvolus la dglutition, larticulation et la phonation (Patin, 1998). Ltiologie peut relever dun accident vasculaire crbral, dun traumatisme crnien, dune atteinte dgnrative (forme haute de la sclrose latrale amyotrophique., sclrose en plaque, syndromes dmentiels) (Bleeckx, 2001 ; Patin, 1998). Les troubles objectivs peuvent tre : une apparition de rires et de pleurs spasmodiques sans rapport avec la situation vcue par le patient ; une dsihinbition de rflexes pathologiques (morsure, succion) en raison du manque de contrle cortical ; dans certains cas (syndrome frontal), absence dactivation volontaire de la dglutition ; une incontinence labiale (diplgie faciale) lorigine dun bavage ; 30

des fausses routes avant la dglutition (sphincter buccal postrieur dficitaire) ; des troubles de la mastication (parsie des muscles masticateurs), un contrle du bolus limit et une absence de propulsion linguale (parsie de la langue) provoquant des stases buccales et un manque dinsalivation ; un retard de dclenchement du rflexe de dglutition, probablement d un manque dinformations proprioceptives provenant de la langue et entranant des fausses routes avant la dglutition; un temps pharyng ralenti avec tous les mouvements diminus en amplitude ; une mauvaise lvation larynge et une mauvaise fermeture glottique, perturbations plus rares selon Bleeckx (2001) ; perturbation des activits respiratoires volontaires comme lapne (avec risque de fausses routes sur la reprise inspiratoire) la toux, le flux expiratoire lent ou rapide. La toux rflexe est conserve mais perturbe : parfois trs vive, parfois trs retarde et inefficace. (Bleeckx, 2001 ; Patin, 1998 ; Schweizer et Woisard, 2003) Dans les lsions unilatrales (tels les accidents vasculaires crbraux sylviens), les dficits sont partiels en raison dune compensation possible par lhmisphre oppos. Les patients prsentant des troubles de la dglutition sont ceux dont lhmisphre intact est celui qui offre le moins de reprsentation pharynge. La rcupration irait de pair avec une augmentation de la reprsentation dans cet hmisphre rest intact (Mosier et Liu, 1999 ; cits par Bleeckx, 2001). Guatterie et al (1996) ont examin prcocement 83 patients hmiplgiques (accident vasculaire crbral unilatral droit ou gauche) par vidofluroscopie. Tous prsentaient des fausses routes leau, avant la dglutition, dues un retard de dclenchement du rflexe de dglutition. Ces fausses routes ntaient pas systmatiquement audibles, et se compliquaient parfois dune pntration trachale. Certains patients prsentaient en plus une diminution de lefficacit de la propulsion linguale et pharynge se manifestant par une stase rsiduelle, au niveau des vallcules ou des sinus piriformes. Selon plusieurs auteurs (Logemann, 1998 ; Buchholz et Robbins, 1997), les atteintes de lhmisphre droit favoriserait une dysphagie pharynge au contraire des atteintes de lhmisphre gauche qui engendreraient des problmes de la phase orale associs, dans les A.V.C sylviens gauche, la prsence dune apraxie bucco-faciale.

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Les atteintes bilatrales constituent le syndrome pseudo-bulbaire que lon peut observer par exemple dans les ramollissements crbraux bilatraux, les lacunes multiples ou encore la forme haute de la sclrose latrale amyotrophique. ( Patin, 1998). Elles prsentent un tableau de dysphagie majeure avec pjoration des dficits prsents plus haut (Bleeckx, 2001).

3.3. Les lsions du systme extrapyramidal

Ces lsions ont pour consquence une atteinte de la motricit automatique avec rduction de lamplitude et de la force des mouvements. Une atteinte caractristique des noyaux gris centraux correspond la maladie de Parkinson. Celle-ci est lie une dgnrescence de neurones produisant de la dopamine qui dbute par le noyau du locus niger et la voie nigrostriatale. Les symptmes parkinsoniens majeurs, savoir la rigidit, lakinsie et les tremblements vont retentir sur les 3 phases de la dglutition (Bleeckx, 2001) : A la phase orale, on observe une incoordination des mouvements masticatoires et linguaux provoquant un bavage, un broyage et une insalivation dficients, et un rflexe de dglutition mal activ .Woisard (2003) rapporte en effet un dfaut dinitiation du temps pharyng associ des festinations linguales (dplacement rpt davant en arrire du bol alimentaire). A la phase pharynge, on observe une hypokinsie vlaire, des stases pharynges, une mauvaise ouverture du S.S.O et une protection trop tardive du larynx qui favorisent la survenue de fausses routes. Leopold et Kagel (1997) ont montr la prsence significative dune lvation retarde du larynx, dune fermeture retarde et incomplte voire absente des cordes vocales chez des sujets parkinsoniens. A la phase oesophagienne, un problme de pristaltisme et douverture des sphincters.

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3.4. Les lsions crbelleusesCes lsions, telles quelles peuvent tre observes dans des accidents vasculaires crbraux postrieurs, des tumeurs de la fosse postrieure ou encore des traumatismes crniens, engendrent une dysmtrie, une hypotonie des muscles cervicaux ou un dficit des synergies facio-bucco-linguales qui peuvent interfrer profondment avec une alimentation correcte (Bleeckx, 2001) : impossibilit de saisir les aliments dans lassiette ; difficult de mise en bouche par absence de stabilisation de la tte et du cou ; problmes de coordination masticatoire ; hypotonie des muscles hyodiens ; retard du rflexe de dglutition ; lenteur dascension du larynx et de fermeture glottique ; des myoclonies pouvant siger sur la langue, le voile, le pharynx et le larynx compliquent les tableaux dincoordination motrice.

3.5. Les traumatismes crniensComme nous lavons voqu prcdemment, les traumatismes crniens, par le caractre diffus des lsions quils provoquent, peuvent gnrer des troubles appartenant des niveaux datteintes diffrents. Les anomalies oropharynges les plus frquemment mises en vidence en vidofluroscopie sont , en phase de rcupration (Mackay, Morgan et Bernstein, 1999 ; Morgan et Mackay, 1999) : la prsence de rflexe oraux pathologiques ; une diminution de la motilit linguale ; hypertonie de la musculature orale ; diminution de la force musculaire labiale ; retard de dclenchement du rflexe de dglutition dfaut de fermeture vlopharynge ; atteinte du pristaltisme pharyng ; dysfonctionnement du sphincter suprieur de lsophage ; diminution de llvation larynge. 33

Les traumatiss crniens prsentent donc souvent une perturbation importante de la phase orale associe une atteinte du temps pharynge.

Chapitre 4 : Evaluation de la dysphagie chez le patient crbrolsCompte tenu de leur frquence et de leurs retentissements chez le patient crbrols, la prise en charge des troubles de la dglutition doit tre une priorit des services de soins accueillant les personnes souffrant de pathologies neurologiques. Plusieurs tudes montrent ainsi lintrt de procdures spcifiques dintervention, notamment au niveau de la prvention des complications lies la dysphagie (Kozlowski et al., 2003 ; Lvy et al, 1997; Runions et al. 2004). Et comme pour toute prise en charge, lvaluation constitue ltape initiale de telles interventions. Lorthophoniste y joue un rle prpondrant par la ralisation dune valuation clinique fonctionnelle, qui contribue la dmarche diagnostique et permet dtablir un programme de rhabilitation. Dans ce chapitre, aprs avoir dfini le cadre et les objectifs du bilan orthophonique des troubles de dglutition, nous proposerons une revue de la littrature sur la faon dont ceux-ci sont valus chez les patients crbrolss et sur lintrt de lexamen clinique de la dglutition dans une telle population.

1. Cadre dans lequel sinscrit lvaluation et objectifs du bilan orthophonique1.1. Le modle de la CIFNous situons lintervention en orthophonie dans le cadre dfini par la Classification Internationale du Fonctionnement, du Handicap et de la Sant (CIF, ancienne CIDIH-2). Celleci dcrit en effet les composantes de la sant et certains lments du bien-tre relatifs la sant, comme lducation ou le travail. Elle permet dapprhender les notions de fonctionnement et de handicap trois niveaux diffrents : lorganisme, la personne en tant quindividu et la personne en tant qutre social.

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On distingue ainsi trois niveaux dinvalidit, quun bilan orthophonique, y compris celui concernant la dglutition, doit valuer : les dficiences : perte ou anomalie des structures du corps et des fonctions physiologiques ou psychologiques. Dans cette classification, la dglutition fait partie des fonctions dingestion. les limitations dactivits, dsignant les difficults que rencontre une personne dans lexcution dune tche ou dune action comme boire ou manger, et les restrictions de participation, dsignant les problmes quune personne peut rencontrer pour simpliquer dans une situation de la vie relle, comme le repas. Lenvironnement dont les inadaptations, associes aux dficiences et aux limitations dactivits, engendrent les restrictions de participation Dans ce modle en effet, le fonctionnement (terme gnrique qui se rapporte aux fonctions organiques, aux activits de la personne, et la participation au sein de la socit) et le handicap (terme gnrique renvoyant aux dficiences, aux limitations dactivits et aux restrictions de participation) proviennent dune interaction complexe, dynamique entre conditions de sant et les facteurs contextuels. Ceux-ci correspondent aux facteurs environnementaux physiques, sociaux et attitudinaux (le climat, les caractristiques architecturales, le systme juridique) et aux facteurs personnels (sexe, ge, autres problmes de sant, condition physique, mode de vie, habitudes, ducation, profession).

1.2. Rhabilitation et pluridisciplinaritl.2.1. la notion de rhabilitation et son implication au niveau de lvaluation Le modle de la CIF implique une prise en charge en terme de rhabilitation. Celle- ci est fonde sur un projet global formul par rapport au patient et son environnement, en vue damliorer la participation du sujet. Ainsi, lobjectif gnral de la prise en charge des troubles de la dglutition ne sera pas directement le rtablissement de la fonction de dglutition, mais plutt la possibilit dune alimentation satisfaisante sur le plan calorique et hydrique, sans danger et la plus confortable possible pour le patient (Puech, 2003). En langue franaise, la rhabilitation est divise en deux composantes : la rducation et la radaptation. La rducation est laction visant rduire les dficiences et amliorer les 35

fonctions atteintes par la pathologie. Elle repose sur lanalyse des dficits, une prise en charge spcifique et le contrle de lvolution. La radaptation, quant elle, tient compte du milieu de vie. Elle consiste en la mise en uvre de techniques, de stratgies qui permettent de compenser voire de surcompenser les dficiences rsiduelles pour amliorer la participation du patient aux activits de la vie. Le projet global de rhabilitation est donc tabli grce une valuation des diffrents niveaux dcrits par la CIF, les dficiences, les activits et la participation, et lenvironnement. 1.2.2. Une dmarche dvaluation pluridisciplinaire Le bilan orthophonique des troubles de la dglutition sinscrit dans une dmarche dvaluation pluridisciplinaire, la fois mdicale (mdecine physique, ORL, neurologique, stomatologique..) orthophonique, kinsithrapique, dittique, ergothrapique ou encore psychologique (Buchholz et Robbins, 1997 ). Cette pluridisciplinarit se retrouvera tout le long de la prise en charge. Les bilans mdicaux ont dabord une vise tiologique (quelle est la cause du trouble ?) puis fonctionnelle (Comment le trouble est-il tolr ? Quels en sont les mcanismes ?). Les valuations des autres membres de lquipe ont une vise essentiellement fonctionnelle. Lensemble des informations fournies permettra aux praticiens de se positionner par rapport au mode dalimentation, qui devra tre compatible avec la scurit du patient sur le plan respiratoire et nutritionnel, de dterminer les modalits de la prise en charge avec le choix des traitements adapts (chirurgicaux, mdicaux, prothtiques, rducatifs ou radaptatifs) (Woisard, 2003).

1.3. Objectifs du bilan orthophoniquePour Puech (2003), le bilan orthophonique dans le cadre des troubles de la dglutition de ladulte est une valuation fonctionnelle qui a pour objectif : Apporter des lments fonctionnels en faisant une valuation des comptences dynamiques du patient, de ses capacits fonctionnelles, de sa fonction de dglutition et de ses capacits rducatives . Dgager un profil global du patient qui sera llment de base dans llaboration du programme de rhabilitation. A la lumire du modle de la CIF, nous pourrions prciser un profil global du patient dans son environnement. 36

Apprcier lvolution du trouble et la qualit de la dglutition dans le temps, grce un outil normalis et standardis. Permettre une valuation du risque face lalimentation orale et la mise en place rapide des adaptations ncessaires la rgression des symptmes. Quand lorthophoniste est le premier intervenant face un trouble de la dglutition, la synthse des informations recueillies doit pouvoir orienter au mieux la recherche tiologique.

2. Evaluation clinique de la dglutition chez le patient crbrols : revue synthtique de la littrature2. 1. Le contenu du bilan2.1.1. Prise de connaissance du dossier mdical Il sagit de la premire tape du bilan o seront relevs les antcdents mdicaux, lhistoire de la maladie, les traitements en cours, les donnes des examens neurologiques (Patin, 1998). Logemann (1998) insiste galement sur la recherche des donnes concernant ltat respiratoire du patient (commentaires sur une atteinte rcente de la fonction respiratoire, prsence dune canule de trachotomie, antcdents de ventilation mcanique ou dintubation), et son tat nutritionnel (mode dalimentation actuel, date de mise en place, complications). Lauteur rappelle que ltat mdical gnral du patient, ses capacits suivre des instructions, sa motivation et autres donnes concernant son comportement global sont des informations utiles connatre avant de commencer lvaluation clinique. 2.1.2. Lentretien Il sadresse au patient mais aussi son entourage familial et mdical (Patin, 1998). Il fournit des informations subjectives concernant la nature du trouble et ses modalits dapparition, qui permettront de situer la ou les phases touches et les types daliments les plus faciles et les plus difficiles avaler pour le patient (Logemann, 1998). Puech (2003) apprcie ainsi la qualit de la dglutition par la recherche des symptmes spcifiques (bavage, reflux nasal, blocages, toux, stases) et aspcifiques (consquences au niveau de lalimentation, de ltat respiratoire et nutritionnel). Ces symptmes, prsents au chapitre 2, ont t dcrits par Woisard (2003). Le retentissement pulmonaire et laltration de ltat gnral permettra dapprcier en outre le degr de tolrance du trouble (Puech, 2003). 37

Buchholz et Robbins (1997) soulignent par ailleurs que le dcours temporel des symptmes a une valeur tiologique importante. Cest le plus souvent lors de lentretien que lon retrouve, dans la littrature, ltude de la capacit salimenter, grce lanalyse du contexte alimentaire. Des informations sont ainsi recueillies sur le mode dalimentation (oral, entral, mixte ; autonome, assist) (Cot, 1996 ; Puech, 2003), les prises alimentaires (frquence, dure et quantit ingres) (Patin, 1998 ; Puech, 2003), lenvironnement et les conditions dans lesquelles sont pris les repas, et le geste alimentaire ( mise en place spontane dadaptations face aux difficults, quelles soient dordre alimentaire, environnemental ou postural ) (Puech, 2003). Daprs nos recherches bibliographiques, peu mention est faite dans les bilans dj publis de lvaluation du dsavantage, des restrictions de participation conscutives aux troubles de la dglutition. Woisard (2003) et Briant (2001) tayent lentretien avec le patient par un questionnaire dauto-valuation dont une partie est consacre aux retentissements psycho-sociaux des troubles (peur de manger, gne, sentiment de honte, isolement). Selon Griffin (1974), cit par Cot et Desharnais (1984), le thrapeute doit galement men une enqute sur les habitudes alimentaires, les gots du patient et la prsence ventuelle dallergies afin dadapter au mieux la prise en charge. 2. 1. 3. Lexamen gnral Il a pour but lvaluation de ltat gnral du patient et des fonctions associes la dglutition (Puech, 2003). Il sagit dune observation globale du patient au niveau de la posture, de la motricit spontane, du tonus axial, du mode respiratoire : naturel ou non (canule de trachostomie, intubation, ou ventilation mcanique pouvant interfrer avec la dglutition), du degr dautonomie (Briant, 2001 ; Patin, 1998 ; Puech, 2003 ; Schulze-Delrieu et Miller, 1997). Les fonctions mentales, compte tenu de leur retentissement sur la dglutition, lalimentation et les possibilits de prise en charge, doivent galement tre examines. Ainsi les fonctions les plus frquemment values dans la littrature sont le niveau de vigilance, les fonctions langagires (comprhension et expression), puis les capacits attentionnelles, mnsiques ou encore lorientation temporo- spatiale (Briant, 2001 ; Cot et Desharnais, 1984 ; Logemann, 1998 ; Patin, 1998 ; Puech, 2003 ; Schulze-Delrieu et Miller, 1997). Ces valuations peuvent tre faites grce aux observations informelles au lit du patient (Logemann, 1998). Puech (2003) a choisi pour premire approche des fonctions cognitives le Mini Mental State. Briant (2001) value lorientation temporo-spatiale, la mmoire de travail et la comprhension orale laide de courtes preuves spcifiques. 38

Lvaluation des fonctions de respiration et de phonation, impliquant les mmes structures que la fonction de dglutition, est indispensable lors de lexploration des troubles de la dglutition (Puech, 2003). Au niveau de la fonction respiratoire, Logemann (1998) insiste sur lobservation de la respiration du patient au repos, la prsence dune dtresse respiratoire pourrait gner la poursuite de lvaluation et contre indiquer lintroduction immdiate dune rducation de la dglutition. Lapne et la toux volontaire sont classiquement values. Logemann (1998) examine si le patient est capable de retenir sa respiration confortablement jusque 5 secondes. Horner, Massey et Brazer (1990) valuent la prsence et lefficacit de la toux volontaire en demandant au patient de tousser le plus fort possible. La phonation sera value sur le versant voix et sur le versant articulatoire. La prsence dune dysphonie ou dune dysarthrie indique, en effet, un dficit au niveau de la musculature oropharyngo-larynge. Ainsi une dysphonie caractrise par une voix souffle peut alerter sur une mauvaise fermeture glottique , alors quune voix mouille peut tre lindice dun dficit pharyng (Schulze-Delrieu et Miller, 1997). Une dysarthrie hypokintique peut tre associe une diminution de la force musculaire de la sphre oro-faciale (Puech, 2003). Horner, Massey et Brazer (1990) proposent une valuation perceptive de la voix partir des vocalisations spontanes du patient ou dun /a/ tenu. La prsence dune dysarthrie est gnralement releve partir de la parole spontane (Daniels et. 1998). Certains auteurs intgrent des exercices articulatoires lexamen de la motricit oro-faciale (Briant, 2001 ; Daniels et al., 1998 ; Logemann, 1998). 2.1. 4 . Lexamen anatomique et sensori-moteur Lvaluation se situe ici au niveau des structures impliques dans la dglutition (tte et cou, lvres, langues, mchoire, voile du palais et larynx) et des fonctions sensori-motrices associes. Cet examen analytique et dynamique a pour but la recherche des anomalies anatomiques et neuromusculaires pouvant tre lorigine de troubles de la dglutition (Puech, 2003). Le thrapeute procdera ainsi un tat des lieux morphologique par lobservation de ltat bucco-dentaire, la prsence dune paralysie faciale, laspect des diffrentes structures au repos (tat des muqueuses, malformation, symtrie...) (Logemann, 1998 ; Schulze-Delrieu et Miller, 1997).

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La motricit volontaire des lvres, de la langue, des joues, de la mchoire, du voile du palais, est examine grce la ralisation de mouvements isols ou phonatoires sur ordre et/ou sur imitation ( Briant, 2001 ; Cot et Desharnais, 1984 ; Daniels et al., 1998 ; Logemann, 1998 ; Patin, 1998 ; Puech, 2003). Cot et Desharnais (1984) proposent galement dvaluer le contrle volontaire de la tte et du cou, ncessaire aux postures de scurit qui pourront tre mises en place lors de lalimentation. Si les mouvements sont mal excuts, il est important de distinguer ce qui relve dun dficit moteur ou dune apraxie, car lapproche thrapeutique sera diffrente selon le type de problme (Cot et Desharnais, 1984). Lamplitude, la symtrie, la vitesse ou encore la prcision sont diffrents critres que lon peut retrouver dans lvaluation de la qualit du mouvement (Cot et Desharnais, 1984, Daniels et al., 1998, ; Puech, 2003). La force musculaire est classiquement value laide dexercices contre-rsistance (Patin, 1998 ; Puech, 1998). Le tonus est apprci par la palpation. Les mcanismes laryngs dlvation et docclusion sont galement explors lors de lexamen clinique mais de manire indirecte. Ainsi lascension larynge peut tre value grce une dglutition salivaire sur ordre (Briant, 2001 ; Puech, 2003). La fermeture larynge peut tre estime travers la qualit de la voix spontane ou ltude du rapport /S/ (Logemann, 1998). Guatterie, Lozano et Barat (1992) montrent, chez les patients crbrolss, lintrt de la recherche de mouvements anormaux qui peuvent perturber la phase orale de la dglutition. Ainsi la prsence de fasciculations linguales sera en faveur dune atteinte bulbaire, la prsence de myoclonies en faveur dune atteinte crbelleuse. La motricit rflexe, perturbe dans les atteintes neurologiques, doit tre galement value : Le rflexe de dglutition ragit rarement la stimulation sur les piliers de listhme du gosier, il semble quune phase orale de prparation soit ncessaire pour la dclencher (Bleeckx, 2001). Il sera donc observ en situation (Bleeckx, 2001) ou lon recherchera la prsence de dglutitions salivaires spontanes (Briant, 2001 ; Puech, 2003). Le rflexe de toux peut tre test, selon Puech (2003), par la pression externe des premiers anneaux trachaux ou par la projection deau glace directement sur la paroi de loropharynx. Si la russite une de ces preuves valide 40 / /Z/

le test, lchec natteste par forcement de labsence du rflexe. Cot et Desharnais (1984) recherche le rflexe de toux, si aucune toux spontane nest observe, par linsertion dun tube succion dans le pharynx avec laide dune infirmire. Les auteurs notent labsence ou la faiblesse de la toux. On peut souligner le caractre intrusif de ce type de mthode. Le rflexe vlopalatin et le rflexe nauseux renseignent sur la sensibilit orale et pharynge, la contraction du voile du palais, des parois latrale et postrieure du pharynx (Briant, 2001 ; Logemann, 1998). Le rflexe vlopalatin est dclench par une stimulation la base de la luette ou au niveau des arcs vlaires (Bleeckx, 2001). Cette stimulation doit provoquer une lvation et une rtraction du palais mou sans raction pharynge (Logemann, 1998). Le rflexe nauseux est dclench par la stimulation de la base de langue ou de la paroi postrieure du pharynx (Bleeckx, 2001 ; Logemann, 1998) qui provoque une contraction forte et symtrique des parois pharynges et du voile du palais (Logemann, 1998). Pour toute asymtrie de la contraction pharynge, le clinicien peut suspecter une faiblesse unilatrale de la musculature pharynge qui pourrait affecter la dglutition (Logemann, 1998). Selon Guatterie, Lozano et Barat (1992), labolition ou lhyporflexivit des rflexes nauseux et vlopalatin saccompagne souvent dune lenteur dactivation du rflexe de dglutition. Lhyperactivit du rflexe nauseux, qui se dclenche alors ds que lon touche la moiti antrieure de la langue, est caractristique dune atteinte pseudo-bulbaire (Schulze-Delrieu et Miller, 1997). Cependant, tant donn la frquence assez leve chez les sujets normaux dun rflexe nauseux rduit, absent ou hyperactif sans que leur dglutition en soit affecte, certains auteurs comme Logemann (1998) ou Schulze-Delrieu et Miller (1997) considrent lvaluation de ce rflexe comme peu informative quant la qualit ventuelle de la dglutition. Les rflexes pathologiques ou archaques , comme les rflexes de morsure ou de succion, pouvant tre prsents en cas datteinte pseudobulbaire, sont classiquement recherchs chez les patients crbrolss (Guatterie, Lozano et Barat, 1992). Ces rflexes, de mme quun rflexe nauseux exacerb, peuvent en effet entraver la prise en charge en gnant par exemple labord de la cavit orale lors dexercices spcifiques (Puech, 2003). Cot et Desharnais (1984) testent la prsence du rflexe de morsure en plaant une brosse dent ou une tige en caoutchouc sur les couronnes des molaires infrieures. Pour le rflexe de succion, elles demandent au malade daspirer avec une paille du liquide ou de la pure. Les auteurs observent si 41

ces rflexes pathologiques sont absents, inconstants ou facilement inhibs, ou vifs (la mchoire se ferme brusquement, la squence succion-avalement ne peut tre inhibe volontairement). Fontaine et Gaudrault (2002) ont choisi de ne pas utiliser daliment dans lvaluation du rflexe de succion quelles testent par lapplication dun btonnet proximit de la bouche du patient. Elles observent ensuite sil savance pour le sucer. Un tat des lieux sensitif et sensoriel est ralis laide de diffrentes preuves de stimulations. En effet, un trouble de la sensibilit saccompagne souvent dune accumulation de nourriture dans la bouche et peut causer des fausses routes (Briant, 2001). Par ailleurs, nous avons voqu, lors du chapitre consacr au contrle nerveux de la dglutition, le rle des affrences sensitives et sensorielles dans le dclenchement du rflexe de dglutition. Enfin cet examen permet de dterminer lendroit de la bouche o placer le bol alimentaire, savoir la zone ayant la meilleure perception sensitive et sensorielle (Logemann, 1998). La perception tactile est teste par des touchers lgers laide dun coton-tige (Briant, 2001 ; Cot et Desharnais, 1984 ; Logemann, 1998). Briant (2001) teste ainsi les lvres, lintrieur des joues, la langue, la rgion palatine (le palais dur et voile du palais). Cot et Desharnais (1984) testent galement la face. Logemann (1998) ne teste que la muqueuse linguale et les piliers du voile. Chaque zone est value droite et gauche. On value si la zone stimule est correctement identifie et si la perception est symtrique (Cot et Desharnais, 1984 ; Puech, 2003). La perception thermique est teste par Patin (1998) et Puech (2003) laide dun miroir de cavum glac. Cot et Desharnais (1984) testent la perception thermique orofaciale (au niveau des mmes zones que la perception tactile) par le dpt dune goutte deau chaude ou deau froide sur le point stimul. Elles valuent ensuite si le patient identifie correctement et sans hsitation la diffrence entre leau chaude ou leau froide au point stimul. Les perceptions gustatives lmentaires sont testes laide dun coton tige imbib dune solution aqueuse aromatise aux 4 saveurs primaires : sucr, sal, acide (vinaigre (Patin, 1998) ou citron (Cot et Desharnais, 1984)), amer (teinture dalos (Patin, 1998) ou quinine (Briant, 2001 ; Cot et Desharnais, 1984)). Briant (2001) nvalue que les saveurs sucre, sale et acide. Selon Martin (2004) les saveurs doivent tre values en reconnaissance plutt quen identification. Bleecks (2001) prconise dtudier les perceptions gustatives pour les 2/3 antrieurs de 42

chaque hmilangue (innervs par le nerf VII) et le 1/3 postrieur (innerv par les nerfs IX et X). Martin (2004) recommande galement de tester chez les patients crbrolss, et surtout chez les traumatiss crniens, les perceptions olfactives. En effet, les stimulations olfactives comme gustatives favorisent linitiation de la squence motrice de la dglutition. 2.1.5. Lessai alimentaire Intrt de lessai alimentaire au sein de lvaluation clinique Pour Logemann (1998), les diffrentes informations rcoltes grce lanamnse, lentretien et les examens dcrits prcdemment doivent permettre au clinicien : (1) de dterminer la posture de scurit a priori la plus adapte la dglutition du patient, le choix de cette posture devant tre fait avant toute tentative dessai alimentaire au lit du patient ; (2) le meilleur placement du bolus dans la bouche ; (3) la consistance potentiellement la mieux adapte, qui sera teste lors de lessai alimentaire ; (4) et enfin, davoir quelques indications sur la nature du trouble de dglutitio