mélanome malin des tissus mous : à propos d’un cas pédiatrique
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J Radiol 2010;91:311-3© Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2010
Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
lettre
pédiatrie
Mélanome malin des tissus mous : à propos d’un cas pédiatrique
F El Ounani, M Chellaoui et R Dafiri
Key words:
Malignant melanoma. Clear cell sarcoma. Soft tissue tumor. Pediatrics.
Mots-clés :
Mélanome malin. Sarcome à cellules claires. Tumeur des tissus mous. Pédiatrique.
e mélanome malin des tissus mous,sarcome mélanocytaire ou sarcome àcellules claires des tissus mous est
une tumeur maligne rare des tendons etdes aponévroses, elle représente moins de1 % de l’ensemble des néoplasies des tis-sus mous (1). C’est une tumeur qui dérivedes cellules de la crête neurale qui sont ca-pables de produire de la mélanine (1, 2).Le mélanome malin est une tumeur del’adulte jeune qui se voit rarement chezl’enfant, de mauvais pronostic à cause deson évolution rapide et ses métastases pré-coces. Même si l’imagerie joue un rôleessentiel dans la prise en charge et le suivide ces tumeurs, peu de cas, concernant lesaspects en imagerie du mélanome malindes tissus mous, ont été rapportés dans lalittérature (3). Nous rapportons un cas dumélanome malin du genou chez un enfantde 13 ans, en insistant sur les apports desdifférents moyens d’imagerie en particu-lier l’IRM.
Observation
M. N. est une fille âgée de 13 ans, sans an-técédents pathologiques particuliers, a étéadmise à l’hôpital pour une tuméfactiondouloureuse de la face antérieure du ge-nou gauche évoluant depuis 2 mois, suiteà un traumatisme du genou. L’examenclinique a objectivé la présence d’unemasse dure de la face antéro-interne dugenou gauche avec limitation des mouve-ments de flexion. La radiographie du ge-nou a suspecté la présence d’une hyper-trophie localisée des parties mollesantérieures du genou gauche, qui corres-pondait à l’échographie à une masse
L
Service de Radiologie, Hôpital d’enfant-maternité, Rabat Maroc.Correspondance : F El OunaniMadinat Alirfane, BP 3770, 10101 Rabat, Maroc. E-mail : [email protected]
hypoéchogéne, hétérogène, mal limitée,très vascularisée au Doppler ; et qui étaitassociée à un épanchement articulaireanéchogène.La tomodensitométrie (TDM)
(fig. 1)
aconfirmé la présence d’un processus lé-sionnel hypodense intéressant la logemusculaire antérieure du genou gauche(muscles vastes externe et interne) quise rehaussait de manière hétérogèneaprès injection de produit de contrastedélimitant des zones de nécroses. Ceprocessus infiltrait le tissu sous cutanéet arrivait au contact de la rotule en baset du fémur en arrière. À l’imagerie parrésonance magnétique (IRM)
(fig. 2),
ilavait un signal homogène isointenseaux muscle en séquence pondérée T1,hétérogène en séquence pondérée T2,se rehaussant fortement après injectionde gadolinium. Une biopsie chirurgica-le a été réalisée dont les études histolo-giques et immunohistochimiques ontpermis d’affirmer le diagnostic de mé-lanome malin des tissus mous.
Discussion
Le sarcome à cellules claires (SCC) destissus mous a été initialement décrit en1965 par Enzinger. Par la suite, la mise enévidence de mélanosomes et de dépôtsmélaniques dans les cellules tumorales apermis à Chung et Enzinger en 1983 (4)de proposer une deuxième dénomination« mélanome malin des tissus mous ». Lemélanome malin des tissus mous est unetumeur habituellement de l’adulte jeune,avec un pic d’incidence entre 20 et 40 anset une légère prédominance féminine (5).Il est exceptionnel chez l’enfant. La fré-quence est de 2 % des mélanomes malinsdes tissus mous pour une tranche d’âgeinférieure à 10 ans. L’étude des revues dela littérature trouve environ une centainede cas rapportés âgés de moins de 16 ans(6). Le mélanome malin des tissus mousatteint habituellement les extrémités infé-rieures en particulier, le pied et la cheville(33 %-43 %), souvent près du tendond’Achille ou de l’aponévrose plantaire (7).
Fig. 1 : TDM du genou gauche en coupes axiales.Processus tumoral hypodense intéressant les muscles vastes externe et interne, se rehaussant de manière hétérogène après injection de produit de contraste.
a b
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Les autres localisations communes sont re-présentées par le genou, la cuisse, la main etle poignet (8). Néanmoins, dans la littératu-re ont été décrits des sites exceptionnelspour ce sarcome mélanocytaire ; notam-ment le mollet (4), le poumon, la paroi tho-racique, la moelle épinière cervicale, l’omo-plate, le rétropéritoine (2) et le pénis.Cliniquement, le mélanome malin des tis-sus mous se manifeste souvent par l’appa-rition d’un nodule sous-cutané sans con-nection avec le revêtement cutané,d’évolution lente. La douleur est présentechez 40 % des malades selon Luca
et al.
(9).Une histoire de traumatisme précédantl’apparition de la tumeur est notée chez lamoitié des patients, comme c’est le casd’ailleurs de notre malade. Les radiogra-phies conventionnelles sont habituelle-ment normales. Parfois, elles objectiventune tumeur des tissus mous renfermantrarement des calcifications. Une participa-tion osseuse peut être rencontrée dans10 % des cas (10). L’échographie permetd’identifier la masse tumorale, de détecterune récidive (11, 12), et d’étudier la vascu-
larisation ainsi que les rapports vasculairesde la lésion grâce au Doppler.La TDM et l’IRM sont essentielles pour lediagnostic de ces tumeurs. Cependant, lamauvaise délimitation tumorale à laTDM par rapport aux structures muscu-laires et fascias, sa faible capacité à diffé-rencier les différentes composantes intra-tumorales et ses artefacts de densité auxinterfaces os-tissus mous limitent l’intérêtde cet examen. Les principales indicationsde la TDM sont l’étude du bilan d’exten-sion, l’étude des rapports vasculaires de lamasse, et la réalisation d’actes interven-tionnels type biopsie. L’IRM avec soncontraste élevé et la possibilité d’acquisi-tions multi-planaires font d’elle l’examenidéal pour le bilan préthérapeutique etpour le suivi de ces malades. En cas demélanome malin des tissus mous, elle ré-vèle une masse bien limitée dans 67 % descas (10), avec un signal le plus souvent ho-mogène, légèrement hyperintense en T1et hypointense en T2, en rapport très pro-bablement avec la présence de mélanine(7, 13). Un rehaussement homogène est
Fig. 2 : IRM du genou gauche.Processus lésionnel de la loge antérieure iso-intense au muscle en T1, hétérogène avec des zones d’hyposignal en T2, qui se rehausse fortement après injec-tion.
a Coupe sagittale pondérée T1.b Coupe axiale pondérée T2 SAT
FAT.c Coupe sagittale T1 SAT FAT
après injection de gadolinium.
a bc
observé après injection de Gadolinium(5). Pour Isoda
et al.
, le signal du mélano-me malin des tissus mous est iso-intenseau muscle en séquence pondérée T1, ethétérogène renfermant de petits foyershypointenses en T2. Ces auteurs expli-quent cette variabilité de signal par la pré-sence conjointement de mélanine et dufer (3). Cet aspect a été aussi noté cheznotre patiente. Le diagnostic différentieldu mélanome malin des tissus mous sepose généralement chez l’adulte jeuneavec les autres sarcomes rencontrés à cetâge, en particulier, le sarcome synovial etle sarcome épithélioïde (7). Cependant laprésence de zones d’hyposignal (calcifica-tions et/ou fibroses associées parfois ausarcome épithélioïde) et de zones de si-gnal liquidien avec des foyers d’hypersi-gnaux en séquences pondérées T1 et T2(remaniements nécrotico-hémorragi-ques), permettent de redresser le diagnos-tic (3, 13, 14). Chez l’enfant et l’adolescentle diagnostic différentiel se pose surtoutavec le rhabdomyosarcome qui constituele sarcome des parties molles le plus fré-quent à cet âge. Plus rarement, la synovitenodulaire localisée peut poser des problè-mes diagnostiques, mais la présence d’unhyposignal T1 et la mise en évidenced’hémosidérine en séquence pondérée T2constituent des traits distinctifs impor-tants (3).Ailleurs le diagnostic différentiel se poseavec les masses ayant un signal élevé enT1 tel que le lipome et le liposarcome(d’où l’intérêt des séquences avec satura-tion de graisse). Il peut se poser égalementavec les rares cas de schwannomes méla-nocytiques et avec l’hématome sub-aigu.Enfin la confirmation diagnostique estobtenue grâce à l’étude anatomopatholo-gique de la pièce opératoire ou de la biop-sie écho ou scanoguidée. Le traitementconsiste en une exérèse chirurgicale radi-cale voire une amputation, combinée àune radiothérapie adjuvante et à une chi-miothérapie dans certains cas. L’IRM estl’examen de choix pour le suivi des mala-des sous traitement et pour la détectiond’éventuelles récidives. La visualisationd’une masse en hypersignal T2 fortementrehaussée après injection de gadoliniumest en faveur d’une récidive locale. Par-fois, la distinction entre récidive tumoraleet pseudotumeur inflammatoire peut êtredifficile, dans ces cas la séquence d’injec-tion rapide avec acquisition rapide etsoustraction, fournit d’excellents résul-tats : la tumeur prend le produit de
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contraste dans les deux premières minu-tes après injection, l’inflammation le plussouvent plus tardivement (15).Le pronostic de ces tumeurs est mauvaisavec des récidives locales et des métastasesfréquentes, estimées respectivement à 14-26 % et 44-83 % (7). Les métastases sontsurtout ganglionnaires (30 à 55 % des cas),pulmonaires, et osseuses (7). Les élémentsde mauvais pronostic sont la nécrose et lagrande taille tumorale (> 5 cm) (2, 7). Parailleurs, le pronostic est considérablementmeilleur pour les tumeurs siégeant au ni-veau des extrémités que pour celles sié-geant au niveau des autres sites. Le méla-nome malin des tissus mous est une raretumeur agressive des tissus mous. L’ima-gerie grâce à l’IRM a de multiples inté-rêts ; d’une part elle permet de diagnosti-quer la tumeur et de préciser sonextension ; d’autre part elle permet deguider la voie d’abord, et de faire le suivides malades après traitement à la recher-che d’éventuelles récidives.
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