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matières - lieux - corps Manon Gignoux Plasticienne

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Manon Gignoux - Cahier de travail

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matières - lieux - corps

Manon GignouxPlasticienne

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inspirations - recherches

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Les portraits de Dorothea Lange

Un déclic se produit lors d’une exposition consacrée aux photographies de Dorothea Lange. Je suis saisie par les portraits de ces hommes et de ces femmes démunis. Leurs vêtements usés, déformés, reprisés, semblent l’ultime témoignage de leur vécu, leur enveloppe de tissu mais aussi leur maison. Que la matière et la forme des habits puissent finir par contenir l’histoire d’une personne, voilà une vérité conquise à la force du regard que je m’emploie ensuite à déployer en recher-chant les vies passées dans les traces matérielles que les personnes ont laissées, non pour en faire l’histoire mais pour leur imaginer une mémoire.

La collecte des rebuts

Sillonnant la ville à vélo, je commence à ramasser dans la rue des vêtements et objets abandonnés, des matériaux voués à l’anéantissement. J’aime les tissus humbles et modestes qui disent le labeur quotidien et la condition humaine. Morceaux de vie des gens de peu dont le recueil patient appelle à un nouvel usage en guise d’hommage. J’invente avec ces rebuts la matière de mes premières créations, dans un jeu de déconstruction-reconstruction.

Pour mon projet de fin d’études, j’explore deux univers à priori distants, la maison de familledans le Trièves et les habits des travailleurs, à travers un même médium, la photographie.

La maison familiale

Dans la maison de famille, habitée depuis sept générations, je commence à photographierles détails, m’approchant pour mieux prendre de la distance. Je revisite ce territoire en medéfaisant de toute familiarité avec les objets, les vêtements et les meubles usés par leshabitudes de perception. Ainsi je plonge en eux comme dans un univers imaginaire où révéler des ordonnancements régis par des lois d’une beauté singulière - accumulations de balais, superpositions de tor-chons, alignements de brocs percés, empaquetages et enveloppements – et abstraire des matières et des formes aux contours inédits. Les gros plans ouvrent l’accès à des espaces inconnus logés dans la profondeur de l’univers domestique. Ils révèlent les marques de l’usure et les diverses altérations visibles à la surface des choses. Ils font pénétrer à l’intérieur des strates de vies superposées au fil du temps, au cœur de l’intimité révolue des corps et des objets.Un exercice que je prolonge jusqu’au vertige devant l’absence de ces existences passées.

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La Commanderie, Trièves, France, 1998

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ci-dessus et pages suivantes : Traces de l’Usage et du Temps

Projet de fin d’études à l’Ecole Supérieure des Arts Appliqués Duperré, Paris 2000

Les habits des travailleurs

Par ailleurs, je me lance dans une recherche autour des Traces de l’usage et du temps sur lesvêtements. Explorant le vêtement de travail et ses usures, je puise notamment mon inspirationdans La France travaille, série de fascicules édités par Horizons de France dans les années 30,fondés sur une commande au photographe François Kollar.

Je détache les vêtements du contexte historique qui les a vus naître, je compose des carnets de photos montées selon une logique formelle et dégage quatre axes de recherche autour de personnages emblématiques : le «charpentier» ou la trace de l’altération, la «blanchisseuse» ou l’empreinte des mouvements répétés, l’«envers du tailleur» ou les jeux de déconstruction-reconstruction, la «marchande» ou la rencontre des vêtements de travail et du quotidien et la façon dont l’objet porté vient s’intégrer au corps.

Les manières de porter l’habit et l’empreinte des gestes dessinent ici une fascinante polypho-nie de formes, au plus près des individus : plis, drapés, déchirures, nœuds, superpositions,accidents, empiècements, raccommodages, repassages, froissures, trous, effilochages,reprises…

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Le charpentier, ou les traces de l’altération

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La blanchisseuse, ou l’empreinte des plis

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L’envers du tailleur, ou les jeux de déconstruction/reconstruction

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Figure, 2000

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Objet emmailloté, 2000

La maison, le vêtement

Une évidence s’impose : ces deux recherches fondatrices, conçues initialement de manièreparallèle, relèvent d’une seule et même exploration. Maison et vêtement reposent sur une même manière d’être. Habiller son corps comme habiter sa maison, c’est à la fois se protéger et se dévoiler, expérimenter un rapport à soi.

Ces espaces sont ancrés dans la tension entre le vide et le plein : l’habité / l’abandonné ; l’habillé / le nu. Ils peuvent être considérés comme des formes qui contiennent en virtualité des corps, réserve de possibles, ou des formes empreintes par les corps, traces du passé.

Réceptacles de vies, enveloppes des corps, maison et vêtement, posent la question des fron-tières de ce qui est propre à soi : le chez soi délimite la séparation avec le monde extérieur.Dans les situations extrêmes, ces deux espaces se superposent : c’est ainsi qu’un vêtement peut être la dernière possession d’un homme et lui servir à la fois de maison et d’habit.

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Vêtement en bocal Objets emmaillotés

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Illusions et Métamorphoses, Saint Cloud, 2006

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J’envisage le vêtement non comme entité isolée mais dans une relation dynamique avec les objets, les espaces et les corps. Ma quête, esthétique en mouvement, est soutenue par de perpétuels questionnements sur le beau et le fonctionnel, la réversibilité, la durée, le poids du temps, l’absence et la présence des corps, les intervalles et les états intermédiaires.Une méthode de travail où l’intuition me guide vers l’épure.Je travaille sur la durée, en partant de choses existantes, selon un processus d’appro-fondissement progressif.

Le beau et le fonctionnel

J’éprouve une émotion singulière devant les choses utiles dont la fonctionnalité s’est perdue au fil du temps. Je porte une attention extrême à “la création involontaire”, une manière de replacer le hasard au sein de la création. Pour travailler, je cherche à retrouver cette sensation d’enfance face aux objets qui fait oublier à quoi ils servent pour mieux échanger les fonctions. Lors de ma collaboration avec la Compagnie Pocheros, le chapiteau m’est apparu tour à tour comme le dessous d’une grande jupe contenant tout un monde, et un cocon où les objets domestiques comme des abat-jour, des housses de siège, des tapis, deviennent habits ou habitats. De la même manière, observant les principes d’organisation à l’œuvre dans la maison de famille, je transforme les vêtements en objets, en les mettant en bocaux, et j’emmaillote les contenants de tissus, dans un jeu d’inversion des rôles.

L’envers

Je ressens le besoin de découvrir l’envers des choses, leur face dérobée au regard. C’est le plaisir d’examiner la façon dont elles ont été fabriquées, parfois dans la hâte, avec trois fois rien, l’émotion de se retrouver au plus près de gestes passés pour mieux entrer dans l’intimité de la matière. Dans ma collection d’archives textiles, des pièces d’apparence tout à fait commune cachent cette beauté singulière, comme les poches d’un bleu de travail reconstruites et raccommodées par assemblage de chutes de tissu.J’aime à penser la réversibilité, expérimenter les possibilités inverses.L’intérieur de la maison est un peu comme l’envers d’un vêtement, sa doublure, l’extérieur peut toujours devenir intérieur et vice-versa.

Le corps : absence-présence

Le vêtement est indissociable du corps, il est volume et sculpture.Il renvoie à l’absence-présence des corps : corps d’êtres passés qui laissent des traces, comme une empreinte à l’intérieur du vêtement, tout à la fois habité et inhabité ; corps à venir qu’appellent le vide, comme une matrice où se mêlent l’animé et l’inanimé. Ainsi le vêtement est-il réceptacle d’histoires vécues, porteur de mémoire mais aussi réserve de possibles, fabrique d’histoires à inventer.

Il renvoie ensuite à la question du « faire-corps » : comment l’objet ou le vêtement porté vient s’intégrer au corps dans une tension dynamique ?En explorant les vêtements de travail, je découvre l’impact des gestes sur l’habit, gestes répétés au point de le sculpter en une sorte de portrait textile d’une individualité radicale. Les sculptures textiles matérialisent cette fusion du corps et du vêtement.

La durée

Ma démarche se conçoit sur la durée, je pars de choses existantes, que ce soit le tout ou la partie, pour les détourner de leur usage premier, les déconstruire et les recons-truire, directement en prise avec la matière, qui me sert de guide. Je suis particulièrement sensible aux altérations textiles, qu’elles soient involontaires -usures, déchirures, accrocs, trous, couleurs passées- ou volontaires -reprises, strates, raccommodages, empiècements, superpositions.J’accumule des matériaux glanés, classés par principes - de forme, d’inspiration oude transformation -, par tailles, par couleurs : textiles, fragments de vêtements, objets,matériaux détournés de leur premier usage…J’aime à explorer toutes ressources de la matière, en allant jusqu’au bout des possibi-lités, de la grande surface qui enveloppe à la miette qui s’accroche, en passant par les lambeaux qui s’entrelacent ou se nouent.

L’épure

Je dessine.Les croquis me servent de pages d’écriture, comme un support pour une pensée qui se construit et laisse place à l’accident, faisant émerger des pistes inattendues et des territoires inconnus.J’en dégage des principes formels qui tendent vers l’épure.

L’entre-deux

Construit sur la durée et les états transitoires des êtres et des choses, mon travail tend vers l’inachevé. Il est oscillation de l’entre-deux : formel / informel, intérieur / extérieur, porté - posé / suspendu, aplat / volume, habité / inhabité, animé / inanimé, masculin / féminin, mesure / démesure, ordre / désordre, corps / décor, passé / présent.

C’est dans l’intervalle entre deux états, deux choses que réside le moteur de ma création.

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sculptures textiles

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Oripeaux, 2009, 120 cm

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Restes, 2011, de gauche à droite : 40 cm, 170 cm, 90 cm

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Sans titre, 2011 - 100 x 60 cm Morcellement, 2011 - 250 x 110 cm

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Passages, 2006, de gauche à droite : 220 cm, 160 cm

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Figures, 2011, 34 cm

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Entrelas, 2011, 40 x 170 cm

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Ballots (L’attente), 2011, 50 x 50 cm

Ballots (série), 2011, 30 cm

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Ballots (série), 2011,30 cm

Communion, 2011, 320 x 210 cm

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annexescostumesatelier

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costumes

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Compagnie PocherosEntre chiens et loups

Paris Quartier d’Été, 2004

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James Thiérrée et la Cie du HannetonAu revoir parapluie

Théâtre de la Ville, 2006

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Julie Brochen, La Cerisaie (Anton Tchekhov)Théâtre National de Strasbourg

Théâtre de l’Odéon, 2010

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L’atelier

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Manon Gignoux3 cité Aubry, 75020 Paris

01 43 56 92 78 - 06 64 91 35 [email protected]

manon-gignoux.com

Je remercie, respectivement, Anne-Christine Voelckel pour son aide à l’écriture,

pour leurs photographies : Jean-Louis Fernandez, Au Revoir Parapluie / Franck Beloncle, La Cerisaie / Cécile Hug, certains Objets Emmaillotés Eric Morin, Passages / Eric Valdenaire, matières, Ballots, Communion, l’atelier

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