lymphome non hodgkinien primitif du sein : à propos d’un cas

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J Radiol 2010;91:1155-7 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2010 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés lettre sénologie Lymphome non hodgkinien primitif du sein : à propos d’un cas H Boufettal, Z Rochdi, S Hermas, M Noun et N Samouh es lymphomes non hodgkinien pri- mitifs (LNHP) du sein sont une en- tité rare et représentent 2,2 % de l’ensemble des lymphomes extra-gan- glionnaires et moins de 0,5 % des tumeurs mammaires (1). Nous rapportons une nouvelle observation de lymphomes non hodgkinien à localisation mammaire pri- mitive. Nous discuterons les aspects épi- démiologiques, radiologiques, cliniques, thérapeutiques et évolutifs de la maladie. Observation Il s’agit d’une patiente âgée de 60 ans, sans antécédents pathologiques particuliers, ménopausée depuis 10 ans, sans traite- ment substitutif de la ménopause. Elle consultait pour un nodule du sein droit. L’examen clinique retrouvait un nodule au niveau du quadrant supéro-externe du sein droit de quatre centimètres, mobile par rapport aux deux plans, sans signes inflammatoires en regard ni adénopathie axillaire palpable. La mammographie bi- latérale montrait une opacité de contours polylobés irréguliers mesurant trois sur trois centimètres de diamètre (fig. 1). L’échographie mammaire montrait une formation hypoéchogène, de contours polylobés irréguliers mesurant trois centi- mètres (fig. 2). La lésion était classée BIRADS 5 de l’ACR. Une tumorectomie était alors réalisée. L’examen extempora- né montrait une prolifération tumorale indifférenciée posant le problème de son origine épithéliale ou lymphoïde. Les li- mites de résection étaient saines. Le curage ganglionnaire axillaire n’était pas réalisé devant l’incertitude diagnostique en at- tente de l’étude immunohistochimique. Cette dernière montrait que les cellules tumorales exprimaient le CD45. La cyto- kératine était négative. Le diagnostic retenu était celui d’une prolifération lymphoma- teuse agressive du sein. Un bilan d’extension comportant une to- modensitométrie thoraco-abdominale, une échographie abdominale et une biop- sie ostéo-médullaire était négatif. La patiente avait reçu une chimiothérapie à base de Cyclophosphamide ® , Epirubicine ® , Oncovin ® , Prednisone ® et une radio- thérapie locale. Une rémission complète était constatée à 28 mois du traitement. Discussion Le lymphome primitif mammaire (LPM) se définit par l’atteinte d’un ou des deux seins. La classification de Wiseman et al. Key words: Breast tumor. Lymphoma. Treatment. Mots-clés : Tumeur du sein. Lymphome. Traitement. L Fig. 1 : Aspect mammographique montrant une masse irrégulière, de contours polylobés, très suspecte de malignité. a Cliché de face. b Cliché axillaire. ab Service de Gynécologie-Obstétrique « C », Centre Hospitalier Universitaire Ibn Rochd de Casablanca, Maroc. Correspondance : H Boufettal, 29, Lot. Abdelmoumen, Résidence Al Mokhtar, Derb Ghallef, 20100, Casablanca, Maroc. E-mail : [email protected]

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Page 1: Lymphome non hodgkinien primitif du sein : à propos d’un cas

J Radiol 2010;91:1155-7© Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2010

Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

lettre

sénologie

Lymphome non hodgkinien primitif du sein : à propos d’un cas

H Boufettal, Z Rochdi, S Hermas, M Noun et N Samouh

es lymphomes non hodgkinien pri-mitifs (LNHP) du sein sont une en-tité rare et représentent 2,2 % de

l’ensemble des lymphomes extra-gan-glionnaires et moins de 0,5 % des tumeursmammaires (1). Nous rapportons unenouvelle observation de lymphomes nonhodgkinien à localisation mammaire pri-mitive. Nous discuterons les aspects épi-démiologiques, radiologiques, cliniques,thérapeutiques et évolutifs de la maladie.

Observation

Il s’agit d’une patiente âgée de 60 ans, sansantécédents pathologiques particuliers,ménopausée depuis 10 ans, sans traite-ment substitutif de la ménopause. Elleconsultait pour un nodule du sein droit.L’examen clinique retrouvait un nodule

au niveau du quadrant supéro-externe dusein droit de quatre centimètres, mobilepar rapport aux deux plans, sans signesinflammatoires en regard ni adénopathieaxillaire palpable. La mammographie bi-latérale montrait une opacité de contourspolylobés irréguliers mesurant trois surtrois centimètres de diamètre

(fig. 1)

.L’échographie mammaire montrait uneformation hypoéchogène, de contourspolylobés irréguliers mesurant trois centi-mètres

(fig. 2)

. La lésion était classéeBIRADS 5 de l’ACR. Une tumorectomieétait alors réalisée. L’examen extempora-né montrait une prolifération tumoraleindifférenciée posant le problème de sonorigine épithéliale ou lymphoïde. Les li-mites de résection étaient saines. Le curageganglionnaire axillaire n’était pas réalisédevant l’incertitude diagnostique en at-tente de l’étude immunohistochimique.

Cette dernière montrait que les cellulestumorales exprimaient le CD45. La cyto-kératine était négative. Le diagnostic retenuétait celui d’une prolifération lymphoma-teuse agressive du sein. Un bilan d’extension comportant une to-modensitométrie thoraco-abdominale,une échographie abdominale et une biop-sie ostéo-médullaire était négatif. Lapatiente avait reçu une chimiothérapie àbase de Cyclophosphamide

®

, Epirubicine

®

,Oncovin

®

, Prednisone

®

et une radio-thérapie locale. Une rémission complèteétait constatée à 28 mois du traitement.

Discussion

Le lymphome primitif mammaire (LPM)se définit par l’atteinte d’un ou des deuxseins. La classification de Wiseman

et al.

Key words: Breast tumor. Lymphoma. Treatment.

Mots-clés : Tumeur du sein. Lymphome. Traitement.

L

Fig. 1 : Aspect mammographique montrant une masse irrégulière, de contours polylobés, très suspecte de malignité. a Cliché de face.b Cliché axillaire.

a b

Service de Gynécologie-Obstétrique « C », Centre Hospitalier Universitaire Ibn Rochd de Casablanca, Maroc.Correspondance : H Boufettal, 29, Lot. Abdelmoumen, Résidence Al Mokhtar, Derb Ghallef, 20100, Casablanca, Maroc. E-mail : [email protected]

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H Boufettal et al.

(1) définit les critères diagnostiques du lym-phome primitif mammaire. Cette néoplasietouche généralement la femme (3-10).Toutes les tranches d’âge sont concernées,mais, deux pics sont constatés. Le premierpic est observé chez la femme jeune enâge de procréation souvent au cours d’unegrossesse (11) ; le second est plus impor-tant se situant entre 50 et 60 ans, commec’est le cas de notre patiente. Le pronosticdurant ce deuxième pic est plus favorable.L’atteinte est souvent unilatérale. La bila-téralité est possible et peut être synchroneou métachrone (3).Cliniquement, le lymphome primitifmammaire se manifeste par un nodulemammaire, comme c’était le cas de notrepatiente, plus rarement il peut s’agird’une tumeur inflammatoire du sein si-mulant une mastite carcinomateuse. Laprésence d’adénopathie axillaire devraitfaire suspecter le diagnostic de lymphomenon hodgkinien chaque fois qu’elle estvolumineuse ou qu’elle intéresse des airesganglionnaires inhabituelles pour l’ex-tension lymphatique d’une tumeur dusein (3-5).Le LPM peut avoir plusieurs aspectsmammographiques. Le plus souvent, ils’agit d’une masse isolée avec des limitesirrégulières (50 %), ce qui est le cas de no-tre patiente. Une masse partiellementbien limitée est retrouvée dans 37,5 % descas, un aspect de tumeur bénigne peut sevoir dans 12,5 % des cas, et enfin un as-pect moins fréquent qui est celui d’uneatteinte diffuse entrainant une augmen-tation de la densité parenchymateuse avecou sans atteinte cutané (4-7).Le rôle de l’échographie dans le diagnos-tic du LPM est de confirmer la présence

d’une masse solide qui n’est pas spécifique.Il a été suggéré que les masses lymphoma-teuses sont souvent hypoéchogénes voireanéchogénes, plus ou moins bien limitées(8).L’IRM mammaire est supérieure à lamammographie et l’échographie mam-maire, tant en ce qui concerne la détectionde foyers lymphomateux, la recherche descaractéristiques tumorales et la recherched’une multicentricité. Le lymphomemammaire prend à l’IRM l’aspect d’unelésion mal limitée, mais non spiculée,hypointense en T1 et isointense au paren-chyme glandulaire en T2 avec présenced’un halo hyperintense. Le rehaussement,rapide et important dans les séquencesdynamiques, aide à exclure une tumeurbénigne et peut indiquer une atteinte se-condaire en cas de lymphome extra-mammaire connu (4, 5). Cependant, lesaspects IRM retrouvés ne sont pas patho-gnomoniques, ni d’un lymphome parrapport au carcinome mammaire classi-que, ni de l’origine primitive ou secon-daire (4).Sur le plan thérapeutique, il n’existe pasde stratégie thérapeutique univoque.Le traitement repose essentiellement surla chimiothérapie associée ou non à la ra-diothérapie suivant le stade. La chirurgiepermet de faire l’exérèse de la lésion pourposer le diagnostic ou le confirmer aprèsbiopsie radioguidée (2-4). L’exérèse chi-rurgicale associée à la chimiothérapie estrecommandée par la plupart des auteurs(6). L’association chimiothérapie-radio-thérapie sans chirurgie est indiquée parcertains auteurs (1), particulièrementpour les tumeurs volumineuses avec ex-tension ganglionnaire axillaire homolaté-

Fig. 2 : Aspect échographique montrant une formation hypoécho-gène de contours polylobés irréguliers.

rale. La mastectomie et le curage gan-glionnaire homolatéral semblent êtreinutiles, même en présence d’adénopa-thies axillaires perceptibles cliniquement(6). Récemment, certains auteurs ont pré-conisé l’association d’une chimiothérapieavec immunothérapie à base de Rituxi-mab dans les lymphomes B (6, 7). La ré-ponse thérapeutique peut être suivie parIRM qui est plus performante que lesautres méthodes (4, 5).Le pronostic des LNHP mammaires estétroitement lié au stade clinique de la lé-sion et au grade histologique. Pour Abbeset al. (12), le pronostic est comparable auxautres localisations extra-ganglionnairesdes LNH. Par ailleurs le pronostic est dif-ficile à évaluer en raison du nombre de caspeu importants dans chaque série, dumanque de reproductibilité dans les typeshistologiques et des thérapeutiques trèsdifférentes au cours des années. L’histoirenaturelle du lymphome primitif du seinapparaît différente des autres LMNHextra-ganglionnaires dans d’autres sites àcause de sa rapidité de progression et deson mauvais pronostic (1, 10). Le stade cli-nique et le grade histologique représen-tent les plus importants des facteurs pro-nostiques (2, 10). Dans la série de Sabaté etal. (5), la survie à 5 ans des patientes ayantun lymphome primitif est de 90 %.

Conclusion

Les lymphomes non hodgkinien primitifsdu sein constituent une entité anatomo-clinique rare qui reste néanmoins impor-tante à connaître par le radiologue du faitde la prise en charge différente du carcino-me canalaire. Les aspects radiographiqueset cliniques ne sont pas spécifiques et que lediagnostic n’est posé que sur l’histologie.L’étude de séries plus larges pourrait per-mettre de mieux codifier leur traitement etaméliorer leur prise en charge.

Conflits d’intérêt

Aucun.

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H Boufettal et al.

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