luxation talo-crurale pure chez un footballeur (À propos d’un cas et revue de la littérature)

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Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

Journal de Traumatologie du Sport 31 (2014) 224–227

Cas clinique

Luxation talo-crurale pure chez un footballeur (À propos d’un cas et revuede la littérature)

Pure talocrural dislocation in a football player (A case report and review of the literature)

O. Dahmani a,∗, Y. Ouchrif b, H. Alarab b, S. Blanc b, A. Elmrini a

a Service de chirurgie ostéo-articulaire (B4), CHU Hassan II, 30000 Fès, Marocb Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, centre hospitalier René-Dubos, 95300 Pontoise, France

Disponible sur Internet le 4 novembre 2014

ésumé

La luxation talo-crurale pure est une lésion rare et se voit exceptionnellement à la suite d’un accident sportif. Les auteurs rapportent le cas’un footballeur ayant présenté une luxation talo-crurale postéro-interne pure. Une réduction immédiate à foyer fermé a été réalisée, suivie de huitemaines d’immobilisation plâtrée. Après 26 mois de suivi, les résultats fonctionnels étaient satisfaisants. Une revue de la littérature montre la raretée cette entité, ses facteurs prédisposants et la difficulté de la prise en charge thérapeutique ainsi que l’intérêt de la rééducation qui conditionne leronostic fonctionnel.

2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

ots clés : Accident sportif ; Luxation ; Talo-crurale ; Syndesmose

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Talocrural dislocation without associated fracture is a rare dislocation and is not commonly seen as a sport injury. The authors report the casef a football player who presented a tibiotalar dislocation. The treatment was orthopedic with a very good functional result. Immediate reductionas performed followed by eight weeks of cast immobilization. After 26 months of follow-up, functional results were satisfactory. We try through

his case and a review of the literature to underline the rarity of this entity, its predisposing factors, and the difficulty its therapeutic coverage asell as the interest of the rehabilitation, which conditions the functional recovery of the ankle.

2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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eywords: Sport injury; Dislocation; Talocrural; Syndesmosis

. Introduction

La luxation talo-crurale ou tibio-talienne sans fracture asso-iée est une lésion exceptionnelle [1–3], toujours provoquéear un traumatisme violent. Peu de travaux de plus de trois casont rapportés dans la littérature sur cette pathologie. Les varié-és internes et postéro-internes sont les plus fréquentes. Nous

apportons un cas d’une luxation talo-crurale postéro-interneure.

∗ Auteur correspondant. 107, avenue Ismailia Hay Zohour, 30000 Fès, Maroc.Adresse e-mail : [email protected] (O. Dahmani).

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http://dx.doi.org/10.1016/j.jts.2014.10.003762-915X/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

. Patient et méthodes

Monsieur S.F., âgé de 38 ans, sans antécédents pathologiquesarticuliers, footballeur amateur, a été victime, au cours d’unntraînement, d’un traumatisme du pied gauche à la suite d’unehute en arrière avec le pied bloqué contre le sol. L’examenlinique, à l’admission, retrouvait un œdème important et uneéformation de la cheville gauche sans ouverture cutanée ; touteentative de palpation ou de mobilisation de la cheville était trèsouloureuse. L’examen régional n’a pas objectivé de lésion ten-

ineuse, ni vasculonerveuse. Le bilan radiologique objectivaitne luxation talo-crurale pure à déplacement postéro-interneu talus avec diastasis tibiofibulaire distal et sans autre lésion
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O. Dahmani et al. / Journal de Traumatologie du Sport 31 (2014) 224–227 225

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ig. 1. a : radiographie de face de la cheville gauche montrant une luxation intuxation postérieure talo-crurale pure.

sseuse associée (Fig. 1). La réduction orthopédique a été réa-isée en urgence sous anesthésie générale par la manœuvre’arrache-botte. Le contrôle radiologique a montré une bonneongruence articulaire après réduction avec rétablissement dea syndesmose (Fig. 2). La réduction s’est avérée stable. Uneontention complémentaire par botte plâtrée a été réalisée etaintenue pendant six semaines, sans appui.

Le résultat fonctionnel a été jugé selon le score de Gay et

vrard décrit et modifié par Elisé et al. [4] (douleur, instabilité,obilité, œdème et troubles trophiques, activité professionnelle,

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ig. 2. a : radiographie de face de la cheville gauche après réduction de la luxation tae la luxation talo-crurale pure.

alo-crurale pure ; b : radiographie de profil de la cheville gauche montrant une

érimètre de marche et, enfin, la reprise de l’activité sportive).uant au résultat radiologique, il a été évalué sur les radiogra-hies faites initialement, puis lors de la révision, afin d’étudieres conséquences de cette luxation pure sur l’articulation talo-rurale (arthrose talo-crurale, instabilité interne ou externe) ete rechercher les facteurs prédisposants décrits par Elisé et al.4] tels que la brièveté de la malléole interne (en mesurant le rap-

ort entre la longueur des deux malléoles) et l’insuffisance deouverture du talus par la mortaise tibiale (en mesurant l’indexe couverture du talus).

lo-crurale pure ; b : radiographie de profil de la cheville gauche après réduction

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ddlrcrl’arcade du sinus du tarse rendant sa nécrose exceptionnelle.

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. Résultats

Nous n’avons noté aucune complication après un recul de6 mois. Le résultat fonctionnel évalué selon le score de Gayt Evrard modifié était de 15 points (très bon résultat) et leatient a repris son activité professionnelle et sportive troisois après le traumatisme. Sur le plan radiologique, aucune

ssification ligamentaire, ni de modification de l’interlignerticulaire n’ont été retrouvées après un recul de 26 mois ;uant aux facteurs prédisposants, la longueur de la malléolenterne et la couverture du talus étaient normales chez notre

alade.

. Discussion

Les luxations talo-crurales pures sont rares [1–3]. Peu deravaux sont rapportés dans la littérature sur cette patholo-ie avec seulement deux séries de plus de 10 cas, celles deoohey et al.(19 cas) [5] et d’Elisé et al. (16 cas) [4]. Le pre-ier cas documenté par des radiographies fut rapporté paréraire en 1913 [6]. Le traumatisme responsable est toujoursiolent [4,7–9]. Le type anatomo-pathologique le plus fréquentans la littérature est représenté par la variété postéro-interne4,8,10,11].

Des facteurs de prédisposition ont été évoqués ; pour Elisé etl. [4] et Colville et al. [7], la laxité ligamentaire semble jouer unôle favorisant. Pour d’autres, la brièveté de la malléole tibialeaciliterait leur survenue [12,13]. Ce dernier facteur favorisantst retrouvé deux fois sur 16 dans la série d’Elisé et al. [4] ainsiue dans deux autres observations récentes rapportées respec-ivement par Rivera et al. [14] et Shaik et al. [15]. Pourtant, la

esure de la couverture tibiale sur le talus n’a pas permis à Elisét al. [4] de conclure à l’existence d’un facteur prédisposant àe niveau.

Les luxations talo-crurales peuvent s’accompagner de lésionsutanées, ligamentaires, vasculonerveuses et musculotendi-euses :

l’ouverture cutanée est présente dans à peu près 50 % descas [4,7]. Son siège dépend de la direction du déplace-ment. L’exposition de l’articulation peut aboutir à un risqued’arthrite [10]. L’atteinte ligamentaire est présente dans tousles cas [4,7,10,12]. Elle intéresse essentiellement le ligamentcollatéral latéral ou médial, ou les deux à la fois [10,12].Un traitement orthopédique de la lésion du ligament colla-téral médial est préconisé par plusieurs auteurs [4,7,10,16].En ce qui concerne les ligaments tibiofibulaires, la plupartdes auteurs sont d’accord pour reconnaître leur intégrité[4,7,8,10,12,16] ;

une lésion vasculonerveuse du pied luxé doit être recherchéesystématiquement. Dans la littérature, trois cas d’amputationde cause vasculaire ont été rapportés respectivement par

Moehring et al. [16], Tondeur et al. [17] et Kelly et al. [18]. Ence qui concerne les lésions neurologiques associées, l’étudedes 73 cas répertoriés par Garbuio et al. [10] fait état decinq atteintes nerveuses. Concernant notre patient, le pied ne

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présentait aucun signe d’ischémie, ni de déficit neurologique.Pour Wroble et al. [19], la fréquence des lésions vasculo-nerveuses est estimée à 10 % ; ce taux, relativement faible,est attribué selon De Mourgues et al. [12] à la rupture desfrondes qui brident normalement ces structures vasculoner-veuses, leur autorisant ainsi une plus grande mobilité lors dudéplacement ;

la majorité des lésions musculotendineuses sont constatéesdans des luxations ouvertes. Elles sont probablement sous-estimées dans les luxations fermées. La série de Wehner et al.[20] fait état d’une atteinte du long fléchisseur de l’hallux.Tous les autres cas retrouvés intéressaient les muscles desloges antéro-latérale et latérale de la jambe.

Le traitement de la luxation, qu’elle soit ouverte ou fermée,our l’ensemble des auteurs, est la réduction en urgence sousnesthésie. La qualité de la récupération et la faible incidencees complications dépendent essentiellement de la précocité duraitement. Les lésions associées seront recherchées et traitéesu cas par cas. Dans les formes fermées, le traitement doit êtreniquement orthopédique [12]. Dans les variétés ouvertes, ilemble que la réparation des structures ligamentaires donne deeilleurs résultats [8]. L’immobilisation est généralement assu-

ée, pour la plupart des auteurs, par une botte plâtrée sans appuiour une durée de six à huit semaines. D’autres immobilisationsnt été proposées, à savoir un plâtre cruropédieux pour Wehnert al. [20] et Colville et al. [7], voire carrément un blocage tem-oraire de l’articulation par un clou de Steinmann transplantaireour De Mourgues et al. [12].

À long terme, le résultat reste satisfaisant dans la majoritées cas et surtout dans les luxations fermées [4,5]. Les fac-eurs de mauvais pronostic notés par certains auteurs [5,10,12]ont : l’âge, l’atteinte ligamentaire tibiofibulaire inférieure, larésence d’une lésion vasculaire, la réduction tardive, le carac-ère ouvert de la luxation, la nécrose cutanée et l’infection.es complications à long terme ne sont pas rares. La limita-

ion de la mobilité de la cheville est relativement fréquente. Ellest retrouvée dans 50 % des cas de la série de Wroble et al.19].

Avec un recul moyen de 11 ans, Elisé et al. [4] rapportentn cas de dorsiflexion limitée de la cheville lésée par rapportu côté controlatéral avec des douleurs occasionnelles et, dans5 % des cas, un œdème persistant et des lésions dégénératives,otamment après les luxations ouvertes.

Pour un recul moyen similaire, des calcifications et des becs’ostéophytes sont retrouvés chez tous les patients de la sériee Wroble et al. [19] ; ils sont associés à un pincement de’interligne dans un cas. La laxité ligamentaire résiduelle resteare. Elisé et al. [4] ne trouvent aucune instabilité et un seulas est rapporté par Colville et al. [7]. Les luxations tibiocru-ales épargnent la vascularisation du talus qui reste assurée par

eul un cas de nécrose avasculaire a été noté par Toohey et al.5] qui l’attribuent au retard de réduction et à l’infection post-pératoire survenue chez le même patient. Dans notre cas, etprès un recul de 26 mois, aucune complication n’a été notée.

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O. Dahmani et al. / Journal de Trau

. Conclusion

Les luxations talo-crurales pures sont exceptionnelles.lles surviennent habituellement dans un contexte traumatiqueiolent. La réduction en urgence doit être effectuée dans leslus brefs délais. Les luxations fermées, souvent de bon pronos-ic, relèvent du traitement orthopédique. Les lésions associéesoivent être recherchées et traitées au cas par cas.

éclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

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