lucier, p. (1997) « l'université du québec : perspectives, orientations, questions »

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  • 7/29/2019 Lucier, P. (1997) L'Universit du Qubec : Perspectives, orientations, questions

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    Chaire Fernand-Dumont sur la culturePierre Lucier 1 de 17 1997

    Lucier, PierreL'Universit du Qubec : Perspectives, orientations, questions.

    Allocution prononce par monsieur Pierre Lucier, prsident de l'Universit du Qubec, lors dela rencontre des dirigeants du rseau de l'Universit du Qubec, Sainte-Foy, le 13 fvrier1997.

    Chers collgues,

    C'est la premire fois que j'ai l'occasion de rencontrer l'ensemble de la direction del'Universit et de ses 11 tablissements. Un trs cordial salut tous. Et merci d'avoir acceptde tenir aujourd'hui le rassemblement annuel que les circonstances vous ont empchs d'avoir la rentre d'aot dernier. Je vous redis d'emble ma joie d'avoir joint vos rangs, unmoment, sans doute crucial de la vie des universits, o vous avez vous-mmes redfini etprcis vos attentes quant l'exercice de la prsidence de l'Universit du Qubec.

    J'arrive l'Universit du Qubec avec le sentiment de n'y tre pas tout fait un nouveau venu.

    Sans doute parce que j'ai dj eu le plaisir d'enseigner dans deux tablissements du rseau,mais surtout en raison d'un accompagnement d'une quinzaine d'annes tudier vos dossiersinstitutionnels et vos indicateurs de performance, rencontrer vos dirigeants, visiter vostablissements ou examiner vos projets de dveloppement acadmique et immobilier.Quinze annes jalonnes de moments plus forts comme des inaugurations, des collations degrades, des colloques, des anniversaires. J'y arrive avec ce que je pense modestement tre unebonne connaissance des universits et des rouages de l'ensemble de notre systme d'ducationet des systmes occidentaux, avec une exprience de l'appareil de l'tat qubcois et desinstitutions canadiennes, avec des liens internationaux tisss au cours des annes.

    J'y arrive avec des ides et des convictions, aussi. Mais cela ne devrait pas trop vous inquiter,car ce ne sont pas des ides arrtes, sauf celles qui m'ont permis, au cours des annes,d'assurer la dfense et la promotion de l'universit auprs des dcideurs politiques. Et ceux-ci,

    je leur en sais gr, ne m'ont d'ailleurs jamais demand de renoncer dire et crire ce que jepensais tre ce qu'il fallait leur conseiller. Convaincu comme Herv Bazin que l'encre a la vieplus dure que la salive, je suis tranquille l'ide d'avoir laiss quelques traces crites d'undiscours qui, sur la dfense et l'illustration de l'universit, a t constant autant dans sonabsence de complaisance que dans le rejet des attaques dmagogiques.

    Au cours de mes premires semaines la prsidence, je me suis livr une sorte d'immersiontotale. J'ai pens que, avec ce que je savais dj de vous, il me serait plus utile et plusbnfique de circuler dans les tablissements et de rencontrer vos quipes que de me plongerdans vos dossiers d'archives. Soyons francs, cependant : je l'ai fait aussi. Mais j'ai surtout

    voulu vous entendre et changer avec vous, vos comits de direction, vos conseilsd'administration, vos responsables de formation et de recherche, des enseignants, deschercheurs, des tudiants, les membres de l'Assemble des gouverneurs, les dirigeants desautres universits. Ma tourne d'ouverture va bon train et je me flicite de ce choix. J'y ai djbeaucoup appris de vos attentes, de vos cultures d'organisation, de vos enracinements locauxet rgionaux, de vos apprhensions face aux annes qui viennent, et aussi de certaines de vosfrustrations, voire de vos rivalits de famille. J'ai essentiellement voulu tre l'coute,enregistrer, m'imprgner de vos contextes et de vos climats. J'ai aussi pu tester quelquesperceptions et quelques pistes d'action, les enrichir, en ajuster certaines, en expliciter d'autres.

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    C'est sur cette arrire-scne, la fois lointaine et actuelle, que j'ai prpar mes proposd'aujourd'hui. Il s'agit donc tout autant de perspectives enracines dans des convictions fermesque d'ides en voie d'approfondissement et, de ce fait, ouvertes la discussion. Comme il siedlorsqu'on entre en fonction, je vous dirai sans dtour o je loge, comment je perois notresituation actuelle et notre avenir, selon quelles insistances et autour de quels enjeux je suis

    dispos agir de concert avec vous. Une sorte de table des matires pour un programme deprsidence, en somme, telle qu'elle m'apparat en ce dbut de mandat, encore en gestationmais nette dans ses principaux contours. Je procderai par cercles concentriques d'analyse,tantt exprimant des convictions fermes, tantt explicitant des intentions et des engagements,tantt voquant des lments d'observation et de diagnostic, tantt esquissant les traits d'unprogramme d'action.

    1. L'universit du Qubec : une universit

    Commenons donc par l'essentiel et l'essentiel se nourrit le plus souvent d'vidences ou devrits simples : c'est d'une universit que j'ai accept d'assumer la prsidence. Au risque defaire sourire, disons que l'Universit du Qubec est une universit. C'est ma premire

    conviction, et ce sera le guide fondamental de mon action.

    L'universit est une des grandes ralisations de l'Occident. Il n'est pas banal, en effet, d'avoirsu crer des espaces de libert qui permettent des gens de se rassembler pour apprendre, seformer, communiquer des connaissances, faire progresser les savoirs, prparer et influencer ledveloppement des socits. Il est encore moins banal d'avoir su le faire pendant unmillnaire, dans des contextes et selon des formats trs varis, en des temps de droits protgstout autant que sous la botte des despotes. peu prs tout ce qu'il y a de comptencesqualifies et de leadership structur dans nos pays y a, d'une manire ou d'une autre,abondamment puis au cours des sicles.

    La formation des personnes et le dveloppement des connaissances et le dveloppement desconnaissances en vue de la formation au dveloppement des connaissances : telle est lamission essentielle de l'universit. C'est une mission une, massive elle n'est ni double ni triple, et elle renvoie toujours incontournablement vers les tudiants, c'est--dire vers celles et ceuxqui viennent l'universit pour apprendre et se former. Plus ou moins "technologise", plusou moins virtuelle, plus ou moins grande ou petite, on voit mal comment l'universit pourraittre beaucoup autre chose que cela : un espace de rencontre entre des gens qui apprennent etse forment, et d'autres qui savent plus qu'eux comment on apprend se former et apprendreet qui savent aussi deux ou trois choses qu'on ne trouve ni dans les livres ni sur Internet.L'universit d'aujourd'hui n'est pas celle d'hier, et elle n'est assurment pas telle qu'elle serademain. Mais, travers les multiples formes qu'elle a connues et connatra, elle sera sansdoute fondamentalement cela. En tout cas, je souhaite ma fille et ses enfants de rencontrer

    des collgues et deux ou trois matres en chair et en os.Si tel est le cur de la mission universitaire, l'Universit du Qubec doit tre plus que jamaisune universit. Et tirons-en tout de suite trois affirmations-programmes. D'abord, quel'Universit du Qubec sera de plus en plus videmment une universit qui s'occupe de sestudiants et de leur formation, donc de leurs apprentissages. Et puis, que l'Universit duQubec sera une universit engage en recherche, y poursuivant prioritairement sa missionducative et culturelle, c'est--dire la formation la recherche, bien sr, et l'accs de sestudiants aux savoirs de pointe. Enfin, que l'Universit du Qubec n'acceptera jamais quelque

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    stratification a priori des tablissements universitaires en universits de recherche et enuniversits de premier cycle entendez : universits de campagne. Dans de petites universits,le ralisme lmentaire vous a dj conduits et nous conduira cibler des crneaux dedveloppement aux cycles suprieurs. Mais le Lgislateur a vu juste en ne limitant pas a priorile champ d'action de nos tablissements. Les faits ont d'ailleurs bien montr qu'on peutexceller partout : de grce, faites visiter vos centres de recherche ! Nous dfendrons cela

    ensemble farouchement contre toute vellit de ceux qui pensent avoir trouv, dans larationalisation souhaite des programmes, le moyen de rapetisser les petits.

    Parlant de dfense farouche, disons deux mots de la libert inhrente la nature mme del'universit. Certes, la libert acadmique, c'est--dire la libert d'enseigner et de chercher,sans devoir justifier son discours et ses conclusions devant des tribunaux autres que ceux de lavrit, de la rigueur des mthodes, du jugement scientifique des pairs, du jugement depertinence des communauts et, ultimement, des impratifs thiques. Mais aussi la libert deconduire et de grer nos tablissements. Car je suis de ceux qui pensent que la libertacadmique est impossible sans l'autonomie de gestion. Capables d'accueillir des attentes,disposs rendre des comptes, oui, bien sr. Mais pas d'intrusion dans la gouverneacadmique institutionnelle. Ayant toujours dfendu cela alors que j'tais administrateur

    public, ne me demandez pas de penser autrement maintenant que je suis la direction d'uneuniversit. Remarquez qu'il n'y a pas de trs grand mrite cela, car nos gouvernements nemenacent vraiment pas nos liberts universitaires ! Mais, en ces temps o se multiplient lesgrants d'estrades et les fins connaisseurs de ce que devraient faire les universits, disons qu'iln'est pas superflu d'indiquer o sont les Rubicon. Et cela vaut aussi pour nos partenaires, parailleurs estims, du monde de l'entreprise et des affaires.

    Enfin, il y a, dans l'ide d'universit, une sorte d'ouverture naturelle l'international. Non pasau sens que suggre parfois une fausse tymologie du mot universit universit, universel,univers..., mais au sens que commande tout projet ax sur la connaissance, laquelle esttoujours sans frontires. Inluctablement enracine dans les ralits locales, rgionales etnationales, l'universit est, dans son essence mme, une ralit porte internationale ; elle estd'ailleurs ne comme rassemblement international. Mme quand elle est de taille modeste etvoue au dveloppement de sa communaut d'appartenance, l'universit est toujours, enquelque manire, branche sur les grands circuits du savoir et de ceux qui les animent ; uneuniversit ne peut jamais tre une "binerie" ou une initiative de salle paroissiale. Lors de mesvisites en rgion, j'ai t agrablement impressionn par les questions qu'on m'a poses sur ladimension internationale de l'universit. Et c'est avec plaisir que, parlant de la mission mmede l'universit et abordant successivement les modalits concrtes de l'internationalisation, j'ait alors amen mentionner les contenus d'enseignement, l'apprentissage des langues, leschanges et l'accueil d'tudiants, la cotutelle de thses, les partenariats de recherche, etc.L'Universit du Qubec doit tre et sera, dans toutes ses composantes et partout au Qubec,une universit culturellement et fonctionnellement ouverte aux rseaux internationaux et

    partie prenante aux grands courants porteurs. J'ai voqu ailleurs l'ide que chaquetablissement ait au moins un secteur de calibre mondial reconnu ; c'est toujours une bonneide.

    En acceptant la prsidence de l'Universit du Qubec, j'tais conscient d'avoir assumer avecvous les tches de l'ultime responsabilit acadmique dans notre universit. J'entends donc mecomporter comme responsable de l'Universit et de sa mission essentielle de formation et derecherche. C'est pour cela les symboles tirant leur efficacit de leur pouvoir de significationque j'ai exprim le souhait de prendre charge d'un enseignement, si cela peut s'organiser

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    commodment. Je souhaite surtout vivement que les recteurs et directeurs gnraux de nostablissements apparaissent de plus en plus comme les personnages numro un en matire deformation et de recherche. Et qu'ils soient d'abord et avant tout, comme cela s'observe dans laplupart des universits de longue tradition, les guides et les inspirateurs, suffisammentdgags des mles et des incendies quotidiens pour pouvoir scruter l'horizon, discerner lestendances porteuses, prparer les grands tournants, mrir les dcisions institutionnelles,

    participer avec autorit aux dbats publics. Peut-tre voudrez-vous rexaminer cet gard lesengagements que vous jugez devoir assumer en tant vous-mmes en premire lignengociant, construisant, additionnant et soustrayant ou en mandatant davantage vos prochescollaborateurs. Je n'ai pas d'ide toute faite en la matire, mais je soumets qu'un trs netaccent de vos engagements personnels en faveur de la planification stratgique en gnral etde la mission de formation et de recherche en particulier constituerait un signal positif. Pourma part, et si vous en tes d'accord, j'essaierai de faire que nos grandes instances voluentprogressivement davantage ces niveaux et que nos rassemblements de dirigeantsd'tablissement soient saisis d'autres "urgences" que celles qui touchent aux relations detravail. J'attacherai moi-mme beaucoup d'importance la Commission de planification et auConseil des tudes.

    Je vous dis d'emble que j'entends honorer le plus rapidement possible les attentes que vousavez formules autant propos du profil prsidentiel que vous avez souhait pour lesprochaines annes que dans les rsolutions de ringnierie que vous avez adoptes ensembleet je cite : leadership de vision et de ralliement, mise en vidence de la missiond'enseignement et de recherche, promotion de partenariats, vision novatrice et volutive del'universit, gestion stratgique du rseau. Je suis dsireux de viser cela, comme vous l'tessrement vous-mmes.

    2. L'universit du Qubec

    Notre universit est l'Universit du Qubec : telle sera, tout aussi simple et robuste que lapremire, la deuxime source d'inspiration de mon action.

    Notre universit porte le nom du pays du Qubec. Une norme charge smantique s'y greffeds lors, voquant des analogues comme la "Banque d'Angleterre", l'"le-de-France" ou l'ordre"teutonique". Notre nom mme contient ainsi symboliquement tout le projet fondateur denotre universit : celle-ci est ne d'une volont collective exprime par l'Assemble nationaleet charge d'une mission porte nationale.

    J'carte d'emble l'ide que cela fasse de l'Universit du Qubec une universit plus"publique" que les autres toutes les universits sont, dans leur essence mme bien plus qu'enraison de leur dpendance des fonds publics, un service de caractre public. Ou encore qu'ellepuisse tre assimilable un organisme gouvernemental, voire qu'elle soit une universit

    d'tat. Nous avons notre Charte : c'est notre loi constitutive, vote par le Parlement commel'est aussi, ne l'oublions pas, la charte de toutes les autres universits. Elle nous tablit commeuniversit, ni moins libre, ni moins universitaire que les autres. D'ailleurs, nous ne sommespas la seule entit universitaire dont le Gouvernement nomme les dirigeants, non plus que laseule universit dont des membres du Conseil soient nomms par le Gouvernement. Et puis,nous avons le mme rgime que les autres en matire de programmes d'tudes, dediplomation, de financement, de droits de scolarit ou d'imputabilit personnelle devantl'Assemble nationale. C'est comme universit que nous sommes constitus. Et c'est pour bien

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    signifier cela que, en venant ici, j'ai dmissionn de mon statut d'administrateur d'tat et de laFonction publique.

    Le contexte particulier de son mergence confre tout de mme l'Universit du Qubec uncaractre tout fait particulier, essentiellement li au fait qu'elle a reu la mission d'occuper leterritoire du Qubec, son territoire physique, certes, mais aussi et surtout son territoire

    culturel, social, scientifique, et d'tre par l un des agents de son dveloppement. Cela est vraiet vrifiable dans ce qu'on appelle les rgions du Qubec : comme je le constate une fois deplus en visitant les tablissements, notre universit fait manifestement partie des grands arbresqui retiennent le sol et assurent la cohsion sociocommunautaire. Et les "touche pas monpote" qu'on y lance en disent long sur l'appui social que nous y avons. Cela est aussi vrai Montral, o nous avons assum avec succs la mission historique d'difier, dans l'est de lamtropole, une grande universit urbaine francophone, plus expose que d'autres auxmouvements des plaques tectoniques de l'Amrique du Nord. Ayant vcu mon enfance et monadolescence dans l'est de Montral, autour du Parc Lafontaine, habitu penser que le hautsavoir tait plutt l'ouest de la ville et du Mont-Royal, je ne vous cacherai pas mon motionrenouvele de revoir ce qui est n autour du vieux clocher de Saint-Jacques. Cela estgalement vrai dans nos coles et instituts spcialiss, certains portant le titre de "national",

    o des crneaux de formation et de recherche ont t dfrichs et dvelopps dans dessecteurs correspondant des grands besoins ou des grands atouts du Qubec. Ou encoredans la promotion de continuums de formation technique, dont tout le monde reconnatmaintenant que c'est la voie suivre. Ou encore de l'occupation de ces territoires virtuelsnouveaux, o, l encore, notre universit a, par vocation et dans les faits, une prsencereconnue.

    Il y a ainsi, dans notre nom mme, une sorte de programme et d'"agenda" de solidarit et decomplicit avec la socit qubcoise. Une coute, une sensibilit et une permabilit,obliges presque, nous lient la socit qubcoise, ses attentes, ses besoins, sesaspirations. Cette obligation d'accompagnement nous caractrise. Si c'est cela tre plus"public" que d'autres, alors, je veux bien.

    Cette ouverture particulire aux besoins de la socit qubcoise, l'Universit du Qubec, elle-mme issue des grands gestes de la Rvolution tranquille, a eu et a encore la vivre parrapport l'ensemble du systme d'ducation. Il n'est pas anodin cet gard que la formationdes matres de l'cole de base figure jusque dans notre loi constitutive. Cela nous invite, desoi, tre en avant du peloton quand il s'agit de prendre les tournants souhaits en cesmatires et d'oprer cette fin les virages institutionnels qui s'imposent. Nous avons desemblables obligations de "convenance", si l'on peut dire, vis--vis des besoins qui mergentdu discours public sur la cohrence du systme : je pense ici, en particulier, tous lesdispositifs de jonction entre les ordres d'enseignement l'ternelle question des pralables etdes structures d'accueil, par exemple et tout ce qui favorise ou empche la continuit

    harmonieuse entre le collge et l'universit. Ne devrions-nous pas tre les premiers rpondreprsents l'invitation ministrielle rcente oprer des rapprochements institutionnelsnouveaux entre collges et universits ? Je pense aussi la rforme souhaite du curriculumde l'cole de base et des programmes de formation dans les secteurs fondamentaux del'apprentissage : nos spcialistes des disciplines et des didactiques y seront-ils du ct desforces vives du changement ou du ct des cartels de la rsistance corporatiste ? Le nom denotre universit nous invite, en tout cela, une sensibilit particulire, voire un relleadership.

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    Notre mission propre nous renvoie ainsi inluctablement un riche faisceau de valeurs,celles-l mmes qui ont prsid notre naissance : dmocratie, accessibilit, galit deschances, droits de la personne, libert d'expression, responsabilit civique et sociale,participation sociocommunautaire, promotion collective. Cela ne nous met pas pour autant aurang des soixante-huitards attards ou nostalgiques. Et ce n'est pas davantage que nousn'aurions pas appris les nouvelles rgles du jeu d'un monde en voie de globalisation et devenu

    prement comptitif, dispos privilgier la performance et le succs des meilleurs. Cesarnes ne nous effraient pas. C'est seulement que nous n'entendons pas y plonger en renonant ce qui a fait et continue de faire le meilleur de nous-mmes. Je pense toujours, pour ma part,qu'on peut viser tre parmi les meilleurs sans tre litiste ou malthusien, et sans renonceraux impratifs de la solidarit et de la droiture. Foncer et ferrailler, oui, mais sans y vendreson me : une question d'thique et de dignit. J'en ferai, autour de la conscience vive de laporte de notre nom, un guide de mon action.

    3. L'Universit du Qubec : une universit en rseau

    Caractrise par sa mission plus explicitement socitale, l'Universit du Qubec l'est aussi parsa conception organisationnelle et son modle de fonctionnement : c'est une universit

    constitue en rseau.

    Le modle n'est pas franchement indit, puisque bon nombre des universits cres depuis lesannes 60 sont ainsi conues comme des rseaux. telle enseigne que plus de la moiti destudiants amricains frquentent actuellement des tablissements qui, avec diverses variantes,fonctionnent en rseau. Mme dans des systmes tablis depuis longtemps, en Amrique duSud et en Europe, par exemple, les dveloppements rcents ont conduit adopter plusieurslments de fonctionnement en rseau, au-del des frontires nationales dans certains cas. Icimme, alors que le seul mot "rseau" suffisait nagure soulever l'indignation de quelque"recteur magnifique", les participants d'un rcent sommet universitaire rclamaient de vivredsormais en rseau, exprimant mme certains gards des attentes dmesures, sans douteattribuables l'enthousiasme du moment. Ce fonctionnement en rseau, nous l'avons l'Universit du Qubec, constitutivement et structurellement mme. nous d'en faire uninstrument d'action et de renforcement ; tout le moins de ne pas le porter comme une chargeou comme une contrainte.

    Je vous dirai d'emble que le fonctionnement en rseau ne constitue pour moi ni un impratifidologique, ni quelque panace en mal de recyclage. C'est un outil ; un atout, faudrait-ilmieux dire, qui permet de raliser ce qu'il ne nous serait pas possible de faire isolment. commencer par tre la trs grande universit que nous sommes ainsi autour du mme nom etdu mme sceau : dans les circuits internationaux, le nom du Qubec voque plus et plus viteque bien d'autres de nos appellations, n'est-ce-pas ? Plus immdiatement, ne sommes-nous pasplus forts et mieux quips ensemble pour faire face aux "turbulences" actuelles et venir ?

    Pour continuer assurer certains dveloppements que nous jugeons ncessaires ? Pourmaintenir certaines activits essentielles que les mouvements de population et les difficultsfinancires risquent de compromettre ? Pour asseoir et consolider la masse critique de certainsde nos secteurs d'activits, au moment o la vague de la rationalisation pourrait bien emportercertaines implantations plus fragiles ?

    Ce ne sont pas l des ides nouvelles. Mais l'observation de la vie de notre universit et il fauten savoir gr nos responsables de l'administration permet d'identifier plus de ralisationscommunes dans les affaires administratives et financires que dans la programmation

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    acadmique, o les responsabilits communes sont pourtant trs clairement inscrites dansnotre Loi. Nous avons cet gard un instrument puissant, qui aurait pu et pourrait encorecaractriser autrement le dveloppement et l'volution de nos programmes d'tudes. Lesprotocoles en place, autant la CREPUQ et au Ministre qu'au dfunt Conseil des universits,ont conduit l'Universit du Qubec diviser institutionnellement l'approbation de sesnouveaux programmes ; cette balkanisation ne l'a pas aide constituer son patrimoine

    acadmique, son "coffre outils", en face d'tablissements plus anciens qui n'avaient et n'onttoujours qu' puiser dans leur arsenal, quitte y recycler des appellations ou des contenants.Notre dveloppement au compte-gouttes et " la loupe" aurait pu tre plus souple, j'en suisconvaincu.

    Quoi qu'il en soit du pass, il me semble que la duret du temps prsent et les incertitudes del'avenir devraient nous inciter serrer les coudes et utiliser davantage cet atout structurelenviable qu'est la possibilit d'tre, ensemble, grande universit parmi les grandes. Nousavons dj quelques programmes rseau qui fonctionnent bien ; c'est de l'acquis, mme si celan'a gure touch les programmes de premier cycle. Mais comment penser avec ralisme, parexemple, que nous pourrions connatre des dveloppements en gnie autrement que commeuniversit en rseau ? Comment pourrons-nous mme sauver certains enseignements de base

    en sciences fondamentales, par exemple , autrement qu'en articulant nos ressources et nosclientles ? Comment, dans la conjoncture prsente, complter le patrimoine acadmique debase de certains tablissements moins bien pourvus cet gard, autrement qu'en joignant et enmaillant nos ressources ? Vous pensez bien que cette opration "patrimoine acadmique debase" qui, faut-il le rappeler, vise essentiellement les tablissements dont on constate qu'ilsn'en disposent pas , comment pensez-vous qu'une telle opration puisse se solder par le simpleoctroi ces tablissements d'une nouvelle liste de programmes offrir ? Notre conclusion serasans doute plutt que, en maillant nos ressources, des activits de formation pourront treassures partout dans un ventail plus quilibr de secteurs et mieux ajust aux besoinsrgionaux de formation. Quant aux nouvelles technologies de l'information et de lacommunication, il saute aux yeux que notre propre rseautage institutionnel sera la clef dubranchement de tous sur les grandes infrastructures en mergence, tout autant que sur larvolution proprement pdagogique.

    Bien des attentes sociales sollicitent aussi notre vie acadmique en rseau. Je pense ici enparticulier tout ce qui, en amont et en aval, touche la mobilit des tudiantes et destudiants. Nous avons de plus en plus de difficults expliquer au monde ordinaire pourquoi,dans des programmes trs proches partageant parfois les mmes appellations, il est difficile,voire impossible, de se faire reconnatre les acquis de formation, mme de formationuniversitaire. Dj tonnantes entre universits diffrentes, ces pratiques deviennentproprement inacceptables l'intrieur de l'Universit du Qubec. Comment expliquer que,dans des programmes de base conduisant un mme diplme, il doive y avoir tant departicularits institutionnelles que les tudiants aient se soumettre des procdures

    d'admission comme s'ils arrivaient de je ne sais o ? En formation l'enseignement auprimaire et au secondaire, par exemple, l o les spcifications ministrielles sont prcises etidentiques, et l o les procdures d'agrment sont communes, tait-il vraiment ncessaire quenous ayons tant de programmes institutionnels ? Pour la formation l'enseignement desspcialits, allons-nous prsenter 18 programmes diffrents ? En dpit de toutes lesinsistances institutionnelles lgitimes que l'on voudra, des programmes conduisant unbaccalaurat en sciences sociales ne comportent-ils pas quelques activits pouvant ressembler un tronc commun ? Durkheim doit bien tre au menu plus d'un endroit, non ?

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    Je ne suis pas en train de vous proposer une nouvelle doctrine, celle des programmes rseau.Comme si, en dehors de cela, il ne devait plus y avoir de salut ! Ou comme si nous allionsdevoir revoir tous nos programmes pour les "re-rseauter" aprs coup ! Nous sommes loind'une telle approche abstraite. Et loin surtout, j'y compte bien, de toute espce de nivellementdes originalits et des particularits scientifiques ou pdagogiques. vrai dire, c'est ce quinous menace le moins, ne pensez-vous pas ? Je ne suis pas davantage en train de vous dire

    que nous aurions besoin de plus de rglementation. Au contraire. J'endosse entirement lessouhaits et les dcisions d'allgement rglementaire qui inspirent les travaux en cours ; c'estqu'il n'y a pas d'intrt commun rel encadrer les pratiques qui sont de l'ordre des culturesinstitutionnelles ou qui ne comporteraient pas d'effets vrifiables sur notre fonctionnement enrseau. Il me semble, par ailleurs, et je ne cache pas que ce sera mon principal point devigilance, que nous devons nous assurer que nous disposons des moyens fonctionnels, ni plusni moins, de promouvoir ensemble la comparabilit des programmes conduisant aux mmesdiplmes, la mobilit tudiante et le maillage de nos ressources. Pour le reste, nous n'avonspas besoin de nous contrler les uns les autres.

    Exprim en catgories plus stratgiques, le souci rseau dont je vous fais part ici revient proposer d'envisager, chaque fois que cela est opportun, des ententes de maillage o il n'y

    aurait que des gagnants pas ncessairement chaque fois et tous gagnants, mais tous gagnantssur un ensemble d'oprations. Les cas se multiplieront dsormais o, seul, il sera bien difficilede procder et d'obtenir des ressources ; la tendance gouvernementale est actuellement tout fait nette cet gard. Nous aurons de plus en plus le choix entre ne rien avoir seul, voire toutperdre seul, et avoir ensemble la possibilit de faire quelque chose d'intressant et d'utile.Certains dossiers lourds pourraient ainsi recevoir un clairage renouvel : celui du tl-enseignement, par exemple, o nous devrons dpasser l'approche "concurrence" entre la Tl-universit et les autres tablissements, sous peine d'tre plusieurs manquer le train d'unervolution qui n'attendra pas plus que les rvolutions antrieures. une chelle plus petite,avons-nous la volont de faire ce qu'il faut pour ne pas nous contraindre les uns les autres devoir aller conclure ailleurs des ententes rentables que les "liens du sang" semblent rendreplus pnibles entre nous ? Pour ma part, je vous avouerai avoir quelque pincement de cur constater des cas o les Presses de l'Universit Laval ont pu tre prfres aux Presses del'Universit du Qubec, tel partenaire externe tel tablissement du rseau, tel logo nouveau celui qui nous identifie ensemble. Ou mme, plus banalement, observer la dispersion de nosannonces dans les mdias lors des priodes prcdant les inscriptions dans nos tablissements.

    Soyons clairs : nous ne sommes pas en rseau parce que, pris individuellement, nostablissements n'auraient pas la maturit de se conduire tout seuls. La fonction de garde-chiourme n'a pour moi aucun intrt. Et puis, croyez-vous que des tats comme la France etl'Allemagne pensent monnaie commune et passeport commun parce que ce sont de jeunestats inexpriments ? Les perspectives du dbut de notre histoire institutionnelle ont sansdoute comport de telles proccupations. Mais nos raisons d'tre ensemble ont volu. Nous

    sommes ensemble pour tre plus forts, pour avoir la capacit de faire ce que nous ne pourrionspas ou ne pourrions plus faire autrement. Et nous avons pour cela des instruments structurelsque n'ont pas d'autres tablissements pourtant nouvellement devenus conscients de lancessit du rseautage. Nous avons en cela un avantage comparatif remarquable ; notrehistoire de vie en rseau nous donne une longueur d'avance.

    Puis-je vous dire sans dtour que je ne suis pas venu ici pour diriger un "sige social" ou pourtre le dernier chelon d'une structure pyramidale ? J'ai plutt accept de prsider une grandeuniversit qui est forte de ses maillages et de ses solidarits. C'est sur ce rseautage, dont je

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    fais le pari qu'il peut faire de nous tous des gagnants, que j'entends mettre le poids de laprsidence. J'en fais ds lors un lment important de mon programme d'action.

    4. Notre ordre du jour

    C'est la lumire de ces ides directrices que je vous propose d'envisager les principaux

    chantiers qui sont l'ordre du jour que nous imposent notre propre volution institutionnelle,les attentes de notre socit, l'opinion publique et les intentions gouvernementales.

    4.1 Des pressions et des attentes sociales

    Sur l'environnement sociopolitique gnral qui est celui de l'universit, au Qubec commedans l'ensemble de l'Occident, vous me permettrez de ne pas reprendre ici ce que j'en ai dit etcrit ailleurs rcemment. Nous l'prouvons tous les jours : nos socits ont un peu mal leursuniversits et semblent partages entre l'expression d'attentes quasi dmesures et des verdictssvres qui ne pchent pas toujours par excs de nuances. Le rsultat est l, de toutes faons :le rapport de confiance s'est lzard et, l'image me semble toujours valable, c'est d'un nouveaucontrat qu'il nous faut convenir. Quel qu'ait pu tre l'effort de participation d'une universit

    comme la ntre, quel que soit par ailleurs l'incomparable attrait social et mdiatiquequ'exerceront toujours l'cole de base et ses problmes, rien n'y fait : notre suppos mprispour les tats gnraux nous colle la peau. tort ou raison, il se trouve des gens pourpenser que nous ne jouons pas le jeu. Ou mme, Loi 95 ou pas, que nous refusons d'treimputables.

    Pourtant, en dpit de ce lot de suspicion et de morosit, comment ne pas voir dansl'environnement actuel quelque chose d'minemment positif et favorable ? En effet, on n'a

    jamais proclam aussi unanimement qu'aujourd'hui que la connaissance et la comptence sontdevenues la base de tout dveloppement et de toute prosprit. Socit et conomie fondessur le savoir, ressources humaines et matire grise comme vecteurs premiers de toute forceconomique et sociale, innovation et savoir de pointe comme moteurs de tout dveloppement: tout cela ne sonne-t-il pas familier pour les universits ? N'y retrouvons-nous pas ce quecertains d'entre nous ont dj soutenu dans des dserts pas si lointains ? Nous ne concluronsvidemment pas trop vite, en nous faisant croire que l'universit est le seul lieu du savoir et dudveloppement du savoir. Mais nous ne conclurons pas davantage que l'universit vit sesderniers soubresauts comme haut lieu de connaissance. La vrit est que, plus que jamais, nossocits ont besoin des universits. Cette raffirmation est bonne et utile ; elle constitue lafois un rappel des redressements qui s'imposent et un motif de garder espoir et foi en ce quenous faisons.

    4.2 Le contexte budgtaire

    En tte de proue de cet environnement sociopolitique figurent assurment les impratifsbudgtaires entourant la dcision gouvernementale et collective d'atteindre le dficit 0 en l'an2000. Je n'insisterai pas indment sur l'objectif vis, puisqu'il hante vos journes, peut-treaussi votre sommeil. En cette mi-fvrier, nous ne connaissons pas encore la mesure exacte dela part de compressions qui nous sera dvolue. Mais le discours gouvernemental etministriel, tout comme l'tude des chiffres prsents dans les deux derniers budgets, permetd'estimer approximativement de quoi l'anne budgtaire 1997-1998 sera faite. Et ce ne pourraqu'tre pnible : "annus horribilis", comme Sa Majest l'a dit des malheurs rcents desWindsors.

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    Nous aurons, sur ces enjeux de premire importance, prendre nos responsabilits et dfinirnotre ordre du jour, en nous appliquant y assurer le meilleur quilibre possible entrel'adhsion un objectif de socit qui est incontournable et, tout aussi incontournables, laralisation de notre mission et le respect de nos obligations fondamentales vis--vis destudiants et de l'ensemble de la socit. Nous planifierons ensemble notre calendrier, mais le

    rythme et les moyens adopts n'y changeront rien : le manque gagner nous rejoindrainexorablement, tt ou tard. Nous devons ds maintenant prvoir l'application de mesuresstructurantes, et nous savons d'emble que ce ne pourra pas tre des mesures priphriques.C'est le cur mme de nos activits et de nos prestations de services de formation qui devraconnatre des ajustements importants. Le rapport Thibeault (La force d'un rseau) contient cet gard des ides prometteuses, la fois pour recentrer les stratgies d'apprentissage et pourfaire face aux contraintes budgtaires. Mais d'autres lments de ringnierie de natureacadmique devront tre envisags.

    En matire de financement, nous aurons sans doute galement mieux nous "acculturer" auxperspectives et aux dispositifs de financement priv et philanthropique. Dj, certains de nostablissements ont des fondations agissantes comme partenaires de leur action. Des

    campagnes de souscription sont aussi en cours ou en prparation. Cela est excellent. Maisnous aurions intrt voir s'il ne serait pas possible de passer ventuellement en deuximevitesse. La Loi sur les fondations universitaires met dornavant notre disposition des outilset des incitatifs nouveaux, que d'autres attendaient avec impatience de pouvoir utiliser. Ilfaudra que nous profitions pleinement de ce nouveau moyen d'action.

    4.3 La Commission des universits sur les programmes

    La ministre de l'ducation a lanc, le 4 fvrier dernier, son plan d'action ministriel pour larforme de l'ducation, Prendre le virage du succs. Dans le cas des universits, elle yconfirme les trois actions qu'elle avait annonces en octobre 1996, au lendemain de laparution du rapport de la Commission des tats gnraux. Il s'agit de la rationalisation del'offre de programmes, de la modification des rgles de financement, d'une politique desuniversits. Ds lors inscrites sur notre propre ordre du jour, ces trois initiatives appellent, dupoint de vue de notre universit, quelques commentaires et rflexions.

    La rationalisation des programmes, d'abord. La Commission Beaupr est maintenant mise enplace et a eu sa premire sance hier. Elle comprend quatre personnes issues de notreuniversit, une quatrime s'tant rcemment ajoute aux trois initialement prvues.

    la lecture du compte rendu de vos dlibrations sur le sujet, j'avais peru chez vous unecertaine perplexit et un certain nombre d'inquitudes, notamment sur la manire de maintenirnotre ralit rseau l'intrieur d'une opration qui pourrait elle-mme modifier certains

    aspects du rseautage gnral de l'offre de programmes. Mon prdcesseur avait mme cruncessaire, avant son dpart, de porter cette proccupation l'attention de la Ministre, luirappelant que l'Universit du Qubec devrait, dans toutes ces oprations, tre considrecomme un tout, chaque programme et chaque tablissement analyss faisant eux-mmespartie d'un ensemble dj constitu en rseau. J'ai donc jug ncessaire d'exprimer cetteproccupation la Commission elle-mme, dans une lettre que j'ai adresse son prsident.D'une part, j'y raffirme l'appui que notre universit a donn au projet. D'autre part, j'yreprends, presque textuellement, les propos de mon prdcesseur sur la ncessit quel'Universit du Qubec y soit considre comme un tout. Comme point d'ancrage concret de

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    cette proccupation, j'ai demand que les recommandations soient adresses l'Universit duQubec, mme si elles devront videmment tre discutes avec les tablissements concernset portes directement leur attention, ainsi que je l'ai d'ailleurs clairement expliqu auprsident de la Commission.

    Cette opration de rationalisation de la carte des programmes universitaires exigera toute

    notre vigilance ; la mienne vous est assure. Fondamentalement, parce que nos programmesappartiennent toujours ultimement notre patrimoine commun, certains tant mme degestion rseau, d'autres tant conjoints, d'autres tant "extensionns" d'un tablissement unautre. Conjoncturellement aussi, si tant est que nous voulons accentuer le maillage de notreprestation de services de formation, ainsi qu'en tmoignent les travaux en cours sur lepatrimoine de base, sur le gnie, sur la formation des matres de spcialits, etc. Il est doncvident que toucher un maillon de la chane, un lieu institutionnel de services, c'est toucherau rseau. Je suis mme enclin penser que nous serions encore mieux positionns dans cetteopration si nous tions dj plus manifestement maills.

    Cela tant dit, les programmes se donnant toujours en des tablissements particuliers, ce sontforcment vos tablissements qui seront l'objet des analyses de la Commission. C'est donc

    chez vous que celle-ci se prsentera et qu'elle voudra discuter de rationalisation dans tel ou telsecteur de formation ou de recherche. En tout cela, je m'attends ce que vous portiez vous-mmes les perspectives rseau qui nous caractrisent et qui fondent et exigent nos solidarits.Nous serons ici en appui, dans les cas o vous jugerez que c'est utile ou ncessaire.

    Sur le fond de l'entreprise, je suis d'avis que l'Universit du Qubec ne devrait pas tre en grosplan dans le collimateur de la Commission, sauf pour ceux qui s'imagineraient que l'occasionest belle de "plumer" les tablissements plus fragiles ou en mergence. Les spcificationsministrielles de dpart, qui comprennent le concept, discut mais solide, de l'"quitrgionale", devraient contribuer temprer les ardeurs imprialistes ou les gourmandisesintempestives. Et, de toutes faons, peut-on imaginer que la conclusion des analyses puissetoujours conduire concentrer les ressources Montral et Qubec ? On peut ds lors pluttpenser que, de tous nos tablissements, c'est l'UQAM qui est susceptible d'tre la plusexpose, les gros enjeux de rationalisation pouvant bien, toutes langues confondues, setrouver sur le territoire de la mtropole. Je veux assurer l'UQAM de l'appui de tout le rseau cet gard. Ailleurs, ce sont plutt les nouveaux dveloppements qui pourraient tre affectspar les rflexes forcment prudents de tous ceux qui font dans la rationalisation : larationalisation voque la raison, sans doute, mais parfois aussi le rationnement, n'est-ce-pas ?Cela ne nous aidera pas d'emble complter le patrimoine de base de nos tablissementsdont la programmation est dficiente ; cela pourrait aussi compliquer nos projets en gnie. Entout cas, il nous faudra tre plus dtermins, plus inventifs et plus solidaires.

    Toujours sur le fond de l'entreprise, nous avons, dans notre propre rseau, des tches de

    rationalisation qu'il nous revient nous-mmes de grer, sans attendre les invitations de laCommission. Rapprochements, consolidations, partenariats : les oprations de maillageacadmique dans lesquelles nous sommes engags sont, elles aussi, sous le signe de la"raison". Dans le contexte des travaux de la Commission, notre propre action en matire deprogrammes sera, dans les dfenses que nous pourrions tre conduits dresser autour decertains de nos programmes, le meilleur gage de notre crdibilit.4.4 Le Groupe de travail sur le financement des universits

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    Le Groupe de travail sur le financement des universits (comit Gilbert) figure aussi notreordre du jour. Nous nous y prsentons d'ailleurs demain matin.

    La conjoncture n'est pas particulirement favorable des modifications importantes de laformule de financement : en priode de fortes compressions budgtaires, en effet, chacun saitque de telles modifications risquent toujours d'accrotre la dstabilisation et la difficult de

    grer. La pression issue des tats gnraux aura t assez forte pour qu'on doive quand mmes'y engager. Mais l'exercice demeure prilleux, d'autant plus que les questions soulevesaboutissent pratiquement toutes au mme effet : couper les subventions gouvernementalesautrement qu'au prorata des bases institutionnelles de financement et, ds lors, cibler telleactivit plutt que telle autre.

    Selon les rponses qui seront apportes ces questions, chaque tablissement seradiversement touch. Y est-on en croissance ou en dcroissance de clientles ? Y donne-t-onpeu ou beaucoup de certificats, peu ou beaucoup de cours de langue ou de cours deperfectionnement crdits ? Y offre-t-on peu ou beaucoup de programmes contingents ? Yexerce-t-on une plus ou moins grande slection ? Y compte-t-on plus ou moins deprogrammes de 2e ou 3e cycles ? Y est-on plus ou moins loign des grands centres ? Y a-t-

    on accs plus ou moins de fonds de dotation ? La ponction y sera plus ou moins forte. Il neserait donc pas tonnant que, dfilant devant le Groupe de travail ou en discutant les travaux,les tablissements soient conduits dfendre les secteurs o certaines questions les menacentou les avantagent le plus. On pourrait ainsi assister une suite d'apologies pro domo.

    Je ne promets pas que nous chapperons nous-mmes ce penchant naturel ; aprs tout,personne ne dfendra notre butin notre place ! Mais nous devrions essayer de le faire ennous rfrant quelques repres fondamentaux qui vont bien au-del des ajustementsspcifiques de la formule de financement. Permettez-moi d'en voquer brivement trois.

    D'abord, il y a les vises et les objectifs qui doivent sous-tendre les prfrences definancement. Le mandat du Groupe de travail n'en traite pas spcifiquement, mais, en un sens,tout est l. Il faut d'abord dire ce que l'on veut ; les rgles de financement suivent ou devraientsuivre.

    Ainsi, ce n'est pas une ineptie que de financer les clientles additionnelles. En soi, bien sr,car tout le monde comprend que, plus il y a d'tudiants, plus a prend des ressources ; je neconnais d'ailleurs aucune formule occidentale de financement universitaire qui ne tienne pascompte du nombre. Plus profondment, c'est de cette faon que le gouvernement du Qubec ahistoriquement indiqu qu'il s'attendait ce que les universits accueillent une proportion plusgrande de la population. Notre propre naissance doit beaucoup cette volont socitale etgouvernementale d'accessibilit. La question est de savoir si cela est toujours vrai.

    Autre exemple : la question des certificats et des programmes courts. Il ne s'agit pas tellementde savoir s'il convient ou non de financer, et quel niveau, des programmes dont on jugeraitque leur taux de diplomation est faible. Car il est devenu vident que le format mme de cesprogrammes, du moins selon l'ampleur avec laquelle il a t pratiqu, ne correspond peut-treplus tous les besoins. On sait bien qu'on a inscrit dans des programmes de certificats desgens qui venaient chercher un certain nombre d'activits de formation ; et c'est cela mme quinous force les considrer ensuite dans les donnes relatives l'abandon ! La vraie questionest de savoir comment l'tat entend soutenir la formation continue dans les universits. unmoment o, partout dans le monde, la formation universitaire continue apparat comme un

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    enjeu social et conomique de premire importance, allons-nous subitement refouler tout celadans l'auto-financement ? Porteurs d'une mission d'origine en formation continue et enperfectionnement, nous devons situer la question ce niveau d'enjeu, que risquerait d'ignorerquelque dcision d'arrt ou de diminution du financement des certificats et des programmescourts.

    Autre exemple : la pondration par cycle d'tudes. L'opration ne peut pas tre purementmcanique. Encore faut-il savoir ce que nous viserions par l, quel signal nous voudrions ainsidonner. Il me semble, pour ma part, et depuis plusieurs annes, que l'opinion publique et lestudiants rclament massivement un nouvel engagement des universits dans l'accueil etl'encadrement des tudiants de premier cycle, pour lesquels on souhaite l'accs aux matresreconnus et la pleine attention institutionnelle. Si c'est cela qui est voulu, comment donnermaintenant, au dtriment du premier cycle, un signal financier important en faveur des cyclessuprieurs ? On ne fera pas, cet gard, l'conomie d'une explicitation des objectifs et despriorits que l'on vise.

    Et la recherche ? la suite de demandes rptes, le financement des frais indirects a tintroduit dans la formule de financement. On voulait ainsi aider les quipes de recherche

    assumer les cots institutionnels entrans par les sommes reues des organismessubventionnaires. Les retraits progressifs de ceux-ci, notamment, posent maintenant demanire plus aigu la question de la capacit institutionnelle de maintenir et de dvelopperdes centres et des infrastructures de recherche, voire celle de financer, autrement que par leseul jeu des clientles, les efforts et les performances institutionnels en recherche. Ici aussi,que voulons-nous promouvoir ?

    En somme, ds qu'il s'agit de financement, la question des vises et des objectifs ne sauraittre clipse : que voulons-nous viser maintenant avec plus de vigueur ? Dans quels champsvoulons-nous diminuer ou accentuer les engagements ? Ce sont des questions lourdes, on levoit, et c'est pour cela que des liens troits seront tablir avec cette autre action ministrielleannonce, l'laboration d'une politique des universits.

    Un deuxime repre fondamental devrait guider la dmarche : faute de mieux, c'est ce quej'appellerai la prise en compte de la capacit financire d'un tablissement une sorte de P.I.B.institutionnel. Qu'est-ce dire ? Essentiellement, que toutes les tudes comparatives des basesfondes sur l'cart au cot moyen ne rvlent pas grand-chose de la capacit financire relled'un tablissement. Tel qu'il est calcul, l'cart la moyenne est une mesure exagrmentsensible aux variations annuelles et conjoncturelles. En un an ou deux, un tablissement peutainsi passer du positif au ngatif, ou vice-versa, et sans que cela ne lui procure ou ne luienlve un seul sou rel. Tel score positif peut ds lors rvler une charge financire assumerobligatoirement ; et tel score ngatif pourrait tre d une diminution ponctuelle de clientles.Quoi qu'il en soit, je pense que nous ne disposons pas d'une mesure de la capacit financire

    d'un tablissement, c'est--dire de cette assiette financire de base qui, gnralement issue del'histoire et consolide avec les ans, fait qu'un tablissement a "les reins plus ou moinssolides". On voit assez bien ce que cela signifie dans une entreprise : le taux de capitalisation,l'accs aux marchs ou aux revenus, la taille, les ressources humaines et les acquis matriels,etc., tout ce qui fait qu'on peut plus ou moins bien absorber les chocs et traverser les annes devache maigre.

    Je soumets cet gard que des tablissements qui peuvent pratiquer des chelles salarialessystmatiquement plus leves qu'ailleurs, faire "des offres qu'on ne peut pas refuser" aux

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    meilleurs candidats la carrire, voire aux professeurs en exercice ailleurs, recourirtypiquement peu aux chargs de cours et j'arrte ici la liste ont plus de capacit financireque d'autres. On pourra bien faire tous les calculs que l'on voudra, dfinir des rglesbudgtaires avec apparence d'quit sous tous rapports, voire faire appel la rationalit dequelque cot moyen, on ne changera rien cette ralit vidente qu'il n'y a aucune communemesure entre la capacit financire des tablissements. Et au fait que la capacit financire des

    tablissements de notre universit soit comparativement faible, hautement fragile en certainscas. Il faudra pousser plus avant dans cette voie que la "rectitude politique" et une volont depaix interinstitutionnelle ont systmatiquement occulte au cours des annes.

    Le troisime repre fondamental que me semble dicter l'tude de la formule de financement atrait ce que vous me permettrez d'appeler les "figures imposes", un concept, assorti de celuide "coefficient de difficult". Les ralits ainsi couvertes pourraient bien tre dterminantespour nous dans toutes les discussions entourant la formule de financement.

    Je pense ici ces obligations et ces contraintes, auxquelles nous consentons pleinement parailleurs, et qui dcoulent de certains aspects de la mission ou de la situation de l'Universit duQubec. Ainsi, par exemple, en matire de dure des tudes et de diplomation : la situation

    dans les programmes contingents ou forte slection a peu voir avec celle qui prvaut dansles programmes d'accessibilit plus gnrale. Mme diffrence radicale en ce qui a trait lamobilit relative des tudiants et l'lasticit de l'attraction des clientles. Ayant djenseign en mme temps Brbeuf et Rosemont, j'ai expriment trs concrtement en quoiles "figures imposes" l'enseignement dans un cgep populaire n'avaient rien de comparable la mme tche dans un tablissement pouvant se permettre d'tre hautement slectif ; mais

    j'y ai aussi compris que, condition d'tre pdagogiquement plus performant, il tait possibled'y russir d'aussi belles choses. Figure impose aussi, cette diffrence de contexte qui fait quela fermeture d'un dpartement dans un grand centre n'entrane rien qui ressemble la criseinstitutionnelle et sociale que provoquerait la fermeture d'un secteur d'activits en rgion.Figure impose galement que l'accueil que nous faisons d'un nombre plus lev d'tudiantsissus de groupes conomiquement plus faibles et donc plus exposs l'allongement des tudeset l'abandon : on n'a qu' constater le taux d'tudiants bnficiaires de l'Aide financire auxtudiants plus de 80 % dans certains cas. Et ainsi de suite. Mais, par-dessus tout, figureimpose et combien positive que cette obligation d'tre, au Qubec, l o les communautsont voulu et soutenu notre implantation.

    J'en retiens que la mission de l'Universit du Qubec comporte des particularits qui obligent,en matire de rationalisation, financire ou autre, tenir compte d'un ensemble plus complexede rationalits. Il nous faudra veiller ensemble ce que quelque nouvelle rgle de financementne fasse pas fi des "figures imposes" dcoulant de notre mission et ne nous grve pas denouveaux handicaps dans la russite de ce pour quoi notre universit a t cre.

    Le mandat du Groupe de travail ne mentionne pas les droits de scolarit. Et l'on comprend fortbien pourquoi, tant donn la dcision gouvernementale du maintien du gel des droits actuels.Mais il est possible que certains tablissements, notamment ceux qui bnficient de plusd'lasticit cet gard, veuillent revenir la charge. Nous ne le ferons pas, quant nous.Parce que nos tudiants sont conomiquement plus sensibles la fluctuation des droits descolarit. Mais aussi parce que c'est l matire dcision de politique gouvernementale. Nousavons assurment un problme de ressources, mais il appartient au Gouvernement de dcidercomment il entend moduler la part provenant des fonds publics et celle escompte despremiers usagers. Nous veillerons seulement ce que les choses se passent ventuellement

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    conformment quelques principes de saine philosophie sociale. Par exemple, l'ide d'une"libralisation" des droits de scolarit et celle d'une modulation par secteur et selon les cotsde revient seront surveiller. Je suis toujours convaincu qu'elles sont toutes deux porteuses deprofonde iniquit sociale et de nature creuser des clivages interinstitutionnels auxconsquences dsastreuses long terme. Il faudra, cet gard, veiller ce que l'tablissementde forfaits diffrencis par secteur pour les tudiants non qubcois ne contribue pas

    accrditer ce genre de thse. Pour des non-rsidents, l'imposition de droits de scolaritsupplmentaires peut se justifier comme succdan la contribution fiscale ; qu'on y prenneen compte le cot de revient relve du mme type de perspectives. Mais la gnralisation decette approche l'ensemble des tudiants nous entranerait dans des dynamiques tordues etsocialement rgressives. Il faudra tre vigilant.

    4.5 La politique des universits

    La Ministre a aussi annonc l'laboration d'une politique des universits entendons : d'unepolitique du Gouvernement l'endroit des universits. Il s'agira, peut-on lire, d'une sorte de"contrat social entre la socit qubcoise et les universits". Par rapport aux annoncesd'octobre, se sont ajoutes quelques prcisions sur le processus qui sera suivi et sur les

    rubriques que couvrira une telle politique. Sur le processus, on sait que le Ministre se feraaider par un "groupe consultatif externe", compos notamment de personnes issues du milieuuniversitaire : j'imagine qu'il s'en trouvera en provenance de notre universit. Quant aucontenu de la politique, on sait maintenant qu'il y sera question de la mission de l'universit,de son statut, des attentes sociales son endroit, du type de rapport entre le gouvernement etles universits, du rendement attendu du systme universitaire et de ses obligationsd'imputabilit. Nous serons vigilants et actifs, si vous le voulez bien. Pour ma part, je verraisbien que nous nous penchions sur ces questions au cours des prochains mois, de faon treprts au moment plus formel de consultation prvu pour l't prochain.

    ces trois oprations inscrites dans la Rforme Marois, il faut en ajouter deux autres, quinous interpellent aussi assez directement : celle qui, place sous la rubrique de la formationprofessionnelle et technique, entend "favoriser une meilleure articulation entre la formationtechnique et la formation universitaire", et celle relative une "politique de la formationcontinue". Nous devrions, l aussi, nous comporter en partenaires actifs et intresss. Dans lesdeux cas, notre mission et nos pratiques nous donnent, peut-tre plus qu' d'autres, demultiples raisons d'tres prsents et de participer la dfinition des orientations et desstratgies. Nous verrons ensemble comment le faire.

    4.6 Les technologies de l'information et des communications

    Les technologies de l'information et des communications figurent galement notre ordre dujour. Et de multiples manires. Parce que nous entendons demeurer branchs sur les grands

    circuits qui comptent, voire y accrotre notre prsence ; parce que nous entendons prendrepleinement les virages pdagogiques qu'attendent lgitimement nos tudiants ; parce que nousavons mission de formation des matres de l'cole de demain ; parce que nous ne voulons pasrester en gare pendant que s'branlent les trains des nouveaux modes d'apprentissage et desnouveaux lieux de fabrication et de transmission des savoirs. Nos demandes eninvestissements traduisent correctement nos intentions cet gard et j'ai vu, partout dans nostablissements, des volonts fermes d'engagement et d'volution, en mme temps que c'estl'intgration dans la pdagogie quotidienne qui y est perue comme l'enjeu et le dfi les plusdifficiles et les plus dterminants.

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    Un de nos tablissements, la Tl-universit, a une mission particulire en ce domaine, unemission qui est en train de prendre corps dans des ralisations et une expertise largementreconnues, ici mme et l'tranger. C'est l un atout qui peut nous aider nous propulserensemble l'avant-garde des universits qubcoises. Pour peu, cependant, que nous nousmettions au clair sur le rle de cet tablissement et sur la faon d'articuler son action celle de

    l'ensemble des composantes du rseau. Or, je note chez nous, quand il s'agit de la Tl-universit, plus de rticences que d'engouements, plus de tensions que de convergences, plusde problmes non rsolus que d'ententes franchement conclues. Cela n'est pas trs productif etnous prive d'un outil stratgique exceptionnel.

    Nous ne rglerons pas cela sur un coin de table, mais je tiens en faire tat ici, car, dans larevitalisation que nous souhaitons tous pour notre rseau, il y a l une pice importante. Entout cas, dterminante pour la place que nous voulons prendre dans une rvolutioninluctablement dj en cours. La question n'est pas dans le statut universitaire confr laTl-universit par ses lettres patentes ; cela est bien tabli et profitable, et devrait nous fairerenoncer toute espce de retour quelque statut de "commission" ou de "service commun".La question est plutt de savoir quel mode de dveloppement et de fonctionnement il

    conviendrait de privilgier. Pour ma part, et je m'en suis ouvert au conseil d'administration etau personnel de la Tl-universit, je doute qu'on puisse aller bien loin dans le dveloppementd'une programmation institutionnelle autonome, mme s'il est ncessaire d'avoir desprogrammes propres pour pouvoir tre un secteur tmoin nettement visible. L'avenir mesemble plutt aux projets communs, aux alliances o les partenaires devraient tre gagnants,parce que rendus capables de rejoindre des clientles actuellement encore non rejointes. Aussilongtemps et ce ne pourra pas tre bien longtemps que les constituantes gnrales et la Tl-universit considreront qu'elles se battent pour rejoindre les mmes clientles, quitte se lesravir, aussi longtemps que nous n'aurons pas dfini des modes de financement mieux adaptsau ncessaire partage attach aux entreprises communes, le malaise persistera et des occasionsintressantes continueront de nous passer sous le nez.

    Les engagements que nous avons pris, dans le sillage de nos travaux issus du dossier dit "desuniversits en rgion", fixent le printemps comme chance de notre nouveau pacteconcernant le tl-enseignement. D'ici l, il se pourrait bien que le dossier des "Pressesuniversitaires multimdias" (PUMM) nous fournisse l'occasion de premires dcisionscommunes. S'il est vrai qu'il y a l un filon d'avenir irrversible, et si les discussions avec lesprofesseurs voluent de manire positive, nous aurons dcider si et comment nous y allonscomme rseau et quel rle nous souhaitons voir jouer par la Tl-universit. Nos propressolidarits doivent donc tre clarifies et bien ficeles. La premire phase de l'oprationPUMM n'a pas t, cet gard, plus exaltante qu'il ne faut, tant il est vrai que nous y avonst sans y tre vraiment.

    4.7 Nos travaux de ringnierieJe veux enfin dire quelques mots des ringnieries actuellement conduites un peu partout dansnotre universit et figurant ds lors sur notre ordre du jour. Certaines concernent la prsidenceet le Sige social elles s'implantent selon le plan prvu. D'autres touchent nos processus etnos rglements en matire de fonctionnement en rseau, de programmes et de planification ;nous y travaillons galement. D'autres, en matire de gestion acadmique, nous attendent dansun avenir prochain ; je les ai voques plus haut en parlant des actions structurantes raliser.D'autres sont en cours dans plusieurs tablissements et, ici et l, ont dj donn lieu des

  • 7/29/2019 Lucier, P. (1997) L'Universit du Qubec : Perspectives, orientations, questions

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    Chaire Fernand-Dumont sur la culturePierre Lucier 17 de 17 1997

    dcisions de refonte de structures ou de processus. Et il y a aussi ces ringnieriesinterinstitutionnelles, que la recherche de plus d'efficacit et les vents dominants de larationalit organisationnelle nous conduiront rexaminer.

    Ce n'est pas le lieu de dvelopper les problmatiques et les perspectives pouvant prsider l'examen de tels chantiers de ringnierie inter- ou multi-institutionnelle. Certains de ces

    chantiers sont circonscrits et font actuellement l'objet d'changes de concertation l'InstitutArmand-Frappier, l'Institut national de la recherche scientifique, l'Universit du Qubec Rimouski, par exemple. D'autres, principalement en matire de programmation acadmique,sont s'enclencher ; certains approchent des conclusions. D'autres sont plus lourds etpourraient toucher d'autres tablissements que la Tl-universit : par exemple, tout ce quiconcerne la manire de tirer le maximum de la force motrice de nos instituts de recherche.

    Somme toute, tout se passe comme si, avant que d'autres n'en aient l'ide, nous avions revoiret mettre jour les orientations nagure donnes au prsident Boulet par le Ministre d'alors.Il me semble que nous avons la fois la maturit et le devoir de prendre ainsi nous-mmes enmain notre avenir institutionnel. Nous aurons y revenir avant longtemps.

    * * *

    Je conclurai ici cette entre en matire, au cours de laquelle j'ai voulu, de la faon la plustransparente possible, vous faire part de perceptions et de convictions qui soient de nature vous clairer sur mes dispositions et mes intentions en ce dbut de mandat la prsidence.Elles tiennent tout la fois du projet mobilisateur et de la vision stratgique, tous deux dployer, valider, ajuster, convenir progressivement.

    Du projet mobilisateur et de la vision stratgique, peut-tre voudrez-vous retenir que je rved'une universit pleinement "universitaire", c'est--dire trs videmment centre sur samission de formation et de recherche, et donc sur l'apprentissage, et pratiquant des standardslevs de qualit. D'une universit qui, digne de son nom et fidle sa mission, est attentive etpermable aux besoins et aux attentes du Qubec et tisse avec sa population des liens desolidarit et d'appui mutuel. D'une universit qui, conformment son modle propre,fonctionne en rseau, dans la conjonction de ses forces et pour le bnfice de ses tudiants departout au Qubec. D'une universit efficacement engage dans les oprations d'ajustement etde renouveau souhaites par la population et son gouvernement. D'une universit qui greavec maturit son destin institutionnel et tablit son propre programme d'action. D'uneuniversit qui, consciente de sa force, ne s'excuse pas d'exister, affirme de plus en plus sastature acadmique et, avec discernement, est prsente sur la place publique.

    Si tout cela devait exiger de nous des actions qui ressemblent des changements de cap, ehbien, oui, c'est l'esquisse d'une rforme que je vous propose ici.