liberation 21.06.2013

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MICHAEL O’NEILL.CORBIS OUTLINE FORUM ÎLE-DE-FRANCE À VITRY-SUR-SEINE VA VOIR, VA SAVOIR! VENDREDI21 JUIN 2013 Photographies Olivia Frémineau De Claude Bartolone à Jean-François Copé, de nombreux députés ont brouillé les débats sur la moralisation de la vie politique. Elus LA TRANSPARENCE MALGRÉ EUX 32 E FÊTE DE LA MUSIQUE DEMANDEZ LE PROGRAMME 4 PAGES Forum de Vitry: une nouvelle de Jean- Bernard Pouy 16 PAGES CENTRALES PAGES 2-4 GANDOLFINI, LE SOPRANO REND LES ARMES PAGES 24-25 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION N O 9985 VENDREDI 21 JUIN 2013 WWW.LIBERATION.FR IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats-Unis 5$, Finlande 2,70 €, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €, Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays-Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

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Page 1: Liberation 21.06.2013

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FORUMÎLE-DE-FRANCEÀVITRY-SUR-SEINE

VAVOIR,VASAVOIR!

VENDREDI 21 JUIN 2013

PhotographiesOlivia Frémineau

De Claude Bartolone à Jean-François Copé, de nombreux députésont brouillé les débats sur la moralisation de la vie politique.

Elus

LATRANSPARENCEMALGRÉEUX

32E FÊTE DE LAMUSIQUE DEMANDEZLE PROGRAMME 4 PAGES

Forum deVitry: unenouvellede Jean-BernardPouy 16 PAGES

CENTRALES

PAGES 2­4

GANDOLFINI,LE SOPRANOREND LES ARMESPAGES 24­25

• 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9985 VENDREDI 21 JUIN 2013 WWW.LIBERATION.FR

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,70 €, Grande­Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €,Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays­Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

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En deux mois, le projet de loi sur la transparence de la viepublique a été maltraité par des députés. Le texte qui sera votémardi comporte néanmoins des avancées majeures.

La morale entaméeau Parlement

M ercredi après-midi, à uneheure de la reprise de l’exa-men du projet de loi sur latransparence et la morali-

sation de la vie publique à l’Assembléenationale, un conseiller de l’exé-cutif noyait son désarroi dans unverre d’eau gazeuse. En refusantla publication de leur patrimoine, «lesparlementaires vont dans le sens contrairede l’histoire», soupirait-il. Et prennentle risque de brouiller l’impact politique

Par LAURE BRETTONL’ESSENTIEL

LE CONTEXTELes députés votent mardi le textesur la moralisation de la politique.

L’ENJEULe refus de certains élus de faireprogresser la transparencerisque de masquer les réellesavancées du texte.

Par ÉRIC DECOUTY

Brouillage

Certes le texte n’est pasà la hauteur du séismeprovoqué par l’affaireCahuzac. Pas à la hauteurnon plus de la volontémoralisatrice affichéepar François Hollande aulendemain de la déchéancede son ministre du Budget.Pourtant, malgré seslimites et ses insuffisances,le texte constitue uneavancée. Les déclarationsd’intérêt, l’encadrementde certaines activités oula création d’une Hauteautorité, vont dans le sensd’une moralisation dela vie politique. Et si nulne peut croire que cesquelques mesures suffirontà restaurer une éthiquemalmenée par lasuccession des scandales,elles ouvrent desperspectives qu’on auraittort de négliger.Mais ces avancées risquentfort de laisser peu de tracesdans l’opinion. Car au soirdu débat parlementaire,une poignée d’élus de toutpoil et de toutes étiquettesa réussi à brouiller l’effortde transparenced’une majorité. ClaudeBartolone, Jean-FrançoisCopé ou Christian Jacob,par leur rejet constantdes grandes propositionsgouvernementales, ont faitplus que cultiver l’opacitéet la sauvegardede leurs privilèges.Ils entretiennent l’idéed’une classe politiquecoupée de la société,incapable d’écouterles attentes de l’époque.Leur responsabilitéest considérable.Il appartient désormaisaux nouvelles générationsde droite et de gauchede bousculer ces hommesdu passé, des annéesMitterrand et Chirac.La moralisation de la viepolitique n’est pasun gadget.

ÉDITORIAL

LA DÉCLARATION D’INTÉRÊTA compter du 1er octobre, députés, sénateurs et grandsélus locaux devront déclarer –et verront publier sur Inter­net– l’intégralité de leurs activités professionnelles… maisaussi leurs piges de consultants, leurs participations finan­cières et même leurs fonctions bénévoles. Au cours desdébats, les parlementaires ont en effet élargi ces déclara­tions d’intérêts aux rémunérations annexes des élus.

LES AVANCÉES LA HAUTE AUTORITÉAvec un budget autonome, unpouvoir d’enquête et d’injonctionsur l’administration, la Haute Autoritépour la transparence (HAT) pourraêtre saisie par les citoyens. Son but:contrôler les déclarations et lestransmettre si besoin à la justice.

LES COLLABORATEURSS’ils n’ont pas obtenu de vrai statut,les collaborateurs parlementairesverront leur nom inscrit dans la décla­ration de leur élu. Histoire de luttercontre les promotions familiales, puis­que l’on voit souvent la femme ou lefils d’un parlementaire embauché.

Les déclarations de patrimoine de 6500 élus seront consultables en préfecture par les habitants du département. PHOTO JOEL SAGET. AFP

et médiatique d’une loi rigoureuse quia intégré de nombreuses avancées au fildes débats des parlementaires qui onténormément –c’est un euphémisme–amendé le texte initial du gouverne-ment.Car en dix semaines, la transparence a

fait un sacré chemin. Avant lesaveux de Jérôme Cahuzac, minis-tre du Budget supposé pourfen-

deur de la fraude fiscale et néanmoinsdétenteur d’un compte non déclaré àl’étranger, le ministre des Relationsavec le Parlement, Alain Vidalies, plan-

RÉCIT

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chait tranquillement à un encadrementdes conflits d’intérêts pour faire pro-gresser la «République exemplaire»chère à François Hollande. Mais le3 avril, sous le choc, le chef de l’Etatdégainait une arme un peu trop lourde:loi sur l’indépendance de la justice dèsl’été, «publication et contrôle de tous lespatrimoines» des ministres et desgrands élus et, enfin, avait-il tonné,«les élus condamnés pénalement pourfraude ou corruption seront interdits detout mandat public».

PILULES. Une semaine plus tard, l’arse-nal se renforçait encore, le président dela République annonçant l’incompati-bilité à venir de certains métiers –avo-cats d’affaires surtout– avec un man-dat de député ou de sénateur. Despilules impossibles à faire passer côtéparlementaires, révoltés tant sur lefond que sur la forme. «Pendant cinqans, on a combattu Sarkozy qui pondaitdes lois sous le coup de l’émotion, à cha-que fait divers, sans tenir compte de l’in-térêt général et là, on a fait pareil», dé-crypte un pilier de la majorité, toujours«effaré» de l’offensive de l’exécutif qui,en plus du «voyeurisme», était propre,selon lui, à «alimenter le populisme». Dela «démocratie paparazzi», s’est em-porté le président de l’Assemblée na-tionale, Claude Bartolone, qui a pris latête de la fronde grondant au sein dugroupe socialiste.

Le parti s’acharne contre lesrebelles Wauquiez et Le Maire.

L’UMP déchireles transparentsL’ heure est très grave. Le

député UMP des Yveli-nes Henri Guaino, ex-

plume de Nicolas Sarkozy,voit «déferler» sur le pays etsur son Assemblée nationale«une vague terrible de déma-gogie». Circonstance aggra-vante: des élus de droite ontalimenté ce tsunami popu-liste, déclenché par les so-cialistes pour faire oublierl’affaire Cahuzac. Comme lagrande majorité de ses collè-gues du groupe UMP, Guainoest particulièrement remontécontre l’ancien mi-nistre Laurent Wau-quiez. Non contentde se déclarer disposé à voterle projet de loi sur la transpa-rence, ce dernier a bousculéses amis politiques en multi-pliant les propositions ico-noclastes. L’élu de Haute-Loire suggère, par exemple,que les députés renoncent àleur régime spécial en ali-gnant leur régime de retraitesur le droit commun. «Laclasse politique ne peut pasêtre une caste qui se protège[…]. L’affaire Cahuzac n’estpas un accident de parcours,elle révèle un problème defond», assurait Wauquiez,mercredi soir, sur le plateaude Canal +.«Concours». Le chef de filedes députés UMP, ChristianJacob, s’est fendu mercredid’un courrier à tous ses col-lègues pour fustiger ceux quijouent «au concours du plusvertueux». Outre Wauquiez,cette mise au point peut éga-lement viser Bruno Le Maireet sa «révolution démocrati-que». Contre la majorité desélus de sa famille, l’ancienministre de l’Agriculture mi-lite en effet pour que les par-lementaires soient contraintsde démissionner de la hautefonction publique s’ils sontfonctionnaires. Il veut aussiqu’il leur soit interdit de cu-muler leur position d’élu na-tional avec un mandat exé-cutif local, et d’effectuer plusde trois mandats successifs.Dans son courrier aux dépu-

tés, Jacob se désole que«quelques-uns» aient décidéde «médiatiser des proposi-tions» qui «donnent le senti-ment» que l’opposition serait«divisée», alors que legroupe UMP «quasi una-nime» a décidé de dire non àla loi transparence. Pour lui,ce projet de loi n’est qu’une«manœuvre de diversion» or-chestrée par Hollande qui«porte en elle les germes duvoyeurisme et de la délation».Accusé par Eric Woerth de«se faire de la pub sur le dos

des autres», Wau-quiez est, en la ma-tière, un multiréci-

diviste. Après le scandaleCahuzac, il avait été parmiles premiers à rendre publicson patrimoine, s’attirantdéjà les foudres de Guaino.«Saint­Just». Mercredi, surBFM TV, l’ancien conseillerde Nicolas Sarkozy a solen-nellement mis en garde con-tre la démagogie, «maladiemortelle des démocraties».Après Claude Bartolone, iln’a pas hésité à dénoncercette «politique de la pureté»qui confine selon lui à «lapurification et conduit toutdroit à Robespierre et à Saint-Just…»La droite avait été nettementplus nuancée, en 2010,quand le gouvernementFillon avait déposé un projetde loi inspiré des recomman-dations de la commission«pour une nouvelle déonto-logie de la vie publique».Dans la foulée de l’affaireWoerth-Bettencourt, NicolasSarkozy avait lancé ce chan-tier visant à renforcer la pré-vention des conflits d’inté-rêts et la déontologie desacteurs publics. A l’époque,l’UMP s’était évidemmentbien gardée d’y voir, commeelle le fait aujourd’hui, une«manœuvre de diversion». Ilest vrai que ce premier projetde loi, annoncé en fanfarepar Nicolas Sarkozy, n’a ja-mais été inscrit à l’ordre dujour du Parlement…

ALAIN AUFFRAY

ANALYSE

LES RECULS L’INÉLIGIBILITÉ À VIEUn élu condamné pour corruptionrisquera finalement une peine dedix ans d’inéligibilité. Annoncé dansun premier temps par Hollande maisrisquant d’être déclaré inconstitu­tionnel, l’empêchement «à vie» de seprésenter à une élection est enterré.

LES PATRIMOINESPour ceux qui voudront connaître le patrimoine de leursélus, il faudra se déplacer en préfecture. Au contraire desministres –et de ce qui avait été annoncé– les parlemen­taires n’auront pas à mettre en ligne ce qu’ils possèdent.Et le citoyen qui voudrait publier sa trouvaille encourraune amende de 45000 euros. Il lui faudra saisir la Hauteautorité de la transparence qui, elle, pourra intervenir.

Au final et au prix d’un bras de fer pasfranchement reluisant entre l’exécutifet les socialistes, le projet de loi qui doitêtre voté mardi à l’Assemblée est louédans les grandes largeurs par les asso-

ciations de lutte contre la corruption(lire sur Libération.fr). «On peut toujoursfaire mieux, mais une bonne loi estd’abord une loi votée. Sous la droite, un teltexte n’aurait jamais vu le jour», souffle-t-on à Matignon, pour qui en l’état «leverre est aux trois quarts plein». «On estrentrés dans le texte de façon chaotique,on en ressort cabossés, mais avec de vraismieux, complète le député (PS) du Fi-nistère Gwenegan Bui. De toute façon,quand un truc comme Cahuzac vous pèteà la gueule et s’ajoute à une crise écono-mique très dure, tout ce que vous pouvezfaire est nécessairement insuffisant.»Mi-mai, constatant l’enlisement de sonopération transparence et la guerre detranchées dans sa majorité, FrançoisHollande a lâché du lest, promettant untexte qui respecterait la vie privée. Lecompromis s’est dessiné sur cette base:les déclarations de patrimoine de6500 élus (députés, sénateurs, députéseuropéens, élus des villes les plus gran-

Claude Bartolone, Christian Jacob, Laurent Wauquiez et François De Rugy. PHOTOS SÉBASTIEN CALVET., JACQUES DEMARTHON. AFP,

des mais aussi les plus riches et patronsd’entreprises publiques) seront trans-mises à la nouvelle Haute Autorité de latransparence et consultables en préfec-ture uniquement par les habitants du

département. En gros,«une publication non pu-bliable», a raillé l’écolo-giste François de Rugy.Un «truc de faux-cul», abalancé le centriste HervéMorin, qui a fait mine,

comme ses camarades de l’UDI et lesdéputés de l’UMP, de souhaiter le retourau texte initial prônant une publicationtotale (lire page 4). «Ils nous ont fait lecoup du “nous, on veut laver plus blancque blanc”, alors qu’ils n’ont jamais rienfait sur la transparence. On a assisté à unvrai jeu de cons», maugrée un dirigeantsocialiste.

REGISTRE. Reste que, en plus de créerun délit passible de 45 000 eurosd’amende et d’un an de prison pourtoute divulgation publique des informa-tions trouvées en préfecture, l’idée –quine sera pas intégré dans la loi mais dansun décret– s’est imposée de créer unregistre des personnes ayant consultéles déclarations des élus. Ou commentficher les potentiels gêneurs… «Toute latension a été absorbée par un faux sujet,la publication, alors que la vraie question,c’est celle du contrôle, déplore le député(PS) du Lot-et-Garonne

«On est rentrés dans le texte de façonchaotique, on en ressort cabossés,mais avec de vrais mieux.»Gwenegan Bui député (PS) du Finistère

L’ACTIVITÉ DE CONSEILS’il n’y aura pas de liste de métiers «interdits» pour lesparlementaires, comme envisagé, un député ou un séna­teur n’aura tout de même plus le droit de s’adonner horsdes hémicycles à l’activité de conseil. Fini le lobbyingtarifé… sauf pour les professions dites réglementées–avocats, experts comptables– qui voient quand mêmele périmètre de leur action se restreindre.

Suite page 4

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013 • 3

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Matthias Fekl. Levrai problème n’est pas que l’un d’entrenous soit aisé, mais qu’il se serve de safonction d’élu pour le devenir.» Pourautant, son amendement visant à créerun délit d’enrichissement illicite a étéretoqué. Tout comme celui du députésocialiste de Seine-et-Marne OlivierFaure, qui voulait publier l’évolution dupatrimoine d’un élu au long de sonmandat. Ou ceux des écolos qui espé-raient rendre publics les frais des parle-mentaires. Isabelle Attard, députéeverte, relativise: «La loi n’est pas tout,mais elle existe désormais, et pour luttercontre le “tous pourris”, nous pouvonstous, chacun à notre niveau, donner despreuves à nos électeurs» en signant lacharte éthique d’Anticor (ONG anti-corruption) ou en détaillant son patri-moine ou l’utilisation de ses indemnités.Ce que de nombreux députés ont fait dèsla bombe Cahuzac lâchée. «Le premierqui dégaine gagne la bataille de la probité.Même sans la loi, cela va s’imposer dansla campagne municipale», pronostiqueun conseiller ministériel.S’ils ont fait reculer l’exécutif sur ledossier «patrimoine», les députés ontsérieusement corsé le versant «déclara-tions d’intérêts», qui, elles, seront tota-lement publiques. On pourra désormaisconnaître toutes les activités, même bé-névoles, des grands élus et l’intégralitéde leurs revenus annexes! Un dispositifa priori tellement dissuasif que Jean-François Copé a cru pouvoir y échapperen devançant la loi et en annonçantqu’il ne serait plus avocat à l’avenir.Raté : le texte stipule que c’est sur lescinq dernières années qu’il faudra pas-ser à table… •

Ils ont rebaptisé ça les amendements«suivez mon regard», des ajouts autexte du gouvernement visant sans lesnommer des personnalités politiques.L’interdiction d’être parlementaire etde siéger dans une holding surlaquelle se rejoignaient les socialisteset l’ancien ministre de la Défensecentriste Hervé Morin? De quoiinquiéter le sénateur Serge Dassaultet son fils député, Olivier, quiprésident aux destinées du groupeaéronautique éponyme. Empêcher unparlementaire de diriger un groupe depresse? C’est encore la familleDassault qui est dans le viseur maisc’est avec le renfort des voix desradicaux de gauche quel’amendement a été repoussé. Jean­Michel Baylet, patron du groupe LaDépêche, n’aurait pas apprécié. Etquand les socialistes ont tenté delimiter les dons aux partis politiques,l’UMP s’est époumonée pourconspuer l’homme d’affaires PierreBergé. Mais mercredi, contre touteattente, c’est ce que tout le mondeappelait «l’amendement Sarkozy» quia été adopté. Défendu par le PSThomas Thévenoud, il prévoit que «lesmembres du Conseil constitutionnelne peuvent exercer aucune activitéannexe rémunérée ou non». Exit lesconférences de l’ancien présidentpour Goldman Sachs à Londres. Maisrien ne dit que la mesure passera… lecap du Conseil constitutionnel. L.Br.

«SUIVEZ MON REGARD»À L’ASSEMBLÉE

Selon Jérôme Fouquet, de l’Ifop, ce sont surtout les avantages réservésaux élus, notamment les retraites, qui passent mal auprès de la population:

«Les Français sont favorablesà la publication du patrimoine»P our Jérôme Fourquet, directeur du

département opinion de l’Ifop, la loisur la transparence de la vie publique

est loin de constituer une préoccupationpremière pour les Français, très sensiblesen revanche aux petits privilèges dont bé-néficient les députés. A commencer parleur régime de retraite.Qu’attendent les Français de cette loi sur latransparence?Elle ne constitue pas une de leurs priorités,qui sont avant tout économiques et socia-les. Cela ne veut pas dire qu’ils ne souhai-tent pas que le gouvernement ne bouge passur cette question. Ainsi, dans un récentsondage réalisé pour Sud Ouestqui portait sur le détricotageopéré par les députés sur la ques-tion de la publication du patrimoine, 50%des personnes interrogées se disent favora-bles à la publication des patrimoines, et30% sont pour la simple consultation. Ilsne sont que 20% à être d’accord avec lanon-publication et la non-consultation. Unprécédent sondage réalisé pour le Journaldu dimanche montrait aussi qu’il y avait unetrès forte majorité de Français favorable àla publication du patrimoine des élus. Il n’ya qu’une petite minorité qui se retrouve sur

la ligne défendue aujourd’hui parClaude Bartolone, pour qui celaconfine à la démagogie et risqued’aboutir à une «démocratie pa-parazzi». Majoritairement, lesFrançais ne sont pas de l’avis duprésident de l’Assemblée natio-nale et demandent de la transparence et del’exemplarité.La publication des patrimoines des élus nerisquait-elle pas d’alimenter une certaineforme de populisme et de creuser le fosséentre les citoyens et leurs représentants?Je crains que le mal ne soit déjà fait. Tou-jours selon la même enquête pour le JDD,

nous avions posé des questionssur la manière dont nos conci-toyens perçoivent le train de vie

des élus. Pour une très large majorité, lesélus sont plus riches, voire beaucoup plusriches qu’eux-mêmes. En clair, ils ne vi-vent pas comme les Français lambda. S’ilsdemandent plus de transparence, les Fran-çais ne se disent pas choqués de constaterque leur député puisse avoir un patrimoineimportant. Simplement parce qu’ils ont in-tégré le fait que les élus ne vivent pas sur lemême pied qu’eux. Pour eux, en tout cas,il ne s’agit pas de mesures démagogiques.

Cette loi sur la transparencepeut-elle changer leur visionsur leurs élus?Je crois qu’il y a une attenteforte d’exemplarité et d’ins-cription dans le droit commun,qui pourraient entraîner ce

changement d’image. A commencer par lestatut des parlementaires, et de leurs régi-mes de retraite. Au moment ou FrançoisHollande va demander de nouveaux effortsaux Français sur cette question, trois ansseulement après la précédente réforme desretraites. Alors que l’on parle de rapprocherle régime du public avec celui du privé, ily a une vraie initiative politique à prendreen réformant les retraites des parlementai-res pour les rapprocher de la norme.En refusant la publication, les députés nedonnent-ils pas l’impression d’avoir deschoses à cacher?Ce petit détricotage n’aura un impact quesur certaines catégories, les plus au fait del’actualité politique. Les Français attendentsurtout que les élus soient traités de lamême manière qu’eux, et donc mettent finà certains de leurs avantages. A commen-cer par leur retraite.

Recueilli par CHRISTOPHE FORCARI

DR

INTERVIEW

L’UDI, qui réclame de longue date la transparence, ne votera pas la loi.

Le centre fait la girouette

L’UDI botte en touche.Alors que certains de sesténors, à l’instar de

Charles de Courson, plaidentdepuis des années pour plus detransparence dans la vie publi-que, la tambouille politiciennel’a en partie emporté. C’estHervé Morin, numéro 2 del’UDI et principal orateur de

son groupe sur le projet de loisur la transparence, qui l’a an-noncé à la tribune de l’Assem-blée. L’UDI s’abstiendra. «Uneabstention ni passive ni hésitante,mais une abstention critique», aprécisé le député de l’Eure. «Legroupe UDI ne sera pas complicede cette opération de diversiondont le seul but est de faire oublier

les multiples dérives d’un ministredu gouvernement [Jérôme Cahu-zac] et la bienveillance, ou dumoins la passivité coupable, dontil a bénéficié au sein de l’exécu-tif», a poursuivi Hervé Morin,qui juge ce texte «plus proche del’étalage que de la transpa-rence». «Il nous était difficile devoter contre une loi que les Fran-

çais veulent et attendent, maisvoter favorablement était égale-ment compliqué», reconnaît undéputé centriste.Pour tenter de justifier cette«abstention critique», les dé-putés UDI ont pointé certainsdéfauts du projet de loi. A com-mencer par la faiblesse des me-sures de contrôle mise en place.«On dit qu’il y aura de six à vingtpersonnalités pour contrôler7000 déclarations, de qui se mo-que-t-on?» a lancé leur porte-parole national, Jean-Christo-phe Lagarde, député et maire deDrancy.Malgré l’interdiction de publi-cation, l’UDI redoute égale-ment que le patrimoine desélus, une fois consulté, se metteà circuler tous azimuts sur lesréseaux sociaux. «Ce projetouvre la voie à la délation via leslanceurs d’alerte», a estiméJean-Christophe Lagarde. Pourempêcher une telle diffusion,les députés centristes ont mêmedéposé un amendement préci-sant que les personnes qui dif-fuseraient le patrimoine d’unélu devraient s’acquitter d’uneamende correspondant aumontant du même patrimoine…Un amendement retoqué.

C.F.

Hervé Morin juge le texte «plus proche de l’étalage que de la transparence». PHOTO JULIEN MIGNOT. ETE 80

Suite de la page 3

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 20134 • EVENEMENT

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AuBrésil, la jeunessefaitplierlesautoritésdeRioetSãoPauloAprès avoir obtenu l’annulation de la hausse des tarifs des transportsurbains, le mouvement cherche un second souffle et exige la gratuité.

L a rue a gagné. Après treizejours d’une révolte de lajeunesse qui a secoué toutle pays, les deux princi-

paux Etats brésiliens, São Paulo etRio, ont annoncé mercredi soirqu’ils revenaient sur lahausse annoncée dutarif des transports encommun qui avait déclenché lesgrandes manifestations. D’autresvilles avaient cédé plus tôt dans lasemaine.

POURQUOI AVOIR RELEVÉ LE PRIXDU BUS, DU MÉTRO ET DU TRAIN?C’est une mesure prise périodique-ment par les collectivités localespour compenser la hausse descoûts, notamment celui du diesel.En général, elle passe inaperçue carprise en janvier, pendant les gran-des vacances au Brésil. Cette fois,la majoration avait été différée à lademande du gouvernement fédé-ral, dans une tentative de contenirl’inflation.Le maire de São Paulo, FernandoHaddad, du Parti des travailleurs(PT, gauche), a annoncé le 2 juin

que le ticket de bus passerait de 3à 3,20 réal (soit une augmentationde 7 centimes d’euro). FernandoHaddad a assuré qu’il aurait falluune hausse encore supérieure– de plus de 40 centavos de réal,environ 14 centimes– pour rattra-per l’inflation. Mais, en vingt ans,le tarif du busão, moyen de trans-

port du pauvre, a pro-gressé presque deuxfois plus vite que la

hausse générale des prix. Il estaujourd’hui parmi les plus élevésau monde alors que le service laisseà désirer: bus surchargés, horairesnon respectés…C’est la mairie qui le subventionne,à hauteur de 20%, soit 400 millionsd’euros cette année. Avec le gel du

tarif annoncé hier, il faudra pren-dre sur d’autres budgets 132 mil-lions d’euros supplémentaires, ontmenacé d’une même voix le maireHaddad et le gouverneur de SãoPaulo, Geraldo Alckmin (responsa-ble du métro et du train). Il suffiraitde réduire les profits de la «mafia»des concessionnaires privés qui gè-rent le réseau de bus, rétorque leMovimento Passe Livre («mouve-ment libre passage») à l’origine dela mobilisation.

POURQUOI LE GOUVERNEMENTEST­IL EMBARRASSÉ ?D’abord, parce qu’il n’a rien vu ve-nir et qu’il n’a aucun contrôle surun mouvement spontané, né sur lesréseaux sociaux et indépendant des

syndicats et autres associations surlesquels le Parti des travailleurs a lahaute main. Ensuite, parce que leparti au pouvoir de Dilma Rousseffn’a pas l’habitude d’être contesté.Les mouvements de la société civilequi ont aidé à porter Lula à la prési-dence du Brésil, il y a dix ans, tai-sent depuis leurs divergences pourne pas faire le jeu de la droite. LeParti des travailleurs s’est endormisur ses lauriers en matière de luttecontre la pauvreté, qui semble avoiratteint ses limites.Enfin, parce que l’une des cibles dela révolte est une étoile montantedu PT, Fernando Haddad, maire dela plus grande ville du pays, et parailleurs poulain de l’ex-présidentLula. Six mois seulement après son

entrée en fonction, Haddad, qui enest à son premier mandat électif,essuie un cinglant revers. Et le partil’accuse d’avoir mal géré la crise.Surtout, la contestation a mis à nuun ras-le-bol généralisé contre laclasse politique, qui n’épargne pasla Présidente, dont la popularité estdéjà en recul – même si elle restetrès élevée (71% d’opinions favora-bles)– en raison du retour de l’in-flation. La hausse du tarif destransports est la goutte d’eau qui afait déborder le vase, et la rues’élève contre la corruption et ledélabrement des services publicsen général, alors que le Brésil vadébourser 10 milliards d’euros pourorganiser la Coupe du monde defootball l’an prochain. Faut-il quele mécontentement soit grand pouréclipser la passion du foot. Car larévolte a éclaté en pleine Coupe desconfédérations, répétition généralepour le Mondial.La Présidente s’est d’abord muréedans son silence, ne sachant surquel pied danser. Sa réaction pre-mière a été la perplexité et l’atten-tisme. Ensuite, elle et Lula, sonmentor politique, ont fait pressionsur Haddad pour qu’il cède. Legouvernement a même carrémentlâché le maire, se refusant à mettrela main à la poche pour financer legel du tarif.L’opposition est, elle aussi, discré-ditée. Le gouverneur de São Paulo,Geraldo Alckmin, du Parti dela social-démocratie brésilienne(PSDB), a dû également revenir surla hausse du tarif du métro. Puis cefut Rio, ville et Etat éponyme gou-vernés par un allié du gouverne-ment, le Parti du mouvement dé-mocratique brésilien (PMDB)… Lestrois plus grands partis du pays, PT,PSDB et PMDB, ont donc cédé à unmouvement de jeunes. Belle vic-toire pour le Movimento Passe Livre(MPL), qui en sort légitimé.

CETTE VICTOIRE SUFFIRA­T­ELLEÀ DÉSAMORCER LE MOUVEMENT?C’est la grande question. Le mou-vement qui a pris de court le Brésilet que nul n’arrive encore à déchif-frer va-t-il être galvanisé par savictoire? Ou au contraire s’essouf-fler? Le MPL affirme qu’il va main-tenant pousser d’autres revendica-tions, comme la gratuité totale destransports publics, jugée irréaliste(rien qu’à São Paulo, elle coûterait2 milliards d’euros par an, soit 14%du budget municipal). Mais l’am-pleur de l’indignation va être miseà l’épreuve. Hier, des manifesta-tions étaient programmées dansplus de 70 villes. Quoi qu’il en soit,le mouvement devrait laisser destraces. •

Par CHANTAL RAYESCorrespondante à São Paulo

DÉCRYPTAGE

A Niteroi, dans la banlieuede Rio de Janeiro,mercredi. Des heurtsavec la police ont duréjusque tard dans la nuit.PHOTO CHRISTOPHE SIMON. AFP

11milliards d’euros ont étéinvestis par le Brésil pourl’organisation du Mondialde football l’année prochaine.

OcéanAtlantique

OcéanPacifique

B R É S I L

500 km

Brasília

Rio deJaneiro

São Paulo

REPÈRES

Tribune Au Brésil, «le géants’est réveillé», par MaudChirio, maître deconférences à Paris­Est.

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LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 20136 • MONDE

Page 7: Liberation 21.06.2013

Par PHILIPPE GRANGEREAU

Peine de mort: du plombdans la tête pourles pollueurs en Chine

C’ est assurément unepremière mondiale :la cour suprême chi-

noise a décrété hier que lapeine de mort s’appliqueradésormais dans les affaires depollution particulièrementgraves. «Cette nouvelle armelégale puissante qui vise lespollueurs facilitera le travaildes juges», explique la circu-laire – qui augmente ainside 55 à 56 le nombre de cri-mes passibles de la peine demort. Les pollueurs, très ra-rement traduits devant lestribunaux, encouraient jus-qu’alors une peine maximaled’emprisonnement de dixans. Parmi les types de pollu-tion graves, la loi cite «lesproduits radioactifs, les viruscontagieux» et les «produitschimiques très toxiques conte-nant du plomb, du cadmium etautres métaux lourds». Cettedécision surprenante veutapaiser une population deplus en plus inquiète. De-puis 2011, une dizaine de ma-nifestations contre l’installa-tion d’industries polluantesont éclaté – l’une d’elles arassemblé 70 000 person-nes. L’industrialisation àmarche forcée a créé dessources de pollution innom-brables.

Des chercheurs de l’univer-sité de Nankin ont établi,qu’en 2011, au moins 10% duriz chinois était contaminéau cadmium. Ce métal lourd,issu de l’industrie, se déposesur la terre et est absorbé parles plantes comme le riz. Lesamendes ne sont que rare-ment infligées aux indus-

triels, et lorsqu’elles le sont,leur montant est ridicule-ment bas.

Une étude publiée en avrilpar un organisme américain,le Health Effect Institute, es-time que 1,2 million de Chi-nois sont morts prématuré-ment dans l’ensemble dupays en 2010 en raison de lamauvaise qualité de l’air.Une autre étude, publiée cemois-ci par Greenpeace, seconcentre sur l’impact desémissions des 196 centralesélectriques à charbon quientourent Pékin –à l’exclu-sion de toute autre source depollution de l’air. L’ONG es-time que ces émissions ontentraîné le décès prématuréde 1 982 habitants de Pékinen 2011, et d’environ8000 autres dans la provincedu Hebei, qui jouxte la capi-tale. L’air vicié par les parti-cules d’arsenic, de cadmiumet de nickel résultant de lacombustion du charbon a enoutre provoqué 11 000 casd’asthme et 12 000 cas debronchite.

Les autorités chinoises ontannoncé la semaine dernièretoute une série de mesuresdestinées à améliorer la qua-lité de l’air. Mais des engage-ments similaires avaient déjàété pris au cours des dix der-nières années, et entre-temps la pollution n’a faitque s’aggraver. Dans la pra-tique, tout se passe comme sile développement économi-que demeurait toujours lagrande priorité du gouverne-ment, coûte que coûte. •

VU DE PÉKIN

PALESTINE Le Premier mi-nistre, Rami Hamdallah, aprésenté sa démission hier,moins de trois semainesaprès sa nomination.

IRAK Deux policiers sontmorts et trois autres ont étéblessés par des tirs d’obus

visant des bureaux de vote,lors d’élections provincialesdans l’ouest du pays.

COLOMBIE 40 000 person-nes ont été enlevées au coursdes quarante dernières an-nées selon une étude offi-cielle dévoilée hier.

«J’ai été roué de coups»le témoignaged’un Franco­Tunisienpassé à tabac parla police à Tunis.

• SUR LIBÉ.FR

La ville de Sbeneh, au sud de Damas, dimanche. PHOTO WARD AL­KESWANI. AFP

L es quartiers sud et estde Damas étaient hiersecoués par des bom-

bardements à l’artillerielourde de l’armée régulièresyrienne. Ceux de Barzé(nord-est) et Jobar (est), quiabritent des poches de rebel-les, étaient également sous lefeu. Sans cesse pilonnés de-puis des mois, ils sont consi-dérés comme la base arrièredes groupes opposés au ré-gime de Bachar al-Assad. Lescombats ont repris en inten-sité depuis l’attaque à la voi-ture piégée par les insurgésqui avait provoqué la se-maine dernière la mort deonze soldats de l’armée ré-gulière.Selon l’Observatoire syriendes droits de l’homme(OSDH), des membres duHezbollah, le mouvementchiite libanais, qui avaientdéjà joué un rôle détermi-nant dans la reprise de laville d’Al-Qoussayr, près dela frontière libanaise, étaientdéployés à Sayeda Zeinab.Cette cité sainte pour leschiites, à 10 km à l’est de Da-mas, est considérée comme

une «ligne rouge» par HassanNasrallah, chef du Hezbol-lah. Selon des combattantsrebelles, les forces du Partide Dieu seraient égalementpositionnées sur un secondfront, dans la région d’Alep,deuxième ville du pays, enpartie aux mains de la rébel-lion. Le président libanais,Michel Sleimane, a exhorté,dans une interview hier au

quotidien Al-Safir, à mettrefin à leur participation auxcombats, estimant que cetteimplication provoquait desdifficultés dans son pays: «Si[le Hezbollah] participait à labataille d’Alep, cela attiseraitencore plus les tensions. Ilsdoivent rentrer au Liban.»Est-ce l’imminence de nou-veaux combats à Alep qui faitcraindre aux rebelles syriensune «catastrophe humani-taire»? Dans une déclaration

à l’AFP, le porte-parolede l’Armée syrienne libre(ASL), Louay al-Mokdad, aappelé le groupe des Amis dela Syrie, réunis à Doha (Qa-tar), à imposer à nouveauune zone d’exclusion aé-rienne au-dessus des posi-tions tenues par l’opposi-tion : «Nous avons besoin demissiles sol-air à courte por-tée, de missiles antichars, de

mortiers et de mu-nitions», a-t-ildéclaré.A l’adresse despays occidentauxqui s’étaient refu-sés à livrer des ar-mes, craignant

qu’elles soient récupéréespar les forces jihadistes,Louay al-Mokdad a déclaréhier : «Nous nous engageonsà ce qu’elles ne tombent pasdans des mains extrémistes.»Leur dissémination ne sem-ble pas pour autant un risquemajeur. Même aux yeux desIsraéliens, qui y voient «plu-tôt une gêne en particulierpour le Golan», selon plu-sieurs experts.

S. Etr.

Lesrebellessyrienssouslefeud’Al-AssadSYRIE Aidée par les combattants du Hezbollah,l’armée régulière pilonne les positions des insurgés.

«Je ne crois pasqu’il y aura desconséquences […]d’affaires judiciairessur la stabilité […]du gouvernement.»Enrico Lettachef du gouvernementitalien, au sujet desproblèmes judiciairesde Silvio Berlusconi, hier

Elles attendaient l’accou­chement, puis la vente deleur bébé. Seize femmesenceintes ont été libéréespar la police dans unemaison du sud du Nigeria.Dans cette «usine àbébés», les futures mères,âgées de 17 à 37 ans, sepréparaient à accoucherd’enfants destinés à êtrevendus par le propriétairedes lieux, Hyacinth Ndu­dim Orikara. L’homme, quiaffirme être médecin, estdéjà connu des services depolice comme trafiquantd’êtres humains. Il avaitdéjà été arrêté il y a deuxans lors de la découverte,à son domicile, de 32 ado­lescentes qui allaient rece­voir 150 euros pour leursbébés. La police n’a pourl’instant pas pu expliquerpourquoi et commentl’homme a été remis enliberté. Ce type d’affairess’est multiplié ces derniè­res années au Nigeria. Lemois dernier, six jeunesfilles enceintes ont étélibérées dans le sud­estdu pays, et trois trafiquantsarrêtés. Auparavant, lapolice avait libéré 17 ado­lescentes enceintes et11 enfants dans l’Etat d’Imo,dans le sud.

UNE NOUVELLEUSINE À BÉBÉSAU NIGERIA

L’HISTOIRE

«Si [le Hezbollah]participait à la batailled’Alep, cela attiserait encoreplus les tensions.»Michel Sleimane président libanais

CULTURESMONDEFlorian Delorme - 11h/11h50 - du lundi au vendredi

Chaque vendredi en partenariat avec

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013 MONDEXPRESSO • 7

Page 8: Liberation 21.06.2013

EnTurquie, l’hommedeboutinflexiblefaceaupouvoir

Interditsde manifester,les opposantsà Erdoganrépliquent etinventent denouveaux modesde contestation.

P endant des heures, ils res-tent debout et immobiles.Ils sont là, à quelques cen-taines, intensément silen-

cieux et défiant les policiers du re-gard sur la place Taksim, symbolede la contestation, désormais inter-dite aux manifestations. «Je suisdebout, donc je suis», clame une pe-tite affiche manuscrite, tenue parun des protestataires. Les uns re-gardent vers le centre culturel Ata-türk en démolition, où flotte tou-jours un immense portrait dufondateur de la République. Lesautres regardent vers Gezi, le parcdont la police a violemment chassé

les occupants samedisoir. «Nous menionsune occupation pacifi-

que, ils nous ont matraqués et gazéscomme des cafards. Mais nous som-mes là», insiste une étudiante,stoïque sous le cagnard, comme desdizaines d’autres activistes muti-ques, sans slogan, pour ne donneraucun prétexte à une interventionpolicière. Des passants déposent àleurs pieds des bouteilles d’eau.Toujours aussi vive, la contestationcontre l’autoritarisme puritain duPremier ministre islamo-conserva-teur, Recep Tayyip Erdogan, achangé de forme et s’est mise àl’heure de la désobéissance civile.Duran Adam («l’homme debout»)en est devenu le drapeau.

CHORÉGRAPHE. Cette protestationinédite arrive jusqu’au Parlementà Ankara, où les députés du BDP(Parti pour la paix et la démocratie,en majorité kurde, 29 sièges) sontrestés debout pendant que leurporte-parole, Pervin Buldan, cla-mait : «Les gens qui parlent, quirient, qui restent debout sont violem-ment opprimés.» Depuis le 18 juin,des manifestations similaires ontlieu dans onze parcs et jardins pu-blics d’Istanbul, devenus autant deforums de discussions animées.Erdem Gunduz, 34 ans, le danseuret chorégraphe qui lança cetteforme originale de protestation,n’était pas un des activistes du parcGezi. Mais il croit en la liberté.Quand le foulard islamique était in-terdit dans les universités, il l’avaitarboré avec un ami pour dénoncercette atteinte aux choix des étu-diantes. Maintenant, il défend lesmilitants laïcs contre l’AKP, le partiislamo-conservateur au pouvoirdepuis 2002. La première fois, lundisoir, il est resté debout plus de huit

heures place Taksim. «Qu’est-ceque vous faites ici?» avait demandéun membre des forces de l’ordre.«Rien. Je désire retrouver le calme demon esprit», avait-il répondu. Il futembarqué pour «résistance à poli-cier sans violence» et relâché aprèsun contrôle d’identité. Erdem Gun-duz est devenu, depuis, une vedettedes réseaux sociaux. L’ensembledes hebdomadaires satiriques con-sacrent leurs couvertures àl’homme debout.

Cette forme de protestation embar-rasse les autorités turques. «Ils peu-vent rester debout autant qu’ils veu-lent à condition de ne pas gêner lacirculation», a concédé le ministrede l’Intérieur, Muammer Güler.Puis, dès mercredi, l’organisationde jeunesse de l’AKP a commencéà répondre sur le même terrain,place Taksim, avec une dizaine demilitants vêtus de tee-shirts flo-qués d’un : «Les hommes deboutcontre l’homme debout». «L’immobi-

lité même de l’homme debout est undéfi à l’AKP, dont l’un des principauxslogans est: “Ne nous arrêtons pas etpoursuivons notre chemin”», ironiseMehmet Yilmaz, du grand quoti-dien populaire Hürriyet.

«FÉE RACAILLE». Cette nouvelleméthode fait école sur tous les ter-rains. Plusieurs dizaines de person-nes se sont réunies, mercredi soir,devant les bâtiments des trois gran-des chaînes d’infos en continu qui

avaient censuré le début des événe-ments du parc Gezi. Hier, plus de400 avocats sont également deve-nus des hommes debout dans lagrande salle du palais de justiced’Istanbul. Ce sont aussi des voya-geurs qui se figent dans la gared’Haydarpaşa, à Istanbul, sur lacôte asiatique, pour protester con-tre la fermeture de ce lieu histori-que qui risque de devenir un centrecommercial. Les travailleurs d’unemine dans la région de Mugla(Egée) en désaccord avec le patronsont également devenus des hom-mes debout pour affirmer leurs re-vendications.A Ankara, dans la capitale, une«fée racaille» (allusion à l’insultelancée par Erdogan contre les ma-nifestants) reste jour et nuit assisesur un banc du parc Kugulu,occupé pendant plusieurs jourscomme le parc Gezi d’Istanbul. Ellese nourrit d’eau et de biscuits. «Jen’ai besoin de rien sauf d’un peu plusde liberté», dit-elle.L’évolution du mouvement faitcraindre les rétorsions de l’Etat. Aumoins 2000 personnes ont été in-terpellées en trois semaines. Laplupart ont été relâchées aprèsvingt-quatre heures de garde à vue.Mais les procédures judiciaires sui-vent leurs cours. La police d’Is-tanbul affirme que 50 personnesont déjà été inculpées, accuséesd’appartenir à une organisationterroriste. Il s’agirait de membresde Carsi, groupe de supporteurs ul-tra du club de foot Besiktas, trèsactifs dans la contestation, et demilitants de groupes d’extrêmegauche raflés mardi dans un vastecoup de filet. •(Lire également la tribune page 17)

Par RAGIP DURANCorrespondant à Istanbul

RÉCIT

Devant le portrait d’Atatürk, place Taksim, le 18 juin. PHOTO PETR DAVID JOSEK, AP

REPÈRES

«Nous avonsde sérieusesinquiétudes surla mort de deuxcitoyens suite à leurexposition au gazlacrymogène.»Ümit Biçer au nom del’association des médecinslégistes, hier

SYRIE

RUSSIE

BUL

ROU

IRAK

TURQUIE

Mer Noire

400 km

Istanbul

Ankara

En images «Partout,des hommes debout»,le soutien aux manifestantsà travers le monde.

• SUR LIBÉ.FR

Place Taksim, à Istanbul, le 18 juin. PHOTO MURAD SEZER, REUTERS

VENDREDI 21 JUIN 20138 • MONDE

Page 9: Liberation 21.06.2013

pourunmondequichange.com

SEINE-SAINT-DENIS

Depuis 2009,la Fondation BNP Paribas

soutient, aux côtés du Conseil général de la Seine-Saint-Denis, le programme Odyssée Jeunes,

qui a permis à 24 000 collégiens de partir en voyage scolaire dans

plus de 25 pays.

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Page 10: Liberation 21.06.2013

S erré dans un costume bleu marine,Etienne Bousquet-Cassagne afficheson sourire le plus engageant. «Çavous intéresse, une belle vue sur la val-

lée?» Mieux vaut fuir les affiches électoralestrempées sur cette place de village, dans lenord de la circonscription. La mère de douzeenfants avec ses tracts FN «tout chauds»,persuadée de bien faire en expliquant: «Cequi est providentiel, c’est le contexte économi-que… On va de catastrophe en catastrophe.»Et la famille de sympathisants, trois généra-tions en treillis baskets qui répètent: «Notrecandidat est un Français comme les autres,pourquoi qu’on voterait pas pour lui ?» Ce quicompte, plus que les militants, plus que lesdossiers, c’est l’image. Vue des remparts,n’est-elle pas plus belle, la circonscriptionde Villeneuve-sur-Lot, ancienne bastide deJérôme Cahuzac ?Dimanche, le PS a perdu un tiers de ses élec-teurs, l’UMP un millier de voix, et le FN estarrivé en tête dans 8 cantons sur 14. Le sou-rire d’Etienne Bousquet-Cassagne, en duelavec l’UMP au second tour, est éclatant. Il sevoit déjà à l’Assemblée nationale, à côté de«Marion», âgée de quelques mois de moinsque lui. «Ken et Barbie députés, ironise un so-cialiste de Villeneuve. C’est comme ça quele FN fait son casting maintenant.» EtienneBousquet-Cassagne a 23 ans,«presque» un BTS de commerce enalternance, et il est fan d’AfidaTurner, chanteuse célèbre depuis son passageà Carré Viiip, l’émission de télé-réalité queTF1 a dû interrompre car trop vulgaire. Lepère du candidat, Serge Bousquet-Cassagne,président de la chambre d’agriculture duLot-et-Garonne, lui a donné un nom qui ré-sonne dans la tête des agriculteurs, mais passon vote, puisqu’il a préféré dimanche sonvieux copain, l’UMP Jean-Louis Costes, sonrival. «Pas grave ça, dit le fils. Entre mon pèreet moi, il n’y a aucune différence idéologique,on est d’accord sur tout.»

«PERROQUET». Face à Costes, c’est une autrechanson, la rengaine du FN, «UMPS et in-compétence à tous les niveaux». Quand les

deux finalistes de la législative partielle dé-battent, ça vole plutôt bas: «Arrêtez de réciterles leçons du FN», répète l’UMP, qui a prèsdu double de son âge mais en paraît plus.«Bla-bla-bla, je suis un perroquet et vous, vousrecevez les vieilles chouettes, comme Raffarinet Bruno Le Maire. Bon, je mets un peu d’am-biance, c’est de mon âge, s’il y avait le PS à ma

place, ce serait un débat de vieuxapparatchiks», rétorque Bous-quet-Cassagne, surnommé le

«jeunot» depuis qu’il s’est présenté aux can-tonales, à 20 ans. Le candidat ne fait pas unpas sans son coach, Michel Guiniot, routarddu Front national depuis 1988. Conseiller ré-gional de Picardie, celui-ci a «fait l’Oise», lapresque victoire du FN il y a trois mois faceà l’UMP Jean-François Mancel.Arrivé à Villeneuve-sur-Lot début mai, cethomme mûr et rond prophétise: «Nous som-mes au point de basculement, c’est ici que çava se passer.» Dix-huit heures par jour, il«chauffe» ce candidat à la «mémoire extraor-dinaire». Pendant les débats, marchant delong en large, Michel Guiniot sourit, «il ap-prend vite, je n’ai pas travaillé pour rien», etenvoie ses conseils par SMS. Pendant qu’il a

le dos tourné, il arrive que le candidat FN sif-fle un verre de rouge : «J’ai le trac quandmême. On a vite fait de dire une bêtise.»Au Glacier, le café branché de Villeneuve-sur-Lot, on ne parle que de lui. «Franche-ment, il est pas mal physiquement», juge unehabituée du matin, la cinquantaine visible-ment aisée : «Il me fait penser à Cahuzac audébut. Le même entrain, la même jeunesse.»Ça lui fait «mal», le Front national en tête àVilleneuve. Mais, «pas du tout étonnée», elledit «comprendre les gens» et leur vote «pro-testataire». Ces «gens», qui trouvent, commeelle d’ailleurs, qu’«il y a trop d’étrangers,qu’on n’est plus en sécurité, que les Françaissont devenus des vaches à lait». Elle d’égrenerpour expliquer «le ras-le-bol général», les«politiques tous pourris», François Hollande,«marionnette qui reprend les idées deSarkozy». «Le FN en tête à Villeneuve, c’est,dit-elle, l’attrait de la nouveauté.» Elle entendça «partout», «on n’a plus honte de le dire».Elle n’a pas voté au premier tour, ajoutantson silence aux 54,12% d’abstentionnistes.Mais, dimanche, elle mettra un bulletin dansl’urne: «C’est un devoir. Enfin… c’est ce qu’onnous a appris.»

De gauche à droite: Florian Philippot, vice­président du FN, Michel Guiniot, directeur de campagne,

«LeFNentête,c’estl’attraitdelanouveauté»Dans l’ex-fief de Cahuzac, la présenced’un frontiste, au second tour de lalégislative partielle, dimanche, étonne peu.

Par PASCALE NIVELLEEnvoyée spéciale à Villeneuve­sur­LotPhoto CHRISTIAN BELLAVIA.DIVERGENCE

REPORTAGE

AU PREMIER TOURInscrits: 75163Taux d’abstention: 54,12%w Jean­Louis Costes (UMP):28,71% (qualifié au 2e tour).w Etienne Bousquet­Cassa­gne (FN): 26,04% (2e tour).w Bernard Barral (PS): 23,69%(éliminé).w Marie­Hélène Loiseau(Front de gauche): 5,08%(éliminée).

REPÈRES

«Il faut éviter quele seul slogan dela campagne pendanthuit jours soit le frontrépublicain.»Ségolène Royal présidente PSde Poitou­Charentes, le 17 juinau Grand Journal de Canal+

LOT

TARN-ET-GARONNETARN-ET-

GARONNEGERS

LANDES

GIRONDE LOT-ET-GARONNE

DORDOGNE

Agen

25 km25 km

Villeneuve-sur-Lot

Les deux candidats en lice:w Jean­Louis Costes,49 ans, est maire de Fumel(5320 habitants) depuis 2001,conseiller général du Lot­et­Garonne et dirigeant dela communauté de communesdu Fumelois depuis 2008.w Etienne Bousquet­Cassagne, 23 ans, estresponsable FN Jeunesse enAquitaine depuis 2009 ainsique secrétaire départementaldu FN depuis 2011.

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 201310 • FRANCE

Page 11: Liberation 21.06.2013

Certains militantsse refusent à suivrela consigne du parti.

Le PSlocal durd’oreilleC’ est comme si la main tendue du

candidat UMP Jean-Louis Cos-tes, dimanche soir, à son rival

socialiste éliminé, Bernard Barral–main d’ailleurs très mollement saisiepar ce dernier devant la mairie de Ville-neuve-sur-Lot–, n’avait été qu’une af-faire de simple courtoisie. Les militantslocaux du PS n’y ont en tout cas pas vule signe qu’un front républicain auraitété scellé pour un second tour face aucandidat du Front national, EtienneBousquet-Cassagne.Les appels à «battre le FN» lancés par lesecrétaire fédéral du PS de Lot-et-Ga-ronne, Matthias Fekl, et par le premiersecrétaire, Harlem Désir, n’auront pasété mieux entendus. «Souhaiter que leFront national ne l’emporte pas, bien sûr,affirme cette militante chevronnée dela section dite des “quatre cantons”.Mais voter Costes, très peu pour moi !»Nicole Gérion pourrait bien ne pas êtrela seule à voter blanc ou nul, dimanche.«Un mail de la section nous est arrivé[mercredi] soir, où il est très clairementindiqué que nous ne sommes pas tenus devoter UMP», dit-elle. Il faut dire que lesmilitants socialistes de ces franges nordde la circonscription, très pro-Cahuzac,n’ont jamais bien accepté le prétendantà la succession de l’ex-ministre du Bud-get, Bernard Barral. La secrétaire desection avait même démissionné de sonposte à l’issue de la primaire le dési-gnant comme candidat.L’ex-attachée parlementaire de JérômeCahuzac et secrétaire de la section PS deVilleneuve-sur-Lot, Barbara Bellanger,note elle-même que ses ouailles ne sesont «pas précipitées vers les urnes» aupremier tour. Ce qu’admet ce militantde Villeneuve, «salarié du privé» quiavoue qu’il ne fera pas mieux le 23 juin:«Il y a zéro chance que je respecte la con-signe d’un candidat pour lequel je n’aimême pas voté.» Barral enthousiasmaitdéjà peu les militants. Ce qu’il leur de-mande désormais est au-dessus de leurforce. «Ça a amené quoi à la gauche devoter Chirac contre Le Pen en 2002 ? re-prend Nicole Gérion. Rien de rien!» Ellen’a «pas entendu que Jean-Louis Costess’engageait à faire mieux que Chirac». Etquand bien même il l’aurait fait, elle ne«l’aurait pas cru».Dans la section voisine, Pascal a trouvé,lundi, à l’écoute du Grand Journal deCanal +, de quoi justifier le bulletinblanc qu’il se prépare à glisser dansl’urne. Ségolène Royal y expliquait qu’àforce de consignes données aux élec-teurs, ces derniers pouvaient être tentésde les «transgresser» plutôt que de lessuivre. «Eh bien, ce sera juste mon cas!»nous dit-il.

Envoyé spécial à Villeneuve-sur-LotGILBERT LAVAL

Toute la petite ville rumine, déboussolée. Ef-fet Cahuzac, faillite du gouvernement, bana-lisation du FN… «On avait un cheval decourse, et on se retrouve avec des bourrins»,lâche un électeur socialiste qui s’abstiendra.Malgré le FN, malgré les appels de la gaucheà faire barrage : «On devient fatalistes.» Adroite, c’est le candidat, déjà maire de Fu-mel, conseiller général et président d’une

communauté de communes, qui inquiète.«Beaucoup d’électeurs de droite votaient Ca-huzac. Depuis qu’il n’est plus là, c’est le vide»,assure Lionel, restaurateur depuis quinzeans. «Que ce soit l’un ou l’autre, ça me passeà 20 000 kilomètres, lâche excédée Valérie,vendeuse au chômage, je n’y crois plus.»«Depuis qu’il y a Marine Le Pen, ce n’est pluspareil», avance Laetitia, ex-caissière, chô-meuse, et sympathisante PS, pas fâchée devoir l’UMP à la peine. Sylvain, 26 ans, a déjà

voté Bayrou, PS, et UMP dans sa courte car-rière de citoyen. Dimanche, avant le résultat,il était au siège du candidat PS, car il n’aimepas l’UMP Costes. Ce week-end, il donneraun bulletin au FN pour la même raison. Il amême réussi à convaincre son père, pourtantencarté à l’UDI. «Des gens qui votaient à gau-che votent FN, c’est ça le vote protestataire,s’inquiète Jean-Claude, chauffeur de bus de

59 ans, déçu par les 5% pé-niblement atteints par soncandidat du Front de gau-che. Ça n’effraie plus per-sonne, un député FN, il n’y aplus de barrières.» Jean, em-ployé municipal socialiste,

votera blanc: «Autour de moi, je n’entends quecela.» Les 15 candidats battus distillent leursconsignes, entre abstention, vote blanc etappels à faire barrage contre le FN. L’UMPfait savoir qu’il ne veut pas d’un front répu-blicain. «Il n’y aurait pas pire solution que defaire alliance avec nos adversaires. Et notre ad-versaire, c’est le gouvernement socialiste», amartelé l’ancien ministre de l’AgricultureBruno Le Maire, venu soutenir Jean-LouisCostes mardi. «Ça ne va pas marcher, l’union

sacrée contre le Front, estime Jean-Claude,le chauffeur d’autobus, les gens n’écoutentplus les partis.» Le restaurateur, Lionel,s’abstiendra dimanche: «Les élites ne com-prennent plus rien aux électeurs. D’ailleurs, jeme demande pourquoi on les appelle encoreles élites.»

MÉTÉO. Rue Sainte-Catherine, à deux pas del’imposante église en briques, dans la perma-nence éteinte du candidat socialiste, traînentles reliefs de la campagne. Encore sonné,Bernard Barral tente de comprendre ce quiest arrivé le dimanche 16 juin, les 14000 voixperdues en un an. La météo, «trop bonne»,la gauche dispersée, la «machine de guerre duFN», «les jeunes qui trouvent que ça fait dansle coup de voter Le Pen»… Puis il affirme, droitdans les yeux: «C’est Cahuzac.» Ce ministrequi «vous écrasait de sa science», qui «voulaittoujours démontrer qu’il était le plus intelli-gent», devant qui «tout le monde était en ad-miration». S’il avait appelé à voter pour lui,il en est persuadé, Barral ne compterait paspour des prunes à Villeneuve. Et le jeuneBousquet-Cassagne ne serait pas en train desourire sur les remparts. •

«Les élites ne comprennent plus rienaux électeurs. D’ailleurs, je me demandepourquoi on les appelle encore les élites.»Lionel restaurateur, qui s’abstiendra dimanche

et Etienne Bousquet­Cassagne, le jeune candidat frontiste qui sera seul dimanche face au maire UMP de Fumel.

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013 FRANCE • 11

Page 12: Liberation 21.06.2013

La participation au gouvernement convaincmoins les sympathisants, révèlent trois études.

MinistresEE-LV:labaseécolodoute

R egarder de quoi est faitson moteur avant de leredémarrer. Après une

cuvée 2012 mitigée (17 dé-putés mais 2% à la présiden-tielle), les écologistes conti-nuent d’étudier ce qu’ilssont… Et ce qu’attendent lesleurs. Avec un objectif : neplus se planter. Pour auscul-ter cette «galaxie écolo-giste», la direction d’EuropeEcologie-les Verts (EE-LV) achoisi de s’appuyer sur deuxsondages et une étude réali-sée par le Cevipof. Trois en-quêtes qui seront renduespubliques samedi à l’occa-sion d’une convention natio-nale sur le thème de «l’écolo-gie que nous voulons» et dontLibération a pu prendre con-naissance.Alors que veulent les mili-tants et sympathisants éco-los? Qu’on s’occupe d’envi-ronnement et qu’on yapporte des réponses socia-les. «Nous ne sommes pas unparti déconnecté des réalités»,se réjouit Pascal Durand, nu-méro 1 d’Europe Ecologie-lesVerts. Mais dans un contextede crise, la dichotomie mesu-res sociales d’un côté et envi-ronnementales de l’autrecontamine aussi la baseEE-LV.«Du travail». L’enquête réa-lisée par l’institut Viavoicemontre qu’ils sont 43% dessympathisants interrogés àpenser qu’«avant de se préoc-cuper de l’environnement, ilfaut d’abord donner du travailaux gens». Seuls 38% esti-

ment que «l’écologie politiqueapporte précisément des ré-ponses à la crise économique etsociale».«Le lien dans les têtesn’est pas encore fait, admetDurand. A nous de rendre nospropositions attrayantes.» Etil y a du boulot…Dans leur propre électorat, le«modèle écologiste» passe ausecond plan. Ce dernier n’est«attrayant» que pour 31%des sympathisants, contre39% qui ne le jugent «pas

vraiment attrayant». Et àpeine une moitié d’entre euxestime que l’écologie «pro-pose pour l’avenir un nouveaumodèle de société». Pour évi-ter que ce pessimisme negangrène les rangs d’EuropeEcologie-les Verts, le minis-tre du Développement, Pas-cal Canfin, a exhorté lessiens sur son blog à la «satis-faction» quand les idées éco-los –«lutte contre les paradisfiscaux», «transparence de lavie politique», «mariage pourtous» ou «lutte contre les gazde schistes»– «progressent».En revanche, le noyau écolo-giste ne veut pas d’une sortiedes deux ministres EE-LV dugouvernement. Selon Via-voice, 61% des interrogés«préféreraient» qu’ils restentau gouvernement (14% con-

tre et 25% ne se prononcentpas). Mais, selon l’institutHarris Interactive – qui aréalisé des «réunions degroupes» avec des électeursEE-LV – ces militants esti-ment que «la participationdes écologistes au gouverne-ment semble plus profiter augouvernement, en lui appor-tant une caution écologiste,qu’elle ne profite à EE-LV».Et côté Cevipof, alors queles sympathisants étaient

«plutôt pour» uneparticipation desécolos à la majo-rité à 80%, ils nesont plus que 45%à estimer quec’est «plutôt unbien». «Il ne faut

pas raconter la moitié de l’his-toire, se défend-t-on dansl’entourage de Cécile Duflot.La question n’est pas: “faut-ilsortir du gouvernement”.»Espace. Pascal Durand meten garde : «Notre base necomprend pas ce qui est entrain de se passer: l’absence decap et de transition environne-mentale. C’est une alerte.» Ets’il concède l’absence d’une«dynamique» écolo, le secré-taire national veut croire queson parti occupera, aux mu-nicipales et européennes del’an prochain, un espace po-litique disponible. «On a su lefaire aux européennes de 2009et aux régionales de 2010,rappelle un cadre du mouve-ment. C’est l’heure de prendredes risques.» •

LILIAN ALEMAGNA

«La base ne comprend pasce qui se passe : l’absencede cap et de transitionenvironnementale.»Pascal Durand numéro 1 d’EE­LV

Sympathisants de la candidate EE­LV, Eva Joly, le 22 avril 2012, à Paris. PHOTO J. MIGNOT. ÉTÉ80

La commission des affaires juridiques du Parlementeuropéen a préconisé mercredi la levée de l’immunitéparlementaire de la députée européenne du Front natio­nal, Marine Le Pen. Cela fait suite à une demande de laFrance après des propos tenus en 2010 où la présidentedu FN établissait un lien entre les prières de rue desmusulmans et l’occupation allemande. Le Parlement euro­péen examinera la demande lors d’une session plénière,qui se réunit à Strasbourg le 2 juillet. Si Marine Le Penétait privée de son immunité, elle pourrait être mis enexamen pour «incitation à la haine raciale». PHOTO REUTERS

À STRASBOURG, MARINE LE PENRISQUE LA LEVÉE DE SON IMMUNITÉ

PRIMAIRE Les quatre candi-dats socialistes à la mairie deMontpellier ont décidé mer-credi soir de «se redonner unpetit peu de temps», jusqu’au6 juillet, pour décider lequeld’entre eux participera auxmunicipales de mars 2014.

PRG Le président du Partiradical de gauche, Jean-Mi-

chel Baylet, se rappelle aubon souvenir de ses amis duParti socialiste. «Le PS doitsavoir respecter ses alliés etcréer des conditions favorablespour faire campagne», a pré-venu Baylet hier, du moinssi la gauche veut «limiter lacasse aux prochains scru-tins», à commencer par lesmunicipales.

«Je présente mes plus vivesexcuses à Mme @najatvbainsi qu’à tous ceux que j’aichoqué par mon tweetd’une infamie et d’une hor­reur totale.» Le mairechrétien­démocrate HuguesFoucault s’est excusé surTwitter après avoir écritmercredi que Najat Vallaud­Belkace, la ministre desDroits des femmes et por­te­parole du gouvernement,«suce son stylo très éroti­quement». Le tweet de cetagriculteur, «père et maire»chrétien­démocrate deBretagne (dans l’Indre),comme il s’identifie sur leréseau social, avait provo­qué une vive réaction. L’éluen avait même remis unecouche en ajoutant: «Amu­sant comme la gauchos­phère se lâche.» On en saitmaintenant un peu plus surce proche de ChristineBoutin qui dit refuser decélébrer les mariageshomosexuels, mais quin’hésite pas à afficher sesfantasmes.

DES EXCUSESAPRÈS UN TWEETDE MACHO

L’HISTOIRELES GENS

No 844 Du 22 au 28 juin 2013

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LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 201312 • FRANCEXPRESSO

Page 13: Liberation 21.06.2013

AffaireBettencourt: laCourdecassationbotteentoucheLes avocats des mis en examen, dont Nicolas Sarkozy, vont saisir la cour d’appel de Bordeaux.

N i oui. Ni non. Ni mêmepeut-être. Hier matin, laCour de cassation, quidevait se prononcer sur

l’avenir du dossier Bettencourt –etdonc sur l’avenir judiciaire de Ni-colas Sarkozy et des autres person-nes mises en examen dans l’af-faire –, a estimé pour des raisonsjuridiques qu’elle n’était pas com-pétente. La bataille de procédure,lancée par des avocats de la défensequi attaquent la partialité du juge

Jean-Mi-chel Gentilet misent

sur son dessaisissement pour allé-ger les charges pesant sur leursclients, n’est pas finie pour autant.Et la saga de ce dossier maudit, quia déjà voyagé de Nanterre à Bor-deaux, continue…

POURQUOI LA COURN’A PAS PRIS DE DÉCISION ?Saisis d’une requête en suspicionlégitime, les juges de la Cour decassation ont estimé que ce n’étaitpas à eux de se prononcer. Cetteforme de requête doit en effet con-cerner l’ensemble des juges traitantd’une même affaire (dans le dossierBettencourt, ils sont trois : Jean-Michel Gentil, Valérie Noël et CécileRamonatxo). Mais d’après la Courde cassation, les demandes desavocats de sept mis en examen vi-saient des juges personnellement.Notamment Jean-Michel Gentil,qui a nommé comme médecin ex-perte pour examiner l’état de santéde Liliane Bettencourt son témoinde mariage.Les avocats reprochent égalementà ses deux collègues d’avoir pris sadéfense dans la presse, alors que lesjuges sont tenus à un strict droit deréserve.

QUELS SONT LES PROCHAINSÉPISODES JUDICIAIRES ?L’avocat mandaté par les sept misen examen pour plaider leur causeauprès de la Cour de cassation,Me Patrice Spinosi, a annoncé hierqu’une nouvelle procédure allaitêtre entamée contre les juges

d’instruction dès lundi. Cette fois,c’est la cour d’appel de Bordeauxqui va être saisie. Trois requêtes enrécusation – c’est le nom de cettenouvelle procédure– seront dépo-sées contre les trois juges. «La pre-mière présidente de la cour d’appel deBordeaux devra se prononcer, elle n’apas de délai pour le faire, détailleMe Patrice Spinosi. Elle peut en ré-cuser un, deux, trois, ou aucun. Etaucun recours n’est possible contrecette décision.»A en croire certaines sources judi-ciaires, qui se piquent au jeu de lajustice fiction, les avocats ont perduune chance de gagner leur batailleen quittant la Cour de cassation. Lamagistrate de Bordeaux risque deréaffirmer sa confiance aux trois ju-ges qui enquêtent sur le dossier Bet-

tencourt depuis plus de deux ans etdemi», prédit l’une d’entre elle.

QUELLES SONT LESCONSÉQUENCES POLITIQUES ?Derrière ce combat judiciaire, se li-vre évidemment une lutte émi-nemment politique entre le jugeGentil et les avocats de ses «illus-tres» mis en examen – NicolasSarkozy, Patrice de Maistre, Fran-çois-Marie Banier, Eric Woerth ouencore Stéphane Courbit, toussoupçonnés d’avoir touché de l’ar-gent de la part de l’héritière deL’Oréal alors que celle-ci se trou-vait en état de faiblesse. En tentantde faire récuser le juge Gentil et sesdeux collègues, les avocats de ladéfense espèrent donc que le dos-sier, qui est aujourd’hui bouclé,

soit confié à des magistrats plus to-lérants. Des magistrats qui décide-raient de ne pas renvoyer NicolasSarkozy devant un tribunal correc-tionnel. Ainsi, la photo de l’ancienchef de l’Etat sur les marches d’unpalais de justice serait évitée. Qu’ilveuille ou non se représenter en2017, qu’il soit ou non condamné àl’issue d’un potentiel procès, le cli-ché fait peur.«Un autre juge que Gentil peut trèsbien décider de prononcer un non-lieuen sa faveur sans le renvoyer devantun tribunal, confie une source judi-ciaire qui connaît bien le dossier.Les éléments recueillis par les deuxans d’enquête font évidemment peserun lourd soupçon de financement illé-gal de la campagne 2007, mais iln’existe aucun élément tangible.

Aucun témoin n’a déclaré avoir as-sisté à une remise d’enveloppes en2007 entre Liliane Bettencourt et Ni-colas Sarkozy.»Le bras de fer entre les défenseursde l’ancien chef de l’Etat et le jugeGentil (qui, ironie de la situation,est réputé parmi ses confrères pourêtre un magistrat plutôt classé àdroite) avait atteint son paroxysmefin mars, après la mise en examende Nicolas Sarkozy. Henri Gainoavait alors déclaré, au sujet du ma-gistrat bordelais : «Je trouve qu’il adéshonoré un homme, il a déshonoréles institutions et il a aussi déshonoréla justice parce que tout ça a des con-séquences dramatiques.» Jean-Mi-chel Gentil avait alors porté plaintecontre le député, une affaire qui esttoujours en cours. •

Par VIOLETTE LAZARD

DÉCRYPTAGE

w 2010 Claire Thibout, ex­compta­ble de Liliane Bettencourt,affirme que de l’argent liquide luia été demandé pour financer lacampagne de Sarkozy en 2007.w Novembre Transfert du dossierde Nanterre à Bordeaux.w Mars 2013 Sarkozy mis en exa­men pour abus de faiblesse.

LES LIENS ENTRE L’EXPERTE ET LE JUGE VISÉSREPÈRES «Gentil en a marred’être injurié alors qu’ilessaie de faire son travaille plus honnêtementpossible.»Rémi Barousse avocatdu magistrat bordelais

Une affiche du candidat UMP, lors de la dernière campagne présidentielle, en avril 2012. PHOTO JOËL SAGET. AFP

Dès la semaine prochaine, lesavocats des mis en examendevraient déposer trois requêtesen récusation contre les magis­trats bordelais. Selon le code deprocédure pénal, un magistratpeut être récusé «s’il y a eu entre

le juge ou son conjoint […] et unedes parties toutes manifestationsassez graves pour faire suspecterson impartialité». Les liens entrele juge Gentil et une experte man­datée lors de l’instruction, SophieGromb, sont directement visés.

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013 FRANCE • 13

Page 14: Liberation 21.06.2013

Par CATHERINE COROLLER

Ivresse publiqueet racisme manifeste

P our les avocats des par-ties civiles, ce procèsest celui de «deux jeu-

nes fascistes». Pour celle desaccusés, c’est celui de deuxgarçons «en état d’imprégna-tion alcoolique massive». Le18 mai vers 3 heures du ma-tin, deux couples rentrentchez eux à Lyon. Ils croisentun groupe d’une dizained’individus. Christophe C.,l’un des deux hommes jugéshier par le tribunal de Lyon,leur barre la route. L’un desconjoints des couples tentede calmer le jeu, mais Chris-tophe C., David P., l’autreprévenu, et un mineur quicomparaîtra devant le tribu-nal pour enfants, répondentpar des coups. A son tour,le deuxième conjoint estfrappé. Les agresseurs mon-tent sur le capot d’une voi-ture pour lui donner descoups de pied dans la têteainsi qu’à son ami. Conti-nuent à les frapper au visagealors qu’ils sont au sol, in-conscients. Malgré des sé-quelles physiques et psycho-logiques, les deux hommess’en sont sortis.

Les agresseurs en fuite sontinterpellés par une patrouillede police. Christophe C. etDavid P. ne nient pas lesfaits. «On était alcoolisés eton a fait une grosse connerie»,admet le premier. La veille,

cet homme de 24 ans mani-festait contre le mariagehomo. Il reconnaît son ap-partenance au GUD, «unsyndicat étudiant d’extrêmedroite». David P., 21 ans, sedit sympathisant de ce mou-vement, mais pas adhérent.

L’agression avait-elle un mo-bile raciste? L’une des deuxfemmes est d’origine réu-nionnaise, Christophe C.aurait accusé son conjoint de«déshonorer la France en fré-quentant une Asiatique».«Pourquoi êtes-vous membredu GUD ?» lui demande laprésidente. «Parce que je suispour la préférence nationale»,répond-il. Quant à David P.,«ce qui [lui] a plu dans le GUD,c’est les maraudes dans l’hiveroù on distribue des alimentsaux SDF». «Avec du porc de-dans?» ironise un avocat desparties civiles. Inclure dansles plats cet aliment est utilisépar l’extrême droite pour ré-server leurs distributions aux«Français de souche». La pré-sidente demande aux préve-nus s’ils ont quelque chose àajouter: «Ça n’est pas parceque j’appartiens à un mouve-ment d’extrême droite que jesuis quelqu’un de méchant»,assure Christophe C.Hier soir, le tribunal les con-damnait à dix-huit et douzemois de prison dont six avecsursis. •

À LA BARRE

Affaire classée. Comme le notait Libé le week­end dernier,le scandale autour du diurétique Furosémide, du labora­toire Teva, se vide complètement. Hier, le patron del’Agence du médicament, Dominique Maraninchi, aannoncé «la fin de l’alerte». Le mystère reste entier sur laprésence, constatée par un pharmacien, d’un somnifèredans une boîte. «Il faut rassurer les patients, 800000 per­sonnes prennent du Furosémide, elles doivent continuerleur traitement», a déclaré Maraninchi sur Europe 1. «Main­tenant nous savons que ceux qui [en] ont pris n’étaient pasen danger, et que l’on a eu un phénomène isolé.» Resteque l’on peut s’interroger sur le bien­fondé d’un emballe­ment basé sur un seul signalement. É.F. PHOTO SIPA

L’AGENCE DU MÉDICAMENT LÈVEL’ALERTE SUR LE FUROSÉMIDE

L es Cannabis SocialClubs (CSC) sont enplein bad trip. Ces coo-

pératives d’autoproducteursavaient lancé en mars unevaste opération de déso-béissance civile, sommant legouvernement «de prendreses responsabilités» sur la dé-pénalisation de la marijuana.Leur credo ? En finir avecl’achat de shit pourri aumarché noir, promouvoir lecannabis thérapeutique etpeser dans le débat sur laprévention des risques, no-tamment chez les jeunes.Mayonnaise. A l’époque,les leaders du mouvementavaient proposé que tous lescannabiculteurs se déclarenten préfecture. Ils voulaientacculer les autorités par laforce du nombre «et démon-trer, ainsi, l’inanité de la politi-

que de prohibition dans le paysd’Europe qui fume le plus».Malheureusement pour eux,la mayonnaise n’a jamaisvraiment pris. Si de nom-breux consommateurs ontfait leur coming out sur les

réseaux sociaux, rares sontceux qui ont pris le risque denarguer la maréchaussée…Seuls six clubs sont allés sefaire immatriculer.Pire, le tribunal de grandeinstance de Tours a pro-noncé, hier, la dissolution dela structure fédérant l’en-semble des Cannabis SocialClubs français. Ses membresont désormais l’interdiction

de se réunir. Philippe Varin,procureur de la Républiquede Tours, a jugé «l’objet del’association illicite». Il a es-timé, en outre, que «ce n’estpas en faisant de la provoca-tion et en commettant des

infractions que le dé-bat sur la dépénali-sation avancerasereinement».Pour le porte-paroledu mouvement,

Dominique Broc, condamnéen avril à huit mois de prisonavec sursis et 2 500 eurosd’amende pour détention etusage de stupéfiants, c’est ladéconfiture. Lorsque Libéra-tion l’avait rencontré dans samaison d’Esvres-sur-Indre(Indre-et-Loire) en février,il estimait à 4500 le nombrede structures pouvant émer-ger officiellement. «Atten-tion, cela ne veut pas direqu’elles n’existent pas, tem-père un militant très impli-qué dans le réseau. C’est justeque les fumeurs de cannabis sesentent persécutés par la policeet n’envisagent pas encored’assumer leur conso au grandjour. Les clichés associés àcette plante ont la vie dure etbeaucoup craignent de perdreleur travail. Or, on se rendcompte que la majorité des fu-meurs ne sont pas des babosavec des dreadlocks jusqu’enbas du cul. La plupart tra-vaillent, ont des enfants, sontproprios.»Décret. Toutefois, signe quetout n’a pas été perdu, undécret, entré en vigueurle 8 juin, permet à l’Agencenationale de sécurité du mé-dicament (ANSM) de délivrerdes autorisations de mise surle marché à des produits desanté contenant du cannabis.Il modifie un article du codede santé publique qui inter-disait jusqu’ici l’emploi dedérivés du cannabis dans lesmédicaments. Pour FaridGhehiouèche, candidat auxélections législatives en 2012sous l’étiquette «Cannabissans frontières» et organisa-teur de la Marche mondialedu cannabis en France, «c’estune avancée majeure. Des mil-liers d’individus gravementatteints par des maladies inva-lidantes étaient considéréscomme des personnes délin-quantes. L’action des CSC pourcette conquête a été détermi-nante. Rappelons-nous en».

WILLY LE DEVIN

LesCannabisSocialClubspartentenfuméeDÉPÉNALISATION La justice a prononcé la dissolution dela structure fédérant les coopératives de producteurs.

Après plus de dix incen­dies criminels en moinsde trois ans, Larmor­Baden(Morbihan) tient peut­êtreson pyromane. Mercredi,un suspect a été mis enexamen et écroué, selonle Parisien, mais l’ancienépicier nie les faits. Aprèsavoir prélevé l’ADNde 400 hommes du village,les enquêteurs restaientdans le flou. Ils n’ont pasencore communiqué surce qui fait leur intimeconviction. Le procureurindique seulement quela décision a été prise«compte tenu des élémentsrecueillis au cours del’enquête». Lapidaire.

L’INCENDIAIRE DELARMOR­BADENCONFONDU ?

L’HISTOIRE

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• SUR LIBÉ.FR

«L’objet de l’associationest illicite.»Philippe Varin procureur de Tours

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 201314 • FRANCEXPRESSO

Page 15: Liberation 21.06.2013

HollandeconvertiaumythedesemploisnonpourvusLors de l’ouverture de la deuxième conférence sociale, hier, le Présidenta même proposé que l’Etat comble les différenciels de salaire.

C almos. A ceux qui, àgauche, trépignent faceà l’absence de résultatsaprès un an de présidence

Hollande, le chef de l’Etat, quiouvrait hier la secondeconférence sociale duquinquennat, a demandéencore un peu de patience : «Ledialogue social exige du temps. […]Ce n’est pas toujours compatible avecl’impatience de nos concitoyens ou lessituations d’urgence. Mais à l’échelledes entreprises et des branches, lesaccords permettent d’aller bien plusvite qu’une loi nouvelle ou qu’uneprocédure de justice.»Le Président défend sa méthode,fier et sûrement étonné lui-même

par la réussite de la première confé-rence sociale, qui avait débouchésur une réforme importante dumarché du travail. Même si pour lesretraites, le gouvernement devraitaccélérer la cadence, avec un moisseulement (en juillet) de concerta-tion avec les partenaires sociaux.

François Hollande main-tient également son objectifd’«inverser la courbe du

chômage d’ici à la fin de l’année»,même si l’Insee s’attend à un chô-mage culminant à plus de 11%fin 2013 (lire page 16).

SERPENT DE MER. C’est en réalitésur le plan des annonces que le chefde l’Etat a le plus surpris son audi-toire. Pas tant concernant une pro-chaine réforme du Revenu de soli-darité active (RSA) et de la prime

pour l’emploi, ou encore le lance-ment d’un contrat d’apprentissageavec engagement d’embauche, quesur sa volonté de lutter contre unserpent de mer, porté jusqu’ici parla droite et le patronat: les «offresd’emplois non pour-vues». Un concept à laréalité incertaine, suggé-rant au passage qu’unepartie du chômage estdue aux chômeurs eux-mêmes, qui, au mieux nesont pas assez formés, au pire re-chignent face aux propositions desemployeurs.«Ce sont les entreprises qui créent desemplois, encore faut-il qu’elles réus-sissent à les pourvoir», a ainsi atta-qué François Hollande. Puis d’avan-cer : «Nous avons à regarder uneréalité, elle n’est pas nouvelle. Il y a à

peu près de 200 000 à 300 000 re-crutements qui sont entamés, puisabandonnés, parce qu’il n’y a pas decandidats suffisamment qualifiés parrapport aux emplois qui sont propo-sés.»

Et le Président de faire cette an-nonce très étonnante : «S’il s’agitd’un différentiel de salaire, cela peutarriver, alors comblons-le, cela peutêtre la responsabilité de l’Etat, parceque mieux vaut un tel soutien que lapoursuite d’une indemnisation dechômage, cela coûtera moins cher etcela permettra de favoriser le recrute-

ment, et donc l’embauche.» Autre-ment dit, en cas de poste proposé àun salaire inférieur à celui que ledemandeur d’emploi occupaitauparavant, l’Etat serait prêt, pourfaciliter l’embauche, à payer le dif-férentiel. Avec le risque d’encoura-ger les entreprises à tirer les salairesvers le bas…Mais au-delà de cette propositionsaugrenue, c’est le concept mêmed’«offres d’emploi non pourvues»qui pose question. A la fois dans sonvolume, mais aussi dans ses motifs.En effet, si certains secteurs trèspointus, comme l’aéronautique,connaissent des difficultés de re-crutements, le nombre de 200000à 300 000 offres d’emplois nonpourvues (François Fillon parlait de500 000) est à relativiser. Selon ledocument réalisé par le ministèredu Travail pour préparer la confé-rence sociale, on apprend ainsi quece chiffre ne représente que 1,4%des embauches effectuées chaqueannée en France (21 millions). Etencore, hors intérim. Bref, le mar-ché du recrutement fonctionne defaçon efficiente à plus de 98,5%.

SÉLECTIVES. Mais c’est surtout lesraisons pour lesquelles les offres netrouvent pas preneurs qui sont ins-tructives. Pôle Emploi qui, pour lesseuls postes dont il a la charge, éva-lue à 116000 le nombre d’offres dé-bouchant sur un «abandon de laprocédure de recrutement faute decandidat», a mené une étude quali-tative. D’où il ressort qu’au-delàdes motifs invoqués directementpar les employeurs, «ces échecs seconcentrent dans des entreprises quiont une faible expérience du recrute-ment», rapporte la note du gouver-nement, qui relaye l’étude. Ce do-cument précise ainsi que lesexigences des entreprises sont«parfois déconnectées des compéten-ces réellement nécessaires au poste àpourvoir». Bref, «ces échecs peuventêtre imputables autant à la pénurie decandidats qu’à l’inexpérience des re-cruteurs et leur méconnaissance dumarché local du travail», expliquepoliment le ministère. Et de noterque «comparées à nos voisins euro-péens, les offres d’emplois publiées enFrance apparaissent comme beau-coup plus sélectives […] conduisant àune exclusion de fait de nombreusescandidatures». Avant de relever, fi-nalement, que ces «échecs» sont«temporaires» dans 60% des cas.Pas forcément de quoi en faire uncombat politique de premier plan.Ni de financer, sur les deniers pu-blics, les différentiels de salaires.•(Lire également page 18.)

Par LUC PEILLONPhoto LAURENT TROUDE

«Il y a à peu près de 200000à 300000 recrutements qui sontentamés, puis abandonnés.»François Hollande hier

ANALYSE

François Hollande, hier, lors de l’ouverture de la deuxième conférence sociale, à Paris.

14C’est, en millions, le nombred’embauches de moins d’unmois réalisées chaque année(sur 21 millions), soit 66,6%des recrutements.

TROIS SECTEURSCONCERNÉSSelon Pôle Emploi, les troismétiers qui concentrent les pro­blèmes de recrutement sont lespersonnels de cuisine, les rela­tions commerciales grands comp­tes, et le service en restauration.

REPÈRES «Si c’est un problèmede mobilité, réglons-lepar des incitationsfinancières, s’il s’agitd’un différentiel desalaire, comblons-le.»François Hollande hier

Le Président a lancé hier«l’idée» d’un «contrat d’appren­tissage avec engagementd’embauche» pour les entrepri­ses «qui souhaitent être davan­tage associées aux contenus desformations». Objectif : «au moins»500000 apprentis d’ici trois ans,contre 435000 aujourd’hui.

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013

ECONOMIE • 15

Page 16: Liberation 21.06.2013

-3,66 % / 3 698,93 PTS4 054 621 204€ +63,45%

Aucune hausseGROUPE FNACRENAULTCARREFOUR

Les 3 plus basses

-1,35 %14 908,91-1,50 %3 391,54-2,98 %6 159,51-1,74 %13 014,58

Bernard Tapie, au Stade Vélodrome de Marseille, le 26 mai. PHOTO PHILIPPE LAURENSON.REUTERS

L a justice ne lâche pasPierre Estoup, l’arbitrequi a joué un rôle clé

dans la sentence de 2008qui a attribué 403 millionsd’euros à Bernard Tapie poursolder son litige avec le Cré-dit lyonnais. Selon un pro-cès-verbal dévoilé hier parle Monde, Pierre Estoup estdésormais soupçonné d’avoirtenté, en 1998, d’interveniren faveur de Tapie auprèsdu juge qui présidait le procèsen appel des comptes del’Olympique de Marseille.Mis en examen pour «escro-querie en bande organisée»par les juges qui enquêtentsur l’arbitrage, Estoup estnotamment accusé d’avoirmanqué à ses obligationsd’arbitre en ne déclarant passes liens avec l’homme d’af-faires. Selon des pièces dudossier révélées par le Monde,l’Express et Mediapart, cemagistrat retraité l’auraitrencontré en 2006 et auraitété consultant pour l’un deses avocats dans l’affaire. Lespoliciers ont aussi saisi chezlui un livre de Tapie, qui l’adédicacé, le 10 juin 1998, ences termes: «En témoignage

de mon infinie reconnaissance.Votre soutien a changé le coursde mon destin.»Sursis. Quel est donc cetévénement majeur? Les en-quêteurs pensent au procèsdes comptes de l’OM. Le4 juin 1998, six jours avantla dédicace, la cour d’appeld’Aix-en-Provence con-damne Tapie à trois ans deprison avec sursis, lui évitantla détention. Un verdict quile comble de joie, puisqu’ilavait écopé de dix-huit moisferme en première instance,et que l’avocat général avaitrequis deux ans ferme en ap-pel. Mais le juge qui présidaitl’audience, Franck Lapey-rère, ne l’a pas suivi.Estoup a-t-il tenté d’influen-cer le magistrat ? Interrogéle 10 juin par les policiers,Lapeyrère, aujourd’hui à laretraite, raconte que «M. Es-toup a essayé de me voiravant que l’affaire ne vienne àl’audience et après que l’arrêta été rendu. […] Je n’étais pasdans mon bureau […], ceci m’aété rapporté par le greffe de lachambre». Les deux hommesse connaissent, puisqu’ilsont exercé tous les deux à

Nancy. En 1984, c’est PierreEstoup, alors président de lacour d’appel, «qui m’a pro-posé au grade de vice-prési-dent», a indiqué Lapeyrère.Il a toutefois assuré aux poli-ciers que Pierre Estoup n’a euaucune influence sur l’arrêtqu’il a rédigé dans l’affairedes comptes de l’OM: «Il n’yavait pas lieu à de la prisonferme, car il n’y avait pas eud’enrichissement personnel.»La dédicace de Tapie le laisseperplexe : «Si M. Estoup apu dire à M. Tapie que c’étaitgrâce à lui qu’il ne retournaitpas en prison, il lui a menti.»«Invraisemblable.» Jointpar Libération, l’avocat dePierre Estoup, Me Jean-PierreGastaud, s’indigne de cessoupçons : «Le fait que monclient ait pu songer à intervenirauprès de M. Lapeyrère, quiest un magistrat intraitable etd’une rectitude absolue, esttotalement invraisemblable.»Et d’ajouter que si «on est entrain de rechercher des chosesaussi loin dans le temps, c’estqu’on a rien qui soit solidecontre M. Estoup sur l’arbi-trage lui-même».

YANN PHILIPPIN

Tapie:nouveauxsoupçonssurl’arbitreJUSTICE Pierre Estoup serait intervenu lors du procèsdes comptes de l’Olympique de Marseille en 1998.

Par CHRISTOPHE ALIX

Quelques signes d’espoir,malgré la récession

D ans sa nouvelle notede conjoncture sur lesecond semestre,

l’Insee évoque une «timideéclaircie» pour l’économiefrançaise et pronostique «dumieux» dans la zone euro.Mais ça ne suffira pas à éviterla récession cette année.

Pourquoi la croissanceest­elle encore en berne?Après un zéro pointé l’anpassé, l’activité en Francedevrait continuer son sur-place et reculer de 0,1 %cette année, en raison del’atonie de la demande inté-rieure (- 0,1 % pour la con-sommation) et d’un reculde l’investissement. Maisl’Insee pointe des signes ti-mides indiquant que «la finde l’épisode récessif du tour-nant de l’année 2013 se confir-merait néanmoins». Principalespoir : le rebond attenduoutre-Rhin au second se-mestre, qui devrait doper lesexportations. «Quand l’Alle-magne exporte plus, elle im-porte également plus, expli-que Jean-François Ouvrard,chef de la synthèse conjonc-turelle à l’Insee. Les donnéesdouanières sur le commerce

extérieur en avril sont bonnes,la production manufacturièrese stabilise, c’est bon signe.»

Pourquoi le chômage va­t­il poursuivre sa hausse?D’après l’Insee, le gouverne-ment ne tiendra pas son parid’inverser la courbe du chô-mage fin 2013. Son augmen-tation va, certes, ralentir enraison de la forte progressionattendue des emplois aidés,mais il devrait atteindre11,1 % à la fin de l’annéecontre 10,8 % aujourd’hui.«On ne peut pas exclure unestabilisation, indique Jean-François Ouvrard, mais notreprévision, c’est que le chômageva croître à un rythme de0,1 % par trimestre con-tre 0,2% ces dernières annéeset 0,6% au total sur l’année.»Le pouvoir d’achat des mé-nages, lui, se stabiliserait(+ 0,2 % après - 0,9 %) enraison de la baisse de l’infla-tion et d’une hausse moinsimportante des prélèvementsobligatoires. Parmi les fac-teurs susceptibles de doperl’activité, l’Insee cite un re-dressement dans la cons-truction, qui pourrait êtreplus marqué qu’anticipé.•

DÉCRYPTAGE

AÉRONAUTIQUE Airbus etBoeing se disputent la plusgrosse commande passée auBourget. Airbus l’emporte depeu : 39 milliards contre38 milliards de dollars.

RAIL La Commission euro-péenne a sommé hier laFrance et le Royaume-Uni defaire baisser les tarifs impo-sés aux trains pour emprun-ter le tunnel sous la Manche.

Sur les ailes du BourgetFrançois Hollande tom­bera­t­il du ciel enA400M?

Histoire Le site de PôleEmploi en carafe.

• SUR LIBÉ.FR

600suppressions de poste(40% des effectifs) sontenvisagées à la SNCM,transporteur maritimeentre le continent et laCorse.

«La spéculationfinancièreconditionne le prixdes aliments,oubliant leurdestinationpremière.»Le pape Françoishier devant l’assembléede la FAO

Le palais de la Bourse deBruxelles, inoccupé depuisvingt ans pour caused’informatisation des tran­sactions financières, vaprochainement être trans­formé en «temple de labière belge». Ainsi vientd’en décider la mairie,héritière de cet imposantédifice du XIXe siècle. Car«la bière est à la Belgiquece que le vin est à laFrance» : ses 1 100 variétéssont exportées à 62%.Inaugurable en 2018, cenouveau musée espère400000 visiteurs par an.A Paris, le palais Bron­gniart, temple de lafinance lui aussi désaffecté,accueille de temps entemps des défilés demode. Mais il se chercheencore une véritableaffectation.

LE MUSÉE DELA BIÈRE ENTREEN BOURSE

L’HISTOIRE

L’ECONOMIE EN QUESTIONSDominique Rousset - 11h - 12h / samedi Retrouvez EcoFutur chaque samedi à 11h sur France Culture.

franceculture.fr

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LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 201316 • ECONOMIEXPRESSO

Page 17: Liberation 21.06.2013

FORUMÎLE-DE-FRANCEÀVITRY-SUR-SEINE

VAVOIR,VASAVOIR!

VENDREDI 21 JUIN 2013

PhotographiesOlivia Frémineau

Page 18: Liberation 21.06.2013

Après Nanterre etBobigny, Libérationinstalle son Forum Ile­de­France à Vitry­sur­Seine.Notre quartier généralsera le MAC/Val, un ovniculturel dédié à l’artcontemporain, implantévoici bientôt huit ans aumilieu d’un quartiersupposé allergique parnature à ce genre degreffe. Comment un telmusée peut­il faire circulerles œuvres et les idéesdans ce contexte? On avoulu voir, on a voulusavoir, et on s’y installedeux jours. Pourinterroger l’école, laculture 2.0, l’avenir desmusées, l’évolution de lalangue française, lesnouvelles formes demécénat, la place de laculture scientifique, maisaussi discuter rock, livresou cinéma en décryptantles réalités et lesstéréotypes, tout enlaissant une place àl’imaginaire et aux utopies.Car faire un peu deprospective dans cesdomaines n’est pas demême nature que prévoirle tracé d’une ligne demétro ou le calendrier deconstruction des lycées.Puisque nous regardons àl’horizon 2030 avec larégion Ile­de­France,imaginons un seul instantce qu’auraient étés nosdébats en 1983, à uneépoque où le Minitel étaiten plein essor, où peu degens imaginaient que leMur de Berlin tomberaitsix ans plus tard, et où lesadolescents fantasmaientsur le téléphone portableen regardant le dernierJames Bond. Si l’exercices’avère périlleux, réfléchirà la culture et aux savoirsde cette métropole n’endemeure pas moins lepréalable à toute penséepolitique.Pour ce supplément, nousavons donc décidé denous éloigner des grandesmachines institutionnelleset d’aller nous promenerchez ceux qui font, quiproduisent, qui sont engrande proximité avec letissu social. Nous enrevenons joyeux,enthousiastes, regonfléspar la richesse de toutesces initiatives où lesimaginaires débordants ledisputent aux modèleséconomiques efficients.

Par NICOLASDEMORANDet PIERRE HIVERNAT

HORIZONS

De Vitry à Saint-Denisen passant par Noisiel etPantin, «Libération»a passé une journéeà visiter, regarder etrencontrer ceux qui font ettransmettent la cultureen Ile-de-France.

Le long de la natio-nale 305, de hauts im-meubles défilent. L’axestratégique relie Parisà Orly en traver-sant Ivry, Vitry, Thiais,Choisy-le-Roi, sans

charme, sans surprise. Pourtant,à moins de 4 kilomètres du boule-vard périphérique, l’art contem-porain a su trouver sa place.

Depuis 1996, l’étonnante Chauffe-rie avec cheminée de Jean Dubuffetrompt la monotonie de cet universroutier. Du haut de ses 14 mètres,l’œuvre monumentale a préparéles Vitriots à l’arrivée du muséed’art contemporain du Val-de-Marne, le MAC/Val, et ses13 000 m². Ni la colonne barioléede rouge et de bleu dresséesur l’imposant rond-point du

carrefour de la Libération, nile bâtiment ne semblent plusétonner les riverains. C’est pour-tant la première fois qu’un tel mu-sée ouvrait ses portes en banlieue.Depuis 2005, les passants ont eu letemps de s’accoutumer à cet élé-gant bloc blanc signé Charles Ri-pault. Annette Messager, ClaudeClosky, François Morellet et Cy-prien Gaillard, la crème de lascène artistique contemporaine enFrance depuis les années 50, y ontpris leurs habitudes. De quoi atti-rer environ 70 000 visiteurs paran, dont un peu moins de la moitiéde scolaires.

CROQUER. Depuis son ouverture,le musée d’art contemporaindéveloppe un travail de médiationculturelle avec les écoles, de lamaternelle à l’université, ac-cueillant quotidiennement une di-zaine de groupes. Ce jour-là, unevingtaine d’élèves de cinquièmed’un collège public de Vincennesse prêtent à l’exercice. Sacs et

manteaux déposés dans les atelierspédagogiques, armés de stylos etde carnets, les enfants suivent lesdeux conférenciers, attendant sa-gement le feu vert pour se rendreau premier étage. Un petit quartconnaît déjà le musée. Pour lesautres, c’est une découverte.Pourtant, à la question «Qu’est-ceque l’art contemporain ?», les col-légiens répondent en chœur :«C’est l’art de maintenant.»«On va déguster, aujourd’hui»,s’amuse d’emblée la conférencièrepour la visite gustative intitulée«Papille et pupille». Si, effective-ment, les élèves vont passer unepartie de l’après-midi à goûter, ilsfont aussi leurs premiers pas dansl’univers mystérieux de l’artcontemporain, en tentant de dé-coder les messages de quatreœuvres. L’expérience sensorielledébute dans une salle obscure or-née d’un grand écran pour diffuserune performance de l’artiste co-réenne Kimsooja. Des gobeletscirculent: curry, curcuma et can-

10HMAC/VALDEVITRYLEGOÛTDEL’ARTCONTEMPORAIN

BALADEAU GRÉDES ARTS

2 kmVAL-DE-MARNE

SEINE-ET-MARNE

VAL-D’OISE

ESSONNE

HAUTS-DE-SEINE

SEINE-SAINT-DENIS

Vitry-sur-SeineMAC/Val

Saint-Maur-des-Fossés

Librairie « Aux Mots

Tordus »

Saint-Denis

StainsLa Belle Etoile

Ecole de musique

ArcueilBaladesonore

Paris (18e)

Goued’Or

Montfermeil

TourMédicis

Pantin

BanlieuesBleues

La SiraAsnières-sur-Seine

Noisiel

Fermedu BuissonRomainville

Trianon

Exploradôme

PARIS

Photos de OLIVIA FRÉMINEAU

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013II • FORUM ÎLE­DE­FRANCE VA VOIR, VA SAVOIR !

Page 19: Liberation 21.06.2013

nelle chatouillent la cinquantainede narines. Des épices pour évo-quer le voyage. Et une mentionspéciale pour le curry: «C’est tropbon !»Devant Another Paradise, de Jean-Louis Courrèges, les élèves vision-nent une vidéo sur l’amour danslaquelle deux perruches, des insé-

parables, jouent les rôles de Roméoet Juliette. Cette fois, les collégiensgoûtent de la gelée à la rose car «larose, c’est l’amour», dit un élève.

DÉCRYPTER. Racine, gelée, épi-ces, bâton de réglisse, purée sulfu-risée, qu’il faut sucer, sentir, mâ-cher, avaler ou croquer. Unemanière de «travailler sur le goûtpour exprimer une préférence», se-lon Stéphanie Airaud, chargée despublics et de l’action culturelle. Et

d’ajouter : «Le j’aime-j’aime pasexige qu’ils argumentent, commepour l’art. Les enfants sont plus ré-ceptifs puisqu’ils ont expérimenté.»Partir des sens pour revenir versl’image et la décrypter. Tel estl’objectif de la visite organisée enpartenariat avec le programme«Nutrition santé adolescences»

imaginé par leconseil général duVal-de-Marne etl’Institut du goût.Mains levées, lescollégiens s’em-

pressent de répondre aux ques-tions des deux conférenciers, quiparviennent à les interroger surdes notions complexes telles quele peuple, la nation, la propriété,le territoire et même l’immigra-tion. Cafouillis total lorsque Marc,l’un des conférenciers, demandequi est le propriétaire de la Lunedevant l’œuvre Propriété lunaire deGwen Rouvillois. Et l’océan ? «Al’ONU», répondent certains.

JUSTINE BRAIVE

«Le j’aime-j’aime pas exige qu’ilsargumentent, comme pour l’art.»Stéphanie Airaud chargée des publics

11HSAINT-MAUR-DES-FOSSÉSLEREPAIREDESMOTSTORDUS

Certains, à Saint-Maur-des-Fossés,commune proprettedu sud-est parisien,

misent encore sur l’avenir dulivre. Celui-là même qui encom-bre nos étagères, dont les pagesse caressent et se froissent.Pop­up. Aux Mots tordus, li-brairie cadette de ce coin huppé,les ouvrages se déclinent aussien version pop-up ou water-proof. «Le livre numérique ne mefait pas peur, il ne représente que2% des ventes en France», se ras-sure Faustine Monpetit, gérantede la nouvelle boutique. Elle n’aque 25 ans et vient de récupérerle fonds de commerce de l’an-cienne Librairie des écoles, fer-mée pour cause de liquidation

judiciaire. «Mon cauchemar,c’est plutôt Amazon, qui livre ra-pidement et sans frais de port»,explique-t-elle, bien décidée àtout miser sur les délais. Pourécraser ses concurrents, Faus-tine Monpetit travaille d’arra-che-pied: de 6 heures à 22 heu-res, 7 jours sur 7. Spécialisée enlivres jeunesse, elle squatte lessalles de vente tôt le matin etdéniche des pépites pour sesécoliers. Puisque, malgré l’ex-plosion d’Internet et autres ta-blettes, ce sont bien les enfantsde 0 à 15 ans qui lisent le plus enFrance.Dans une ville dynamique, àquelques encablures de plu-sieurs établissements scolaires,les 55 mètres carrés des Mots

tordus ont largement de quoi sedéployer.Proximité. Après un moisd’ouverture, Faustine Monpetitsait malgré tout qu’elle aura be-soin d’une aide de l’Etat poursurvivre : «Je ne risque pas detenir longtemps à ce rythme-là !Pour souffler un peu, il me faudraembaucher quelqu’un rapi-dement.»En attendant, elle réfléchit à larentrée. Mêlant service deproximité et vie de quartier, elleaimerait travailler avec les col-lectivités pour lancer des atelierssur le temps périscolaire. His-toire de jouer, au moins autantque le Prince de Motordu, avecla langue de Molière.

LÉA IRIBARNEGARAY

Le MAC/Val,de Vitry­sur­Seine,a ouvert en 2005.

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013 VA VOIR, VA SAVOIR ! FORUM ÎLE­DE­FRANCE • III

Page 20: Liberation 21.06.2013

Vida Konikovic,directrice de l’ex-position, défendla singularité de lastructure deVitry-sur-Seine.A l’Exploradôme,

avez-vous un modèle ?Au moins un. Historiquement, lessciences n’existaient pour le publicqu’à travers les cabinets de curiositépuis, après la guerre, le Palais de ladécouverte. Mais le vrai révolution-naire, c’est le physicien américainFrank Oppenheimer qui a créé dansles années 60 l’Exploratorium deSan Francisco. Ce n’est pas un hasardsi le président de notre conseild’administration est Goéry Delacôte,ex-directeur de l’Exploratorium.Nous ne sommes pas encore àl’échelle de cette institution, maisc’est un modèle. Quand vous visitezce musée, vous croisez des person-nels des départements R&D de gran-des entreprises qui travaillent au mi-lieu du public. Les scientifiques nesont plus ces êtres à part enfermésdans des labos en blouse blanchemais des gens que l’on peut abordersans complexe.Et vos principes pédagogiques ?La consigne affichée partout dans lemusée, «Il est interdit de ne pas tou-cher», gouverne l’ensemble de nosméthodes de travail. C’est ce cadreinformel et souple, où les enfants nesont pas mis en demeure d’appren-dre, qui produit un effet radical. Uneenseignante me disait un jour : «Ici,mes mauvais élèves sont de bonsélèves !» On propose aux cancres unautre regard sur eux-mêmes, il n’y apas de mauvaises questions. Dans unmonde si complexe, adultes et en-fants peuvent tout comprendre.Que pensez-vous de la politique fran-çaise sur l’éducation scientifique?L’éducation scientifique est peuconsidérée en France. Si vous ditesdans une conversation que, élève,vous étiez nul en maths ou en chi-mie, ça fait rigoler. La réaction serabien plus nuancée si vous affirmezque vous étiez mauvais en français ouen histoire. Politiquement, je trouveça assez grave : n’avoir aucuneculture scientifique, c’est la porteouverte à toutes les manipulationsdes chercheurs et des industriels.

Recueilli par P.H.

«LESENFANTSNESONTPASMISENDEMEURED’APPRENDRE»

Les sciences,pas si sorcier?Avec Marie­FrançoiseLe Guyader, Claire Le Moine,Jean­Claude Ameisen etDavid Lowe. Samedi 22 juin à16h aux 3 Cinés­Robespierre.

Quel visagepour le muséede demain?Avec Virginie Baudelaire,Pierre­Yves Lochon etAlbertine Meunier.Samedi 22 juin à 14haux 3 Cinés­ Robespierre.

DRL

a classe de CM2 de So-phie Perloff, institutriceà l’école l’Espéranced’Aulnay-sous-Bois

(Seine-Saint-Denis), rentre dupique-nique. Le trajet n’a pasété long, l’Exploradôme pos-sède son propre jardin, attenantau bâtiment de cet ancien dis-pensaire. Ici, le principe, c’estla taille humaine, les enfantsdoivent se sentir à la maison.Dans l’une des salles, c’estmême le grenier des merveilles.On trouve pêle-mêle d’énormesmodèles de globes oculaires à(dé)construire, la maquettegéante d’un conduit auditif, unmini-puits de pétrole à activersoi-même, des mappemondeset une maquette d’Ariane 5.

SCARABÉE. L’animateur de-mande aux enfants quelles sont,selon eux, les consignes. L’untrouve «ne pas courir», l’autre«ne pas parler fort» et puis unepetite voix hésitante s’essaye àun «ne pas toucher les sculptu-res». Double faute. Ici, lessculptures s’appellent des ma-nips, et toucher est une obliga-tion. C’est bien ce qui intéresseSophie Perloff. «On amène nosclasses ici dans le cadre d’un pro-jet sur les chercheurs. L’intérêt estde pouvoir montrer aux enfantscomment, dans le monde dessciences, on peut être tous actifset acteurs, le tout avec du matérielpédagogique que l’on ne peutavoir dans nos écoles.»Un groupe part à la découvertedes manips en question, undeuxième va faire des filmsd’animation et un troisième at-taque une double fiche à rem-plir, intitulée «Du grabuge aujardin». Des petites boîtes sontdisposées sur les tables, ellescontiennent un puceron vertdu rosier, un ver de terre, ungrillon domestique, une guêpecommune, un scarabée doré ouun moustique. Il faut position-ner des images en les confron-tant à l’animal réel, décrire,dessiner, imaginer. Petite in-quiétude d’un des élèves: «Il est

mort?» Réponse de son voisin:«Ils sont tous morts !» Pas decours magistral. L’institutriceprécise: «Dans les propositionsde l’Exploradôme, on a choisicelle-ci parce qu’elle complétaitnos cours sur la biodiversité.»Un étage en dessous, c’est lasurexcitation généralisée liée àdes batailles sur les grandes li-gnes des scénarios à filmer.Guillaume Clairand, animateurmultimédia, est d’un calmeolympien. «C’est toujours un

rieuse, notamment sur la ma-chine à fabriquer un nuage, lepont d’arche à construire ou laguitare stroboscopique. Et sitout ce petit groupe avait levéles yeux, il aurait vu qu’il ex-plorait le monde scientifiquesous l’égide de Saint-Exupéry,avec cette citation peinte surtoute la largeur du plafond :«Nous n’héritons pas de la terrede nos parents, nous l’emprun-tons à nos enfants.»

PIERRE HIVERNAT

13HEXPLORADÔMEÀVITRY,LASCIENCEAUDOIGTETÀL’ŒIL

LES DÉBATS

peu comme ça, les enfants sontpressés de fabriquer, de faire bou-ger, de filmer, mais ils se rendentcompte assez vite que, s’ils n’ontrien à raconter, il n’y a pas d’his-toire, et il n’y aura pas de film.»A la fin de l’atelier, chaque petitgroupe en aura pourtant pro-duit un d’environ une minutequ’il pourra ensuite partageravec les autres via Internet.

NUAGE. Côté manips, l’am-biance n’est pas moins fu-

L’Exploradôme, musée interactif de découverte, a ouvert ses portes à Vitry­sur­Seine en 2009.

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013IV • FORUM ÎLE­DE­FRANCE VA VOIR, VA SAVOIR !

Page 21: Liberation 21.06.2013

on adhère aux projets des femmes entrepreneures.

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Page 22: Liberation 21.06.2013

Sur la scène de la Belle Etoile, àSaint-Denis, il est 14 heures, unepetite trentaine d’enfants encostumes s’étirent et se concen-trent. Ils habitent le quartier, unquartier populaire en pleine ré-novation. Ils ont entre 6 et 13 ans

et commencent une répétition publique dela nouvelle création de la compagnie de théâ-tre Tamèrantong ! Une histoire de Tziganesqui arrivent dans un village où l’on ne veutpas d’eux, une histoire d’amour aussi, qui neva pas de soi, entre une Bohémienne et unaristocrate.

COW­BOYS. Depuis la scène, Christine Pelli-cane, fondatrice de la compagnie, expliqueaux classes du quartier venues assister auxrépétitions le sens du spectacle. «Cette his-toire parle du rejet et du mépris que subissent

les gens du voyage. Mais aussi, plus largement,de la souffrance des étrangers, du racisme, despersonnes qui se sentent déracinées.» Danscette ville depuis toujours terre d’accueil desétrangers en France, chacun sait de quoi elleparle. Christine Pellicane aurait pu prononcerces mots pour bien d’autres précédentescréations de Tamèrantong !Depuis vingt ans, cette compagnie particu-lière parle de tolérance, de diversité, d’ex-clusion avec les enfants des quartiers popu-laires. Elle parle aussi d’exigence artistique,de travail, d’ambition. Un discours qui,sur scène, se transforme en une incroyableénergie. Il y est question de pirates, de cow-boys, de chevaliers et de princesses. Injec-tant dans le théâtre de la danse, du chant, durock, de la poésie et des arts martiaux. Unemarque de fabrique reconnaissable auxmémorables combats de scène que l’on re-

trouve dans les pièces de la compagnie.L’histoire a commencé à Paris à la fin des an-nées 90, lorsque Christine Pellicane, comé-dienne, lance, avec des copains principale-ment venus des scènes rocks indé, desateliers de théâtre pour enfants à Belleville.En 1992, Tamèrantong! naît officiellement.La compagnie n’a pas de lieu propre (et n’ena toujours pas), elle prend racine dans lesquartiers, sur le béton, dans les écoles, lescentres sociaux… Belleville, Mantes-la-Jolie,dans les Yvelines, et depuis 2006, à la BelleEtoile, accueillie par la compagnie JolieMôme. Dans ces quartiers, Tamèrantong! en-rôle des enfants ayant des problèmes sociaux,scolaires, familiaux… Elle répond aussi,quand elle le peut, aux demandes de plus enplus nombreuses d’enfants simplement dési-reux de rejoindre la troupe. En deux décen-nies, la compagnie a monté près de 80 créa-

tions et joué devant 100000 spectateurs, enFrance et à l’étranger, en Italie, en Angleterreou en Amérique centrale.

ENVIE. Le travail commence par des ateliersd’initiation. «On apprend d’abord à se connaî-tre, à être ensemble, à parler, à se parler», ré-sume Christine Pellicane. Les enfants appren-nent aussi à avoir envie de s’investir. Car tousn’ont pas choisi de venir là. Et certains ont dumal à rentrer dans cette école très exigeante.Le théâtre n’est pas quelque chose vers lequelils se seraient naturellement dirigés. «Ici, onne dit pas théâtre, on les séduit par la danse, lechant, les combats. On fait en sorte de fairequ’ils se sentent bien dans notre tribu.» A Man-tes-la-Jolie, les comédiens de Tamèrantong!ont pour les plus jeunes à peine plus de 4 ans.Certains y sont restés jusqu’à leurs 17 ans.

ALICE GÉRAUD

14HTAMÈRENTONG!ÀSAINT-DENISLADIVERSITÉ,C’ESTLEPIED

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013VI • FORUM ÎLE­DE­FRANCE VA VOIR, VA SAVOIR !

Page 23: Liberation 21.06.2013

L’école idéale, mon œil!Avec Martin Hirsch, Florence Lhomme et HenrietteZoughebi. Dimanche 23 juin, à 14h au MAC/Val.

#languedemolière?Avec Alain Bentolila, Solange Te Parle et Darinaal­Joundi. Dimanche 23 juin, à 11h au MAC/Val.

«Mais ça existe, un pay-sage en banlieue ? Etun paysage de ban-lieue ?» fait mine de

s’interroger Dominique Falcoz,administratrice du Théâtre de lanuit. Oui. Démonstration grâceaux Balades sonores d’Arcueil or-ganisées par le théâtre et la ville.Pendant deux heures, les visiteursarpentent Arcueil en écoutant descommentaires enregistrés surun MP3. Aujourd’hui, une ving-

taine de personnes attendent ledépart devant la Maison de la so-lidarité. Des habitants ont parti-cipé à la confection des commen-taires en confiant des témoignagesà Dominique qui, elle, a ajouté desmots d’artistes et des éclairageshistoriques.Tunnel. On s’achemine d’abordvers la place du Docteur Conso. Ici,un effort de verdure. Puis, jalon-nant la route, des sculptures enacier. Le MP3 précise: «Un grandsculpteur, Viseux, Arcueillais, ex-posé partout dans le monde, Paris,Alger, Miami…» Et pour nous,virée sous la Bièvre, la rivière re-couverte. Un tunnel tagué, un val-lon. Dans l’oreillette, ce mémento:«Dès le Moyen Age, des moulins etdes industries s’y développent.»Pour l’heure, personne. Quoique.Au bout du tunnel, un violonisteaccompagne un danseur de hip-hop. On arrive au cimetière. Char-mant, modeste. Le grand Satie re-

pose ici. «Il avait choisi de venir ha-biter Arcueil», raconte l’appareil,menant une vie entre «deux mon-des qui ne se croiseront que pour sonenterrement». Soit ici, sur satombe. Les cuisses goûtant au dé-nivelé, la Gnossienne n°1 dans lesoreilles, nous atteignons la balus-trade. Quel panorama ! La TourEiffel «entre deux barres d’im-meuble» est, elle, peu discernable.«Couleur». Soudain, en traver-sant le pont de l’autoroute, le

bruit. Le bruit assour-dissant et la vue surles voitures. «Essayezd’imaginer commentétait le paysage de laville avant, sans cettetranchée», suggère le

MP3. On se dirige vers la zone in-dustrielle, «un quartier longtempstrès vivant». Vraiment? Ici ? «Je nesais pas, rien ne l’indique», répondun visiteur.Prochaine étape: le carrefour desQuatre-Cités. «Moi, je trouve que cen’est pas triste, commente un ha-bitant. La brique a des couleurschangeantes d’une cité à l’autre».D’ailleurs, les immeubles ne sont«pas si effrayants» et le relief per-met d’éviter le vis-à-vis. Une visi-teuse confie: «Je vis là depuis 1968et je n’étais jamais venue ici!» Plusloin, au pied de l’imposant aque-duc, des pavillons – «la cité Jar-dins», précise le MP3–, «une tran-quillité… Comment penser qu’on està quelques kilomètres à peine de Pa-ris?» Paris semble loin, oui, à forcede déambulations. Mais on persé-vère, jusqu’à la fin. Car, comme ledit Dominique, «la banlieue est unterritoire à regarder. Vraiment».

CLARA WRIGHT

16HBALADESONOREÀARCUEILAURYTHMEDELAVILLE

15HDAÏKAÀLAGOUTTED’ORQUARTIERÀTISSER

Magnifier le bleu de travail pour en faireun objet de convoitise, subtil et ap-prêté. Sortir de l’ombre ces petitesmains ouvrières pour en fixer l’inten-

sité lumineuse : des reflets bleu Klein résolu-ment haute couture. C’est le leitmotiv de la sty-liste Sakina M’Sa, qui recycle et réécrit unemode désormais ouverte à tous.Ronron. Le patchwork se tisse au cœur de laGoutte d’Or, quartier cosmopolite duXVIIIe arrondissement de Paris. Comorienned’origine, passée par les quartiers nord de Mar-seille, Sakina M’Sa s’est nichée dans cette«zone de sécurité prioritaire» avec une impres-sion de retour au pays. Cultivant une savou-reuse poésie de l’ordinaire, sa marque fédèrel’association de médiation culturelle Daïka àune entreprise d’insertion «par le beau».Installé dans la rue des Gardes, l’atelier-bouti-que de la créatrice accueille chaque semaine La-mia, Brigitte, Fatima ou Eglantine. Tous les lun-dis, entre 14 heures et 18 heures, ces mamans duquartier s’accordent un intermède autour de lacouture. Sur du papier kraft, les apprenties sty-listes commencent par fabriquer un «panneaud’inspiration» en découpant des silhouettes dansdes magazines. Elles emprunteront ces matièreset ces couleurs pour customiser un tee-shirt ré-cupéré au fond de leur placard. Dans le ronrondes machines à coudre, on parle tantôt arabe,tantôt français.Langue. Pour ce cycle d’une dizaine de rencon-tres, l’association Daïka collabore avec ParisMacadam, une structure citoyenne représentéepar Eglantine, volontaire en service civique: «Atravers la pratique du hip-hop ou des échasses,nous offrons un temps de loisir à des personnes endifficulté.» Si le public est très varié, ici, hom-mes et femmes ne se mélangent jamais. Les ba-vardages s’émancipent alors, du piercing sur lalangue d’Eglantine à l’éternelle controverse surle voile.Souad, assistante maternelle, quitte son foularddès qu’elle passe la porte de son école. Elle ha-bite à Barbès, au milieu des innombrables ven-deurs à la sauvette: «C’est plus chaud qu’avantmais je me plais dans les quartiers populaires, jesens moins le regard des autres.» Née à Tunis,arrivée à Paris en 1990, elle est mariée à un profreconverti chauffeur de taxi. Aujourd’hui,Souad fait équipe avec sa fille Lamia dans le re-cyclage d’un carré Hermès. S’il ne tient qu’à unfil, breloques, fourrure et autres rubans tissentle lien mère-fille. Tandis qu’à deux pas de cecocon soyeux, sur les tables du square Léon, leshommes jouent aux dames.

LÉA IRIBARNEGARAY

«Je vis là depuis 1968 et jen’étais jamais venue [aucarrefour des Quatre Cités]!»Une participante à la promenade

LES DÉBATS

Le 11 juin, à la BelleEtoile de Saint­Denis, répétition encostumes de lacréation Michto!La Tzigane de LordStanley.

« Va voir, Va Savoir » avec Le Mouv’MON ÉPOQUE, MA RADIO.

RETROUVEZ LE FORUM LIBÉRATION ILE DE FRANCE AUJOURD’HUI DANS LE 12/13 DE PHILIPPE DANA À PARTIR DE 12H, LUNDI PROCHAIN DANS LE 8/9 DE BENOIT BOUSCAREL ET SUR LEMOUV.FR 40 ANS

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013 VA VOIR, VA SAVOIR ! FORUM ÎLE­DE­FRANCE • VII

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VENDREDI 21 JUIN 2013

NOTRESÉLÉCTIONPARISIENNE.

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HÔTEL DE NOIRMOUTIERLe chœur des Mélo’men

Le chœur des Mélo’men, héritédu modèle américain des chora­les communautaires et composéexclusivement de gays ou «gayfriendly», fêtera bientôt ses20 ans. Créée en pleine montéedu sida, cette chorale militantepropose des spectacles articu­

lés autour d’un même objectif :changer les mentalités par lechant. Engagés dans la luttecontre le VIH et l’homophobie,les Mélo’men défendent unrépertoire varié. Ninon MoreauHôtel de Noirmoutier, 138 rue deGrenelle, 75007. De 20h15 à 21h30.

MINISTÈRE DES OUTRE­MERLa Voie des îles

Amateurs de musiqueantillaise, le ministère desOutre­Mer vous attendavec quelques­unes des figu­res les plus populaires dusecteur. Ainsi, Davy Sicard(photo), chanteur dont l’ins­piration se nourrit de la cul­ture et de l’art de vivreréunionnais. Guitare à lamain, son style au confluentde la soul, du rock, du blues

et du reggae invitera à l’éva­sion. A ses côtés, les tropi­ques acoustiques de LorianeZacharie, ainsi que du chan­teur Victor O et son groovecaribéen, auxquels se join­dront les deux zouk girls,Leïla Chicot et Tina Ly. N.M.Les richesses des cultures musi­cales ultramarines, au ministèredes Outre­Mer, 27, rue Oudinot,75007. De 18h30 à 22h30.

ESPLANADE DES INVALIDESLa Nuit boréale

NEUILLY­SUR­SEINEPortes ouvertes à la Sacem

Pour la première fois, la Sacem (Sociétédes auteurs, compositeurs et éditeurs demusique) ouvre ses portes au public.Le principe est le suivant: pendant uneheure, faire découvrir les coulisses de lamusique en trois étapes. D’abord, «l’his­toire d’une chanson», à travers des discus­sions avec des compositeurs ou éditeursde musique tentant d’éclairer le secret dela création. Il sera par la suite expliqué aux

visiteurs le rôle de la Sacem, via le par­cours d’une œuvre, de son dépôt jusqu’àsa publication. Enfin, «trente­deux ans dela Fête de la musique» passera en revueles grandes affiches de la manifestationdepuis sa première édition. Les placesétant limitées, il faut s’inscrire sur le sitede la Sacem. Lucas FevretSacem, 225 avenue Charles­de­Gaulle, Neuilly­sur­Seine (92), de 11 heures à 16 heures.

Pour la deuxième année consécutive,la scène canadienne participe à la Fêtede la musique. Sous une constellationboréale éclectique entre le reggae rockquébécois de Karim Ouellet, la douceurfolk de Basia Bulat, l’électricité deBraids et l’énergie débordante de Mis­teur Valaire, la voix sirupeuse de Marie­Pierre Arthur (photo) doit être goûtéepour tout amateur de lumière décalée.

La belle brune à la basse balade sonpublic sur une palette de tessitures auxcouleurs changeantes, autant de bleu­folk que de rouge­rock. Une voix arc­en­ciel dont l’accent singulier trans­forme nos sourires transportés en «sou­rères». Eva ProvenceLa Nuit boréale sur l’Esplanade des Invalides,face au Centre culturel canadien.De 18h30 à minuit.

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HÔTEL DE BROGLIEDes femmes et un homme

Au milieu d’une programmation exclu­sivement féminine au ministère desDroits de la femme, avec les JaninePélikan et les Smoking Smoking, Fran­çois Villevieille, du groupe Elephant(photo), impose sa gratte. Avec LisaWisznia, il va clôre cette session enlivrant des extraits de leur premier

album, Collective mon amour. Legroupe est accompagné d’un orches­tre à cordes qui devrait coller à lamajesté de l’Hôtel de Broglie. Atten­tion, ce rendez­vous est digne de sonlieu prestigieux: seuls les premiersinscrits seront de la fête. E.Pr.35 rue Saint­Dominique, 75007. A 20 heures.

PARC DE LA VILLETTEI say yé­yé…

Cette 32e édition de la Fête de la musiquecélébrant la voix, le Hall de la chansonse devait d’être présent. L’organisme quimilite depuis près de vingt ans pour ladiffusion et la reconnaissance du patri­moine de la chanson française, euro­péenne et francophone à travers despartenariats, colloques, spectacles et sta­ges, a choisi de faire revivre, le tempsd’une soirée, la culture yé­yé. Au pro­gramme, un bal en plein air et participatifsous la houlette de la chorégraphe Domi­nique Rebaud et les classiques du genrerevisités par les élèves des conservatoiresnationaux d’art dramatique et de musique,accompagnés entre autres par CyrilleLehn au clavier et Joseph Racaille à la gui­tare. N.M.La voix des yé­yé, pavillon du Charolais, 211 avenueJean Jaurès, 75019. De 18 heures à minuit.

JARDIN DU PALAIS­ROYALDes CE1 à Camélia Jordana

En adéquation avec l’intitulé de laFête 2013, «De vive voix», le ministèrede la Culture et de la Communicationinvite un ensemble de chanteurset chanteuses hexagonaux pour ani­mer les Jardins du Palais­Royal.Une chorale de 150 enfants de classeélémentaire accompagnés de leursprofesseurs ouvriront le spectacle.Ils laisseront ensuite la place à quatreartistes, qui fermenteront 1000pas­sions. L’Anglais de Kent, Brad Scott,

après moult collaborations (Arthur H,Alain Bashung) défendra ses propresparoles. Maissiat, à la voix douce etenivrante, comptera émouvoir à partirde son tout nouvel album Tropiques,aux textes poétiques et oniriques.Tandis que Camélia Jordana (photo),«Nouvelle Star» 2009, profitera ducontexte pour tester des extraits deson deuxième album annoncé pourcet automne. L.Fe.Palais­Royal, 75001. A partir de 18 heures.

DENFERT ROCHEREAULe plateau fair annuel

Comme chaque année, même endroit,même heure, le Fair, association crééeen 1989 pour favoriser le développementde la jeune scène française, réactualiseson esprit conforme à celui de la Fête dela musique: promouvoir les nouveauxtalents rock. Hormis Stuck in the Soundet Aline, on notera le retour à cette occa­

sion de Sarah W_Papsun après dix ans deséparation pour une performance sou­haitée vibrante et élégante. Autre option,les visages étrangement maquillés,mêlant rock, pop et electronic deHyphen Hyphen. L.Fe.Place Denfert­Rochereau, 75014.A partir de 19h30.

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PROJECTION DU DOCUMENTAIRE«ROUSSEAU MUSICIEN»Cour d’honneur de la mairie du 4e arrondissement,2, place Baudoyer. A 22h30.Projection du documentaire de Jean­Michel Djiansur Jean–Jacques Rousseau. Musique classique.

5e arrondissementENSEMBLE ALTA(SONNERIES MÉDIEVALES)Musée de Cluny, 6, place Paul­Painlevé.De 12h30 à 13h30.Concert de chalémie, bombarde, trompette àcoulisse, cornemuses par le trio Alta, avec PierreBoragno, Béatrice Delpierre, Pierre Hamon, GillesRapin. Musiques traditionnelles.

ZORNA, DJ MALIK, SOUAD,DJ DOR, SAMIR BENMESSAOUD…Parvis de l’Institut du monde arabe, 1, rue desFossés Saint­Bernard. A partir de 19h30.Cornemuse, chants des Aurès, raï, raï’n’b,reggada et gnawi du Maroc…Musiques du monde.

SOIRÉE IRLANDAISE :DELORENTOS & THE GLOAMINGCentre culturel irlandais, 5, rue des Irlandais.De 20 heures à 23h30. Grand concert en plein airavec les Dublinois de Delorentos, révélation de lascène indépendante qui ont remporté le prix du«meilleur album irlandais», et The Gloaming,qui confronte la musique traditionnelle à lamodernité. Rock et musiques traditionnelles.

INVOCATIONS SOUFIESCollège des Bernardins, 20, rue de Poissy.De 21 heures à 23 heures. Avec Kudsi Erguner(joueur de ney) et Pierre Rigopoulos (zarb).Musiques du monde.

6e arrondissementCHANTS DE BOHÊME­MORAVIEDANS L’ŒUVRE DE LEOS JANACEKCentre tchèque de Paris, 18, rue Bonaparte.De 19h30 à 21 heures. Ensemble Aposiopée, sousla direction de Natacha Bartosek.Musique classique.

«LES NUITS D’ÉTÉ» DE BERLIOZMusée Eugène Delacroix, 6, rue de Furstenberg.De 19 heures à 20h30. Représentation musicaleet littéraire autour des «Nuits d’été» de Berlioz,des écrits de Théophile Gautier et d’EugèneDelacroix. Avec Didier Sandre, Cyrille Dubois etJeff Cohen. Musique classique.

7e arrondissementTHE TALLIS SCHOLARSMusée d’Orsay, 62, rue de Lille.De 20h30 à 21h45. Deux œuvres mythiques dela musique baroque italienne, dont le XIXe sièclecontribuera à alimenter la légende, le Misereremei, Deus d’Allegri et Missa papae Marcelli dePalestrina. Musique classique.

LES GRANDS MOTETSEglise Saint­François­Xavier, 12, place du présidentMithouard. De 20h30 à 22 heures.Motets de l’époque baroque à nos jours, musiquevocale de la liturgie catholique. Chorales.

8e arrondissementCHŒURS WESLEY MUNC,CARPE DIEM ET L’ENSEMBLE VOCALCLAUDE DEBUSSYEglise de la Madeleine, place de la Madeleine.De 15h30 à 21h30. Interprétations d’œuvres dePitoni, Charles Stanford et Maurice Duruflé parles chœurs Wesley Munc et Carpe Diem, à 15h30.Puis à 20 heures, récital de l’ensemble vocalClaude Debussy interprétant des œuvres de FélixMendelssohn, Ned Rorem, Benjamin Britten,Pablo Casals et Philippe Mazé. Chorales.

LE PETIT PALAIS FÊTE LA MUSIQUEMusée des Beaux­Arts de la Ville de Paris,auditorium, avenue Churchill.16 heures: Schumann par Samuel Hasselhorn,Pierre­Yves Hodique ; 16h30: Fauré, Brahms,Ropartz, Ravel et Mozart par Anas Seguin etDamien Philippe; 17 heures: Debussy, Ciry,Poulenc, Schumann… par Marie Perbost etJoséphine Brault ; 17h30: Haydn, Bernstein, Berg,Strauss, Debussy par Jeanne Crousaud et LiseCharrin… Musique classique.

CHARLIE BIRDY FÊTE LA MUSIQUECharlie Birdy, 124, rue de la Boetie. Dès 19 heures.Spleen et Rollmops. Funk, soul et rock.

CONCERT FRANCO­BULGAREInstitut culturel bulgare, 28, rue la Boétie.De 19h30 à 21 heures. Au programme des œuvresde Haydn, Brahms, Chopin… Musique classique.

9e arrondissementZAZIE, LA GRANDE SOPHIE,CHRISTOPHE, BALTHAZAR…Olympia Bruno Coquatrix, 18, rue de Caumartin.De 7 heures à 3 heures samedi. Rock et pop.

10e arrondissementART IS A LIVENew Morning, 7­9, rue des Petites Ecuries.De 20 heures à 5 heures le samedi.Jazz tous styles, funk, groove, r’n’b, soul.

12e arrondissementLE PETIT BAL DE LUSITÂNIACité nationale de l’histoire de l’immigration,Palais de la Porte Dorée, 293, avenue Daumesnil.De 18 heures à 23 heures.Musiques du monde et traditionnelles.

LES MAJORETTES DU LYCÉENUMÉRO 1 DE JEUNES FILLESDE TAIPEIParc de Bercy (au niveau de la cinémathèquefrançaise). De 19 heures à 20 heures. Fanfarefondée en 1959. Harmonie, fanfare.

14e arrondissementCHORALE À TIRE D’ELLESKiosque à musique du parc Montsouris, boulevardJourdan. De 20 heures à 21 heures.Polyphonies classiques de Bach à Fauré enpassant par Carrissimi et Mozart

HIFANAMaison de la culture du Japon, 101 bis, quai Branly.De 20 heures à 21h30.Musiques électroniques.

16e arrondissementMUSIQUES D’ASIE ET D’OCCIDENTAU MUSÉE GUIMET6, place d’Iéna. De 16 heures à 19 heures.Musique classique, musiques du monde ettraditionnelles

17e arrondissementORCHESTRE GERAÇÃOConsulat général du Portugal, 6, rue Georges­Berger. De 12h30 à 13 heures.Chorale jeune public (32 enfants de 8 à 15 ans).Musique classique, musiques du monde ettraditionnelles.

18e arrondissementSOUTOUR,SOLIDARITÉ AVEC LA SYRIEInstitut des Cultures d’Islam, 19, rue Léon.De 21 heures à 22 heures.Musiques du monde et traditionnelles.

19e arrondissementLA CITÉ FÊTE LA MUSIQUECité de la Musique, 221, avenue Jean Jaurès.De 17 heures à 22 heures.Harmonie, fanfare, jeune public, musiqueclassique, musiques du monde et traditionnelles.

LAPLAGE OPENINGGlazart et LaPlage de Glazart, 7­15, avenue Portede la Villette. De 18 heures à 6 heures samedi.Musique électronique.

20e arrondissementRODA DO CAVACOStudio de l’Ermitage, 8, rue de l’Ermitage. A partirde 18h30. Initiation au cavaquinho avec FernandoCavaco. Musiques du monde et traditionnelles.

PARISPARIS1er arrondissementLES 36 HEURES DE SAINT­EUSTACHEEglise Saint­Eustache, place du jour.De minuit à 20h15 le samedi.00h01: Samba de la Muerte (indie folk) ;0h30: Baden Baden (indie pop);1 heures: Arlt et Thomas Bonvalet (folk­chanson);2 heures: Nicolas Ker (Poni Hoax) et MohiniGeisweiller (indie rock);3 heures: Divine Paiste (electro­rock);4 heures: Etienne Jaumet (electro)…Samba, indie pop, folk, eletro, cold wave.

PARIS TAIKO ENSEMBLEPlace du Carrousel du Louvre.De 19 heures à 21 heures.Ensemble de 7 musiciens qui pratiquent le taiko,percussions japonaises traditionnelles.Musiques du monde.

LAURENT DE WILDEDuc des Lombards, 42, rue des Lombards.A 20 heures et 22 heures.Le pianiste Laurent de Wilde invite la chanteuseChina Moses pour deux sets. Avec Julien Alourà la trompette, Pierrick Pedron et GuillaumeNaturel au saxophone, Diego Imbert à lacontrebasse et Julien Charlet à la batterie.Jazz.

ORCHESTRE DE PARISMusée du Louvre (sous la pyramide).De 22 heures à 23 heures.Sous la direction de Paavo Järvi, l’Orchestre deParis interprète la première symphonie enré majeur, «Titan», de Mahler. Musique classique.

3e arrondissementNORTH PROJECTInstitut suédois, 10, rue Elzévir.De 18 heures à 22 heures.Danses traditionnelles, concert protéiforme auxarrangements vocaux a capella du producteuret compositeur anglais MaJiKer. Avec lui, laNorvégienne Thea Hjelmeland, Ellekari Sanderdu duo suédois The Tiny, la chanteuse jazz GiselaRazanajatovo et Diane Villanueva, chanteusefranco­espagnole adepte des percussionscorporelles. Musique folklorique revisitée.

4e arrondissementCLARIJACour de la bibliothèque historique de la Ville deParis, hôtel de Lamoignon, 24, rue Pavée.De 20h30 à 21h45. Chanson.

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Quelques gommettes, despschitts de spray colorés,2 kilos de post­it et unebonne dose d’humour sontles ingrédients qu’a utilisésOlivia Frémineau pourcomposer les photographiesde ce supplément. Laphotographe, 33 ans,ancienne élève de l’Ecoledes arts décoratifs (sectionobjet), résidente de Saint­Maur et spécialiste desnatures mortes loufoques,nous a concocté une recettepétillante. Elle a suivi son«envie d’images gaies etdrôles pour montrer demanière positive la cultureen Ile­de­France» et atravaillé sur «l’idée dedissémination» : la culture sedévore dans les lieux dédiésà l’art ou à la science, puisson goût se diffuse dansle corps et l’esprit comme unbonbon que l’on savourependant longtemps. Tiens,sur ce mur de Vitry, cespetits points jaunesrappelleraient­ils une toilede Niele Torini? Et là, cettevoiture pleine de post­it, unehallucination ou uneinstallation?

C.M.

OLIVIAFRÉMINEAU

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013VIII • FORUM ÎLE­DE­FRANCE VA VOIR VA SAVOIR !

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Sous l’œil d’OliviaFrémineau, lesmurs de Saint­Maur­des­Fossésse parent dejaune (à gauche),une vieille Saabse grime enpatchwork(ci­contre) et lenouveau théâtrede Montreuil faitle point sur lefestival BanlieueBleues, qu’il aaccueilli en avril(ci­dessous).

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013 VA VOIR VA SAVOIR ! FORUM ÎLE­DE­FRANCE • IX

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Da n s l ebus 252, lechauffeur al-lume la radio,un fond derap améri-cain pour

bercer les passagers. A l’arrêtdu Globe, entre le boulevardGorki et l’avenue de Sta-lingrad, un supermarchééclipse le conservatoire demusique et de danse. Bien-venue à Stains, communedécrépite de la banlieuenord, l’une des plus pauvresde France où, pourtant,sonates, symphonies etconcertos résonnent familiè-rement.Défi. Il est 18 heures, uneassemblée multiethnique dejeunes de 11 à 13 ans (dontseulement trois garçons) in-vestit l’auditorium de l’écolede musique, violons et vio-

loncelles en main. C’est ladernière répétition avantl’audition face aux parents,qui aura lieu un peu plus tarddans la soirée. Les élèves ontfait un effort vestimentaire,chaussures vernies pour cer-taines, robes satinées pourd’autres, vêtus sobrement denoir pour la plupart.Zahia Ziouani, chef d’or-chestre, à la tête de l’établis-sement depuis 2004, arrivetout juste d’une répétition àPantin. Dans une heure, lesparents seront là, pas uneminute à perdre: «Vous êtesaccordés ?» Les élèves fonttimidement non de la tête.D’un coup de baguette, elleaccorde prestement les25 instruments. Le défi est detaille : faire jouer ensembledeux formations dont lesélèves ont seulement deux outrois ans de pratique…La directrice concentre sesefforts sur un morceau demusique folklorique d’Amé-rique du Nord, clou du spec-tacle. Commence alors unimbroglio sonore quelquepeu grinçant, chacun jouant

pour soi. Un violoncellisteregarde son instrument, l’airétonné, comme s’il lui avaitjoué un mauvais tour. ZahiaZiouani ne les ménage pas :«Ce n’est pas possible ! Vousdevez jouer comme si c’était leconcert! Les violons, vous alleztrop vite, surtout regardez-moi !» Pour ordonner cettetendre cacophonie, les grou-pes répètent l’un aprèsl’autre. Ça chuchote, çabâille discrètement derrièrela volute de l’instrument. Et,petit à petit, à force d’efforts,l’ensemble prend forme.Isabelle, premier violon, tapela mesure avec le pied. D’ori-gine coréenne, elle appar-tient à une famille de mélo-manes résidant à StainsVillage, la partie la plus aiséede la ville: «Mon frère faisaitdu violon, je me suis dit pour-quoi pas moi ? Ma mère nous

a toujours affirmé quela musique était utiledans la vie.» Prisca,haïtienne d’origine,s’est, elle, décidée à lasuite d’un concert :«Ma mère aime bien lamusique classique. Au

départ, elle avait peur que cesoit trop cher, et puis elle s’estrenseignée et elle a dit que jepouvais.» Contrairement àIsabelle, sa famille habite lequartier du Clos Saint-La-zare, cité de plus de10000 habitants, davantageconnue pour sa violence quepour ses sérénades.Valeurs. La mixité culturelleet sociale fut pendant dix ansla priorité de Zahia Ziouani.La chef d’orchestre, dotéed’une volonté de fer, a suemmener avec elle les élus etles acteurs culturels locaux.Un acharnement qui sembleavoir porté ses fruits. «L’ob-jectif était de faire connaître lesactivités de l’école de musiqueau plus grand nombre de Sta-nois, que ce lieu ne soit pas ré-servé aux jeunes des quartiersrésidentiels. Nous avons invitédes classes, parfois décentra-lisé des concerts dans diffé-rents lieux de la ville. Pourcela, on s’est beaucoup ap-puyés sur des acteurs de ter-rain comme les éducateurs descentres sociaux ou des mai-sons de quartiers. C’était pri-

«L’objectif était de faireque ce lieu ne soit pasréservé aux jeunes desquartiers résidentiels.»Zahia Ziouani chef d’orchestre

18HÀSTAINSLAMUSIQUEÀPORTÉEDECHACUN

Zahia Ziouani,jeune, femme,d’originealgérienne, etchef d’orchestre.

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013X • FORUM ÎLE­DE­FRANCE VA VOIR, VA SAVOIR !

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On y fabriquait dessacs en toile de jute,on y joue désormaistoutes les musiques

improvisées du monde. A lafrontière de Pantin et d’Auber-villiers, une salle de concertcourageuse s’est installée de-puis 2006 entre les kebabs del’avenue Jean-Jaurès et le silencedu cimetière parisien de Pantin-Bobigny. La Dynamo est l’enfantde Banlieues bleues, festival uto-pique né en 1984 pour diffuserle jazz à travers la Seine-Saint-Denis.Maloya. Depuis, les villes dudépartement voient chaque an-née, à l’heure où le printempss’installe, revenir le festival leplus baladeur d’Ile-de-France,capable de remplir l’Espace 93de Clichy-sous-Bois avec unrappeur saxophoniste encore in-

connu –Soweto Kinch, c’était le23 avril. En 30 éditions, Ban-lieues bleues a évolué avec lejazz, mis les improvisateurs àl’honneur et convié aussi bien lemaloya réunionnais, l’électro-nique norvégienne ou le blues duMississippi.Cette bougeotte modèle ayantmalgré tout besoin d’un socleimmuable pour exister, l’équipedu festival s’est finalement ins-tallée à Pantin au milieu des an-nées 2000, dans un lieu qui luipermet aussi de proposer desconcerts toute l’année. Dansl’ancien bâtiment qui abritaitl’entreprise Noirot et Lefaux,spécialisée pendant une bonnepartie du XXe siècle dans la répa-ration et la fabrication de sacs, lacharpente métallique d’origineaccueille une très moderne sallede concert spécialement conçue

pour le jazz et les musiquesimprovisées, capable de sonnerparfaitement à bas volume.Coin. Mais tout cela serait futile,une énième transplantation d’unlieu fermé sur lui-même dansun quartier de banlieue, sansl’ouverture de la Dynamo à sonenvironnement. D’ateliers depercussions aux bals participa-tifs, en passant par des résiden-ces d’artistes qui travaillent avecles écoliers du coin, la salle res-pire avec son quartier et restitueses revendications populairesau jazz, qui fut longtemps unemusique de danse et de libertéavant d’être trop souvent réser-vée à un public savant.

SOPHIAN FANEN

La Dynamo de Banlieues bleues,9, rue Gabrielle­Josserand,93500 Pantin.Rens.: www.banlieuesbleues.org

19HBANLIEUESBLEUESÀPANTINLEBONLIEUJAZZ

Elle court de répéti-tions en concerts,de conservatoiresen auditoriums, de

Pantin à Stains, de Paris àAlger… A seulement34 ans, Zahia Ziouani, hy-peractive chef d’orches-tre (1), dirige non seule-ment le conservatoire demusique et de danse deStains, mais aussi le festi-val Classiq’à Stains, l’Or-chestre national d’Algérieet l’orchestre symphoni-que Divertimento qu’elle aelle-même créé, avec dejeunes étudiants, à l’âgede 20 ans. Son objectif ini-tial : mêler des jeunes deParis et de Seine-Saint-Denis.«Déclic». Rapidement, laformation se profession-nalise, elle réunit 70 mu-siciens qui ont en communl’envie d’offrir la musiqueclassique au plus grandnombre à travers diffé-rents programmes, tout enproposant un répertoireexigeant : Debussy, Mozartou Beethoven, mais aussides opéras et des musiquestraditionnelles de la Médi-terranée.Fille d’immigrés algériens,d’un milieu modeste maisféru d’art et de culture,Zahia Ziouani éprouve lebesoin de rendre ce qu’elle

a reçu : «Pour moi, c’estimportant d’être présentdans le parcours d’un enfantpour provoquer ce petit dé-clic que j’ai eu grâce à mesparents. Certaines familles,dont les références cultu-relles sont différentes du pa-trimoine européen, considè-rent que la musiqueclassique ne peut figurer surleur chemin naturel, parcequ’elles viennent d’un milieupopulaire.»Image. Biberonnée à lamusique classique, ellecommence la guitare à8 ans, puis se passionnepour le violon alto. A14 ans, elle se rêve déjàchef d’orchestre. On ne laprend pas au sérieux, àl’image de ces enfants quiveulent être astronaute ouprésident de la Républi-que. Le vrai déclic a lieulorsqu’elle rencontre sonmaître, Sergiu Celibida-che, le chef d’orchestreroumain, alors directeurdu philarmonique de Mu-nich. Jeune, femme, d’ori-gine algérienne, ZahiaZiouani ne correspond enrien à l’image masculine etélitiste du métier de chefd’orchestre. Et pourtant…

A.Vé.

(1) «La Chef d’orchestre», deZahia Ziouani, aux éditionsAnne Carrière (2010).

ZAHIAZIOUANILAFEMMEORCHESTRE

Culture pour tous, un leurre?Avec Alexia Fabre, Vincent Eches,Frédéric Hocquard et Zahia Ziouani.Samedi 22 juin, à 14h au MAC/Val.

Le choc des cultures?Avec Alain Finkielkraut, Philippe Coulangeon,Mokobé et Talila.Samedi 22 juin, à 10h30 au MAC/Val.

LES DÉBATS

mordial pour attirer des pu-blics différents.»Non sans rapport avec cettedynamique, l’école de mu-sique accueille en résidencel’orchestre professionnel Di-vertimento (lire ci-contre),crée par Zahia Ziouani. Trèsimplanté en Seine-Saint-De-nis, cet orchestre offre auxnovices la possibilité d’unrêve, celui de devenir con-certiste. Si Zahia Ziouani nese fait pas d’illusions, ellecroit dur comme fer auxvaleurs diffusées par l’or-chestre : «Les enfants sontvalorisés, ça leur permet de

s’accrocher à quelque chose.Ils apprennent les notionsd’écoute et de vivre-ensemble,et surtout que les intérêts col-lectifs sont placés avant lesintérêts individuels.»Devant l’auditorium, les pa-rents s’impatientent alorsque les professeurs donnentles dernières instructionsaux élèves. La lumière dé-cline, le silence s’installe etclapote la Claire Fontaine.

ANASTASIA VÉCRIN

Ce soir, concert gratuit del’école de musique et de danse.A 19 heures place Marcel­Pointet à Stains.

Annonçant, un peu vite, que l’Etat porterait leprojet. Fin 2011, le ministère rachetait le bâtiment.Mais sans réellement se soucier des 30 millionsd’euros nécessaires à sa rénovation et des 4 autrespour assurer annuellement son fonctionnement.Relance. A l’automne dernier, douche froide,dans un contexte de réduction budgétaire, la nou-velle locataire de la rue de Valois expliquait qu’ilfaudrait «redimensionner» et «retravailler» le pro-jet. Laissant comprendre à beaucoup sur le terrainqu’il pourrait être enterré. Mauvais signe pource quartier qui, malgré les millions dépensés enrénovation urbaine, tarde à trouver un nouveausouffle et, surtout, à effacer son image de citésinistrée.L’annonce du 6 juin sur la relance du projet a misdu baume au cœur des élus. Même si, pour l’ins-tant, il est surtout question de réfléchir aux condi-tions de son financement. Il n’est d’ailleurs pasexclu d’avoir recours, via la formation profession-nelle, à des financements privés. La mission a étéconfiée au conseiller d’Etat Thierry Tuot, spécia-liste des questions d’intégration mais aussi prési-dent du conseil d’administration de la Villa Médi-cis de Rome, par ailleurs, un ardent défenseur dela création d’institutions culturelles dans les quar-tiers populaires.

A.Gd

Pour l’instant, c’est juste une grosse tour àla silhouette courtaude, un immeuble debureaux à l’abandon, planté sur le plateaudes Bosquets, à cheval sur les communes

de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil, en Seine-Saint-Denis. Un bâtiment sans charme et sans uti-lité appelé cependant à devenir l’un des fleuronsde la politique culturelle en faveur des quartierspopulaires.Avenir. Le 6 juin, les ministres de la Culture et dela Ville, Aurélie Filippetti et François Lamy, ont eneffet annoncé la relance du projet d’une Tour Mé-dicis sur ce site. L’idée: transformer la tour en rési-dence d’artistes sur le modèle de la prestigieuseVilla Médicis de Rome, à la fois lieu de création etde formation. Et faire de ce quartier particulière-ment enclavé (on est à seulement 12 kilomètres deParis mais à plus d’une heure en transports encommun) un endroit où l’on vient, enfin. La tourdevait également abriter une école de la deuxièmechance et une prépa aux écoles d’art.Le projet avait été initialement pensé et soutenupar le journaliste et médiateur de Radio France Jé-rôme Bouvier. Avec le souci d’offrir un avenir am-bitieux à ce quartier marqué au fer rouge par lesémeutes urbaines de l’automne 2005, dont il futle point de départ. L’ex-ministre de la Culture,Frédéric Mitterrand, avait été séduit par l’idée.

18H30UNEVILLAMÉDICISÀMONTFERMEILFENÊTRESURTOUR

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013 VA VOIR, VA SAVOIR ! FORUM ÎLE­DE­FRANCE • XI

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You Rock!Avec Yves Bigot,Jean­Paul Huchonet Mademoiselle K.Samedi 22 juin,à 14h au MAC/Val.

Tousmécènes!Avec Ann d’Aboville,Vincent Ricordeau,Sébastien Fumaroliet Corinne Rufet.Dimanche 23 juin,à 14h au MAC/Val.

LES DÉBATS

Les marronniers sontcentenaires, les tran-sats disposés surl’herbe, les familles,

les copains, les jeunes, lesvieux et les gamins s’instal-lent pour le «pique-nique desaison» de la Ferme du buis-son, à Noisiel (Seine-et-Marne). Ce soir, dîner in-dien. Prix d’entrée: 5 euros,mais il faut apporter un des-sert. A la billetterie, on aper-çoit dans les paniers desparticipants d’appétissantsgâteaux embarqués illico parles organisateurs. Il ne faitpas chaud-chaud, mais avecles couvertures fournies auxfrileux, ça va le faire.Vie. On se sert aux buffetspour manger (curry ou tan-doori) et boire (lassi ou théglacé). Le trio folk Sparky inthe clouds gratte ses accordsde guitare sur la scène. L’am-biance est joyeuse et calme àla fois, l’assistance métissée.S’il existe de bons momentsdans la vie, manifestement,en voici un.La Ferme du buisson est unescène nationale située dansla ville nouvelle de Marne-la-Vallée. Le pique-nique sepasse devant le Caravansé-rail, grande structure en boissurmontée d’un toit de toile.La Ferme compte aussisix salles de spectacle, deuxde cinéma, un centre d’art,une médiathèque et un pou-lailler comptant trois poules,pour l’heure coursées par lesenfants.L’endroit fut vraiment uneferme, celle de la ville nou-velle de Marne-la-Vallée,dont elle partage l’architec-ture de briques ouvragées dela fin du XIXe siècle. Le lieuest historique et splendide.La ville autour est récente.«Ici, résume Vincent Eches,le directeur, il n’y a pas lefond de public des villes deprovince, pas de bourgeoisie.»La sociologie est plutôt celledes petites classes moyen-nes, avec 70 nationalités etdes problèmes croissants depaupérisation. Les gens ducru représentent quandmême 55% du public, ame-nés vers une programmationparfois assez calée grâce àune tarification imbattable

– avec la carte annuelle(16 euros), les spectacles sontà 9 euros, le cinéma à4 euros.La veille, par exemple, unerencontre avec le cinéasteAlain Guiraudie après la pro-jection de l’Inconnu du lac.Vincent Eches raconte avoirorganisé un concert de mu-sique contemporaine quis’écoutait immergé dans lapiscine municipale. La se-maine dernière, on a pu yvoir, pour 5 euros, IsabellaRossellini et son Green porno-Bestiaire d’amour qui tour-nera ensuite dans de grandessalles. Le lieu accueille enoutre des résidences d’artis-tes et produit des spectacles,comme Anna, comédie mu-sicale inspirée du film épo-nyme, qui se répète sur lascène de la grande salle, àtrois pas du pique-nique.Rencontre. Les «buisson-niens» font confiance àl’institution. «On n’est ja-mais déçu», souligne uneparticipante au hasard desconversations sur l’herbe.«On a la carte, on a nos habi-tudes», disent Yalomé et Cy-riaque, un couple originairedu Bénin. Carmen, retraitée,parle d’«un beau mélange depopulation». La Ferme, ré-sume Philippe, «c’est un gé-nial lieu de rencontre. Les pro-grammations, les spectaclessont toujours de très grandequalité». Le cinéma, ajoute-t-il, «est vraiment une salle decinéphiles. Je viens voir ici desfilms que je n’aurais pas choi-sis spontanément». Quand onhabite en ville nouvelle,peut-être est-on plus ouvertà la nouveauté… Pour Laëti-tia, chercheuse, «toute la villenouvelle est comme ça : on ades vieilles pierres mais onn’en est pas prisonniers».Ce soir-là, la Ferme a servi550 repas. Et tandis qu’on lesavait oubliés, les gâteauxsont apparus comme parmagie. On se retourne et lesvoilà, disposés sur de gran-des tables sorties en un clind’œil des dépendances parles organisateurs. On a toutpartagé et tout mangé. Déci-dément, la Ferme du buissonest un lieu généreux.

SIBYLLE VINCENDON

Affirmer que«la mortsonne tou-jours deuxfois», pourreprendre letitre d’un

film réalisé en 1969 par Ha-rald Philipp, paraît un peuexagéré. C’est pourtant cequi est arrivé au cinéma leTrianon. On se demandecomment le seul cinéma deRomainville, situé place Car-not, a bien pu traverser lesdécennies. Né en mêmetemps que le cinématogra-phe, il a vu la mort de près àdeux reprises. La premièrefois, c’est une erreur gros-sière. En 1944, les bombar-dements alliés le détruisenten se trompant de cible. Ilsvisaient la gare de Noisiel àune bonne vingtaine de kilo-mètres de là. En 1953, le

Trianon renaît de ses cendressous sa forme actuelle. Pen-dant une trentaine d’années,la famille Seigneur exploitele lieu avant de déposer le bi-lan. Seconde mort, juridico-économique cette fois.Pour éviter la fermeture de la

salle, les deux communes deRomainville et de Noisy-le-Sec rachètent les murs, et lesfilms reviennent à l’écran.C’est l’exception culturellemunicipalisée.Décor. Le Trianon est avanttout un tisseur de liens entreles habitants de ces deux

communes. Entre les géné-rations aussi. Cheveuxcourts, la quarantaine pim-pante, trois petits autourd’elle, cette mère de familleconfie s’y être rendue petitefille, accompagnée de samarraine, avant d’y revenir

avec ses pro-pres enfants.La program-mation pour lejeune public yest en effet«excellente»,dit-elle, elleleur a même

fait découvrir des «films despays de l’Est», selon uneautre jeune mère du quartierpour qui le Trianon «est lemoteur culturel de la ville».Pas moins. D’ailleurs, elleattendra «un mois s’il le faut»pour voir un film à Romain-ville.

22HAUTRIANONDEROMAINVILLELECINÉMASÉANCETENANTE

Le cinéma affiche un jolipalmarès: entre films d’auteuret films grand public, avant-premières et rencontres,le Trianon ne cesse desurprendre ses fidèles

20HNOISIELL’ARTÀFOISONÀLAFERMEDUBUISSON

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013XII • FORUM ÎLE­DE­FRANCE VA VOIR, VA SAVOIR !

Page 33: Liberation 21.06.2013

Défendre un cinéma de qua-lité tout en désacralisant leseptième art, tel est l’équili-bre que le Trianon s’efforcede trouver. De ce point devue, le cinéma affiche un jolipalmarès. Classé art et essai,il cumule deux labels :«jeune public» et «patri-moine et répertoire». Ne luimanque que celui estampillé«recherche et découverte».Entre films d’auteur et filmsgrand public, avant-premiè-res et rencontres, le Trianonne cesse de surprendre sesfidèles. Ruben Alves, le réali-sateur de la Cage dorée, y aainsi mobilisé toute la com-munauté portugaise.Tous les ans, Romainvillois etNoiséens attendent doncavec impatience «Noël enfête», quand le Trianonchange de décor. Quel plusbeau cadeau que de pénétrerdans l’univers de Chantonssous la pluie et d’incarner uninstant Gene Kelly, halld’entrée revisité en rue pa-vée et parapluie offert ?Quand, en 2011, le cinémadoit fermer pour travaux, lafrustration des spectateursest palpable. «Vous nousmanquez, mais nous auronsbientôt un nouveau Trianon!»témoigne ce message d’im-patience laissé sur la pageFacebook du cinéma.Une petite année a bien éténécessaire pour restaurerl’établissement mais l’idéen’était pas de faire un «nou-

veau» cinéma, plutôt de ra-fraîchir l’ancien. Le Trianonde la place Carnot a donc re-trouvé son aspect des an-nées 50. Pas question de dé-naturer un bâtiment inscritdepuis 1997 à l’Inventaire desmonuments historiques.Néons. En grattant les cou-ches successives, les peintresont même récupéré la cou-leur d’origine, un blanccrème légèrement jauni. Lestyle a été ressuscité, les ar-rondis de la façade à nouveausoulignés par de gros néonsrouges, et le nom affichédans une typographie artdéco. Eclat de jeunesse re-trouvé, Eddy Mitchell peutdormir tranquille !Le lieu a en effet été renducélèbre par l’émission laDernière Séance qu’a présen-tée le rocker avec gouaille et

passion de 1982 à 1996.Consacrée aux films améri-cains, bons ou mauvais,grands ou petits, incontour-nables ou accessoires, elle luia permis de rouvrir ses por-tes, même si le fameux néon«la Dernière Séance» acédé la place à un banal«Accueil».Aujourd’hui, c’est le Facteurqui sonne toujours deux foisau Trianon (dans ses deuxversions, celle de 1946, deTay Garnett avec Lana Tur-ner ou celle de 1981, deBobRafelson avec Jack Nichol-son), ce qui permet à la sallemythique de s’amuser des15 salles et 3 300 fauteuilsdont s’enorgueillit, à quel-ques encablures de là, lemultiplexe UGC de Rosny-sous-Bois.

JUSTINE BRAIVE

Le lieu n’a que le charme lointaind’un bâtiment fonctionnel, unbloc de béton armé dont lesflancs sont attaqués par une

rampe qui donne accès à de grands pla-teaux vides. La Sira était une imprimerieindustrielle dans un quartier de petitesentreprises perdues entre la natio-nale 315 et la Seine, à Asnières. On yvient en voiture et, le week-end, lesseules traces de vie qu’on y croise sontles vigiles épuisés qui surveillent desimmeubles désertés.Taxi. Depuis quelques mois, la Sira étaitinvestie par Surprize, une agence quiorganisait déjà les soirées Scandale dansla capitale – notamment au Batofar,amarré au pied de la BNF– et qui s’estdéplacée par-delà le périphérique pourmonter les Concrete, ces fêtes qui com-mencent le dimanche dès l’aube pours’achever le lundi matin. Ces événe-ments se sont rapidement fait remar-quer en France et en Europe.Très majoritairement parisien, le publicvient sapé et bien souvent en taxi : lesConcrete ne sont pas des free partiesprolétaires et anarchisantes commel’Ile-de-France en a connues dans lesannées 90, mais une extension banlieu-sarde des nuits branchées du Showcaseou du Social Club. Elles ajoutent à unemusique bien pensée le petit frisson

exotique qui consiste à aller danser dansune vieille imprimerie d’Asnières.Peur. Dans la foulée de cette réussite,la Sira devait accueillir mi-mai la pre-mière édition du festival Weather, orga-nisé par la même équipe, une nouvelleétape dans la redécouverte de la ban-lieue par un public parisien encore fri-leux dès qu’il faut marcher plus de300 mètres à la sortie d’un métro. Maisla soirée s’est retrouvée annulée au der-nier moment, la mairie d’Asnières de-mandant soudain à revoir les dispositifsde sécurité d’un lieu qui accueille pour-tant régulièrement plus d’un millier depersonnes depuis le mois de janvier.«Personne ne voulait assumer la respon-sabilité d’une “rave” [le mot est sortiplusieurs fois, ndlr] avec l’aval de la mu-nicipalité à moins d’un an des élections lo-cales», estiment les organisateurs, tan-dis que la mairie a regretté «la légèretéavec laquelle [ces derniers] traitent lesconditions d’accueil du public». Le dos-sier en reste là pour l’instant.Alors que la musique électronique pen-sait s’être tirée d’une époque où ses ha-bitudes nocturnes faisaient peur, que labanlieue parisienne regorge de lieux àl’abandon, la mésaventure de la Sira faittache dans le paysage du Grand Paris.

SOPHIAN FANENwww.concreteparis.fr

23HFREEPARTYÀLASIRAD’ASNIÈRESLAFIÈVREDUDIMANCHEMATIN

Le cinéma en Seine­Saint­Denis ne se résume pas à laCité du cinéma, le «Hollywood­sur­Seine» rêvé par LucBesson à Saint­Denis. Cinémas 93, associationregroupant 23 des 26 cinémas publics (dont le Trianon),fait vibrer les toiles du département. Créée en 1996, ellea la lourde tâche de défendre ce réseau fragileconcurrencé par l’arrivée des multiplexes. Il faut savoir«jouer la carte de la différence», selon Annie Thomas,directrice du cinéma de Romainville et présidente del’association. Cinémas 93 participe également audispositif «aide au film court», un coup de pouce à lapost­production qui a permis au film de Maryna Vroda,Cross, de recevoir la palme d’or du court métrage duFestival de Cannes. www.cinemas93.org

LES TOILES FILANTES DU 93

A la Ferme duBuisson (photo de

droite), à Noisiel,répétition de la

comédie musicaleAnna, inspirée dufilm éponyme, qui

se jouera enoctobre.

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013 VA VOIR, VA SAVOIR ! FORUM ÎLE­DE­FRANCE • XIII

Page 34: Liberation 21.06.2013

«Ah putain, Gérard, ça faitplaisir ! Ça va ? T’es tou-jours vivant? En tout cas,t’as l’air !»De le revoir, quarante ansaprès au bas mot, lamême casquette en cuir

beige, la même canadienne en cuir fauve, lamême gueule en cuir frappé, et le rictus pa-reil, ça m’a fait un choc. Raymond, Raymond«le démonte-pneu», comme on le surnom-mait à l’époque. Pilier incontournable et in-cassable du service d’ordre de la CGT desélectriciens de la centrale Arrighi de Vitry,en bas, près de la Seine. Ce mec, on se l’étaitcogné une bonne dizaine d’années, voire pluset au sens propre du terme. Car c’était plutôtlui qui nous prenait pour des punching-balls,et on n’a jamais vraiment pu lui mettre la ca-lebasse au carré. Qu’est-ce qu’on l’a haï, cesbire, à tel point que l’on s’est habitué à lehaïr et qu’il nous aurait presque manqué s’ilavait disparu dans les bureaux insondablesde la fédé.Nous/on, c’était la (petite) section @nar deVitry. Les stals nous connaissaient par cœur,nous avaient largement tapissés, nous fou-taient la paix si on les croisait au Printania(là, on n’avait droit qu’à divers nomsd’oiseaux exotiques ne vivant qu’en Allema-gne de l’Est), mais, dans une manif, cen’était pas pareil, ils avaient l’habitude dese faire la main, qu’ils avaient lourde etépaisse, sur nos carcasses de gauchos infan-tiles, appointés par le capital international,vendus à l’impérialisme, traîtres à la classeouvrière que, même, ils étaient prêts à par-donner aux trotskos de nous avoir décimésavant eux.Surtout le 1er mai, où l’on était parqué en finde cortège, pour que la peste dont nousétions atteints ne contamine pas ces beauxmilitants, il y avait toujours un cordon sani-taire de gros bras dont Raymond, qui extir-pait alors de sa manche son célèbre démonte-pneu, était l’un des responsables.— Ah Gérard, qu’est-ce qu’on se marraitavant, hein ?— Euh… C’est peu de le dire…— Maintenant, c’est plus pareil, on n’a plusle droit de vous écraser la gueule.— Pas de bol, Raymond… La vieillesse est un

long naufrage.Mais il ne m’écoutait pas. Il regardait loin de-vant.— Tiens, regarde, les bleus sont là, ça, ça nechangera jamais.En effet, une compagnie de CRS venait de segarer un peu plus loin, avenue Gagarine, prèsde la Mairie. J’ai pensé un court instant que,si ça virait vinaigre, je n’avais plus qu’à meplanquer derrière le gros et inébranlable Ray-mond. Même si j’étais vieux, perclus et re-traité, ce ne serait pas encore aujourd’hui queles chaussettes à clous me mettraient le grap-pin dessus.J’avais quitté mon antique pavillon loi 48,quartier de la gare, pour voir de près la ma-nif, ce n’est pas tous les jours qu’à Vitry ons’amuse. C’étaient les employés d’une grosseentreprise, la Socamac, qui avaient apprisdepuis peu qu’ils allaient être dégraissés à

sec, avant que la centrale thermique voisinene soit démontée… Dans moins de dix-huit mois, une centaine de travailleurs sur lecarreau.Et aujourd’hui, en masse, entourés de lamanne intersyndicale, ils venaient hurlerleur dépit devant la mairie de Vitry, avant de,plus tard, monter à Paris, deux stations deRER, pour gueuler leur désespoir et aussi leurdétermination. Comme c’étaient, pour laplupart, des métallos, la préfecture se mé-fiait, les boulons pouvaient voler bas, elle ve-nait donc d’envoyer la maréchaussée pouréviter les «débordements», qui n’étaient pasdes applications de la pensée de Guy Debord,mais des pneus qui brûlent, des bagnolesrenversées, des Abribus réduits à l’état de si-lice en poudre et des ersatz de barricades.Le visage de Raymond était à la fois éclairépar la ferveur, des collègues ne baissaient pasles bras et affrontaient l’adversité, calicots enmain, et assombri, comme toujours, par laprésence policière.— Mort aux vaches ! il s’est mis à gueulerd’une belle voix de tribun au rancart.Là, c’était trop. Que ça fasse années 50, passeencore. Mais englober les vaches, nos secon-des mamans, dans cette haine générale,c’était trop.— Dis donc, Raymond, elles t’ont rien fait lesvaches !— Qu’est-ce que t’as ? T’as des vers ?— Moi, figure-toi, les vaches, elles m’ontpeut-être sauvé la vie.Il m’a regardé comme si je venais de luiavouer que j’étais le fils inconnu de GeorgesSéguy. Ou, plus extraordinaire encore, deGaston Plissonnier.Un peu plus haut, les premières lignes de lamanif s’arrêtèrent, fébriles, à 5 mètres ducordon bleu.

lDans ma jeunesse, à Vitry, avant de me faireincessamment courser, les soirs de collage,par les militants communistes, j’avais prisl’habitude de ce genre de sport avec les lou-lous. Jusqu’à cette époque, au début des an-nées 60, la capitale du lilas était restée quasi-ment une petite ville de campagne. Lespremières cités se construisaient, pour laplupart des gens c’étaient des palaces à salles

JEAN­BERNARD POUY, né en 1946, agrandi à Vitry­sur­Seine. Il est l’auteurd’une centaine de romans noirs, dontonze à la Série Noire (Nous avonsbrûlé une sainte, Suzanne et lesRingards, la Pêche aux anges,l’Homme à l’oreille croquée, le Cinémade papa…) et d’un très grand nombrede nouvelles et d’articles. Il estdirecteur et créateur de collections(dont Le Poulpe), grand amateurd’écriture à contrainte (et membre des«Papous» de France­Culture),défenseur opiniâtre de la littératurepopulaire, partagé entre critiquesociale, distance cynique et gravitélibertaire. Il voudrait être considéré(c’est lui qui le dit) comme un « stylistepusillanime», alors qu’il n’est, précise­t­il, que la cause d’une certainedéforestation. Il publie à la rentrée,entre autres, Calibre 16 mm (éd. In8).

POUYNOIRSURBLANCA

FPMORTAUXVACHES!

UNENOUVELLEINÉDITEDEJEAN-BERNARDPOUY

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013XIV • FORUM ÎLE­DE­FRANCE VA VOIR, VA SAVOIR !

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de bain, et il y avait encore la marchande depeaux de lapins, des lampadaires à gaz aucoin des rues et des courses de vélo. Et desblousons noirs, sortes de corbeaux perchésà certains points stratégiques, en générall’entrée de bars à flippers et des rades à baby-foot. Moi, j’étais du quartier de la gare, asseztranquille, mais tout près, il y avait la cité desCombattants où une bande assez réputée ré-gnait comme Tamerlan sur le Daguestan.Les blousons noirs, les BN, n’avaient surtoutpas l’air de chocos. Nos skinheadsd’aujourd’hui, à côté, des danseuses en tutu.Pas le genre dangereux, non, mais le genre«sauvage». D’ailleurs, les Chats sauvagesétaient les totems de ceux des Combattants,alors que les Chaussettes noires étaient lesdieux de tous ceux qui venaient du Plateau,là où était tapie l’ancienne mairie. Il y enavait même, quasi suicidaires, qui défen-daient Danny Boy (et ses Pénitents) ou DanyLogan (et ses Pingouins). Voire Moustique,de la Bastoche. Même si tous tombaient d’ac-cord sur la grandeur et la prééminence deVince. Vince «my Taylor is rich».Les loulous vitriots ne se castagnaient paspour défendre Karl Marx ou Bakounine, En-gels ou Trotski. Ils avaient d’autres punaisesà fouetter. La grande majorité se baladaitsur des meules Motobécane, bleues, parfoisorange, même si, une fois qu’elles étaientpassées dans les mains des bricolos à ba-nane, on ne les reconnaissait pas toujours.Les guidons surbaissés et raccourcis, les pé-dales démontées, les sacoches à franges, lespistons limés et des pots d’échappementdestinés théoriquement à des caravelles.Mais, le fin du fin, c’étaient ceux qui che-vauchaient des Malaguti ou des Gitane Testi.Là étaient la classe et le danger. Moi, monquartier était définitivement Testi. Et mêmesi l’on ne faisait pas partie de cette petite ar-mée à chaînes de moto et bagues tête demort, il fallait assumer quand une pétara-dante et provocatrice Malaguti se pointaitdans les environs, à ses risques et périls.Cette dichotomie gominée, on l’évitait soi-gneusement, fallait simplement changer detrottoir, ne pas fréquenter les mêmes flip-pers, et faire très attention à nos joyeusesquand on se décidait quand même d’aller, yavait pas de raison, s’éclater au volant d’uneauto-tamponneuse.Et c’est justement lors d’une de ces péril-leuses incursions en territoire ennemi que j’aivécu l’une des expériences les plus trauma-tisantes de ma vie de banlieusard jusque-làassez paisible.Il y avait une petite fête foraine sur la placedu Marché, près de l’église Saint-Germain,le joyau gothique de Vitry. Le terrain étaitvaguement neutre, mais on savait que, le soirvenu, les Malagutistes et les Testiens (que,nous, on appelait les Testicules) se retrouve-raient autour du même manège et qu’alors,valait mieux ne pas traîner ses guêtres dansles parages. Donc, on avait décidé, deux po-tes et moi, d’aller jouer les fous du volantdans l’après-midi.Quand nous sommes arrivés, il y avait uneescouade de Testiens déjà sur place, assise,comme des vautours immobiles, sur les ram-bardes, commentant méchamment les per-formances des pékins qui s’exprimaient surle plancher électrique, et vannant les gon-zesses à queue-de-cheval qui les accompa-gnaient en couinant. J’ai repéré quelques flicsen képis, noyés dans la maigre foule. Pas deproblème, on pouvait y aller. On s’est faittrois tours sauvages, les chocs, souvent fron-taux, étaient rudes, et quand je passais englissant près des loubards, ceux-ci me zieu-taient d’un œil vide et dédaigneux.Mais, au moment où je suis descendu de monengin interplanétaire, l’un des Testicules a

posé un pied à terre et m’a piqué ma cas-quette. Que, sans réfléchir, j’ai récupéréeillico. Dans le mouvement, le loulou a faillibasculer de l’autre côté de son perchoir. Là,je me suis pris un méchant coup de latte dansle dos. En me retournant, plus pour me pro-téger que pour en découdre, j’ai constaté queles ennemis étaient prêts à la baston. Alors,courage, fuyons.On a détalé vers l’église, les loulous à nostrousses. Comme il y avait un peu de monde,femmes et enfants, la fête à neuneu, on aréussi à ne pas se faire rejoindre avant la ruede l’Abbé-Dhéry. Nous nous sommes alorsséparés, mais j’en avais toujours deux derrièremoi, et des méchants et des mastards. J’ai re-monté la rue, déjà à bout de souffle, le pointde côté à l’horizon. J’allais me prendre ladoudoune du siècle, surtout que des rumeursracontaient que les Testiens avaient l’habituderécente de coincer des lames de rasoir dansles semelles de leurs santiags Roper.Je cavalais comme un Horace, mais j’ai sentique je ne tiendrais pas longtemps. Alors, j’aipris la première porte cochère venue, c’étaitplein de paille par terre, je me suis demandépourquoi, j’ai traversé une sorte de cour avecun entassement de matériel bizarre, pas vrai-ment urbain, les deux mecs allaient m’em-poigner, j’étais foutu, j’ai poussé une porte,je suis tombé par terre, ça puait à mort et, meretournant, j’ai vu les deux loulous, les yeuxécarquillés, la banane tout à coup ramollie,s’arrêter net, comme saisis par une intensefrayeur, comme si un diable était apparu,comme s’ils voyaient Elvis en jupette, commesi leurs mobylettes venaient de se changer enbarbes à papa, totalement tétanisés.Et ils se sont barrés aussi sec. Je me suis re-dressé, me demandant bien ce qu’il se pas-sait.J’y croyais pas, j’étais entre les pieds d’unevache, ouais une vache, qui ruminait tran-quillement en me surveillant du coin de songros œil un peu torve. Plus loin, trois ouquatre de ses consœurs, ruminant deconcert. De la paille souillée partout. Une ri-gole de pisse. Des tas de bouses. Une odeurterrible, pour un banlieusard qui ne connais-sait que les émanations des Dauphine et dubus 180.Putain, j’avais atterri dans une étable ! Uneétable ! A Vitry !Et, suprême révélation, pour des loubards debase, des vaches, c’était pire que des aliensdéboulant de l’espace…

lLa manif était bloquée depuis un bon quartd’heure. Mais la tension devenait mayon-naise, les injures de plus en plus poétiques,l’anal, entre autres, était monté au créneau.Ça allait péter et Raymond, comme moi, lesavait. Alors, il a eu un coup de jeune.— Mort aux vaches !Encore. Ça le reprenait. C’était comme avant.J’ai failli lui dire que ça allait bien, avec cespauvres bêtes, qu’y en avaient d’autres,quand même, d’animaux à comparer avecces foutus représentants de la loi, mais desprojectiles divers venaient de prendre leurenvol, allant, plus loin, s’écraser sur lescasques bleus. Sous ces derniers, les cer-veaux commençaient à se décider à répli-quer, mais il fallait attendre les ordres. Etl’ordre vint.Les lacrymos. Les CRS étaient tellement àcran qu’il y a eu des tirs tendus.Et Raymond qui s’écroule direct, touché enplein front.Je l’ai regardé, grosse masse beige et fauve.Comme une vache, à l’abattoir, après lecoup de piolet mécanique en pleine tête.Raymond, mort comme une vache.

La centrale«Arrighi» de Vitry,

dont il estquestion dans la

nouvelle, a étédétruite en 1991.

Sur la photo, ladernière centrale

encore enfonctionnement

de la ville.

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013 VA VOIR, VA SAVOIR ! FORUM ÎLE­DE­FRANCE • XV

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SAMEDI 22 JUIN AU MAC/ VAL

L’ÉCOLE, C’EST MIEUX AILLEURS ? 3 CINÉS ROBESPIERRE Avec la participation d’un membre du Conseil Régional des Jeunes

10H30 - 12H00

Peter Gumbel journaliste, auteur de On achève bien les écoliers George Pau-Langevin ministre déléguée auprès du ministre de l’Education nationale

CULTURE POUR TOUS, UN LEURRE ? Alexia Fabre directrice du MAC/VAL Vincent Eches directeur de la Ferme du BuissonFrédéric Hocquard directeur d’Arcadi Zahia Ziouani chef d’orchestre, directrice du Conservatoire de musique et dedanse de Stains

Jean-Paul Huchon président du conseil régional d’Île-de-FranceYves Bigot journaliste musique, directeur général de TV5 MondeMademoiselle K chanteuse de rock

QUEL VISAGE POUR LE MUSÉE DE DEMAIN ? 3 CINÉS ROBESPIERRE Virginie Baudelaire directrice de création et des projets multimédia culturels chez NovacomPierre-Yves Lochon créateur et coordinateur du Club Innovation & Culture Albertine Meunier artiste numérique

YOU ROCK !

LE LIVRE, UN LUXE ? Philippe-Louis Coudray directeur du MOTif, observatoire du livre et de l’écrit en Île-de-FranceSylvie Vassalo directrice du Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil Geneviève Brisac écrivaine et éditrice

16H00 - 17H30LES SCIENCES, PAS SI SORCIER ? Avec la participation d’un membre du CRJ 3 CINÉS ROBESPIERRE Marie-Françoise Chevallier-Le Guyader directrice de l’Institut des Hautes Etudes Science et TechnologieClaire Le Moine directrice adjointe d’Exploradôme, responsable des actions éducativesJean-Claude Ameisen auteur de l’émission Sur les épaules de Darwin sur France Inter, président du Comité consultatif national d’éthiqueDavid Lowe scientifique, présentateur de l’émission On n’est pas que des cobayes !

PIQUE-NIQUE : FOODTRUCK « LE CAMION QUI FUME »

2.0, QUE DU VIRTUEL ? Avec la participation d’un membre du CRJDominique Cardon sociologue Serge Tisseron psychiatre et psychanalyste

ATELIER D’INITIATION À L’ÉCRITURE JOURNALISTIQUE( pour les 12 - 25 ans)

12H30 - 14H00

13H30 - 15H00

LE CHOC DES CULTURES ? Alain Finkielkraut philosophe Mokobé rappeur du groupe 113Talila chanteuse yiddishPhilippe Coulangeon sociologue

14H00- 15H30

12H00 - 12H30 DÉFILÉ DE MODE AVEC LES ÉLÈVES DU LYCÉE CAMILLE-CLAUDEL

DIMANCHE 23 JUIN AU MAC / VAL

16H00 - 17H30LES (TROP) GRANDES ÉCOLES ?Stéphanie Grousset-Charrière sociologue, auteure de la Face cachée de HarvardIsabelle is Saint-Jean vice-présidente chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche de la Région Île-de-FranceFlorence Noiville journaliste, auteure de J’ai fait HEC et je m’en excuse

GENRE POLICIER, POURQUOI TANT D’ENGOUEMENT ? Avec la participation d’un membre du CRJJean-Bernard Pouy auteur de roman noir Dominique Manotti romancière, Grand prix de littérature policière 2011Christophe Gavat ancien chef de la PJ de Grenoble

10H30 -11H30 ARCHITECTURES RECYCLABLES ? LA BRIQUETERIEDaniel Favier directeur de la BriqueteriePhilippe Prost architecte de la BriqueterieClaire Gueysse et Antoinette Robain architectes DPLG réhabilitation du Centre National de la DansePaul Ravaux architecte de la Manufacture des Œillets Alain Amédro vice-président chargé de l’aménagement du territoire de la Région Île-de-France

11H30 -13H00 4 BALADES ARCHITECTURALES DANS VITRY-SUR-SEINEParcours 1 : « La Briqueterie et ses alentours » avec Daniel Favier, Philippe Prost et Paul RavauxParcours 2 : « L’art est dans la ville » avec Catherine Viollet, conseillère aux arts plastiques et chargée de commande publique à Vitry-sur-Seine Parcours 3 : « Vitry ville Street art » avec Nath Oxygène et Brigitte Silhol, photographesParcours 4 : « L’architecture d'une ville » avec Anne-Marie Monnier, architecte conseil au CAUE94

LE CINÉMA, ÇA S’APPREND ? 3 CINÉS ROBESPIERRE Projection du film «Donoma» puis débat avec Djinn Carrenard

13H30 -17H30

11H00 - 12H30DEMAIN, DES INSECTES DANS L’ASSIETTE ? Jean Boggio Pola réalisateur du documentaire Des insectes au menu Cédric Auriol éleveur d’insectes bio

#LANGUEDEMOLIERE ? Avec la participation d’un membre du CRJ Darina Al-Joundi comédienne libanaise, auteure de la pièce Ma Marseillaise Ina Mihalache Solange te parle, actrice et vidéaste canadienne Alain Bentolila auteur de la Langue française pour les nuls

14H00 - 15H30L’ÉCOLE IDÉALE, MON ŒIL ! Avec la participation d’un élève du microlycée de VitryMartin Hirsch président de l’Agence du Service Civique Henriette Zoughebi vice-présidente du conseil régional d’Île-de-France en charge des lycées Florence Lhomme coordinatrice et professeur de français au microlycée de Vitry-sur-Seine

TOUS MÉCÈNES ? Vincent Ricordeau cofondateur de Kiss Kiss Bank Bank, plateforme de financement participatifCorinne Rufet ancienne présidente de la commission culture de la Région Île-de-FranceAnn d'Aboville chargée de mission au Pôle Culture de la Fondation BNP ParibasSébastien Fumaroli directeur de la communication de la Société des amis du Louvre

VA VOIR, VA SAVOIR! ÎLE-DE-FRANCE : QUELLE RÉGION EN 2030? À VITRY-SUR-SEINE

17H30 - 18H30 RENCONTRE AUTOUR DE L’ACTUALITÉ AVEC NICOLAS DEMORAND ET LA RÉDACTION DE «LIBÉ»

17H30 - 18H30 PROJECTION DU FILM «NOSTALGIE DE LA LUMIÈRE» DE PATRICIO GUZMÁN 3 CINÉS ROBESPIERRE

TOUTE LA JOURNÉE : PERFORMANCE DU GRAFFEUR SUPSONER SUR LE PARVIS DU MAC/VAL

En partenariat avec

Entrée libre et gratuite, réservation conseillée sur www.liberation.fr/forumidf

18H00 - 20H00 CONCERTS : ALBIN DE LA SIMONE, NAWEL, ANOUK AIATA ET BABX

LA CULTURE ET L’ÉDUCATION EN DÉBAT

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La nuit du 15 juin 2013 resteradans l’histoire de la Turquiecomme le moment d’unbasculement tragique,quand les forces de policeont fait preuve d’une vio-lence déchaînée contre les

nombreux manifestants pacifiques d’Is-tanbul.Aux scènes désormais habituelles denuages de gaz lacrymogènes, de centai-nes de blessés et de nombreuses arres-tations, s’ajoutent maintenant des vio-lations des droits de l’homme qui neseraient pas tolérées en état de guerre:le bombardement de gaz dans des espa-ces fermés, jusque dans les apparte-ments privés et les hôtels touristiques,des hôpitaux pris d’assaut, des centresmédicaux mobiles attaqués, des blesséset des médecins arrêtés, des journalistesharcelés, de nombreux cas de brûluresde peau signalés à la suite de l’emploi desubstances chimiques dans des canonsà eau.En plus de cette violence d’Etat, mas-sive et systématique, les manifestationspacifiques sont sous la menace des par-tisans de l’AKP, le parti au pouvoir,prêts au combat de rue, instaurant uneambiance de guerre civile dans lesquartiers les plus centraux d’Istanbul.Pourtant, depuis plus de vingt jours, le

parc Gezi témoignait d’une expériencesingulière de démocratie, où la sociétécivile était présente dans toute sa va-riété: ainsi, les organisations d’archi-tectes et d’urbanistes qui s’opposaientdès le début à la politique urbaine dé-vastatrice du Premier ministre Erdoganet du maire d’Istanbul ont côtoyé les as-sociations d’étudiants ou de féministes,tout comme les habitants mêmes desquartiers populaires menacés de des-truction. Il est faux d’affirmer, commele font certains correspondants depresse, que cette multitude inouïe etpopulaire ne serait qu’une réaction ké-maliste et nationaliste, même si celle-cia été rejointe par de nombreux groupesd’opposition.Au lieu d’écouter les citoyens protestantavant tout contre sa manière de plus enplus autoritaire de gouverner, deman-dant tout simplement de participer auxdécisions concernant leur espace etmode de vie, Erdogan a choisi dès le dé-but de les mépriser et de leur forcer lamain. Alors que, depuis son derniermandat, l’AKP ne cesse d’attaquer lechamp des libertés individuelles et so-ciales, le Premier ministre préfère laprovocation, en qualifiant les manifes-tants de voyous, d’ivrognes et de terro-ristes. Or, la société civile manifeste de-puis des semaines son indignation

envers les violations répétitives de sesdroits: le parc Gezi ne fut qu’une étin-celle, tant les citoyens de Turquie sesentent ignorés, méprisés et attaquéspar le pouvoir actuel, le Premier minis-tre en tête. La place Taksim interdite auxmanifestations politiques et surtout à lacélébration du 1er Mai sous prétexte detravaux, les arrestations massives visantà criminaliser toute sorte d’opposition,les massacres d’Uludere et deReyhanli aucunement élucidés, les prin-cipaux droits civiques remis en question(dont le droit à l’avortement), les attein-tes multiples à l’environnement, à laculture et à la pluralité des modes de vieavaient déjà créé une atmosphèred’indignation légitime.Refusant un tel climat de répression, lescitoyens de la Turquie sont sortis massi-vement dans la rue et ont affronté sansarmes les blindés de la police. Commentqualifier un gouvernement qui a tiréplus de 150000 grenades de gaz en deuxsemaines sur ses propres citoyens, bles-sant plus de 5 000 d’entre eux et entuant au moins trois, déclarant désor-mais que tout manifestant allant sur laplace Taksim sera tenu pour un terro-riste –comme l’a annoncé Egemen Ba-gis, ministre des Affaires européennes?Que dire du nouveau projet de loi pro-posant d’étendre le champ d’action desservices secrets qui seraient autorisés àprocéder à des arrestations sans l’avaldu juge, alors que ce même gouverne-ment se vantait d’avoir ôté à l’armée sesprivilèges sécuritaires? Comment con-tinuer à prendre comme partenaire lé-gitime un gouvernement qui déclareouvertement qu’il ne reconnaît plus lesdécisions du Parlement européen et quine respecte plus les traités internatio-naux qu’il a signés ?De quelle démocratie parle-t-on dansun pays où les médias sont contraints ausilence ; les journalistes tout simple-ment chassés de leur poste, ou s’infli-geant une autocensure de peur del’être, et les Turcs obligés de regarderles chaînes internationales pour suivreles événements qui se déroulent dansleur propre pays ? Dans quel Etat dedroit les forces de police arrêtentellesles avocats contestataires à l’intérieurmême du palais de justice et mettent engarde à vue des médecins parce qu’ilsont secouru dans l’urgence hommes etfemmes blessés dans les affrontementsavec la police ? De quelle légitimité cegouvernement peut-il encore se préva-loir, lorsqu’il empêche de force, ledimanche 16 juin, le rassemblement desmanifestants à Taksim, tandis que lamairie d’Istanbul mobilise ses moyensde transport pour amener gratuitementles partisans de l’AKP au meeting deleur chef ?Face à la paranoïa d’Erdogan qui voitdes espions étrangers et des complotsinternationaux partout où son peupledéfend pacifiquement ses droits (lesvendeurs de bière, les étudiants Eras-mus, la «finance internationale», le«lobby juif» et les médias occidentaux

qui diffusent librement les informationsconcernant la violence policière se-raient responsables d’organiser les ma-nifestations de centaines de milliers depersonnes), la communauté internatio-nale doit agir sans tarder. Le gouverne-ment d’Erdogan perd de sa légitimité àchaque manifestation de la violence po-licière, à chaque violation des conven-tions ou des traités internationaux. Tousles amis de la Turquie libre etdémocratique doivent agir aux côtés dela société civile de ce pays pour que levertige autocratique d’Erdogan n’en-gendre pas une dictature de plus auMoyen-Orient.

Deniz Akagul Maître de conférences àl’université de Lille, Salih Akın Maître deconférences à l’université de Rouen, SamimAkgönül Maître de conférences à l’universitéde Strasbourg, Marc Aymes Chargé derecherches au CNRS, Isabelle BackoucheMaître de conférences à l’EHESS, FarukBilici Professeur à l’Inalco, Hamit BozarslanDirecteur d’études à l’EHESS, DominiqueColas Professeur à l’IEP de Paris, EtienneCopeaux Historien de Turquie, PierreDardot Philosophe, Yves Déloye Professeurà l’université Paris­I, Vincent DuclertChercheur à l’EHESS (Cespra), FrançoisGeorgeon Directeur de recherchesau CNRS, Béatrice Giblin Professeure àl’université Paris­VIII, Diana GonzalezEnseignante à Sciences­Po Paris, Ragip EgeProfesseur à l’université de Strasbourg, Jean­Louis Fabiani Directeur d’études à l’EHESS,Dalita Hacyan Maître de conférences àl’université de Paris­I, Yasemin InceogluProfesseure à l’université de Galatasaray,Christian Laval Professeur à l’universitéParis­Ouest­Nanterre, Monique de Saint­Martin Directrice d’études à l’EHESS, EmineSarikartal Editrice, Nora Seni Professeure àl’université Paris­VIII, Hélène PiralianPsychanalyste, Alican Tayla Chercheur àl’Iris, Ferhat Taylan Directeur de programmeau CIPH, Sezin Topçu Chargée derecherches au CNRS, Murat YildizogluProfesseur à l’université de Bordeaux.Lire aussi sur le site: http://www.gitfrance.fr/

Par unCOLLECTIF DECHERCHEURSTURCS ETFRANÇAIS

Le vertige autocratique d’Erdogan

L'ŒIL DE WILLEM

Le conseil de surveillance de Libéra­tion s’est tenu mercredi 19 juin. Nico­las Demorand et Philippe Nicolas,composant le directoire, ont pro­posé une nouvelle organisation del’entreprise, dont le principe a étéadopté. Cette réorganisation achèvela mutation déjà entamée depuisdeux ans vers une rédaction multi­supports, chaque journaliste contri­buant à nourrir l’ensemble desobjets éditoriaux proposés par Libé­ration à ses lecteurs: l’info en con­tinu sur le Web, le quotidien papieret numérique, les forums, les supplé­ments et numéros spéciaux. Pour cefaire, la rédaction sera réorganiséeautour de pôles transversaux, auxressources mutualisées. FabriceRousselot a été proposé par ledirectoire au poste de directeur dela rédaction. Selon les procédureshabituelles, les instances des entre­prises sont désormais saisies decette proposition.

COMMUNIQUÉ DU CONSEIL DESURVEILLANCE DE «LIBÉRATION»

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013

REBONDS • 17

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La conférence sociale pour l’emploi qui s’achèvece soir se réunit dans un contexte de profondecrise de l’emploi ayant de lourdes consé-quences sur les parcours de vie des individus.

Moins linéaires, plus chaotiques, ils sont de plusen plus en décalage avec un modèle social françaishérité des Trente Glorieuses.Au plein-emploi a succédé un chômage de masse.Aux CDI, se substituent de plus en plus les CDD etun marché de l’emploi dual synonyme de «précariat».Face à cette situation, la société française n’a pas faitsuffisamment évoluer son système d’accès aux droits,qui repose encore largement sur l’exercice d’une acti-vité salariée à temps complet. Elle n’offre pas assezde formation aux chômeurs de longue durée. Elle adéveloppé des minima sociaux, filet de sécurité à l’ef-ficacité limitée par le fort taux de non-recours (68%pour le RSA activité) et par une absence d’accom-pagnement des personnes vers un retour à l’emploi.Se développe alors l’idée d’une société à deux vitesses,incapable de donner une réelle chance aux personnespeu qualifiées, ayant vécu un accident de vie, de sortird’un univers parallèle fait de contrats courts, de reve-nus insuffisants et de conditions de vie dégradées.Pour ces personnes, il est aujourd’hui indispensablede réunir enfin les conditions d’une reprise d’emploide qualité : l’accès réel à une formation profession-nelle, un accompagnement et une aide financière.Alors que la collectivité nationale mobilise 32 milliards

d’euros pour la formation professionnelle, seulement13% de ces crédits sont mobilisés pour ceux qui en ontle plus besoin: les demandeurs d’emploi. Ils ne sontque 9 % à en bénéficier et les chômeurs de longuedurée en sont largement exclus. La future réforme dela formation professionnelle annoncée par le présidentde la République devra remettre cette politique«à l’endroit». Le principe d’un futur compte person-nel de formation inscrit dans la loi de sécurisation del’emploi est une avancée en termes de simplification

et de portabilité. Ce compte doit donner la possibilitéà tous de se former, sans conditionner l’ouverture dedroits à l’ancienneté dans l’emploi.La Fédération nationale des associations d’accueil etde réinsertion sociale (Fnars) propose ainsi que cecompte prenne la forme d’un capital de vingt annéesd’études, garanti pour chaque personne et qui pourraêtre utilisé en formation initiale, en reprise d’étudesou en formation continue. Les jeunes de moins de25 ans, massivement touchés par le chômage etla pauvreté, seraient les premiers bénéficiaires de cetteréforme majeure à laquelle il conviendrait d’associer

une garantie de ressources puisque ces jeunes ne bé-néficient pas du RSA.Pour certaines personnes, notamment celles qui ontvécu l’échec scolaire, la formation seule ne suffit pas;elle doit s’inscrire dans un processus complet d’ac-compagnement. Le secteur de l’Insertion par l’activitééconomique (IAE) joue déjà ce rôle en proposantemploi, formation et accompagnement à plus de200 000 personnes exclues du marché du travailchaque année. Ce secteur a prouvé son utilité; il peut

prendre en charge plus de personnes, maisil souffre d’un manque de financement chro-nique. Une situation que la réforme en coursdoit changer. Il faut reconnaître l’IAE pource qu’elle est : non pas un coût mais un in-vestissement.Enfin, une aide financière peut être néces-

saire pour assumer les coûts liés à une reprise d’em-ploi ou pour compléter des niveaux de rémunérationtrop faibles. Le RSA activité ne remplit pas cet objectif.Quant à la prime pour l’emploi, son budget diminuechaque année et, de fait, le nombre de ses bénéfi-ciaires également. Il est urgent de réformer rapi-dement ces dispositifs et de lutter efficacement contrele non-recours. La conférence sociale doit prendre encompte les réalités des personnes exclues du marchédu travail, et avancer sur ces différentes réformes déjàengagées par le gouvernement, mais de manière frag-mentée et trop économe.

Seuls 13% des crédits de la formationprofessionnelle sont mobilisés pour ceuxqui en ont le plus besoin: les demandeursd’emploi.

Par LOUISGALLOISPrésident dela Fédérationnationale desassociationsd’accueil etde réinsertionsociale (Fnars)

Conférence sociale: ne pas oublier les sans-emploi

Al’heure où 23 % des jeunessont en situation de pauvreté,où près de 20 % d’entre euxsont au chômage, où l’âge du

premier CDI est autour de 27 ans, et queles inégalités entre jeunes se creusent,le gouvernement s’apprête à officialiserla disparition du seul établissementpublic spécialisé sur ces questions,l’Institut national de la jeunesse et del’éducation populaire (Injep). La réaf-fectation d’une partie de son personneldans un service «études» interne auministère en charge de la Jeunesse signela fermeture de cette institution histo-rique. Cette décision marque la find’une autonomie de fonctionnement,

de choix d’ob-jets de recher-che et de publi-cations pour unétablissementpourtant re-connu commeacteur et res-

source en matière de compréhension dela jeunesse depuis soixante ans.L’Injep est un lieu unique, tant pourle monde de la recherche, pour l’admi-nistration, pour les professionnels dejeunesse que pour les acteurs associa-tifs: ni laboratoire CNRS ni départementuniversitaire, l’établissement entretienten effet une relation de proximité avecle monde académique tout en multi-pliant les articulations et les passerellesavec celui de l’action et de la décisionpubliques. Grâce à une gouvernancepartagée, l’Injep opère à l’interface deces milieux: il facilite les échanges, lesrencontres, la confrontation des ques-

tionnements et le transfert des compé-tences et des connaissances d’un mondevers l’autre. Il met en œuvre ce que lesinstitutions européennes en charge despolitiques jeunesse décrivent comme«triangle magique»: Researcher, PolicyMaker And Youth Worker («recherche»,«décideurs politiques», «acteurs deterrain»). Ce positionnement, sanséquivalent à l’échelle hexagonale, per-met à des décideurs, des professionnels,des élus locaux et des responsablesassociatifs de s’approprier les travauxscientifiques, et aux acteurs de terraind’interpeller les chercheurs.Ces travaux ont contribué à consoliderles métiers des professionnels de jeu-nesse, que les projets éducatifs territo-riaux vont bientôt mobiliser en nombre.Ils alimentent une boîte à outils de mo-dèles et de principes que les élus etdécideurs des politiques jeunesses utili-sent quotidiennement. L’indépendance,l’autonomie administrative et la gou-vernance partagée ont rendu ces réali-sations possibles. A présent, la jeunesse,portée au cœur des préoccupationspolitiques dans un contexte de crise, vadevoir faire le deuil de cette exigencepourtant élémentaire au fondementd’un travail de recherche et d’une ex-pertise non partisane. Désormais,tableaux de bord et questions tech-niques sans ambition ni vision à longterme tiendront lieu d’expertise poli-tique en matière de jeunesse.C’est une erreur politique majeure quihypothèque l’avenir des politiques dejeunesse, de ses professionnels et mili-tants, et la connaissance scientifiqueneutre et objective de la situation des

jeunes. Elle va à contresens des objectifsde la Commission européenne visant àdévelopper «une meilleure connaissancede la jeunesse», mais surtout, à contre-sens des engagements du gouvernementde faire de la jeunesse sa priorité. Ellefait mine d’ignorer que le temps poli-tique n’est pas le temps de la recherche,de la connaissance, de l’expertise.Le premier s’inscrit trop souvent dansle court terme, soucieux de répondreaux urgences du moment. Le seconddemande la durée, la mise en perspec-tives et une nécessaire autonomie quifonde sa légitimité pour éclairer l’actionpublique. Elle néglige les dimensionsinterministérielles et multipartenarialesdes questions de jeunesse, qui concer-nent de fait aussi bien l’Etat et les col-lectivités territoriales (rappelons qu’untiers des crédits consacrés à la jeunesseest mobilisé par les collectivités), queles mouvements de jeunesse et d’édu-cation populaire. L’Injep a tradition-nellement œuvré à l’articulation del’ensemble de ces acteurs car tous par-ticipaient de la gouvernance d’un insti-tut qui était aussi leur outil.L’orientation prise aujourd’hui prenddes allures de confiscation de cet outil.Nombre de pays européens ont déjàcompris l’intérêt et l’utilité d’observa-toires de jeunesse nationaux autono-mes. L’Allemagne s’est ainsi dotée avecle Deutsche Jugendinstitut d’un puis-sant outil de veille, d’observation etd’évaluation, ce dernier bénéficiantd’un statut d’établissement public sousla tutelle du ministère en charge de laFamille, des Personnes âgées des Fem-mes et de la Jeunesse. Il est vital, pour

la connaissance comme pour l’action,qu’existe en France une institution quise positionne à la croisée de ces dif-férents registres d’intervention etrecueille des données transversalesfiables, les capitalise, les compare,les interprète et les rende disponibles auplus grand nombre.Pour toutes ces raisons, chercheurs,universitaires et experts, qui consacrentleurs travaux à une meilleure connais-sance des jeunes, de leur situation etdes politiques mises en œuvre en leurdirection s’alarment. Décideurs poli-tiques, cadres associatifs et acteurs deterrain qui conçoivent et mettent enœuvre les politiques de jeunesse tien-nent également à alerter le gouver-nement et l’opinion publique. Pourrépondre aux inquiétudes et aux malai-ses des jeunes, l’élaboration des poli-tiques de jeunesse en phase avec leursbesoins exige une vraie connaissance deleur place dans la société, de leur modede vie, de leurs représentations et deleurs valeurs. Aussi, si la jeunesse restela priorité du gouvernement, l’intérêtgénéral appelle au renforcementd’un Injep autonome dans ses missions,partagé dans sa gouvernance au servicede tous et non sa réduction à un servicedu seul ministère à l’heure où décentra-lisation et dialogue civil sont à nouveauà l’agenda politique.Parmi les signataires: Gérard AbonneauPrésident de la FFMJC, François DubetSociologue, Eric Favey Secrétaire généraladjoint de la Ligue de l’enseignement,Jean­Patrick Gilles Président de l’UNMLFrançois de Singly Sociologue,Cécile Van de Velde SociologueLa liste des signataires: http://goo.gl/bPFqI

La fin de l’Institut national dela jeunesse et de l’éducationpopulaire, c’est la fin d’un lieud’échange entre chercheurs,élus, associations…

Par UNCOLLECTIF DECHERCHEURSETD’ASSOCIATIFS

Si la jeunesse est prioritaire, regardons-la en face

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 201318 • REBONDS

Page 39: Liberation 21.06.2013

Bande d’escrocsorganisée: monpréféré, StéphaneRichard…

Dans la famille escroquerie en bande orga-nisée, l’affaire d’Etat Tapie–Crédit lyonnaisnous livre de semaine en semaine son lot demis en examen avérés, en sursis ou en deve-nir, que notre propension (coupable, maisresponsable) à aller un peu plus vite quela musique judiciaire agrège d’ores et déjà enune formidable brochette de branquignols.Car ce qui frappe au moins autant quel’épaisseur de l’escroquerie présumée dansl’arbitrage au profit de Tapie (403 millionsd’euros, tout de même, plus ces 45 autres– sans doute les plus choquants, parce queversés au titre d’un extravagant «préjudicemoral»), c’est l’amateurisme des protago-nistes que la certitude de leur impunité –carquoi d’autre?– découvre soudain aussi stu-pides que cupides.Prenez Claude Guéant, blanchisseur decasino bredouillant ses multiples trafics, entoile (celle des marines à undemi-million d’euros dutout petit maître flamand duXVIIe siècle Andries Van Eertvelt) ou enpapier (celui des biffetons passés directementdes caisses de la Place Beauvau à la siennepropre, sous forme de primes de 10000 eurosmensuels). On se calme, on «laisse la justicefaire son travail» et on en garde sous le pieden attendant que soit précisé le rôle du «Car-dinal» de pédalo Guéant, grand ordonnateurde l’agenda présidentiel dans l’affaire quinous intéresse cette semaine.Mais prenez Stéphane Richard, dont laditeaffaire révèle aujourd’hui la consanguine etcaméléonesque capacité d’adaptation poli-tique autant qu’affairiste –on dit aussi «pan-touflage». L’homme, qui hanta successi-vement les cabinets ministériels deDominique Strauss-Kahn, Jean-Louis Borlooet Christine Lagarde, depuis huit jours misen examen –oui, lui aussi, pour escroquerieen bande organisée–, est, de toute la bandede pieds nickelés, mon préféré. Légiond’honneur en 2006, redressé fiscalement dequelque 600000 euros en 2007 (dont 5% autitre d’une «pénalité de mauvaise foi») pourses déclarations de revenus des années 2000à 2003, Stéphane Richard balanceaujourd’hui à gogo. Le dossier d’instructionque le Monde révéla nous en apprit pourtantde belles, dans son édition datée de mercredi,quant au rôle majeur de l’ex-directeur decabinet de l’ex-ministre de l’EconomieLagarde contre le recours en annulationd’un arbitrage si propice à Tapie.Ces révélations tombent mal, qui étayentla mise en examen de Richard à l’heuremême où, pas gêné, l’exécutif le maintientà la tête de France Télécom, dont l’Etat pos-sède 27 % du capital.Arrêtons-nous un instant là-dessus: donc,Stéphane Richard, depuis février 2011 PDGde l’opérateur, mis en examen le 10 juin, sevoit une semaine plus tard conforté dans sa

fonction. De quoi faire un peu tousser, sem-blait-il, mais pas du tout, pas du tout, nousexpliquent les experts et les syndicalistesmaison (à l’exception du représentant de Sud– voir Libération.fr du 17 juin), unanimes àsaluer les qualités de gestionnaire mondialiséde Richard et sa capacité à «calmer les mar-chés financiers», comme disait lundi le délé-gué central CFDT d’Orange. Ah bon… le tauxde suicides dans l’entreprise ne baisse pasaussi vite que remonte son cours en Bourse,mais Ah bon… Peut-être Stéphane Richardincarne-t-il exemplairement cette capitula-tion sur tous les fronts à laquelle se réduit la«gouvernance», comme on dit dans les en-treprises, socialiste, mais Ah bon… d’ailleurs,que dit-il, l’exécutif socialiste, actionnairede France Télécom ? Il dit comme au pokerque pour remplacer Richard, il n’a «pasmieux» en magasin (à moins bien sûr de rap-

peler Strauss-Kahn, on seraitresté en famille… – je dé-conne, là.) Stéphane Richard,

patron de France Télécom mis en examen,c’est Cahuzac fraudeur fiscal et ministre duBudget. Si les experts, les folliculaires,les syndicalistes et les socialistes sont d’ac-cord pour dire que sa compétence est irrem-plaçable. Ah bon…En ses déboires, Stéphane Richard a de lachance. Tandis qu’il charge son anciennepatronne Christine Lagarde auprès de ses ju-ges et de ses maîtres du moment, celle-ci voitretenu au dossier d’instruction de l’affairecertain courrier (à lire partout sur la Toile),non daté et adressé à Nicolas Sarkozy parcelle qui allait succéder à Dominique Strauss-Kahn à la tête du FMI. On laissera les comi-ques de plateaux glousser en chœur à proposd’un document qui ne va certes pas arrangerle statut de la femme en général, et dela femme politique en particulier. Pourtant,telle la Lettre volée donnant son titre à la nou-velle d’Edgar Allan Poe, celle que signeLagarde a surtout pour mérite, fût-ce dansles termes caricaturaux en lesquels elle sedonne à lire, de révéler dans son destinatairele maître d’œuvre présumé d’un système decorruption généralisé qui va bien au-delà dela seule affaire Tapie.A l’heure où ses partisans et des folliculairesglosent à propos du «retour» du parrain,il faudra bien qu’un jour nos éminencessocialistes cessent de nous amuser avec leursgadgets législatifs relatifs à la «transparence»ou à la «moralisation» de la chose publique,pour s’attaquer à son essence même – sesinstitutions. Mais cela, on a beau leur dire etredire encore et encore, les socialistes neveulent pas l’entendre. Et quand, nus commedes vers, avec ou sans cache-sexe de «frontrépublicain», ils auront fini de perdre leurmajorité législative, elles nous répéterontavec le sourire du Ravi de la crèche : «Vousvoyez bien que ce n’est pas possible…».

NO SMOKING

Par PIERREMARCELLE

L’historien mesure moins mal qued’autres combien les leçonsdu passé servent peu les déci-deurs du moment. Mais la confu-

sion atteint parfois des sommets du tra-gique. Barack Obama mène ainsi avecconstance une politique calamiteuse enSyrie en se trompant de guerre d’Irak etde président Bush. L’obsession de l’ac-tuel locataire de la Maison Blanche estde ne pas répéter les funestes erreurs deson prédécesseur en Irak en 2003.Ce faisant, il renouvelle les fautes com-mises par Bush père en Irak en 1991.Rappelez-vous. Les troupes de SaddamHussein avaient été boutées hors duKoweït au cours d’une offensive ter-restre de cinq jours, un cessez-le-feu

avait été conclu entre généraux améri-cains et irakiens, spécifiant que l’uti-lisation d’armes chimiques seraitun casus belli. Croyant au message deliberté venu des Etats-Unis, la plusgrande partie du territoire irakien avaitlevé l’étendard de la révolution contreHussein. Mais les commandos du des-pote écrasèrent le soulèvement dansle sang, au prix de dizaines de milliersde morts, non sans recours aux armeschimiques.La politique de l’administration Bushsenior fut alors de nier avec constancecet emploi d’armes prohibées, car l’ad-mettre aurait contraint Washingtonà relancer la guerre contre Saddam. Or,le dictateur irakien apparaissait désor-mais comme un moindre mal face àune insurrection perçue comme mani-pulée par Téhéran. Deux décenniesd’embargo, de guerre, d’occupation etd’attentats plus tard, c’est un gouver-nement pro-iranien qui s’accroche aupouvoir à Bagdad, n’en déplaise auxstratèges de Washington.Remplacez «Irak» par Syrie, «Saddam»par Bachar, «pro-iraniens» par «jiha-distes». Barack Obama, se croyant réa-liste, pense aussi mal que Bush père. Sonadministration s’est épuisée à étoufferles preuves réitérées d’emploi d’armeschimiques par les nervis de Bachar al-Assad. Certes, leur utilisation est pluslimitée en Syrie qu’en 1991 en Irak. Maisla dynamique de «l’Etat de barbarie»,ainsi que le regretté Michel Seurat quali-fiait le régime Assad (1), le conduira àrecourir de plus en plus au gaz sarin.Quant à l’épouvantail jihadiste, il a lamême fonction en Syrie que le repous-soir «pro-iranien» vingt ans plus tôt

en Irak. Une révolution nationale etpopulaire est réduite à une ingérenceextérieure, hier de l’Iran en Irak,aujourd’hui du Golfe en Syrie. Une telleimposture alimente le discours dela dictature, elle fait surtout le lit des ex-trémistes qu’elle est supposée combat-tre, en justifiant le refus d’un soutieneffectif aux forces proprement révolu-tionnaires. Bush père a livré le peupleirakien aux bourreaux de Saddam,son fils l’a livré aux agents de l’Iran.Barack Obama, en abandonnantles Syriens aux tortionnaires de Bacharal-Assad, ouvre la voie au pire cauche-mar jihadiste.Le «tournant» amplement médiatisé deWashington n’est qu’une sinistre mas-carade de plus. Que dire de ce sous-fifrede la Maison Blanche (Ben Rhodes,adjoint de Tom Donilon, conseiller pourla sécurité nationale) qui s’exprime surun sujet aussi grave en lieu et place du

chef de l’Etat ? Que penserd’une livraison d’armes an-noncée par voie de presse,quand les pilonnages se pour-suivent sans répit sur le ter-rain? Comment se fier à uneadministration qui refuse par

avance les armements antiaériens, alorsque les avions et les hélicoptères d’As-sad sèment la terreur dans les zonestenues par la révolution?Il y a plus d’un an, Jonathan Littell rap-portait ses Carnets de Homs (2). L’histo-rien ne peut que saluer cette chronique«d’un moment bref et déjà disparu, lesderniers jours du soulèvement d’une partiede la ville de Homs contre le régime de Ba-char al-Assad, juste avant qu’il ne soitécrasé dans un bain de sang». Le mondeentier a laissé Homs la rebelle ravagéepar la terreur du despote. Aujourd’hui,c’est à Alep que les égorgeurs du régimemassent leurs forces pour y enterrer larévolution. Alep, capitale des femmeset des hommes libres de Syrie, ne doitpas tomber. Il n’en va pas que de notreconscience, mais bel et bien de notresécurité. Car, c’est du ventre fécond dela «Syrie des Assad» que renaît la bêteimmonde. Espérons enfin que Obamacessera de se tromper de guerre et deBush. Et s’il persiste dans cette erreurfatale aux Syriens, que la France, à lapointe de la dénonciation de la barbariedes Assad, se grandisse en assumant sesresponsabilités de puissance.

(1) Michel Seurat, «Syrie, l’Etat de barbarie»,PUF, 2012, rééd.(2) Jonathan Littell, «Carnets de Homs»,Gallimard, 2012.

Barack Obama, en abandonnantles Syriens aux tortionnaires deBachar al-Assad, ouvre la voieau pire cauchemar jihadiste.

Par JEAN­PIERRE FILIU Professeurdes universités en histoire du Moyen­Orient contemporain (Sciences­Po,Paris)

L’erreur de BarackObama en Syrie

Retrouvez nos chroniques sur:http://www.liberation.fr/chro­niques

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LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013 REBONDS • 19

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Motsditsde FredPellerin!

Mercredi, à Paris. Le conteur de 36 ans a appris son métier en organisant les premières visites guidées de Saint­Elie­de­Caxton, son village natal, au volant d’un tracteur.

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 201320 •

CULTURE

Page 41: Liberation 21.06.2013

I l ne faut pas se poser de questions, pren-dre sous le bras la mémé, votre chéri(e),un petit-neveu (à partir de 15 ans)… toutce qui vous traîne sous la main et aller

voir ce Fred Pellerin. Tout, sauf ceux qui sontbien sûr cliniquement allergique à l’accentquébécois. Car c’est un conteur venu du Ca-nada. On entend déjà les bâillements d’en-nui. Ça ne sent pas un peu la bûche du coindu feu, la guitare sèche et les grands lacs ?Sans compter qu’en tombant sur sa photo,on peut se dire, comme tout le monde,qu’avec sa jolie gueule rehaussée de petiteslunettes rondes, ce garçon (36 ans quandmême) a un côté vieux jeune scout recyclé.Un peu prêchi-prêcha, ce Fred Pellerin? Non,juste d’un autre temps. D’un autre monde.Comme sorti des brumes d’une faillespatiotemporelle, où le conte seraitsimplement une magnifique occa-sion de se marrer. Et de sortir, enfin,l’humour de son fatigant réflexe àtraquer les petits travers de nos so-ciétés contemporaines déboussolées.Pour se faire une idée, voici (en très rac-courci) l’histoire de son cinquième spectacle,De peigne et de misère : Méo est le barbier duvillage québécois de Saint-Elie-de-Caxton.Il est devenu, au fil du temps, expert en «ca-pillarité générale», qui «tint chignon sur rueprincipale pendant de nombreuses années et quimarqua l’histoire de son fer à friser». «Maîtredans l’art du sarclage, habile à trier les cheveuxblancs et les idées noires.» Méo coiffe tout ceque le hameau compte de cheveux. Tout, saufle petit bataillon de nonnes qui, allez savoirpourquoi, n’est «équipé» que d’un seul duvetsur le crâne. Enfin, jusqu’à l’arrivée de So-lange, qui a une bouche charnue, des flam-mes dans les yeux, et a fait «vœu de suçagepour l’éternité». Elle suce toute la journée desTic Tac au goût de menthe (des paparmanesen VO, seule francisation du spectacle).

CONCASSAGE. Evidemment, Méo tombe viteamoureux de Solange. D’autant que lescinq abeilles de sa ruche ont la judicieuse idéed’aller butiner, chaque matin, les bouts deTic Tac oubliés dans la bouche de Solange. Cequi explique pourquoi le miel de Méo a cet

incomparable goût de menthe. Solange finirapar venir au salon de coiffure. Et puis, etpuis… les guêpes de Méo vont s’opposer detout leur corps à cette idylle. Tout cela ne fi-nira pas bien. Car chez Pellerin, la mort rôde.Voilà, et quand on a dit ça, on n’a rien dit.Car ce qui fait le sel, la drôlerie, la poésie deshistoires de Pellerin, c’est son concassage dufrançais. Du français français et du françaisquébécois. Il triture, malaxe, rafistole desbouts de mots entre eux, fait des colliers denéologismes, de métaphores et d’expressionsinventées in vivo.Un spectacle de Pellerin n’est pas une discus-sion de salon, encore moins une veillée, c’estune séance en laboratoire d’improvisation etde délire langagier. Et ça gicle de partout. Aufinal, on en a plein les oreilles. Ça bourdonne,comme si les abeilles étaient venues léchernotre conduit auditif. Fred Pellerin a une ex-plication, qui vaut ce qu’elle vaut, pour éclai-rer son étonnante disposition: «Les habitantsde mon village ont fait peu d’études. Et donc,quand vous n’avez pas beaucoup de vocabu-laire, vous développez des capacités à créer desimages avec vos propres mots.»

COUCHES RECYCLABLES. Le village enquestion, c’est donc Saint-Elie-de-Caxton.Un bourg de 2000 habitants (1500 il y a en-core cinq ans), située à presque deux heuresde voiture de Montréal. C’est là où habitaitle vrai Méo (il est mort il y a une di-zaine d’années). Et où réside encore FredPellerin, avec femme et enfant. Comme tous

les personnages de ses spectacles. Il y asept générations, un dénommé Fred Pellerinfaisait déjà partie des défricheurs. Depuis, lafamille n’a jamais quitté Saint-Elie.Une étrange bourgade. En début de semaine,la municipalité a décidé de rembourser toutacheteur de couches recyclables. Ce seraitune première mondiale, nous assure FredPellerin. Lui a appris son métier de conteuren organisant les premières visites guidéesdu village, au volant d’un tracteur auquel onavait greffé des bancs d’autobus. Très vite, ils’aperçoit que «ses conneries» font beaucouprire. Puis il fait la tournée des préaux de coursd’école. Le bouche à oreille suit. Aujourd’hui,et après dix ans de carrière, Fred Pellerin estune institution culturelle au Québec. Chaqueannée, entre 30000 et 40000 personnes vontvisiter Saint-Elie-de-Caxton, juste pour«tester le taux de vérité de ce que je raconte,confie Fred Pellerin. C’est surréaliste, il n’y aplus de place pour pisser, maintenant.» •

DE PEIGNE ET DE MISÈRE de et parFRED PELLERIN Théâtre de l’Atelier, 75018.Jusqu’au 30 juin. Rens.: www.theatre­atelier.com

Par GRÉGOIRE BISEAUPhoto FRÉDÉRIC STUCIN

Un spectacle de Pellerin n’est pas unediscussion de salon, encore moins uneveillée, c’est une séance en laboratoired’improvisation et de délire langagier.

KERY JAMES CD: DERNIER MC(AZ/ Universal Music).

«J e refuse d’avoir ce rôle du bon Noirou du bon rappeur, celui qui neserait pas comme les autres», as-

sène Kery James. A défaut, nul ne peutcontester son engagement. Même si levoir dans un meeting politique, commeà Charléty pendant l’entre-deux-toursde la présidentielle de 2007, en faveurde Ségolène Royal, semble une hypo-thèse aujourd’hui révolue. «Mais je resteun artiste politique parce que je participeà la vie citoyenne, explique-t-il. La mu-sique influe sur une partie de la vie desgens. On joue tous un rôle. Y compris lesartistes qui ne disent rien : ils jouent déjàcelui d’être transparents et d’éloigner lescitoyens des vrais problèmes.»Dernier MC, l’album de Kery James sortivoici peu, comporte plusieurs mor-ceaux de cette trempe. A l’instar decette diatribe envers les médias, Ventd’Etat, l’un des titres les plus réussis,avec sa musicalité rappelant C2C. KeryJames cite aussi fréquemment un autretitre de cet acabit, Constat amer, pourjustifier sa pensée. Celui-ci définit leregard de l’artiste d’Orly, déjà esquissédans Banlieusards (A l’ombre du show-business, 2008) et fondé sur une dualitéentre, d’une part, les devoirs de laclasse politique, des médias, de la so-ciété en général, et d’autre part, l’im-pact des choix personnels, sous uneforme d’appel à l’émancipation desbanlieusards. «On a tous une responsa-bilité, confie Kery James. J’essaie de faireune musique qui se veut la plus sincèrepossible. Nécessairement, on ne peut paslivrer nos colères ou faiblesses à 100%,même si je crois être allé assez loin dansla mise à nu. En tout cas, j’essaie de nepas dire le contraire de ce que je pense.»La disparition en septembre 2011 deDJ Mehdi, qui formait avec lui Ideal J,devait inévitablement être évoquéedans l’album. «Tant qu’il était là, onpouvait toujours imaginer qu’on reforme-rait notre groupe. Je gardais à l’espritl’idée de rejouer Le combat continue, unjour, dans une salle à Paris. Car un albumcomme ça, on n’en fait qu’un dans sa vie.Voilà donc pourquoi je dis dans mon albumque son décès sonne la fin d’Ideal J.»

Presque vingt ans se sont écoulés depuisOriginal MC’s, la première sortied’Ideal J. Kery James a rarement déçu,tout en continuant à chercher de nou-velles formes artistiques, comme lerappelle le déroutant et mélancoliqueSi c’était à refaire, son premier essaisolo, en 2001.Dans Dernier MC, on peut certes regret-ter des titres comme 94 c’est le Barça,ou Contre nous, sorte de faux clash avecYoussoupha et Médine, dérangeantpuisque simulé. Mais l’ensemble setient et la réalisation de Tefa y est pourbeaucoup. L’album résonne, les bassessont lourdes. «Je l’ai pensé pour lascène», explique James. Le cliché répétéà l’envi, voulant que les rappeurs fran-çais préfèrent les textes à la musicalité,est (une nouvelle fois) battu en brèche.Ici, les deux cohabitent justement etcette osmose permet à Dernier MC detenir son rang dans les discographies lesplus appréciables du rap français.

DAMIEN DOLE

RAP Avec «Dernier MC», le chanteur affirmesa volonté d’osmose entre texte et musicalité.

Kery James,un son qui raisonne

Kery James. PHOTO XAVIER DOLIN

CONTE Au théâtrede l’Atelier,le Québécoisdéroule avechumour les fablesétranges issuesde son village natal.

PJ MORTONNEW ORLEANSNouvel albumLa renaissance de la

En Bonus 2 titres Live

musique Soul Avec les participations de Stevie Wonder, Adam Levine (Maroon 5) et Busta Rhymes

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013 CULTURE • 21

Page 42: Liberation 21.06.2013

L e public attend beau-coup, souvent trop, duflamenco, un art qui

conjugue facilement le sa-voir-faire et la spontanéité.Le soliste y est tout aussi im-portant que le groupe et lesspectateurs guettent le fa-meux duende (esprit, inspi-ration suprême) pour direplus tard qu’ils y étaient, cesoir-là. On peut donc enconclure qu’il faut venirchaque jour à la nouvelleBiennale d’art flamenco pro-posée depuis mercredi par leThéâtre national de Chaillot,en complicité avec sa grandesœur de Séville, le soutiende l’Andalousie et le regardprécieux de la spécialisteDaniela Lazary.Poète. Outre la diffusion, ilsemble que les programma-teurs français, et on le verrade matière plus affirmée en-core au prochain festival deMont-de-Marsan (Landes),provoquent des rencontresentre les artistes, favorisantainsi la création. Ici, KaderAttou entre en duo avec An-drés Marin. il y a encore unmois, rien n’était fixé, pasmême la musique. Mais les

connaissant l’un et l’autre, larencontre devrait fonction-ner, les principes d’écrituredu hip-hop n’étant pas siéloignés du flamenco. EvaYerbabuena «défie» pour sapart Carolyn Carlson. Aupa-ravant, on aura pu appréciersa récente pièce sur l’en-fance du poète Federico Gar-cía Lorca, dans la démesurede l’imaginaire enfantin etde l’écriture littéraire. Poursa seconde pièce, Olga Peri-cet s’inspire, elle, du conceptchinois du tangram.Rocío Molina, surdouée etplutôt rebelle dans sa façond’inventer une danse à la foisréceptacle des valeurs tradi-tionnelles et irrémédiable-ment tournée vers l’avenir,s’empare de l’image classi-que de la bailaora. Elle de-vient danzaora, une sorte dedanseuse mutante, suscepti-ble de ravir la jeune généra-tion – dont elle fait partie,car elle n’a que 29 ans.Non pas seulement Biennalede danse ou de chant, la ma-nifestation parisienne dédiéeà l’art flamenco tient à dis-tance les querelles de cha-pelle des artistes et de leurs

managers. C’est ainsi quel’on verra aussi la célèbreCarmen Linares qui convo-que les grands poètes espa-gnols dans ses chansons etpartage le plateau avec ladanseuse Belén Maya.Stylistes. Quant à la Familiade Los Reyes –qui transmetla danse de génération en gé-nération dans un studio, aufond d’une arrière-cour, oùl’album de photos est accro-ché aux murs–, elle rayonneà partir de son arbre généa-logique, encyclopédie vi-vante, de l’aïeul au petit-fils,sans oublier les femmes,piliers de l’organisation.Alors que le dramaturgeFrancisco Ortuño Millán serale fil rouge de la manifesta-tion, une déferlante de robesà volants et à pois, élégam-ment revisitées par les stylis-tes Rosalia Zahino et EncarnaSolá, clôtureront le festival,avant un grand bal finalsévillan entraîné par Vero-nica Vallecillo.MARIE-CHRISTINE VERNAY

Biennale d’art flamenco,Théâtre de Chaillot, 1 placedu Trocadéro, 75016. Jusqu’au29 juin. Rens.: theatre­chaillot.fr

ANDALOU Echo parisien au rendez-vous sévillan,la première édition propose créations et rencontres.

Flamenco à Chaillot,une biennale est née

Pour sa 33e édition, lefestival Montpellier Danses’associe à Emanuel Gat,chorégraphe israélieninstallé à Istres et bienplacé pour prendre lasuccession de FrédéricFlamand au Ballet nationalde Marseille. Sous le titreUpclosedUp («gros plan,être tout près de»), il pro­pose trois créations danseet une installation photo­graphique. Sinon, la mani­festation interroge lamémoire de la discipline àpartir d’une pièce indémo­dable, May B, de MaguyMarin et de son prolonge­ment avec Simon Hecquetet Sabine Prokhoris. Autreprojet en forme d’écho, lapièce d’Israel Galvánrevient sur l’exterminationdes gitans par les nazis etcelle de Boyzie Cekwanaet Panaïbra Canda sur unaccord non respecté entrele Mozambique et l’Afriquedu Sud. Quant au JaponaisAkaji Maro, il rend unhommage au cabaret desannées 60. Cette éditiona priori séduisante seprojette tout autant dansle futur, avec les robots deBlanca Li et le spectaclebande dessinée deMathilde Monnier et deFrançois Olislaeger. M.­C.V.Montpellier Danse (34).Du 22 juin au 6 juillet. Rens.:www.montpellierdanse.com

MONTPELLIERSE SOUVIENTDU FUTUR

LE FESTIVAL19318C’est le nombre d’auteurs vivants qui ont touchédes droits en 2012, selon le rapport de la Sociétédes auteurs et compositeurs dramatiques (SACD).76% d’entre eux ont touché moins de 5000 eurosannuels et 88,1% ont perçu moins de 10000 euros.Par ailleurs, 26510 œuvres nouvelles ont été déclarées,dont 5710 au titre du spectacle vivant (22%, soit unebaisse de 3,06% par rapport à 2011) et 20800 au titrede l’audiovisuel (78%, soit une hausse de 23,33%).

Mort du couturier Jean-Louis ScherrerDans son enfance, Jean-Louis Scherrer voulait être danseur,mais un accident l’en empêcha. Il se tourna alors vers la hautecouture française et fit ses débuts chez Christian Dior. Il estdécédé hier matin à Paris, à 78 ans.

Elie Wiesel, porte-plume d’ObamaElie Wiesel, 84 ans, célèbre auteur américain d’origine rou-maine, survivant de l’Holocauste et Nobel de la paix 1996,va entamer la rédaction d’un livre au milieu du second man-dat de Barack Obama, début 2015. Il sera cosigné par le Prési-dent, lui-même auteur.

Patrimoine syrien en périlSix sites historiques syriens menacés par les combats, no-tamment à Alep, ont été classés sur la liste du Patrimoinemondial en péril par l’Unesco.

«Parler deminimalisme estréducteur. Il libèrela peinture de sondevoir de raconterune histoire,la peinture n’estplus emprisonnéedans un cadre,elle sort du cadre.»Vesela Sretenoviccommissaire de l’expo dupeintre abstrait américainEllsworth Kelly, 90 ans,accueillie à la PhillipsCollection de Washingtonjusqu’au 22 septembre

Difficile de passer inaperçu quand on mesure trois ouquatre mètres de haut. Au moins autant destinées auxpetits qu’aux adultes, les Grandes Personnes de Boromo(photo) forment une immanquable parade bon enfant quidéambule sur des sonorités africaines. C’est du reste àOuagadougou que Patrice Papelard, l’enthousiaste direc­teur des Invites de Villeurbanne, a pu suivre un de leursderniers déploiements dans l’espace public (Libérationdu 19 février). Et c’est toujours au Burkina Faso, dans lecadre du même festival, Rendez­Vous chez nous, queFrançois Rollin, Fred Tousch et Arnaud Aymard ont rodéle Nom du titre, une partie de ping­pong linguistiqueabsurdement réjouissante. Deux projets qui font doncpartie du programme 2013 des Invites, festival résolumentgratuit mêlant musique et arts de la rue avec encore, àl’affiche de la 12e édition, le burlesque de l’Illustre FamilleBurattini, le groupe Dead Combo, Rachid Taha, etc. G.R.PHOTO LES GRANDES PERSONNESLes Invites de Villeurbanne (69). Aujourd’hui et demain.

AUX INVITES DE VILLEURBANNE,ART DE LA RUE ET CONCERTS À L’ŒIL

Federico segun Lorca, d’Eva Yerbabuena. PHOTO RUBEN MARTIN

LE CULTE DU SOUND SYSTEM

21 JUIN - 25 AOÛT 2013 • EXPOSITION À LA GAÎTÉ LYRIQUE

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 201322 • CULTURE

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MontpellierMarseille

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AgitéeAverses Pluie

Éclaircies

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LLEE MMAATTIINN Fini les orages de chaleur.Le ciel sera généralement nuageux aunord et à l'ouest avec des averses plusfréquentes à l'ouest.

LL’’AAPPRRÈÈSS--MMIIDDII Les averses persistent àl'ouest et prennent un caractère ora-geux, elles se développent sur lesreliefs mais faiblissent en plaine à l'est.

-10°/0° 1°/5° 6°/10° 11°/15° 16°/20° 21°/25° 26°/30° 31°/35° 36°/40°

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LilleCaenBrestNantesParisNiceStrasbourg

FRANCE MIN/MAX

DijonLyonBordeauxAjaccioToulouseMontpellierMarseille

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VENDREDI

Passage perturbé des Charentes à laBelgique. Ciel variable au nord-ouest.Beau temps des Alpes aux Pyrénéesjusqu’en Méditerranée.

SAMEDI Temps mitigé avec éclaircies et pas-sages nuageux sur la plupart desrégions. Quelques averses possiblespar endroits. Frais.

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LIBÉRATIONwww.liberation.fr11, rue Béranger 75154 Pariscedex 03 Tél. : 01 42 76 17 89 Edité par la SARLLibération SARL au capital de 8726182 €.11, rue Béranger, 75003 ParisRCS Paris : 382.028.199Durée : 50 ans à compter du 3 juin 1991. CogérantsNicolas DemorandPhilippe Nicolas Associée unique SA Investissements Presseau capital de 18 098 355 €.

Directoire Nicolas DemorandPhilippe Nicolas Directeur de la publicationet de la rédactionNicolas Demorand Directeur délégué de larédaction par interimFabrice Rousselot

Directeurs adjoints de la rédactionStéphanie AubertSylvain BourmeauEric DecoutyFrançois SergentAlexandra SchwartzbrodDirectrice adjointede la rédaction,chargée du magazineBéatrice VallaeysRédacteurs en chefChristophe Boulard(technique) Gérard LefortFrançoise-Marie Santucci(Next)Directeurs artistiques Alain BlaiseMartin Le ChevallierRédacteurs en chefadjoints Michel Becquembois(édition)Jacky Durand (société)Olivier Costemalle et Richard Poirot(éditions électroniques)Jean-Christophe Féraud (éco-futur)Luc Peillon (économie)Nathalie Raulin (politique)

Mina Rouabah (photo)Marc Semo (monde)Bayon (culture)Sibylle Vincendon etFabrice Drouzy (spéciaux)Pascal Virot (politique)Directeur administratif et financierChloé NicolasDirectrice de lacommunication Elisabeth LabordeDirecteur commercial Philippe [email protected] dudéveloppement Pierre Hivernat

ABONNEMENTSMarie-Pierre Lamotte03 44 62 52 [email protected] abonnement 1 anFrance métropolitaine : 371€.

PuBLICITÉ Directeur général deLibération MédiasJean-Michel LopesTél. : 01 44 78 30 18

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IMPRESSIONCila (Héric)Cimp (Escalquens)Midi-print (Gallargues)Nancy Print (Nancy)POP (La Courneuve),

Imprimé en France Tirage du 20/06/13:128 383 exemplaires.

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Nous informons nos lecteursque la responsabilité du jour -nal ne saurait être engagéeen cas de non-restitution dedocuments « Pour joindre un journaliste,envoyez-lui un email initialedu pré[email protected]: [email protected]

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C O U D R A I E S

A I E C U S R D O

S R D E I O C A U

E S I O A U D C R

O U C R E D S I A

D A R S C I U O E

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LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013 JEUX­METEO • 23

Page 44: Liberation 21.06.2013

CAÏD Indépassable interprète du chef de famille mafieux dansla série américaine, James Gandolfini est mort hier à 51 ans.

Tony Soprano,défunt de contrat

D ans les premières saisonsdes Soprano, Tony utilisaitparfois une expression quilaissait perler sa nostalgie

d’une époque où le doute n’existaitpas : «Mais qu’est-il arrivé à GaryCooper?» Ce à quoi l’un des guignolsqui lui servaient de lieutenants luirépondait invariablement: «Mais,Tony, il est mort.» Tony Soprano,alias James Gandolfini, a rejoint GaryCooper avant-hier, succombant,semble-t-il, à une crise cardiaque àRome, alors qu’il s’apprêtait à serendre au festival de Taormina, enSicile. Il avait 51 ans.Cette disparition brutale ne manquepas de ressorts cruellement ironi-ques. D’abord parce qu’elle a eu lieu

Par BRUNO ICHER

James Gandolfiniet ses canards.PHOTO MICHAEL O’NEILL.CORBIS OUTLINE

24 • ECRANS&MEDIAS

Page 45: Liberation 21.06.2013

de mou. Sa grammaire d’étirementde l’action est devenue mécanique,ses ressources pour gagner del’audience vont plus souvent versla surenchère ou la nostalgie obses-sionnelle que vers la remise enquestion.Lui avait gardé ses distances avec legenre, apparaissant essentiellementau cinéma dans des rôles secondai-res, sans jamais parvenir à se débar-

rasser de la gangue empoisonnée dece rôle merveilleux. Une apparitionchez les Coen (The Barber), uneautre en directeur de prison dépassé(le Dernier Château, de Rod Lurie),un passage furtif chez KathrynBigelow dans Zero Dark Thirty etc’est à peu près tout. A part, bienentendu, ses caméos plus ou moinsconsistants dans des films où il étaitrarement autre chose que la carica-ture de lui-même. Gandolfini était

devenu, sans doute malgré lui, unecitation de Tony Soprano quand unfilm en avait besoin.

BAUDRUCHE. A ce titre, son dernierrôle, dans Killing Them Softly, d’An-drew Dominik (en attendant deuxautres films pas encore sortis), futquasiment un testament où l’acteuret le personnage ne faisaient plusqu’un. Il incarne un tueur à gagesitalo-américain débarquant dansl’action précédé d’une réputationd’infaillibilité, mais se révèle l’allé-gorie d’une mafia spectrale, unebaudruche mal élevée et confitedans l’alcool, fort en gueule maisimpotent à exécuter sa mission.Un jour, chez le docteur Melfi, TonySoprano avait tenté de mettre desmots sur ce mal qui le rongeait, surcette prémonition de mort qui luicollait aux semelles. Elle lui avaitdemandé : «Ce doit être doulou-reux…» Et Tony avait répondu :«Non, ce n’est pas douloureux. Sefaire tirer dessus, c’est douloureux. Sefaire poignarder dans les côtes, c’estdouloureux. Cette merde n’est pasdouloureuse. C’est juste… rien.» •

C e n’est pas la premièrefois que la superpuis-sance Microsoft essuie

un échec, mais jamais elle nel’a admis si rapidement. Acinq mois du lancement dela Xbox One, sa nouvelleconsole tout juste dévoilée, lafirme a effectué hier un vi-rage à 180 degrés, renonçantaux points les plus critiquésde sa nouvelle machine.Le revirement paraissait iné-vitable: on a en effet assistéà une succession de fails quiferont date dans le musée deshorreurs marketing. D’unepart, il fut signifié auxjoueurs qu’une connexioninternet, à valider toutes les24 heures, serait obligatoire.D’autre part, on leur appritque de nouvelles restrictionsempêcheraient de revendreun jeu ou de le prêter, voirede l’offrir après y avoir joué.Cette question des DRM(verrous numériques) a pro-fondément heurté la com-munauté gamer. Au salonprofessionnel E3, il y adix jours, une conférencecensée calmer le jeu n’a faitque l’envenimer en donnant

le sentiment que le projetavait été piloté par des colsblancs arrogants qui ten-taient de noyer le poissonsous une avalanche de titres.Plus tard, le concurrent Sonytenait la conférence de saPS4. Pas de connexion obli-gatoire, pas de DRM, libertéfaite aux développeurs indé-pendants d’éditer eux-mê-mes leurs jeux sur le Play-Station Network et dézonagetotal de la machine. Le tout à100 euros de moins…Dans ces conditions, le tri-bunal mondial des gamers avite tranché, tous les forumsde joueurs et les sites profes-sionnels se faisant l’échod’une exaspération rarementobservée.Résultat : Microsoft aban-donne les DRM, renonce à laconnexion obligatoire etajoute le dézonage à sa red-dition. Faire aveu de faiblesseaujourd’hui lui évitera sansdoute le casse-pipe demain.Cela ne met pas Microsoftpour autant en pole positiondans la course, mais dumoins, celle-ci est relancée.

OLIVIER SÉGURET

MICROSOFT Sous la pression desgamers, la console sera révisée.

Xbox One,déjà la version 2

Emmanuel Burdeau, journaliste àMediapart et auteur d’un essai sur la série:

«Cette bêtefulminant dansune cage minuscule»«L a grandeur de Tony-Gan-

dolfini, c’était bien sûr lacolère. Immense, dispro-

portionnée. La respiration devienthalètement et les yeux s’humectent.La vision se brouille, la face vire auflou. Plus de visage, plus rien. Toutest flou. Bienvenue à la télévision.C’est la colère du personnage, tou-jours plus oppressé par les obliga-tions mafieuses, les calculs à troisbandes, les bisous hypo-crites des copains… C’estaussi la colère de l’ac-teur, personnalité difficile, qui souf-frait d’interpréter un héros aussinoir, de sorte que lorsque approchale soir du 10 juin 2007, date de la dif-fusion du 86e et dernier épisode desSoprano, il fut le seul de l’équipe àconfier non pas une peine, mais unsoulagement.«Cette peine, il est impossible dene pas la ressentir aujourd’hui, enapprenant la mort, à 51 ans, de cetteforce de la nature, cette bête fulmi-nant dans une cage minuscule, lepetit écran. Mais le soulagement estlà aussi, l’impression d’un fait enfinaccompli, au moins dans l’ordre dumythe. Ce chien enragé voulait êtreGary Cooper. Il rêvait de régner ensilence: nourrir les canards, mangerde la glace, regarder History Chan-nel. Tony Soprano n’était pas enpaix, il ne connaissait pas le repos.Il ne désirait pourtant que cela: re-poser, en paix.«Il y a quinze ans, David Chase,

James Gandolfini, Tony Soprano ontsauvé la télévision. Mais ce n’est pasen la relevant, c’est en la condam-nant. En la vouant aux gémonies.A l’errance, à l’indignité. A l’ab-sence de repos et de salut. A la non-mort. La damnation, l’impossibilitéd’en (de s’en) sortir, tout le poids dumonde sur les épaules: voilà ce quinous attache à Tony Soprano. Voilàson héritage. Il a rappelé ce qu’héri-

ter veut dire: n’être pasmort, devoir recom-mencer sans pourtant

connaître aucun début. Continuer,coûte que coûte. Continuer quoi? Laviolence, la famille. L’histoire, leshistoires. Encore un épisode, encoreune saison. Encore une baffe, encoreun ami à abattre. On conçoit que,plusieurs fois approchée –attentats,syncope, coma–, la mort ait pu pa-raître douce à côté d’un tel sort.«Tony Soprano laisse deux enfants,Anthony Jr et Meadow. Il laisseégalement Vince Gilligan et Mat-thew Weiner. L’un père de WalterWhite, le chimiste caïd de BreakingBad, dont les adieux sont annoncéspour septembre. L’autre de DonDraper, le créatif playboy de MadMen qui, il y a quelques semaines àpeine, a voulu entrer dans l’eau etdisparaître.«Prions pour eux, comme nouscontinuerons de prier pour TonySoprano, pour James Gandolfini.»Auteur du livre «la Passion deTony Soprano», éd. Capricci, 2010.

REPUBLIQUE FRANCAISEPREFECTURE DE LA REGION D’ILE-DE-FRANCE,

PREFECTURE DE PARISDIRECTION REGIONALE ET INTERDEPARTEMENTALE

DE L’EQUIPEMENT ET DE L’AMENAGEMENTUnité territoriale de Paris

RAPPEL - AVIS D’ENQUETES PUBLIQUESProjet d’aménagement de l’ensemble immobilier

situé 40, 42, 42bis et 44 rue Marx Dormoyà Paris 18ème arrondissement

En exécution d’un arrêté de Monsieur le préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris, vont être ouvertes à la mairie du 18ème arrondissement de Paris

du jeudi 20 juin au vendredi 12 juillet 2013 inclus,les enquêtes publiques conjointes, une enquête préalable à la déclaration d’utilité publique et une enquête parcellaire, relatives au projet d’aménagement par la Société de Requalification des Quartiers Anciens (SOREQA), de l’ensemble immobilier situé 40, 42, 42bis et 44 rue Marx Dormoy à Paris 18ème arrondissement.

Les dossiers d’enquêtes publiques seront mis à la disposition du public qui pourra en prendre connaissance et produire, s’il y a lieu, ses observations sur le projet en cause, à la mairie du 18ème arrondissement de Paris, place Jules Joffrin, les lundis, mardis, mercredis, vendredis de 8 h 30 à 17 h et les jeudis de 8 h 30 à 19 h 30.

Les observations seront consignées ou annexées aux registres d’enquêtes ouverts à cet effet. Elles pourront également être adressées par écrit à Monsieur Pierre COLBOC, architecte-urbaniste honoraire désigné en qualité de commissaire enquêteur, à la mairie du 18ème arrondissement.

Le commissaire enquêteur se tiendra à la disposition du public pour recevoir ses observations à la mairie du 18ème arrondissement de Paris les jours suivants :

• jeudi 20 juin 2013 de 16 h 00 à 19 h 00,• mercredi 26 juin 2013 de 10 h 00 à 13 h 00,• vendredi 12 juillet 2013 de 14 h 00 à 17 h 00.

En application de l’article R.11-10 du code de l’expropriation, le commissaire enquêteur donnera son avis et rédigera ses conclusions motivées sur l’utilité publique du projet et sur l’enquête parcellaire, dans un délai d’ un mois à compter de la clôture des enquêtes.

Une copie du rapport relatif à l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique, dans lequel le commissaire enquêteur aura énoncé ses conclusions motivées sera déposée à la mairie du 18ème arrondissement de Paris pour y être tenue à la disposition du public pendant un an. Toute personne intéressée pourra en obtenir communication en s’adressant par écrit à la préfecture de la région d’Ile-de-France, préfecture de Paris (direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement - unité territoriale de Paris - service utilité publique et équilibres territoriaux - pôle urbanisme d’utilité publique), 5 rue Leblanc 75911 Paris cedex 15.EP13-125

APPEL D’OFFRES - AVIS D’ENQUÊTE01.49.04.01.85 - [email protected]

en Italie, à la fois le berceau culturelde l’acteur, né dans le New Jerseyen 1961, et du personnage qu’il a in-carné six saisons durant (entre 1999et 2007) sur la chaîne américaineHBO. Ensuite parce que sa mort, demanière troublante, ressemble auscénario du premier épisode de lasérie, diffusée le 10 janvier 1999.Tony Soprano, parrain italo-améri-cain du New Jersey, défaille lorsd’un barbecue orga-nisé dans sa villa.Inexplicablement, iltombe le nez dans legazon, terrassé parune crise d’angoisseaprès avoir assisté audépart de canards migrateurs de sapiscine où ils avaient élu domicile.Incapable de comprendre ce qu’il luiarrive, Tony le dépressif va dès lorsrendre visite à une jolie psychana-lyste, lui racontant tout, ses doutes,ses craintes, sa terreur de ne pas êtreà la hauteur, chaque scène de con-fession agissant comme le chœurantique d’une tragédie.

VIRÉES. La série créée et écrite parDavid Chase fut probablement lapremière à inaugurer un nouvel âged’or du genre dont la chaîne HBOfut le prophète. Tous ceux qui ontdécouvert les Soprano à l’époqueprenaient instantanément cons-cience que quelque chose d’énormese déroulait dans la télé. «Les So-prano ont été un des rares exemples desérie télé qui a évolué en une œuvred’art devant nos yeux», twittait hierl’écrivaine Joyce Carol Oates. Quel-que chose qui ressemblait à de la té-lévision et à du cinéma, sans être nil’un ni l’autre, ouvrant de nouveauxchamps aussi inconnus qu’exci-tants. Ensuite, ce furent les 86 épi-sodes, les répliques gravées dans lamémoire, les personnages secon-daires relevant du pur génie (Lor-raine Bracco en psychanalyste, EdieFalco en Carmela, l’épouse de Tony,le guitariste Steve Van Zandt en Sil-vio le gommeux, et son imitation dePacino dans Scarface: «When I thou-ght I was out, they put me back in.»),les virées sordides au bar à putesle Bada Bing, les plats de pâtes àtoute heure, les crimes atroces entredeux festins… Sans oublier, biensûr, la merveille de BO, à commen-cer par Alabama 3 et son Woke UpThis Morning au générique.Ce n’est probablement pas un ha-sard si Tony Soprano fut le premierhéros de cette époque fastueuse.Lui, le parrain du New Jersey, entre-preneur dans le traitement de dé-chets domestiques et magouilleur,était l’héritier de cette mafia à laCoppola et à la Scorsese dont le ci-néma, en lui donnant ses lettres denoblesse, a fini par sanctifier l’ago-nie. Tony, le garant d’un mondequ’il pensait éternel, avait sentiavant les autres que tout cela allaitdisparaître. En personnage prophé-tique du New York propret et sécu-ritaire post-11 Septembre, TonySoprano fut le dernier des classiqueset le premier des modernes.En guise d’ultime et tragique ironie,James «Tony» Gandolfini disparaîtalors que, justement la série améri-caine connaît ces temps-ci un coup

La série créée et écrite par DavidChase fut la première à inaugurerun nouvel âge d’or du genre dontla chaîne HBO fut le prophète.

VERBATIM

LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 2013 ECRANS&MEDIAS • 25

Page 46: Liberation 21.06.2013

A LA TELE CE SOIR20h50. Money Drop.Jeu présenté parLaurence Boccolini.23h00. Secret story.Télé-réalitéprésenté par Benjamin Castaldi.1h35. 50 mn inside.Magazine.2h35. Patrimoineimmatériel, chefd’oeuvre de l’humanitéMa Bio, sur le chemindes Gongs.Documentaire.

20h45. CapMéditerranée : La Fête de la musique,du soleil et des tubesDivertissementprésenté par Aïda Touihri et Patrick Sébastien.0h15. Tirage del’euromillions.0h30. Journal de lanuit, météo.0h45. CapMéditerranée :Infrarouge.

20h45. Faut pas rêver.Myanmar, la nouvelleBirmanie.Magazine présenté parTania Young.22h40. Soir 323h08. CapMéditerranée.23h10. Enquêtes derégions.Magazine.0h10. Doc 24.Documentaire.1h05. Déshabillez-nous.

20h55. Blanche-neige.Film d’aventuresaméricain de TarsemSingh, 105mn, 2012.Avec Julia Roberts, Lily Collins.22h40. Numéro quatre.Film de science-fictionaméricain de D.J.Caruso, 110mn, 2011.Avec ThimotyOlyphant.0h25. Effraction.Film.1h55. Zapsport.

20h50. Cosi fan tutte.Opéra en 2 actes deWolfgang AmadeusMozart.Avec Annett Fritsch,Paola Gardina.0h00. Ma vie avecHannah.Téléfilm d’Erica Von Moeller.Avec Nina Hoss.1h25. Court-circuit.Spécial Fête de lamusique.Magazine.

20h50. NCIS : Los Angeles.Série américaine :Résurrection,Le saut de l’ange,Overwatch,Au champ d’honneur.Avec Chris O'Donnell,Daniela Ruah.0h05. Sons of anarchy.De sang et d’encre,Le prix de la haine.Série.2h15. Earl.Série.

20h45. Gad Elmaleh :L’autre c’est moi.Spectacle.22h40. Sophia Aram,du plomb dans la tête.Spectacle.0h15. Le clan des divorcées.Spectacle.2h05. Consomag.2h10. Francofolies de laRochelle 2012.General Elektriks.Spectacle.5h05. Highlander.

20h40. La Chineantique.Le premier empereur.Documentaire.21h35. Le nouveauvisage de la Terre.Le monde à portée demain.Documentaire.22h25. C dans l’air.Magazine.23h30. J’irai dormirchez vous...Éthiopie.Documentaire.

20h40. Les GrossesTêtes.Avec Isabelle Mergaultet Chantal Ladesou.Divertissementprésenté par Philippe Bouvard.20h40. Les GrossesTêtes.Avec Lorànt Deutsch etChristian Estrosi.Divertissement.23h50. Ça balance à Paris.Magazine.

20h50. Les Cordier,juge et flic.Téléfilm français :Comité d’accueil.Avec Pierre Mondy.22h30. En quête depreuves.Série allemande :Un cœur à prendre.Avec Wolfgang Bathke,Matthias Bullach.23h30. La maison dubluff 3 - L’hebdo.Jeu.

20h45. Hercule Poirot.Téléfilm britannique :Cinq petits cochons.Avec David Suchet,Toby Jones.20h45. Hercule Poirot.Le crime de l’OrientExpress.Téléfilm.0h15. Suspect n°1 .Magazine présenté parJacques Legros.2h05. Les aventures deSherlock Holmes.Série.

20h50. Enquêted’action.Stress, danger et sang-froid : enquêtes sur lesmétiers à risque.Magazine présenté parMarie-Ange Casalta.22h50. Encore +d’action.Troupes d’élite contredealers : à la reconquêtede Rio de Janeiro.Magazine.23h50. Enquêted’action.

20h45. Rex, le cyber chien.Téléfilm de GeorgeMiller.Avec Ryan Cooley,Judd Nelson.22h20. Le concertPop’s cool.Musique.23h45. G ciné.Magazine.23h55. Dr. Quinn,femme médecin.L’expédition - partie 1.Série.

20h50. En quêted’actualité.Apéro, grillades et jusde fruits : la vérité surce que nous mangeonsl’été.Documentaireprésenté par Guy Lagache.22h35. En quêted’actualité.Documentaire.2h05. Touche pas àmon poste !

20h45. Vampirediaries.Série américaine :Jouer avec le feu,Sans issue,Isobel.Avec Sara Canning,Matthew Davis.23h15. True blood.Jusqu’à ce que la mortnous sépare,La fin d’un cauchemar.Série.1h15. Démons.

20h50. Popstars.Épisodes 7 & 8Divertissementprésenté par Alexia Laroche-Joubert, La Fouine,Philippe Gandilhon,Mareva Galanter.23h05. Enquête très spéciale.Série.0h05. Star story.Beyoncé, divine idole.Documentaire.

TF1

ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5

GULLIW9TMCPARIS 1ERE

NRJ12 D8 NT1 D17

FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL +

Fête de la BirmanieFrance 3, 20h45La bonne idée, en cettesoirée de Fête de lamusique pain in the ass,c’est de s’évader en Birma­nie avec Faut pas rêver.

Fête per tuttiArte, 20h50Ou, si on y tient vraimentà cette foutue Fête de lamusique, on peut tenterce Cosí fan tutte mis enscène par Michael Haneke.

Fête des punksGulli, 20h45Ou alors, mais ça signifiequ’en plus d’être un antiFête de la musique, on estun sale punk, on regardeRex, le cyber chien.

LES CHOIX

1euro, c’est le prix de l’édi­tion spéciale de Mariannequi annonce sa nouvelleformule. Enfin non, préci­sent les dirigeants dansce numéro: «Pas une nou­velle formule mais un nou­veau journal correspondantà une période historique,politique, technologique,elle aussi radicalementnouvelle.» Ce NouveauMarianne (ce sera désor­mais son nom) sera dispo­nible le 29 juin pour3 euros et entend permet­tre à ses lecteurs de«comprendre tout ense divertissant, penserl’avenir, inventer le néces­saire rebond de la France».Et qui servira donc detrampoline au pays?Mais oui: Jean­FrançoisKahn, celui­là même qui afondé Marianne en 1997,en a fait un succès depresse et l’a quittéen 2007, en même tempsque, annonçait­il alors, laprofession de journaliste.

La patronne du Monde,Natalie Nougayrède, invi­tée au News Summit duGlobal Editors Network(réseau mondial desrédacteurs en chef) quise tient ces jours­ci à Paris,a annoncé hier que legroupe «réfléchissait àune offre de contenu enanglais». «Je veux quele Monde devienne unemarque mondiale», a­t­elleavancé. Certains articlessont déjà traduits enanglais sur le site du quoti­dien. Celui sur les échan­tillons rapportés de Syrie,prouvant l’utilisation du gazsarin, était disponible enanglais dès publication.Cette stratégie s’inscritdans un mouvement pluslarge: les grands médias,considérant qu’ils ne peu­vent plus croître dans leurpays, cherchent de nou­veaux marchés. Le NewYork Times, par exemple,va lancer une édition enportugais, à destination dulectorat brésilien. El Paísaussi, selon le président dugroupe Prisa, Juan LuisCebrián, présent à lamême conférence hier.El País réalise la moitié deson audience web hors del’Espagne, essentiellementen Amérique latine. I.H.

«LE MONDE»,THE DAILYOF THE NIGHT

L’HISTOIRE

Selon nos informations,la ministre de la Culture,Aurélie Filippetti, comptelancer une mission sur lestatut juridique des échan­ges non marchands, cestéléchargements entreinternautes sans but lucra­tif, qui ont été la cible prin­cipale de l’Hadopi. Cettemission devra dans un pre­mier temps faire «un état

des lieux des usages», précise le cabinet de la ministre,afin de déterminer ce qui relève ou pas du non­marchand,car «il y a des échanges qui passent par des services quise rémunèrent». L’une des pistes évoquées est d’étudierl’adaptation à Internet de la notion de «cercle de famille»,au sein de laquelle une œuvre peut être échangée et dif­fusée sans que les ayants droit puissent s’y opposer. Lecabinet de la ministre est notamment intéressé par lanotion plus large de «communauté d’intérêts» définie parla Cour de cassation dans un jugement du 10 avril : unensemble de personnes formé «par affinités amicales ousociales, bien qu’elles ne fussent liées entre elles paraucune appartenance commune». S.Fa. PHOTO AFP

ÉCHANGES NON MARCHANDS :AURÉLIE FILIPPETTI PART EN MISSION

LES GENS

Par ERWAN CARIO

Elles sont «explicites»,les données du problème

L a recommandationdu G29, le groupe-ment des Cnil (Com-mission de l’infor-

matique et des libertés)européennes, pour remettreà plat une directive de 1995régissant en Europe la col-lecte des données personnel-les est toute bête: les servicesen ligne doivent s’assurer du«consentement explicite»d’un internaute avant decollecter des données (Libé-ration du 18 juin). Jusqu’ici,ce consentement devait être«indubitable», un mot si inu-sité que les aspirateurs à da-tas ont fait semblant de nepas en comprendre le sens.C’est bien, «explicite», ça a lemérite d’être clair : ça veutdire que j’ai cliqué sur «OK»une fois qu’on m’a expliquéce qu’on voulait faire de mesrecherches web, de mon his-torique de navigation ou dema géolocalisation. Du coup,si je n’ai pas cliqué, c’estque, cher site internet, tupeux aller géolocaliser toncloud si tu veux, mais tu lais-ses mes données tranquilles.

Les grands services du Websont outrés. Ils n’aiment pas,mais alors pas du tout, le mot«explicite». Selon eux, ce se-rait un frein pour l’innova-tion (mot qui, au passage, neveut absolument plus riendire aujourd’hui) et eBay vamême jusqu’à craindre une

«fatigue du clic» pour les in-ternautes à force de cliquersur «OK». Et quand on a unpetit coup de mou, on peutrelire l’argumentaire de Fa-cebook qui estime sans rirequ’il est «dans la meilleureposition pour décider du ni-veau approprié d’informationsà fournir». Mrffff… Hum,pardon, ça nous fait la mêmechose à chaque fois.

Ils prêchent donc pour unstatu quo qui est pour euxindispensable à la bonnecontinuation de leur grandlabourage des existences nu-mériques. Ce consentementexplicite est pourtant la seulevoie envisageable afin deredonner un peu de sens àl’aspect «personnel» de cesdonnées. Aujourd’hui, ellesn’appartiennent plus àl’internaute, mais aux ser-vices qu’il utilise. Et à unegalaxie d’autres sites invi-sibles. Pour le constater, ilsuffit d’installer l’extension«Collusion» sur son naviga-teur, qui fait apparaître tousles data-prédateurs. Durantl’écriture de cette chronique,par exemple, 87 sites pour laplupart inconnus ont penséque nous étions indubitable-ment d’accord pour qu’ils seservent dans nos données.On aurait aimé pouvoir leurdonner notre avis sur le sujetde manière explicite. Trèsexplicite. •

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Page 48: Liberation 21.06.2013

A quoi ça tient le plaisir d’unebonne bière ? Tiens, débar-quez un après-midi de juinà Arras, 42 000 habitants,

préfecture du Pas-de-Calais. Au sortirde la gare, enfoncez-vous dans le cen-tre-ville où, au détour d’une rue om-brée, vous débouchez sur cet écrin dustyle baroque flamand que sont laGrand-Place et la place des Héros.Soit 155 maisons à deux étages, avecfaçades sous pignons à volutes que l’ondirait alignées comme à la parade. Nevous y trompez pas, il n’y a rien demonotone dans cet ordonnancementde pierres et de briques. Au contraire,il suffit d’une déambulation tranquillesous les arcades de la Grand-Place pourse vautrer dans une débauche de têtes,d’oculus avec guirlandes, de gerbes deblé, d’enseignes et autres décorationssculptées, ciselées dans la pierre (1).Rendez-vous, entre autres, au 49 de laGrand-Place devant la maison des TroisLuppars (2), dont on dit qu’elle est unedes plus anciennes demeures (1467).Perdez-vous dans le camaïeu de briquesde la façade qui titille le ciel de sonpignon pointu, dit joliment «à pas demoineau».On s’en va ensuite flâner vers la placedes Héros, là où s’élèvent l’hôtel de villeet le beffroi, construits entre le XVe etle XVIe siècles, rasés durant la PremièreGuerre mondiale et reconstruits àl’identique dans les années 20. On ne selasse pas de goûter ces ripailles du go-thique flamboyant, dont la tour de guetsurmontée d’un lion d’or tutoie le ciel.«Cet amoncellement de dômes, depignons, de cariatides, de balcons, cetteprofusion de vermicelles, d’acanthes, decongélations, de figurines est d’un joyeuxet luxueux effet», écrivait Paul Verlainedans Vieille Ville. Comme dirait leGrand, il y a trente-six façons d’avoirenvie d’une binouze. Et là, à contem-pler Arras qui ressemble à une bonbon-nière, on a envie de se poser sur la merdes pavés tièdes pour «feuilleter» unePage 24 puisque c’est le nom d’unemousse locale.

LAVASSE. La bière est capable dumeilleur et du pire au pays du picrateoù nous sommes des petits bras ques-tion levers de chopes, comparés à nosvoisins européens : 30 litres par an etpar Français contre plus de 115 litres parAllemand et 99 litres au Royaume-Uni.Le pire sur le zinc tricolore, c’est unelavasse tiédasse servie dans un verresuspect par un taulier à mine de portede grange. Alors, quand vous dégustezune Page 24 sur la place des Héros

TU MITONNES Chaquevendredi, passage encuisine et réveil despapilles. Aujourd’hui,flânerie goulue dansles rues d’Arras.

Passe ton bock d’abord!

Par JACKY DURAND

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LIBÉRATION VENDREDI 21 JUIN 201328 •

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Page 49: Liberation 21.06.2013

Par OLIVIER BERTRAND

A Tavel, un vinde funambule, alliédu lièvre et de sanglier

C’ est un vin qui m’esttombé dessus l’autrejour. Je déjeunais

tranquillement avec un col-lègue, lorsqu’il m’a proposéde boire un verre de blanc.Nous étions à la Boîte à sardi-nes, resto marseillais depoisson loin des adressestouristiques ou m’as-tu-vu-quand-je-mange qui par-sème le rivage local. Fabien,le patron, sorte d’hyperactifavec la bouille de RobertoBenini, vendait au départ descoquillages. Puis il a ouvertun restaurant, et c’estcomme ça qu’en prenantla commande il nous a de-mandé ce qu’on buvait. Lecollègue a insisté. Juste unverre de blanc alors ?Mais un bon verre.C’était un vin de Tavel,le Balazu des Vaussièresd’un certain Charmas-son. Un vin curieux,très aromatique sansêtre écœurant, grâce àl’acidité et une joliepointe d’amertume.Un vin sans soufre,pas totalement droit,mais pas barré nonplus. Vin vivant et sen-sible, différent. Un vin defunambule.

Christian a 57 ans, Nadia 49.Au départ c’est son grand-père à lui qui avait un toutpetit peu de vigne. Moinsd’un hectare, qu’il vinifiaitquand il ne charriait pas lesblocs de calcaire d’une car-rière. Le village appelait cegrand-père «Balazu», nomd’une sorte de troubadourlocal. Christian a gardé lesurnom, et la vieille parcelle(90 ans désormais). Ses pa-rents à elle venaient de Ka-bylie, via Laon, dans l’Aisne.Ils ont travaillé commeouvriers agricoles avant de

se lancer, de planter pro-gressivement un peu plus decinq hectares désormais. Aumilieu du grenache poussentdes cépages blancs, bour-boulin et clairette rose aumilieu. On faisait souventcela avant. Quand l’annéeétait chaude, le grenachetrop mûr, on ajoutait lebourboulin ou surtout laclairette, qui redressentl’acidité. Nadia et Christianfont ainsi, travaillent en bio-dynamie, s’attachent à la viede leur sol, «à la relation so-

ciale entre l’animal et levégétal». En clair, ilssont ravis quand un fai-san ou un lièvre se pro-mènent dans la vigne.

Même les sanglierssont les bienvenus !L’autre jour, Chris-tian a découvert ravileurs crottes, fraî-ches. Il assure que lecochon sauvage nemange pas sesbaies. Qu’il suffitque les sols soientvivants pour qu’ilse contente decreuser et trouver à

manger. Sentant que jedoutais de l’innocuité dusanglier dans la vigne, il ajuste murmuré: «En tout cas,je le sens comme ça.» Vit-onà deux, en biodynamie, surseulement cinq hectares ?«On n’a pas de gros besoins»,dit-il. Le chenillard a 40ans,le tracteur 35. «On a une pe-tite vie, ajoute-t-il. Mais çan’empêche pas d’être heureux,ni d’aimer ce qu’on fait.» •La Boîte à sardines, 2 bd de laLibération, 13001 Marseille. Tél:0491509595. Le Balazu desVaussières: Nadia et ChristianCharmasson, Chemin de laVaussière, 30126 Tavel. Tél:[email protected]

PARLONS CRUS

Fromage coulantet pain d’épices…

Et ouvreta boîteà camembert!

O n oublie trop souvent que l’onpeut se taper la cloche avec unebonne bière. Procurez-vous l’un

des délicieux opuscules des Editions del’Epure consacrés à la Bière, dix façonsde l’apprécier, signés Sonia Ezgulian,pour passer à table avec un bock.Voici sa recette de «camembert auxmouillettes de pain d’épices» à dégus-ter cet été avec une bière blanche. Il fautun camembert au lait cru; 12 mouillet-tes de pain d’épices; 2 poignées de jeu-nes pousses de salade ; quelques brinsde coriandre fraîche; quelques brins deciboulette; quelques brins de cerfeuil;de la vinaigrette bien relevée. Retirez lepapier enveloppant le camembert et re-mettez-le dans sa boîte en bois. Dépo-sez-la sur la grille, au-dessus des brai-ses mourantes d’un barbecue. Evitez lesbraises vives qui pourraient enflammerla boîte du claquos. Vous pouvez égale-ment l’enfourner dix minutes à 180 de-grés. Avec une cuillère à café, faites unepetite ouverture pour vérifier que le fro-mage a bien fondu. Retirez-le du feu oudu four et versez le camembert fondusur les mouillettes de pain d’épices. Dé-gustez avec la salade de jeunes pousseset d’herbes aromatiques.

d’Arras, comme dirait l’autre, «c’est lebon Dieu qui vous descend en culotte develours dans l’estomac». Mais faudraitpas que l’on tombe dans le fût. Parceque l’on a décidé l’ascension du beffroipar la face nord. Quelques gorgées, unascenseur et 43 marches plus tard, nousvoilà donc tout en haut d’Arras, là oùla Grand-Place et la place des Hérosressemblent à ces maquettes en cartonde villes miniatures à montersoi-même. Là-bas dans la brumebleutée, on aperçoit, posé comme unedent creuse, le monument de Vimyérigé à la mémoire des soldatscanadiens disparus durant la Der desders. Le souvenir de la guerre est

partout dans ce paysage en pentedouce, ancré au cœur de l’Europe :Bruxelles est à 139 kilomètres; Cologneà 300; Paris à 176. Et là-bas dans un plidu Pas-de-Calais, à quelques kilomètresdu beffroi d’Arras, il y a Aix-Noulette,le bourg où l’on brasse la Page 24. Cer-tes, l’endroit n’a pas la solennité d’unvieux chais de Bourgogne mais poussezce week-end (3) la porte de la brasserieSaint-Germain et vous ne serez pasdéçu par l’épopée de la Page 24 contéepar Vincent Bogaert, 41 ans, carrure derugbyman et minutie d’horloger quandil s’agit d’expliquer la bière. Dans uneautre vie, il se destinait à la charcuterie,mais un pépin de santé l’a obligé à sedétourner de l’andouillette d’Arras. Ila appris le métier de la bière dans unetaverne lilloise qui brassait sur place.

GAMBERGE. En 2002, il s’est installéavec son frère et un autre associé dansune ancienne menuiserie d’Aix-Nou-lette pour créer la brasserie Saint-Ger-main. Le nom de la bière est néd’une gamberge familiale autour duchiffre 24: 24 degrés, la température defermentation, 24 jours de garde… Etd’une énigmatique histoire de page 24dans un grimoire dédié à la fabricationde la bière. En 2003, la brasserie Saint-Germain vendait 1300 hectolitres. Dixans plus tard, elle en produit 7500 paran déclinés en dix sortes de bières(blonde, blanche, brune, ambrée,triple…), emploie huit personnes ettruste les médailles au concours généralagricole. Pour faire une bonne bière, «ilfaut être régulier, ne pas tricher sur lesmatières premières», estime VincentBogaert. Entre les livraisons, le déve-loppement et les nouveaux marchés(le frère de Vincent est cette semaineaux Etats-Unis et au Brésil), les troisassociés continuent de brasser «pour nepas perdre la main».Ainsi, Vincent démarre son premierbrassin le dimanche à 23 heures. Cen’est peut-être pas un hasard si lebrasseur embauche aux mêmes horairesqu’un boulanger. Entre eux se joue unpeu la même histoire de céréales, d’eau,de levure et de fermentation. L’âmede la bière, c’est le malt, cette orge ger-mée que Vincent vous montre à pleinepoignée. On hume les grains grillés dumalt caramel, ceux encore plus torréfiéset friables comme un grain de café dumalt Black. «Il y a toujours un malt

principal et d’autres ajoutés qui vont don-ner l’arôme, la couleur de la bière», expli-que le brasseur, qui vous ensorcellel’odorat, le nez, dans les sacs de ses dif-férentes sortes de houblon des Flandresfrançaises. Dans la salle où la bière estgardée vingt-quatre jours pour la fer-mentation secondaire, Vincent n’estpas peu fier de vous montrer les anciensfûts de vin de Bourgogne dans lesquelsil fait vieillir près d’une année de labière brune qui rappelle, au nez, lesvieux portos.On s’en va ensuite goûter sa blondetriple dont on conjuguerait bien larichesse aromatique avec des fromages,avant de tenter une pointe de chocolat

avec la Page 24 brune. Enembuscade, Vincent a dé-bouché sa dernière création,la Rhub’I.PA, où le jus derhubarbe et les houblonsd’Océanie vous plantent untapis de fleurs dans les pa-pilles. La diablesse a été mise

au point en duo avec la brasserienorvégienne Nøgne Ø. «Il faut sanscesse bouger, aller voir ce qui se faitailleurs», dit Vincent pour qui sa pro-fession est en phase avec le brassage dumonde. En 2003, il y avait 120 brasse-ries artisanales en France ; elles sontaujourd’hui 500. •(1) Lire «Balade au cœur d’Arras», écritet édité par Robert Dumont (10 euros).(2) Transformée en hôtel, 77 eurosla chambre double.(3) Du 21 au 23 juin, portes ouvertesdans les brasseries participant à l’opérationla Moisson des brasseurs.Rens.: www.lamoissondesbrasseurs.com

DR

On s’en va goûter sa blonde tripledont on conjuguerait bien larichesse aromatique avec desfromages avant de tenter une pointede chocolat avec la Page 24 brune.

41%C’est la part des Français qui confessent chourerdes frites dans l’assiette de leur voisin. Selon une étudeTNS pour McCain, les plus gros voleurs seraient lesfemmes (47%) et les jeunes de 16 à 24 ans (52%). Autresrésultats de cette cruciale enquête: les Français préfè­rent les manger le midi plutôt que le soir, 89% les trou­vent encore meilleurs avec les doigts (comme si on allaitsortir l’argenterie…) et 85% d’entre eux sont chaudscomme des baraques à frites pour en manger pendantleurs vacances. Reste une question en suspens: alors àquoi ça sert, la frite, si t’as pas les moules?

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Par ÉLIANE PATRIARCA

En 2100, le Mont-Blanc aura-t-il prisdes allures pyré-néennes sous l’effetde la hausse destempératures etd’une multiplica-tion des jours de

canicule? Au XXe siècle, les tempé-ratures dans le massif alpin ont aug-menté de 1,5 degré, soit trois foisplus vite que la moyenne globaleplanétaire, avec des effets évidents:les glaciers se retirent, les arbres etplantes grimpent en altitude, desparois rocheuses s’effondrent…Récemment mis en ligne par le Cen-tre de recherches sur les écosystè-mes alpins (Crea) de Chamonix(Haute-Savoie), l’Atlas scientifique

du Mont-Blanc ouvre une fenêtresur le futur du massif. «Le réchauffe-ment climatique, on en parle beau-coup, mais cela reste abstrait, indiqueAnne Delestrade, écologue fonda-trice du Crea, un organisme associa-tif de recherches. Visualiser ses effetsà l’échelle de tout un massif, sur lesglaciers aussi bien que sur la flore oula faune, c’est plus percutant. On aessayé de se projeter dans le XXIe siè-cle. Même si cela reste très théorique,ne serait-ce que du fait de l’incertitudedes modèles mathématiques.»

Hausses de 4 à 5°CL’atlas se présente sous la formed’un site web (1), en accès libre, oùabondent cartes du massif, repré-sentations en 3D photos, vidéos. Fi-nancé par l’Union européenne dansle cadre du projet Alcotra, cet outil

est destiné à sensibiliser le grandpublic (habitants, touristes, ensei-gnants ou accompagnateurs demoyenne montagne), mais son con-tenu est de haut niveau: il présentequelque 200 études scientifiquesparmi les plus récentes sur les Alpeset nombre des plus importants labo-ratoires de recherche –français, ita-liens et suisses – en biodiversité,glaciologie et climatologie y contri-buent. Durant trois ans, les cher-cheurs ont jonglé avec des paramè-tres climatiques et écologiques pourmodéliser ce qu’a été ou pourraitdevenir le massif. «Nous avons tra-vaillé sur le scénario moyen d’émis-sions de gaz à effet de serre du Groupeintergouvernemental d’experts surl’évolution du climat [Giec], qui anti-cipe des hausses de températures del’ordre de 4 à 5°C pour les Alpes d’ici

Chamonix-Mont-Blanc

Mer deGlace

HAUTE-SAVOIE(FRANCE)

1 km

ITALIEMont-Blanc

4810 mà 2100, précise Anne Delestrade.Nous mettrons bientôt en ligne lesdonnées correspondant aux deuxautres scénarios du Giec.»Afin de simuler l’évolution des tem-pératures, les chercheurs ont adaptéles résultats de modélisations faitesà l’échelle européenne, puis les ont«projetés» sur le massif en tenantcompte des variations d’altitude.«Cela nous a permis de générer descartes de températures et de précipita-tions avec une résolution de l’ordre dedix mètres», précise Niklaus Zim-mermann, écologue de l’Institut fé-déral suisse de recherches sur la fo-rêt, la neige et le paysage. D’ici à2100, à moyenne et basse altitudes,le couvert neigeux pourrait dispa-raître. C’est en été que le change-ment sera le plus accentué: les tem-pératures pourraient augmenter de

Pour sa survie, la renoncule des glaciers devra grimper de 1200 mètres. PHOTO S. AUBERT. SAJF Entre 1820 et 2005, le glacier des Bossons s’est retiré de 1,5 km. PHOTO ANNE DELESTRADE

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6 à 8°C. En hiver, la hausse de 3 à4°C s’accompagnerait d’une légèreaugmentation des précipitations.Incarnation de ce changement :l’isotherme zéro grimpe. Cettecourbe d’altitude à laquelle ontrouve une température de 0°C estune donnée capitale en montagne,car elle détermine la limite pluie-neige, la fusion de la glace, ou en-core le pergélisol, ces conditions degel permanent qui soudent les ma-tériaux, notamment rocheux, entreeux. Au fil des étés, l’isotherme zéroest monté en altitude et monteraencore. Il se situera à 4 083 mètresà l’été 2100, soit 700 mètres plushaut qu’aujourd’hui. Or, le massifne compte qu’une dizaine de som-mets de plus de 4 000 mètres ! Lesglaciers, les animaux ou les plantesqui ont besoin de températures esti-vales négatives verront donc leurhabitat réduit.

Résistance au­delàde 4000 mètres

Le retrait des glaciers alpins s’esténormément accéléré depuis lesannées 80, même si la dynamiquede cette évolution est plus ancienne:l’atlas le montre en retraçant quel-ques épisodes de la vie de ces géantsdepuis la dernière glaciation. Il y a18000 ans, ils occupaient 450 km²et s’étendaient côté français jusqu’àla banlieue lyonnaise. En 2000, ilsne recouvraient plus que 160 km 2.Et ils pourraient perdre 50% à 90%de leur masse d’ici à 2100. Modéliserprécisément l’évolution d’un glaciern’est pas simple, car le temps etl’intensité de la réponse aux chan-gements climatiques sont propres àchacun. On le voit bien avec l’étudecomparée de deux d’entre eux, géo-graphiquement proches: la mer deGlace et le glacier des Bossons. En-tre 1820 et 2005, la mer de Glace aperdu plus de 2,2 km de longueur,tandis que le glacier des Bossons,plus petit et plus pentu, ne s’est re-tiré «que» de 1,5 km.En basse et moyenne altitude, «lesglaciers reculent en moyenne de 20 à30 mètres par an», constate Chris-

tian Vincent, chercheur au Labora-toire de glaciologie et géophysiquede l’environnement (université Jo-seph- Fourier de Grenoble-CNRS).«Même des prévisions modérées – àsavoir + 2° ou 3°C d’ici à 2100 – con-damnent à terme les masses glaciairesqui culminent à moins de 3 400 mè-tres. Par contre, au-dessus de4 000 mètres, les glaciers résisterontlongtemps.» Le glaciologue, qui réa-lise des mesures de l’épaisseur deglace au sommet du mont Blanc(4810 mètres) et du dôme du Goûter(4 304 mètres), a constaté qu’ellen’a perdu que 3 mètres en un siècle.A ces altitudes, la températuremoyenne annuelle reste négative etla glace ne fond pratiquement ja-mais.Le retrait des glaciers n’est pas leseul changement dans le paysage.«La plupart des espèces végétalesmontent en altitude, indique AnneDelestrade. Au cours du XXe siècle,elles se sont hissées de 29 mètres tousles dix ans.»

Le Laboratoire d’écologie alpine deGrenoble (CNRS-université de Gre-noble) a cartographié les habitats de150 espèces végétales puis modéliséleur aire de répartition future, à10 mètres de résolution. Commentfait-on? On observe les paramètres(climat, sol, eau…) qui permettentà l’espèce de survivre et on regardeoù ils se retrouveront à l’avenir, enpostulant que ce sera la nouvelle«niche» de l’espèce.«Ce sont les plantes les plus spéciali-sées qui devraient le plus souffrir de lahausse des températures. Du fait decette spécialisation acquise au fil desmillénaires pour résister aux condi-tions climatiques extrêmes, elles se-ront peu enclines à la migration», ob-serve Wilfried Thuiller, écologue etbiomathématicien au Leca. «Les ha-

bitats favorables aux plantes du massifverront leur surface diminuer de moi-tié.» Ainsi la renoncule des glaciers,qui fleurit dans les éboulis et les fis-sures de rochers autour de2 600 mètres, devrait grimper de1200 mètres en un siècle. Mais ysurvivra-t-elle ? L’épicéa, espècedominante aujourd’hui, ne le seraplus. Il grimpera de 500 mètres pourtrouver son optimum écologiquemais risque de souffrir du manqued’eau en été.

ExtrapolationsWilfried Thuillier met néanmoins engarde contre le simplisme des mo-dèles actuels, incapables de prévoirles réactions singulières des espè-ces, de reproduire toutes les interac-tions entre espèces, ou avec le sol,le climat… «Dans certaines zones, oùon ne les attend pas, des plantes plusrésistantes s’accomoderont sans doutependant un temps à leurs nouvellesconditions, d’autres seront incapablesde migrer», nuance-t-il.

L’atlas du Mont-Blanc n’en est qu’àses débuts. Il devraits’enrichir d’une car-tographie des habi-tats de la faune et deleur évolution, ainsique d’un chapitre

géologie. Sa valeur ne se limite pasau massif : «Observer et prévoir lesconséquences d’une augmentation destempératures nous intéresse aussi pourextrapoler à l’ensemble de l’Europe ouaux pôles», explique Anne Deles-trade. Le massif du Mont-Blanc pré-sente une diversité d’écosystèmes,unique en Europe sur une échelleaussi concentrée, de 500 mètres à4 810 mètres d’altitude. SelonMartin Beniston, climatologue àl’université de Genève, sur quelqueskilomètres de distance, entre Saint-Gervais et le sommet du montBlanc, on observe une transition ra-pide de végétation et d’environne-ments, comme si l’on passait de laMéditerranée au Groënland. •

(1) www.atlasmontblanc.org

«Les plantes spécialisées vontsouffrir. Du fait de leur résistanceaux conditions extrêmes, ellesseront peu enclines à la migration.»Wilfried Thuiller écologue

H ier, dans la revue Na-ture, une équipe in-ternationale publiait

un article sur le «calciumexotique» (1). Aucun parfumd’Orient dans cette recher-che, l’exotisme est celui d’unnoyau de l’atome de calcium.Le calcium habituel, celuiqui forme nos os, est consti-tué en majorité d’un noyaude vingt protons et autant deneutrons. Un équilibre quiassure sa stabilité car lenombre 20, pour les neu-trons et les protons, est«magique», dans le jargonimagé des physiciens. Dou-blement magique, le cal-cium-40 représente unesorte d’étalon du noyau ato-mique. D’où l’intérêt de lecomparer à des versions exo-tiques.Les auteurs de l’étude (Alle-mands, Turcs, Français, Bel-ges…) ont réussi à mesurer,pour la première fois et avecune précision diabolique, lamasse de noyaux de cal-cium-53 et 54, dotés de neu-trons supplémentaires etdonc instables. Or, mesurercette masse avec ce niveaude précision, c’est accéderdirectement à l’énergie deliaison du noyau, qui découle«de toutes les interactions en-tre les nucléons».Ce résultat permet de com-prendre comment les nu-cléons remplissent les «cou-ches» du noyau. Et surtoutde pousser dans ses retran-chements la théorie de laphysique nucléaire. Cette re-cherche peut sembler ésoté-rique. Et surtout étrange,puisque les ions de calciumexotiques proviennentd’Isolde, un accélérateur du

Cern, le laboratoire européende physique des particules,près de Genève où fut déni-ché le boson de Higgs–Brout, Englert, Higgs pourles puristes. Comment sefait-il que les physiciensn’aient toujours pas fait letour du noyau de l’atome,alors qu’ils étudient des par-ticules des milliards de foisplus petites? Et que les forcesqui lient les nucléons déri-vent de l’interaction nu-cléaire forte, à l’œuvre entreles constituants des nu-cléons, les quarks ?Cela revient à dire que dé-couvrir le niveau inférieurd’une poupée russe ne révèlepas tout des secrets de cellequi l’abrite. Que, si efficacesoit-elle pour expliquer lesquarks, la théorie du niveauinférieur n’explique pas toutdu niveau supérieur. C’estpourquoi, alors que la physi-que des particules connaîtson heure de gloire, la physi-que nucléaire se heurte à desénigmes.Cette recherche exige donc,outre des théoriciens, le re-cours à l’exploration par desexpériences nouvelles. LeCNRS vient ainsi d’inaugurerune nouvelle machine, à Or-say, baptisée Alto. Elle pro-duira moult noyaux exoti-ques, en bombardant dephotons une cible d’uraniumchauffée à 2000°C. Elle nousdira peut-être pourquoi cer-tains noyaux, non sphéri-ques, jouent les soucoupesvolantes, prennent la formede cacahuètes ou de poires.

SYLVESTRE HUET

(1) F. Wienholtz et al., «Nature»,édition du 20 juin.

PHYSIQUE Le poids des atomesde calcium éclaire les mystèresde leur noyau.

Des nucléonsteintésd’exotisme

L’expérience Isolde, au Cern, fabrique des atomesexotiques. PHOTO MAXIMILIEN BRICE, CERN

L’épicéa ne sera plus une espèce dominante et gagnera 500 mètres d’altitude. PHOTO ANNE DELESTRADE

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PORTRAIT CAROLE COUVERT

la seule femme et la benjamine des cinq leaders syndicaux«représentatifs» qui se sont assis autour de la table avec gou-vernement et patronat. Celle qui veut remettre du peps ausein d’une confédération des cadres cacochyme aurait pres-que des accents contestataires. Elle ne dit pas que la rentréesera chaude, mais c’est tout juste. Retraite, assurance chô-mage… «François Hollande ne va pas assez vite, il y a une ur-gence sociale car la tendance à une radicalisation s’accroît. Il fautarrêter de taper sur les classes moyennes.»Son panier contient des propositions sur l’impôt sur les so-ciétés, un contrôle plus strict du crédit impôt recherche,la création d’un serpent fiscal pour éviter le dumping etpourquoi pas une campagne de pédagogie sur les métiers del’industrie. Quant au sujet épidermique des retraites, «quinous a poussés dans la rue en 2010», l’idée est de prendre encompte les années d’études post-bac en cas de hausse descotisations.Qu’on ne s’y trompe pas! Carole Couvert n’a rien d’une pa-sionaria. D’ailleurs, elle fustige le syndicalisme «grève-défi-lés-merguez». Son premier contact avec le social reste cui-sant. C’était au moment du mouvement de 1995: «Des piquetsde grève nous insultaient, nous sifflaient, essayaient de nousempêcher de franchir les grilles qu’ils avaient même tartinées

d’excréments…», se rappelle celle qui était alors jeune salariéed’EDF-GDF. Pourtant, quelques années plus tard, elle finirapar adhérer à la CFE-CGC, sur l’insistance d’un collègue.Pourquoi cette confédération-là ? Parce qu’elle voulaitun syndicat apolitique –elle refuse d’ailleurs de dire pour quielle a voté mais son organisation est marquée traditionnel-lement à droite– et une force de proposition («Agir et ne passubir»). En treize ans, la vice-présidente du syndicat dela Côte-d’Or pour la fédération des industries électriques etgazières est parvenue au faîte. «J’ai passé tous les niveaux enaccéléré», juge-t-elle tout sourire.La trajectoire professionnelle apparaît, idem, comme un sans-faute. Pas encore diplômée de l’Ecole supérieure de manage-ment de Chalon-sur-Saône, Carole Couvert met dans le mille.Son unique lettre de candidature à une annonce d’EDF-GDFest retenue. La jeune fille de 21 ans, major de promo, emportele poste de marketing à Dijon, devant 450 candidats. Troisans plus tard, elle revient à Beaune comme responsable d’unplateau d’accueil téléphonique. «Je dirigeais une quarantainede personnes. Au bout d’un an et demi, j’avais réussi à fairegrimper le site du 99e au 25e rang en passant de la culture del’abonné, à celle du client.» Au bout de trois ans, la managerévolue à nouveau et partage son temps entre un poste d’hy-perviseure à Dijon et celuid’observatrice du fonction-nement du syndicat.Cette tendance à la bougeotteest peut-être héritée de sonenfance. Son père, directeurexport dans le négoce en vin,l’emmenait dans ses dépla-cements, aux Etats-Unis, auQuébec, en Allemagne. Elle sesouvient qu’à 11 ans à peine, illa laissait sortir seule de l’hô-tel à New York pour alleréchanger un achat dans uneboutique. Sociable, elle ado-rait parler avec les clients cos-mopolites de l’hôtel-restaurant que tenait sa grand-mère àChambéry (Savoie). Elle reproduit finalement le mode de viepratiqué par son père : toujours une valise à la main. Lasemaine à Paris, le week-end à Mâcon avec Jérôme, son com-pagnon depuis quatre ans, un commissaire-priseur de 41 ans.Cette bosseuse avoue rentrer avec du boulot et moins fouinerdans les vide-greniers, surtout depuis son élection. «C’estun peu les douze travaux d’Hercule.»Il n’y a pas si longtemps, Carole Couvert avait la hantise dulundi, rue du Rocher, où se tenait la réunion des instancesdirigeantes. La numéro 2 de Bernard Van Craeynest était deve-nue sa bête noire. Comédie ou pas, sa voix laisse percer l’émo-tion ressentie. La battante a pris alors une dizaine de kilos et,pour la première fois, développé un mal-être au travail. Ledivorce est consommé quand le leader annonce qu’il aban-donne l’idée d’un rapprochement avec les syndicats auto-nomes (Unsa). Sans en avoir parlé, dit-elle, avec ses collabo-rateurs. «C’était un point de rupture. Mais je n’imaginais pasarrêter le combat, cela aurait été un aveu de faiblesse.»Elle fait acte de candidature, arrive à rassembler derrière elle13 des 16 fédérations, bat à plate couture François Hommeril,présenté en dernière minute pour la contrer. Ses détracteursl’accusent de putsch, elle répond leur avoir tendu la main. Et,pour la première fois en soixante-neuf ans de CGC, la métal-lurgie n’a pas de poste au bureau national.Depuis deux mois, elle tente de secouer la maisonnée. Un sé-minaire s’est tenu fin mai avec les fédérations et les unionsdépartementales. Objectif: plancher sur le premier plan stra-tégique de l’histoire de la CGC et mettre de l’huile dans lesrouages, tout en créant du lien. A table, le jeu consistait àfaire changer les convives de place. Deux heures de speeddating étaient ensuite au menu. Les détracteurs taxent cesinitiatives de gadget et la voient comme une tenante d’une«positive attitude» à la Lorie. Peu lui importe! Carole Cou-vert s’est mis en tête de rendre visible son syndicat. Fini l’im-muable éditorial du président dans la lettre confédérale. Celatournera. Quand au sigle il va muer à l’horizon 2014. Et, danstrois ans, à la fin de son premier mandat ? Carole Couvertsouhaite revenir un jour dans l’entreprise. Surtout ne pas seperdre dans l’exercice perpétuel du pouvoir syndical. Ellen’a que 40 ans et ne voit pas cette présidence comme une finde carrière. •

Par FRÉDÉRIQUE ROUSSELPhoto FRÉDÉRIC STUCIN

EN 7 DATES

21 janvier 1973 Naissanceà Beaune.Septembre 1994 Entrechez EDF­GDF à Dijon.2000 Adhère à la CFE­CGC. 2001 Présidente dusyndicat départemental.2004 Déléguée nationaleà l’égalité professionnelle.17 avril 2013 Elueprésidente de la CFE­CGC. 20­21 juin 2013Conférence sociale.

L e branle-bas des lieux obéit à une volonté de rupture.Rupture avec l’ancien président de la CFE-CGC,auquel Carole Couvert a succédé le 17 avril au congrèsde Saint-Malo. Au quatrième étage du siège, rue du

Rocher, Paris VIIIe, elle a placé son bureau à gauche, à la diffé-rence de son prédécesseur. Elle a meublé la pièce avec sonpropre mobilier. «Cela veut bien dire que je n’endosse pas soncostume.» Première femme à diriger le syndicat, la girondeblonde de 40 ans porte ce jour-là une robe rose à pois blancssous une veste sombre. De l’ère Bernard Van Craeynest, il restetout au plus une vitrine qu’elle désigne du doigt. Sur les murs,s’étalent des affiches publicitaires des années 50-70, son pé-ché mignon depuis ses 18 ans. Elle les a chinées dans les bro-cantes et accrochées elle-même à l’aide d’un porte-crayon,tard le soir, avant de rejoindre son studio parisien. Le brico-lage ne fait pas peur à celle qui se dit «manuelle». A 21 ans,elle retapait sa première maison achetée à crédit.Il y a à peine deux mois, Carole Couvert montait triomphantesur le podium de la salle malouine du Grand-Large élue par59,7 % des voix. A l’heure de la conférence sociale, elle est

La nouvelle présidente du syndicat CFE-CGC fait son entréeen scène à l’occasion de la conférence sociale, ouverte hier.

Jeune cadre dynamique

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