l'hémicycle - #452

16
C’est sa semaine. Pas encore celle de son retour en politique. Mais celle de ses premiers pas de conférencier inter- national. Nicolas Sarkozy est attendu ce jeudi 11 octobre, à New York, par les prestigieux clients d’une banque d’in- vestissement brésilienne, « employeur » de l’ancien Prési- dent français. Une prestation payée plus de 100 000 euros, dit-on. Ses premiers mots resteront privés puisque cette conférence se déroule à huis clos. Nicolas Sarkozy, qui rêve de devenir l’égal de Tony Blair, l’ex-Premier ministre britan- nique devenu l’un des conférenciers les plus prestigieux, a promis de discourir en anglais. Un challenge pour l’ancien Président français qui a travaillé sa maîtrise de la langue de Shakespeare tout l’été. À Paris, il ne donne pas encore de conférence. Ni d’interview aux médias qui spéculent sur son retour en politique. Mais son nom s’étale à la une des magazines avec cette lancinante question : va-t-il revenir ? Trois sondages en moins d’une semaine alimentent la chronique de son match retour face à François Hollande en 2017. Des sondages qui marquent une remontée de sa cote. Même si la « sarkonostalgie » est plus forte chez les chroniqueurs que chez les Français. 55 % d’entre eux ne le regretteraient pas selon une enquête CSA-RTL. Enfin, la chronique du retour est entretenue par les confidences de ses visiteurs, anciens ministres et ex-collaborateurs qui distillent impressions et petites phrases de leur ancien champion. La palme revient à Bruno Le Maire. Formel, l’an- cien ministre de l’Agriculture rapporte que Nicolas Sarkozy lui aurait confié qu’il n’aura pas « d’autre choix en 2017 que de revenir ». Cinq mois après sa défaite, le plus jeune retraité de France, qui a passé son été à se refaire une santé, sait bien que tous ceux qui ont tenté avant lui de revenir après une défaite ont tous échoué. Revenir fut le rêve de Valéry Giscard d’Estaing. Battu par François Mitterrand en 1981, l’homme de Chanonat a longtemps rêvé de revanche avant de devoir se contenter de remords. Les circonstances étaient certes différentes. La droite était divisée et Jacques Chirac était le héros gaulliste. Mais Giscard a cru à un premier retour en 1988 avant qu’il ne doive s’incliner devant la popularité de son ancien Premier ministre Raymond Barre. Une situation qu’on pourrait revivre en 2016 lors de la pri- maire de l’UMP. Pour être désigné, Sarkozy sait qu’il devra devancer Fillon, l’homme politique préféré des Français. Pour réussir son retour, Nicolas Sarkozy doit donc se faire désirer. D’abord en poursuivant sa cure de silence média- tique. Ensuite, en laissant faire son successeur. Pour l’instant, François Hollande découvre les affres du pouvoir par temps de crise et s’enfonce dans la spirale de l’impopularité. En attendant de savoir si sa gouvernance sera payante, l’ancien député de la Corrèze est persuadé qu’il retrouvera sur sa route en 2017… Nicolas Sarkozy. Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Joël Genard www.lhemicycle.com NUMÉRO 452 — MERCREDI 10 OCTOBRE 2012 — 2,15 ¤ CHARLY TRIBALLEAU/AFP PAUL J. RICHARDS/AFP THOMAS SAMSON/AFP Le système de financement des hôpitaux, basé sur la tarification à l’activité, pénalise plus durement les petites structures. Une réforme de la « T2A » s’impose pour enrayer le dérapage incontrôlé de leurs finances. PATRICK BERNARD/AFP THOMAS SAMSON/AFP Christine Boutin P. 3 Noël Mamère P. 2 L a tarification à l’activité, encore appelée « T2A », contribue à la dérive des finances des établisse- ments publics de santé. Elle favorise la concurrence entre hôpitaux et fragilise ainsi les plus petits, notamment en milieu rural. Les effets pervers actuels de la T2A, qui « touchent de plein fouet » ces établissements, ont déjà été soulignés dans un rapport récent du Sénat. Il y est indiqué que ces hôpitaux, « situés dans des bassins de population vieillissante et en diminution, ne peuvent pas aug- menter leur volume d’actes. Surtout, ils développent principalement une activité médicale, avec peu ou pas d’acte chirur- gical ou obstétrical », alors que la T2A favorise les actes techniques plus que le temps médical ou soignant. Le Sénat prône donc une suspension du passage à la tarification à l’activité, qui risquerait de fragiliser à terme les hôpitaux ruraux. Nombre d’élus locaux se sont élevés ces dernières années contre la fermeture des petits hôpitaux, dont plusieurs mater- nités : la Mission d’évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale (MECSS) du Sénat avait été la première à pré- coniser la suspension du passage à la tarification à l’activité des hôpitaux ruraux, prévue pour le 1 er janvier 2013. Il y a donc urgence à revoir ce mode de financement qui consiste à payer les établissements de santé selon leur acti- vité. Il faut – comme l’ont dit les deux rapporteurs Jacky Le Menn (PS) et Alain Milon (UMP) – non seulement que la T2A soit limitée à certaines activités médicales dans l’ensemble des établisse- ments de santé, mais qu’elle soit aussi a minima reportée ou réformée. >Lire le dossier de Tatiana Kalouguine en p. 6 et 7 Sarkozy, de l’art de revenir Les hôpitaux ruraux, premières victimes de la tarification à l’acte Et aussi Au sommaire Aux Quatre Colonnes : Mauvaise séquence pour le PS avec le traité européen par Pascale Tournier >p. 4 Reprendre la main… par Gérard Leclerc >p. 4 Économie : Impôts : l’overdose par Axel de Tarlé >p. 5 À distance : La guerre contre Aqmi, mode d’emploi par François Clemenceau >p. 10 Delevoye, entre le verbe gaullien et la chaleur chiraquienne DR Édito Bruno Jeudy Pour conserver la Maison-Blanche, les équipes de Barack Obama misent sur des outils informatiques ultra-sophistiqués capables de modéliser le comportement électoral de chaque Américain. > par Guillaume Debré en p. 12 L’ancien Médiateur, qui fut aussi ministre de Jacques Chirac, continue de déplorer la perte du sens collectif. Ce fasciné des mots et des convictions regrette le « choc des ambitions ». Il s’est construit une perception de l’homme avec une vision rousseauiste. > Lire l’Admiroir d’Éric Fottorino en p. 15 Obama 2.0 : du «Yes we can » au microciblage électoral États-Unis

Upload: lhemicycle-wwwlhemicyclecom

Post on 09-Mar-2016

253 views

Category:

Documents


4 download

DESCRIPTION

l'Hémicycle numéro 452 du mercredi 10 octobre 2012 Au sommaire : - Aux Quatre Colonnes : Mauvaise séquence pour le PS avec le traité européen par Pascale Tournier >p. 4 - Reprendre la main… par Gérard Leclerc >p. 4 - Économie : Impôts : l’overdose par Axel de Tarlé >p. 5 - À distance : La guerre contre Aqmi, mode d’emploi par François Clemenceau >p. 10

TRANSCRIPT

Page 1: l'Hémicycle - #452

C’est sa semaine. Pas encore celle deson retour en politique. Mais celle deses premiers pas de conférencier inter-national. Nicolas Sarkozy est attenduce jeudi 11 octobre, à New York, par lesprestigieux clients d’une banque d’in-

vestissement brésilienne, « employeur » de l’ancien Prési-dent français. Une prestation payée plus de 100 000 euros,dit-on. Ses premiers mots resteront privés puisque cetteconférence se déroule à huis clos. Nicolas Sarkozy, qui rêvede devenir l’égal de Tony Blair, l’ex-Premier ministre britan-nique devenu l’un des conférenciers les plus prestigieux, a promis de discourir en anglais. Un challenge pour l’ancienPrésident français qui a travaillé sa maîtrise de la languede Shakespeare tout l’été. À Paris, il ne donne pas encorede conférence. Ni d’interview aux médias qui spéculent surson retour en politique. Mais son nom s’étale à la une desmagazines avec cette lancinante question : va-t-il revenir ?Trois sondages en moins d’une semaine alimentent lachronique de son match retour face à François Hollande en 2017. Des sondages qui marquent une remontée de sacote. Même si la « sarkonostalgie » est plus forte chez leschroniqueurs que chez les Français. 55 % d’entre eux nele regretteraient pas selon une enquête CSA-RTL. Enfin, lachronique du retour est entretenue par les confidencesde ses visiteurs, anciens ministres et ex-collaborateurs quidistillent impressions et petites phrases de leur ancienchampion. La palme revient à Bruno Le Maire. Formel, l’an-cien ministre de l’Agriculture rapporte que Nicolas Sarkozylui aurait confié qu’il n’aura pas « d’autre choix en 2017 quede revenir ». Cinq mois après sa défaite, le plus jeune retraitéde France, qui a passé son été à se refaire une santé, saitbien que tous ceux qui ont tenté avant lui de revenir aprèsune défaite ont tous échoué. Revenir fut le rêve de ValéryGiscard d’Estaing. Battu par François Mitterrand en 1981,l’homme de Chanonat a longtemps rêvé de revanche avantde devoir se contenter de remords. Les circonstances étaientcertes différentes. La droite était divisée et Jacques Chiracétait le héros gaulliste. Mais Giscard a cru à un premierretour en 1988 avant qu’il ne doive s’incliner devant lapo pularité de son ancien Premier ministre Raymond Barre.Une situation qu’on pourrait revivre en 2016 lors de la pri-maire de l’UMP. Pour être désigné, Sarkozy sait qu’il devradevancer Fillon, l’homme politique préféré des Français.Pour réussir son retour, Nicolas Sarkozy doit donc se fairedésirer. D’abord en poursuivant sa cure de silence média-tique. Ensuite, en laissant faire son successeur. Pour l’instant,François Hollande découvre les affres du pouvoir par tempsde crise et s’enfonce dans la spirale de l’impopularité.En attendant de savoir si sa gouvernance sera payante,l’ancien député de la Corrèze est persuadé qu’ilretrouvera sur sa route en 2017… Nicolas Sarkozy.

Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Joël Genard

www.lhemicycle.com NUMÉRO 452 — MERCREDI 10 OCTOBRE 2012 — 2,15 ¤

CHAR

LY T

RIBA

LLEA

U/AF

P

PAU

L J.

RICH

ARDS

/AFP

THO

MAS

SAM

SON

/AFP

Le système de financement des hôpitaux, basé sur la tarificationà l’activité, pénalise plus durement les petites structures.Une réforme de la « T2A » s’impose pour enrayer le dérapageincontrôlé de leurs finances.

PATR

ICK

BERN

ARD/

AFP

THO

MAS

SAM

SON

/AFP

ChristineBoutin

P. 3

NoëlMamère

P. 2

La tarification à l’activité, encoreappelée « T2A », contribue à ladérive des finances des établisse-

ments publics de santé. Elle favorise laconcurrence entre hôpitaux et fragiliseainsi les plus petits, notamment enmilieu rural. Les effets pervers actuels dela T2A, qui « touchent de plein fouet »ces établissements, ont déjà été soulignésdans un rapport récent du Sénat. Il y estindiqué que ces hôpitaux, « situés dansdes bassins de population vieillissante et en diminution, ne peuvent pas aug-menter leur volume d’actes. Surtout, ils

développent principalement une acti vitémédicale, avec peu ou pas d’acte chirur-gical ou obstétrical », alors que la T2Afavorise les actes techniques plus que le temps médical ou soignant. Le Sénatprône donc une suspension du passageà la tari fication à l’activité, qui risqueraitde fragi liser à terme les hôpitaux ruraux.Nombre d’élus locaux se sont élevés cesdernières années contre la fermeture despetits hôpitaux, dont plusieurs mater-nités : la Mission d’évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale (MECSS)du Sénat avait été la première à pré-

coniser la suspension du passage à latarification à l’activité des hôpitauxruraux, prévue pour le 1er janvier 2013.Il y a donc urgence à revoir ce mode de financement qui consiste à payer lesétablissements de santé selon leur acti -vité. Il faut – comme l’ont dit les deuxrapporteurs Jacky Le Menn (PS) et AlainMilon (UMP) – non seulement que laT2A soit limitée à certaines activitésmédicales dans l’ensemble des établisse-ments de santé, mais qu’elle soit aussia minima reportée ou réformée. > Lire le dossier de Tatiana Kalouguine en p. 6 et 7

Sarkozy, de l’artde revenir

Les hôpitaux ruraux, premièresvictimes de la tarification à l’acte

Et aussi

Au sommaire • Aux Quatre Colonnes : Mauvaise séquence pour le PS avecle traité européen par Pascale Tournier > p. 4 • Reprendrela main… par Gérard Leclerc > p. 4 • Économie : Impôts :l’overdose par Axel de Tarlé > p. 5 • À distance : La guerrecontre Aqmi, mode d’emploi par François Clemenceau > p. 10

Delevoye, entre le verbe gaullienet la chaleur chiraquienne

DR

ÉditoBruno Jeudy

Pour conserver la Maison-Blanche, les équipes deBarack Obama misent sur des outils informatiquesultra-sophistiqués capables de modéliserle comportement électoral de chaque Américain.> par Guillaume Debré en p. 12

L’ancien Médiateur, qui fut aussi ministre de JacquesChirac, continue de déplorer la perte du sens collectif.Ce fasciné des mots et des convictions regrettele « choc des ambitions ». Il s’est construit uneperception de l’homme avec une vision rousseauiste.> Lire l’Admiroir d’Éric Fottorino en p. 15

Obama 2.0 : du «Yes we can »au microciblage électoral

États-Unis

H452_P01.qxd:L'HEMICYCLE 8/10/12 17:59 Page 1

Page 2: l'Hémicycle - #452

Vous aviez été le premier à célébrerun mariage gay, à Bègles, en 2004.Comment appréhendez-vous ledébat qui va s’ouvrir à l’Assembléesur le projet de loi ouvrant lemariage et l’adoption aux coupleshomosexuels ?Ce projet de loi créant le mariagepour tous, je le vois comme l’abou -tissement d’un long combat. Cecombat avait commencé en 1999,avec le Pacs, et il va donc se conclureavec cette loi qui remet la France auniveau des dix autres pays européensqui l’ont déjà adoptée.

La discussion sur le Pacs s’étaitdéroulée dans une ambianceexplosive…L’ambiance n’était pas « explosive »,je dirais plutôt qu’elle était délétère,dans la mesure où nous avons eudroit à un certain nombre de proposqui donnaient des frissons dans ledos, tenus y compris par des gensque l’on pensait cultivés et ouverts ;nous avons aussi eu droit, faut-il lerappeler, à la Bible dans l’hémicycle,grâce à Mme Boutin…

Pensez-vous que le débatsera aussi « délétère » ?Le débat est beaucoup plus apaiséqu’au moment du Pacs, d’abordparce que la société française estprête ; les Français sont plus enavance que leur représentation politique ; pour eux, cette réformene fait plus réellement débat.

La présidente du Partichrétien-démocrate réaffirmeson exigence d’un référendumsur la question…Un sujet comme celui-là n’appellepas de référendum pour deux rai -sons : faut-il rappeler à Mme Boutin,premièrement, que le président dela République, quand il était can-didat, s’était engagé à l’ouverturedu mariage pour tous, et que lamajorité socialiste et écologistes’est engagée à faire voter cette loi ?Pourquoi faire un référendum,alors que les Français ont choisiun Président et une majorité fa -vorables au mariage pour tous ?Deuxième raison : lorsque lagauche a aboli la peine de mort,l’opinion y était défavorable. Lagauche sait accomplir son devoir,et faire preuve de courage.

Vous comparez ce projet de loià celui qui abolissait la peinede mort ?Attention, je ne compare pas cetteréforme à l’abolition de la peine de mort, il s’agit là d’une simplecomparaison juridique sur la jus-tification d’un référendum. Sur unsujet encore plus clivant que cetteréforme instaurant le mariage pourtous, la gauche n’a pas fait appelà un référendum.

Comment comptez-vousconvaincre ceux qui sont opposésà ce texte ?

Le mariage pour tous c’est unequestion d’égalité des droits, cen’est pas un sujet de conversation,cela vaut que l’on débatte et qu’onlégifère. Dans une grande démo -cratie comme la nôtre, qui se vantede s’être exportée dans le mondeentier, on ne peut plus accepterque l’orientation sexuelle soit unfacteur de discrimination. Deuxhommes ou deux femmes qui, par consentement mutuel, veulents’unir et créer une famille parl’adoption – ce qui est prévu dansla loi – doivent pouvoir le faire.

Concernant l’adoption, justement ?Il existe de nombreuses études,réa lisées principalement aux États-Unis, où le recul sur le sujet est plusconséquent… Les enfants de fa -milles homosexuelles n’ont pas plusde problèmes que les enfants defamilles hétérosexuelles. La grandemajorité des psychiatres affirmentque les enfants construisent leuraltérité.Ne vaut-il pas mieux qu’un enfantsoit pleinement aimé par deuxhommes ou deux femmes, plutôtqu’il grandisse dans une familleexplosée ? Ou simplement élevépar une femme seule ?

Les écologistes souhaitent inclurela procréation médicale dansle texte. La garde des Sceaux,Christiane Taubira, s’est montréeprudente sur le sujet…

Cela fait partie d’une propositionde loi qui a été déposée en notrenom au Sénat par Esther Benbassa.Il y a ceux qui considèrent quela PMA [procréation médicaleassistée, ndlr] relève des lois de labioéthique – je faisais moi-mêmepartie de la mission chargée deréviser les lois bioéthiques, j’avaisalors plaidé pour la sortie de « l’exception thérapeutique », maisça n’avait pas été accepté.Nous faisons partie de ceux quiconsidèrent qu’il faut profiter de ceprojet de loi pour donner l’accès àla PMA aux couples homosexuels– pour sortir de ce qu’on appelle« l’exception thérapeutique »,puisque la PMA est aujourd’huiréservée aux hétérosexuels qui ontdes pro blèmes de fertilité. Ceci est liéà des raisons médicales, et non passociales – la PMA est un outil quipermet de conforter la concep tion« sociale » de la famille.

Vous allez défendrecet amendement…Nous considérons qu’il ne faut paslimiter le périmètre de cette loisur la question de la parentalité.Dans la proposition de loi qu’EstherBenbassa a défendue, il y a la pré -somption de parentalité. Bien sûr,il est normal que ce projet soitouvert à l’adoption. Aujourd’hui,près de 120 000 enfants sont élevéspar des familles homosexuelles,après l’adoption par l’un des deux

parents – on accepte bien l’adop-tion par une seule personne, c’estde la grande hypocrisie.

Avez-vous cherché à dialogueravec les autorités religieuses ?Si la position de l’Église de Francese résume aux outrances, caricatureset propos de café du commerce ducardinal Barbarin, elle ne se rendpas service ; cela n’est pas à la hau-teur du message qu’elle doit fairepasser.Quand l’Église est contre le mariagepour tous, elle est fidèle à sa tradi-tion : l’Église considère le mariagecomme un sacrement ; pour mapart, je suis un laïc, je suis un lé -gislateur et je considère le mariagecomme un contrat.

Cette loi sera-t-elle l’unedes plus emblématiquesde la mandature ?C’est une réforme nécessaire, ellea été promise par la gauche etj’attends que la gauche soit aussidéterminée et aussi volontaristeque sur la question du vote desétrangers aux élections locales.

Certains élus de la majoritéestiment que ces deux loisne sont pas prioritaires…Je leur répondrais qu’il n’y a pas demauvais moment pour faire avancerles droits : c’est toujours le moment.

Propos recueillispar Thomas Renou

2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 452, MERCREDI 10 OCTOBRE 2012

Agora

NOËL MAMÈREDÉPUTÉ EUROPEÉCOLOGIE-LES VERTS

Pour le député Europe Écologie-Les Verts, le projet de loi qui va ouvrir le mariage et l’adoptionaux couples homosexuels est l’aboutissement d’un long combat qui a commencé en 1999 avecle Pacs. Il explique la position que prendront les parlementaires écologistes dans le débatqui va s’ouvrir au Parlement.

«Le débat est beaucoup plus apaisé qu’au moment du Pacs,d’abord parce que la société française est prête ; les Français

sont plus en avance que leur représentation politique »

PATR

ICK

BERN

ARD/

AFP

H452_p02-03.qxd:L'HEMICYCLE 8/10/12 13:44 Page 2

Page 3: l'Hémicycle - #452

Vous justifiez votre demanded’un référendum par un sondagecommandé par votre association,Alliance Vita…Vous n’allez pas me croire mais cesondage n’a pas été commandé àma demande. Il prouve quand mêmeque 66% des Français interrogés sou -haitent un référendum. Ce souhaitest partagé par 51 % des sympathi-sants de gauche, 77 % des sympa-thisants de l’UMP et 84 % du Frontnational. Enfin, 71 % des 18-24 ansveulent également être consultés.

On peut citer aussi le sondagerécemment réalisé par BVA, selonlequel plus de 60 % de Français sedisent favorables à cette réforme ?Mais ces deux enquêtes ne sontabsolument pas contradictoires, onpeut être favorable à une réforme,mais la juger digne d’une consulta -tion nationale. J’ai sollicité auprèsdu Premier ministre, Jean-MarcAyrault, une audience pour l’orga-nisation d’un référendum sur cetexte car c’est l’intérêt des Français,il est nécessaire à la paix sociale etcivile. Il n’a pas eu la décence de merépondre. J’ai donc fait appel auprésident de la République.

Que répondez-vous à ceux quiarguent que cette consultation a déjà eu lieu puisque cette réformeest l’application de la 31e

proposition du programmeprésidentiel de François Hollande ?Que c’est une hypocrisie, il s’agit d’unchoix qui porte sur les fondements

de notre société. L’élection prési -den tielle portait sur des enjeux considé rables, mais on ne peut toutmettre derrière ce vote. Cette loiengage notre avenir, celui de nosenfants, c’est un choix de civilisation.

Noël Mamère objecte que la gauchea su imposer à une opiniondéfavorable l’abolition de la peinede mort, et l’appelle au courage…Ce n’est pas du tout comparable,l’abolition de la peine de mort a étévotée en 1981, c’est-à-dire il y a trenteet un ans. Le peuple français aspire

maintenant à davantage de consul-tations directes. C’est lui le souverain,c’est lui qui doit être consulté sur unsujet aussi fondamental.

Que pensez-vous des nombreusesétudes dont les résultatsdémontrent que les enfantsde parents homosexuels n’ont pas plus de problèmes que ceux de parents hétérosexuels ?Nous n’allons pas faire une batailled’études. Si vous voulez me fairedire que les enfants de parentshomosexuels riches ont moins deproblèmes que les enfants de parents

hétérosexuels pauvres, violents etalcooliques, je ne vais pas vousdémentir…

Ce sujet dépasse le clivage gauche-droite. Comment jugez-vous laposition de votre famille politiquesur ce projet de loi, et notammentles prises de position denombreuses personnalités qui s’y sont montrées favorables ?Vous avez tout à fait raison de direque ce sujet dépasse les clivagesdroite-gauche, les croyances et lesnon- croyances religieuses. Un certain

nombre de personnalités de gaucheest défavorable à ces projets. On peut citer M. Bernard Poignant – conseiller spécial du président de la République, qui a ses bureauxà l’Élysée. Il y a même des artistes,comme l’acteur britannique RupertEverett qui, dénonçant l’homopa-rentalité, s’est vu menacé de mort.

Vous sentez-vous isolée dansvotre demande de référendum ?Je ne me sens pas du tout isolée dansce combat. Les voix isolées sont cellesqui sont favorables à cette remiseen cause de l’institution du mariage.

Je peux vous assurer que mes posi-tions sont largement majoritairesparmi les parlementaires, et le sontencore plus parmi les militants.

Avec quels arguments parvenez-vous à convaincre de lanécessité de refuser cette réforme ?Je suis une républicaine. La devisede la République : « Liberté, égalité,fraternité ». Le mot « égalité » estfondamental pour moi. L’égalitédes droits est pour moi un combat,et il faut rappeler que les parents ho -mosexuels ne sont pas les égaux des

parents hétérosexuels. La ministrede la Justice, Christiane Taubira, aexclu semble-t-il la procréationmédicalement assistée pour couplesdu même sexe. Que devient l’éga-lité avec les hétérosexuels, qui y ontdroit ?Ils sont égaux en dignité, mais ils nele sont plus dès lors que se pose laquestion de la filiation et en tout étatde cause, quel que soit le procédé,un enfant sera toujours le résultatd’une rencontre d’une cellule fémi-nine avec une cellule masculine.Autre question, puisqu’il n’y auraplus de père et de mère, ils resteront

le « parent 1 » ou le « parent 2 ». Moije n’accepterais pas d’être le « pa rent2 ». Qu’est-ce que le mariage ? C’estla vraie question. Le mariage est lareconnaissance sociale du pouvoirde procréation transmis par unegénération à une autre génération.Enfin, nul ne peut nier la réalité !

Les propos du cardinal PhilippeBarbarin n’ont-ils pas desservivotre cause ?Le cardinal Barbarin affirme quecette loi va ouvrir la porte à la poly-gamie et à la levée du tabou de l’inceste. Je pense qu’il a raison surle premier point, et je ne partage pas le second point. Ses paroles très fortes ont eu le mérite d’inter-peller l‘opinion. L’Église a le devoirde parler fortement, comme lesartistes, les philosophes…

Le débat sur le Pacs au Parlement,en 1999, fut passionné. Le sera-t-ilsur ce projet de loi ?Je le répète, ce texte doit être sou-mis à référendum. Justement parcequ’il s’agit d’une question essen-tielle qui transformera en profon-deur la société, ce qui n’était pas lecas du Pacs. Il faut que les Françaisvotent sur cette réforme profonde.Nous connaissons une crise im por-tante, et je pense qu’il n’est pasnécessaire d’ajouter une tension de cette nature à notre société. Si ceréférendum est refusé, si le débat estocculté alors oui, il sera passionnéau Parlement.

Propos recueillis par T.R.

NUMÉRO 452, MERCREDI 10 OCTOBRE 2012 L’HÉMICYCLE 3

Agora

Pour la présidente du Parti chrétien-démocrate, la réalisation de la 31e proposition duprogramme présidentiel de François Hollande, visant à ouvrir le mariage et l’adoptionaux couples homosexuels, doit nécessairement être soumise aux Français par référendum.

«Si ce référendum sur la remise en cause de l’institutiondu mariage est refusé, si le débat est occulté alors oui,

il sera passionné au Parlement »

THO

MAS

SAM

SON

/AFP

CHRISTINE BOUTINPRÉSIDENTE DU PARTICHRÉTIEN-DÉMOCRATE

«LE PEUPLE FRANÇAIS ASPIRE MAINTENANTÀ DAVANTAGE DE CONSULTATIONS DIRECTES.

C’EST LUI LE SOUVERAIN, C’EST LUI QUI DOIT ÊTRECONSULTÉ SUR UN SUJET AUSSI FONDAMENTAL »

H452_p02-03.qxd:L'HEMICYCLE 8/10/12 13:45 Page 3

Page 4: l'Hémicycle - #452

4 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 452, MERCREDI 10 OCTOBRE 2012

Plan large

Sale semaine pour le PS. Mêmesi la majorité devait réussirhier à faire passer à l’Assem-

blée nationale le traité budgétaireeuropéen avec les seules voix degauche, les débats qui ont précédéont enlisé la majorité dans ses di -visions internes. Parce qu’il pensaitjouer sa crédibilité, l’exécutif s’estaussi montré particulièrement àcran. « Le texte importe peu, c’est unvote de confiance envers François Hollande qui est en jeu », a expliquéun ténor de la majorité.Entamée depuis plusieurs semaines,la pression envers les récalcitrants au traité n’a pas été levée. Bien aucontraire. Un vote à main levée a été organisé au sein du groupe SRC.Rien n’y a fait. Les adversaires autraité sont bien restés campés surleur position. À la sortie du vote in -terne, le député Mathieu Hanotin(Seine-Saint-Denis) a réaffirmé sesconvictions aux caméras postées sur le trottoir de la rue de l’Univer-sité : « Ce n’est pas un non honteux,mais tranquille, contre un traité qui va renforcer l’Europe des riches contrecelle des pauvres. » L’une des starsdu non, Jérôme Guedj, a volontiersgonflé les estimations, portant de10 à une vingtaine le nombre de« non de soutien », comme il lesappelle. Le député de l’Essonne s’esten re vanche montré agacé face aux pressions exercées : « Pourquoinous font-ils un feuilleton à rallonge ? »

s’est-il interrogé. « Dire qu’ils font un gros travail de persuasion c’est uneuphémisme », a surenchéri le députéde l’Ardèche Olivier Dussopt, quisouhaitait ar demment passer à uneautre séquence pour aborder dessujets qui concernent davantage les Français.Pour minimiser la portée du nom-bre de « non » exprimés, les porte-parole Thierry Mandon et AnnickLepetit ont souligné que sur les 13 voix contre, 3 étaient issues desrangs du MRC. Le président de lacommission des lois Jean-JacquesUrvoas, qui dirige aussi la commis-sion spéciale pour le projet de loiorganique, espérait encore le retourdes brebis égarées au bercail. « Lalucidité fait son chemin, l’espace serétrécit. Comme le dit Arnaud Mon -tebourg, c’est de toute façon à la finde la foire qu’on compte les bouses ».Point d’orgue de cette opérationconviction, le discours de Jean-MarcAyrault sur les nouvelles perspectiveseuropéennes n’a pas plus persuadéles indomptables que montré uncap, alors que les partenaires eu ro -péens sont déjà à préparer le coupd’après, soit le saut au fédéralisme.Pire, l’allocution n’a pas aidé le Pre-mier ministre à asseoir son auto -rité quelque peu contestée depuis la rentrée. Les commentaires à la sortie de l’hémicycle étaient ra re -ment élogieux. « C’était un discoursclassique et convenu », a glissé avec

pudeur le député socia liste GérardBapt (Haute-Garonne). Le députéde Paris Christophe Caresche aaussi marqué sa déception : « Il étaitmeilleur lors de son intervention augroupe. Il s’est trouvé corseté dans sontexte. » Sous couvert d’anonymat,d’autres ne mâchaient pas leursmots : « Son discours était consternant,cela ne sert à rien. Il est fatigué. » Queson allocution n’ait pas été suivied’un vote n’a rien arrangé à sa cotede popularité déclinante sur le bancdes socialistes. Cette dispositionaurait permis aux récalcitrants desoutenir le gouvernement sans re -noncer à leurs convictions. BarbaraPompili, la coprésidente du groupeEELV, aurait apporté sa confiancesans l’ombre d’un doute. « Dans sondiscours le Premier ministre a posé desperspectives qui vont plus loin que letraité », a-t-elle constaté.Devant le spectacle de division dela majorité, l’UMP buvait du petit-lait. Devant la presse ChristianJacob, le patron des députés UMP,a manié l’outrance sans vergogne :« La majorité présidentielle et gou-vernementale a explosé sur le sujet du traité. Face au principe de réalité,la majorité se heurte à la démagogiequ’elle a pratiquée pendant la cam-pagne présidentielle. » L’ancien mi nis -tre des relations avec le ParlementPatrick Ollier d’abonder dans lemême sens : « François Hollande aexpliqué qu’il allait tout casser, avant

les élections, alors que le texte n’a pas changé d’une virgule par rapportà celui que nous avons négocié. » « Ilsont menti et ils mentent encore. Lagauche montre qu’elle ne s’est pas en -core réconciliée avec l’idée du contrôledes dépenses », juge l’ancien ministreaux affaires européennes Pierre Lellouche. Il y voit pour preuve lecontenu actuel de la loi organique,qui doit intégrer dans le droit fran -çais la règle de stabilité budgétairesans revêtir de vrai critère contrai -gnant : « On ne parle plus de règle d’or,mais de règle d’étain. »La discussion en commission de laloi organique, présentée lundi enséance publique, était le troisièmetemps fort de la semaine dernière.Définition du déficit structurel, surreprésentation de la Cour descomptes dans la composition duHaut Conseil des finances publiques,tels étaient les points de débat. Maistout s’est passé dans la coulisse. Àtravers ce texte moins médiatiqueque le TSCG, les pro- et anti-traitépeuvent néanmoins trouver despoints d’entente. « Le traité est unhéritage qui nous a été imposé, alorsque la loi organique est élaborée par le gouvernement. Le carcan du TSCGest assez assoupli grâce à la loi or ga -nique », a assuré l’écologiste BarbaraPompili, qui s’est montrée cette foisouverte à un vote pour. La semaines’est finalement achevée moins malqu’elle n’a commencé.

Malgré la volonté de l’exécutif d’afficher un front uni, les débats sur le TSCGont révélé les contradictions et les divisions de la majorité. L’UMP s’en frotteles mains. Par Pascale Tournier

Digérer le choc fiscal, expédier le traitébudgétaire européen pour ouvrir unenouvelle page d’un quinquennatjusque- là chaotique : tel est l’objectif deFrançois Hollande.Le nouveau pouvoir a appliqué aux déficits et à la dette un remède de che-val : tour de vis fiscal de 20 milliards, et coupes claires de 10 milliards dansles dépenses. L’exercice était inévitableface aux pressions de l’Europe et desmarchés. Il est néanmoins courageux,mais les Français l’ont immédiatementsanctionné dans les sondages. Le gou-vernement s’est, il est vrai, pris les piedsdans le tapis : Jean-Marc Ayrault a tropjoué sur les mots en assurant que seulun foyer sur dix serait concerné par les hausses d’impôts : le gel du barème– même s’il avait été décidé par Fran-çois Fillon – et l’avalanche de taxespour financer la Sécurité sociale l’ontimmédiatement démenti. Il a ensuitelaissé des plumes face à la fronde des« pigeons » contre la taxation des plus-values des start-up.La ratification du traité budgétairen’était pas non plus une partie de plai-sir. Le Premier ministre a dû admettreque le traité « Merkozy » n’avait pas étérenégocié mais complété par un voletcroissance. Cela n’a pas suffi à convain-cre les Verts – et quelques dissidents socialistes – de le voter. Mieux vaut nepas s’éterniser sur le sujet, trop sensible :le vrai débat, sur quelle Europe nousvoulons construire, a été, une fois en-core, refermé avant d’avoir été ouvert.Le pouvoir espère reprendre la main enlançant de grandes réformes qui jette-raient les bases d’une social-démocratieà la française. La compétitivité des en-treprises est le premier chantier soumisaux partenaires sociaux. Le gouverne-ment a déjà laissé fuiter l’idée d’unebaisse des cotisations patronales – quetout le monde applaudit sauf la CGT etFO – compensée par une hausse de laCSG, avec un peu de taxe écologique oude TVA : et là tout le monde hurle déjà !Le second chantier vise à trouver avantla fin de l’année un compromis surl’emploi, en échangeant souplesse pourles entreprises et sécurisation des par-cours professionnels pour les salariés.Vaste sujet…Enfin le gouvernement compte sur unenouvelle décentralisation, le non-cumuldes mandats et le mariage homosexuelpour obtenir l’assentiment des Français etdiviser l’opposition. Pas sûr que cela suf-fise à redonner le moral au pays, et à faireremonter les sondages. Le dernier en date,de CSA, indique néanmoins que 55 %des Français ne regrettent pas NicolasSarkozy : on se console comme on peut !

L’opinionde Gérard LeclercPRÉSIDENT DE LCP

MAR

TIN

BU

REAU

/AFP

Reprendrela main…

Mauvaise séquence pour le PSavec le traité européen

Aux Quatre Colonnes

En quoi consiste précisémentcette résolution ? Dans le traité budgétaire euro -péen, l’article 13 stipule qu’il estpossible de créer une conférenceinterparlementaire, réunissant des membres des parlementseuropéen et nationaux. Cette réu-nion s’ins cri rait dans la procé-dure budgétaire européenne. Ilm’a paru important de manifesternotre souhait d’une plus grandeparticipation des parlements na -tionaux en saisissant cet articleet en proposant que l’Assemblée

nationale accueille en 2013 cetteconférence.

Quel rôle peuvent jouer les parlements nationaux dans la coordination budgétaire accrue souhaitée par le traité ? Il faudrait que cette conférencein terparlementaire intervienneà des moments opportuns. Enavril-mai par exemple, au coursdu semestre eu ro péen. Durantcette période, la Commissioneuropéenne examine les pro -grammes de stabi lité. Une se conde

rencontre des membres des parle -ments nationaux pourrait avoirlieu à l’automne, avant la remisedes do cuments de perspective decroissan ce. De façon générale, ils’agit d’intervenir avant que lamesse ne soit dite.

Comment cette résolutionest-elle perçue en Europe ? Le PSE et Martin Schulz, le prési-dent du Parlement européen, sonttrès inté ressés. Avec ÉlisabethGuigou, on va aller vendre l’idée enEurope une fois le traité voté.

Le député Christophe Caresche a présenté une résolution visant à intégrer davantage

les parlements nationaux dans la procédure du contrôle budgétaire européenne. Elle

a été adoptée par les commissions des affaires étrangères et des affaires européennes.

CHRISTOPHECARESCHEDÉPUTÉ PS DE LA 18E

CIRCONSCRIPTION DE PARIS

3 questions à

DR

H452_p04.qxd:L'HEMICYCLE 8/10/12 17:50 Page 4

Page 5: l'Hémicycle - #452

NUMÉRO 452, MERCREDI 10 OCTOBRE 2012 L’HÉMICYCLE 5

Dans l’Union européenne,seul le Danemark nousdevance, avec un taux de

48,2 %. Mais nous avons dépasséla Suède (44,2 %). À un détail près,les pays nordiques présentent descomptes équilibrés. Or, en France,malgré des prélèvements records,nos comptes sont dans le rouge :62 milliards de déficits pour lebudget de l’État, 11,4 milliardspour la Sécurité sociale. En clair, ilfaudrait encore accroître la pressionfiscale… Sauf qu’on atteint la coted’alerte. L’imposition devient in -supportable pour nombre de nosconcitoyens. On atteint égalementle maximum légal. Le gouverne-ment a dû rétablir le bouclier fiscal(à 75 %) pour éviter que l’ISF nesoit jugé « confiscatoire » par leConseil constitutionnel.

Un impôt punitifC’est ce qui agace au plus haut pointle patronat et les hauts revenus.

Ceux-ci étaient disposés à payerplus d’impôts, en témoigne cettefameuse tribune « Taxez-nous ! »publiée à l’été 2011. Les plus richesétaient prêts à se serrer la ceinture,en échange d’une réforme globale.La réforme globale se fait attendre…mais pas les taxes ! Cela a commen -cé avec la fameuse taxe à 75 % surles salaires supérieurs à 1 milliond’euros. Mais, la colère s’est cristal-lisée avec la taxe à 60,5 % sur larevente des entreprises. C’est là uneconséquence fâcheuse de l’aligne-ment de la taxation du capital surle travail (45 % d’impôt sur lerevenu + 15,5 % de CSG et CRDS= 60,5 %). Le gouvernement a dûreculer face au mouvement des« pigeons entrepreneurs ». Aveccette affaire, l’exécutif a d’ailleurspris conscience qu’on avait atteintun maximum. Ce n’est sûrementpas un hasard si, dans la foulée, legouvernement a fait fuiter dans lapresse son plan pour la compéti -

tivité. À la clef : un allégement decharges de 40 milliards pour lesentreprises. Les cotisations familles(5,4 %) pourraient être basculéessur la CSG et la fiscalité verte.À moindre échelle, les auto-entre-preneurs se sentent également mal-traités. Les cotisations seront rele-vées de 2 à 3 points (pour des gensqui gagnent moins d’un Smic parmois).

Des fonds de tiroirs pour la SécuDès l’année prochaine, les retraitésvont devoir s’acquitter d’une taxede 0,15 % sur leur pension, puiscelle-ci passera à 0,30 % en 2014…et gageons qu’elle n’a pas fini degrossir. Mais les emplois à domicileégalement seront davantage taxésainsi que la bière, le tabac… Entout, une quinzaine d’impôts nou-veaux doivent rapporter 5 milliardsd’euros pour les caisses de la Sécu-rité sociale. Et malgré cet effort, laSécu restera dans le rouge l’annéeprochaine.

Des dépenses qui augmententplus vite que l’économie françaiseAu lieu de « faire les poches », le gouvernement ferait mieux de« faire le ménage ». Car, ce n’est pasen faisant les fonds de tiroirs quel’on réglera les déficits de la Sécu-rité sociale. Et pour cause, chaqueannée, les dépenses de Sécu aug-mentent plus vite que l’économiefrançaise. Et c’est normal, la popu-lation française vieillit et la santé est de plus en plus sophistiquée.Donc, chaque année, on estcondamné à trouver de nouvellessources de financement. On estcondamné à courir derrière le dé ficitde la Sécu, sans jamais pouvoir lerésorber.

Des réformes structurellesD’où la nécessité de s’attaquer auxdépenses, en menant des réformesstructurelles. Sur la retraite, il fautse résoudre à augmenter le nombred’années de cotisations. Idem pourla santé. Le rapport du professeurEven a montré que plus de la moi-tié des médicaments ne servaientà rien ! À la clef une économie possible de près de 15 milliardsd’euros. Autre piste : fermer deshôpitaux comme l’ont fait les Allemands. En France, on compte

43 établissements pour 1 milliond’habitants, à comparer avec25 établissements pour 1 milliond’habitants en Allemagne. Saufqu’en Allemagne les établissementssont deux fois plus gros (323 lits en moyenne, contre 154 lits enFrance). Et la taille est source d’éco-nomies… et d’efficacité.

Vite, des économiesCar, en matière de santé, l’argentne fait pas le bonheur. Les dépensesde santé en France représentent11,6 % du PIB, c’est deux points deplus qu’en Suède ou en Finlande,des pays où l’on est tout aussi biensoigné. Le contre-exemple étantles États-Unis, où les dépenses desanté représentent 16 % du PIBpour un résultat très médiocre.Même chose avec le budget del’État, et des collectivités locales. Lebudget 2013 prévoit 10 milliardsd’économies et 20 milliards dehausses d’impôts. La proportiondevrait être inversée. Il faut baisserla dépense publique qui atteintelle aussi un montant record de56 % du PIB. Pour beaucoup d’éco-nomistes, la France ne réussira pas à tenir son objectif de 3 % dudéficit. Le gouvernement devra auprintemps prendre des mesurescorrectives. Jérôme Cahuzac, leministre du Budget, a prévenu : iln’y a aura pas d’impôt nouveau.Dès lors, le gouvernement n’aurad’autre choix que de tailler dans les dépenses.

Changer de logicielOù trouver de nouvelles écono-mies ? Cela fait des années qu’onrabote tous les budgets. On estarrivé au bout de cette logiquecomme le montre l’affaire desniches fiscales. Plutôt que de fairedes choix en supprimant telle ou telle niche, le gouvernementrabote toutes les niches. L’avan-tage fiscal est ainsi ramené à10 000 euros, contre 18 000 euros+ 4 % du revenu auparavant. Clai-rement, le gouvernement feraitmieux de supprimer toutes lesniches et de passer par le budgetde l’État pour soutenir certains sec-teurs jugés stratégiques. Exemple,le gouvernement maintient lesavantages fiscaux pour l’Outre-merqui privent le budget de plusieursmilliards d’euros (1,3 milliard d’eu -ros pour le seul dispositif Gi rar din).On ferait mieux de tout supprimer.Cela augmenterait d’au tant les re cettes de l’État. Et en suite, si legouvernement le souhaite, il peutdécider de soutenir les DOM-TOMen allouant davantage de créditsau ministère des Outre-mer.En clair, pour faire de vraies éco nomies, il ne faut pas se dire :Où est-ce que je coupe dans lesdépenses ? Mais, quelles sont lesdépenses que je garde ? Quels sontles secteurs prioritaires ? Vaste programme… Le gouvernement àcinq ans devant lui, avec un objec-tif enthousiasmant : Remettre laFrance d’aplomb !

Économie

Impôts : l’overdoseChampion d’Europe ! La France est le pays le plus taxé de la zone euro. Le taux de prélèvementsobligatoires atteindra l’année prochaine 46,3 %. Sur 100 euros de richesses créées, l’État prend46,30 euros. Personne ne fait mieux dans la zone euro. Il est temps de s’attaquer aux dépenses,en menant des réformes structurelles.

Par Axel de Tarlé

Le niveau d’imposition devient insupportable pour un grand nombrede Français. PHOTO PHILIPPE HUGUEN/AFP

H452_p05.qxd:L'HEMICYCLE 8/10/12 15:19 Page 5

Page 6: l'Hémicycle - #452

Il y a cinq ans, l’hôpital deProvins, situé à 90 kilomètresde Paris, aux confins de l’Île-

de-France, passait à la « T2A inté-grale ». Autrement dit, cet établis se -ment, qui se reposait jusqu’alors sur une dotation forfaitaire an -nuelle de l’assurance-maladie pourfonctionner, devrait désormaiss’attendre à recevoir des sommescouvrant uniquement le coût es -timé de son activité. Un change-ment subtil, mais pourtant radical,pour cet hôpital de campagne pasvraiment préparé à basculer dansl’autonomie.Maxime Morin, alors fraîchementnommé directeur, se souvient dubouleversement qui s’est ensuivi :« L’hôpital avait conservé des effectifsconfortables. Son niveau d’équipementétait disproportionné par rapport àl’activité, avec notamment deux lignesde Smur [Service mobile d’urgenceet de réanimation, ndlr]. Tout ceciétait possible à l’époque de la dotation,mais avec la tarification à l’activité, lesressources ont commencé à décliner. »À partir de 2009, l’établissement sedébat avec le déficit. Le directeurs’engage alors dans une réorgani-sation en profondeur. Développeles soins ambulatoires, crée unhôpital de jour et un hôpital desemaine pour limiter les gardes,ainsi que des unités de multispé -cia lités. Fait appel à des praticienslibéraux en contrats d’activité pourlimiter les recrutements.

Des coûts fixes plus élevésdans les zones peu peupléesCritiquée de toutes parts, la tarifi-cation à l’activité a contribué à la

dérive des finances des établisse-ments publics. Le choc a été violentmalgré son application progres-sive – la T2A s’applique depuis2004 mais couvre 100 % du bud getdes établissements publics depuis2008. Huit ans après la réforme, le déficit des hôpitaux publics n’est toujours pas soldé. Il s’élevaità 488 millions d’euros en 2011 etleur endettement a doublé cesdernières années pour atteindre24 milliards d’euros à la fin 2010.Comme à Provins, les petits hôpi-taux ruraux ou les CHU isolés ontparticulièrement souffert. Pour -quoi ? À la campagne, les coûts fixes des établissements sont bien

souvent plus élevés que dans leszones très peuplées.Dans son appel au secours de maidernier, Angel Piquemal, di rec teurdu CHU de Caen, pointait l’injus-tice de la T2A : « En 2011, 9 millionsd’euros ont été dépensés et jamaiscouverts par les recettes, et avec desliquidités en moins », déclarait-ildans Ouest-France. Le déficit cumu -lé du CHU de Caen est abyssal :118 millions d’euros. Et s’aggraved’année en année. Sans marged’autofinancement et faute d’accèsau crédit bancaire, il est aujour-d’hui au bord du dépôt de bilan et en appelle à l’intervention de l’État (lire encadré).

Les CHU de Martinique, territoireisolé par définition, offrent uneautre illustration de ce décalagecoût-recettes. Dotés de plateauxtechniques de pointe qui n’ontrien à envier aux meilleurs hôpi-taux de métropole – en cardiologie,imagerie ou grands brûlés – lestrois hôpitaux martiniquais sontconsidérés comme « surdotés » euégard à la population de l’île,inférieure à 400 000 habitants.« Ces services pourtant indispensa blesgénèrent automatiquement des défi -cits », observe Serge Larcher, prési-dent de la délégation sénatoriale à l’Outre-mer. Résultat : le déficitcumulé des trois établissementss’élève aujourd’hui à 147 millionsd’euros. « Quand la situation estgrave dans l’Hexagone, elle est dra-matique sur nos terres éloignées. L’am-pleur des chantiers est effrayante »,résume le sénateur.Après les CHU et les hôpitauxruraux de taille moyenne, ce pour-rait être au tour des 350 petits hôpi-taux « locaux » ou « de proximité »,censés appliquer la T2A au 1er mars2013. « Ils seront durement frappés,car ils pratiquent principalement lamédecine gériatrique et peu d’actesde chirurgie ou d’obstétrique », quisont les plus rémunérateurs au sensde la T2A, souligne Jacky Le Menn,sénateur (PS) d’Ille-et-Vilaine.Jacky Le Menn et Alain Milon (Vau-cluse), corapporteurs de la Missiond’évaluation et de contrôle de laSécurité sociale (MECSS), ont étudiéde près le système de financementdes hôpitaux publics. Dans leur

rapport, intitulé Refonder la tarifica -tion hospitalière au service du patient,les deux sénateurs jugent qu’il esturgent de réformer en profondeurce système inéquitable.

Revenir sur le calculde la tarificationPremier chantier à ouvrir : le calculdu tarif des actes, qui est actuelle-ment le fruit d’une moyenne na -tionale. « L’étude nationale des coûtsrepose sur un échantillon trop faibleet pas suffisamment représentatif de la diversité des établissements,note Jacky Le Menn. La classifica-tion commune des actes médicaux(CCAM) sous-cote les actes cliniquesqui demandent plus de temps médi-cal. » Il propose de revenir sur laCCAM en introduisant des actesfinancièrement plus adaptés autemps médical.Le cas des départements d’Outre-mer est particulier. Le tarif des actesy est déjà réévalué d’un « coeffi cientgéographique » de 26 %, censé pren-dre en compte la réalité du coût de la vie. Un taux jugé insuf fi sant.« Tout le monde convient que ce coef-ficient est sous-évalué et qu’il devraitêtre de 30 %, avance Serge Larcher.Aujourd’hui, plus on réalise d’actes,plus on continue à perdre de l’argent. »Le gouvernement semble d’accordsur le constat : la T2A est « injuste et ne tient pas compte des différencesfondamentales entre établissements de santé », a reconnu DominiqueBertinotti, la ministre déléguée aux Affaires sociales et à la Santé, le 1er octobre au Sénat. Le mi nis tère

Les hôpitaux ruraux, premièresvictimes de la tarification à l’acte

6 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 452, MERCREDI 10 OCTOBRE 2012

Dossier

Les billets de trésorerie commesolution à la crise du crédit

La crise du crédit menacedésormais les hôpitaux déjà

fragilisés. Tandis que leurs déficitsse creusent, ils ne peuvent plus se financer à court terme pourassurer leur activité. En cause, lesbanques, soumises à de nouvellesrègles « prudentielles » plus restric-tives, qui renâclent à prêter auxhôpitaux déficitaires, ou le font àdes taux insupportables.La situation est devenue critiquedepuis un an. « Si nous n’avonspas accès au crédit nous pouvonsnous retrouver en grave difficultécompte tenu de l’importance de notre

déficit cumulé et de notre absence demarge d’autofinancement », avertitMaxime Morin, le directeur duCentre hospitalier du Cotentin.En mai déjà, le CHU de Caen tiraitla sonnette d’alarme.Après la déroute de Dexia, laBanque postale est appelée ausecours, mais elle n’interviendra pas avant 2013. Pour sortir del’ornière, certains demandent àl’État d’intervenir auprès des banques. Or, celles-ci réclamenten retour que les crédits des hô -pitaux soient adossés à des res -sources stables, comme les dépôts

bancaires (actuellement, les hôpi-taux ne peuvent déposer leursfonds qu’au Trésor).Pour l’heure le gouvernementavance la solution des « billets detrésorerie ». Ces coupons, garantispar l’État, pourront être émis parcertains centres hospitaliers enéchange d’argent frais. « Le gou -ver nement travaille avec les banquespour débloquer les fonds nécessaires »,a assuré la ministre déléguée à laSanté, Dominique Bertinotti. Maisla mesure ne concernera, dans un premier temps, que les plusgros hôpitaux.

CHAR

LY T

RIBA

LLEA

U/AF

P

H452_p06-07.qxd:L'HEMICYCLE 8/10/12 15:08 Page 6

Page 7: l'Hémicycle - #452

annonce une opération « transpa -rence et qualité » qui associeral’ensemble des acteurs à l’élabora -tion des tarifs et à la répartition descrédits. Les conditions particulièresde l’Outre-mer devraient égalementêtre à l’étude.

La T2A préjudiciableaux pôles régionauxLe second reproche fait à la T2A est qu’elle favorise la concurrenceentre hôpitaux : chacun cherche àattirer les patients pour s’assurerdes recettes et couvrir ses coûts.

Or, ceci contredit l’esprit de la loiHPST (Hôpital, patients, santé etterritoires) de juin 2009, censée en -courager le regroupement et la col-laboration entre établissements.Cet « effet pervers » est particulière-ment préjudiciable aux hôpitauxdes zones rurales, qui tentent desurvivre en créant des pôles hos-pitaliers locaux autour d’un ouplusieurs CHU par le biais de Com-munautés hospitalières de terri-toire, les CHT.Plusieurs hôpitaux excentrés ontainsi pu profiter de ces commu-nautés hospitalières depuis troisans. Le CHU de Pau a ainsi tissé desliens avec tous les établissementsde santé béarnais pour assurer unecontinuité des soins : « Nous avonsmis en place des postes médicauxpartagés qui permettent à un médecin,recruté à Pau, d’effectuer une partiede son temps dans d’autres établis -sements », explique le directeurChristophe Gautier.Précurseur dans ce domaine, leCHU de Lille développe depuisplusieurs années un système departage d’activités avec les autresétablissements du Nord-Pas- de-Calais. Sur le même principe,Maxime Morin, nommé en sep-tembre à la tête du Centre hospi-talier public du Cotentin, caressel’idée de se rapprocher un peu plus du CHU de Caen pour relan -cer son activité atone. « Notre offrede soins ne permet pas de couvrir tous

les besoins de notre bassin de popula -tion, mais comme nous sommes enfer-més dans un territoire en cul-de-sac,il est difficile d’attirer les médecins »,regrette-t-il. Un partenariat entrele CHU de Caen et les établisse-ments de la région permet déjà d’en courager l’installation de pra -ticiens formés au CHU, l’Agence ré gionale de santé (ARS) prenant en charge 60 % du financementpendant deux ans. Cette pratiquepourrait être planifiée et devenirplus systématique à partir de 2013,espère Maxime Morin.

Cependant, la tarification à l’acten’a-t-elle pas tendance à découragerle partage d’activités plutôt qu’àl’encourager ? C’est ce que sem-blent penser plusieurs directeursd’établissements qui vivent les CHTcomme une perte de recettes.Si l’on souhaite voir se développerles communautés de territoires etcontrer l’effet individualiste de laT2A, il faut « remuscler » les ARSdes régions rurales en augmen-tant leurs dotations, proposent lesrapporteurs de la MECSS. « Ce sontles ARS qui ont la vision la plus précise de ce qui se passe dans leshôpitaux de proximité, note Jacky Le Menn. Il faut un investissementinitial qui permettra de réaliser plusd’économies en bout de course. Sanscompter le retour sur investissementhumain. »Le 2 février dernier, le candidatFrançois Hollande, en visite à l’hô -pital Robert-Debré à Paris, livrait sa profession de foi : « L’hôpital doitêtre considéré comme un service pu -blic et non comme une entreprise. »Huit mois plus tard, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, se veut rassurante. La convergencedes ta rifs sera abrogée et la T2A,accusée de transformer l’hôpitalen entreprise, sera « améliorée ».Mais pour connaître le contenuprécis de son « pacte de confiancepour l’hôpital », il faudra attendrela fin de l’année.

Tatiana Kalouguine

En juin vous dénonciez une série de« partis pris et contre-vérités sur lasituation financière des hôpitaux ».Quel est ce « procès à charge »que l’on fait à l’hôpital public ?On lit en effet souvent que les hôpi-taux publics sont chroniquementdéficitaires et mal gérés. L’observa -tion des chiffres dément cette idéereçue : la majorité des hôpitauxsont à l’équilibre financier, et ledéficit global est de l’ordre de 1 %de leur budget, soit un montantbien inférieur aux autres adminis-trations publiques. Contrairementà ce qui est parfois avancé, d’impor-tants efforts de rationalisation etde mutualisation des achats ontégalement été engagés.

L’objectif d’atteindre l’équilibrefinancier des hôpitaux publicsen 2012 n’est pas atteint.Comment l’expliquez-vous ?L’objectif fixé en 2007 d’un retourà l’équilibre financier des hôpitauxpublics en cinq ans n’a pas étécomplètement tenu parce que laprogression de l’Objectif nationaldes dépenses d’assurance-maladie(Ondam) votée par le Parlement n’a cessé d’être réduite, passant de3,5 % à 2,6 %. Les hôpitaux publics,qui ont réalisé plus de 2,8 milliardsd’euros d’économies sur cette pé -riode, seraient largement excé-dentaires si les « règles du jeu »n’avaient pas changé, en raison del’aggravation de la conjonctureéconomique.En outre, les avantages financiersconcédés indûment aux cliniquesprivées – par un processus de conver -gence tarifaire – ont été payés parles hôpitaux publics, ce qui a encorereprésenté 150 millions d’eurosl’an dernier. Il suffirait d’instaurerà la place une valorisation plusjuste des missions de service publicque nous assumons pour revenir à l’équilibre.

Vous évoquez un déficit inférieurà 1 % du budget global deshôpitaux. Cela vaut-il la peinede poursuivre une rationalisationimpopulaire qui divise les acteursdu secteur hospitalier ?La situation économique du paysimpose des efforts partagés. Noussouhaitons qu’ils soient effectués demanière transparente et équitable.

La « rationalisation » doit être conduite avec le souci de préser verl’égalité des Français devant lessoins, mais la rareté des ressourcesen personnels qualifiés comme lesprogrès de la médecine nous obli -gent à rassembler des plateauxtechniques : la médecine de de mainne peut pas toujours se pratiqueravec l’offre de soins d’hier.

Comment le gouvernementpeut-il aider les établissementsqui n’arrivent plus à obtenirde crédits bancaires ?Il est en effet indispensable d’aiderles hôpitaux publics, comme lescollectivités locales, à trouver desressources financières. Nous avonsproposé au gouvernement de pou-voir émettre des billets de tré-sorerie, ainsi que l’instaurationd’une forme de mutualisation parla création d’un « livret H ». Au-delà,nous attendons beaucoup de lafuture banque adossée à la Banquepostale et à la Caisse des dépôts.

Qu’attendez-vous de l’Étataujourd’hui ?La mise en œuvre de la T2A, quiintroduisait davantage d’équitédans les financements, a été dansl’ensemble une grande chancepour l’hospitalisation publique,qui a retrouvé son dynamisme etsa place. Mais cette réforme a sus-cité, hélas, de nombreux effets pervers, qui doivent être corrigés.Quant à la loi HPST, certains de ses aspects, comme la créationdes ARS, font consensus. Seulela gouvernance interne et surtoutla notion de service public fontencore l’objet de débats.Nous attendons de la ministre dela Santé qu’elle réintroduise,confor mément aux déclarationsde François Hollande, la notion deservice public hospitalier dans laloi, car elle correspond à une réa -lité incontestable pour l’ensembledes Français.

Propos recueillis par T.K.

NUMÉRO 452, MERCREDI 10 OCTOBRE 2012 L’HÉMICYCLE 7

Dossier

« La notion de servicepublic hospitalier doitêtre réintroduite dansla loi »

Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF). PHOTO DR

Jacky Le Menn, corapporteur avec Alain Milon de la Missiond’évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale (MECSS). PHOTOS DR

H452_p06-07.qxd:L'HEMICYCLE 8/10/12 16:30 Page 7

Page 8: l'Hémicycle - #452

Chaque année, de juin à sep-tembre, des baleines à bossemi grent dans les eaux

chaudes de La Réunion. Un specta-cle à la fois exceptionnel et fragile.Afin de garantir la sécurité des plai-sanciers et le bien-être des cétacés,une charte d’approche et d’obser-vation responsables vient d’être élaborée par les professionnels dutou risme réunionnais, les associa-tions et les services de l’État. « Noussommes tous attachés à notre île, à labiodiversité, et nous devons tous porterensemble la même responsabilité pourpouvoir la préserver aujourd’hui etmieux la transmettre demain. » Prési-dent (UMP) de la région Réunion,Didier Robert a engagé l’île dansune démarche d’écotourisme. Unprogramme destiné à sauvegarderune espèce sensible, respecter l’en-vironnement et valoriser une ri-chesse naturelle. « On est encore dansune situation tranquille mais un co-mité scientifique a été constitué pour

qu’il y ait une vraie vigilance. La mau-vaise décision tombera à un momentou un autre », craint encore le pré -sident du Conseil régional. Face à la pression de la Corée et du Japon– qui prépare actuellement son navire-usine baleinier pour menerdes campagnes de pêche dans lesdix prochaines années en Antarc-tique, sous couvert de chasse scien-tifique –, « il y a un vrai combat à tenirqui n’est jamais gagné d’avance ».L’océan Indien dispose pourtantd’un sanctuaire baleinier depuis1979. Placé sous l’égide de la Com-mission baleinière internationale(CBI), il vise à sauvegarder et pro-téger les baleines contre la chasseexcessive. Mais l’organisme inter-national, qui se réunit chaqueannée, risque de redéfinir à toutmoment les contours du parcmarin. Bien que les États membres

de la Commission de l’océanIndien (COI) aient réitéré leurvolonté de renforcer la conserva-tion des cétacés dans leurs zoneséconomiques exclusives (ZEE) res-pectives, tous ne siègent pas à laCBI pour défendre cette approche.

Protéger, préserver et valoriserEn partenariat avec les associationsAbyss et Globice, une campagne desensibilisation pour la sauvegardedes baleines a donc été lancée parla Région avant la tenue de la 64e

Commission baleinière internatio-nale, organisée cet été au Panama.Une institution qui reste minée par des soupçons de corruption etpa ralysée par l’opposition entre pays protecteurs des cétacés et payschasseurs. Encouragée dans sa dé -marche par la fondation WWFFrance et le Fonds Biome, La Réu-nion a lancé une pétition pour sou-tenir sa démarche qui a réuni prèsde 8000 signataires.

Le département, qui a placé l’an-née sous le signe de l’écologie, veutmarquer son engagement pour la préservation et la protection de la biodiversité réunionnaise.« Positionner l’île comme un centre de ressource pour la sensibilisationet le maintien de la sanctuarisationde l’océan Indien et pour empêcher la reprise de la chasse à la baleine estune priorité », nous dit-on encore.Un engagement qui fera de La Réu-nion un centre d’intérêt pour l’éco-tourisme et la recherche scienti-fique. « L’île pourrait ainsi devenir un site mondialement reconnu qui ne peut être compromis par la reprisede la chasse industrielle. » Pour sesdéfenseurs, l’enjeu est triple : pro-téger une espèce sensible contreles risques de collision, la pollutionet la reprise de la chasse autorisée,préserver leur habitat naturel, leur

site de reproduction et leurs itiné-raires migratoires, et enfin valori-ser une richesse marine. « On peutfaire de la destination Réunion unspot unique exceptionnel », poursuitDidier Robert. « Un élément ga gnant » pour le développementtou ristique du département d’outre-mer. À la seule conditionque « l’impact environnemental soitle plus faible possible ».

La justice interdit la pêcheaux requinsPourtant, du côté d’Europe Écolo-gie-Les Verts, l’inquiétude plane.« La Commission baleinière interna-tionale, qui devait statuer sur la sanc-tuarisation de l’océan Indien afin deprotéger les cétacés qui fréquententchaque année nos côtes, a semble-t-iléchoué. Tous les pays présents dont le

Japon n’ont pu trouver un accord pourarrêter la chasse à la baleine. Déjà trèsmenacées, elles ne seront pas proté-gées dans l’océan Indien si la chasses’ouvre. » Et de s’interroger : « Qu’enest-il à ce jour de cette Conventionbaleinière internationale signée en1948, ratifiée par 45 pays dont laFrance ? Qu’en est-il du sanctuairein ternational de l’océan Indien? Qu’enest-il du moratoire ? Que va faire laRégion pour protéger nos baleinesmenacées ? »Des cétacés qui constituent unnouvel atout pour les collectivitéslocales alors que la justice a sus-pendu l’autorisation de la pêche aurequin. Une démarche moins éco-logique. « L’arrêté est suspendu parcequ’il autorisait le prélèvement derequins dans la zone de protectionrenforcée et la zone de protection inté-

grale de la réserve marine », détailleStéphane Girard, représentant del’organisation non gouverne -mentale Sea Shepherd, à l’originedu recours avec l’Associationcitoyenne de Saint-Pierre.« La décision est une grande satis-faction, car cela prouve qu’on ne peutpas faire tout et n’importe quoi dansla réserve marine », se félicite encoreStéphane Girard. Les deux associa -tions considèrent que le requin-tigre et le requin-bouledogue – misen cause dans l’attaque de surfeurscet été – sont classés dans la caté-gorie « espèce quasi menacée » surla liste rouge de l’Union mondialepour la conservation de la nature.Des requins moins porteurs pourl’attrait touristique de l’île que labaleine à bosse.

Ludovic Bellanger

8 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 452, MERCREDI 10 OCTOBRE 2012

Initiatives

Alors que le Japon prépare une nouvelle campagne de pêche à la baleine, La Réunion s’estengagée aux côtés des associations pour préserver le sanctuaire baleinier de l’océan Indien.Une promotion de l’écotourisme aussi pour l’île, dont l’image pâtit des attaques contre lessurfeurs et de la chasse au requin.

Les baleines sacrées de La Réunion

La Champagne-Ardenne se met au vert« Protéger la biodiversité n’estpas un choix, ni même une

option, c’est une nécessité. La dis-parition des services rendus par lesécosystèmes est un drame qui devraêtre compensé ou réparé », estimeRaymond Joannesse, vice-prési-dent (EELV) chargé du dévelop-pement durable en Champagne-Ardenne, qui travaille par ailleursà la mise en place de la « trameverte et bleue » à l’horizon 2014.

Un projet né du Grenelle de l’en-vironnement qui vise à créer desespaces réservés pour la protec-tion de la faune et de la florelocales.Au terme d’un processus partici-patif marqué par des assises spé-ciales et un mois d’animations, la Région s’apprête à approuvercet automne la charte de la bio-diversité. Le programme prévoitun panel d’actions pour rassem-

bler, sensibiliser, et mobiliser lepublic et tous les acteurs associa-tifs et décideurs au respect de lanature. « Il ne faut pas seulement sedonner bonne conscience. Il faut quenous nous donnions des outils pourpasser à l’action. L’échelon régionalest d’ailleurs le plus adapté à la miseen œuvre d’une politique structuranteen matière de biodiversité », expliqueJean-Paul Bachy, président (DVG)du Conseil régional.

«LE DÉPARTEMENT, QUI A PLACÉ L’ANNÉE SOUS LE

SIGNE DE L’ÉCOLOGIE, VEUTMARQUER SON ENGAGEMENTPOUR LA PRÉSERVATIONET LA PROTECTION DE LABIODIVERSITÉ RÉUNIONNAISE »

MAR

CEL

MOC

HET/

AFP

H452_p08-09.qxd:L'HEMICYCLE 8/10/12 14:03 Page 8

Page 9: l'Hémicycle - #452

NUMÉRO 452, MERCREDI 10 OCTOBRE 2012 L’HÉMICYCLE 9

La stabilisation l’an prochain de l’enveloppe versée par l’État aux collectivités,avant une baisse annoncée dès 2014, conduit les Régions à revoir leursinvestissements et à chercher des alternatives de financement.

LES VILLES FRANÇAISESTROP POLLUÉES� Jusqu’à 95 % des citadins européensrespirent un air pollué, révèle l’Agenceeuropéenne pour l’environnement (AEE).Une exposition qui réduirait l’espérancede vie de près de deux ans.En 2011, les Parisiens ont été exposésà 38 microgrammes par mètre cube dePM10*, alors que le plafond recommandépar l’OMS est fixé à 20. La concentrationen particules fines était égalementau-dessus du seuil à Lyon, Nice, Toulon et Lille.* Particules en suspension dans l’air, d’un diamètreaérodynamique inférieur à 10 micromètres.

INAUGURATIOND’« HOLLYWOOD-SUR-SEINE »�Douze ans après avoir été imaginéepar Luc Besson, la Cité du cinéma a étéinaugurée à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). « La Cité du cinéma est une bellehistoire d’amour entre un lieu et un homme », résume Patrick Braouezec,président de Plaine-Commune, séduitpar le projet du cinéaste. Avec ses neufplateaux de tournage et son école de cinéma gratuite, elle ambitionne dedevenir un futur « Hollywood-sur-Seine ».

L’AQUITAINE LANCESON PASS ACCÈSCONTRACEPTION� Le dispositif vise à faciliter l’accès desjeunes aux moyens contraceptifs et àl’information. Cinq territoires en Gironde,Dordogne, dans les Landes, les Pyrénées-Atlantiques et le Lot-et-Garonneparticipent à l’expérimentation. Le Passprévoit notamment deux consultationsmédicales gratuites, une prise de sang,des analyses médicales. Chaque annéeen Aquitaine, une centaine de lycéennessubissent une interruption volontairede grossesse (IVG).

À PAU, UN « SERVICE PUBLIC NUMÉRIQUE » POUR LES ÉTUDIANTS� C’est une première en France :1 527 chambres universitaires ont étéraccordées au réseau à très haut débit en fibre optique cette année à Pau.Pour les étudiants, la connexion donne un accès à un Internet pédagogique et à l’Environnement numérique de travail(ENT) de l’Université, une plate-formequi permet l’échange, la recherche dedocuments, l’accès à des cours en vidéoou encore le stockage de documents.

NANTES RÉCOMPENSÉDU LABEL DIVERSITÉ� Après Paris, la ville de Nantes estdevenue la 2e collectivité à obtenir le label« Diversité ». Délivré par l’État via l’Afnor(Association française de normalisation),il récompense les initiatives menéespour promouvoir l’égalité. La ville s’estdistinguée par la mise en place de sacellule d’écoute contre les discriminations,son conseil nantais pour la citoyennetédes étrangers ou encore ses vidéos enlangue des signes. Une labellisation suiviede près par l’Europe qui rêve d’un labelDiversité européen.

En bref

Le solaire rayonne en Eure-et-Loir

Les collectivités locales au régime sec

Composé de 741 150 pan-neaux photovoltaïques surune surface d’environ 250

hectares – dont 130 recouverts parles panneaux –, le parc d’une puis-sance de 60 mégawatts-crête* pro-duit l’équivalent de la consom ma-tion électrique d’une ville de plusde 28000 habitants, chauffage com-pris, estime le développeur du pro-jet, EDF Énergies nouvelles.Jusqu’à 300 personnes ont travaillépendant plus d’un an afin d’érigerles installations. L’énergie solairecaptée par les panneaux est direc-te ment raccordée au réseau de dis-tribution électrique. Le contrat entrele conseil général d’Eure-et-Loir etEDF prévoit une durée d’exploita-tion de vingt-huit ans.

« Réhabiliter un site désaffectéet pollué »La réhabilitation des terrains de cetteancienne base de l’Otan désaffectéedepuis 1967, après la décision du gé -néral de Gaulle de retirer la Francedu commandement de l’organisa-tion militaire, a commencé avantmême la construction de la centralepar des travaux de dépollution quidoivent se poursuivre jusqu’en 2014.

Deux mille cinq cents tonnes dedéchets amiantés, 2000 mètres cubesde liquides et 600 tonnes de terrespolluées ont déjà été évacués et traités dans un centre agréé.L’ampleur de la pollution avaitmenacé l’an dernier le projet initiépar l’Eure-et-Loir. Un chantier quiavait également vu le tribunal

administratif d’Orléans remettre en cause l’appel d’offres lancé pourla création et l’exploitation du parc.« Le département a voulu saisir l’oppor -tunité qui lui était présentée de réha-biliter un site désaffecté et pollué touten participant à l’effort national enfaveur des énergies renouvelables. Etcela sans construire sur des surfaces

agricoles cultivables », explique poursa part le président (UMP) du conseilgénéral, Albéric de Montgolfier, quiparle de « la réussite d’un défi technique,environnemental et administratif ».

L.B.

* Le watt-crête est une unité de mesure

représentant la puissance maximale d’un dispositif.

En 2012, le gouvernementSarkozy avait déjà reconduitl’enveloppe de l’État aux col-

lectivités à son niveau précédent.À cette « enveloppe normée » desconcours de l’État aux collectivitésde 50,5 milliards d’euros s’ajoutentles 5,6 milliards du Fonds de com-pensation de la TVA (FCTVA) – soitle remboursement de la TVA pourles investissements réalisés par lescollectivités – et les dotations liéesà la réforme de la taxe profession-nelle. Au total, l’aide financière del’État aux collectivités s’établira à 59,9 milliards d’euros en 2013,avant une baisse programmée de750 millions d’euros dès 2014. Legouvernement vise une réductionde 2,25 milliards d’euros des dota-tions aux collectivités d’ici à 2015.

Un investissement local en reculUne perspective peu acceptablepour le Comité des finances locales,affirme son nouveau président

André Laignel, « sans avoir examinéau préalable quelles compensationspourraient en atténuer les effets ». Ilconsidère qu’on « ne peut pas parlerd’une nouvelle époque des relationsentre les collectivités locales et l’État,et commencer par nous dire de com-bien nous serons taxés en 2014-2015 ! ». Le maire (PS) d’Issoudun,dans l’Indre, a annoncé la mise enplace d’un groupe de travail avecles ministères concernés afin decréer « un pacte de confiance et desolidarité » avec l’État.Conséquence immédiate, pour lapremière fois depuis trente ans, la fin du mandat municipal ne sera pas placée sous le signe d’unehausse des investissements descommunes. Une inflexion histo-rique qui concerne tous les typesd’équipements et de réseaux ; 54 %des maires envisagent d’ores etdéjà de différer des projets à courtou long terme selon le sondage de la TNS Sofres. Par ailleurs, la

majorité d’entre eux déclarentqu’ils rencontreront des difficultésà maintenir le niveau de qualité desinfrastructures existantes.

Les Pays de la Loire lancentun emprunt obligataireFace à une équation financière délicate, la région Pays de la Loirea lancé fin septembre un empruntobligataire destiné à lever 100 mil-lions d’euros, avec un taux de rému-nération de 4 % brut par an sur sixans. Une initiative vouée à finan-cer les petites et moyennes entre-prises locales, et soutenir l’emploi.« L’idée que chaque Ligérien puissefinancer une partie de l’économielocale peut paraître étonnante. Je suispour ma part intimement persuadéqu’elle constitue une voie d’avenirpour le financement de nos entre-prises », déclare le président (PS)de la Région, Jacques Auxiette.L’emprunt, géré par le Crédit foncier,est ouvert jusqu’à la mi-octobre.

En 2009, la Région avait déjà levé80 millions d’euros dans le cadredu Plan régional de lutte contre lacrise. Une alternative à la réductiondes dotations de l’État, et une portede sortie à la rigueur budgétaire.

L.B.

Construite sur une ancienne base de l’Otan, la centrale photovoltaïque de Crucey-Villages, inaugurée fin septembre, est l’une des plus puissantes d’Europe.

La centrale photovoltaïque de Crucey-Villages, entrée en service en septembre 2012. PHOTO ALAIN JOCARD/AFP

André Laignel, présidentdu Comité des finances locales.PHOTO BERTRAND GUAY/AFP

H452_p08-09.qxd:L'HEMICYCLE 8/10/12 17:13 Page 9

Page 10: l'Hémicycle - #452

En juillet dernier, à l’initiativede la France, la résolution2056 a été adoptée par le

Conseil de sécurité. Sous l’égide duchapitre VII, qui envisage l’utili -sation de la force, elle appelle lesÉtats à s’unir pour consolider lerégime de transition au Mali etdéfendre l’intégrité territoriale dupays. Depuis l’Assemblée généraledes Nations unies fin septembre, aucours de laquelle les autorités ma -liennes ont souhaité la mise enplace d’une force d’interventionin ternationale, la France est en pre-mière ligne pour favoriser la recon-quête de souveraineté du Mali. Unenouvelle résolution devrait êtresoumise au vote dans les jours quiviennent pour inviter les parties ànégocier. Autrement dit, le gouver -nement malien transitoire appel -le ra des représentants des Touaregindépendantistes du MNLA (Mou-vement national de libération del’Azawad), d’Aqmi (Al-Qaida auMaghreb islamique), du Mujao(Mouvement pour l’unicité et lejihad en Afrique de l’Ouest) etd’Ansar-Dine à discuter directementou via une médiation africaine.Une deuxième résolution est encours de rédaction pour autoriserla mise en place d’une force inter-nationale au Mali. Avec pour objec-tif de stabiliser le régime à Bamakoet de reconquérir par les armes lenord du pays.

La génération de forcesAu départ, la Communauté éco -nomique des États de l’Afrique del’Ouest (Cédéao) devait fournirl’essentiel des troupes. Le but était dedisposer d’au moins 3 000 hommes,formés et équipés, et de les re grou -per au sein d’une force d’interposi-tion et/ou d’intervention. Seuls troispays disposent des effectifs néces-saires et d’un minimum d’expé -rience : la Côte d’Ivoire, le Nigeriaet le Sénégal. La Mauritanie a quittéla Cédéao il y a douze ans, et préfèreà ce stade, comme l’a confié son Pré sident à François Hollande ven-dredi dernier, « verrouiller ses fron-tières plutôt que de se dégarnir ».Même attitude pour le Niger, qui fait partie de la Cédéao, comptetenu de la proximité immédiate duconflit sur son flanc ouest. Quantà l’Algérie, elle aussi hors-Cédéaomais puissance régionale majeure,pas question disent ses responsables

d’intervenir directement au sud carce serait prendre le risque de fairerevenir sur le sol algérien certainsdes responsables d’Aqmi d’originealgérienne. C’est en raison de cesdéfections « soli daires » que l’état-major à Paris envisage d’en appe lerà d’autres forces africaines pluslointaines mais plus fortes. LeTchad, qui a une grande expériencedes guerres des sables, et l’Afriquedu Sud sont cités comme des ren-forts crédibles.

L’objectifSi le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a utilisé le terme« Sahelistan », c’est pour comparerla sanctuarisation terroriste. EnAfghanistan, celle d’Al-Qaida et deses alliés talibans, au Nord-Mali,celle d’Aqmi et de ses comparsesislamo-criminels versés dans tousles trafics. « En fait, il ne s’agit pasde faire la guerre pour de nobles motifshumanitaires contre les coupeurs demains et pour libérer les femmesvoilées », confie un proche du mi -nistre de la Défense. Mais bien deme ner une opération pour « éradi-quer le terrorisme ». Pour se concilierles faveurs des trois grands voisinsalgérien, mauritanien et nigérien,pas question de pourchasser Aqmipour lui faire repasser l’une des fron-tières, ce qui ne ferait que déplacer

le problème. L’objectif est biend’anéantir les forces terroristes etsoumettre ceux qui se rendront.Deuxième impératif : il ne s’agit pasd’installer au Sahel une force pé -renne qui finirait par s’y enliser maisde mener une guerre limitée dansle temps. Le syndrome de l’Afgha -nistan est dans toutes les têtes.

Le calendrierCertains États impliqués ou solli -cités ne souhaitent pas s’aventu -rer au Mali tant que la situationpolitique ne sera pas stabilisée. Car, à leurs yeux, le gouvernementd’union nationale de transitionn’est pas crédible et mieux vaudraitpasser par des élections d’abordafin d’avoir un cadre légitime et unpartenaire plus fiable. Parmi leslégalistes figurent les États-Unis,qui cultivent un lien fort avec l’Algérie mais s’inquiètent desmenées d’Aqmi, surtout depuisl’assassinat de leur ambassadeuren Libye. Mais aussi certains paysd’Europe du Nord comme la Fin-lande et le Danemark ainsi quel’Autriche. En admettant que cesobstacles soient levés et que lestroupes soient réunies, l’Unioneuropéenne, avec la France en têtede pont, « assisterait » l’opérationmilitaire. Renseignements, logis-tique des transports de troupe,

formation et expertise à l’arrière dufront. Le modèle suivi ressembleraità celui de la Somalie où, derrièrele Kenya, les Européens forment lestroupes et orientent les manœuvresvisant à débarrasser le pays desshebabs et consolider le pouvoircivil en place à Mogadiscio, le toutsous bannière de l’Union africaineet des Nations unies. « Pour l’ins tant,nous enjambons les haies les unesaprès les autres », confie-t-on dansl’entourage de François Hollande.Les militaires, eux, ne voient pasde calendrier idéal, parlent d’uneintervention « avant la saison despluies » (de juillet à septembre 2013),les plus pessimistes évoquent lasaison suivante.

Le risque politiqueIl est considérable. François Hol-lande n’a pas choisi cette guerremais elle est devenue la sienne parla force des choses. Le Sahel faitpartie de l’espace francophone etAqmi a déclaré les hostilités enenlevant des otages français auNiger et au Mali. La France est éga -lement convaincue que l’optiondu statu quo laisserait planer lerisque d’un renforcement d’Aqmi,très menaçant pour les intérêtsfrançais dans cette région des plusprometteuses sur le plan minier. Le Sénégal voisin, seule démocratie

forte de la sous-région, pourraitêtre fragilisé par une implantationprogressive d’un salafisme actifdans le nord-est frontalier du Mali.François Hollande a convaincu ses partenaires d’Europe du Sudque la France n’était pas la seuleconcernée par la menace. Restedonc à passer à l’action. Les mi -nistres de la Défense européens se verront d’ici la fin du mois pourmettre en commun leurs offres de service : chaque contributioncomp tera. Le risque est à la foisdans la lenteur, l’inefficacité et, sil’opération prend forme sur le ter-rain en appui des forces africaines,dans l’enlisement. Chaque chefd’État français de la Ve Républiquea eu son lot de guerre sur ce conti -nent voisin. De Gaulle et Pompidoubien sûr dans l’après-décolonisation,Giscard en Centrafrique et au Zaïre,Mitterrand au Tchad et au Rwanda,Chirac et Sarkozy en Côte d’Ivoireet en Libye. François Hollandeaffronte au Sahel celle qui mélangetous les mauvais ingrédients desprécédentes : l’incurie politique,la criminalisation des élites, lestrafics transnationaux, le fanatismereligieux et la menace terroriste.Sans parler de la vie de nos otagesretenus dans le désert sahélien, unéchec dans ce conflit serait lourdde conséquences.

10 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 452, MERCREDI 10 OCTOBRE 2012

Au sommet méditerranéen de La Valette le week-end dernier, à Dakar ce vendredi puis au sommetde la Francophonie à Kinshasa, un seul sujet majeur : la reconquête du Nord-Mali, tenu par Aqmi et des factions islamistes armées depuis plus de six mois. Présentation du casse-tête des sables.

À distance

La guerre contre Aqmi, mode d’emploiPar François Clemenceau

Combattants d’Al-Qaida du groupe Al-Shabaab, en Somalie. PHOTO ABDURASHID ABDULLE/AFP

H452_p10.qxd:L'HEMICYCLE 8/10/12 14:51 Page 10

Page 11: l'Hémicycle - #452

NUMÉRO 452, MERCREDI 10 OCTOBRE 2012 L’HÉMICYCLE 11

Lancée par le ministère de laCulture et de la Communi-cation et l’Union des pro-

fessionnels de la carte postale(UPCP) à l’occasion de la Semainede l’écriture, cette opération est« à la fois pédagogique et culturelle »,explique Antoine Brasseur, porte-parole de l’UPCP.Elle s’appuie, précise-t-il, sur « unrécent sondage, montrant que 70 %des Français considèrent la cartepostale comme le support le plusinvesti émotionnellement ».« L’écriture, le sens du détail artistique,le choix et la signification de l‘illus-tration, la projection dans le temps,la relation à l’autre, le style et l’ortho -graphe, et même la géographie oul’histoire… Autant d’axes de travailque les enseignants peuvent travailleravec leurs élèves autour de la cartepostale », ajoute M. Brasseur.Au total, 47 000 écoliers, de lamaternelle au collège, ont reçu

un « livret d’activités » qui permetd’inscrire la carte postale dans leurenvironnement direct (à qui onl’écrit, à quelle occasion…), de tra-vailler sur sa rédaction (théma-tiques possibles, visuels…) et la dé -couverte d’autres supports écrits.Parallèlement, dix-sept designersont conçu « leur vision de la cartepostale » aujourd’hui et de l’écri -ture : « Matière vivante » pour ArianeEpstein, « déploiement d’un messagedans l’espace » pour Élise Fouin,« pour les actifs qui ne prennent pasde vacances », estime Brice Peri gnon,« support graphique » pour RomainVesvre, « une interrogation sur lesformes et les couleurs », dit encoreKarin Westerfeld, pour qui « unecarte ou une lettre n’a pas d’équiva-lent émotionnel et s’inscrit dans letemps qui passe contrairement auxmessages électroniques ».Leurs créations sont exposées auministère de la Culture avant de

rejoindre Lille mi-octobre et d’êtrevendues lors d’une vente aux en -chères, selon M. Brasseur.Un premier concours nationald’écriture sur carte postale, ouvertà tous et dont les inscriptionss’achèveront le 15 octobre, a égale-ment été lancé.En 2011, le marché de la cartepostale en France a généré unchiffre d’affaires de 404 millionsd’euros, selon l’UPCP.

Pierre-Henry Drange

Culture

Carte postale et design à l’écoleÀ l’heure des textos et e-mails éphémères, des langages électroniques cryptés, la carte postalerevient sur le devant de la scène avec une opération plébiscitée par 47 000 écoliers pourapprendre ou réapprendre à en écrire, une exposition design et un concours national d’écriture.

PHIL

IPPE

DES

MAZ

ES/A

FP

DR

H452_p11.qxd:L'HEMICYCLE 8/10/12 15:00 Page 11

Page 12: l'Hémicycle - #452

International

Pour les stratèges d’Obama,le dilemme est simple : Comment faire réélire un

président, quand l’enthousiasmede 2008 s’est dissipé, quand 13 mil-lions d’Américains n’ont pas d’em-ploi, quand le taux de chômageest de 7,8 % et que la crise se chiffreen milliards de dollars ?La réponse : le microciblage élec-toral.Fini « Yes we can », pour conser verla Maison-Blanche les démocratesmisent cette année sur les algorithmesrépartis et séquentiels, l’approcheanalytique intégrée et le croisementde données statistiques en tempsréel. Appelez ça « Obama 2.0 ».Il y a quatre ans, les démocratesavaient utilisé Internet et les réseauxsociaux comme un outil de mobili-sation de masse. Cette année ils sontpassés à l’étape supérieure : en 2012,

ils les utilisent comme outil de mo -bi lisation « sur mesure ». Comme lerépète le stratège d’Obama, DavidAxelrod : « Comparez à aujourd’hui,2008 c’était la préhistoire. »Élaborée au 6e étage d’un gratte- ciel du centre de Chicago, la stra -tégie électorale d’Obama est ré -volutionnaire. Dans les 5 000 m2

de bu reau que le Président a loué s’entassent près de 600 jeunes enuniforme : baskets, jean et tee-shirt.Tous sont munis d’un ou de plu -sieurs ordinateurs. La plupart sontingénieurs informatiques, pro-grammeurs, statisticiens ou ma thé -maticiens. Que font ces geeks dansun QG de campagne ? Ils concep -tualisent des outils informatiquesultra-sophistiqués capables demo dé liser le comportement élec-toral de chaque Américain.

Le camp Obama a compris que lesréseaux sociaux sont un trésor dedonnées personnelles. Sur Face-book et Twitter, les internautes– donc les électeurs – partagentune montagne d’informationssur leur vie, leurs opinions et leurspréoccupations. Les informaticiensd’Obama ont donc transformé cesréseaux sociaux en « stéthoscopeélectoral ». Grâce à des algorithmesextrêmement sophistiqués qu’ilsont créés, ils arrivent à croiser lesdonnées récoltées sur Internet avec l’état civil des électeurs et certaines informations sur leurmode de consommation (4x4 ouvoiture électrique, grande surfaceou marché bio, football américainou échecs…). Grâce à toutes cesdonnées, ils ont bâti un profil ultra-précis pour chaque électeur. Lebut : personnaliser le marketing

politique, pour affiner le ciblageélectoral et surtout déterminer demanière quasi scien tifique où fairecampagne, quel thème abordé dansquelle ville et devant quel public,quel message martelé dans quelquartier et à quel moment.« Jamais personne n’avait mis sur piedune machine électorale aussi précise et aussi sophistiquée, affirme MichaelSimon, l’un des conseillers d’Obamaen 2008 qui a organisé le maillageélectoral de sa campagne. Grâce à leur utilisation des réseaux sociaux, ils peuvent, sur une population de 100 électeurs, cibler les 10 indécis qu’ilsdoivent convaincre et les 10 démo cratesqu’ils doivent mobiliser. »Par exemple, quand un internauteécrit sur sa page Facebook qu’il vaenfin pouvoir se doter d’une assu -rance-maladie grâce à Obama, cette

information est immédiatementdétectée puis gérée par un algo-rithme qui la traduit en des termespolitiques : cet électeur soutientla réforme d’Obama et s’intéresseaux problématiques de santé. Sonprofil est alors réactualisé et unprogramme informatique modéliseson positionnement politique.Autre exemple : si un électeur seplaint du prix de l’essence dans untweet, l’équipe d’Obama sait immé-diatement que cet Américain s’inté -resse aux problématiques d’énergieet de coût de la vie. Inutile donc del’inonder de tract sur les positions deBarack Obama sur l’avortement oule mariage gay. Il faut le convaincreavec un message sur « la vie chère ».Le camp démocrate a aujourd’huiaccès aux informations des 29 mil-lions d’internautes qui « aiment »

Obama sur Facebook. Ils possèdent13 millions d’adresses e-mails, ilssavent tout ce que disent les 12 mil-lions d’Américains qui suivent Oba-ma sur Twitter. Ils peuvent contac-ter les 10 millions de personnes qui ont contribué financièrement à leur campagne et les 2 millionsd’électeurs avec qui les militants onteu « une conversation. » Tous sontaujourd’hui des cibles électorales.« Le camp Obama est le premier àavoir réussi à modéliser le comporte-ment électoral de chaque électeur età pouvoir réactualiser ces modèlesen permanence, plusieurs fois parsemaine », explique Sasha Issenberg,auteur de The Victory Lab, uneétude sur l’approche analytiqueen politique.Toutes les données récoltées sontensuite partagées avec les dizainesde milliers de militants répartis dansles 700 permanences électoralesd’Obama dont les ordinateurs sonttous reliés au QG de Chicago. Lessupergeeks d’Obama ont même crééleur propre application pour smart-phones qui permet aux militantssur le terrain de savoir rue par ruequels sont les électeurs indécis,hésitants ou réfractaires, et surtoutavec quels arguments ils doivent

les convaincre. Ils ont ainsi réussià pulvériser l’électorat pour pouvoirélaborer une stratégie de mobilisa-tion « sur mesure ».Le camp Obama reste très discret surcette stratégie et sur ces programmesinformatiques ultra-sophistiquésqu’ils ont baptisés avec des nomsénigmatiques comme « Projet Nar-val » ou « Projet “Dreamcatcher” ».Certains estiment que le coût decette opération dépasse les dizainesde millions de dollars.L’impact électoral du microciblageest probablement de l’ordre dequelques pour-cent de voix par État.Mais aux États-Unis, les électionsprésidentielles se gagnent à la marge.Quelques de centaines de voix enFloride ont fait élire George W. Bushen 2000. Quelques milliers de voixdans l’Ohio, dans le Colorado ou en Virginie pourraient donc déciderle vainqueur de l’élection de 2012.Voilà pourquoi Obama a investidans cette nouvelle forme de mobi -lisation politique.« Le microciblage sera décisif dansplusieurs États clés, prédit MichaelSimon. Et c’est ce qui fera pencherla balance en faveur d’Obama. »Avec Obama, la politique n’est plusun art. C’est devenu une science.

Obama 2.0

Du «Yes we can » aumicrociblage électoral

12 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 452, MERCREDI 10 OCTOBRE 2012

Pour conserver la Maison-Blanche, les équipes de Barack Obama misent sur des outilsinformatiques ultra-sophistiqués capables de modéliser le comportement électoral de chaqueAméricain. Nous sommes en 2012, et le Président américain veut simplement être réélu.

Par Guillaume Debré

«GRÂCE À LEUR UTILISATION DES RÉSEAUXSOCIAUX, ILS PEUVENT, SUR UNE POPULATION

DE 100 ÉLECTEURS, CIBLER LES 10 INDÉCIS QU’ILSDOIVENT CONVAINCRE ET LES 10 DÉMOCRATESQU’ILS DOIVENT MOBILISER »

MAN

DEL

NGAN

/AFP

H452_p12.qxd:L'HEMICYCLE 8/10/12 16:32 Page 12

Page 13: l'Hémicycle - #452

NUMÉRO 452, MERCREDI 10 OCTOBRE 2012 L’HÉMICYCLE 13

Les « business angels » appor-tent une aide multiple auxentreprises innovantes : ils

investissent des fonds nécessaires à leur création et à leur développe-ment initial et apportent égalementgratuitement leurs compétencesainsi que leur expérience profession -nelle à ces « start-up » pour déjouerles pièges d’un secteur concurrentielimpitoyable. Ils permettent donc lanaissance de sociétés qui, si elles sedéveloppent, contribuent à dynami -ser le tissu économique français.La recherche d’un investissementdans un secteur à haut risque maissusceptible de créer un gain financier

très important et les possibilités de défiscalisation partielle de plus-values réalisées antérieurement font partie des motivations. Maisnombre d’entre eux sont d’ancienscréateurs d’entreprise et trouvent làl’occasion de renouer avec des aven-tures entrepreneuriales auxquellesils apportent une sécurité supplé-mentaire avec leur expérience etleurs compétences.L’impact de cette activité sur l’éco-nomie n’est pas négligeable : auxÉtats-Unis, M. Bloomberg, mairede New York, a mis en place unprogramme d’aide aux start-uplocales avec la collaboration de professionnels de la Bourse jouantle rôle de business angels. Le dyna-misme de ce secteur économiqueet du marché local de l’emploi sontdeux résultats escomptés.Les business angels interviennentavant même la constitution d’unesociété. Évaluant les projets quileur sont proposés, ils détectent lesconcepts prometteurs et avancentles fonds qui permettent au créa-teur de la future entreprise de réa-liser un « proof of concept », géné-ralement une étude approfondieou une maquette du produit que lafuture entreprise commercialisera.La sélection est drastique : Val’An-gels, une association francilienne debusiness angels, reçoit chaque moisen moyenne 35 dossiers à étudier.

Quatre seulement sont examinés en conseil, un seul est retenu.Ce tri sévère augmente les chancesde l’entreprise qui verra le jour :en effet, si 6 start-up créées sur 10ne passent pas le cap de la premièreannée, le pourcentage d’échec desociétés bénéficiant de l’aide debusiness angels se situe entre 40 %et 50 %. Pour chaque projet, unres ponsable est nommé au sein duconseil d’administration et rendcompte de la progression à inter-valles réguliers. La société peut ainsibénéficier des conseils et du soutiende tous les membres du réseau.Sans atteindre le niveau que connais-sent les États-Unis, le réseau de busi-ness angels français n’en est pasmoins réel. Selon France Angels, laFédération nationale des réseaux de business angels français, ilsn’étaient pas moins de 4 000 per-sonnes fin 2011 regroupées en 82réseaux locaux. Au cours des cinqdernières années, près de 1 500 en -treprises ont bénéficié de leur aideet de leur financement pour unmon tant global de 200 millionsd’euros. Travaillant en étroite relationavec les organismes publics commela Caisse des dépôts ou la région Île-de-France, ils crédibilisent les pro-jets et facilitent l’accès aux aidespubliques, ce qui permet parfois dedoubler le financement accordé enphase initiale. Manuel Singeot

Selon Alberto Gabaï, prési-dent de Val’Angels, l’activité

des business angels français ren-contre de multiples difficultés. L’incertitude fiscale pèse fortementsur le développement de ce secteurd’activité. Une sécurisation desinvestissements par le biais de lacréation d’un mécanisme d’assu-rance serait indéniablement unplus. De même, il regrette qu’unestart-up ne puisse pas bénéficierd’un sursis de paiement de l’impôtlors de la première année afin depouvoir consacrer l’ensemble deson capital à son développementinitial. Le recouvrement ultérieurde ces charges, étalé par exemplesur dix ans, permettrait aux start-up de se développer sans que l’Étatne renonce à ces rentrées fiscales.Enfin, les universités françaisessont encore trop frileuses vis-à-visde la création d’entreprises. En

Israël, de nombreuses start-upnaissent directement au sein desuniversités qui mettent à dispo-sition leurs laboratoires et leurma tériel à des étudiants présentspour se former mais aussi se déve-lopper. La question de l’apparte-nance des brevets déposés dans lecadre de ces activités est aussi fortdifférente. M.S.

Une activité encore troppeu reconnue et aidée

Les anges gardiens des start-up« Business angels » : l’expression est américaine. À la différence des fonds d’investissement,le business angel s’implique personnellement dans la création d’une entreprise, augmentantses chances de succès. Une activité à risque mais indispensable à l’économie.

Le chiffre

22,5milliards de dollarsInvestissements des businessangels américains en 2011.(Source : Center for Venture Research,University of New Hampshire.)

2.0

Chercheurs d’emploi new-yorkais à la rencontre de recruteurs.Le secteur des start-up locales bénéficie d’un large programme d’aidede la mairie et de business angels. PHOTO JOHN MOORE/AFP

H452_p13.qxd:L'HEMICYCLE 8/10/12 14:50 Page 13

Page 14: l'Hémicycle - #452

L’extension du maillage del’infrastructure Internet estune priorité à la fois culturelle

et technique pour les élus locaux. Les « autoroutes de l’information »sont aujourd’hui conçues à base defibre optique, et non plus à partir de câblages de cuivre, rendant pé -renne l’évolution technologique du secteur. C’est la société Vinci quia obtenu le plus grand marché fran -çais concernant le déploiement dela fibre optique et la réalisation destructures d’équipements et de régé -nération (1400 km de fibres entreParis et Hendaye !). Les collectivitésdéveloppent ces réseaux d’initia -tive publique généralement par laconcession de service public ou lepartenariat public-privé (réseauxélectriques avec RTE, Voies naviga-bles de France, Covage en Corse…).La création d’un Programme natio -nal très haut débit, annoncé en 2010

par le gouvernement, répond ainsià des enjeux industriels et éco no -miques majeurs, participant defaçon décisive à l’aménagement et à l’attractivité des territoires.

L’aide aux déploiementsde réseaux THDLe cahier des charges du programme,rendu public en 2011, organise unmode de consultation publique desprojets des élus. Pour bénéficier duFSN, il faut d’abord participer à unephase de concertation préalable etproposer, sur la base de discussionsavec des investisseurs privés, un pro-jet visant à assurer une couverturecomplète des territoires concernés(quitte à s’appuyer sur des techno -lo gies alternatives comme les réseauxsatellitaires pour les zones moinsaccessibles). Ce soutien de l’amé -na gement numérique complète lesprojets de réseaux issus de l’initiative

privée, notamment pour faciliter lacouverture des parties du territoire lesplus difficiles d’accès.Les collectivités se regroupent danscertains cas pour conduire ensembleun projet THD de grande ampleur,comme ce fut le cas en 2012 pour lescollectivités bretonnes. Le Conseilrégional, les conseils généraux duFinistère, du Morbihan, de l’Ille- et-Vilaine, des Côtes-d’Armor, et desagglomérations de Bretagne se sontréunies au sein du projet « BretagneTrès haut débit ». Ce projet, de185 000 lignes en fibre optiquejusqu’à l’abonné, permet d’ajouterenviron 20 % de connexions auxpro jets existants des opérateursprivés, notamment en zone rurale.L’État cofinance ce projet pour unmontant de 66 millions d’euros.L’Arcep, autorité administrative in -dépendante chargée de la régulationdu secteur des télécommunications,apporte son aide technique parallè -lement au dépôt du dossier auprès de la Caisse des dépôts suivant lesmodalités suivantes : après que lacollectivité a communiqué à l’Au-torité les informations relatives à lasurface couverte, cette dernière lespublie sur son site Internet et sesservices sont à la disposition de tousles intervenants au projet, et des dif-férents opérateurs, pour assurer lamise en œuvre de la consultation. Àce stade, les opérateurs privés peuventégalement se manifester pour faireconnaître leurs propres orientationsde déploiement sur le périmètre.Les projets des collectivités doivents’inscrire dans le schéma directeur territorial d’aménagement numé -rique de la zone concernée. L’aide de l’État est comprise entre 33 % et45,8 % du montant total de la par-ticipation de la collectivité. Elle est di -rectement versée au maître d’œuvrequi réalise l’opération. À noter queles coûts de raccordement à l’abon-né, s’ils sont jugés excessifs au regarddes objectifs du Programme, ne font

pas partie du calcul de l’aide. La sub-vention revient, par prise posée, àune somme entre 200 et 433 eurosindexée sur le taux de communesrurales du département. Des entre-prises installées dans le périmètreconstituent un plus considérablepour la rece vabilité de la demande.Cette modulation territoriale des tauxde soutiens s’explique par l’inégalitédes besoins de réseaux selon les ter-ritoires. Il existe d’autres modula-tions s’il s’agit d’une modernisationdes réseaux filaires ou de mener uneétude de terrain sur les réseaux.

Les investissements qui permettentla subvention sont les projets de dé -ploiement de la fibre optique sur lapart du réseau assemblé pour le trèshaut débit. Le but est de parvenir,en juillet 2016, à couvrir la totalitédes communes faisant partie deszones peu denses, et donc à propagerle très haut débit dans tous lesréseaux d’initiative publique. Neufcents millions d’euros de subven-tions sont directement affectés auxressources des collectivités afin d’yparvenir. La cohésion territorialedu numérique est à ce prix.

Nom

Prénom

Société

Fonction

Adresse

Code postal Ville

Tél. (facultatif) Fax e-mail

Date et signatureBulletin d’abonnement à retournersous enveloppe affranchie àl’Hémicycle, 55, rue de Grenelle, 75007 Pariscourriel : [email protected]

* S

oit

envi

ron

un a

n, e

n fo

ncti

on d

u ca

lend

rier

par

lem

enta

ire.

Conformément à la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification pour toute information vous concernant.

� OUI je m’abonne pour 84 numéros à l’Hémicycle, au tarif exceptionnel

de 126 ¤ TTC au lieu de 180,60 ¤ TTC.

� OUI je m’abonne pour 42 numéros à l’Hémicycle, au tarif exceptionnel

de 72 ¤ TTC au lieu de 90,30 ¤ TTC.

2 ans (84 numéros*) pour 126 ¤ au lieu de 180,60 ¤

1 an (42 numéros*) pour 72 ¤ au lieu de 90,30 ¤

Tarif étudiant : 54 ¤ pour 42 numéros*

� Je vous joins mon règlement par chèque à l’ordre de l’Hémicycle.� Je souhaite recevoir une facture acquittée.� Je préfère régler par mandat administratif.

Offre valable en France métropolitaine jusqu’au 31/12/2012

� OUI je m’abonne pour 42 numéros et je souhaite bénéficier du tarif « Étudiant »à 54 ¤ TTC. Je joins une photocopie de ma carte d’étudiant de l’année en cours.

Bulletin d’abonnement

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582¤. RCS : Paris 443 984 117. 55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle

GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier ([email protected]) RÉDACTEUR EN CHEF Joël Genard ([email protected]) ÉDITORIALISTES/POINTDE VUE François Clemenceau, Thierry Guerrier, Bruno Jeudy, Gérard Leclerc, Fabrice Le Quintrec, Éric Maulin AGORA Thomas Renou DOSSIERS Tatiana Kalouguine, Elsa NathanINTERNATIONAL Philippe Dessaint, Patrick Simonin L’ADMIROIR Éric Fottorino COLLABORENT À L’HÉMICYCLE Ludovic Bellanger, Jean-Louis Caffier, Florence Cohen, Antoine Colonna,Axel de Tarlé, Pierre-Henry Drange, Anita Hausser, Richard Kitaeff, Manuel Singeot, Guillaume Tabard, Brice Teinturier, Philippe Tesson, Pascale Tournier CORRECTION Aurélie CarrierMAQUETTE David Dumand PARTENARIATS Violaine Parturier ([email protected] - Tél. : 01 45 49 96 09/06 74 25 28 81) IMPRESSION Roto Presse Numéris,36-40, boulevard Robert-Schumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70. Fax : 01 49 36 26 89 ACTIONNAIRE PRINCIPAL Agora SASU Parution chaquemercredi ABONNEMENTS [email protected] COMMISSION PARITAIRE 0413C79258 ISSN 1620-6479 Dépôt légal à parution

Pratiques

14 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 452, MERCREDI 10 OCTOBRE 2012

Les fichesthématiquesde l’Hémicyclepar Richard Kitaeff, Maître

de conférences de l’IEP Paris

Subventions à très hautdébit pour les collectivités

Selon le cahier des charges de l’appelà projets du Programme THD (publiépar la Caisse des dépôts), le déploie -ment des réseaux d’initiative pu bli quepar les collectivités fait l’objet de laprocédure suivante :� Le porteur du projet doit être une

collectivité territoriale ou un grou-pement de collectivités ;

� Tenir compte des recommandationset avis de l’Arcep ;

�Vérifier que le projet ne concerne pas des zones bientôt couvertes par des opérateurs privés ;

� Concertation préalable avec les opérateurs privés dans le cadre des schémas directeurs territoriauxd’aménagement numérique ;

�Consultation formelle par le biais de l’Arcep avec publication sur son site des informations transmises(coordonnées, cartographie du terri -toire, modalités diverses…).

�Choisir la forme d’intervention descollectivités territoriales (délégationde service public, affermage, régie).

�Dépôt du dossier auprès de la Caisseet instruction par ses services et un panel d’experts (Datar, DGCL,DGCIS…) ; avis de la commissionRéseaux d’initiative publique du FSN ; avis du préfet de région.

� Le processus d’attribution des finan-cements intervient en deux phases :accord préalable de principe pro-noncé par le Premier ministre repré-sentant l’État dans la procédure ;décision de financement sur la basede l’accord de principe accompagnéd’un dossier complémentaire remisà la Caisse par la collectivité.

�La remise des dossiers de soumis-sion s’effectue sur le site de la Caisse :http://cdcinvestissementsdavenir.achatpublic.com, qui précise la com-position exacte des dossiers.

Comment obtenir une aidepour sa collectivité ?

Deux milliards d’euros ont été débloqués pour financer un programme national en faveur du très hautdébit. Les bénéficiaires sont les collectivités territoriales, au travers du Fonds national pour la sociéténumérique (FSN). La demande s’effectue en passant par la Caisse des dépôts et consignations,et par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep).

H452_p14.qxd:L'HEMICYCLE 8/10/12 17:50 Page 14

Page 15: l'Hémicycle - #452

NUMÉRO 452, MERCREDI 10 OCTOBRE 2012 L’HÉMICYCLE 15

L’admiroir

Jean-Paul Delevoye occupeune place à part sur l’échi-quier politique national. S’il

appartient à la famille gaulliste,son action et ses prises de positionpubliques semblent le situer, dansune geste gaullienne, bien au- dessusdes partis et de leurs contingencespartisanes. Si VGE ne l’avait dit bienavant lui, on le créditerait volon-tiers de regarder la France au fonddes yeux, et de la voir souffrante,absente à elle-même, inquiétanteautant qu’attachante. Dans sonposte de Médiateur de la Républi quequ’il occupa pendant sept ans,il sut dire avec des mots simplesce qu’Alain Peyrefitte nommait« Le mal français », ou plutôt, lemal des Français. Nul n’a oubliéson rapport de 2011 quand il atti-rait l’attention sur cette réalité trèscrue : « Il y a 12 à 15 millions depersonnes pour qui les fins de moisse jouent à 50 ou 150 euros près. LesFrançais sont en train d’imploser, àcause d’une pression trop forte et d’unmal-vivre ensemble de tous les jours. »L’année suivante, le même Jean-PaulDelevoye récidivait en braquantle projecteur sur ce qu’il appelaitle « burn out » de notre société, « unétat d’épuisement général non seule-ment physique, mais psychique, émo-tionnel, mental ».

Le racisme d’« assiette »Dans un ouvrage de témoignage et de réflexion, Reprenons-nous !(Tallandier), paru pendant la cam-pagne présidentielle, l’ancien mi -nistre de Jacques Chirac devenuprésident du Conseil économique,social et environnemental avaitmultiplié les formules fortes pourausculter notre pays. Il dénon -çait ce qu’il appelait « le racismed’assiette » où chacun « défendson bout de gras », refusant de partager avec quiconque lorgnantsur son plat. Il passait au scannercette « France des invisibles » peupléede tous ceux « qui s’effacent dans lagrisaille et glissent dans l’obscurité,tenaillés par la peur de l’accident, dudéclassement ». En bon gaulliste, ildéplorait l’effacement des idéaux

de la Résistance, la perte du senscollectif, cette « démocratie d’émo-tions » qui consistait à multiplierles lois de circonstance et à assu-jettir les comportements sociauxà la peur de l’autre.Quand il nous reçoit dans sonbureau du palais d’Iéna, l’ancienMédiateur ne peut s’empêcherd’évoquer à brûle-pourpoint cemanque d’espoir qui frappe lesplus démunis, y compris parmi les diplômés qui ne trouvent pasun emploi à hauteur de leur qua-lification. « Il y a une différence entremalheureux et humiliés. On crée deshumiliés, dit-il, des gens dont la seulealternative est soit de se détruire, soitde détruire le système. » Et de noteren passant que le seul lien socialqui subsiste dans l’entreprise estsouvent celui que créent les fu -meurs qui « en grillent une » dehorsdans le froid…

Des valeursOn n’est donc par surpris, quand on aborde de front les valeurs dupersonnage, qu’elles s’incarnentdans un gaullisme familial marqué.« Je me souviens du silence obligé à la maison quand le Général parlait à la télévision. On lui accordait uneattention solennelle », se souvient-ilsans insister, comme pour ne pass’épancher. De l’homme du 18-Juin,il retient la magie du verbe. « Je suisfasciné par le poids des mots. Ils sontcomme des rochers. Chacun peut endéposer un pour dévier le cours dufleuve. » Il cite de Gaulle bien sûr,qu’il vit pour la première fois « envrai » fin 1958 lors d’une confé-rence publique à la gare d’Amiens.Il pense aussi à Ghandi et au sésamede la non-violence, à Mandela et àla réconciliation nationale, à AungSan Suu Kyi, à cet étudiant chinoisqui marcha seul devant les charsde l’avenue Tian’anmen et qui fitstopper la colonne blindée. « Je croisà ces hommes et à ces femmes qui ontcréé une espérance et une morale poli-tique grâce à la force de leurs convictionsportée par la force de l’expression. »Il pense encore à de Gaulle quandil dit que la politique, « c’est défendre

des causes, pas des intérêts ». C’estencore « être capable de dépasser lesfrontières partisanes » pour la gran-deur desdites causes. Au gaullismede ses débuts de parlementaire, en1986, qu’il voit encore comme« une élévation par la pensée, un chocd’idées entre des Maurice Schumann,des Messmer, des Chaban ou desRobert-André Vivien », Jean-PaulDelevoye oppose aujourd’hui cequ’il appelle « le choc des ambitions ».

Sur la question de son engagement,il reste marqué par ses années aucollège de la Providence, à Amiens.C’est là qu’il a appris le collectif,la consigne donnée aux bons élèvesde partager leur savoir pour aiderles plus faibles, la mise à dispositiondes talents, le sens du partage. Il sesouvient d’un de ses professeurs,survivant d’un camp de concen-tration. Et d’un jésuite pétri de reli-gions africaines qui lui ouvrit de

profondes explications du monde,à travers les mythologies, l’interpré -tation des dieux, le sens donné àla mort. « Le mercredi et le dimanche,pour échapper à l’internat, nous passionsdu temps avec une personne âgée. J’aimesuré le drame de leur solitude. Onrepeignait aussi les appartements desfemmes de détenus. Je voyais parfoisun nombre considérable d’enfantsdans 15 ou 20 mètres carrés… Je mesuis construit ainsi une perception del’homme, avec une vision rousseauistesoulignant son caractère perfectible. »Un credo qu’il mettra en applica-tion pendant son service militaire,après 1968. Jeune officier, il consta-tera que certains hommes de sasection ne savent ni lire ni écrire.Il sollicitera les universitaires durang et organisera des cours du soir.« Ces nouveaux liens ont créé unenthousiasme partagé, et l’efficacitéde notre groupe n’en a été que meil-leure », s’échauffe Delevoye, qui sedit « passionné par l’individu et parle collectif ».

La confianceÀ l’évidence, il ne pouvait que croiser la route de Jacques Chirac.L’ancien négociant agroalimen-taire de Bapaume (Pas-de-Calais) sere trouva en 1981, jeune conseillerrégional, à soutenir le leader duparti gaulliste. D’emblée le courantpasse. « J’ai senti une empathie im -médiate. Son sens paysan, la bonnebouffe, ses manières tactiles et di -rectes. » Lorsque, dans le gouverne -ment Raffarin, Jean-Paul Delevoyedeviendra ministre de la Fonctionpublique, il éprouvera auprès deJacques Chirac, outre son charisme,« une sensation de confiance et deliberté » sans laquelle il n’aurait pus’en gager, répétant qu’il n’a jamaisdemandé un poste ni négocié son espace. « “Tu m’emmerdes”, medisait Chirac : “Tu ne me demandesjamais rien” ! » Avant de nous quit-ter, il recherche qui a écrit : « Ondit toujours ce que les hommes fontdu pouvoir, on ne dit jamais assez ce que le pouvoir fait des hommes. »L’humain, invariable horizon deDelevoye.

Par Éric Fottorino

Delevoye, entre le verbe gaullienet la chaleur chiraquienneIl connaît bien le « mal français ». L’ancien Médiateur de la République, qui fut aussi ministre de Jacques Chirac, continue de déplorer la perte du sens collectif. Ce fasciné des mots et desconvictions regrette le « choc des ambitions ». Il préfère le sens du partage. Il s’est construit une perception de l’homme, avec une vision rousseauiste.

THOM

AS S

AMSO

N/AF

P

H452_p15.qxd:L'HEMICYCLE 8/10/12 15:01 Page 15

Page 16: l'Hémicycle - #452

H436_p16-PUB:L'HEMICYCLE 20/02/12 16:00 Page 14