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La campagne électorale ne pesait pas lourd, en ce début de semaine, face à la tragédie de Toulouse. Tour à tour, Nicolas Sarkozy et François Hollande ont dit les mots qu’il fallait pour témoigner de l’unité nationale devant un drame qui dépasse les clivages. C’est la dignité du président de la République, quelle que soit sa couleur politique, de rassem- bler les Français dans les moments les plus cruels que peut vivre un pays. Devant de tels crimes, l’union s’impose. Et ce fut fort heureusement le cas en ce lundi noir. Le combat électoral qui a déjà repris ses droits n’en sera que plus respectable. R.N. Non vraiment, ce n’est pas joli à voir. Bien triste spectacle que celui de la décomposition d’un parti qui a rassemblé 16 % des électeurs il y a trois ans à peine. Et qui aux régionales de l’année suivante pesait encore 12 %. C’est un fait, l’élection présiden- tielle n’a jamais porté chance aux verts et, mis à part Noël Mamère, aucun candidat écologiste n’a réussi à fran- chir le cap des 3 %. Les raisons sont connues et souvent décrites : les préoccupations écologiques – à l’exception du nucléaire ou de la lutte contre les émissions de CO 2 relèvent plus souvent de la vie locale que du débat na- tional. Avec pour conséquence des succès réels depuis une quinzaine d’années essentiellement aux municipales et aux régionales. Cette difficulté présidentielle étant bien connue, pourquoi dans ces conditions s’acharner à vouloir à tout prix être présent dans une élection qui fait à chaque fois reculer l’écologie de trois cases ? C’était d’ailleurs la thèse de Daniel Cohn-Bendit qui préconisait un accord avec le PS pour les législatives avec en contrepartie le soutien apporté au candidat socialiste dès le premier tour. Le député européen a assisté impuissant à la montée du désastre Joly. Aujourd’hui il est bien tard pour revenir en arrière et le retrait de la candidate d’EELV, créditée d’à peine 2 % dans les sondages, n’aurait qu’une incidence minime sur le résultat de François Hollande… Mais l’essentiel n’est pas là. Le plus grave c’est que la dis- parition des radars électoraux de l’ancienne juge qui n’a d’écologiste que l’étiquette a du même coup fait passer à la trappe du débat présidentiel des thématiques pour- tant décisives pour l’avenir. Le réchauffement climatique, la production de l’énergie et son coût, le développement durable lui-même, autant de questions qui devraient être au cœur de la présidentielle et qui sont aujourd’hui soigneusement mises de côté. Même le débat sur le nucléaire a fait long feu, se réduisant pratiquement à la seule question de l’arrêt ou non de Fessenheim. Il y a cinq ans, Nicolas Hulot avait obligé tous les candidats et leur parti à prendre position dans le débat écologique et conduit Nicolas Sarkozy, élu Président, à lancer le Grenelle de l’environnement. Mais ce dernier, avec ses réussites et ses échecs, n’a pas épuisé le sujet. On connaît la thèse de Nathalie Kosciusko-Morizet : l’écologie n’appartient pas à un parti mais irradie tous les secteurs de la politique. Sauf qu’à force d’être partout l’écologie risque de n’être plus nulle part. La bataille pour le développement durable est un vrai combat. Cécile Duflot et ses amis n’ont pas rendu service à leur cause en organisant de facto la déconfiture de leur parti. Éditorial Robert Namias Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias L’HÉMICYCLE www.lhemicycle.com NUMÉRO 439 — MERCREDI 21 MARS 2012 — 2,15 ¤ C’est pas Joly ! DELKOO/FOTOLIA ZAER BELKALAI/AFP Immigration et amalgames Dix ans après 2002, l’immigration reste un des sujets majeurs de la présidentielle. À Villepinte Nicolas Sarkozy s’est engagé à réduire de moitié l’entrée des étrangers en France. Tandis que sur France 2 François Hollande réaffirmait que s’il était élu il n’y aurait pas de régularisation massive. Gaulliste à 12 ans, le président de l’Assemblée nationale l’est plus que jamais, 54 ans plus tard. De Gaulle a été, est et sera son unique mentor. > Lire l’admiroir d’Éric Fottorino p. 15 Bernard Accoyer, l’émule du Général Tragédie nationale LIONEL BONAVENTURE/AFP PASCAL POCHARD-CASABIANCA/AFP Et aussi Manuel Valls P. 3 Claude Guéant P. 2 P eut-on parler de manière dé- passionnée de l’immigration ? Apparemment non. Voilà trente ans que Jean-Marie Le Pen a mis la question sur la table présiden- tielle et trente ans que la bataille des chiffres et les accusations a priori ont empêché toute réflexion sereine. À droite, on accuse la gauche de faire preuve d’un angélisme désuet et dan- gereux. À gauche, on reproche à la droite d’adopter une attitude et d’utiliser des mots à la limite de la xénophobie. Et la campagne actuelle n’a fait qu’en- venimer les choses. Avec des amal- games qui sont allés bon train. Où la question de la viande halal est venue allègrement télescoper la proposition sur le droit de vote des étrangers. Où la suppression du mot « race » dans la Constitution est avancée pour répondre à ceux qui affirment leur volonté de réduire à 100 000, voire à 10 000 l’immigration légale. Est-ce que ce triste épisode passé, on peut imaginer une vraie réflexion sur la place et le rôle de l’immigration dans notre société. Ce serait plus inté- ressant (et plus productif) que les ana- thèmes échangés de part et d’autre. Alain Fournay > Lire p. 2 et 3

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l'Hémicycle numéro 439 du mercredi 21 mars 2012

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Page 1: l'Hémicycle - #439

La campagne électorale ne pesait pas lourd, en ce début desemaine, face à la tragédie de Toulouse. Tour à tour, NicolasSarkozy et François Hollande ont dit les mots qu’il fallaitpour témoigner de l’unité nationale devant un dramequi dépasse les clivages. C’est la dignité du président de laRépublique, quelle que soit sa couleur politique, de rassem-bler les Français dans les moments les plus cruels que peutvivre un pays. Devant de tels crimes, l’unions’impose. Et ce fut fort heureusement le casen ce lundi noir. Le combat électoral qui adéjà repris ses droits n’en sera que plusrespectable. R.N.

Non vraiment, ce n’est pas joli à voir.Bien triste spectacle que celui dela décomposition d’un parti qui arassemblé 16 % des électeurs il y atrois ans à peine. Et qui aux régio nalesde l’année suivante pesait encore12 %. C’est un fait, l’élection présiden-tielle n’a jamais porté chance aux vertset, mis à part Noël Mamère, aucuncandidat écologiste n’a réussi à fran -

chir le cap des 3 %. Les raisons sont connues et souventdécrites : les préoccupations écologiques – à l’exceptiondu nucléaire ou de la lutte contre les émissions de CO2 –relèvent plus souvent de la vie locale que du débat na-tional. Avec pour conséquence des succès réels depuisune quinzaine d’années essentiellement aux municipaleset aux régionales. Cette difficulté présidentielle étant bien connue,pourquoi dans ces conditions s’acharner à vouloir à toutprix être présent dans une élection qui fait à chaque foisreculer l’écologie de trois cases ? C’était d’ailleurs la thèsede Daniel Cohn-Bendit qui préconisait un accord avec lePS pour les législatives avec en contrepartie le soutienapporté au candidat socialiste dès le premier tour. Ledéputé européen a assisté impuissant à la montée dudésastre Joly. Aujourd’hui il est bien tard pour revenir enarrière et le retrait de la candidate d’EELV, créditée d’àpeine 2 % dans les sondages, n’aurait qu’une incidenceminime sur le résultat de François Hollande…Mais l’essentiel n’est pas là. Le plus grave c’est que la dis-parition des radars électoraux de l’ancienne juge qui n’ad’écologiste que l’étiquette a du même coup fait passerà la trappe du débat présidentiel des thématiques pour-tant décisives pour l’avenir. Le réchauffement climatique,la production de l’énergie et son coût, le développementdurable lui-même, autant de questions qui devraientêtre au cœur de la présidentielle et qui sont aujourd’huisoigneusement mises de côté. Même le débat sur lenucléaire a fait long feu, se réduisant pratiquement à laseule question de l’arrêt ou non de Fessenheim. Il y acinq ans, Nicolas Hulot avait obligé tous les candidats etleur parti à prendre position dans le débat écologiqueet conduit Nicolas Sarkozy, élu Président, à lancer leGrenelle de l’environnement. Mais ce dernier, avec sesréussites et ses échecs, n’a pas épuisé le sujet.On connaît la thèse de Nathalie Kosciusko-Morizet :l’écologie n’appartient pas à un parti mais irradie tousles secteurs de la politique. Sauf qu’à force d’êtrepartout l’écologie risque de n’être plus nulle part.La bataille pour le développement durable est un vraicombat. Cécile Duflot et ses amis n’ont pasrendu service à leur cause en orga ni santde facto la déconfiture de leur parti.

ÉditorialRobert Namias

Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias

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www.lhemicycle.com NUMÉRO 439 — MERCREDI 21 MARS 2012 — 2,15 ¤

C’est pas Joly !

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Immigrationet amalgamesDix ans après 2002, l’immigration reste un des sujets majeurs de laprésidentielle. À Villepinte Nicolas Sarkozy s’est engagé à réduire de moitiél’entrée des étrangers en France. Tandis que sur France 2 François Hollanderéaffirmait que s’il était élu il n’y aurait pas de régularisation massive.

Gaulliste à 12 ans, le président de l’Assembléenationale l’est plus que jamais, 54 ans plus tard.De Gaulle a été, est et sera son unique mentor. > Lire l’admiroir d’Éric Fottorino p. 15

Bernard Accoyer,l’émule du Général

Tragédie nationale

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ManuelValls

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ClaudeGuéant

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Peut-on parler de manière dé-passionnée de l’immigration ?Apparemment non. Voilà

trente ans que Jean-Marie Le Pen amis la question sur la table présiden-tielle et trente ans que la bataille deschiffres et les accusations a priori ontempêché toute réflexion sereine.À droite, on accuse la gauche de fairepreuve d’un angélisme désuet et dan-gereux.

À gauche, on reproche à la droited’adopter une attitude et d’utiliserdes mots à la limite de la xénophobie.Et la campagne actuelle n’a fait qu’en-venimer les choses. Avec des amal-games qui sont allés bon train. Où laquestion de la viande halal est venueallègrement télescoper la propositionsur le droit de vote des étrangers.Où la suppression du mot « race »dans la Constitution est avancée pour

répondre à ceux qui affirment leurvolonté de réduire à 100 000, voire à10 000 l’immigration légale.Est-ce que ce triste épisode passé, onpeut imaginer une vraie réflexion surla place et le rôle de l’immigrationdans notre société. Ce serait plus inté-ressant (et plus productif) que les ana-thèmes échangés de part et d’autre.

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L’immigration est-elle encoreune chance pour la France, commel’écrivait Bernard Stasi en 1984 ?Je reprendrai ce qu’a dit très juste-ment Nicolas Sarkozy à Bordeaux,le 3 mars : « L’immigration est unatout, une richesse, mais pourquoi nepas avouer qu’elle peut être aussi unproblème. »

De nombreux spécialistes doutentque la France puisse ramener à100 000 le nombre d’étrangersaccueillis chaque année. Commentcette annonce de Nicolas Sarkozypourrait-elle devenir réalité ?Nos efforts montrent qu’une poli-tique de contrôle et de diminu tiondes flux d’immigration vers laFrance est possible. Nous délivrons,en 2011, 180 000 premiers titres deséjour à des ressortissants de paystiers à l’Union européenne. Cechiffre était supérieur à 207 000 en2002, à la fin du gouvernementJospin, qui a perdu le contrôle de lapolitique migratoire. Nous avonséloigné, en 2011, près de 33 000personnes en situation irrégulière.Entre 1997 et 2002, le gouverne-ment Jospin atteignait péniblement9 000 éloignements chaque année.Par ailleurs, nous devons amplifierles efforts engagés pour maîtriserl’immigration régulière. Cela im-plique, notamment, de renforcernotre lutte contre les fraudes aumariage et de faire en sorte que ledroit au séjour familial soit condi-tionné à une connaissance mini-male de la langue française.

Les prestations sociales attirent-ellesencore beaucoup d’étrangers ?Sur le terrain, nous constatons des

abus du droit d’asile relevant dedétournements de ce droit à desfins économiques. Il y a tout lieude penser que notre système social– je rappelle que notre pays estcelui qui dépense le plus en Europepour la protection sociale – conduitun certain nombre de migrants àretenir la France comme destina-tion. La proposition du Présidenttendant à augmenter la conditionde résidence pour bénéficier durevenu de solidarité active (RSA)répond à cette préoccupation.

Quelle serait la formulationdu référendum sur l’immigration,et dans quelles conditions serait-ilorganisé ?Il sera nécessaire de mettre enœuvre de nouvelles dispositionslégislatives pour mieux contrôlerl’immigration et parvenir rapi de-ment à l’objectif de diminuerl’immigration de moitié. Beaucoupde choses dépendront du Sénat :les sénateurs socialistes s’oriente -ront-ils – comme l’ensemble deleurs collègues socialistes euro péensdepuis plusieurs années – vers leréalisme ou continueront-ils àvouloir ignorer la situation socialede notre pays ?

Sur quels points la politiqueeuropéenne est-elle un échec ?Je crois que nous n’avons pas étéassez loin dans la convergence despolitiques d’immigration, malgréles efforts de la France avec lasignature du pacte européen surl’immigration et l’asile. Il fautdésormais renforcer la gouver-nance de Schengen, corriger lessituations anormales qui peuvent

survenir et aller vers un régimed’asile européen commun.

Faudrait-il un nouveau traitéeuropéen pour modifier l’accordde Schengen ? Un nouveau traité n’est pas néces-saire. Ce que nous voulons, c’estque la révision en cours, impulséepar le Président, produise ses effets.Une conclusion des négociationsdès cet été est parfaitement envi -sa geable. Sur le fond, le premierobjectif est de renforcer les méca -nismes d’évaluation pour s’assurerque les États membres respectentbien leurs obligations en matièrede contrôle des frontières exté -rieures de l’Union européenne. Undeuxième objectif consiste à dis-poser de mécanismes de sauvegardepour faire face à des situations decrise en rétablissant des contrôlesaux frontières intérieures en cas denécessité. Enfin, troisième objectif,il faut améliorer la gouvernancepolitique afin que les décisionssoient prises au bon niveau et avecsuffisamment de réactivité.

Que se passerait-il si la Francesuspendait sa participationaux accords de Schengen ?Nicolas Sarkozy a indiqué qu’ilnous faut une discipline com-mune dans les contrôles aux fron-tières, comme il y a désormais unediscipline commune en matièrede finances publiques dans la zoneeuro. S’il n’y a aucun progrès àéchéance d’un an, il a soulignéqu’il faudrait se laisser la possibi -lité de rétablir des contrôles auxfrontières en cas de forte pressionmigratoire.

François Hollande martèle qu’il neprocédera pas à une régularisationmassive des clandestins, comme ladroite le dit. Quelle est la différenceentre lui et Nicolas Sarkozy surce sujet ?Il est frappant de constater quel’engagement de François Hollandeest exactement celui pris par Lio -nel Jospin, en 1997, de procéder àdes régularisations « sur le fonde-ment de critères précis, à un exa-men attentif et personnel de cessituations » (Déclaration de poli-tique générale du 19 juin 1997).Nous connaissons le bilan decette opération de régularisations« au cas par cas ». Entre 1997et 1998, cette opération a suscité145 000 demandes et un mini-mum de 80 000 régularisations.Comme, parallèlement, le gou-vernement Jospin ne poursuivaitaucun objectif quantifié d’éloigne-ments, les 65 000 personnes dé -boutées sont très probablementrestées sur le territoire national,puis régularisées « au fil de l’eau »entre 1998 et 2002. Ainsi, le gou-vernement Jospin a provoquéun appel d’air massif d’immigrés.Le nombre de premiers titres deséjour délivrés à des personnesoriginaires de pays tiers à l’Unioneuropéenne a dépassé 207 000en 2002. Preuve supplémentaireque ces régularisations, loin d’être« au cas par cas », seront plus im-por tantes, les dirigeants socialistes,comme Martine Aubry, continuentde se référer à « l’exemple » des ré -gula risations espagnoles réa li sées,en 2005, par le gouvernementZapatero, qui a concerné environ700 000 étrangers. En Europe, les

socialistes français sont aujour-d’hui les derniers à croire que cesrégularisations constituent unesolution. Les socialistes espagnolssont revenus rapidement sur cettepolitique. J’ajoute que certainespropositions de François Hollandelaissent pantois. Il propose lacréation d’une brigade chargée dela lutte contre les fi lières d’im-migration irrégulière, alors qu’ilexiste déjà un service de 600 per-sonnes qui s’y consacre et qui,l’an dernier, a démantelé près de200 filières.

Vous avez été, en 2002, directeurde cabinet de Nicolas Sarkozy àl’Intérieur, vous êtes aujourd’huiministre. Qu’avez-vous appris dece sujet en dix ans ? Quelles erreursavez-vous commis ?Mener une politique d’immigra-tion requiert une vision de la so-ciété que nous voulons construire,mais doit aussi s’adapter à uncontexte en perpétuel mouvement.Il s’agit donc moins d’un appren-tissage que du mûrissement d’uneconviction. Je retiendrai une erreur,celle de ne pas avoir compris suffi -samment tôt le malentendu crééautour de la circulaire du 31 mai2011. Elle visait l’immigrationpro fessionnelle et ne faisait querappeler les droits spécifiques re-latifs aux diplômés étrangers. Sonapplication extensive a suscitédes incompréhensions qui ont étéle vées par une circulaire complé-mentaire du 12 janvier 2012.

Propos recueillispar Éric MandonnetRédacteur en chef adjoint

de L’Express

2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 439, MERCREDI 21 MARS 2012

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Le ministre de l’Intérieur assure que la proposition de Nicolas Sarkozy de réduire de moitiél’immigration légale est réaliste. Et il confirme que le contrôle aux frontières pourrait être rétablisi les accords de Schengen ne sont pas révisés.

«L’engagement de François Hollande en matière d’immigrationest exactement le même que celui pris par Lionel Jospin en 1997.

Résultat : entre 1997 et 2002, le gouvernement de gauche a provoquéun appel d’air massif d’immigrés »

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CLAUDE GUÉANTMINISTRE DE L’INTÉRIEURET DE L’IMMIGRATION

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Pourquoi François Hollandesemble-t-il rechigner à faire del’immigration l’un des thèmesde sa campagne ?François Hollande aborde tous lessujets qui intéressent les Français,celui de l’immigration comme lesautres. Nous regrettons cependantque ce sujet soit instrumentalisépar une droite aux abois, car noussavons pertinemment que l’immi-gration en France représente 0,3 %de la population, un taux endessous de la moyenne de l’OCDE(0,67 %), et que les principales pré -occupations des Français concer-nent l’éducation, l’emploi, le pou -voir d’achat. Le candidat sortantfait tout pour faire oublier sonbilan calamiteux.

Y a-t-il « trop d’étrangers sur notreterritoire », comme l’a dit NicolasSarkozy le 6 mars ?Nicolas Sarkozy a pour habitude dedésigner des boucs émissaires pourfaire diversion et fuir ses respon -sabilités. Il vise tout particulière-ment les étrangers et aujourd’hui,c’est nouveau, ceux qui sont ensi tua tion régulière, alors que leurproportion reste stable sur notreterritoire depuis des années. Lapolitique migratoire de la droiteest symptomatique de cette ligne.Agitation, incohérence, outrances,voilà les trois mots qui me viennentà l’esprit concernant le bilan decette politique. Agitation, d’abord :six lois en dix ans ont porté surl’immigration. Et pour quel résul-tat ? Une frénésie pour multiplierdes objectifs chiffrés absurdes etinefficaces. 80 % des obligations dereconduite à la frontière ne sont

pas exécutées. Incohérence, en-suite. L’immigration « choisie » de-vait remplacer l’immigration dite« subie ». Cette politique n’a passeulement échoué – l’immigrationde travail, avec moins de 20 000en trées par an, représente moins de10 % des flux –, elle connaît, de -puis un an, un revirement à 180degrés : désormais, les étudiantsétrangers brillants sont renvoyésdans leur pays et la France fermeses portes aux talents. Pourtant,je rappelle les termes de NicolasSarkozy dans sa lettre de missionau ministre de l’Immigration en2007 : « Nous voulons que la Francedevienne un pays qui attire lesmeilleurs étudiants du monde entier. »Outrances, enfin, résultant de laconfusion volontairement entre -tenue entre la maîtrise des fluxmigratoires, qui est nécessaire, etla stigmatisation des étrangers, quiest inacceptable.

L’intégration est-elle aujourd’huiune réussite ou un échec ?L’intégration est en panne et le can-didat sortant en porte une grandepart de responsabilité. Il déplorel’échec de l’intégration alors qu’ilocculte l’indigence des moyensconsacrés à cette politique et l’in-suffisance des actions menées. Cetéchec, c’est le sien. C’est le dernierrapport du Haut Conseil à l’inté-gration (HCI) qui en fait état.L’action budgétaire « accueil, inté-gration des étrangers primo-arri -vants et appren tissage de la languefrançaise » ne bénéficie que d’unbudget de 13,3 millions d’euros en2012, soit 14 fois moins que le bud -get de l’État consacré uniquement

au développement du sport dehaut niveau (187 millions d’eurosen 2012). Il faut donc une politiquequi sécurise l’immigration légaleet qui se donne les moyens d’inté-grer, sans omettre que l’intégrationest un processus à double sens :l’effort de l’immigré vers la sociétéd’accueil en épousant la langue,la culture, les valeurs de la Ré -publique, mais aussi de la sociétéd’accueil vers l’immigré. La Francen’a aucun intérêt à maintenir despersonnes étrangères, respectant laloi française et soucieuses de s’inté-grer, dans la précarité et l’insécuritéjuridique. C’est pourquoi nousproposerons un nouveau parcourspersonnalisé d’intégration pour lesprimo-arrivants, mieux adapté auxdifférents besoins que le dispositifactuel. Concernant ceux présentsen France légalement depuis aumoins un an, nous proposons decréer un titre de séjour d’une duréeintermédiaire de trois ans (entre letitre d’un an et le titre de dix ans).Les renouvellements annuels destitres de séjour sont facteurs d’ins ta -bilité et de coût. Le titre de trois ansprésente un triple avantage : la miseen œuvre d’une démarche pro -gressive et sereine d’intégration,une meilleure adéquation avec lesbesoins économiques et un désen-gorgement des préfectures entraî-nant un gain de temps et d’argentpour l’État et permettant unmeilleur accueil.

François Hollande mènerait-il unepolitique très différente de cellede Nicolas Sarkozy ou est-ce danssa manière de parler de la questionqu’il aurait une attitude différente ?

François Hollande mènera, con-trai rement à Nicolas Sarkozy, unepo litique migratoire responsableen luttant avec fermeté toutd’abord contre l’immigration ir-régulière et en mettant en œuvreune « gestion intelligente desflux ». Il faut agir en amont en re-nouant un dialogue constructifavec les pays d’origine. Afin depermettre le démantèlement desfilières, il est nécessaire de ren-forcer la coopération po licière auniveau européen et international.Il faut également s’attaquer auxcauses, dans notre pays, du re-cours à l’immigration irrégulièrepar certaines entreprises ousecteurs d’activité (le tourisme, lebâtiment, la confection et l’agri-culture notamment). FrançoisHollande demandera aux min-istres compétents de réunir lesprofessionnels de chacun de cessecteurs, avec les organisationssyndicales, pour élaborer despropositions permettant d’en finiravec le recours à une main-d’œu-vre clandestine, au détriment detous, salariés français commeétrangers. Sa politique sera égale-ment humaniste, et c’est primor-dial, en interdisant la rétentiondes enfants.

Une partie de vos partenairesdemande une régularisationmassive des clandestins. Commentéviter que la politique menée soitun facteur de division, si Hollandeest élu ?Avec François Hollande, il y aurades régularisations au cas par casaprès un examen individuel et àpartir de critères précis et uni-

formes (travail, durée, famille)sur l’ensemble du territoire. Il n’yaura donc pas de régularisationmassive et ceux qui ne répon-dront pas à ces critères serontreconduits à la frontière. Notrepolitique doit être juste, ferme,lisible des Français comme desétrangers, et non arbitraire.

Des quotas sont-ils nécessairespour mieux adapter l’immigrationde travail ?La transparence et la concertationdoivent s’imposer. Il sera organiséannuellement un débat au Parle -ment, permettant de dresser unbilan périodique et de détailler nosobjectifs, en lien avec les secteurséconomiques concernés. En tempsde crise, il est normal que nous re-courions moins à la main-d’œuvreétrangère.

La politique européenne en matièred’immigration est-elle un échec ? Oui. Et les exemples ne manquentpas. De Lampedusa, en Italie, enpassant par les camps de réfugiésdans le Pas-de-Calais, on constateque la politique européenned’im migration reste très probléma -tique. Nicolas Sarkozy a ins tru -mentalisé celle-ci au point d’allerjusqu’à proposer le retrait del’espace Schengen ! Si nous l’em-portons, nous améliorerons lepro cessus du droit d’asile et nousrenforcerons le dialogue européencar il n’y aura pas de politiquedes flux migratoires efficace pourla France, ni pour aucun État mem-bre, hors du cadre de l’Union euro -péenne. Propos recueillis

par Éric Mandonnet

MANUEL VALLSDÉPUTÉ-MAIRE PS D’ÉVRY

Le directeur de la communication de François Hollande confirme qu’il n’y aura pas derégularisation massive. Manuel Valls estime qu’il faut tout à la fois lutter avec fermeté contrel’immigration clandestine et améliorer l’intégration des immigrés en situation légale.

«Nicolas Sarkozy a pour habitude de désigner des boucs émissairespour faire diversion et fuir ses responsabilités. La politique

migratoire de la droite est symptomatique de cette ligne : agitation,incohérence, outrance »

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Plan large

Croisement des courbes Hol-lande-Sarkozy, succès de laprise de la Bastille de Jean-

Luc Mélenchon. La campagne deFrançois Hollande marque-t-elle lepas ? Le croisement des courbes ?Oui, les amis de François Hollandel’attendaient, oui, ils l’évoquaient,ils pensaient même qu’il se pro-duirait plus tôt ; que la situationétait anormale parce qu’on n’ajamais vu un Président sortantqui ne soit pas en tête au premiertour. Mais en anticipaient-ilsvraiment les effets ? Assurémentnon, en dépit des dénégations !Pour l’heure au QG on veut garderla tête froide, mais il y a de l’inquié-tude dans l’air et des interrogationssur la meilleure façon de rebondir,d’autant que depuis ce week-endl’équipe de François Hollande a unnouveau sujet de préoccupationavec la montée en puissance deJean-Luc Mélenchon, la « surprise »de la campagne 2012, qualifié de« nouveau chouchou des médias »,avec « l’aide de Nicolas Sarkozy ».Si personne ne doute du désiste-ment de Jean-Luc Mélenchon, lesstratèges estiment qu’avec un scoreavoisinant les 15 %, il bloqueraittoute possibilité d’ouverture pourFrançois Hollande.Benoît Hamon, le porte-paroledu PS, l’admet franchement : « Onavait beau répéter que cela arriverait,on ne se résigne jamais à un croise-ment de courbes ! » Et celui-là a faitl’effet d’un électrochoc dans l’en-tourage du candidat, et déclenchéla contre-offensive à la fois pourenrayer la baisse de François Hol-lande et la mobilisation sur leterrain pour arriver le plus hautpossible au premier tour, afin

d’enclencher la dynamique pourle second.« Je remercie l’Ifop [le premierinstitut qui a fait état du passageen tête de Nicolas Sarkozy, ndlr]tous les jours ! » affirme MichelSapin. Ainsi, l’ami avec un grandA, et coresponsable du pôleBudget-Finances de la campagnede François Hollande, aurait-ilpresque accueilli comme unebénédiction la publication dupremier sondage montrant queNicolas Sarkozy est en train dedoubler François Hollande dansles intentions de vote au premiertour. « Ça met chacun devant sesresponsabilités », ponctue-t-il sanspréciser qui, dans l’entouragedu candidat, est particulièrementvisé par cette pique. « Ça remet lespieds sur terre ; François Hollande,lui, les a depuis le début ! » réponden écho le secrétaire général de lacampagne, Nacer Meddah, hautfonctionnaire venu de la Courdes comptes. « C’est un signal,nous avons tous ressenti le risqueque le confort des sondages viennealtérer la quête des suffrages. » Avecson style inimi table, un desporte- parole du candidat, BernardCazeneuve, laisse lui aussi en -tendre que trop de gens autour deFrançois Hollande s’imaginaientque la victoire était acquise, que« c’était plié » en faveur du can -didat socialiste, et que le rejet deNicolas Sarkozy est tel qu’il suffi-rait de mener une campagne tran -quille, ponctuée par de grandsmeetings et des déplacements, enattendant le verdict annoncé desurnes. Or, ajoute-t-il, « la mobili-sation doit être totale » ! Avis àceux – nombreux – qui s’y voyaient

déjà ! Pour sortir de ce que Ma -nuel Valls, qui dirige la commu-nication de François Hollande,compare à un faux plat (« commedans le Tour de France »), doréna-vant un seul mot d’ordre : mobi -lisation générale pour arriver leplus haut possible au premiertour, condition nécessaire pourcréer une dynamique de la vic-toire. Cette mobilisation sur leterrain, elle se prépare en partieau 4e étage du QG, l’étage de lacommunication et de l’équipeWeb. L’équipe Web qui travaillesous la direction de VincentFeltesse, le président de la Com-munauté urbaine de Bordeaux,s’est offert les services de lasociété qui a conseillé BarackObama, Blue State Digital. Elle arepris contact avec les votantsaux primaires qui avaient donnéleurs coordonnées, et, pourtoucher un public plus large, alancé un site Internet distinct(toushollande.fr) du site de cam-pagne officiel. Sur un plan plustraditionnel, une campagne deporte-à-porte menée par desdizaines de milliers de volon-taires a été lancée à travers toutela France, et spécifiquement dans« les quartiers » ; l’objectif est« d’ouvrir » cinq millions deportes, et de convaincre autantd’électeurs potentiels. Et puis,l’équipe de Vincent Feltesse s’estlancée dans une chasse auxabstentionnistes, en quadrillantsystématiquement les bureauxde vote. Sur dix-sept absten -tionnistes contactés, on arrive,paraît-il, à en con vaincre und’aller voter. Au final cela feraitplusieurs centaines de milliers de

voix… Mais pour certains membresde la campagne qui requièrentl’anonymat, ce travail de terrainaurait dû démarrer beaucoupplus tôt. Et de relever les déclara-tions de Thomas Hollande quiparticipe activement à la cam-pagne de son père après avoiranimé « la ségosphère » ; le filsaîné du couple Hollande-Royalregrettait « qu’il n’y ait pas danscette campagne la même ferveur qu’ily a cinq ans ». Situation d’autantplus paradoxale que les « socia -listes sont vraiment rassemblés ;c’est unique au PS, il faut remonterà François Mitterrand pour retrou-ver un aussi bon état d’esprit »,dixit Jean-Michel Baylet, le radi-cal de gauche.Aujourd’hui les stratèges sont àla recherche de l’étincelle qui ravi -verait la flamme de la campagne.Le QG n’est pas conçu pour êtreune ruche ; pas très grand, l’im-meuble du 59, avenue de Ségurabrite le service de presse, la di-rection de campagne, et l’équipeWeb ; il accueille les réunions stra -tégiques – for cément matinales.François Hollande, qui multiplieles déplacements, y passe peu detemps : il y préside les réunionsstratégiques. Au premier cerclede fidèles sont venus s’agrégerMartine Aubry, Laurent Fabius,mais aussi le radical de gaucheJean-Michel Baylet et dorénavantJean-Pierre Chevènement, nou-vellement rallié. Manuel Vallsréunit les porte-parole quoti -diennement ; personne ne restesur place. Il faut faire campagne,combattre Sarkozy, freiner Mé-lenchon. Et la dernière lignedroite est la plus risquée.

Difficile semaine pour François Hollande qui a dû faire face à la remontéede Nicolas Sarkozy et à la poussée de Jean-Luc Mélenchon. Et changementd’atmosphère au PS. L’heure est à la mobilisation.Par Anita Hausser

Le vent est-il en train de tourner ?Alors que démarre la campagne offi-cielle, c’est François Hollande quise retrouve sous pression, attaquésur sa droite et concurrencé sur sagauche. Après avoir caracolé en têtedes sondages, le voilà rattrapé, voiredevancé au premier tour par lePrésident sortant. Au second tour, saconfortable avance fond commeneige au soleil. À gauche, Jean-LucMélenchon vient de réussir à laBastille le plus gros rassemblementde la campagne. Ses diatribes contrel’Europe libérale et contre les richessont crédibilisées par les attaquesde Nicolas Sarkozy et de FrançoisHollande contre les accords euro-péens et par leur course à l’échalotepour taxer les plus hauts revenus.Le candidat socialiste est égalementdevenu la cible de Marine Le Pen,qui ne manque plus une occasiond’attaquer « l’idéologie mortifèrede la gauche ».Sur la défensive, l’entourage ducandidat socialiste s’est interrogé.Ne faut-il pas reprendre l’initiativeavec des propositions nouvelles etfortes, sur le modèle de la tranchesupplémentaire à 75 % de l’impôtsur le revenu ? Idée abandonnée, carpouvant être interprétée comme unsigne d’affolement. D’où le choix decontinuer à opposer « la cohérenceet la constance » des 60 propositionschiffrées du candidat socialiste à l’agi -tation et à l’outrance d’un Présidentsortant sans programme.Nicolas Sarkozy assume vouloir ren-verser la table. Il multiplie les propo-sitions ébouriffantes pour masquerson bilan. Et pour sortir d’un réfé-rendum « anti-Sarko », il impose unface-à-face avec François Hollandequ’il pilonne comme champion du« mensonge, de l’esquive, de l’am -biguïté »… et même du non-respectde la France… « Un peu de bourre-pif,ça fait du bien ! » clame le candidat-Président, pendant que son conseillerPatrick Buisson assure que les prévi-sions pour le second tour sont bâtiessur du sable car 40 % des électeurssont indécis.Face au « faux plat » de leur candidat,les socialistes annoncent la mobi -lisation militante, à la « Obama »avec « porte-à-porte et corps-à-corps »pour convaincre 5 millions defoyers…Une campagne présidentielle, c’estaussi une guerre psychologique.

L’opinionde Gérard LeclercPRÉSIDENT DE LCP

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Hollandesous pression

Coup de froid sur l’avenue de Ségur

Les mots de la semaine Par Béatrice Houchard

Parrainages, insurrection, encalminée

ÇCa y est, ils sont tous sur laligne de départ, pour peuqu’ils aient obtenu les

fameux 500 parrainages. Plusqu’une trentaine de jours avant lepremier tour de la présidentielle,moins de cinquante avant le se-cond. Le ton se durcit, les propo -sitions fusent, les dagues sont demoins en moins mouchetées. Dansles sondages, les deux favoris se dé-tachent. Pour la place de troisième

larron, Marine Le Pen est menacéepar François Bayrou, qui a troquéson slogan « Un pays uni, rien nelui résiste » pour « La France soli-daire », et par Jean-Luc Mélenchonqui a prôné dimanche à la Bastille« l’insurrection civique ». Unmot, insurrection, qui n’est pas dugoût de François Hollande. Le can-didat socialiste, qualifié il n’y apas si longtemps de « capitaine depédalo » par Mélenchon, préfère

le « changement ». Il rame surtoutpour que le vote utile lui soit acquisau premier tour, et lui permettre devirer en tête avant le second. C’estaussi l’objectif de Nicolas Sarkozy,même si le fait de terminer pre-mier du premier tour ne garantitpas la victoire au second. Mais c’estbon pour le moral des troupes et lemoral, les candidats en ont besoin.Prenez Eva Joly, la candidate éco-logiste. Les sondages lui donnent

au maximum 2 %, quand ils sontgénéreux. On se demande parfoissi elle est encore dans la course etmême ses « amis » lui savonnentla planche. Sa campagne est« encalminée », a tranché NoëlMamère, le seul écolo à avoirdépassé les 5 %, en 2002. Encal -minée ? Immobile à cause de l’ab-sence de vent. Pourtant, chez lesécolos, on y connaît un rayon entempêtes.

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NUMÉRO 439, MERCREDI 21 MARS 2012 L’HÉMICYCLE 5

La frénésie qui caractériseles couloirs de l’Assembléenationale semble avoir dis-

paru. Plus personne ou presquene foule le sol marbré gris et blancde la salle des Quatre-Colonnes.La buvette des journalistes estfermée jusqu’en juin pour travaux,les réunions de commissions sontarrêtées et de nombreux huissierssont partis en vacances. La plupartdes élus ont également fait le videdans leur bureau, en emmenantdans leur circonscription leursarchives. « Si on perd, ce n’est pas lapeine d’en rajouter dans la déception,en remplissant nos cartons », confie

le député du Nouveau Centre JeanDionis du Séjour, investi par l’UMPdans le Lot-et-Garonne.Dans cette accalmie apparente,quelques lieux, comme la salleColbert, détonnent. La session par -lementaire a beau être suspendue,

la réunion du groupe des députésUMP continue de faire le plein.« Ce sont les vieux réflexes hérités duRPR. On chasse en meute », ironiseChristian Jacob, le patron des dé-putés UMP. En ce matin ensoleillédu mardi 13 mars, plus de quatre-vingts députés se sont déplacéspour se féliciter du meeting deVillepinte et du croisement descourbes de sondages pour le pre-mier tour. Six ministres, soit Lau-rent Wauquiez, Patrick Ollier,Roselyne Bachelot, Pierre Lel-louche, Philippe Richert et Be-noist Apparu, étaient aussi assisparmi eux. Et cela ne sera pas la

seule démonstration de force desparlementaires UMP qui aura lieudans l’enceinte de l’Assembléenationale. Toutes les semaines,les députés de la majorité prési-dentielle se retrouveront le mardimatin pour se serrer les coudes.

Ces rencontres seront suivies d’unpoint presse. « Les élus ont enviede se voir entre eux. Cela permetd’échan ger, de faire remonter les in-formations émanant du terrain, ex-plique Christian Jacob. Avant lescomités stratégiques du jeudi, c’estaussi utile. » « Pour ceux qui le sou-haitent, c’est un lien possible avec leprésident de l’Assemblée nationale,le secrétaire général et les collabora-teurs des ministres », complète ledéputé du Rhône DominiquePerben, qui apporte son concoursà la campagne sur les questionsd’Outre-Mer. L’Assemblée nationale n’a pas vé-ritablement enfilé ses habits deBelle au bois dormant. Contrai -rement à 2007, elle maintient uncertain niveau d’activité. Dansune campagne dont le résultatreste encore incertain et qui s’en-suit par un scrutin législatif, ils’agit d’entretenir la flamme.« Tout est bon pour gagner », insisteun élu. Mêmes les moyens offertspar ce lieu stratégique, où se croi-sent politiques, journalistes etlobbyistes. Comme l’UMP, le PS n’a pas re -lâché la pression. Le mardi, unesemaine sur deux, le groupe par-lementaire doit se retrouver dansla salle Victor-Hugo pour affûterles argumentaires anti-sarkozysteset les bilans de mandat que leursassistants et l’équipe de campagneont préparés en amont. Soucieuxde rester en prise avec les élus,François Hollande compte se mêleraux discussions de ses amis. Dessénateurs socialistes se joindrontaussi aux débats. Une rencontre

avec les médias est égalementprévue tous les mardis matin.« Les parlementaires sont en mission,relève Jean-Marc Ayrault, le pré -sident du groupe socialiste. Il estvital de tourner la page du sarko-zysme et de faire passer des messagesen permanence dans ce sens. » Et depréparer la suite.À l’image des réunions de groupe,les auditions des députés se pour-suivent selon un rythme relati -vement soutenu. Associations,fédérations professionnelles et re-présentants d’intérêts sont reçusau Palais-Bourbon pour faire en-tendre leur voix mais aussi écou-ter les messages véhiculés par lesécuries présidentielles. D’aucuns,comme le député UMP Lionel Tardy,crient au mélange des genres.« C’est purement du lobbying en vuede la présidentielle. Cela n’a plus

rien à voir avec le travail parlemen-taire. » Jean-Marc Ayrault a ainsirencontré la Fédération des entre-prises de nettoyage, « symboles dusalariat précaire », des représen-tants de la CGPME et d’autressyndicats. « Il est important de direce que l’on veut faire et commen -cer à construire, avec les corps in -termédiaires, un pacte de confiancenécessaire en cas de victoire », ex-plique-t-on dans l’entourage dupatron des députés PS. Pierre Mos-covici, Manuel Valls et FrançoisHollande ont aussi réservé des bu-reaux, tout comme Jean-FrançoisCopé. Un samedi, le PS a mêmerassemblé ses mandataires finan-ciers. « Les salles des QG ne sontpas toujours libres, se justifie-t-on.Et à l’Assemblée nationale, il y adavantage d’espace pour menercampagne. »

« Nous ne sommes pas envacances », tonne Michèle

André. Dans les mois à venir,la sénatrice socialiste du Puy-de-Dôme revendique un agendasurchargé : déplacements en Ou-ganda, au Canada, mission decontrôle financier des préfectures,réunion hebdomadaire du groupePS sans oublier les huit à dix dé-placements de terrain qu’ellecompte faire pour soutenir Fran-çois Hollande. Michèle Andrén’est pas la seule sénatrice à bienremplir ses journées. Au Palaisdu Luxembourg, les réunions decommissions ont certes moins

de succès, mais les auditions pourles commissions d’enquête et mis -sions d’information se succèdentsans relâche. Pesticides et impactssur la santé, agences de notation,coût réel de l’électricité, quatre-vingt-dix actions de contrôleseront menées d’ici l’été 2012.Le bureau du Sénat s’est aussiréuni jeudi pour lever l’immunitépar lementaire des sénateursJean-Noël Guérini (Bouches-du- Rhône) et Robert Navarro(Hérault). Une décision qui pèsedans le climat actuel. À l’instar del’Assemblée nationale, la HauteAssemblée reste au diapason de

la campagne. Les réunions degroupe UMP seront moins fré-quentes qu’en temps de session,celles du PS sont en revanchemaintenues tous les mardis à11 h. « Les sénateurs font remonterles informations du terrain, note lesénateur David Assouline. Celapermet aussi à la direction du PS,via le patron du groupe FrançoisRebsamen, de communiquer desmessages. » Les sénateurs spécia-listes de certains sujets abreuventFrançois Hollande de notes. C’estle cas notamment de ThierryRepentin, sénateur de la Savoie,sur le logement, et de Roland

Ries, sénateur-maire de Stras-bourg, sur les transports. Du côtéd’Europe Écologie-Les Verts, lesréunions de groupe doiventavoir lieu tous les quinze jours.« Le groupe croule sous les de-mandes d’audition. Est-ce l’effetnouveauté ? » s’interroge avecfierté Jean-Vincent Placé. Le pa-tron des sénateurs EELV annoncequ’il doit notamment rencontrerles patrons Henri Proglio (EDF)et Gérard Mestrallet (GDF Suez).Une façon de montrer que lesécolos peuvent tenir les rênesdu pouvoir. Et donc entrer auGouvernement.

La session parlementaire suspendue, l’Assemblée nationale et le Sénat n’en sont pas moinsmis à contribution pour la campagne. Députés et sénateurs multiplient les réunions au Palaisdu Luxembourg et au Palais-Bourbon pour donner aux candidats la température du terrain. Par Pascale Tournier

Le Parlement, base arrière des QG

Plan large

Au Palais du Luxembourg, l’heure n’est pas au train de sénateur

Christian Jacob. Le président du groupe UMP continue de réunirses troupes. « On chasse en meute, c’est plus efficace et ça rassure. »

Jean-Marc Ayrault. Le président du groupe socialiste animerégulièrement des rencontres entre députés et sénateurs pour affûteret réactualiser les argumentaires en réponse à la campagne duPrésident sortant.

François Rebsamen. Leprésident du groupe socialisteau Sénat fait remonter jusqu’àFrançois Hollande les notespréparées par les élus PS.

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6 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 439, MERCREDI 21 MARS 2012

Par Michèle Cotta

Cahiers de campagneLundi 12 marsMeetings, émissions, débats, villesde province : maelström habitueldes candidats. Cela a beau êtretoujours plus ou moins pareil, uneélection présidentielle ; on avaitpeut-être oublié la dernière, entout cas, le rythme de celle-ci est àdonner le tournis. Après Villepinte,voici Nicolas Sarkozy à TF1. Déjà,son visage a changé. La raison : pourla première fois, un sondage Ifop-Fiducial le donne dès aujourd’huidevançant François Hollande au

premier tour, par 28,5 contre 27pour son adversaire socialiste. Lecandidat-Président et son équipeont tellement dit à l’avance, telle-ment affirmé, espéré que les courbesHollande / Sarkozy allaient à coupsûr se croiser, dès que le Président-candidat serait vraiment en cam-pagne, qu’aucun d’entre eux neboude les résultats du sondagelancé dans la minute, presque,où les militants reprenaient leurstrains.En tout cas, sur le plateau de Lau-rence Ferrari, qu’il rembarre dès lespremières minutes – celle-ci ayantposé une question sur l’éventuelfinancement de sa campagne de2007 par Kadhafi –, il est à l’aise,avec son énergie coutumière. Per-suadé de la justesse et de la forcede son argumentation, comme s’ilpouvait à nouveau renverser latable, comme s’il ne souffrait pas,au bout de cinq longues années,de l’usure du temps et du pouvoir.À l’aise, certes, quoi que faisant legrand écart : un coup vers la droite,un coup vers la gauche, NicolasSarkozy. Ouverture à gauche : ledispositif présenté sur la fiscalitédes expatriés ressemble à s’y mé -prendre à celui que présente Jean-Luc Mélenchon. Un coup à droite, en direction del’électorat de Marine Le Pen :celle-ci a fait de la nécessité dejuguler les flux migratoires et de la

défense des Français contre lamon dialisation l’axe de sa cam-pagne. D’où la proposition faitehier à Villepinte de révision desaccords de Schengen pour mieuxlutter à l’échelle européenne contrel’immigration et assurer une plusgrande protection aux Français.Maître dans l’art de pratiquer lecontre-pied et d’apparaître tou-jours là où on ne l’attend pas,Nicolas Sarkozy donne peut-êtredes verges pour se faire battre,mais il avance à marche forcée.

Peut-on à la fois reprocher à Fran -çois Hollande de ne pas avoir voté,à l’Assemblée nationale, le derniertraité européen, et, en même temps,après avoir précisément lutté pourimposer un nouveau pacte budgé-taire à l’Europe, peut-on menacerde mettre fin tout seul en Europe,et contre les autres Européens, àla libre circulation des biens etdes personnes ? Peu importe : lacohérence véritable de Nicolas Sar -kozy est d’abord dans sa vo lon téde prendre ses adversaires les unsaprès les autres, pour mieux lescontourner.

Mardi 13 marsPatrick Buisson sort de l’ombre :proche conseiller de NicolasSarkozy, spécialiste des étudesd’opinion, issu de la droite dure – ila dirigé, un temps, l’hebdomadaireMinute –, il écrit aujourd’hui dansLe Monde son scénario de la pré -sidentielle : il voit dans sa boulede cristal la baisse inéluctable deFrançois Hollande, jointe à l’inexo -rable ascension de Nicolas Sarkozy,et prédit que le candidat socialistefinira par recueillir moins de voix,c’est-à-dire moins de 47 %, queSégolène Royal en 2007. Venu del’extrême droite, il ne pense pasun seul instant à la « droitisation »de Sarkozy, mot employé, depuisVillepinte, par les éditorialistes.Tout est relatif…

Marine Le Pen, justement, ra -dieuse, annonce en milieu d’après-midi, depuis son fief d’Hénin-Beaumont, que ça y est, elle a ses500 parrainages. Elle a été tentéel’année dernière de « mo derniser »le discours du Front national : ellea voulu changer de registre, parlerd’économie, elle a plaidé pour lasortie de la France de l’euro, elles’est elle aussi attaquée aux riches.Sa campagne, du coup, avait mar-qué le pas, les électeurs du FN nereconnaissant pas le langage dupère dans celui de sa fille. Désor-mais, tout est rentré dans l’ordre.Marine Le Pen reprend, sans fairedans la nuance, les thèmes clas-siques du FN : l’immigration, lasécurité. « Nous ne pouvons pas,martèle-t-elle, continuer à vivre dansla peur. »Elle a tourné la page de la mo -dernisation.

Mercredi 14 marsValse des sondages. Après l’Ifop, laSofres : là, pas de croisement descourbes. Au contraire, avance accruede Hollande sur Sarkozy. Le mo-ment, la méthode, notammentcelle baptisée du redressement deschiffres bruts, allez savoir. En toutcas, la campagne entre dans unstade aigu, celui où les courbes secroisent et se décroisent, celui de lalutte au couteau pour la moindrevoix. Celui où on va chercher lavictoire avec ses dents.

Jeudi 15 marsFrançois Hollande à France 2. Ladernière fois sur TF1, fin février,il avait surpris en sortant de sonchapeau la taxation à 75 % desrevenus supérieurs à un milliond’euros par an. Cette fois, il bé-tonne plus qu’il ne cherche à fairede coup. Il entend à la fois mon-trer qu’il n’est pas déstabilisé parla sarabande des sondages, et aussiqu’il est plus cohérent, plus mé -thodique, moins agressif aussi queson premier adversaire. Face à lui,

Jean-François Copé est égal à lui-même, voulant en découdre dèsles premiers instants, âpre, toujoursluttant, sans toujours y parvenir,contre une trop grande combati -vité. La question est de savoir s’ilvaut mieux, dans un débat de cegenre, paraître trop agressif ou nepas l’être assez. François Hollandea choisi, peut-être bouillonne-t-ilintérieurement, la force tranquille.Cette stratégie est-elle la bonne ?On ne le saura que le 22 avril : laseule bonne stratégie est celle quigagne.Juste avant dans l’après-midi,venue à Paris pour défendrel’avenir de leurs emplois, une fortedélégation de métallos d’Arcelor-Mittal de Florange tente de gagnerle QG du candidat Sarkozy, queles CRS défendent à coups de gazlacrymogènes. Images difficiles, ex-cessives de violence, de désespoir,d’hommes ne retenant pas leurcolère. « Ce n’était pas des ouvriers,c’était un petit nombre de syndica -listes », commente le Président-candidat. Certes. Mais personne nepeut penser, pas plus à l’Élysée qu’àla CGT, qu’il soit bon de dégagerpar la force des syndicalistes, il estvrai très remontés, qu’on a promispar ailleurs de recevoir.

Vendredi 16 marsLes uns après les autres, les can -didats ou leurs représentants sepressaient, à 18 heures, devant leConseil constitutionnel. Les unsse faisaient un point d’honneur àannoncer qu’ils avaient énormé-ment plus de signatures que néces-saires, les autres se réjouissant depouvoir aligner tout juste 500 ouquelques parrainages pour avoir ledroit de concourir.Parmi ceux qui n’y sont pas par-venus, il y a Dominique de Villepin.L’ancien Premier ministre n’a sansdoute pas mobilisé toutes ses forcespour recueillir les sacro-saintes si -gnatures d’édiles indispensables :les sondages, là encore, ne l’y

incitaient pas. Une candidature àla présidentielle coûte très cher,faute de remboursement, à quin’obtient pas, in fine, les 5 %de suffrages. Tout de même, l’idéequ’un ancien Premier ministre,aussi flamboyant que Villepin, neparvieny pas à séduire plus de500 maires alors qu’un quasi- inconnu comme Jacques Chemi-nade y parvient, a quelque chosede confondant.

Samedi 17 marsIls sont tous là, ou presque, réunisau Cirque d’Hiver : l’italien Mas-simo d’Alema, le président du SPDallemand, Sigmar Gabriel, le pré -sident socialiste allemand du Par-lement européen, Martin Schulz.Tous se déclarent favo rables à lamodification du tout récent traitéde stabilité Sarkozy-Merkel, et àl’ajout, notamment, d’un volet surla croissance. François Hollande enconclut, non sans un évident plai -sir, qu’ils sont tous sur la mêmelongueur d’ondes. Hollande a be-soin des sociaux-démocrates euro -péens pour montrer qu’il n’est pastout seul, au moment où son prin-cipal adversaire le décrit commetotalement isolé en Europe. Lesdirigeants socia listes européens,eux, espèrent que l’éventuelle élec -tion de Hollande facilitera la leur.

Dimanche 18 marsAvec des dizaines de milliers depersonnes, Jean-Luc Mélenchon afait place comble à la Bastille. Leleader du Front de gauche a gal-vanisé la foule, par un discoursassez bref, vingt minutes environ,dans lequel il a placé à un rythmeendiablé ses thèmes favoris : soli-darité, parité, laïcité, liberté, éga -lité, indépendance de la Justice.Son ton, aujourd’hui, s’est durci.Là encore les sondages et, encoreplus, le bouche à oreille qui faitde sa campagne, au box-office,la plus brillante, l’ont changé.Il parle d’insurrection civique,de révolution citoyenne, entendfaire de la France le volcan del’Europe, dénonce les méfaitsde « l’abjecte » Troïka en Grèce,évoque les grands ancêtres de laCommune de 1870. Rien a voirévidemment avec les propos me -surés et responsables de FrançoisHollande et des leaders sociaux-démocrates européens qui sesont exprimés hier. Du 22 avrilprochain, Mélenchon attend un« grand soir » et un grand soufflerévolutionnaire. Hollande attendsimplement qu’il lui donne l’occa-sion de mettre en place les ré-formes nécessaires.

Plan large

Nicolas Sarkozy, sur le plateau de TF1, le 12 mars. PHOTO ÉRIC FEFERBERG/AFP

François Hollande face à Jean-François Copé dans l’émission« Des paroles et des actes », sur France 2, le 15 mars. PHOTO AFP/FRANCE 2

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Jean-Luc Mélenchon

Il est à ce jour le seul dont on puissedire qu’il est sur une véritable dy -namique, c’est-à-dire un mouve-ment haussier régulier, fort et quasicontinu. Et il est probablementle seul phénomène qui n’avait pasété anticipé en amont de la cam-pagne comme pouvant atteindreson niveau actuel, entre 10 % et11 % des intentions de vote. Eneffet, Jean-Luc Mélenchon avait,on l’a oublié, un problème de noto-riété qu’il a su combler au fil desmois. Il lui a fallu ensuite trouverson registre : la radicalité plutôtque l’agressivité ; des adversairespolitiques clairement identifiés(Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy)plutôt qu’un combat avec tous,de François Hollande à MarineLe Pen sans oublier les journalistes,les sondeurs, le système, etc. Enfin,Jean-Luc Mélenchon a su régleravantageusement sa compétitionavec François Hollande : moinsd’attaques directes qui troublaientun électorat de gauche inquietd’une déstabilisation de celui quipourrait battre Nicolas Sarkozymais une affirmation forte de soi-même et de ses propres positions,venant souligner en creux ce quel’on reproche au leader socialiste :des revirements ou du flou surcertaines propositions, qui seraientselon ses adversaires révélatricesde sa personnalité. Ayant parallè-lement asphyxié une extrêmegauche dont les représentants seprésentent pour la première foisà l’élection présidentielle et sont àpeine connus, Jean-Luc Mélen-chon fait le plein de la gauche radi-cale, qui oscille entre 13,8 % (pointhaut en 2002) et 9 % (2007), d’au-tant qu’Eva Joly est également à

la peine. Son électorat n’est passpécialement composé d’ouvriersmais d’employés et de professionsintermédiaires et il commence àmordre sur le FN, même si à ce jourcet objectif maintes fois énoncén’est encore que très partiellementatteint. Ses talents d’orateurs et sesformules péremptoires en font uncandidat saillant et attractif dansune campagne qui lasse les Fran-çais. Il y a donc des ressorts réelset profonds à son niveau actuelmême si 2 % à 3 % de ses électeurssont très sensibles à un vote utileen faveur de François Hollande.Par ailleurs, Nathalie Arthaud etPhilippe Poutou devraient bénéfi -cier de la séquence d’égalité destemps de parole.

François Hollande

Le leader socialiste a baissé de6,5 points si l’on prend son niveaule plus haut à l’issue des primaires– et donc un niveau relativementartificiel de 35 % – et son niveauactuel : 28,5 %. C’est la consé-quence d’un calendrier totale-ment inédit dans l’histoire descampagnes électorales pour lagauche : avec une primaire ou-verte à des millions d’électeurs,François Hollande est en cam-pagne active, on l’a un peu oublié,depuis août 2011, soit depuis septmois. Il a donc dû, bien avantles autres, indiquer ses priorités etses mesures et le risque est pourlui d’avoir tout dit ou presque.L’avantage de cette contrainte estcependant d’avoir installé un po-sitionnement et une cohérence.Début janvier, il était à 29 %. Au-jourd’hui dans la zone des 28 %.Sa baisse est donc en réalité limi-tée et François Hollande a évité

jusqu’à maintenant le décrochagequ’avait connu en son temps Ségo -lène Royal. Mais il arrive au seuilde la dernière grande séquencedans une situation certes plusconforme à la réalité électoraledu pays, mais moins confortable.Et son tassement est l’effet quasimécanique de la montée en puis-sance de Jean-Luc Mélenchon. Lebloc de gauche restant relative-ment stable, c’est donc surtoutune compétition interne à lagauche qui a rythmé ces dernièressemaines ou mois et qui détermi-nera la séquence à venir. La moi-tié environ des électeurs du Frontde gauche indique en secondchoix François Hollande, contre37 % des électeurs de FrançoisHollande qui indiquent Jean-LucMélenchon. Ce sont donc biences derniers qui détiennent l’unedes clés du score final du leadersocialiste.

François Bayrou

François Bayrou ne parvient pasà décoller depuis la mi-janvier etstagne à 13 % environ des inten-tions de vote. Sa difficulté prin -cipale, outre un positionnementqui refuse le clivage gauche-droitedans une élection qui reste déter-minée par cette opposition et quioppose des acteurs solides, est qu’ilne parvient pas à faire revenir surlui plus de 50 % de ses propresélecteurs de 2007. Or, l’on voitmal pourquoi ces derniers bas -cule raient maintenant. L’égalitéde temps de parole peut donc luipermettre de desserrer l’étau de labipolarisation mais sans douteplus à la marge que ce qu’il avaitsu faire en 2007.

Nicolas Sarkozy

Le Président-candidat est en lentereconstruction de son socle élec-toral et depuis son entrée en cam-pagne, il y a maintenant un mois,a repris 2,5 points environ, pourse situer comme François Hollandeà 28 % environ. C’est une progres-sion non négligeable, c’est lapremière étape obligée d’une po-tentielle inversion mais ce n’estpas encore une véritable dyna-mique, d’autant que des effetsd’offre interviennent au moins àla marge (non-candidature finalede Christine Boutin, Hervé Morinet Dominique de Villepin). Le ré-équilibrage du premier tour, sou-vent annoncé ici comme probableet non mesuré, l’est donc enfin.Surtout, et pour qui en auraitdouté, l’écart avec Marine Le Penn’a cessé de s’accroître. Mais pouraller au-delà du rééquilibrage etinverser le sens de l’élection, illui faudrait dépasser ce niveau etdéverrouiller 3 ou 4 points en safaveur de Marine Le Pen. Il luifaudrait également améliorer sesreports au second tour, tant desélecteurs du FN que du MoDem.En effet, 75 % des électeurs de Ni-colas Sarkozy de 2007 se reportentà nouveau sur lui en 2012 mais12 % vont vers Marine Le Pen et13 % vers François Bayrou ou lagauche. 17 % indiquent aussi, ensecond choix, Marine Le Pen et25 % François Bayrou. Le déver-rouillage est donc sur le papierpossible mais pour l’heure nonmesuré : Marine Le Pen se tasse etNicolas Sarkozy en profite maistrès partiellement. On peutd’ailleurs se demander si Jean-LucMélenchon ne serait pas celuiqui pourrait demain le plus capterdes suffrages populaires du Front

national en mordant sur MarineLe Pen plutôt que sur FrançoisHollande, dans l’hypothèse oùil poursuivrait sa progression. Cefaisant, il bloquerait la remontéedu chef de l’État. C’est tout l’enjeude cette séquence et elle est évi-demment cruciale pour NicolasSarkozy.

Marine Le Pen

Toujours à un niveau élevé (15 %à 16 %), Marine Le Pen s’est ce-pendant tassée et peine à trouverson rebond. 24 % de ses électeursindiquent Nicolas Sarkozy en se-cond choix. Elle peut donc conso-lider son électorat en étant plusforte en visibilité dans les se-maines à venir, ou abandonner àd’autres ce surcroît qu’elle avaitsemblé conquérir par rapport àson père.

Nicolas Dupont-Aignan

Dans un duel au couteau pour lepremier tour, chaque point compteet Nicolas Dupont-Aignan, actuel-lement à 1 % ou 1,5 % des inten-tions de vote, pourrait/devraitgrignoter des suffrages.

20 mars-20 avril. Dernière séanceAvec l’égalité de temps de parole s’ouvre une nouvelle séquence, sans doute la dernière, de lacampagne présidentielle. Et l’occasion d’établir un premier bilan pour chaque candidat, au-delàdes postures surjouées au quotidien selon le point, voire le demi-point gagné par tel ou tel.Par Brice Teinturier

Analyse

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Les territoires ruraux sontconfrontés à un manque deconnaissance et de reconnais-

sance de la part de l’État. Ils sonttraités avec une lecture urbaine ettechnocratique », déplore VanikBerberian, maire (MoDem) de Gar-gilesse-Dampierre, dans l’Indre,et président de l’Association desmaires ruraux de France, qui

rassemble les communes demoins de 3 500 habitants. Dansleur missive adressée aux candi-dats à la présidentielle, les élussoutiennent « la mise en place d’unemission interministérielle sur la ru -ralité, qui touche tous les domaines,

qu’il s’agisse de l’éducation, de lasanté, du développement économiqueou de l’agriculture ».Vanik Berberian place égalementl’accès au très haut débit (THD)sur l’ensemble du territoire avantla fin du prochain mandat pré -sidentiel, en 2017, comme unepriorité, affirmant : « Il ne peutpas y avoir de développement en

zone rurale ni même de maintiende l’activité sans cet équipement. »Conscientes de l’enjeu, la Vendéemais aussi l’Auvergne ont multi-plié les expérimentations. PourRené Souchon, président (PS) dela région auvergnate, « l’arrivée

du très haut débit est comparable àcelle du chemin de fer au XIXe siècle :c’est le seul moyen de redonner à tousles territoires les mêmes chances dedéveloppement ». Le Centre d’ana-lyse stratégique de souligner quele télétravail, « encore peu répanduen France », préfigure la nouvelleforme d’activité à venir. Son déve -loppement implique « la mise àdisposition d’infrastructures nu -mériques de qualité à l’échelle del’ensemble du territoire », mixanthaut débit, 3G et télécentrespour les travailleurs à distance,à l’image du projet porté par laSeine-et-Marne.Des élus qui dénoncent par ailleursla valeur « décorative » de la chartedes services publics en milieurural, rappelant la fermeture des3 000 classes au cours des der-nières rentrées scolaires. Sénateur(PS) de Haute-Garonne, BertrandAuban analyse : « La solidariténationale est mise à mal et de mul-tiples fractures territoriales se déve-loppent à la faveur du désengage-ment de l’État qui n’assume plus sesmissions de services publics, et nemène plus de politique nationaled’aménagement du territoire. »

PER et pacte territorial Pour Nicolas Sarkozy, qui avaitreconnu que l’aménagement duterritoire était « un caillou dans sonsoulier », l’avenir du monde rural,« fidèle à ses racines mais tournévers l’avenir », reste à inventer,en créant avec les ruraux lesconditions de développementd’une économie nouvelle. Uneambition traduite par les pôlesd’excellence rurale. Le label PERest attribué à un projet de dé ve-loppement économique situé enzone rurale. Il repose sur un par-tenariat entre les collectivités lo-cales et les entreprises privées.Une démarche qui s’inspire decelle des pôles de compétitivité enzone urbaine. Deux cent soixante-trois projets ont été labellisés àce jour, parmi eux celui du Rhôneen faveur des filières forestièreset agricoles.Quant au futur bouclier rural oupacte territorial déjà retoqué àdeux reprises par l’actuelle majo-rité, il promet de ressurgir au gré

des prochaines échéances électo-rales. Une initiative censée « garan-tir l’égalité des droits et des chancesdes territoires ruraux, en particulieren matière de service public, d’emploiet d’économie », explique FabienBazin, maire (PS) de Lormes dansla Nièvre. « Notre constat est simple :les territoires ruraux et périurbainssont des territoires d’avenir qui re-gorgent d’atouts. Pourtant, ils sontles grands oubliés des politiques pu-bliques depuis de nombreuses années.Il faut leur donner les moyens et lesoutils pour se développer harmonieu-sement », ajoute Renée Nicoux,sénatrice (PS) de la Creuse.Des sénateurs qui préconisentune meilleure gouvernance entrel’État et les collectivités territo-riales, à travers notamment uneconférence des exécutifs déclinéetant au plan régional que dépar-temental. Favorables à un mora-toire sur la révision générale despolitiques publiques (RGPP), ilsproposent également la créationd’un « contrat rural de cohésionterritoriale » sur le modèle urbain.

Une nouvelle approchede la mobilité ruraleDans son rapport d’évaluation dela politique d’aménagement duterritoire en milieu rural, SergeGrouard, député (UMP) du Loiret,observe que « dans un mondede plus en plus urbanisé, les terri-toires ruraux constituent une richesseessentielle de notre pays : foncier,patrimoine, culture, mais aussisavoir-faire et intelligences locales ».Porté par un regain démogra-phique qui ne se dément pasdepuis les années 1990, associé à« la montée en puissance des valeursécologiques et environnementales »,le monde rural poursuit sa muta-tion. L’arrivée de nouvelles popu-lations issues des villes engendreaussi des besoins nouveaux, enmatière notamment de pôles mé-dicaux, avec pour autre consé-quence une explosion des trajetsville-campagne.« Les politiques d’urbanisme et lespolitiques de transport n’ont pasété suffisamment menées de concertdans ces zones », commente Olivier

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Initiatives

Au cœur de toutes les attentions dans la course aux parrainages, les élus ruraux plaident aujourd’huipour une meilleure prise en compte de la spécificité de leurs territoires dans les politiquesd’aménagement. Un plaidoyer qui, espèrent-ils, dépassera l’échéance de la présidentielle.

Le bonheur est (presque)dans le pré

Fabien Bazin. Pour le maire socialiste de Lormes (Nièvre), lesterritoires urbains sont « les grands oubliés des politiques publiques ».PHOTO DR

Serge Grouard. Le député-maire UMP d’Orléans est l’auteurd’un rapport d’évaluation de la politique d’aménagement du territoireen milieu rural. Des territoires qui, dit-il, constituent « une richesseessentielle » pour la France. PHOTO LIONEL BONAVENTURE/AFP

«L’ARRIVÉE DU TRÈS HAUTDÉBIT EN ZONE RURALE

EST COMPARABLE À CELLE DUCHEMIN DE FER AU XIXE SIÈCLE »

René Souchon, président de la région Auvergne

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Depuis la rentrée, les élèves degrande section de l’écoleAlbert-Camus de Talence

(en Gironde) envoient chaque jourun message – selon le principe dusite de micro-blogage – aux abon-nés de leur compte, principale-ment leurs parents, auxquels ilsracontent brièvement une activitéréalisée dans la journée.Guidés par leur instituteur, lesélèves passent du caractère cursifdu message écrit sur papier auxcapitales d’imprimerie du clavier,puis aux minuscules sur l’écran.Philippe Guillem rappelle que« familiariser les enfants au passagede différents alphabets fait partiedu programme de grande section »,tout comme le passage de l’oralà l’écrit. Le réseau social, mêmeavec des tout petits, s’intègre alorsparfaitement dans une démarchepédagogique.Pour la directrice de l’école, Ca-therine Barraud : « Les cahiers deliaison ont toujours existé. AvecTwitter, c’est la forme qui change,pas le fond. »

Des tablettes numériquestestées à BlanquefortFace aux risques de dérives des ré-seaux en ligne, Philippe Guillemexplique que son objectif estd’éduquer non seulement les en-fants, mais aussi les parents. « Ilfaut qu’ils s’interrogent sur la façondont cela se passera lorsque leurs

enfants auront 12 ans et qu’ils uti -liseront les outils du futur », estimel’instituteur, qui ajoute : « Il existeplein de pistes, la mienne n’est pasla seule. »À Blanquefort, toujours en Gi-ronde, les écoles élémentaires dis-posent ainsi chacune d’un tableaunumérique. Dans les écoles ma-ternelles et élémentaires de laville, une « classe numérique » est

également à la disposition des en-seignants depuis cinq ans. Outrela mise en ligne d’un site Intranet,des tablettes numériques sontexpérimentées jusqu’en juin,avant une diffusion à plus grandeéchelle envisagée à la rentrée.Une vague numérique qui s’élar-git à l’encadrement comme enLoire-Atlantique, où les six ac-cueils périscolaires de la ville de

Rezé, près de Nantes, sont dotésdésormais de smartphones etbientôt de tablettes numériques.Les agents municipaux y inscri-vent les enfants. « Jusqu’ici tout sefaisait à la main. Nous gagnons dutemps et cela limite les risques d’er-reur », relèvent Christine Coutant,première adjointe du maire (PS),et Céline Gilbert, adjointe à ladirection de l’éducation. L.B.

Crépin, en charge de la mobilitéà l’Assemblée des communautésde France, qui regroupe les élus del’intercommunalité. « Il faut sortir

du cercle vicieux de l’étalement ur-bain, qui entraîne une dépendanceautomobile et donc une précaritéénergétique. »Défendant une nouvelle approchede la mobilité dans les territoirespériurbains et ruraux, qui regrou-pent 40 % de la population, leCentre d’analyse stratégique ex-plique : « Ces territoires peu densescumulent les difficultés en termesd’accès aux services de la vie quoti-dienne. » Dès lors, les initiativeslocales se multiplient en faveur

d’une alternative à la voiture indi-viduelle. Précurseurs, l’Oise et l’Al-sace misent sur l’information entemps réel des transports publics

(train, bus, car…) tout en favori-sant le déplacement intermodalcomme en Île-de-France. Le conseilgénéral des Côtes-d’Armor sou-tient de son côté le covoiturage àtravers 350 parcours qui couvrentl’ensemble du département, etl’aménagement d’airs d’accueil.Deux mille personnes sont ins-crites sur le site Internet dédiéqui permet la mise en relationdes conducteurs et des passagers.« L’intervention des collectivités lo-cales dans la diffusion de nouveaux

services de mobilité sera détermi-nante », analyse encore le CAS.Si elles ne sont pas a priori char-gées d’organiser ces services qui,hormis les transports à la demande,relèvent de l’initiative privée, « ellespeuvent en faciliter l’essor par des

mesures d’incitation et de promotion ».Des élus qui plaident en faveurd’une vision à long terme desproblématiques rurales, et passeulement « lorsque les candidatscherchent des parrainages ».

Ludovic Bellanger

À Talence, près de Bordeaux, les élèves d’une classe de maternelle relatentchaque jour leur activité sur Twitter.

L’ « e-ducation » s’invite à l’école

UN VILLAGE DÉSERTÉVENDU AUX ENCHÈRES� Mis aux enchères sans succès par le tribunalde Limoges, le hameau abandonné deCourbefy, en Haute-Vienne, a suscité un buzzmédiatique sans précédent. La communautéde communes des monts de Châlus « a bienétudié la possibilité de se porter acquéreurmais il faut être objectif, nos petitescommunes n’ont par les moyens de se lancerdans un tel projet de réhabilitation », déploreBernard Guilhem, maire délégué de Saint-Nicolas-Courbefy. Boudé des acheteursfrançais, le village fantôme croule désormaissous les demandes d’acheteurs potentiels dumonde entier. Une nouvelle vente est prévuefin mai.

LES AÉROPORTS RÉGIONAUXDANS LE COLLIMATEURDE BRUXELLES� Après Marseille et La Rochelle, laCommission européenne enquête sur lessubventions accordées par l’aéroport de Pauaux compagnies aériennes low-cost.Des aides publiques et des accords decommercialisation qui pourraient, selonBruxelles, « conférer à leurs bénéficiaires unavantage économique indu ». Une enquête« incompréhensible » estime la CCI paloise.De leur côté, les responsables rochelais jugentque les investissements menés répondaientaux objectifs poursuivis.

LES COLLECTIVITÉS REFUSENTDE FINANCER LA LGV SEA� Devant la nécessité de conserver sescapacités d’investissement, le président (PS)du Lot-et-Garonne, Pierre Camani, a annoncéqu’il n’était « pas envisageable » pour sacollectivité de participer au financementde la LGV Sud Europe Atlantique. « Uneinfrastructure nécessaire, mais qui ne relèvepas de nos compétences », précise l’élu. Auprintemps dernier, la région Poitou-Charentesavait refusé déjà de financer le tronçon Tours-Bordeaux, préférant proposer à l’État un prêtremboursable de 95 millions d’euros.

EURO 2016 : UNE BALLE DANSLE PIED DES MUNICIPALITÉS� L’Association nationale des élus en chargedu sport (Andes) évalue à plus d’un milliardd’euros l’effort financier des collectivitésterritoriales pour l’organisation de l’Euro 2016de football. Face à la crise de financementlocale, à la viabilité incertaine despartenariats public-privé des futurs projetscomme à Bordeaux, et aux difficultés déjàrencontrées à Lille et Lens, l’Euro ouvre ledébat sur les rapports entre villes, industrielset clubs, sur fond de politiqued’aménagement urbain.

LES ÉLUS S’OPPOSENTAUX BÂTIMENTS DE FRANCE� Après Auxy en Saône-et-Loire et Moisydans le Loir-et-Cher, le conseil municipalde Lion-en-Sullias (dans le Loiret) a fait partde « son intention de déclasser » son églisecommunale du XIe siècle des monumentshistoriques. En cause, « le nombre croissantde refus quasi systématiques des permisde travaux et de construire de la part desarchitectes des Bâtiments de France »,soulignent les élus locaux. Président du Loiret,le sénateur (UMP) Éric Doligé appelle dansson rapport à « une simplification des normesapplicables aux collectivités locales ».

En bref

À Talence, un élève de maternelle envoyant un tweet. PHOTO PIERRE ANDRIEU/AFP

Vanik Berberian. Le maire MoDem de Gargilesse-Dampierre (Indre)déplore la lecture technocratique qui est faite des territoires ruraux. PHOTO DR

«L’ÉTAT NE MÈNE PLUSDE POLITIQUE NATIONALE

D’AMÉNAGEMENT DUTERRITOIRE »

Bertrand Auban, sénateur PS de Haute-Garonne

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À distance

Françafrique, fantasmeou réalité en 2012 ?

Mais que fait donc l’anciendéputé UDF Jean-PierrePierre-Bloch au Sénégal ?

Et l’avocat socialiste et arbitredes primaires du PS, Jean-PierreMignard, à La Haye pour défendreles intérêts du Président ivoiriendans la procédure de la Cour pénaleinternationale à l’encontre de Lau-rent Gbagbo ? Pourquoi FrançoisHollande a-t-il pris le temps lasemaine dernière de rendre visiteà Paris au Président nigérien Maha-madou Issoufou ? Les réponses onten commun un mot fourre-toutqui recèle autant de tristes réalitésque de fantasmes : « Françafrique ».Jean-Pierre Pierre-Bloch est au -jourd’hui l’un des conseillers deMacky Sall, le candidat qui affrontele Président Abdoulaye Wade. L’an-cien élu de Paris était pourtantl’un des proches de ce dernier avantqu’il ne le débarque de l’organisa-tion d’un Festival d’arts panafri-cain. Jean-Pierre Mignard, trèsproche de François Hollande, n’estautre que l’un des avocats d’Alas-sane Ouattara. Pas uniquement.

L’Afrique de papaDu tchadien Idriss Déby également.François Hollande est allé voir leprésident du Niger au siège del’Unesco la semaine dernière parcequ’on lui a conseillé de s’afficheravec l’un des dirigeants africainsqui conteste les méthodes et lesvieilles habitudes de la Franceen Afrique. Même si plus sérieu -sement, on s’en doute, il aura étéquestion des otages français auSahel et de l’avenir d’Areva dansce pays producteur d’uranium.On pensait pourtant en avoir finiavec l’Afrique de papa, le fameux« pré carré », les réseaux Foccart,puis les sombres affaires de « va-lises de billets » entre les capitalesd’Afrique noire francophone etles principaux partis politiquesfrançais. Mais comme l’expliqueAntoine Glaser, auteur de Sarkoen Afrique (Plon), « personne depuisde Gaulle n’a vraiment réussi à sedébarrasser de la Françafrique ». NiGiscard, très critiqué pour son

interventionnisme au Zaïre puisen Centrafrique, ni Mitterranddont le premier ministre de laCoopération, Jean-Pierre Cot, avaitdémissionné pour rompre avec laligne suivie par la cellule africainede l’Élysée. Ni Chirac, qui contes-tait que l’on puisse reprocher àl’Afrique sa lenteur dans les ré-formes démocratiques. Ni Sarko zy,dont le ministre de la Coopéra-tion, Jean-Marie Bockel, fut luiaussi muté pour avoir osé sou tenirqu’il fallait « signer l’acte de décèsde la Françafrique ». La réalité, sou-ligne Glaser, c’est que tout ce quifait la relation franco-africainedepuis les indépendances desannées 1960 est tellement fort,tellement imbriqué, que la volonté

politique de s’en tenir éloigné nedure guère longtemps. Intérêtscommerciaux colossaux, intérêtsstratégiques – même s’ils sont moinscriants que pendant la guerre froide– à géométrie va riable, amitiéspersonnelles, besoin des voixafricaines au Conseil de sécurité

des Nations unies, autant de mo-tifs de laisser perdurer une rela-tion « incestueuse », qualifi catifemployé par Albert Bourgi, pro-fesseur de relations internatio-nales et longtemps expert duPS pour les questions africaines.Influence, réseaux, la relation

fonctionne dans les deux sens.Le vice-président du Conseil desInvestisseurs en Afrique Noire(CIAN) n’est autre que Michel

Roussin, ancien ministre de laCoopération d’Édouard Balladuraprès être passé par la DGSE etla Mairie de Paris. Et la liste estlongue des anciens ministresreconvertis en consultants enAfrique, de Charles Millon à Ber-nard Kouchner. Ou des anciens

généraux et hauts fonctionnairesde la police à conseiller les chefsd’État africains.

Un désastreux signalPersonne ne nie pourtant lesapports ou les avancées obtenuessur le plan politique par la fameuse

conférence de La Baule sous Fran-çois Mitterrand, lorsque le Prési-dent socialiste avait cru bon de lierl’aide de la France aux efforts dedémocratisation des anciennescolonies. Ni les promesses de Nico -las Sarkozy lorsqu’il avait annoncéau Cap, en Afrique du Sud, dès2008, vouloir « refonder les relationsde la France avec l’Afrique ». Notrepays, disait-il, « ne veut pas être enAfrique pour perpétuer sous d’autresformes des rapports inégaux quiappartiennent à un passé révolu. Larelation entre la France et l’Afriquene peut plus être fondée sur desaccords et sur des politiques qui sontdes survivances d’une époque où lemonde était bien différent de ce qu’ilest aujourd’hui ». Pour AntoineGlaser, ces propos ne visaientpas uniquement à faire oublier ledésastreux signal envoyé par sondiscours de Dakar, quelques moisplus tôt, soulignant que « l’hommeafricain n’était pas encore rentré dansl’Histoire ». Le Président françaisvoulait indiquer que la France sesituait par rapport à l’Afrique dansun monde globalisé, ce qui devaitnous inscrire dans une dynamiquemoins enracinée dans les traversdu passé.Encore fallait-il que les dirigeantsafricains interpellés souscrivent àcette vision. C’est aujourd’hui loind’être le cas. Si une nouvelle géné-ration d’hommes politiques sou-haite effectivement changer de capet sortir d’une relation exclusiveou diversifier leurs partenariats

(Bolloré en sait quelque chose,lorsque le Sénégal a choisi Dubaïpour reprendre en main le port deDakar), les plus anciens rechignent.« Dans toute relation, souligneAlbert Bourgi, les rôles parfois s’in-versent. » Pour pouvoir assurer salongévité au pouvoir, il est ainsi

capital de pouvoir continuer à serendre utile, voire indispensable.Y compris dans des exercicesque l’on peut juger accessoires, àl’image de la rencontre entre CarlaBruni-Sarkozy et Nelson Mandelanégociée par l’entremise du Prési-dent Omar Bongo, lui-même solli -cité par un disciple de Foccart auservice de l’Élysée.Nous sommes là bien éloignés dela manière de faire de toutes lesautres grandes nations présentesen Afrique de longue date. Les Bri-tanniques en Afrique de l’Est, lesBelges au Congo ou les Portugaisen Angola ont appris à rompre lecordon ombilical et à échangeravec leurs colonies du siècle passéde façon bien plus décomplexée.Fallait-il ainsi que le mois dernierAlain Juppé conseille à AbdoulayeWade de laisser la place à uneautre génération ? « Le néoco lo -nialisme, le paternalisme condes -cendant », voilà la maladie,commente Bourgi, en rappelantque la France n’a eu que deuxambassadeurs en Côte d’Ivoireentre 1963 et 1993 ! Et que bonnombre des conseillers du gou -vernement ivoirien actuel soientaujourd’hui, depuis l’arrivée aupouvoir d’Alassane Ouattara, desFrançais. Il sera intéressant, de cepoint de vue, de connaître l’iden-tité de notre futur ministre dela Coopération après le 6 mai. Etsurtout, si sa volonté de réformerest sérieuse, de voir combien detemps il reste à son poste.

Par François Clemenceau

Le Sénégal vote ce dimanche pour reconduire au pouvoir le Président Wade ou choisir l’alternance.Il y a un an, la France intervenait en Côte d’Ivoire, sous mandat onusien, au profit d’AlassaneOuattara. La relation franco-africaine est la grande absente des débats de la campagneprésidentielle. Sujet tabou ?

Abdoulaye Wade. Le Président sénégalais en campagnepour sa réélection, le 22 février 2012. PHOTO ISSOUF SANOGO/AFP

«PERSONNE DEPUIS DE GAULLE N’AVRAIMENT RÉUSSI À SE DÉBARRASSER

DE LA FRANÇAFRIQUE » Antoine Glaser

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NUMÉRO 439, MERCREDI 21 MARS 2012 L’HÉMICYCLE 11

Le Cameroun, qui ambi-tionne de devenir un paysémergent d’ici une ving-

taine d’années, s’est résolumentengagé à donner corps à des pro-jets identifiés dans le Documentde Stratégie pour la Croissanceet l’Emploi (DSCE) 2010-2020, età appliquer le Plan « CamerounVision 2035 ». C’est désormais lafeuille de route du gouvernement.Annoncés par le Président PaulBiya en 2011 lors de sa campagneprésidentielle, ces projets sontsur les rails, principalement dansles secteurs de l’énergie, des trans-ports, de l'agriculture et des télé-communications. Le pays a pourcela un atout majeur : la paix etla stabilité de ses institutions, quibénéficient et rassurent autantles acteurs économiques locauxque les partenaires internationauxau développement.Le partenariat public-privé (PPP)s’est imposé comme meilleureéquation de financement de cesprojets, notamment à travers lesinvestissements directs étrangers(IDE) et l’appel à l’épargne privéenationale sous forme d’empruntobligataire. Cette formule demobilisation de l’épargne localeconnaît un très fort engouementde la part des opérateurs écono -miques locaux.

Des richesses à exploiterLe pays a un fort potentiel hydro -électrique. La production est toute -fois limitée et les infrastructuresde transport et de distributionde l’énergie sont insuffisantes.Comme dans la plupart des paysd’Afrique de l’Ouest et du Centre,(re)construire ces réseaux et lesdensifier est un impératif in -contournable. L’enjeu est aujour-d’hui d’importance, y comprispour le développement d’autressecteurs clés de l’industrie, trèsconsommateurs et dépendantsen énergie.Dans le plan de Stratégie pour laCroissance figure non seulement laréhabilitation et l’augmentationdes capacités de production descentrales hydroélectriques exis-tantes, mais aussi la diversifica -tion des sources de productiond’énergie comme le solaire ou lagéothermie. L’objectif est de tri plerd’ici dix ans les capacités de pro-duction, afin de satisfaire les be-soins supplémentaires engendrés,dans un avenir proche, par la forte

croissance de la consommationdes ménages et des industriels.Le coût global de ces restructu -rations n’est pas mince. Il s’élèveselon les dernières estimations àplus de 9 milliards d’euros surdix ans pour la réalisation desinfrastructures de production et detransport d’électricité. Les Chinoisont beaucoup investi dans ces pro-jets qui vont de centrales hydro -électriques, en passant par descentrales thermiques au gaz, oùd’autres opérateurs sont présents.Ainsi la centrale thermique à gazde Mpolongwé (maître d’œuvre :Kribi Power Development Com-pany, filiale à 56 % d’AES-Sonel),devrait être mise en service enseptembre 2012. Son coût totalest estimé à plus de 176 milliardsde francs CFA. D‘une capacité de216 mégawatts (MW), elle seraalimentée par du gaz livré parle Franco-Britannique Perenco,attributaire du champ gazier off-shore de Sanaga Sud. L’énergieproduite sera vendue à AES-Sonel,qui en assurera la distribution àtravers le réseau camerounais.

DésenclaverLe plan des pouvoirs publics viseaussi les transports, et le réseauroutier permettant de relier facile-ment le Nord et le Sud. Le Came -roun est de fait coupé en deux.Il est aussi mal connecté à sesvoisins, à l’exception du Gabonet de la Guinée équatoriale. Enmatière de transport routier, il estaujourd’hui urgent de désenclaver

les villes secondaires de l’airemétropolitaine de Douala et deYaoundé, où sont concentréesune grande partie de la popula-tion et des activités et, d’autrepart, d’améliorer la voirie desgrandes villes.Plusieurs projets d’enverguredoivent permettre d’atteindre cesobjectifs. Il s’agit de la construc-tion d’un second pont sur lefleuve Wouri à Douala. Le chan -tier est financé à hauteur de87 milliards de francs CFA parla France. La construction de l’au-toroute Yaoundé-Douala est aussi

la première étape de la boucleautoroutière Douala-Yaoundé-Bafoussam-Douala.Enfin, dans le domaine maritime,le projet majeur reste la construc-tion d’un port en eau profonde à

Kribi qui deviendra le plus grandport minéralier et d’une plate-formede transbordement en Afrique del’Ouest. Ce projet est confié à unecompagnie chinoise : la ChinaHarbour Engineering.Pouvant accueillir des navires deplus de 15 mètres de tirant d’eau etd’une capacité de 100 000 tonnes,le port de Kribi comprendraun terminal à conteneurs ainsiqu’un terminal aluminium dontla construction est confiée à RioTinto Alcan, et un terminal hydro-carbures (3 millions de tonnes)financé par l’armateur Camship

et la Société camerou naise desdépôts pétroliers (SCDP). La cons -truc tion d’un terminal polyvalent(entre 2 et 3 millions de tonnes)est également prévue. Les pre-miers navires pourraient accoster

dès 2014. Ces infras tructuresd’avenir viendront ainsi ren forceret soulager l’actuel port de Doualaaux capacités li mitées, qui lui-même doit faire l’objet d’amé-nagements et de modernisation.

SAT-3Le secteur des télécommunica-tions est aussi un enjeu majeurpour le développement du Came -roun. Le pays en a pris conscienceet compte se doter d’infrastruc-tures de connexion à haut débit.Le plan de déploiement du réseaude fibre optique dépassera, à terme,

5 000 km. Cette démarche s’intè-gre au projet Central Africa Back-bone (CAB), qui doit permettre àl’ensemble des pays de la sous- région de se connecter au câblesous-marin à fibre optique SAT-3.Par ailleurs, le National Broad-band Network (NBN, réseau na-tional haut débit), d’un coût es- timé à 41 milliards de francs CFA,comprend plusieurs volets, dontla diversification des réseaux defibre optique, le développementde l’Internet mobile à large bandeet l’introduction du réseau mo-bile de nouvelle génération. Ilprévoit aussi un deuxième pointd’atterrissage du câble sous-marinSAT-3.En misant sur le développement deses infrastructures tous do mainesconfondus, sur la coopérationinter nationale gagnant/gagnant etsur la préservation d’un climatpropice aux affaires, le Camerounpourrait devenir à terme l’un despays africains les plus innovants.Le marché reste très ouvert et favo -rable aux investisseurs.

Joël Genard

Cameroun : cap sur 2035 !Le Cameroun a mis sur pied un plan de développement qui commence à porter ses fruits.Le pays compte sur une embellie dans des secteurs clés comme l’énergie et les transports.Revue de détail d’un pays qui croit en son avenir.

«LE CAMEROUN POURRAIT DEVENIRÀ TERME, L’UN DES PAYS AFRICAINS

LES PLUS INNOVANTS »

Paul Biya. Le Président camerounais a annoncé lui-même le plan « Cameroun Vision 2035 » à l’occasionde la campagne présidentielle en 2011. PHOTO MA ZHANCHENG/AFP

Enquête

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Qu’un cancre récolte de mau-vaises notes et se prenneune volée de bois vert, quoi

de plus normal ! Mais, quand c’estun élève studieux qui a fait tousses devoirs, c’est plus embêtant !Voilà pourquoi le cas espagnolembarrasse toute l’Europe.Autant la Grèce avait triché sur sescomptes, tardé à mettre en placedes réformes. Autant, avec l’Espagne,on a là un bon élève qui a déjàconsciemment mis en place despolitiques d’austérité, des réformesstructurelles, mais qui – malgré tousses efforts – n’y arrive pas ! Le Premier ministre espagnol,Mariano Rajoy, a prévenu ses col-lègues européens qu’il ne serapas en mesure de respecter, cetteannée, son engagement de ramenerle déficit public à 4,4 %. Madridtable sur un déficit de 5,8 % ! Quefaire, alors que justement l’Europeentend dorénavant se montrerinflexible avec ce genre de déra-pages ? Faut-il sanctionner l’Es-pagne ? Comment être crédible si oncommence déjà à faire des excep-tions avec le principe de sanction« quasi automatique » ? Car, aprèsl’Espagne, la France pourrait toutaussi bien annoncer qu’elle ne serapas à son rendez-vous de 2013, avecun déficit supérieur à 3 %. Fina -lement, les Européens ont coupéla poire en deux, et exigé que l’Es-pagne ramène son déficit à 5,3 %,contre 5,8 % annoncé. L’objectifde 4,4 % est officiellement aban-donné. Mais pour l’instant, pasquestion de sanction.

L’élève consciencieux de Madrid Car l’Espagne a déjà multipliéles plans d’austérité : gel des em-bauches de fonctionnaires, dontles salaires ont été réduits de 5 %.Gel du Smic à 641 euros, l’un desplus bas d’Europe. Mieux, la nou-velle équipe au pouvoir a entreprisdes réformes structurelles, en ré-duisant les indemnités chômages.Comment faire plus dans un paysoù une personne sur quatre est auchômage (23 %) ? Le pays est aubord de l’implosion avec un chô-mage des jeunes qui atteint les48 %. Des centaines de milliers demanifestants sont déjà descendus

dans les rues de Madrid et de Bar -celone. Une grande grève est pro-grammée le 29 mars pour protesterconte les nouvelles mesures d’aus-térité. Avec le risque d’un cerclevicieux… Car naturellement, cettenouvelle cure d’austérité va encorepeser sur l’activité. Le Gouverne-ment espagnol prévoit cette annéeune croissance négative de 1,7 %.Difficile dans ces conditions deramener le déficit public à 3 % en2013. Signe de cette tension, les tauxd’intérêt espagnols à dix ans sontpassés au-dessus des taux italiens,à 5,2 % (contre 4,9 % en Italie et2,9 % en France)

La lettre des 12Des voix s’élèvent en Europe poursortir de cette logique infernaled’une austérité sans fin, qui, aufinal, plombe l’économie et lesrecettes fiscales. « En ce moment, oninsiste trop sur les pénalités finan-cières et les paquets d’austérité », ajugé le socialiste Martin Schulz,président du Parlement européen.Ainsi, douze pays européens, dontl’Espagne, l’Italie, mais aussi lesPays-Bas ou le Royaume-Uni, ontenvoyé une lettre à la Commis-sion européenne pour protester

contre la politique d’austérité im-posée par le couple Merkozy. « Lacrise à laquelle nous faisons face estaussi une crise de croissance », lit-ondans ce courrier. À côté de la ri-gueur, les « Douze » veulent ajou-ter un volet visant à promouvoir« la croissance et l’emploi », selonles mots du Premier ministre belge,Elio Di Rupo. C’est également ceque préconise le FMI. Et c’est ceque font les Américains !

L’exemple américainAux États-Unis, Barack Obamamène une politique énergique desoutien à la croissance, avec unplan de relance de 447 milliardsde dollars, à base d’allégements decharges et d’investissements. Etles résultats sont là. La croissanceaméricaine devrait s’établir cetteannée à 2,5 %, contre 1,7 % l’andernier. En six mois, le chômageaméricain a baissé de 9,1 % à8,3 %. Signe de cette embellie,Wall Street est repassé au-dessusde la barre des 13 000 points, sonplus haut niveau depuis mai 2008,c’est-à-dire avant la faillite de labanque Lehman Brothers !À l’inverse, l’Europe s’enfoncedans la récession. La Commission

prévoit cette année un repli de0,3 % de la croissance dans lazone euro. Le chômage y atteintun niveau record à 10,7 %, soit16,9 millions de chômeurs, l’équi-valent de la population des Pays-Bas à la recherche d’un emploi !Mais les Européens ont sembléfaire une overdose de relance key-nésienne, y compris en France.Pendant trente ans, la France amultiplié, en vain, les plans de re-lance, à coups de dépenses non fi-nancées. Le ministre des Financesbelge avait eu, en septembre dernier,cette grande phrase : interpelé parTimothy Geithner, le secrétaire auTrésor américain, sur l’absence depolitique de relance en Europe,Didier Reynders avait répondu :« Même un âne ne bute pas deux foissur la même pierre. » Traumatiséspar la quasi-faillite de la Grèce,les Européens s’étaient jurés den’appli quer que la rigueur, rienque la rigueur.Mais le cas espagnol nous amèneà nous questionner : Ne faut-il pasaccompagner cette politique derigueur d’un zeste de relance ?Car attention, à force de potionsamères, le malade pourrait finirpar… mourir guéri !

Attention aux malentendus C’est exactement ce que réclameFrançois Hollande. S’il est élu, le6 mai, le candidat socialiste veutrenégocier le traité européen poury introduire un volet de croissance.« La gauche européenne regarde versParis », a titré le quotidien espagnolEl País. La France infléchirait alorsla politique européenne vers plusde croissance. « Les élections fran-çaises peuvent aussi être vues commeun référendum sur l’approche alle-mande de la monnaie unique », écritl’agence financière américaineBloomberg.Reste toutefois un écueil. QuandFrançois Hollande parle de soutienà l’économie, il pense, au mieux,à une politique volontariste sur larecherche et l’innovation, portéepar une banque publique d’inves-tissement. Au pire, à une politiquede grands travaux financée par ungrand emprunt européen (les fa-meux eurobonds). Or, la lettre des« Douze » décrit une politique derelance bien différente, car d’inspi-ration « libérale ». À Amsterdam,Rome, Londres ou Madrid, la « re-lance » consiste à « ouvrir davan-tage les marchés à la concurrence »,réduire les « poids des régulationset de la bureaucratie », promouvoir« la mobilité du travail », en clairdavantage de souplesse, de flexibi-lité… L’archétype de cette politiquede relance « libérale », c’est celle deMario Monti. Le Premier ministreitalien applique à la lettre les recom-mandations de la Commission At-tali, dont il était d’ailleurs membre.Il s’agit de déréguler le secteur de lapharmacie, des taxis, des notaires…pour « libérer la croissance ». Flui-difier le marché du travail pour in-citer les patrons à embaucher. MarioMonti veut notamment en finir avecle CDI, qu’il juge trop protecteur :« Les jeunes devraient se faire à l’idéede ne pas avoir un travail fixe touteleur vie, explique-t-il. Il va falloirs’habituer à changer souvent de lieuet de travail. »Autant de mesures assez éloignéesdu programme de François Hol-lande. Attention. Il pourrait yavoir quelques malentendus surla façon de relancer la croissanceen Europe.

12 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 439, MERCREDI 21 MARS 2012

Et si on parlait de croissanceL’Espagne et la « tentation Hollande »

Malgré les mesures drastiques adoptées par le Gouvernement Rajoy, l’Espagne s’enfonce dans la criseet ne tiendra pas les engagements qui lui étaient imposés par Bruxelles. Du coup Madrid s’interrogesur un plan d’austérité qui ne s’accompagne pas d’une relance de la croissance. Pour certains, c’estla tentation Hollande, pour d’autres c’est plutôt du côté de l’italien Mario Monti qu’il faut regarder.

Par Axel de Tarlé

Expertise

Madrid. Des chômeurs devant une agence du pôle emploi espagnol. Le chômage s’élève, en Espagne, à 23 % !

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NUMÉRO 439, MERCREDI 21 MARS 2012 L’HÉMICYCLE 13

La force de caractère de cetteRomaine, violée à 17 ans,traînée dans la boue lors de

son procès est parvenue malgrétout à devenir un peintre célèbreà son époque. Le musée Maillol veutégalement rendre justice à sonta lent en présentant ses ta bleauxintenses peuplés d’hé roïnes commeJudith, Cléopâtre, Bethsabée ouSuzanne.Intitulée Artemisia. Pouvoir, gloireet passions d’une femme peintre,l’exposition, qui se tient jusqu’au15 juillet, a déjà été présentée àMilan dans une version un peudifférente.« Nous montrons cinq œuvres iné -dites, redécouvertes récemment dansdes réserves muséales, des collectionsprivées mais aussi en salle desventes », souligne Francesco Soli-nas, commissaire de l’expositionavec Roberto Contini.Artemisia est la fille d’OrazioGentileschi, un peintre baroque,proche du Caravage, qui travailleà Rome. Orpheline de mère àdouze ans, la fillette grandit dansl’atelier de son père. Elle devientson apprentie, se révèle très vitedouée.

En 1610, elle signe un tableau,Suzanne et les vieillards (conservéà Pommersfelden, en Allemagne),alors qu’elle n’a que 17 ans, ce quilaisse un peu perplexe les spé cia -listes. « Son père l’a sans doute peintavec elle mais a laissé sa fille signerpour lancer sa carrière », estimeM. Solinas.Le visiteur est accueilli par uneautre version de Suzanne et lesvieillards, datée de 1652, qui étaitconservée dans les dépôts de laPinacothèque de Bologne et a étéréattribuée récemment à Arte -misia. « Là, tout est de sa main. Lecorps de la femme, son expressionvertueuse, le paysage », considèreFrancesco Solinas.

AcadémieEn 1611, peu après la premièreversion de Suzanne, la vie de lajeune fille a basculé. Violée puistorturée, elle est finalement ma -riée avec une dot conséquente àun assistant florentin de son père.Elle part pour la Toscane, entre àl’Académie de dessin de Florence,gagne ses galons de peintre et semet à travailler pour les Médicis,tout en donnant naissance à

plusieurs enfants (dont plusieursdécèdent en bas âge). Elle osepeindre des nus, chose inimagi -nable pour une femme à l’époque.Elle tombe amoureuse d’un nobleflorentin, Francesco Maria Ma rin -ghi, qui la soutient et s’occupe untemps des enfants et des tableauxlorsqu’elle doit quitter soudai ne-ment Florence en 1620, sans douteen raison de dettes impayées.Elle retourne à Rome, se rend àVenise, à Naples, va à Londres,revient à Naples en 1640 où ellepassera ses dernières années à latête d’un grand atelier.

Pierre-Henry Drange

Nous étions prêts à nous endébarrasser », confesse lecuré de Coarraze, cette

petite commune des Pyrénées- Atlantiques. L’objet devenu en-combrant n’était autre qu’unhar monium construit en 1868par Alexandre-François Debain.Ce dernier fit travailler jusqu’àmille ouvriers pour produiremille harmoniums par an. Centsoixante mille ont ainsi étéconstruits entre 1825 et 1965,

date de la fermeture de la der nièrema nu facture d’harmoniums enFrance. Depuis, l’instrument estentré dans l’oubli. Après 1945, lesorgues électriques et électroniquesont poussé ces instruments sécu-laires dans les réserves et débarras.« Le ministère de la Culture a permisde recenser et de protéger des objetsd’art religieux, mais avait oubliéles harmoniums. Ce patrimoinedisparaissait au fil de ventes, desnettoyages et restaurations et il a

fallu attendre 2005 pour que l’ons’intéresse à la sauvegarde de ce pa -trimoine », explique Jean-BernardLemoine, président de la Fédé ra-tion française des amis de l’har-monium (FFAH). « Il y a ici cetharmonium de Coarraze, il y en aun autre à Bénéjacq et un remar-quable à Bruges. On en a recenséune dizaine dans le départementdes Pyrénées-Atlantiques », poursuitce passionné qui veut sauver cequi peut encore l’être.

Trois cents membres Oublié, l’harmonium a pourtant ins -piré nombre de musiciens. Dix millemorceaux ont été écrits pour cetins trument par des musiciens aussicélèbres que Berlioz, Saint-Saëns,Rossini, César Frank. Aujourd’hui lafédération veut le faire sortir de l’ou-bli, voire de la disparition. Une qua -rantaine d’harmoniums sont classésmonuments historiques en France.L’association, forte de 300 membres,œuvre pour leur sauvegarde.

Une inconnue célèbre s’expose au musée Maillol

Artemisia Gentileschi : laliberté au bout du pinceauUne femme courageuse en dépit des épreuves, une femme libre menant sa carrière de peintrede main de maître, c’est Artemisia Gentileschi (1593-1654). Une puissance artistique miseen lumière pour la première fois en France par le musée Maillol.

Culture

90 % des harmoniums, souvent oubliés dans les églises de campagne, sont lapropriété des communes. Une association créée pour sauver ce patrimoine afait appel au ministère de la Culture, qui a décidé de participer à la restaurationde cet instrument célébré en son temps par les plus grands musiciens.

Entourage de Artemisia Gentileschi, Allégorie de la Rhétorique, c. 1650 - Huile sur toile - 90 x 72 cm - Londres-Milan, Robilant+Voena. © MANUSARDI ART/PHOTO STUDIO, MILANOALLEG

Catalogue coédité par le musée Maillolet Gallimard. 256 pages,

120 illustrations, 39 euros.

Réédition du roman Artemisiad’Alexandra Lapierre aux Éditions Robert

Laffont. 528 pages. 24 euros.

ArtemisiaExposition jusqu’au 15 juillet

Musée Maillol61, rue de Grenelle - 75007 Paris

Ouvert tous les jours de 10h30 à 19h.

«

DR

Le retour en grâce de l’harmonium

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Facebook doit faire l’objetd’une introduction pro-chaine à la bourse de New

York. Depuis des mois, cette pers-pective fait couler des flots d’encrenumérique et saliver certains in -vestisseurs tournés vers l’économienu mérique. Début février, la lettred’intention rendue publique a levéde fols espoirs ; en effet, la capitali-sation boursière attendue de Face-book a parfois été estimée à plus de100 milliards de dollars.

Pourtant, le numéro un mondialdes réseaux sociaux en ligne n’estplus depuis longtemps en têtedans la course à la croissance.Certes, quand on revendique plusde 840 millions d’abonnés toutautour du monde, une croissanceà deux chiffres est plus ardue à at-teindre qu’au début, mais cet « as-sagissement » de Facebook n’estpas seulement dû à une saturation

du marché. Son modèle lui-mêmeest désormais contesté par une nou-velle génération de réseaux sociauxqui focalisent l’attention.Facebook, comme LinkedIn ou Via-deo, qui sont des réseaux sociauxprofessionnels, est fondé sur les re-lations existantes entre internautes.Un internaute entre en relation avecun autre parce qu’ils se connaissentdans la vie « réelle ». Les sitescomme Twitter, Tumblr ou Pinterests’appuient non pas sur le lien entre

personnes mais sur des centres d’in-térêt partagés. Bien sûr, rien n’em-pêche de s’abonner au fil Twitterd’un de vos amis mais les twittospartagent en réalité plus leurspassions qu’une vie commune. Lescommunautés se forment autourde thèmes comme la politique, lessujets d’actualité, les débats de so-ciété. Et les internautes discutententre eux sans se connaître.

Tumblr est un concept quelquepeu différent. Les centres d’intérêtsont au cœur de la relation entreabonnés mais Tumblr a réussià marier l’idée du blog avec leréseau social. Les internautes par-tagent photos, vidéos, textes autravers de mots-clés. L’interactionest moins forte, les discussionsmoins courantes mais les com-munautés existent bel et bien.Pinterest, né en 2010, se placeentre les deux. Les internautespartagent du contenu mais le fonttrès rapidement via un boutonqui vient alimenter un pêle-mêlevirtuel que tout un chacun peutconsulter et suivre si les thèmesmis en avant correspondent àses centres d’intérêt. Et, choseimportante, une majorité de sesabonnés sont des femmes.Le monde du marketing a rapide-ment compris l’intérêt de ces nou-velles relations. Les internautes, enmettant en avant leurs passions,en disent beaucoup sur ce qui estsusceptible de les intéresser en tantque consommateurs. Facebook,construit sur les relations person-nelles, rend ce travail d’analysemoins aisé, et si l’économie duWeb est de plus en plus fondéesur la personnalisation, la connais-sance de votre parentèle a moinsde valeur que celle de vos goûts.Facebook va-t-il donc entrer enBourse au moment où son déclins’amorce ? L’échec actuel des pro-jets de « f-commerce » sur ce réseausocial contraint les annonceurs

à repenser leur stratégie. Nul douteque 845 millions de membres re-présentent un attrait considérable.Mais les croissances rapides queconnaissent les nouveaux réseauxsociaux et la meilleure adéquationavec les besoins du marketingmoderne sont une menace pourFacebook, dont l’entrée effective àla Bourse de New York pourraitêtre, en dé finitive, bien moins in-téressante que prévu.

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582¤. RCS : Paris 443 984 117. 55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle

GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier ([email protected]) DIRECTEUR Robert Namias ([email protected]) RÉDACTEUREN CHEF Joël Genard ([email protected]). ÉDITORIALISTES Michèle Cotta, Axel de Tarlé, Bruno Jeudy, Gérard Leclerc, Marc Tronchot AGORA Éric MandonnetL’ADMIROIR Éric Fottorino COLLABORENT À L’HÉMICYCLE Ludovic Bellanger, Juliette Bot, Jean-Louis Caffier, François Clemenceau, Florence Cohen, Antoine Colonna, Pierre-HenryDrange, Alain Fournay, Paul Fournier, Anita Hausser, Béatrice Houchard, Serge Moati, Jessica Nelson, Nathalie Segaunes, Manuel Singeot, Guillaume Tabard, Brice Teinturier,Philippe Tesson, Pascale Tournier, Pierre de Vilno CORRECTION Aurélie Carrier MAQUETTE David Dumand PARTENARIATS Violaine Parturier ([email protected],Tél. : 01 45 49 96 09) IMPRESSION Roto Presse Numéris, 36-40, boulevard Robert-Schumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70.Fax : 01 49 36 26 89. Parution chaque mercredi ABONNEMENTS [email protected] COMMISSION PARITAIRE 0413C79258 ISSN 1620-6479

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Bulletin d’abonnement

Facebook bientôt supplanté ?À peine dix ans et déjà vieux… Facebook est désormais concurrencé par de nombreux réseauxsociaux : Twitter est le plus connu mais il y en a beaucoup d’autres. Les internautes choisissenten fonction de leurs centres d’intérêt et de l’utilisation qu’ils en font. Alors que Facebook va êtreintroduit en Bourse, certains s’interrogent déjà sur l’espérance de vie du numéro un mondialdes réseaux sociaux.Par Manuel Singeot

Le chiffre

44millionsde blogueurs sur Tumblr,dont Barack Obama.(Source Tumblr).

Les deux vedettes actuellesdu Web social attisent bien

des convoitises, mais le partagede photos et de vidéos par lesinternautes et surtout les enviesde monétisation de cette activité

relance les problèmes liés aux droitsd’auteur. À qui appartiennent lesphotos publiées ? D’où viennentles vidéos partagées ? Ces sites trèspopulaires vont devoir rapidementtrouver un moyen de respecter les

législations nationales, faute dequoi, la justice pourrait s’immis-cer dans la belle histoire et ruinerleurs espoirs. L’opération Mega -up load a prouvé que le climats’était durci.

Tumblr et Pinterest sous la menace du droit d’auteur

2.0

14 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 439, MERCREDI 21 MARS 2012

Le sigle Facebook devant son siège en Californie. PHOTO KIMIHIRO HOSHINO/AFP

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NUMÉRO 439, MERCREDI 21 MARS 2012 L’HÉMICYCLE 15

Bernard Accoyer, l’émule du Général

Dans son bureau de l’hôtelde Lassay, près du canapéoù il a pris place, une sta-

tuette en bronze et en pied dugénéral de Gaulle. Le de Gaulle dela fin, mais encore droit commeun I, en imperméable vert pâle auxpans soulevés par le vent d’Irlande.Et, si l’on jette un coup d’œil endiagonale, de l’autre côté dubureau, un autre de Gaulle surgit,en uniforme cette fois, et en photo– presque un poster –, un clichénoir et blanc sous verre montrantl’homme du 18-Juin les bras levés,en signe de victoire. Pour BernardAccoyer, la référence est claire, uni-voque et sans partage. Son homme,son grand homme, est un géné -ral qui sauva la France, l’incarnacomme nul autre et la fit rayonnerdes feux, inégalés au XXe siècle, desTrente Glorieuses.Quand il nous reçoit ce jour-là, lasession parlementaire s’est achevéela veille. Le président de l’Assembléenationale vit ici ses dernières se-maines, « avec le sentiment du devoiraccompli », ajoutant « qu’on s’enrendra compte avec le temps ». Sereinet combatif à la fois, il n’oublie pasles moments de crispation de lalégislature. Lorsque, début 2009,défendant pied à pied sa réformedu Parlement, et marquant sa vo-lonté d’instaurer un « temps lé -gislatif programmé » pour éviterl’obstruction, il déclencha la colèredes groupes d’opposition. Il n’apas oublié les députés se massantdevant le perchoir, certains ceintsde leur écharpe tricolore, et enton-nant une Marseillaise républicaine.Laurent Fabius dénonçant « l’auto-ritarisme, contraire de l’autorité ».

La passion de la médecineIl se souvient aussi des tensionssuscitées par le débat sur les re-traites, en septembre 2010, quanddes députés de gauche le poursui-virent jusque dans les couloirs duPalais-Bourbon au cri de « Accoyerdémission ! ». Un des incidentsles plus sérieux à l’Assemblée sousla Ve République. Pour ce médecinet chirurgien qui, trente annéesde sa vie, avant d’entrer dans lecombat politique local puis natio-nal, eut à se colleter, bistouri en

main, avec les questions de vie, desouffrance et de mort, la part deschoses est vite faite. La passionde la médecine, avec ses enjeuxhumains, lui a appris à relativiserles excès de la scène politique, seshauts cris et ses critiques. Unnœud effectué sur une carotidel’aura toujours plus angoisséqu’une bronca de parlementaires.Comme M. Jourdain faisait de

la prose sans le savoir, le docteurAccoyer était sûrement gaullien àson insu, impavide et déterminé,traçant sa route qu’il croyait juste.De Gaulle, donc. Et pas qu’un peu.Tout pour lui, pour le grand Charlesdont la voix de stentor faisait vi-brer la TSF familiale, sur la tablede la salle à manger, se souvient lemaire d’Annecy-le-Vieux. « J’avais12 ans lors de son retour au pouvoir.

Jusqu’ici la TSF annonçait les gou-vernements renversés avec la régu -larité d’un métronome. Et soudainde Gaulle a crevé l’écran, ou plutôtle haut-parleur. »Pour le docteur Accoyer, le nou-veau chef de l’État « a posé le bondiagnostic » sur son patient, c’est-à-dire la France, rongée par sonesprit maladif, empêtrée dans desmaux bien hexagonaux qu’il énu-mère en connaissance de cause :« l’hésitation, l’introspection, l’égali-tarisme forcené qui bride la puis-sance de ce que l’État peut produirede mieux ». À ses yeux, le fonda-teur de la Ve République est celuiqui, une deuxième fois, va sauverla France, en tout cas la libérerde ses démons qui la poussent às’autoflageller, à se dénigrer, unetendance aux fondements « géné-tiques », croit l’ancien oto-rhino,qui voit dans cette attitude unpenchant « antiphysiologique stu-pide ». Pour cet homme de scienceet de bon sens, « aucune espèce nepeut survivre » à ce comportementde repentance.

Un visionnaireBernard Accoyer ne s’est pascontenté d’épouser le gaullismede son temps. « J’ai absorbé tousles moments de la vie de De Gaulle,se souvient-il. Quand il jouait auxsoldats de plomb avec ses frères, ilétait la France. Il faut souligner soncourage pendant la Première Guerremondiale. Ses écrits sur la mécani -sation nécessaire de l’armée. Il necédera jamais à aucune facilité, àaucun propos de circonstance. » Onsent ce que cette intransigeancepèse bon poids dans l’estime que luiporte le président de l’Assemblée.« C’est ainsi qu’il a apporté à laFrance ce qu’elle a eu de plus fortau XXe siècle. »Si l’élu de Haute-Savoie en revienttoujours à de Gaulle, c’est pourvanter son sens de l’histoire et desréalités, son habileté et ses convic-tions. « Il a senti que la décoloni -sation était incontournable. Il l’amenée à bien et a sorti la France dubourbier algérien. Le processus auraitété beaucoup plus tumultueuxsans lui. Il avait toute l’autorité del’homme du 18-Juin qui connaissait

bien l’empire colonial. » Et d’inven-torier toutes les fois où le générals’est montré visionnaire : « Il estle premier à avoir reconnu la Chinepopulaire. À avoir compris l’enjeude l’arme nucléaire. À avoir engagéla France dans les technologies mo-dernes, l’espace, le TGV »… Visionau loin et hauteur de vue : voilàle de Gaulle loué par BernardAccoyer, qu’il oppose à tous noscompatriotes qui, aujourd’hui,« critiquent notre pays », manifestantpar là « un manque de reconnais-sance envers la France », faisantpreuve, il ne mâche pas ses mots,« de perversion et de masochisme ».Sans faux-semblant, il s’en prendà « la fatuité » des intellectuels etphilosophes de tout poil, dontl’écho dans les médias lui paraîtexagéré…

L’ombre portéeTransparaît au fond, et en creuxde cette critique, ce qui fait pourBernard Accoyer la quintessencede De Gaulle : l’ambition. Uneambition non pas personnelle,mais entièrement dévolue à laFrance, dont il avait, souligne-t-ilencore, « l’obsession ». Avec encontrepoint « le désintéressementmatériel » – et personnel – du fon-dateur de la Ve. « Bien sûr, concèdeM. Accoyer, cette obsession s’expri-mait avec une certaine fatuité, uncertain orgueil que critiquaient Chur-chill et les Américains. Mais c’est lepropre des hommes de génie : on necomprend pas sur l’instant que l’onrencontre un être exceptionnel. C’estavec le recul qu’on le mesure. »Dans son livre Un homme politiquepeut-il dire toute la vérité ? (JC Lat-tès), paru fin 2011, l’ancien méde-cin-chirurgien répond sans détourà cette interrogation. Comme unpatient, le citoyen doit connaîtrela vérité, « un mal nécessaire pouraider à la guérison ». Si son cœurcontinue de battre un peu plusvite, à l’image des tambours de lagarde républicaine qui scandèrentson entrée solennelle dans l’hémi-cycle en qualité de président, le26 juin 2007, Bernard Accoyer saitpourquoi : son combat continue,va continuer. Dans l’ombre portéedu Général.

Gaulliste un jour, gaulliste toujours. La geste du Général a construit le docteur Accoyer. L’ancienoto-rhino devenu député puis président de l’Assemblée nationale est intarissable sur de Gaulle,son courage et son ambition pour la France. Pour Bernard Accoyer, quel que soit le résultat de laprésidentielle, le combat continuera en mémoire de l’homme de Colombey, au nom de l’hommedu 18-Juin.

Par Éric Fottorino

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