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Certes la situation n’est pas déses- pérée mais suffisamment sérieuse pour que le Président sortant accé- lère le tempo. Il devait annoncer sa candidature début mars, il a choisi de le faire dès main- tenant, avec trois semaines d’avance sur son propre agenda. Et il n’a pas même attendu la mi-février pour accorder une interview au Figaro Magazine qui sonne comme la première salve de campagne. Président ventriloque : dans la bouche du Président Sarkozy, on entendait évidemment les propos du candidat Nicolas. Voici mes valeurs, dit en substance l’hôte de l’Élysée dans cet entretien. En quelques pages, il annonce ce que sera le combat. Et la tournure qu’il entend lui donner. Camp contre camp, droite contre gauche, valeurs contre valeurs. Choc ultime voulu par le sor- tant qui se sait définitivement impopulaire… au moins jusqu’à l’élection. La campagne se jouait jusqu’à présent sur trois fronts : la popularité des candidats, leur crédibilité économique et leur présidentialité. Sur le premier, Nicolas Sarkozy a perdu et sur le deuxième il est en grande difficulté. Reste donc le troisième : la carte de la présidentialité, dont il souhaite se servir comme d’une carte maîtresse délibérément clivante. Président protecteur, défendant les valeurs de la famille et du travail, mettant en avant l’équité, l’ordre, le mérite et la nécessité de renforcer la sécurité en protégeant le pays notamment d’une immigration non contrôlée, il entend faire apparaître son principal adversaire comme le défenseur d’une forme de laxisme sociétal doublé d’un conservatisme économique et social inadapté. En cela Nicolas Sarkozy joue l’élection à quitte ou double. Choisissant ses chevau-légers du côté de Claude Guéant ou de la Droite populaire plutôt que de celui d’Alain Juppé ou de Jean-Louis Borloo, il va durcir à l’extrême l’affrontement. Dans un pays qui reste majoritairement à droite, le Président élu il y a cinq ans par 53 % des Français veut ainsi rester en phase avec la majorité d’entre eux. Et la gauche aurait tort de sous-estimer cette adéquation théorique entre les valeurs qui seront défendues par le candidat de l’UMP et une bonne partie des électeurs. Reste une question : ce combat délibérément clivant fera-t-il oublier le rejet du Président sortant, violent et très largement majoritaire ? C’est tout le pari de… Nicolas. Et il ne lui faudra pas attendre le 22 avril pour humer l’air de la victoire ou celui d’une défaite trop prévisible pour être encore annoncée. L’histoire commence de s’écrire et bien malin qui en connaît déjà la fin. Et aussi Le chiffre Éditorial Robert Namias Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias L’HÉMICYCLE www.lhemicycle.com Marine à la peine R ien que la vérité, toute la vérité. Marine Le Pen jure qu’elle ne bluffe pas. Et pour convaincre de sa bonne foi elle a fait constater la se- maine dernière par huissier qu’elle avait moins de 400 promesses de signature. Il reste exactement un mois à la candidate du Front national pour trouver les 100 supplémentaires qui lui permettront de se placer sur la ligne de départ le 19 mars. D’ici là, le Conseil constitu- tionnel aura tranché sur la question de l’anonymat. Personne n’imagine qu’il revienne sur la loi actuelle. Et Marine Le Pen, comme les autres candidats, verra les noms de ses parrains publiés si elle obtient les signatures requises. En attendant, la candidate du Front national, partie de haut, bat les es- trades et multiplie les meetings pour tenter de conserver une chance d’accé- der à la seconde marche le soir du pre- mier tour. Pari qui s’avère difficile face à Mélenchon déjà très présent et à Sarkozy qui annonce la couleur avec une campagne ancrée à droite. La chasse à cet électorat populaire qu’avait su capter le Front national est ouverte. Tout montre que la porosité avec l’élec- torat de l’UMP est de plus en plus grande. Qui profitera de cette porosité ? C’est l’un des enjeux de l’élection prési- dentielle et de l’après-6 mai. Il détermi- nera le futur de la droite et sa probable recomposition. Alain Fournay > Lire p. 2, 3 et 4 NUMÉRO 435 — MERCREDI 15 FÉVRIER 2012 — 2,15 ¤ Le pari de Nicolas 3 100 ! Le ministre de l’Agriculture trouve en Churchill un modèle qui l’inspire : un politique qui agit et qui prend la plume pour expliquer ses choix. > Lire l’admiroir d’Éric Fottorino p. 8 FRANÇOIS GUILLOT/AFP C’est le nombre de patients hospitalisés qui s’étaient vus prescrire le Mediator, indiqué dans le traitement du diabète et de l’obésité. Selon une étude publiée dans le journal spécialisé Pharmacoepidemiology & Drug Safety, 1 300 de ces patients seraient morts entre 1976 et 2009 alors qu’ils étaient régulièrement traités par ce médicament. JEAN-PIERRE MULLER/AFP La candidate du Front national continue d’affirmer qu’elle n’a pas les 500 signatures requises alors que plusieurs instituts de sondage font apparaître une baisse des intentions de vote en sa faveur. Bruno Le Maire ou la politique en toutes lettres Meeting du Front national à Bordeaux, le 22 janvier. Édouard Lecerf P. 4 Jean-Yves Camus P. 3 Florian Philippot P. 2 THOMAS SAMSON/AFP DR DR

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l'Hémicycle numéro 435 du mercredi 15 février 2012

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Page 1: l'Hémicycle - #435

Certes la situation n’est pas déses-péréemais suffisamment sérieusepour que le Président sortant accé-lère le tempo. Il devait annoncer sa

candidature débutmars, il a choisi de le faire dèsmain-tenant, avec trois semaines d’avance sur son propreagenda. Et il n’a pas même attendu la mi-février pouraccorder une interview au Figaro Magazine qui sonnecomme la première salve de campagne. Présidentventriloque : dans la bouche du Président Sarkozy, onentendait évidemment les proposdu candidatNicolas.Voici mes valeurs, dit en substance l’hôte de l’Élyséedans cet entretien. En quelques pages, il annoncece que sera le combat. Et la tournure qu’il entend luidonner. Camp contre camp, droite contre gauche,valeurs contre valeurs. Choc ultime voulu par le sor-tant qui se sait définitivement impopulaire… aumoinsjusqu’à l’élection.La campagne se jouait jusqu’à présent sur troisfronts : la popularité des candidats, leur crédibilitééconomique et leur présidentialité. Sur le premier,Nicolas Sarkozy a perdu et sur le deuxième il est engrande difficulté. Reste donc le troisième : la carte dela présidentialité, dont il souhaite se servir commed’une cartemaîtresse délibérément clivante. Présidentprotecteur, défendant les valeurs de la famille et dutravail,mettant en avant l’équité, l’ordre, lemérite et lanécessité de renforcer la sécurité en protégeant le paysnotamment d’une immigration non contrôlée, il entendfaire apparaître son principal adversaire comme ledéfenseur d’une formede laxisme sociétal doublé d’unconservatisme économique et social inadapté.En cela Nicolas Sarkozy joue l’élection à quitte oudouble. Choisissant ses chevau-légers du côté deClaude Guéant ou de la Droite populaire plutôt quede celui d’Alain Juppé ou de Jean-Louis Borloo, il vadurcir à l’extrême l’affrontement. Dans un pays quireste majoritairement à droite, le Président élu il y acinq ans par 53% des Français veut ainsi rester enphase avec lamajorité d’entre eux. Et la gauche auraittort de sous-estimer cette adéquation théorique entreles valeurs qui seront défendues par le candidat del’UMP et une bonne partie des électeurs.Reste une question : ce combat délibérément clivantfera-t-il oublier le rejet du Président sortant, violentet très largement majoritaire ? C’est tout le pari de…Nicolas. Et il ne lui faudra pas attendre le 22 avril pourhumer l’air de la victoire ou celui d’une défaite tropprévisible pour être encore annoncée.L’histoire commence de s’écrire et bienmalin qui en connaît déjà la fin.

Et aussi

Le chiffre

ÉditorialRobert Namias

Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias

L’HÉM

ICYC

LE

www.lhemicycle.com

Marine à la peine

Rien que la vérité, toute la vérité.Marine Le Pen jure qu’elle nebluffe pas. Et pour convaincre

de sa bonne foi elle a fait constater la se-maine dernière par huissier qu’elle avaitmoins de 400 promesses de signature. Ilreste exactement un mois à la candidatedu Front national pour trouver les 100supplémentaires qui lui permettrontde se placer sur la ligne de départ le19 mars. D’ici là, le Conseil constitu-tionnel aura tranché sur la question de

l’anonymat. Personne n’imagine qu’ilrevienne sur la loi actuelle. Et MarineLe Pen, comme les autres candidats,verra les noms de ses parrains publiéssi elle obtient les signatures requises.En attendant, la candidate du Frontnational, partie de haut, bat les es-trades et multiplie les meetings pourtenter de conserver une chance d’accé-der à la seconde marche le soir du pre-mier tour. Pari qui s’avère difficile faceà Mélenchon déjà très présent et à

Sarkozy qui annonce la couleur avecune campagne ancrée à droite. La chasseà cet électorat populaire qu’avait sucapter le Front national est ouverte.Tout montre que la porosité avec l’élec-torat de l’UMP est de plus en plusgrande. Qui profitera de cette porosité?C’est l’un des enjeux de l’élection prési-dentielle et de l’après-6 mai. Il détermi-nera le futur de la droite et sa probablerecomposition. Alain Fournay

>Lire p. 2, 3 et 4

NUMÉRO 435 —MERCREDI 15 FÉVRIER 2012 — 2,15 ¤

Le paride Nicolas

3 100 !Leministre de l’Agriculture trouve en Churchill

unmodèle qui l’inspire : un politique qui agit

et qui prend la plume pour expliquer ses choix.

>Lire l’admiroir d’Éric Fottorino p. 8

FRAN

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C’est le nombre de patients hospitalisés qui s’étaientvus prescrire le Mediator, indiqué dans le traitementdu diabète et de l’obésité. Selon une étude publiée dansle journal spécialisé Pharmacoepidemiology & DrugSafety, 1 300 de ces patients seraient morts entre1976 et 2009 alors qu’ils étaient régulièrement traitéspar ce médicament.

JEAN

-PIERR

EMULLER

/AFP

La candidate du Front national continue d’affirmer qu’elle n’a pasles 500 signatures requises alors que plusieurs instituts de sondagefont apparaître une baisse des intentions de vote en sa faveur.

Bruno Le Maire ou lapolitique en toutes lettres

Meeting du Front national à Bordeaux, le 22 janvier.

Édouard Lecerf P.4Jean-Yves Camus P. 3Florian Philippot P. 2

THOMAS

SAMSO

N/AFP DR DR

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2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 435, MERCREDI 15 FÉVRIER 2012

Agora

Oùsituez-vous leFNdeMarineLePensur l’échiquier politique?Je ne raisonne pas en termes degauche ou de droite. Je considèreque le Front national fait partiedu camp patriotique, populaire, so-cial, du camp qui croit à la Franceface à celui qui n’y croit plus. Sivous voulez, d’un côté il y a le Frontnational, la mouvance autour deNicolas Dupont-Aignan, les chevè-nementistes, des républicains-so-ciaux ou des gaullistes, qui peuventmême pour certains être encore àl’UMP ; de l’autre, il y a les partistraditionnels. D’un côté il y a lespartisans d’un État nation protec-teur et de l’autre les partisans d’unemondialisation nonmaîtrisée. Pourmoi, c’est cela le vrai clivage, et nonpas le clivage droite-gauche, quidate d’une époque où existait laguerre froide, où l’Europe comptaitune dizaine de membres et avaitbeaucoup moins de prérogatives,où les espérancesmitterrandiennesfaisaient encore rêver le peuple degauche, avant que celle-ci ne fasseau pouvoir la même chose que ladroite.

C’estpourtant toujoursavecdespartispopulistesoud’extrêmedroiteque leFNades liensauniveaueuropéen…D’abord, je récuse le terme d’ex-trême droite : celle-ci est résiduellepartout et n’a rien à voir avec leFront national. Ensuite, le termede populiste, utilisé pour dépréciernotre mouvement par des élitesqui voudraient faire de la politiquesans le peuple, nous l’assumons s’il

signifie « être au service du peuple ».« Remettre le peuple partout », enquoi serait-ce unemauvaise chose ?Nous avons noué des liens avecd’autres partis européens qui défen-dent unmodèle national protecteur,qui ne soit pas dilué dans une Eu-rope sans valeurs ni frontières.

Avec un programme économiqued’extrême gauche et un programmerégalien très à droite, ne craignez-vouspas legrandécart?C’est vous qui le dites ! Notre pro-jet a une très grande cohérence. Laligne en est claire : c’est le rétablis-sement de l’autorité de l’État danstous les domaines. En économie,c’est le retour de l’État face aux

marchés financiers, à la grande dis-tribution, aux banques. Enmatièrerégalienne, c’est le retour de l’Étatpour rétablir la sécurité, faire cesserle laxisme généralisé, mettre fin àl’immigration, faire respecter laloi de 1905. C’est encore la mêmechose pour l’école : le concept d’en-seignement classique, qui tire versle haut, s’est délité. L’État doit y ré-tablir les valeurs de la République.

Quelles sontaujourd’hui lesréférencesphilosophiques,économiques,politiquesduFrontnational?À chacun ses références, le parti est

divers. Il n’est pas monolithique.Mais nous avons tous un pointqui nous rassemble : l’amour de laFrance et le patriotisme. Pour mapart, ma référence, c’est le généralde Gaulle et le gaullisme. Ils in-carnent la grandeur de la France,l’espérance du redressement, lerefus du renoncement. C’est unchoix personnel.

Necraignez-vous jamaisdedérouter l’électorattraditionnel duFN?L’électorat traditionnel est là et iladhère au projet. Tout le talent deMarine Le Pen est de le convaincre,tout en réussissant l’extension duparti à de nouveaux publics : les

fonctionnaires, les petits retraités,qui nous rejoignent de plus en plusnombreux, les jeunes… Elle meten avant un discours économiqueet social qui prend en compte lespréoccupations de l’immense ma-jorité des Français qui souffrent. Lestemps ont changé. Plus personnene peut tenir lemême discours qu’ily a vingt ans s’il est responsable.Aujourd’hui, lesmarchés financiersdominent tout, l’immigration a en-core progressé, l’Europe est à 27, ellea tout libéralisé… Comment voirles choses de la même manière ?Marine Le Pen prend en compteces évolutions. Elle ne déroute

personne. Elle a au contraire unecohérence qui rassure.

Aujourd’hui commentdéfinissez-vous l’électoratdeMarineLePen?Il regroupe ceux qu’on appelle lesoubliés, ceux que l’on n’entendpas, ceux auxquels aucun parti nes’intéresse plus. Il y a parmi euxles classes populaires, mais aussiles classes moyennes en voie dedéclassement, tous ceux qui ontbeaucoup souffert de la mondia-lisation et sont victimes du « des-cenceur social ». Il y a tous ceux quiattendent un vrai changement.

LeFrontnational devrait-ilchangerdenom?

Cette question ne se pose pas au-jourd’hui. Je n’ai donc pas de ré-ponse. Je crois aussi que c’est undébat qui nous dépasse et qu’il fautl’avoir avec tous les adhérents, desplus récents aux plus anciens.

Onabeaucoupdit que,contrairementàsonpère,MarineLePenvoulait exercer lepouvoir.Vousêtesd’accordaveccetteaffirmation?Je pense que lorsqu’on fait de lapolitique, on cherche à exercer lepouvoir. Je ne vois donc pas pour-quoi cela n’aurait pas été le cas deJean-Marie Le Pen. Mais je ne suis

pas dans sa tête. Quant à MarineLe Pen, son objectif est de profes-sionnaliser le mouvement, de per-fectionner chaque jour son pro-gramme quand les autres partis secontentent de slogans publicitaires,d’entraîner autour de lui la dyna-mique la plus forte possible. Noussommes bien décidés à arriver aupouvoir pour changer les choses.Nous travaillons sur tous les sujets,de la fonction publique à la mé-decine en passant par l’entreprise.Nous créons de nouveaux groupesde travail. Nous attirons de nou-veaux publics. Les Français ont biencompris que Marine Le Pen était làpour appliquer demain ses idées.

Quesepassera-t-il si le FNn’apasses500signatures?Je ne peux pas envisager cette hy-pothèse. La France est le pays desdroits de l’homme et de la Révolu-tion. Mais les dernières réactionsdu PS, et surtout de l’UMP, sur cesujet m’inquiètent fortement. Sicela devait se passer, ce serait laconfirmation que nous ne sommesplus en démocratie. Déjà, en fai-sant adopter, en 2008, par voie par-lementaire le Traité européen queles Français avaient rejeté par ré-férendum en 2005, UMP et PS ontmontré qu’ils n’étaient plus dansun état d’esprit démocratique. Ceserait une très grave atteinte contrela République de reproduire celaà la présidentielle.

Propos recueillispar Ludovic Vigogne

Chef du service politiquede Paris Match

FLORIAN PHILIPPOTDIRECTEUR STRATÉGIQUE DELA CAMPAGNE DE MARINE LE PEN

Pour Florian Philippot,Marine Le Pen n’est pas seulement là pour faire entendre la voix de ceuxqui n’en ont pas, la candidate du Front national est bien décidée à arriver au pouvoir pourchanger les choses.

«Letermepopuliste, nous l’assumonss’il signifie “êtreau servicedupeuple”.Remettre le peuple au cœurde tout,

enquoi serait-ceunemauvaise chose?»

THOM

ASSA

MSO

N/A

FP

«SI MARINE LE PEN N’ÉTAIT PAS CANDIDATE,CE SERAIT LA CONFIRMATION QUE NOUS

NE SOMMES PLUS EN DÉMOCRATIE »

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Enquoi la situationdeMarineLePen,danscette campagne,ressemble-t-elle àdessituationsque l’onapuconnaîtreavant,enquoi est-elle inédite?Si Marine Le Pen se situe à 18 %,elle est plus haute que son père ausecond tour de 2002. Elle donnealors un coup de boutoir supplé-mentaire et crédibilise sa stratégiede dédiabolisation. Pour elle, le vé-ritable échec serait de faire moinsbien. C’est en cela que 2012 va êtreun vrai test pour la vie politiquefrançaise : on saura si le score del’extrême droite en 2007 (10,4 %)marquait un retour à l’étiage na-turel de l’extrême droite ou consti-tuait une exception dans la pro-gression continue de ses scores.J’opte pour la seconde hypothèse.

Verra-t-onàcetteoccasionsi leparide ladédiabolisationduFNestgagné?2012 va permettre de juger la pre-mière étape. Marine Le Pen misebeaucoup sur l’après-présidentielle– après une défaite de Nicolas Sar-kozy. Si nous assistons à une im-plosion-recomposition de la droite,quelle sera l’attitude de cette der-nière vis-à-vis du FN ? Bien impru-dent celui qui peut le dire. Sur leterrain, la porosité entre une partiede l’électorat de droite et celui del’extrême droite augmente lorsquel’on évoque des sujets comme l’im-migration, la sécurité, l’identité.Je rappelle qu’après 1981 la ten-tation avait existé de réaliser uneunion de toutes les droites faceà l’ennemi commun, « le tout sauf

le socialo-communiste ». En 1983,Patrick Buisson [aujourd’huiconseiller officieux de Nicolas Sar-kozy, ndlr] avait publié un Guidede l’opposition, qui récapitulait, villeaprès ville, région après région,l’ensemble des forces politiquesde l’opposition, toutes y comprisle club de l’Horloge et le FN. Aufur et à mesure que s’estomperontles références gaullistes, au fur et àmesure que s’éloignera la détesta-tion que nourrissait Jacques Chiracvis-à-vis de l’extrême droite, au furet à mesure que disparaîtra le lea-dership de Nicolas Sarkozy sur soncamp, les choses deviendront plusfaciles pour Marine Le Pen.

Considérez-vousque,par rapportà l’histoirede l’extrêmedroite enFrance,MarineLePena fait prendredes tournants importantsàsonparti ?Marine Le Pen a pris des mesuresde suspension ou d’exclusion decadres. Ce sont des cas extrêmes,un élu qui fait un salut nazi parexemple. Oui, elle l’a fait, on nepeut pas pour autant dire quecela soit une preuve majeure denormalité ! Avec cette manière decultiver une forme de radicalité,le FN reste une singularité sur lascène européenne. Mais MarineLe Pen a introduit des inflexionsnouvelles dans l’idéologie de sonparti. La principale : sa ruptureavec le libéralisme, qui était hégé-monique au FN du temps de sonpère. Avec elle, c’est l’État fort, l’Étatstratège qui est mis en avant. Celadit, il y a aussi des indications

inverses. Par exemple, encore ettoujours, la préférence nationale.Dans le programme du FN, elleest une distinction entre Françaiset étrangers, et non entre Françaiset immigrés.

LesproposdeMarineLePensur laSecondeGuerremondialemontrent-ils qu’unepageesttournéepour l’extrêmedroite?La fameuse interview au Point nedoit pas être mal interprétée. Ma-rine Le Pen dit que ce qui s’estpassé dans les camps nazis est lesummum de la barbarie, mais ellene le nomme pas, elle ne parle pasdu génocide juif commis par lesnazis. Je le dis d’autant plus faci-lement qu’elle n’est pour moi niantisémite ni négationniste. Maiselle envoie des signes à la droite,car elle est persuadée que c’estce rapport avec l’histoire de laSeconde Guerre mondiale qui aempêché des accords, locaux ounationaux.

Est-ce lapreuveque,à ladifférencede Jean-Marie LePen,elle veut faireduFNunparti degouvernement?Dans la revue Réfléchir & Agir, en2009, Jean-Marie Le Pen expliqueque lui aussi voulait le pouvoir,mais que c’est la puissance desforces coalisées contre le FN qui luia rendu la tâche impossible. Le cor-don sanitaire était total. Marine LePen a sans doute une appétenceplus prononcée pour le pouvoir.Elle fait ainsi appel à la matièregrise des experts, mais elle touchelà aux limites de l’exercice. Le FN

dévalorise traditionnellement lavaleur de l’expertise, qui ne sertqu’à valider les hypothèses dusystème. Si l’appareil du FN étaitconstitué de technocrates issusdes mêmes strates que le PS oul’UMP, on aurait une banalisationqui empêcherait ce parti d’êtreidentifiable. On est au cœur duproblème :Marine Le Pen doit nor-maliser, pas banaliser.

Sondiscoursévolue, elleparlemoinsd’immigrationetplusd’économie.Vote-t-onpour elleen fonctiondesonprogrammeoudevaleurs?Elle a un déficit de crédibilité surles sujets économiques, notammentaux yeux de l’électorat UMP. Elle adonc intérêt à mettre l’accent surce thème. Mais elle prend aussitôtun risque : celui de ne pas faire ladifférence tout en prenant à contre-pied un électorat qui l’attend surles valeurs. Parfois, elle tente deconcilier le tout, comme lorsqu’elleaborde, dans son dernier livre, lamondialisation. Elle la présentecomme un phénomène objectif,mais dénonce « le projet mondia-liste », ce qui la resitue sur le ter-rain des valeurs.

L’électoratduFNest-il en traindes’élargir oudechangerdenature?Il s’élargit, parce qu’elle progressechez les femmes, les catholiques, lesclassesmoyennes. Mais le principaldiscriminant du vote FN n’est pasl’appartenance à une classe, c’est lediplôme (en dessous ou au-dessusde Bac + 2).

Si cet électoratnechangepasdenature, est-ceparceque l’onatteintunplafond?En Europe, le plafond pour ce typede parti se situe entre 25% et 30%.Ce sont souvent des phénomènespolitiques issus d’une droite ra-dicalisée plutôt que de l’extrêmedroite. On ne connaît pas le pla-fond en France. Ce qui est certain,c’est que la progression de ces for-mations a fait déplacer le centre degravité des droites vers une partieplus à droite de l’échiquier. Autreconstat : en France, de Giscard àChirac, de la gauche à Sarkozy,beaucoup de stratégies ont été ten-tées pour contrer l’extrême droite.Et rien n’y a fait, aucune n’a réussi.

SiMarineLePenn’obtientpasses500signatures, le FNsera-t-ilmenacéen tantqueparti ?Le FN a un problème structurel.Aux cantonales, il présente quatrecents candidats, mais n’a que deuxélus, dont un invalidé. S’il est ab-sent de la présidentielle, deux casde figure. Soit ce qui reste d’oppo-sition intérieure cherchera à entirer parti, sur le thème : toute lastratégie de Marine Le Pen se ré-vèle être un échec. Mais elle peutretourner cela à son avantage enexpliquant que sa stratégie de dé-diabolisation a si bien marchéque le système l’a jugée suffisam-mentmenaçante pour lui interdirel’accès même au premier tour.

Propos recueillispar Éric MandonnetRédacteur en chef adjoint

de L’Express

NUMÉRO 435, MERCREDI 15 FÉVRIER 2012 L’HÉMICYCLE 3

Agora

Jean-Yves Camus estimeque le Front national peut rassembler très au-delà de 20%. Pourle chercheur de l’IRIS, la normalisation de son parti voulue parMarine Le Pen a déjà déplacéle centre de gravité des droites vers la droite de l’échiquier politique.

«Sur le terrain, la porosité entre unepartie de l’électoratdedroite et celui de l’extrêmedroite augmente lorsque l’on

évoque l’immigration, la sécurité ou l’identité»

DR

JEAN-YVES CAMUSCHERCHEUR ASSOCIÉ À L’INSTITUTDE RELATIONS INTERNATIONALESET STRATÉGIQUES (IRIS)

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4 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 435, MERCREDI 15 FÉVRIER 2012

Agora

Le rôleduFNdans la sociétéfrançaise, à travers lesdébatsélectorauxmaisaussi à travers soninfluencesur lesmodesdepensée,est-il à un tournanthistorique?Le FN a depuis longtemps unefonction tribunitienne, qui prendune dimension particulière faceà la crise. Celle-ci donne un reten-tissement plus important à soninterprétation de l’antagonismeentre une partie de la population,en grande difficulté dans cetteconjoncture économique, et desélites jugées déconnectées desréalités et responsables de la dé-gradation de la situation. Lesfondamentaux du FN n’ont paschangé, le corpus idéologiquen’a pas totalement évolué, maisil dispose de points d’appui, depoints d’accroche plus solides. Cequi est frappant dans le dernierbaromètre TNS Sofres sur l’imagedu Front national, c’est de voir laprogression assumée (+ 9 points,31 %) dans l’adhésion aux idéesque nous présentons comme étantcelles du FN. Jusqu’à présent, évo-quer des « idées du FN » pouvaitretenir certains de déclarer leurproximité. Cette stigmatisation estaujourd’hui moins forte. D’abordparce que certaines de ces idéesdu Front ne sont plus seulementdéfendues par lui. S’en réclamerpeut donc être moins largementconsidéré comme une adhésionaux thèses du Front national. En-suite parce que Marine Le Pen aréussi à les enrober, elle a eu, en

quelque sorte, une action émol-liente sur ces idées. Elles sont ainsidevenues, d’une certaine manière,plus « acceptables ».

L’électoratduFNest-il en traindes’élargir oudechangerdenature?Quand on passe d’un électorat à10% à un électorat se situant entre15 % et 20 % d’intentions de vote,la composition change, même siles fondamentaux demeurent : unélectorat plusmasculin, plus popu-laire, avec un bagage économico-culturel moins important, ces élé-ments restent structurants. MarineLe Pen a réussi à améliorer son au-dience dans des catégories où elleétait déjà forte, de même qu’elle adébordé géographiquement au-delàde ses bastions.

Quelle est, pour cet électorat,dans lamotivationduvote,lapart d’adhésionaucandidat?Àdesvaleurs?Àdesthématiques?Àdespropositions?Marine Le Pen ne cesse de dire quele vote en faveur du FN s’est trans-formé en vote de construction.Cette part resteminoritaire. QuandTNS Sofres demande si les gensadhèrent non seulement auxconstats mais aussi aux solutionsdu FN, 11 % des sondés disentoui ; 31 % disent n’adhérer qu’auxconstats. L’addition des deuxchiffres est importante mais, quoiqu’elle dise, Marine Le Pen repré-sente d’abord une force de protes-tation, une force d’opposition.

Laporosité entre l’électoratduFNet lesautresélectorats croît.Quelleest LA lignedeclivagequi demeuresolide?Une ligne demeure très solide, c’estl’adhésion aux solutions propo-sées par le FN : le chiffre, on vientde le voir, reste très minoritaire.En revanche, une évolution estintéressante à noter. 53 % dessondés estiment que le FN estun danger pour la démocratie.La perception du FN comme undanger a progressé de manièretrès forte jusqu’en 1998, puis areculé. La nouveauté est ailleurs.Jusqu’à présent, le danger appa-raissait d’autant plus fort auxyeux des Français que le FN étaithaut dans les votes ou les inten-tions de vote. Or, aujourd’hui, leFN y est fort mais le sentimentqu’il représente un danger dimi-nue. En cela, nous vivons un mo-ment très particulier.

MarineLePenest-elledevenueunecandidate comme lesautresauxyeuxdesFrançais?Sa personnalité n’est pas celle deson père, elle a fait évoluer certainséléments de discours, par rapportà la Seconde Guerre mondiale, auxfonctionnaires ou à de Gaulle. Sonarrivée à la tête du FN, en janvier2011, fait aussi évoluer, à traversl’image qu’elle renvoie, le regardque portent certains sur ce mou-vement. Aujourd’hui, 41 % desFrançais pensent qu’elle est la re-présentante d’une droite « patriote,

et attachée aux valeurs tradition-nelles », 45 % un mouvement« d’extrême droite nationalisteet xénophobe ». Chez les sympa-thisants de l’UMP, ils sont 46 %(contre 45 %) à ranger le FN dansla catégorie de la droite patrioteet traditionnelle. Il reste des bar-rières, mais le changement est in-contestable.

MarineLePenparlebeaucoupd’économieaudétrimentdel’immigration.Cechoix vousparaît-il un risquestratégiqueou l’adhésiondépasse-t-elledésormais les terrainshabituelsde l’extrêmedroite?C’est la crise ! Marine Le Pen n’apas lâché les fondamentaux quiconstituent son socle, elle complèteson propos et met en perspectivela crise. Elle est dans un contexte,et elle utilise ce contexte.

A-t-elledésormaisatteintunplafond,ou,aucontraire,est-elle seulementàunpalier ?Cela dépendra beaucoup du rap-port de force entre les candidats,et non simplement d’elle. Pourl’instant, cela ressemble plutôt àun plafond, mais un plafond trèsélevé, le double de ce qu’il était ily a seulement cinq ans. Elle conti-nue de buter sur une difficultémajeure, celle de sa crédibilitéprésidentielle et de l’applicabilitéde ses idées. À titre d’exemple,une donnée est intéressante dansnos études : un tiers des Français

souhaitent la sortie de l’euro, maisseulement un tiers de ce tiers desondés se dit que c’est réaliste !

Selon le résultatde laprésidentielle, le FNpeut-il devenirunparti degouvernement?Si Nicolas Sarkozy perd, une re-composition peut commencer, au-tour de nouveaux clivages. Maisrestons prudents : pour la droitetraditionnelle, ce serait lâcher uncertain nombre de points consti-tutifs pour elle de son identité quede s’allier avec le FN. Ce serait donccasser un schéma fort et perdre parla même occasion de nombreuxsoutiens.

L’obtention,oupas,des500signaturesd’élusquipermettraientàMarineLePendeseprésenter à l’électionprésidentielle constitue-t-elle unélément importantdans le regardportépar l’opinionsur leFN?Les Français sont très partagés surle respect de cette règle ou sur lanécessité d’en changer. Ce qui estcertain, c’est que l’absence de Ma-rine Le Pen constituerait un choc,que personne ne peut mesurer àl’avance, qu’aucun sondage actuelne peut anticiper. Cela aurait deseffets sur la participation à la pré-sidentielle, sans doute, et aussisur les législatives, mais difficilede se situer aujourd’hui dans untel schéma.

Propos recueillispar Éric Mandonnet

ÉDOUARD LECERFDIRECTEUR GÉNÉRALTNS SOFRES

Pour le directeur général de TNSSofres qui publie chaque année une étude sur les Françaiset le Front national, l’électorat FNdemeuremasculin et populaire. Pour Édouard Lecerf,l’habileté deMarine Le Pen est d’enrober les idées traditionnelles du Front dans une enveloppeacceptable par une partie des électeurs les plus à droite de l’UMP.

«Pour ses électeurs,Marine LePen représented’aborduneforced’oppositionetbeaucoupplusuneforcedeprotestation

qu’une forcedegouvernement»

DR

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NUMÉRO 435, MERCREDI 15 FÉVRIER 2012 L’HÉMICYCLE 5

Si la polémique autour des dé-clarations de Claude Guéanta embrasé l’hémicyle et pro-

voqué des réactions en cascade, lemano a mano Sarkozy-Merkel àl’Élysée, puis sur France 2, a égale-ment fait réagir les élus aux QuatreColonnes. «Une rencontre CDU-UMPà la présidence de la République, elleaurait pu se tenir au siège de l’UMP »,raille le communisteRolandMuzeau(Hauts-de-Seine), qui dénonce « unemise en scène théâtrale, quelque peuoutrancière », tandis que ClaudeBartolone (PS, Seine-Saint-Denis) avu dans cette interview croisée« un moment de télé bizarre : c’étaitMmeMerkel venant remercier NicolasSarkozy d’avoir cédé à ses exigencessur le rôle de la BCE [la BCE ne peuttoujours pas prêter aux États maisseulementauxbanques,ndlr], l’aban-don de la taxe Tobin et le renoncementaux grands travaux. »Cette rencontre franco-allemande apermis aux élus de gauche de mar-teler la volonté de FrançoisHollandede renégocier le Traité européenafin d’y ajouter un volet sur la crois-sance, et à ceux de droite de dé-noncer cette attitude « contraire à lacontinuité républicaine », « totalementirresponsable, électoraliste qui pourraitentraîner un blocage de l’Europe »(Nicolas Forissier – UMP, Indre-et-Loire). Mais par-delà la querelle in-stitutionnelle, l’engagement de lachancelière allemande en faveur deNicolas Sarkozy à la présidentielleinterpelle les députés de lamajorité,

qui se demandent si « c’est bon poureux ».Oui, calcule François Goulard(UMP, Morbihan), « pour l’électoratde droite c’est plutôt positif ».D’ailleurs pour Marie-Louise Fort(UMP, Yonne), cet engagementrelève de « l’évidence. Si le couplefranco-allemand ne manifeste pas sonentente, on va vers l’explosion !!! »Au-jourd’hui « il y a une telle proximitéentre la France et l’Allemagne », quecet engagement semblenormal pourMarc Le Fur (UMP, Côtes d’Armor).Ravi que « l’évidente différence de tem-pérament ait été transcendée », GuyGeoffroy (UMP, Seine-et-Marne)s’émerveille devant « deux chefs degouvernement vraiment en phase, c’estune relation très équilibrée ». À cescongratulations s’oppose la réactionspontanée mais « off » d’un baronde la majorité, qui qualifie le manoamanoMerkel-Sarkozy de « conne-rie », avant de se reprendre et deconcéder « qu’une fois ça va, mais ilne faudrait pas qu’elle soit omnipré-sente dans la campagne ». « Point tropn’en faut », estime également PierreMéhaignerie (UMP, Ille-et-Vilaine).Président de la commission des af-faires sociales, il reste prudent sur laconvergence franco-allemande ré-clamée par son camp, car il connaîtles limites du fameux modèle alle-mand, avec ses quatre millions dejobs à 400/500 euros par mois, caren Allemagne le Smic n’existe pas.D’après lui, si Angela Merkel sou-tient aussi ouvertementNicolas Sar-kozy, c’est parce qu’elle redoute que

« la France ne soit plus, avec l’Alle-magne, un pilier de l’Europe ».MichelSapin semble lui répondre en écho :« Personne ne peut prendre le couplefranco-allemand en otage. La relationfranco-allemande est trop précieusepour être abîmée ; ce n’est pas la cam-pagne électorale qui pourra abîmercette amitié. » Ce proche entre lesproches de François Hollande s’ef-force de faire la part des choses ets’exerce à l’art du langage diploma-tique : « Mme Merkel, c’est la respon-sable d’un parti de droite qui vientsoutenir un responsable de droite ; ilse trouve par ailleurs qu’elle estchancelière du principal partenairede la France. Au-delà de l’élection, lachancelière sera la responsable légitimeen Allemagne. On épargne la chan-celière… Les Français jugeront del’utilité pour Nicolas Sarkozy d’êtresoutenu par Angela Merkel. » Dontacte. L’ancien président de la com-mission des affaires étrangères Fran-çois Loncle (PS, Eure) semontre plusabrupt à propos de ce « mano amano complètement artificiel ; aprèsdes relations distendues, ce grandamour affiché ne trompe personne.Merkozy est contre-productif. Contrai-rement à Kohl, Merkel n’est pas popu-laire en France. » L’élu normand voitdéjà au-delà du 6 mai : « À partirdu moment où François Hollande adit qu’il lui réserverait sa première vi-site s’il est élu, il faudra bien qu’ellecompose. » D’ici là droite et gaucheauront d’autres occasions de po-lémiquer autour de la présence

d’Angela Merkel aux côtés du can-didat Nicolas Sarkozy, et de s’in-vectiver sur le bien-fondé d’uneéventuelle renégociation du futurtraité. Un débat vain, si l’on en croitJacques Myard (UMP, Yvelines),« un traité non ratifié [par le Par-lement ou par référendum], ce n’estpas un traité. La négociation peutreprendre à tout moment. » Ce n’estpas le député mais l’ancien colla-borateur du service juridique duQuai-d’Orsay qui parle ; il tempèrecependant les ardeurs du candi-dat socialiste : « Reste à savoir s’il[François Hollande] ne va pas tombersur un os, car politiquement ce seraextrêmement difficile » ! Politique-ment, justement, «Hollande n’a pasle choix », note le socialiste TonyDreyfus (Paris) qui en a vu d’autreset pense qu’« on peut toujours chan-ger une virgule !!! »

AuxQuatreColonnes

Guéant d’un côté, Merkel-Sarkozy de l’autre, les députés sont entrés euxaussi de plain-pied dans la campagne électorale. Avec plus de doutes quede certitudes. À l’Assemblée comme ailleurs, il y a le « on » et le « off ».Ce qu’on dit officiellement et ce qu’on pense vraiment. La partition estsouvent bien différente.Par Anita Hausser

Candidat ? Nicolas Sarkozyl’est, évidemment. Le sus-pense des derniers jours ne

concernait que la date choisie pourl’annoncer. Le Président a envied’en découdre. « On est chaudbouillant », prévient-on à l’UMP.Ça promet. En attendant, le « Pré-sident sortant », comme l’appellentdésormais les deux François, Hol-lande et Bayrou, annonce la cou-leur : il fera campagne sur les

valeurs et ce seront les valeursde la droite. Il lance en pâture àses adversaires quelques beaux su-jets de polémique. Se rappelantqu’il vient du gaullisme, il suggèred’organiser des référendums surdes sujets « chauds », justement :le chômage et l’immigration. Fran-çois Hollande s’indigne. Et Bay-rou, que l’on découvrait un peumoins antisarkozyste ces dernierstemps, reprend sa toge d’opposant

numéro 1 et crie « stop ! ». Àmoins de deux mois du premiertour, le climat se fait plus âpre.On l’a vu à l’Assemblée nationale,lorsque le Gouvernement (unepremière depuis l’Affaire Dreyfus !)a quitté l’hémicycle, FrançoisFillon en tête, pour marquer sonindignation face au député (appa-renté socialiste) Serge Letchimy,qui avait répondu en utilisantles mots « nazi » et « camps de

concentration », (à utiliser pour-tant avec précaution) à la phrasede Claude Guéant sur les civili-sations qui « ne se valent pas ».Depuis, y compris aux Antilles, leministre de l’Intérieur ne cessede faire l’explication de texte desa phrase. Il persiste, signe etdonne ainsi, une fois de plus, uncoup de pouce à Nicolas Sarkozy,dont la candidature devrait donccliver.

Les mots de la semaine ParBéatriceHouchard

Valeurs, référendums, stop, cliver

Nicolas Sarkozy peut-il revenir du dia-ble Vauvert ? Donné systématiquementbattu dans toutes les enquêtes d’inten-tions de vote depuis le début de la pré-campagne, le candidat-Président veutcroire qu’il peut remonter son retardsur François Hollande. Et relancer cematch qui paraît aujourd’hui plus quecompromis.Son influent conseiller Patrick Buissonl’a convaincu que cette élection –malgréles sondages qui pointent un écart ausecond tour de huit à dix points actuel-lement – se jouerait « à une poignée devoix ». Qu’il devait donc lancer sa cam-pagne en « clivant » sur des thèmes desociété très sensibles (mariage gay, eu-thanasie, assistanat, immigration) pourramener vers lui l’électorat populairetenté par le vote FN ou l’abstention.Qu’il fallait enfin conforter le noyaudur de la droite catholique pratiquantetourneboulée par le quinquennat deNicolas Sarkozy.La stratégie est osée. Mais le candidat-Président a-t-il d’autres choix ? Celle duPrésident protecteur et rassembleur n’apas porté ses fruits. Celle du Président« sauveur » de l’Europe et « homme descrises » n’a pas été récompensée nonplus dans les enquêtes d’opinion. Àmoins de soixante-dix jours du premiertour, Nicolas Sarkozy a donc décidé deprendre la piste noire. Celle du risquemaximum. Celle qu’aucun de ses prédé-cesseurs n’avait osé emprunter : cliverplutôt que rassembler. C’est-à-dire tenterde faire revenir au bercail les électeursde 2007 partis chez Marine Le Pen.Le risque, bien sûr, c’est d’ouvrir un es-pace béant au centre. François Bayroua, dès la publication de l’entretien auFigaroMagazine, dénoncé une « droitisa-tion ». Évoqué une « ligne de combat ».Appelé les « humanistes » à le rejoindre.En vain pour l’instant. Même si Jean-Louis Borloo a pris ses distances avec lanouvelle ligne Sarkozy sans toutefois…rompre.Dans le camp sarkozyste, on récuse ceprocès en droitisation. À entendre sesconseillers, la stratégie est plus popu-laire que droitière. Les thèmes choisissont certes clivants mais ils touchentdirectement cet électorat populaire par-tagé entre le vote FN ou un retour versla gauche de Jean-Luc Mélenchon.Nicolas Sarkozy tente d’ouvrir unebrèche en espérant refaire le coup de2007. En difficulté sur les résultats, ilremet en avant les valeurs. Cela peutcontribuer à le faire remonter au pre-mier tour. Reste à savoir comment ilpeut faire reculer l’antisarkozysme, quibloque – pour l’instant – toute possi-bilité de victoire au second.

L’opinionde Bruno Jeudy

Piste noire

DR

Merkozy,point tropn’en faut

Plan large

NoëlMamèreaété souventplus inspiré. Enqualifiant

ClaudeGuéantde«petite frappe»,il cèdeà son tour à lapolitiquedel’insultequi negrandit pas sesauteurs.D’autantque les spécialistesde l’argot et de la voyoucratiepourraient expliquer à l’anciencandidat vert que la définition depetite frappe n’a rien à voir avec lapersonnalitéduministrede l’Intérieur.En l’occurrence, Noël Mamère amanquédevocabulaire. R.N.

Inapproprié

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6 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 435, MERCREDI 15 FÉVRIER 2012

Plan large

LavacancedeM.Hulot

Un malentendu permanentsemblemarquer cette cam-pagne écolo. La candida-

ture à la présidentielle était loin

de faire l’unanimité. Mais c’estcette ligne, défendue notammentpar Cécile Duflot et Jean-VincentPlacé, qui l’a emportée. Daniel

Cohn-Bendit prônait l’abstinenceet préférait négocier sur les bonsscores des élections européennes(16,2 %) et régionales (14,5 %).L’épisode des primaires fut encoreplus compliqué. Nicolas Hulot,parti trop tard, s’est senti trahiune première fois avec le choix dumode de scrutin qui privilégiaitles Verts alors qu’il souhaitait unelarge ouverture. Il a ensuite subiles attaques, parfois violentes etinsultantes, ou les fuites dans lapresse organisées par certains par-tisans d’Eva Joly.Entre ceux qui ne voulaient pasde candidat, ceux qui préféraientHulot, ceux qui n’ont pas aiméle ton des primaires, ni l’accordavec le PS, ni les sorties parfoishasardeuses d’Eva Joly, cela faitévidemment beaucoup pour unedynamique de campagne.Du côté des partisans de Hulot,membres du premier cercle, l’amer-tume est palpable. Ils reconnaissentdes erreurs de leur favori ; pourGérard Feldzer, conseiller régionald’Île-de-France (EELV) et complicede longue date, « On n’aurait pasdû accepter les conditions de la pri-maire. Nicolas aurait dû y aller seul.Je suis persuadé qu’il aurait fait unbien meilleur score que celui quis’annonce pour la candidate. »Autre grief, l’absence de fond dansla campagne : « On ne parle plus des

vrais sujets, c’est dramatique ! » seplaint Franck Laval, président del’ONG Écologie sans frontière etprincipal initiateur du Grenellede l’Environnement. « On va seretrouver comme des c… en laissantcroire que 97 % des électeurs ne s’in-téressent pas à l’écologie. »Matthieu Orphelin, conseiller ré-gional (EELV) dans les Pays de laLoire et autre très proche de Hulot,dit ne pas vouloir « taper sur sonpropre parti », mais « il faut recon-naître que la campagne n’est pas sa-tisfaisante, pas cohérente. Des sujetsaccessoires émergent au détrimentde l’essentiel. Je pense au 14-Juilletou aux jours fériés pour les fêtes re-ligieuses. Il vaudrait mieux nousconcentrer sur les réponses que peutapporter l’écologie à l’urgence écono-mique et sociale, au pouvoir d’achat,à la qualité de la vie. L’écologie n’estpas à sa place et ça fait mal au cœur.En 2007, Voynet et Bové addition-nés, c’était presque 3 %. Là, on estencore plus bas ! »Les critiques les plus vives, et quidépassent le cercle des partisans deHulot, concernent surtout l’accordpassé avec le PS. Les responsablesécologistes et Eva Joly ont répétépendant des semaines que la sortiedu nucléaire n’était pas négociablemais cette revendication essentiellea été oubliée. « Les Verts sont deve-nus un parti de petits boutiquiers qui

soignent leur plan de carrière », s’in-surge Franck Laval. « Duflot a toutbradé en échange d’une circonscrip-tion imperdable à Paris. »Comment ce cauchemar va-t-ilse terminer ? Il est possible quel’actuelle direction soit remise encause. Il n’est pas certain que lescirconscriptions « réservées » per-mettent aux écologistes de l’em-porter car les dissidences côté PSse multiplient. Il est probable quedes membres d’EELV s’en aillentvoir ailleurs pour intervenir directe-ment au sein des « grands partis »comme l’ont déjà fait certainsd’entre eux (Jean-Luc Bennahmiasau MoDem, Aurélie Filippetti etPierre Radanne au PS).Si l’on croit Roger Cans, historiende l’écologie*, le chemin s’an-nonce difficile : « Je suis effondré.La candidature d’Eva Joly est suici-daire. C’est une catastrophe qui vacoûter très cher. Les Verts ne s’inté-ressent plus à l’écologie. L’uniqueambition est d’obtenir des sièges.C’est terrible de voir des écolos se pré-sentant comme alternatifs se retrou-ver à ce point avalés par le système.La machine politique a recyclé lesécolos en notables ! »Seule certitude après le printemps :ça va bouger !

*PetiteHistoiredumouvementécoloenFrance, 2006,DelachauxetNiestlé.

L’ancien candidat à la primaire écologiste accuse Eva Joly et ses soutiens d’avoir fait virer les Vertsau rouge. Il estime que c’est l’écologie qui en paiera le prix fort à la présidentielle avec un scoreélectoral très faible. Et du coup, il n’entend pas cautionner par un soutien affiché à la candidateofficielle le désastre annoncé.

Par Jean-LouisCaffier

Quelle analyse faites-vousdela campagnemenéeparEELVetEva Joly?Cela me désole mais ne me sur-prend pas. J’ai tiré les conclusionsen allant voir ailleurs il y a cinqans. Les Verts ont une incroyablecapacité à reproduire les mêmeserreurs. La présidentielle, ce n’estpas une campagne de propagande,c’est une personne qui s’adresseà l’opinion. L’erreur d’analyse desprécédents scrutins est énorme.Les Verts se sont glorifié de bons

résultats mais, aux régionales ouaux européennes, la participationn’était respectivement que de 47 et40 %. Pour la présidentielle, c’est80 ! On ne s’adresse pas au mêmetype d’électorat !

L’écologiepolitiquea-t-elleencoreunavenir ?Bien sûr. On a besoin d’un vraiparti écolo. Le problème, c’estque ce sont les Verts qui ontgagné. Europe Écologie n’existeplus. L’écologie n’est absolument

pas au centre de la campagnedes 4 candidats en tête dans lessondages. Du coup, la raisond’être d’un parti écolo se justifie.Après la claque prévisible à laprésidentielle, on verra ce quecela donne aux législatives puisaux municipales.

Leproblèmen’est-il pasaussi queles«grandspartis»ontcommencéà intégrer ladimensionécologiquedans leursprogrammes?Oui, mais il ne faut pas exagérer.

La notion de développement du-rable est entrée dans les mœurspolitiques. Ça progresse, c’est cer-tain, mais doucement. Le pro-blème, c’est que vu l’ampleur dela crise, il est difficile, pour tout lemonde, de « vendre » du dévelop-pement durable ! Et avec les Verts,on va dans le mur. Ils n’ont quedes points de vue idéologiqueset fondamentalistes. L’énergie enest le meilleur exemple !

Propos recueillispar J.-L.C.

« Les Verts vont dans le mur »Ancien vert « historique », de 1984 à 2007, Jean-Luc Bennahmias a rejointFrançois Bayrou et leMoDem. Il est député européen.

Nicolas Hulot. Il ne soutiendrapas la candidated’EuropeÉcologie-LesVerts. L’ancienprésentateurdeTF1 entendsortir de sonsilenced’icile premier tour enseprésentant commeunécologiste libre ethorsparti.PHOTO JEAN-PIERREMULLER/AFP

JEAN-LUCBENNAHMIAS

3 questions à

PHOTO JACQUESDEMARTHON/AFP

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NUMÉRO 435, MERCREDI 15 FÉVRIER 2012 L’HÉMICYCLE 7

ParMichèleCotta

CahiersdecampagneLundi 6 févrierNicolas Sarkozy et Angela Merkella main dans la main sur France 2,à l’issue du 14e sommet franco-allemand. Au programme officiel,la Grèce. L’accord entre la chan-celière et le Président est sur cepoint complet : pas un sou ne seradonné à la Grèce si son gouverne-ment n’impose pas à son peuplela rigueur que lui demandent lesnégociateurs européens.Ne figurait pas sur le menu de larencontre, en revanche, la révéla-tion publique d’un nouveau cou-ple politique tel qu’il s’est affirmédans l’interview commune accor-dée à France 2 par les deux diri-geants, l’Allemande et le Français.Angela Merkel pèsera-t-elle detout son poids sur la réélectionde Nicolas Sarkozy ? En tout cas,elle ne pouvait pas en faire davan-tage pour affirmer sa préférence :hochements de tête approbatifslorsque son compagnon françaiss’exprimait à l’antenne, complici-té manifeste, échanges de regardsamicaux, refus à peine poli de lachancelière de recevoir FrançoisHollande avant le 22 avril.D’abord, a-t-elle expliqué, parce

que la CDU allemande et l’UMPsont des partis « amis ». Ensuite etsurtout parce que Nicolas Sarkozyet Angela Merkel y ont tous deuxintérêt. La chancelière, qui veutmontrer que l’Europe qu’elle pro-pose n’est pas une Europe alle-mande. Le Président français, quin’est pas fâché d’apparaître commele partenaire principal de l’Alle-magne, capable avec elle de sortirl’Europe de la crise.Qui parle lorsque Nicolas Sarkozyapparaît sur les écrans ? Le Présidentfrançais en exercice, dans toutela majesté de sa fonction, ou bienle futur candidat enchanté de

montrer qu’il est le seul, en France,à pouvoir éviter la catastrophe eu-ropéenne ? Aucun doute : le Pré-sident jouera de cette ambiguïtéjusqu’au dernier moment, atten-tif à apparaître comme l’hommepolitique responsable, en chargede dossiers vitaux pour l’avenir,face à son adversaire principal,François Hollande.Une question subsidiaire, pourtant :comment l’intervention d’AngelaMerkel dans la campagne prési-dentielle française sera-t-elle ap-préciée des Français ? Comme uneintrusion aux limites du suppor-table ? Ou un coup de poucesomme toute normal à un amipolitique en difficulté dans lessondages ? Modèle social françaiscontre modèle allemand ? Il n’estpas sûr que, dans ce cas, le coup depouce d’Angela Merkel ait l’effetrecherché.

Mardi 7 févrierC’est Alain Juppé qui l’a dit : lemot « civilisation », dans la phrasede Claude Guéant dimanche der-nier, est « inadéquat ». Le ministrede l’Intérieur aurait seulementvoulu défendre l’idée qu’il y a

d’un côté les pays « qui défendentla liberté, l’égalité et la fraternité »et de l’autre ceux dans lesquelsrègnent « la tyrannie, la minoritédes femmes, la haine sociale ouethnique », qu’il n’y aurait euaucune polémique. En revanche,Claude Guéant n’est pas un enfantde chœur, il ne prend pas d’initia-tives sans en référer en haut lieu.Lorsqu’il a ajouté : « Contrairementà ce que dit l’idéologie relativiste degauche, pour nous toutes les civilisa-tions ne se valent pas », la nôtreétant considérée bien entenducomme supérieure, il savait bienqu’il agitait un chiffon rouge

devant l’opposition. Et que sespropos, reprenant le vocabulairehabituel de l’extrême droite,allaient apparaître comme unénorme clin d’œil aux électeursdu Front national. D’autant qu’in-terrogé sur Canal + ce matin sur lasignification de ses propos, le mi-nistre a répondu clairement quecequi était en cause pour lui, c’étaitla religion musulmane. Cela porteun nom : nourrir la polémique.C’est ce qui s’est passé l’après-midi même à l’Assemblée natio-nale, où Serge Letchimy, députéapparenté socialiste de la Marti-nique, a mis en cause cette civili-sation supérieure qui, « au boutd’un chapelet esclavagiste et colo-nial », a créé les camps de concen-tration. À propos provocateurs,réponse qui ne l’est pas moins.S’en est suivi un clash rare dansl’hémicycle : précédé par FrançoisFillon, le Gouvernement et lamajorité ont quitté la séance. Cequi, entre parenthèses, a fourni auPremier ministre une belle occa-sion : celle de ne pas répondre à laquestion d’actualité du députésocialiste, et de ne pas défendrepubliquement les propos deClaudeGuéant, qui l’embarrassaient.Le soir, dîner du Crif. L’occasiond’une rencontre « républicaine » aucours de cette soirée dans laquellese pressent dignitaires et élus detous bords. À l’exception, notable,de François Bayrou, jugeant lamanifestation trop « communau-taire » à ses yeux, ce qu’elle ne secache pas d’être en effet.Fendant la foule, Hollande sefraie un chemin jusqu’à la tablede Nicolas Sarkozy : aux côtés deSimone Veil, le Président fait faceau président du Crif, RichardPrasquier. Hollande salue Sarkozy,le Président se lève, rajustant saveste, rend son salut au candidatsocialiste qui sourit largement,le tutoie, les flashes crépitent,des applaudissements éclatent etaussi quelques sifflets. Hollandes’éloigne, avec un « À bientôt »nonchalant : effectivement, lesdeux hommes sont appelés à serevoir.

Vendredi 10 févrierSarkozy candidat ? Pas tout à fait.Un pas de plus vers la candida-ture, plutôt, vers laquelle il se di-rige par séquences progressives.Avec une préoccupation : commentéviter de faire campagne sur sonbilan, que ses adversaires necessent de dénoncer ? Il lui fautavoir des idées neuves, donc. Pas sifacile au bout de cinq ans de man-dat : courage, mérite, continuité

dans la réforme, travail, responsa-bilité, autorité, il a décliné depuis2007 tous ces mots-là.Il lui faut en trouver d’autres,changer de registre : parler des va-leurs permet au Président sortantune échappée. Valeurs de la droitecontre valeurs de la gauche, voilàce qui peut donner de l’air à lacampagne qui, faute de sa candi-dature officielle, n’a pas encorecommencé.Mais pourquoi diable NicolasSarkozy a-t-il choisi d’avancerautant de propositions provoca-trices ? La dénonciation de l’assis-tanat, à une période où la Francecompte près de 10 % de chô-meurs, pas tous heureux de l’être.De l’immigration, incompatible,ou presque, avec « les racineschrétiennes de la France ». L’usagedu référendum pour couronnerle tout, comme pour approfondirles distances entre le peuple etses élites.Ce faisant, Nicolas Sarkozy a choisisa route : ce sont les électeurstentés par le Front national, à unmoment où Marine Le Pen neparvient pas à réunir ses signa-tures, qu’il a choisi de séduirepour le premier tour. Un paririsqué, qui en a surpris plus d’undans son camp, où l’on attendaitplutôt quelques ouvertures àFrançois Bayrou en prévision dudeuxième.

Samedi 11 févrierRéaction plus que ferme, courrou-cée, de François Bayrou à l’inter-view de Nicolas Sarkozy. L’extrêmeconviction du candidat centristese sent, cet après-midi, jusque danssa voix : les valeurs de NicolasSarkozy sont « la négation mêmed’un certain nombre de valeurs quiont fait la France ». En ciblantles chômeurs dès les premièresphrases de ce qui apparaît commesa feuille de route, le Président sor-tant fait d’eux les responsables dela crise dont ils sont les premiers àsouffrir, et qui n’est pas de leur fait.« La République, dit encore FrançoisBayrou, n’abandonne pas les plusfaibles. » Les raisons de cette « droi-tisation » ne sont pas un mystèrepour lui : il s’agit d’aller chercherdes soutiens dans le « grenier àvoix » de l’extrême droite.On s’attendait certes, de la part deBayrou, à une réaction forte à l’in-terview du Président. À ce point !« Réarmer l’humanisme » : le com-bat entre le leader du centre et lePrésident sortant se fera valeurscontre valeurs. Il n’est pas dit, pourFrançois Bayrou, que celles de ladroite soient plus chères au cœurdes Français : si Nicolas Sarkozytente de siphonner les voix du Frontnational, Bayrou est convaincuqu’il peut, lui, siphonner celles dela droite. Et, du coup, être en pistepour le second tour.

Plan large

Angela Merkel etNicolas Sarkozy, sur France2, lundi6 février.AngelaMerkel adécidédepeserde tout sonpoidspour la réélectionduPrésident français. PHOTO FRANCE 2/AFP

Nicolas Sarkozy,François Hollande etSimone Veil, audînerduCrif. L’occasiond’une rencontre« républicaine»provoquéepar le candidat socialiste. PHOTO CHRISTOPHE GUIBBAUD/AFP

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L’admiroir

Bruno Le Maire ou la politiqueen toutes lettres

Peu importe que l’un de sesauteurs favoris, l’écrivainautrichienThomasBernhard,

dans son livre Maîtres anciens, aitécrit que « la véritable intelligence neconnaît pas l’admiration, elle prendconnaissance, elle respecte, elle estime,c’est tout ». Et que cet auteur pharede l’Europe d’après-guerre, dans LeNaufragé, ait employé une formuleplus lapidaire encore, estimant que« seul l’imbécile admire ». Leministrede l’Agriculture, de bonmatin dansson bureau de la rue de Varenne,posture décontractée – un pied sursa table basse devant un café etun grand verre de jus d’orange –mais l’esprit concentré, n’a pashonte de se livrer à pareil exercice.Au contraire. « Je procède beaucouppar admiration, reconnaît-il d’em-blée. C’est un antidote à l’envie, à lajalousie. » Il cite pour mémoire lespersonnalités qu’il respecte, commePierreMendès France pour son sensdes responsabilités, Robert Badinterpour son talent, Simone Veil dontil salue le courage, et Dominiquede Villepin dont il fut le directeurde cabinet àMatignon.Mais aucunparmi euxne saurait incarner cequeBruno LeMaire appelle unmodèle,« quelqu’un qui vous rappelle à l’ordre,qui vous indique ce qu’il faut viser,l’idéal vers lequel vous devez tendre.C’est très important en politique, decerner cet idéal, de le fixer ».

Vertus cardinalesPlume à la main, le concepteurdu projet présidentiel de l’UMP adéjà réfléchi à l’exercice du pou-voir, à ses grandeurs, à ses ser-vitudes et à ses faux-semblants,comme dans son livreDes hommesd’État (Grasset) ou dans un ou-vrage plus récent, Sans mémoire, leprésent se vide (Gallimard), dans le-quel, mettant à profit l’éruptionparalysante d’un volcan islandaisen avril 2010, il finalisa troistextes sur la mémoire, la patienceet l’autorité, des vertus à ses yeuxcardinales pour « guider chaque dé-cision prise au service de tous ».Une fois citées quelques figureshistoriques, Cicéron, Richelieu,Colbert (« ils m’accompagnent, jelis leurs textes »), une fois honorée

la mémoire du Général (« Je suisprofondément gaulliste, avec toutle mélange de distance, de froideuret de composition que représentede Gaulle »), ce germaniste etgermanophile, plus familier del’Allemagne que de la Grande-Bretagne, sourit de son contre-pied : s’il doit acquitter une detteen reconnaissance, c’est bien àWinston Churchill qu’elle revient.« J’ai pour lui un attachement affec-tif, explique Bruno Le Maire l’œilbrillant, pénétré autant que pétride son personnage. Au XXe siècle,il est celui qui a fait preuve d’unecapacité de résistance exception-nelle. Il a su dire non, dire aussi lavérité à son peuple dans des condi-tions très difficiles. Churchill nousrappelle ce devoir de vérité. Lasienne était militaire. La nôtre seplace sur le terrain économique, en

termes d’emplois. Il faut la diremême si cela rend impopulaire. »

La narration de l’actionQue son peuple l’ait renvoyéaprès la Libération – comme deGaulle en France –, lui inspire uneréflexion profonde sur la naturemême de son engagement. « C’estle destin de tout homme politique,dit-il sans états d’âme. Le peuple araison. Un dirigeant est à son service.Le peuple est lucide sur ce dont il abesoin. Vous correspondez à ce qu’ilattend à un moment donné. Puisil vous renvoie. » Un constat quidonne selon lui à Churchill toutesa grandeur dans l’authenticité.« Il a su rester lui-même. Il aimaitboire, il buvait. Il aimait fumer le ci-gare, il le fumait. Il aimait le peupleanglais, il le lui disait. Il aimaitécrire, il écrivait. » Ce dernier point

est capital pour leministre-écrivainqui n’entend pas l’action sans lanarration de l’action. Ses admira-tions, il ne les puise pas par hasardchez ceux qui ont écrit leur chan-son de geste politique. Comme sirien n’existait de l’existence, deses faits d’armes, qui n’ait laisséde trace manuscrite. « J’ai toujoursbeaucoup écrit et toujours beaucouplu, c’est ma vie », affirme BrunoLe Maire. « Tous ceux qui ont réussià mêler politique et culture m’ins-pirent, poursuit-il, ceux qui ont écriten captant la musique des mots, quiont vécu intensément la réalité etdonné à lire leur représentation de laréalité. » Là, il cite Richelieu avantde revenir à Churchill. « Loin de-vant de Gaulle, il est le plus écrivainde tous par sa capacité à raconter desanecdotes, par son talent pour voirles choses. C’est extraordinaire de lire

le récit de sa jeunesse, sa relation avecsamère, son passage dans la cavalerie,ses chutes de cheval, où transparaîtune grande humilité, sa découvertede l’Inde. »Uneœuvre qui débordepour ce lecteur passionné « d’unehumanité exceptionnelle, d’un hu-mour britannique très distancié »chez un monstre sacré « qui n’estjamais dupe ».

Un biais dépressionnaireEnfin, Bruno Le Maire voit dansl’ancien Premier ministre britan-nique un véritable Européen attestépar… ses dépressions chroniques.« La dépression est une forme d’incar-nation de l’Europe », affirme leministre, établissant ainsi le ratta-chement inattendu de Churchilll’insulaire au Vieux Continent. Demême, c’est par ce biais dépression-naire qu’il tisse son lien avec Tho-mas Bernhard, dont il place trèshaut dans son panthéon personnell’œuvre tourmentée. « J’ai essayé defaire le mieux avec ce qui était moi-même », dit-il de mémoire, citantl’écrivain autrichien. « C’est par saréflexion que cet homme a fait explo-ser les dimensions de l’Autriche. D’unpetit pays, il a donné par ses écrits unevision immense. »Insensiblement, Bruno Le Mairerevient à la source écrite de sesadmirations. À l’entendre, c’est parl’imagination, c’est par les motsque l’Europe « a encore des chosesà dire à la Chine, à l’Inde, au Brésilet aux États-Unis. Son intelligence estvivante et dépasse les frontières. »Il l’affirme avec force : « L’Europegagnera grâce à la puissance de saculture. » Au fond, on n’attendaitpas d’autre credo de cet admirateurde Proust, qui consacra sa thèse àla statuaire dans À la recherche dutemps perdu. « Dans la vie politique,je me donne aux autres, je suis au ser-vice des autres. Écrire est une questionde liberté. Je ne la négocie pas. Je veuxme ménager la liberté intellectuellela plus forte possible. Je la trouvedans les livres et dans les mots »,affirme ce normalien agrégé delettres modernes dont le prochainlivre sera consacré au chef d’or-chestre autrichien Carlos Kleiber,mort en 2004.

PourBrunoLeMaire, la politiquenepeut aller sansuneexplicationet une justificationqui passentparl’écrit. Leministre de l’Agriculture voit en Churchill plus encore qu’en deGaulle, Cicéron ouRichelieu,l’image du politique accompli. Qui existe par ce qu’il fait et par le commentaire qu’il en fait.

Par Éric Fottorino

JOHNTHYS/AFP

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Une grosse claque. La Francea affiché l’an dernier undéficit commercial record,

proche de 70 milliards d’euros.Dans le détail, nous avons achetépour 498milliards d’euros demar-chandises à l’étranger. Et nousavons vendu pour 428 milliards.

L’automobile s’en vaSymbole de cette perte de compé-titivité, le secteur automobile. Ledéficit commercial s’est creusé de7,1 à 8,4 milliards. On comprenddans ces conditions l’émoi des po-litiques face à l’ouverture d’uneusine Renault Dacia à Tanger. Car,qu’on ne nous raconte pas d’his-toires, 80 % des voitures produites

au Maroc ont vocation à être ex-portées. L’un des modèles pharessera la Lodgy, un monospacevendu deux fois moins cher quele Scénic ! Les ouvriers de l’usinede Douai, dans le Nord, où l’onassemble le Scénic, ont du souci àse faire.Renault nous promet de garder enFrance, les voitures à forte valeurajoutée, comme la voiture élec-trique à Flins. En attendant, leschiffres nous racontent une autrehistoire. Renault ne fabrique plusque 18 % de ses voitures enFrance, alors que Volkswagen pro-duit 57 % en Allemagne. Renaults’est spécialisé dans le low cost etles bas coûts se trouvent au Maroc

(240 euros par mois) ! De mêmequ’on ne fabrique plus de tee-shirts en France, ou de postes de té-lévision, on est en train de perdrenotre industrie automobile.

La France peut réaliserde grandes chosesEt pourtant, il y a des raisons d’es-pérer. Car nous ne sommes pasmauvais partout. Notre commerceextérieur affiche même des do-maines d’excellence. Il suffit deregarder ce qui marche. Premierposte excédentaire : l’aéronautiqueavec un excédent de 18,9 milliardsd’euros. Merci Airbus ! Preuve que,quand l’Europe est unie, elle peutréaliser de grandes choses.

Mais la France, seule, peut aussitrès bien s’en sortir. L’agroalimen-taire est notre deuxième posteexcédentaire, + 11,4 milliardsd’euros. Il s’agit des ventes deCognac (2 milliards d’euros dont97 % à l’export !), le vin, le cham-pagne, le fromage… Troisièmeposte excédentaire, le luxe, + 8,3milliards d’euros. On le voit, nospoints forts sont très différents desAllemands. Et si « l’art de vivre » àla française était notre avantagecompétitif dans la mondialisation ?Dans un monde qui aspire à bienvivre, à mieux vivre, c’est un atoutaumoins aussi décisif que les valeursde robustesse qui sont associéesau « made in Germany ». Savoir se

vêtir, savoir apprécier un bon vin,un bon dîner, c’est au moins aussiimportant que posséder une belleberline allemande ! À Shangai, pourimpressionner ses convives, on sortune bonne bouteille de Bordeaux.Plutôt que de vouloir, coûte quecoûte, copier la réussite indus-trielle des Allemands, osons culti-ver notre jardin ! La reprise del’usine Lejaby par un sous-traitantde Louis Vuitton est bien plusqu’un coup politique. C’est unepartie de la réponse française dansla mondialisation : reconvertirdes ouvrières de Haute-Loire aumétier de la maroquinerie, pourvendre des sacs, hors de prix, auxquatre coins du globe.

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Expertise

Déficit commercial :l’hiver n’en finit pasAprès les chiffres de l’emploi, les résultats du commerce extérieur en 2011 confirment que la Francesouffre d’une anémie préoccupante. Pour sortir de cet hiver interminable, la réindustrialisationnécessaire passe par le choix de secteurs ciblés et haut de gamme.ParAxel de Tarlé

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Le cadre institutionnel et finan-cier des collectivités localesfrançaises ne leur permet pas

d’être notées au-dessus de l’État »,explique Standard& Poor’s. À l’ori-gine de la perte du triple A français,l’agence de notation américainevient d’abaisser d’un cran, de AAAà AA+, la note de référence à longterme de la région Île-de-France etcelle de la ville de Paris. Une notequi leur permettait d’emprunterauxmeilleurs taux. Elle a égalementassorti ce recul d’une perspective« négative ». Les deux collectivitéspourraient donc voir leur noteà nouveau rétrogradée d’ici un àdeux ans.Standard & Poor’s soulignecomme principale contrainte del’Île-de-France une « faible flexibi-lité sur ses recettes », et pour Parisun « ambitieux programme d’inves-tissement de la mandature ». Pourautant, l’agence considère que la« qualité de crédit indicative » dela région francilienne reste « laplus élevée », la capitale disposantde son côté d’un « endettementmodéré, bien qu’en augmentation ».Dès lors, le mécanisme d’abaisse-ment s’explique davantage par lefonctionnement même des dé-partements et des régions, dont le

financement reste intimement liéaux dotations de l’État. Or, si lesinvestisseurs n’ont plus confiancedans la capacité de la France à rem-bourser ses emprunts, leurs craintess’élargiront naturellement aux ca-pacités de toutes les collectivi-tés. Standard & Poor’s a déjà placésous surveillance négative, depuis

décembre dernier, 35 collectivitéslocales européennes, banques etagences publiques. Rappelant queseules « des performances écono-miques et budgétaires excellentes »,un cadre institutionnel « stableet prévisible » ou une capacité àabsorber « une interférence négativede l’État grâce à un degré accru deflexibilité budgétaire » pourraientpermettre à une collectivité d’êtremieux notée que son État.

Une dégradation« mécanique »Annoncée le 13 janvier, la dé-gradation de la note françaisea été suivie depuis par celle deplusieurs institutions et entre-prises publiques, parmi lesquellesEDF, sa filiale RTE, et la SNCF.Sur sa lancée, Standard & Poor’s

a aussi abaissé d’un cran les notesde trois groupes bancaires fran-çais – Société générale, Créditagricole et BPCE – et privé de sontriple A la Caisse des dépôts, brasarmé financier de l’État. « Lesagences nous ont annoncé que nousavions la certitude d’être dégradéssi la France l’était, c’est mécanique.La fiabilité de notre signaturedépend-elle à ce point de celle del’État ? » s’interroge Marie-Pierre

de La Gontrie, première vice-présidente (PS) en charge des fi-nances au conseil régional d’Île-de-France. « Nous n’avons pas lamême dette, pas le même fonc-tionnement, pas la même structurede dépenses. Si la France était dé-gradée de deux crans nous le serionsd’autant. Ce qui est problématiquevis-à-vis des investisseurs. »Une dégradation que BernardGaudillère, adjoint (PS) chargé desfinances à la mairie de Paris, tem-père : « Nous empruntons davantageà des compagnies d’assurance, à desfonds de placement ou de pensionqu’à des banques. Ils ne se contententgénéralement pas des notes que nousrecevons. Ils procèdent eux-mêmes àl’analyse de notre situation finan-cière. » Le maire (PS) de Paris, Ber-trand Delanoë, regrette pour sapart que sa ville « subisse ainsi lesconséquences de la mauvaise gestiongouvernementale des finances del’État ». Et d’appeler les marchésfinanciers à « ne pas faire subir uneaugmentation des taux d’intérêt auxParisiens », qui serait « illogique etinjuste ».

La région Rhône-Alpesmise sur les obligationsSi les conséquences de la dégra-dation française ne concernerontdans un premier temps que lescollectivités notées triple A parStandard & Poor’s, sous l’effet del’alignement national, Jean-JackQueyranne n’a néanmoins paspris le risque de voir les marchésfinanciers se dégrader. Le prési-dent (PS) de la région Rhône-Alpes, notée AAA par l’agenced’évaluation Fitch Ratings, a émiscourant janvier 120 millionsd’euros d’obligations sur unedurée de douze ans. Une dé-marche appliquée également enProvence-Alpes-Côte d’Azur.« Si les prêteurs suivent les conseilsdes agences de notation, ils vont de-mander des taux d’intérêt plus élevés.Cela vaudra pour l’État comme pourles collectivités locales », reconnaîtJean-Jack Queyranne. Même si lesmarchés ont anticipé la dégrada-tion, « cela crée un climat de douteet de méfiance ». Un avis partagépar les économistes : « Leur noteest conditionnée par celle de l’État.

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Initiatives

La dégradation de la note française fait aujourd’hui craindre un effet domino en régions. Dans le sillagede plusieurs institutions et entreprises publiques, Paris et l’Île-de-France ont perdu leur triple A. Unetrentaine de collectivités territoriales sont aujourd’hui dans le collimateur des agences de notation.

Quand l’État tousse,les régionss’enrhument

«

Bertrand DelanoëetBernard Accoyer, à l’Élysée,à l’occasiondesvœuxauxparlementaires.LemairesocialistedeParis regretteque«lacapitalesubisse lesconséquencesdelamauvaisegestiongouvernementaledes financesde l’État». PHOTO ÉRIC FEFERBERG/AFP

Marie-Pierre de La Gontrie. Lapremièrevice-présidente (PS)duconseil régionald’Île-de-Francedéplore le caractèremécaniquede ladégradationdescollectivités territoriales. PHOTO PIERRE ANDRIEU/AFP

«SI LA FRANCE ÉTAITDÉGRADÉE DE DEUX CRANS

NOUS LE SERIONS D’AUTANT.C’EST PROBLÉMATIQUEVIS-À-VIS DES INVESTISSEURS »

Marie-Pierre de La Gontrie

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Inspirée par le sénateur (UMP)du Bas-Rhin Francis Grignon,chargé de préparer l’ouverture

à la concurrence des lignes ré-gionales de voyageurs en 2019,l’expérimentation débutera àpartir de 2014. Elle concerneraquelques TET (trains d’équilibredu territoire) et les TER (Trans-ports express régionaux) « pourles régions qui le souhaitent ». Unedémarche précédée par le « dé-veloppement d’un cadre social har-monisé » pour les employés duferroviaire, précise la ministre del’Écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet.Ardent militant de la décentrali-sation des TER, l’ancien sénateur(UMP) du Haut-Rhin HubertHaenel avait régulièrement re-commandé de lancer de tellesinitiatives dans les régions volon-taires. La Basse-Normandie pour-rait faire partie avec l’Alsace et larégion Rhône-Alpes des régionspilotes. Le président de la cham-bre de commerce et d’industrie deCaen Normandie, Michel Collin,

a déjà proposé la mise en concur-rence immédiate de la ligne ferro-viaire Paris-Cherbourg.

« Une escroquerieintellectuelle »Une approche qui est contestéepar Laurent Beauvais, président(PS) du conseil régional de Basse-Normandie. Il confie : « Vouloirfaire croire qu’en privatisant l’ex-

ploitation des lignes, c’est-à-dire enexpulsant la SNCF de sa mission deservice public, on réglera par un coupde baguette magique les difficultésquotidiennes, est une escroquerieintellectuelle. »Si les régions estiment que le sys-tème ferroviaire doit être réformé,d’autres voies sont possibles pourrépondre aux « dysfonctionnementsactuels », estime Jacques Auxiette,

président (PS) de la région Pays dela Loire. Il faudra aussi veiller àinterdire « tout dumping social auniveau européen », via une « harmo-nisation négociée des statuts sociauxdu secteur ».La concurrence ferroviaire est de-venue une réalité sur les grandeslignes, avec la mise en service, cethiver, du premier train privé Paris-Venise. L.B.

Les collectivités, déjà en très grandedifficulté, auront des problèmes supplé-mentaires pour se financer. » Pour lescollectivités, la logique sera alorsde serrer les dépenses afin d’éviterune hausse des impôts locaux. Uneéquation d’autant plus délicateque les départements et les régionsont désormais en charge les trans-ports, les routes et les lycées.« Les banques connaissent les collec-tivités locales, le poids des agences denotation y est plus faible », espèreJean-Louis Bianco, président (PS)du département des Alpes-de-Haute-Provence, qui a refusé l’éva-luation de l’agence Fitch afin de« s’opposer à la mise sous tutelle desa collectivité par les marchés ». Et dedénoncer « le manque de légitimitédes agences qui font prévaloir l’intérêtdes marchés sur l’intérêt général »,tout en regrettant la place « exor-bitante » qui leur est faite par lesmarchés. « On ne peut tolérer pluslongtemps que quelques officinesportent atteinte à la souveraineté desÉtats et alimentent des mouvementsspéculatifs dont les citoyens sont endéfinitive les victimes. »

La future Agencede financement descollectivités fragiliséeLa perte du triple A français pour-rait néanmoins fragiliser le projetd’Agence de financement des col-lectivités locales. Avec ou sans ga-rantie de l’État, la démarche portéepar Jacques Pélissard (UMP),Michel

Destot (PS) et Gérard Collomb (PS)devra désormais miser sur l’adhé-sion des marchés avec les seulssoutiens éventuels de Fitch et deMoody’s, et composer avec l’épéede Damoclès S&P.Un dossier financier stratégique àl’heure où les analystes estimentà 8 milliards d’euros le manque decrédits des collectivités. Un projetsur lequel les élus avaient décidéde se prendre en charge seuls. Uneanalyse contestée par Bercy, quitend à démontrer que la futureAgence de financement des col-lectivités locales aura besoin de lagarantie de l’État. Pour la ministredu Budget, Valérie Pécresse, « Lescollectivités, au départ, pensaientqu’elles feraient une agence indépen-dante. Ce n’est pas du tout ce que nousdisent les marchés et les juristes : ilsconsidèrent que, par définition, uneagence de financement des collectivi-tés publiques est garantie par l’État. »Ses défenseurs de monter au cré-neau à l’heure où les relations setendent entre l’Élysée et les collec-tivités, sur fond de rigueur budgé-taire. Nicolas Sarkozy dénonçant ladérive des effectifs locaux. « Mêmesi les études menées ont démontréque le projet est viable sans présencedirecte de l’État, l’association d’étude[pour l’Agence de financement descollectivités locales, ndlr] n’a jamaisété opposée à ce qu’il soit présent,directement ou indirectement. » Ilsavancent encore: « Ce projet n’a paspour vocation d’augmenter la dette

mais simplement de sécuriser les finan-cements des investissements publicslocaux et d’en optimiser le coût. »Alors que le président de la Répu-blique a réuni la semaine dernièreles principales associations d’éluslocaux, avant l’éventuelle mise enœuvre d’une modulation de leurs

dotations pour réduire la dépensepublique, Jacques Pélissard, prési-dent de l’Association des mairesde France (AMF), rappelle « la néces-sité d’instaurer entre l’État et lescollectivités un véritable pacte deconfiance ».

Ludovic Bellanger

RÉHABILITATIONDELAPRISONDUHAVRE�Alors queNantes préparel’inauguration d’un hôtel de luxe en lieuet place de son ancien palais de justice,LeHavre lance une concertation inéditepour l’avenir du site de son ancienneprison. Nouveaux logements, espacesverts ou de loisirs, commerces, le futurprojet s’inscrit dans la réhabilitationdu centre ancien de la ville.

DESVOITURESPOURLESCHÔMEURSDULOIRET� C’est une première en France. LeLoiret et Orléans expérimentent lamiseen place de locations de voiture à tarifpréférentiel pour les demandeursd’emploi. « Les transports sont un freinà l’emploi, surtout pour des postes enhoraires décalés, de nuit ou situés dansdes zones d’activité non desservies parles transports en commun», observela préfecture. L’initiative, qui seramenéependant un an, concerne les chômeurslongue durée ou issus de zonessensibles, les bénéficiaires duRSAet les jeunes en difficulté.

PARISRELANCESESNAVETTESFLUVIALES� Contraint de repousser son projet deréaménagement des berges de la Seine,Paris tente de relancer ses navettesfluviales. Après l’échec du précédentprogramme, abandonné l’été dernier,trente-et-une stations dont treizeà Paris et trois tracés sont cette foisenvisagés. « Il y a un réel potentiel.Et nous voulons continuer à diversifierlesmodes de transports », argumenteAnnick Lepetit, adjointe (PS) aumaireen charge des transports, inspirée desexpériences nantaises et bordelaises.

«STOPAUXSTÉRÉOTYPESÀLABIBLIOTHÈQUE!»DESURESNES� «ÀSuresnes, nous partons duconstat que la lutte contre les inégalitéshommes-femmes commenceà l’échelon communal, et qu’elle doitse faire dès l’éducation. » Lamairie(UMP) desHauts-de-Seine a lancéune formation pilote pour prévenirle sexismeà travers la littérature pourles jeunes. Une approche que lespsychologues tempèrent, soulignant :« La caricature permet à l’enfantla différenciation et la constructionde sa libre-pensée. »

LESAÉROPORTSLORRAINSCHANGENTDEPILOTE�Depuis le 1er janvier, l’aéroportd’Épinal-Mirecourt à Juvaincourt(Vosges) est passé sous le contrôle dela société indienne Super Airport, dontl’ambition est d’ouvrir une plate-formeinternationale. Dans lemême temps,la CCI deMeurthe-et-Moselle a reprisla gestion de l’aéroport deNancy-Essey.Il y a un an, le Gouvernement avaitannoncé son intention d’ouvrirle capital des aéroports régionauxde Lyon, Toulouse, Bordeaux etMontpellier. Une décision gelée depuis,face à la frilosité des élus locaux.

En bref

Lancéeàpartir de2014, l’expérimentationannoncéeparNathalieKosciusko-Morizet suscite un accueil réservé des régions et des syndicats.

LesTERs’ouvrentà la concurrence

FrancisGrignon. Lesénateur (UMP)duBas-RhinprôneunemiseenconcurrenceexpérimentaledesTERparbouquetsde lignes. PHOTODR

JacquesPélissardetJean-PierreBel, aucongrèsdesmaires,ennovembre2011.Leprésident(UMP)del’AssociationdesmairesdeFrancedéfend leprojetd’uneAgencedefinancementdescollectivités locales.PHOTOPIERREVERDY/AFP

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Si les deux députés seréjouissent de la vitalitéretrouvée en zone rurale,

ils estiment que l’aménagementdu territoire nécessite un mi-nistère spécifique, qui seraitdirectement rattaché au Premierministre : difficile de se contenterd’un poste de secrétaire d’Étatou, comme c’est le cas actuelle-ment, d’un rattachement au mi-nistère de l’Agriculture. Ce minis-tère à part entière permettraitd’assurer le caractère réellementinterministériel de l’aménage-ment du territoire. Sa dilutiondans le domaine de compétencede tel ou tel ministère ne pouvantau contraire que l’affaiblir.Le rapport s’intéresse aux deuxstructures territoriales les plusactives en milieu rural, et quisont en profonde évolution. Ils’agit des intercommunalités etdes pays. L’étude indique qu’iln’y a pas de taille idéale pourun territoire de projet. Ellesouligne qu’il est nécessaire dedéfinir des territoires souples etsurtout adaptés aux contexteslocaux.

Des mesures prioritairesParmi les vingt recommandationsdu rapport, on retiendra iciles plus importantes. Les deuxdéputés estiment notammentqu’il faudra veiller, dans la pro-chaine programmation budgé-taire européenne 2013-2020, à ceque les actions financées par leFeader (Fonds européen agricolepour le développement rural)bénéficient à l’ensemble dumonde rural, et non pas commec’est le cas actuellement aux seulsagriculteurs !Le rapport préconise de géné-raliser rapidement les schémasde cohérence territoriale, pourpermettre par exemple à descommunes de pouvoir transféreraux intercommunalités les pou-voirs de décision en matièred’urbanisme.Les parlementaires évoquentégalement dans leur rapport laquestion du numérique : le milieurural doit être doté du très hautdébit, indispensable au dyna-misme des campagnes commele fut en son temps le réseauélectrique.

Regrouper les professionnelsde santéUn autre point sensible concernel’offre de soins et de services sociaux.Certes, les collectivités ont pris àbras-le-corps le problème en en-courageant, voire en créant, desmaisons de santé. Il reste que pourGerminal Peiro, sans contraintes,les jeunesmédecins continueront àdéserter les campagnes. Les agencesrégionales de santé ont donc uneresponsabilité particulière et doiventen rendre compte au Parlement.C’est pourquoi le rapport préconisede favoriser l’exercice regroupé desprofessionnels de santé, afin derépondre à cet isolement ressentipar les médecins de campagne.

Une stratégie dedéveloppement économiqueMessieurs Bignon et Peiro consta-tent que les territoires ruraux dis-posent d’un potentiel économiquediversifié très important. Il fautconsidérer les zones rurales dans ledébat actuel visant à favoriser la re-localisation de la production et laréindustrialisation. Les dispositifspublics sont nombreux: zones de

revitalisation rurale (ZRR), pôlesd’excellence rurale (PER), grappesd’entreprises, prime à l’aménage-ment du territoire (PAT), Fondsd’intervention pour les services,l’artisanat et le commerce (Fisac)…Or les dispositifs d’exonération decharges sociales et fiscales dans lesZRR ne sont ni mesurés ni évalués.Le rapport recommande de définirdans chaque territoire une stratégiede développement économique re-posant sur un diagnostic partagéentre les directions régionales desentreprises, de la concurrence et dela consommation, du travail et del’emploi et les collectivités territo-riales, en partenariat avec les mi-lieux économiques eux-mêmes.

Créer des logements sociauxen zone ruraleEnfin le rapport évoque la situationdes logements en milieu rural, quisont plus vétustes, largement in-dividuels et plus inconfortablesqu’en milieu urbain. Ils nécessitentdes travaux qui peuvent parfoisse révéler incompatibles avec leniveau de revenus souvent faibledes habitants des territoires ruraux,

ce qui peut entraîner une difficultépour les propriétaires occupants à semaintenir à domicile. La premièrecaractéristique des logements ru-raux est la prédominance des pro-priétaires occupants (70 % des mé-nages en zone rurale). On constateun déficit de logements sociauxlocatifs en milieu rural: 7 % seule-ment des logements sont des loge-ments HLM, contre 20% enmilieuurbain. Les rapporteurs confortentla réorientation de l’action del’Agence nationale de l’habitat(Anah) vers la lutte contre le loge-ment insalubre et la précarité éner-gétique ainsi que l’adaptation deslogements à la dépendance. Ils sou-tiennent également les efforts del’agence en faveur d’un meilleurrepérage des situations les plusdifficiles. Enfin, le rapport insistesur la nécessaire cohérence entrela localisation des nouvelles zonesrésidentielles et les modalités detransport ainsi que l’offre de ser-vices correspondante. Reste à sa-voir si ces recommandations neresteront pas lettre morte et serontprises en compte par la prochaineAssemblée. Joël Genard

12 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 435, MERCREDI 15 FÉVRIER 2012

Expertise

Deux députés, JérômeBignon (UMP) et Germinal Peiro (PS), ont décidé de se battre pour lamiseenœuvre d’une politique d’aménagement du territoire enmilieu rural. Dans un rapport présentéau Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, ils proposent une vingtainede recommandations. Résultat d’unemission qu’ils ont conduite pendant plus d’un an.

En campagne pour la campagne

Le sentiment souvent répanduest celui d’un abandon par l’Étatdu monde rural, c’est aussivotre constat ?La loi de réforme des collectivitésterritoriales a été mal comprise etnotamment la réforme à la hachede la carte de coopération inter-communale. Le Premier ministrea demandé plus de souplessedans l’application. C’est pour-quoi le rapport pose la probléma-tique de la gouvernance dans leszones rurales. Il y a de l’inquié-tude dans la ruralité, parce que cesont des territoires en mutation.Le regard que nous avons portéavec Germinal Peiro démontreaussi que ces territoires sont desterritoires d’avenir. Au-delà denos divergences politiques, noussommes persuadés de la nécessitéd’une politique d’aménagementdu territoire. L’État doit jouer sonrôle de gardien de l’égalité répu-blicaine sur l’ensemble du terri-toire national, de l’équilibre du

développement et de péréquationfinancière.

Le mille-feuille de structuresterritoriales n’a-t-il pas étéune erreur majeure en termesd’aménagement du territoire ?Au-delà des structures, noussommes persuadés qu’il fautqu’il y ait un portage politiquedes projets de territoire. Il fautque cela s’accompagne d’une in-génierie publique locale. C’est-à-dire qu’il faut réorienter lesressources des communes etde leurs groupements vers desressources humaines et des com-pétences, en raison de cette im-portance essentielle du facteurhumain dans le développementde nos territoires. La Bretagne,l’Alsace ont su insuffler de lamatière grise et les résultatssont là ! Le mille-feuille n’a doncaucune importance. C’est aussiune erreur d’avoir supprimé les« pays ».

Sur quoi peuvent déboucherces recommandations ?Les politiques d’aménagementdu territoire mériteraient d’êtreà l’avenir plus volontaristes.La Datar est remarquable, maiss’il n’y a pas un portage poli-tique, on n’avance pas. La rura-lité me passionne et je pensequ’il faut à l’avenir un ministrede l’Aménagement du territoireet un ministre de la Mer. Tousdeux devraient être rattachésau Premier ministre. La ruralitéa du potentiel et il faut en tenircompte. C’est pourquoi nosrecommandations abordent laréorganisation des servicespublics, la raréfaction de l’offrede soins, l’enclavement des terri-toires ou encore le retard dansl’équipement en communica-tions électroniques ainsi que ladésindustrialisation ou l’avenir dela politique agricole commune(PAC). Propos recueillis

par J.G.

« Pour des politiques d’aménagementplus volontaristes »

3 questions à

JÉRÔME BIGNONDÉPUTÉ UMP DE LA SOMME

PHOTOPATRICKVALASSERIS/AFP

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NUMÉRO 435, MERCREDI 15 FÉVRIER 2012 L’HÉMICYCLE 13

ParFrançoisClemenceau

LeGroupe des amis de la Syrie, qui rassemble la France, les États-Unis, la Turquie et les paysde la Ligue arabe, doit se retrouver en Tunisie le 24 février. À l’ordre du jour de cette premièreconférence : comment faire partir Bachar el-Assad sans intervenirmilitairement sur le terrainet… sans passer par l’ONU?

Quecherchent« lesamisde laSyrie»?

Audépart, c’est une idée fran-çaise. Et comme la plupartdes bonnes idées, chacun

s’en réclame ou en revendiqueun peu la paternité. C’est le cas desAméricains, des Turcs mais égale-ment de la Ligue arabe ou duQatar,qui préside pour quelques semainesencore cette institution cruciale.D’ici la réunion de Tunis, dont leprincipe a été voté lors de la réunionde la Ligue auCaire, dimanche der-nier, la plupart des capitales vontessayer de se répartir les rôles pourfaire de cenouveau forum leberceaud’une future intervention en Syrie.

Se préparer à une interventionextérieureLe Conseil national syrien (CNS) aaccueilli très chaleureusement cetteinitiative au lendemain du doubleveto russe et chinois au Conseil desécurité desNations unies. Lesmou-vements d’opposition au régimesyrien réclament de l’aide, on leuren apportera. Comme l’indiqueIbrahim Kalin, l’un des conseillersdu Premier ministre turc, « la pro-chaine étape vise à renforcer biendavantage l’opposition syrienne ».Avec des livraisons d’armes ?Peut-être pas tout de suite, maiscette demande a été formulée parcertains mouvements appartenantau Conseil national syrien et ellesera étudiée. De l’argent ?Naturelle-ment, pour que cette organisationà cheval entre la clandestinité etl’exil puisse avoir les moyens dese faire entendre à travers tout le

pays et dans le monde. Le fait quela Ligue arabe l’ait enfin reconnuecomme interlocuteur légitime estd’ailleurs un grand soulagement.De l’aide humanitaire ? Oui, maisle plus dur est de la faire passerentre les mailles d’un immensefilet sécuritaire. Et comme l’arméesyrienne libre n’est pas en mesurede contrôler à 100 % une seuledes grandes villes du pays, mêmed’éventuels parachutages seraientdes plus risqués. Un appui politiqueenfin ? Certainement. L’objectifdes Occidentaux et de la Liguearabe est de montrer que seuls laRussie et l’Iran soutiennent en-core le bastion de la répressionla plus sanglante du Printempsarabe. Pas étonnant que la Russieait donc immédiatement qualifiéd’« illégitime » ce projet. La Chine,quant à elle, a reçu depuis une dé-légation du CNS, mais est restéemuette sur ses intentions. Commele résume le politologue libano-américain Hussein Ibish, « il estvraisemblable que le conflit arméva s‘intensifier et qu’il faut se pré-parer à une intervention extérieure,qu’elle soit humanitaire, stratégiqueou politique ».Ce Groupe des amis de la Syrie,Alain Juppé aurait pu l’appelergroupe de contact. Le ministre desAffaires étrangères est un habituéde ces forums de diplomatie in-formelle qui se créent lorsque lesstructures plus larges sont para-lysées ou inefficaces. On pourracontester la performance du

Groupe de contact sur la Bosnie,fondé en 1994, et qui réunissait laFrance, la Grande-Bretagne, l’Alle-magne, les États-Unis et la Russie.Mais ce fut tout au long de la guerredes Balkans la seule enceinte oùl’on put échanger et trouver fina-lement des solutions à la tragédie.Le Groupe des amis de la Libye,lui, est d’une autre nature. Dès ledébut de la création de la zoned’interdiction de survol, le Groupe(dont faisaient déjà partie les Occi-dentaux, la Ligue arabe et le Qatar)visait à utiliser au maximum la ré-solution adoptée auxNations uniessur la Libye pour lui donner leplus de force possible sur le terrainet accélérer ainsi la reddition desforces pro-Kadhafi. Onne s’est doncpas étonné d’apprendre très viteque les armes (françaises ou étran-gères) livrées aux rebelles prove-naient massivement du Qatar.

Coordonner et intensifierles sanctionsLes amis de la Syrie devront égale-ment continuer à coordonner etintensifier leurs sanctions. Puisqu’iln’est plus possible de passer parl’ONU, que chacun sanctionne leGouvernement de Bachar el-Assadunilatéralement. D’ores et déjà, lessanctions adoptées et mises enœuvre ont contribué à faire perdreà la livre syrienne 50 % de sa va-leur et à provoquer une inflation àson plus haut niveau depuis 1986.La population en fait les frais cruel-lementmais lamarge demanœuvre

du régime pour exporter et impor-ter se rétrécit. Il est envisagé égale-ment de créer des zones tamponsaux frontières turques de la Syrie.Ankara avait, dès le début de la

crise, avancé cette proposition afinque les victimes de la répressionpuissent fuir et se réfugier en Tur-quie. La mesure fut appliquée avecplus ou moins de succès et elle apermis d’utiliser cette zone pourfaire passer dans l’autre sens descombattants, des journalistes et del’aide humanitaire légère. La Liguearabe a souhaité dimanche que descasques bleus des Nations uniespuissent entrer en Syrie et créer descorridors humanitaires ainsi quede veiller au cessez-le-feu si l’arméesyrienne libre acceptait de faire taireles armes. Ce projet n’a aucunechance sérieuse d’être adopté. LaLigue le sait mais tente le tout pourle tout pour montrer qu’elle auratout essayé.Le double veto russe et chinois du4 février dernier et la réunion duGroupe des amis de la Syrie le24 février prochain à Tunis (d’oùest parti le Printemps arabe, faut-ille rappeler ?) sont, à trois semainesd’intervalle, les deux signesmajeurs de l’internationalisationcroissante du conflit syrien. Ily aura un avant et un après. Àcondition que la réunion de Tunissoit la plus rassembleuse possibleet qu’il en sorte des propositionspolitiques et juridiques nouvellesà même de désarmer les mé-fiances russes et d’encourager leCNS à espérer une sortie de crise

par le haut. À l’inverse, l’idée d’in-tervenir militairement sans passerpar l’ONU n’est pas encore un scé-nario crédible. À Washington, laMaison-Blanche et le département

d’État verraient d’un mauvais œilla situation dégénérer en guerrecivile à outrance avec nettoyageethnique et exodes de réfugiés àla clé. Le contexte actuel, avec lerenforcement de la menace d’unefrappe israélienne sur l’Iran etun climat politique fortementdégradé en Irak, oblige donc lesAméricains à appuyer toute solu-tion de pression progressive tellequ’envisagée par le Groupe desamis de la Syrie.

Un sauf-conduit pourBachar el-Assad ?Et Bachar dans tout cela ? LaHaut Commissaire des Nationsunies pour les droits de l’homme,Navi Pillay, est désormais prêteà saisir la Cour pénale internatio-nale. Ce genre de menaces donnedu poids à ceux qui finiront peut-être par négocier avec les émis-saires de Bachar. Un sauf-conduitpour lui, sa famille et ses prochespourrait contribuer à éviter unbain de sang. Le précédent yémé-nite est là pour valider cette op-tion avec le départ du présidentSaleh pour les États-Unis pour rai-sons « humanitaires ». La Russiepourrait alors trouver, en accueil-lant Bachar, un rôle pacificateurqui la ramènerait dans le Groupedes amis de la Syrie. On n’en estpas encore là.

Àdistance

Homs. Laville est enproiedepuisdes semainesàuneguerre civilequi a fait des centainesdemorts.PHOTOAFPPHOTO/HO/LCC SYRIA

Bachar el-Assad. PHOTOAFP/HO/SANA

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Le cinéma en trois dimensionsn’est pas une idée nouvelle.Dès le XIXe siècle, l’idée de

voir une image en relief avaitdonné naissance à des appareilsde vue un peu barbares, les stéréo-scopes. Brièvement populaire dansles années cinquante et soixante,cette technologie avait cependantété abandonnée, notamment enraison de l’incapacité de l’industriephotographique de créer des ap-pareils photos peu coûteux doncaccessibles au grand public, capa-bles de prendre deux clichés d’unemême vue.Le cinéma a lui aussi depuis long-temps testé différents procédés defilms en relief. Les premiers essaisdatent de 1922, et dans les annéescinquante les grands studios holly-woodiens essaient de populariserle système pour lutter contre l’arri-vée de la télévision, qui diffusaitdéjà de nombreux films.Le phénomène actuel obéit aumême principe : l’industrie ciné-matographique essaie, par l’utili-sation d’une technologie difficileà reproduire chez soi, de luttercontre la baisse d’intérêt chez lesspectateurs. La nouveauté vienten fait de la télévision. Ce média,autrefois sans rival, est maintenantconcurrencé par Internet et voitdans la généralisation des écrans3D un moyen de proposer unspectacle dont les ordinateurs etle Web sont exclus. Cette alliancecinéma-télévision donne uneforce de frappe renforcée auconcept 3D : plus un seul « block-buster » hollywoodien ne sort sans

sa version 3D qui sera diffusée dansles salles spécialement équipées,avant d’être reprise par les chaînesde télévision qui les proposerontaux spectateurs équipés de télévi-sions de dernière génération.Mais la récente sortie de la sagaStar Wars en 3D, l’un des plus grossuccès du cinéma des quarantedernières années, n’est pas le succèsescompté. Beaucoup d’amateursdu genre n’y voient qu’un « gadget

marketing » créé dans une finunique : ramasser encore un peuplus de recettes autour d’un universqui a fait son temps. Les critiquesde cinéma posent en effet la ques-tion : pourquoi investir dans lepassage à la 3D de la saga deGeorge Lucas au lieu de tourner unnouveau chapitre de la saga ?La 3D, qui connaît actuellementun succès populaire indéniable,reste tout de même vue par les

spécialistes de l’industrie du diver-tissement comme la marque d’uneindustrie cinématographique ettélévisuelle en déclin qui tentede rivaliser avec l’émergence d’unnouveau média en plein essor :le Web. Selon une étude récente,les adolescents préfèrent désormaisavoir un ordinateur connecté àInternet dans leur chambre plutôtqu’une télévision. Ils y consacrentdéjà plus de temps.

2.0

IMPRIMANTES3D,UNPREMIERSUCCÈS� Créer des objetstridimensionnels complexesdepuis une pâte informe ? C’estce que font les imprimantes 3D,appareils qui scannent une formepour ensuite, via un complexedispositif de lasers, la recréer àpartir d’une poudremétallique.Ces imprimantes sont capablesde faire des formes surmesure,d’où leur intérêt grandissant :ces derniers jours, unemâchoireartificielle en titane et céramiquecréée via cette technologie a étéimplantée à une femmede 83 ans.

LAGÉNÉROSITÉINÉGALÉEDESEMPLOYÉSDEMICROSOFT� La nouvelle fait le tour duWebà une vitesse foudroyante : lesemployés de lamultinationaleaméricaine ont donné plus de100millions de dollars à desorganisations publiques en 2011.Depuis le lancement, en 1983, duprogramme interne à Microsoftvisant à favoriser cette attitudegénéreuse, c’est ainsi prèsd’unmilliard de dollars de fondsqui auraient été levés auprèsdes employés de Microsoft.Un exemple que d’autres sociétésnumériques semettent à suivre.

NEWYORKCONCURRENCELASILICONVALLEY� La ville qui ne dort jamaisne veut plus rester à la traîne dela côte ouest et est bien décidée àredevenir le cœur économique desÉtats-Unis, versionnumérique cettefois-ci. Alors que de plus en plus destart-up–tel le réseausocialTumblr,très en vogue actuellement –s’installent à NewYork, attiréespar la proximité avec lesinvestisseurs deWall Street, leNasdaq a annoncé un partenariatavec NYMeetup, un événementqui regroupe une fois parmoisles décideurs new-yorkaisde ces entreprises émergentes.

FOXCONNPIRATÉ� Le sous-traitant taïwanaisd’Apple et Microsoft, récemmenttouché par une vague de suicidesdans ses usines chinoises et pointédu doigt en raison desmauvaisesconditions de travail des ouvriersqui fabriquent les gadgetsinformatiques les plus appréciésdes consommateurs, est au cœurd’une nouvelle affaire. Des piratesinformatiques ont pénétréses serveurs de données pours’emparer d’informationsconfidentielles, notamment lesmots de passe des clients utiliséspour passer des commandes.

En bref

Les géants duWeb travaillentà la mise au point de nou-

veaux accessoires pour se connec-ter à Internet. La généralisation duWi-Fi permet en effet de resterconnecté presque en continu. Delà à imaginer que les internautespourraient être immergés sansinterruption, il n’y a qu’un pas.Inspirées des « viseurs tête haute »

en usage dans l’armée, plusieurstechnologies sont actuellementdéveloppées pour permettre l’affi-chage de données sur un disposi-tif près de l’œil. Google étudieraitla mise au point de lunettesconnectées où les verres serviraientd’écrans. Elles permettraient de lireun site Web ou de regarder unevidéo sans bloquer totalement la

vue. Des lentilles de contacts sontelles aussi à l’étude, et pourraientêtre disponibles dès 2014. Vivre« Web » sans interruption ? C’estpossible, dit l’industrie numérique.Le succès foudroyant des smart-phones, que lesmobinautesutilisenten permanence, laisse ainsi présa-ger du fort succès que rencontre-rait ce concept.

Face à la 3D, le Web n’a pas dit son dernier motLe chiffre

600films en 3D vont sortiren 2012. Un chiffre stablepar rapport à 2011. (Chiffres

Fédération nationale des cinémas français).

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La 3D, révolution d’avenirou gadget marketing ?Voir un filmen relief : vieux fantasmede l’industrie du cinéma, qui a cherchépendant plusieurs décennies une technologie capable de faire entrerle spectateur dans le film. Les dernières inventions ont enfin populariséle conceptmais, étrangement, une fraction non négligeable des cinéphilesreste sceptique, voire hostile.ParManuel Singeot

StarWarsen3D.Dix-huit millions de dollars investis dans une version décevante pour le publicet les critiques. PHOTODAVE JHOGAN/AFP

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La mobilisation est massive :plus de 200 000 tweets auniveau mondial sur ACTA

la semaine dernière ; à elle seule,la journée de mobilisation du11 février a occasionné près de100 000 messages sur le site demicroblogage. Ce nouveau texte

est vécu, après les projets de loisaméricains SOPA, PIPA ou la fer-meture du site de téléchargementMegaupload, comme une nouvelletentative demuseler leWeb. L’assi-milation du téléchargement illégalà la contrefaçon manufacturièrefait bondir et provoque, commedu temps du débat précédant lacréation de l’Hadopi, de nouvellesdemandes de changement. SurTwitter, Blackistef poste ce résumérageur :« Nous avons besoin d’une réformedu droit d’auteur pas d’#ACTA ! »

L’équipe de campagne de Jean-LucMélenchon relaie son opinion surle sujet :« Sous couleur de la protectiondu droit de propriété intellectuelle,il s’agit de contrôler les fluxd’échanges culturels. »

Bien sûr, le texte négocié très dis-crètement depuis trois ans, a étéscruté sous toutes ses coutures parles blogueurs qui livrent leur ana-lyse. Pour Benji, sur le blog LesMoutons enragés,« L’ACTA, c’est un peu comme sion portait tous un micro et unecaméra sur nous en permanence.À chaque fois qu’on parle avec uncopain, il faut faire très attentionà ce qu’on raconte sinon on peutse prendre une amende ou finiren prison. Vous avez envie dereprendre une phrase d’un filmqui vous a fait rire pour la placerau cours d’une soirée sans citerson auteur ? Bing ! Une amende !

Vous avez regardé le score d’unmatch de foot sur l’écran TV d’unbar où vous n’avez pas consommé ?Paf ! Une amende. Vous fredonnezcette chanson sous la douche ?Boum ! En prison ! Vous avezcompris le principe… »>Benji - http://lesmoutonsenrages.fr

De nombreux blogueurs et twittosassimilent le texte à un instrumentde censure global. Tout commeJean-Luc Mélenchon, un autrecandidat à l’élection présidentielle,Nicolas Dupont-Aignan, tweetaitsamedi 11 février, le jour même dela mobilisation mondiale,« Comment accepter de voir ouvrirson courrier par la censure ? C’estla même chose avec le traité ACTAqui met fin à la neutralité du net. »

Pour Ma2thieu,« si ce texte est ratifié, il prévoitque les FAI (Fournisseurs d’AccèsInternet) auront l’obligationde coopérer avec les ayants droit,que leur propre responsabilitépourra être mise en cause s’ilsne font pas le nécessaire pourcombattre la contrefaçon. En gros,si ACTA est ratifié, ils devrontnous surveiller et même nousdénoncer ! »>Ma2thieu - http://www.unsimpleclic.com

D’autres twittos pointent aussi dudoigt l’aspect anti-contrefaçon quipourrait générer, selon eux, desdérives graves. Ainsi Charles Le-roncier, sur Twitter, s’inquiète del’impact du texte sur les médica-ments génériques :« Sinon, ACTA, c’est aussi la miseen danger de l’accès auxmédicaments génériques, unequestion de vie ou de mort, donc. »

Au-delà des mesures liberticidesque les internautes croient décelerdans ce texte, ACTA pose un certainnombre de problèmes au niveau

européen et mondial. EU-logos,sur son blog, fait un point completsur le dossier ACTA et évoque no-tamment les fragilités du traitéqui n’a été négocié qu’entre Occi-dentaux :« Chine et Inde n’ont pasl’intention de s’associer au texte,ils l’ont annoncé très clairementn’ayant pas été associés auxdiscussions. Les deux paysauraient même laissé entendrequ’ils pourraient porter plainteauprès de l’OMC qui aurait dûêtre le cadre naturel pour de tellesnégociations et au jugement sansdoute plus redoutable dans sesconséquences que celui, éventuel,de la Cour de justice de l’UE. »>EU-logos - http://europe-liberte-securite-justice.org

Moe, sur le blog Journal du Geek,relaie lui les tensions que le traitéoccasionne au Parlement euro-péen :« Le Parlement européen qui estactuellement dans la tourmenteaprès la démission de sonrapporteur, en signe deprotestation contre des pressionsexercées sur les députés afin qu’ilsvotent le plus rapidement possiblesans leur laisser le tempsd’examiner la portée du texte soustous ses aspects. »>Moe - http://www.journaldugeek.com

Les hésitations allemandes sontelles aussi relevées, Arnaud Thu-rudev, twitto et blogueur influent,le relaie sur Twitter :« L’Allemagne met en pausesa signature de l’ACTA. »

Et la position du Gouvernementfrançais est alors pointée du doigt,comme l’exprime clairement Ar-naud Ruth, relayant un tweet desir Chamallow :« Serons-nous les derniers ?“@sirchamallow : L’Allemagnesuspend également sa signaturede l’#ACTA !” »

Enfin, si les manifestations n’ontpas rencontré à Paris le succèsqu’elles ont connu dans d’autrescapitales européennes, elles ontété nombreuses en province et

la blogosphère en a fait de largescomptes rendus. Ainsi, le blogFragments de Manif relate lamanifestation de Besançon et faitremarquer le lien entre ce mouve-ment anti-ACTA et les Anonymous,qui se sont rendus célèbres cesdernières semaines :« Certain(e)s portaient desmasques des Anonymous, queles flics se sont empressés de leurfaire enlever… Il fallait bien“démasquer” ces potentiel(le)sterroristes du Net… »>http://fragmentdemanif.wordpress.com

Et maintenant ? Les internautes enpointe sur ce nouveau combat pour

leur liberté ne semblent pas vouloirrelâcher la pression. Les appels à allerplus loin se multiplient, tel le mes-sage deMazbot qui appelle à signer,sur le site avaaz.org, une pétitionmondiale afin de faire pression surle Parlement européen :« Stoppons la #censure d’Internet !Signez l’appel mondial urgent@Avaaz appelant le Parlementde l’UE à rejeter #ACTA. »

Lundi matin, cette pétition avaitdéjà réuni plus de 2 250 000 si-gnatures d’internautes du mondeentier.

NUMÉRO 435, MERCREDI 15 FÉVRIER 2012 L’HÉMICYCLE 15

Déblogage

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582¤. RCS : Paris 443 984 117.55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle

GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier ([email protected]) DIRECTEURRobert Namias ([email protected]) RÉDACTEUR EN CHEFJoël Genard ([email protected]). ÉDITORIALISTES Michèle Cotta, Axel de Tarlé, Bruno Jeudy, Gérard Leclerc, Marc Tronchot AGORA Éric MandonnetL’ADMIROIR Éric Fottorino COLLABORENT À L’HÉMICYCLE Ludovic Bellanger, Juliette Bot, Jean-Louis Caffier, François Clemenceau, Florence Cohen, Antoine Colonna,Jean-François Coulomb des Arts, Pierre-Henry Drange, Alain Fournay, Anita Hausser, Béatrice Houchard, Serge Moati, Jessica Nelson, Nathalie Segaunes,Manuel Singeot, Guillaume Tabard, Brice Teinturier, Philippe Tesson, Pascale Tournier, Pierre de Vilno CORRECTION Aurélie Carrier MAQUETTE David DumandPARTENARIATS Violaine Parturier ([email protected],Tél. : 01 45 49 96 09) IMPRESSION Roto Presse Numéris, 36-40,boulevard Robert-Schumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70. Fax : 01 49 36 26 89. Parution chaque mercredi [email protected] COMMISSION PARITAIRE 0413C79258 ISSN 1620-6479

Kill Acta* !Le nouvel accord commercial organisant la lutte contre la contrefaçon (Acta)n’est pas encore ratifié par tous les États concernés qu’il est déjà dénoncé danslemonde entier par une blogosphère déchaînée. Les adeptes duWebdénoncentun traité qui assimile le téléchargement illégal à la contrefaçonmanufacturière.

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