le syndrome de sneddon: revue de la littérature à propos d'une observation

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Page 1: Le syndrome de Sneddon: revue de la littérature à propos d'une observation

C O M M U N I C A T I O N BR~VE

Le syndrome de Sneddon : revue de la litt6rature 6 propos d'une observation

J.L. PELLEGRIN*, M. MONTASTRUC*, D. FERRANDEZ*, J.M. ORGOGOZO**, B. LENG*

R~sum~--Les auteurs rapportent I'observation d'une jeune femme affect~e d'un syndrome de Sneddon et pr~sentent une revue de la littdrature. Cette entit~ rare est caract~risde par I'association d'un livedo reticularis, d'accidents vasculaires cdrdbraux r~cidivants, et parfois d'une hypertension art~rielle mod~r~e. Les biopsies cutan~es montrent une endart~rite oblit~rante des vaisseaux du derme profond. La pathog~nie de cette affection reste inconnue et son traitement n'est pas clairement d~fini.

Mots-cl~s : LIVEDO RETICULARIS - ACCIDENT VASCU LAIRE CItRIr:B RAL - SYN- DROME DE SNEDDON - ANGI~i"TE CltRI~BRALE.

gev Med Interne 1990; 11 : 313-315

Le syndrome de Sneddon est une entitd clinique rare ddcrite pour la premiere fois par Champion en 1960 et caract~ris~e par Sneddon en 1965. Le diagnostic est clinique et repose sur I'association chez un sujet jeune d'accidents vasculaires cdrd- braux r~cidivants et d'un livedo reticularis. Une hypertension artdrielle moddr~e est retrouv~e dans 60 % des cas. La biopsie cutande r6alis~e dans les mailles du l ivedo et en peau saine, met en dvidence u ne turgescence de I'endothelium des petits capillai- res du derme papillaire sans infiltrat inflammatoire ni n~crose fibrino'ide. La nature et la pathogdnie de cette affection restent obscures. Le traitement est encore imprdcis. Nous rapportons un nouveau cas et pr~sentons une analyse de la litt~rature.

OBSERVATION

Une femme de 30 ans, nullipare, fait en juin 1987 une h~mipl6gie facio-brachiale droite. Elle pr~sente depuis deux ans un livedo suspendu des fesses, des cuisses, du dos et des bras. Les diff~rentes investigations ~tiologiques (scanner, art~riographie c6r~brale, ~chocardiographie, enregistrement au Holter, ~tude de la crase sanguine) sont n6gatives. L'~volution de la symptoma- .tologie neurologique est favorable avec persistance d'une dis- cr6te asyrr~trie faciale et d'une g6ne de la main droite pour les mouvements fins. Un traitement antiagr~gant plaquettaire est instaur6. En f6vrier 1988 survient un nouvel ~pisode neurologi- que ~ type de d6ficit facio-brachial droit. L'enqu6te 6tiologique

" Clinique de Mcsdecine Interne et Maladies Infectieuses (Pr B. LENC) ; CHU Bordeaux; H~pital Haut-lev~.que ; 33604 PESSAC. ** Service de Neurologie (Pr L OISEAU, Pr ORGOGOZO) ; CHU Bordeaux; H&pital Pellegrin-Tripode ; 33076 BORDEAUX.

Tir~s .~ part :J.L. PELLEGRIN; Clinique de Mddecine Interne et Maladies I nfectieuses (CHU Bordeaux) ; H0pital Haut-Lev~que ; 5, avenue de Magellan ; 33604 PESSAC.

est toujours n~gative et 1'6volution favorable. En mars 1988, un traitement par antivitamine K est instaur6 au d6cours d'une h~mipar~sie gauche r~gressive. On retrouve en ju in 1988 Iors de I'hospitalisation une main droite creuse, malhabile et une dis- cr~te h~mipar~sie faciale droite. La tension art~rielle est normale sous Isoptine*. Le livedo cutan~ est present avec la m~me intensitY. La num6ration formulesanguineest normale. Lavitesse de s~dimentation est ~ I 5 mm ,~ la premiere heure. Le bilan immunologique (Anticorps anti-noyau, anti-ADN antiprothrom- binase, anticardiolipines et VDRL) est n~gatif. Le compl6ment total et ses fractions sont normaux. L'exploration de la coagula- tion (antithrombine III, prot~ine C, prot~ine S) et des fonctions plaquettaires ne r~v~le aucune anomalie. La capillaroscopie montre un terrain acrocyanotique banal, L'art6riographie bilat~- rale des mains met en ~vidence un spasme discret au point de ponction sur la terminaison de l'hum~rale et surtout un spasme important des art~res radiales, cubitales et interosseuses, quel- ques centirn~tres apr~s leur origine sans opacification distale. La biopsie cutanC~e, r~alis~e dans les mailles du livedo et en peau saine, montre une turgescence de l'endoth61iu m des arterioles d u derme profond sans r6action inflammatoire ni emboles de cris- taux de cholesterol. Le diagnostic de syndrome de Sneddon est ~voqu~ et la patiente quitte le service sous anticoagulant et vasodilatateurs. En novembre 1988, elle est hospitalis~e. Deux nouveaux accidents vasculaires sont survenus dans le territoire carotidien gauche. L'examen clinique est inchang6, l'enqu~te ~tiologique n6gative.

Re~u le 26-5-1989 Renvoi pour correction le 20-9-1989 Acceptation d6finitive le 04-4-1990

1990 - Tome XI Numdro 4

Le syndrome de Sneddon 313

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D I S C U S S I O N

En I'absence d'~tiologie vascu l aire, de cardiopathie emboli- g~ne ou de dyscrasie sanguine, I'association chez une femme jeune d'accidentsvasculaires c~r~braux r~cid ivants, d'un livedo reticularis et d'une hypertension art~rielle moderate, fait ~voquer un syndrome de Sneddon. Nous avons retrouv~ dans la l itt~rature 61 observations r~unissant les crit~res d~finis par Sneddon (1-12). II existe certaines differences dans la nomenclature. Dans la terminologie europ~enne le • livedo reticularis • caract~rise un livedo bleu~tre, ~tendu, qui disparait ~ la chaleur. Le ~ livedo racemosa • r~alise un aspect livide persistant quelle que soit la teml~rature. Dans la litt~rature anglo-saxonne, I'homologue du livedo racemosa est le livedo reticularis, alors que le terme de cuffs marmorata est r~serv~ ~ I'~quivalent du livedo reticularis europ~en (2).

La fr~quence du syndrome de Sneddon est difficile ~valuer et semble sous-estim~e (13). La plupart des cas sont des observations isol~es comme la n6tre. Deux s~ries seulement ont ~t~ ~tudi~es. Rebello (11) d~nombre huit syndromes de Sneddon parmi 3006 patients victimes d'une isch~mie c~r~brale. Lubach et Stature individualisent 14 sujets (74 %) avecaccidents vasculaires c~r~braux isch~miques parmi 19 malades qui pr~sentent un livedo g~n~ralis~. L'&ge moyen au moment du diagnostic est de 42 ans mais les premiers sympt0mes surviennent de nombreuses ann~es avant. Une pr~- valence f~minine nette (sex ratio = 2) est observ~e par tousles auteurs.

La symptomatologie ctinique associe un livedo et des signes • neurologiques (1). II s'agit d'accidents vasculaires c~r~braux isch~miques constitu~s ou transitoires, de crises comitiales et d'une d~mence progressive. Le plus souvent le livedo precede les sympt0mes neurologiques de plusieurs annexes. II s'aggrave pendant I'hiver et Iors des complications aiguEs neurologiques. Les manifestations vasculaires p~riph~riques sont fr~quentes, pr~coces mais peu s~v~res. II peut s'agir d'acro-~rythrocyanose, d'une abolition des pouls p~riph~riques et d'un syndrome de Raynaud typique. Une hypertension art~rielle est pr~sente dans 60 % des cas (2). Elle est g~n~ralement mod~r~e, sans atteinte r~nale et facilement contrOl~e par un traitement antihypertenseur classique. Dans une observation, une hypertension art~rielle s~v~re (grade III) est retrouv~e (1).

De nombreuses investigations compl~mentaires ont ~t~ pro- pos~es. Les donn~es de la litt~rature sont parcellaires. Aucun paran~tre ne semble pathognomonique de I'affection.

II n'existe ni syndrome inflammatoire, ni anomalie de I'h~mo- gramme, n i trouble de la crase sanguine. Le bilan immunologique est en g~n~ral n~gatif. La presence d'anticorps anti-phospholi- pide est rapports dans quelques observations r~centes. (5, 6, 8, 13).

L'art~riographie c~r~brale a ~t~ r~alis~e dans 16 observa- tions. Chez cinq patients, elle ne montrait pas d'anomalie et pour Rumpl et coll. (I 2), i l s'agirait de stades pr~coces o~J l'angiopathie n'atteint encore que les capillaires et les arterioles. Dans les 1 1 autres cas, I'art~riographie a permis d'observer deux types de I~sions: d'une part des st~noses d istales des art~res i ntracranien- nes et d'autre part une importante circulation collat~rale (11 ), r~alisant des images identiques b celles retrouv~es dans le

syndrome de Divry et Van Bogaert (I 4). L'examen tomodensito- m~trique c~r~bral est normal ~ la phase initiale de la maladie. Une atrophie corticale de degr~ variable avec des zones d'isch~- mie c~r~brale apparait ult~rieurement (I I).

Les art~riographies digitales montrent soit des l~sions st~notiques et obstructives soit un vasopasme. Ces aspects sont comparables ~ ceux observes au cours de ph~nom~nes de Raynaud, de la maladie de Buerger ou de la thrombo- ang~'fte oblit~rante (I I). Mais dans le cadre du syndrome de Sneddon, la biopsie des attires digitales ne r~v~le qu'une hyperplasie intimale avec preservation de la limitante ~lastique interne, sans n~crose fibrino'fde ni r~action in- flammatoire. La biopsie cutan~e r~alis~ dans les mailles du livedo et en peau saine, montre une proliferation endoth~liale et des cellules musculaires lisses de la media des vaisseaux du define profond (7). Elle peut ~tre normale. Ces aspects histologiques permettent de consid~rer le syndrome de Sneddon comme une art~riopathie progressive, occlusive et non inflammatoire touchant les vaisseaux de moyen calibre (11, 13).

Le diagnostic diff~rentiel recouvre de nombreuses affections susceptibles d'induire un livedo reticularis et des accidents vasculaires c~r~braux. L'ath~roscl~rose, les valvulopathies embolig~nes, la maladie des emboles de cholesterol et les vascu- larites syst~miques sont facilement ~I imin~es.

Plusieurs observations r~centes de syndrome de Sneddon ont ~t~ d~crites en association avec des anticorps anti-phos- pholipides (5, 6, 8). Elles posent le probl~me du r01e physiopa- thologique de ces anticorps et de la d~finition m~me du syndrome de Sneddon. S'agit-il d'une entit~ particuli~re ou s'int~gre-t-il dans le cadre plus g~n~ral de la pathologie !i~e aux anticorps anti-phospholipides ? (13). Ces anticorps ont en effet~t~ retrouv~s au cours de d~serdres neurologiques varies, crises comitiales, accidents isch~miques transitoires et livedo reticularis. Pour certains auteurs, le syndrome de Sneddon ne serait qu'une manifestation de la pathologie des anticorps anti-phospholipides mais il existe des arguments contre une telle hypoth~se. D'une part les anticorps anti-phos- pholipides sont fr~quemment associ~s ~ d'autres manifesta- tions, thromboses veineuses, thrombol~nie immunologique, avortements r~l~t~s, que l'on ne retrouve pas dans le syndrome de Sneddon ; d'autre part, le bilan immunologique et les anti- corps antiphospholipides sont n~gatifs dans la majorit~ des observations de syndrome de Sneddon o~J ils ont ~t~ re- cherch~s (13). Par ailleurs, deux affections comparables au syndrome de Sneddon sont d~crites : la maladie de Divry et Van Bogaert (14) et la thromboang~'fte c~r~brale oblit~rante (15). La similitude de leur sympto~atologie clinique, angio- graphique, tomodensitom~trique, des aspects anatomo-pa- thologiques et des ~tudes post-mortem ont conduit Rebello et col (I I ), El lie et col (I 6) ~ regrouper ces diff~rents tableaux, sans pour autantque dessignesanatomiquessl~cifiques ou une cause identifi~e permettent de les consid~rer comme une affection unique.

Le traitement du syndrome de Sneddon est empirique du fait de l'incertitude de son ~tiopathog~nie. II reste difficile car les ~pi- sodes neurologiq ues peuvent surven ir ~ plusieurs an nC~es d'inter- valle. Certains auteurs pr~conisent l'utilisation d'anti-agr~gants

314 J J~. PELLEGRIN et coll. La Revue de M~decine Interne Juillet - Ao~t

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plaquettaires avec corticoi"des, d'autres proposent les antivitami- nesK ou les immunosuppresseurs (10). L'efficacit~ ~ long terrne de ces th~rapeutiques n'est pas connue. Le pronostic de cette affection reste .p~joratif, domin~ par la survenue d'une d~mence progressive secondaire aux accidents isch~rniques rapatas.

L'association chez un sujet jeune d'accidents vasculaires c~r~braux r~cidivants et d'un l ivedo reticularis peut ~tre r~v~la- trice de nombreuses affections. "En I'absence d'~tiologie vascu- lake, de cardiopathie embolig~ne ou de dyscrasie sanguine, le syndrome de Sneddon dolt ~tre ~voqu~. Une telle d~marche permettra d'appr~cier sa fr~quence, sa place au sein des art~rio- pathies c~r~brales et I'efficacit~ des diff~rentes th&apeutiques propos~es.

Summary-- Sneddon's syndrome: case report and lite- rature review.

The autors report the case of a young woman with Sned- don's syndrome and expose literature review. This rare entity is characterized by idiopathic livedo reticularis, ischemic stroke, and occasionnally, mild arterial hyperten- sion. Skin biopsy shows endarteritis obliterans of deep dermal arteries. The pathogenesis of this disorder is still unknown and the treatment is not clearly established.

Key-words :GENERALIZED LIVEDO RETICU LARIS- GENE- RALIZED LIVEDO RAC EMOSA- CEREBROVASCU LAR AC- CIDENT- SN EDDON'S SYNDROME- CEREBRAL ANGEfflS.

B I B L I O G R A P H I E

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