le syndrome de donohue ou lepréchaunisme : à propos d’un cas

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Le syndrome de Donohue ou lepre ´chaunisme : a ` propos d’un cas Donohue syndrome or leprechaunism D. Planchenault a, *, D. Martin-Coignard b , D. Rugemintwaza c , A.-G. Bah c , L. Cosson d , F. Labarthe d , A. Chantepie d , E. Saliba a a Service de re ´animation ne ´onatale et pe ´diatrique, CHRU de Tours, ho ˆpital Clocheville, 49, boulevard Be ´ranger, 37044 Tours cedex 9, France b Service de ge ´ne ´tique me ´dicale et cytoge ´ne ´tique, centre hospitalier du Mans, 194, avenue Rubillard, 72037 Le Mans cedex 9, France c Service de re ´animation ne ´onatale et pe ´diatrique, centre hospitalier du Mans, 194, avenue Rubillard, 72037 Le Mans cedex 9, France d Unite ´ de spe ´cialite ´s pe ´diatriques, CHRU de Tours, ho ˆpital Clocheville, 49, boulevard Be ´ranger, 37044 Tours cedex 9, France Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com 1. Introduction Trois syndromes d’insulinore ´sistance lie ´s a ` des mutations du ge `ne INSR codant pour le re ´cepteur de l’insuline existent. Le syndrome d’insulinore ´sistance de type A de Kahn est le moins se ´ve `re, et se rencontre souvent chez la jeune femme. Le syndrome de Rabson-Mendenhall et le lepre ´chaunisme, ou syndrome de Donohue, sont de re ´ve ´lation ne ´onatale, de transmission autosomique re ´cessive, et caracte ´rise ´s par un re ´cepteur de l’insuline anormal avec une activite ´ re ´siduelle diminue ´e pour le premier et quasi absente pour le second [1]. Le syndrome de Donohue (OMIM 246200) est donc le plus se ´ve `re des 3, avec un de ´ce `s pre ´coce dans la premie `re anne ´e de vie par trouble de l’home ´ostasie glucidique et du me ´tabo- lisme e ´nerge ´tique. Les patients atteints ont un retard de croissance intra-ute ´rin (RCIU) et postnatal important, une dysmorphie caracte ´ristique et un hyperinsulinisme avec des hypo- et hyperglyce ´mies de survenue anarchique. Nous de ´cri- vons ici le cas d’un patient de ´ce ´de ´a ` trois mois de vie d’une Summary Donohue syndrome or leprechaunism is a severe congenital insulin- resistance syndrome. It is characterized by intra-uterine and neo- natal growth retardation, typical dysmorphic features, and metabolic abnormalities with hyperinsulinism and hyperandrogenism. Pro- blems in energy metabolism and loss of glucose homeostasis are responsible for early death in the first year of life. We describe a case with a novel homozygote mutation in the insulin receptor gene. This patient had hypertrophic cardiomyopathy with heart failure and bronchial compression leading to clinical deterioration over 5 days and subsequently death. A treatment with recombinant IGF-1 was tried without efficacy. ß 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Re ´sume ´ Le syndrome de Donohue, ou lepre ´chaunisme, est un syndrome conge ´nital d’insulinore ´sistance se ´ve `re caracte ´rise ´ par un retard de croissance intra-ute ´rin et postnatal, une dysmorphie caracte ´ristique et des perturbations me ´taboliques (hyperinsulinisme, hyperandro- ge ´nisme). Les troubles du me ´tabolisme e ´nerge ´tique, et notamment la perte de l’home ´ostasie glucidique sont responsables d’une mort pre ´coce dans la premie `re anne ´e de vie. Nous de ´crivons un cas avec une mutation a ` l’e ´tat homozygote du ge `ne du re ´cepteur de l’insuline non de ´crite auparavant, qui avait de ´veloppe ´ une cardiomyopathie hypertrophique avec une de ´faillance cardiaque et une compression des bronches responsables d’une de ´gradation clinique en cinq jours suivie du de ´ce `s. Un traitement par IGF-1 recombinante avait e ´te ´ essaye ´ sans efficacite ´. ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. * Auteur correspondant. Service de ne ´onatologie, ho ˆpital de Saint-Maurice, 12/14, rue du Val-d’Osne, 94410 Saint-Maurice, France. e-mail : [email protected], [email protected] (D. Planchenault). Rec ¸u le : 6 mars 2013 Accepte ´ le : 22 novembre 2013 Disponible en ligne 1 er janvier 2014 Fait clinique 206 0929-693X/$ - see front matter ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2013.11.016 Archives de Pe ´diatrie 2014;21:206-210

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Page 1: Le syndrome de Donohue ou lepréchaunisme : à propos d’un cas

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Fait clinique

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Le syndrome de Donohue ouleprechaunisme : a propos d’un cas

Donohue syndrome or leprechaunism

D. Planchenaulta,*, D. Martin-Coignardb, D. Rugemintwazac,A.-G. Bahc, L. Cossond, F. Labarthed, A. Chantepied, E. Salibaa

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Recu le :6 mars 2013Accepte le :22 novembre 2013Disponible en ligne1er janvier 2014

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a Service de reanimation neonatale et pediatrique, CHRU de Tours, hopital Clocheville,49, boulevard Beranger, 37044 Tours cedex 9, Franceb Service de genetique medicale et cytogenetique, centre hospitalier du Mans,194, avenue Rubillard, 72037 Le Mans cedex 9, Francec Service de reanimation neonatale et pediatrique, centre hospitalier du Mans,194, avenue Rubillard, 72037 Le Mans cedex 9, Franced Unite de specialites pediatriques, CHRU de Tours, hopital Clocheville,49, boulevard Beranger, 37044 Tours cedex 9, France

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

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SummaryDonohue syndrome or leprechaunism is a severe congenital insulin-

resistance syndrome. It is characterized by intra-uterine and neo-

natal growth retardation, typical dysmorphic features, and metabolic

abnormalities with hyperinsulinism and hyperandrogenism. Pro-

blems in energy metabolism and loss of glucose homeostasis are

responsible for early death in the first year of life. We describe a case

with a novel homozygote mutation in the insulin receptor gene. This

patient had hypertrophic cardiomyopathy with heart failure and

bronchial compression leading to clinical deterioration over 5 days

and subsequently death. A treatment with recombinant IGF-1 was

tried without efficacy.

� 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

ResumeLe syndrome de Donohue, ou leprechaunisme, est un syndrome

congenital d’insulinoresistance severe caracterise par un retard de

croissance intra-uterin et postnatal, une dysmorphie caracteristique

et des perturbations metaboliques (hyperinsulinisme, hyperandro-

genisme). Les troubles du metabolisme energetique, et notamment la

perte de l’homeostasie glucidique sont responsables d’une mort

precoce dans la premiere annee de vie. Nous decrivons un cas avec

une mutation a l’etat homozygote du gene du recepteur de l’insuline

non decrite auparavant, qui avait developpe une cardiomyopathie

hypertrophique avec une defaillance cardiaque et une compression

des bronches responsables d’une degradation clinique en cinq jours

suivie du deces. Un traitement par IGF-1 recombinante avait ete

essaye sans efficacite.

� 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

1. Introduction

Trois syndromes d’insulinoresistance lies a des mutations dugene INSR codant pour le recepteur de l’insuline existent. Lesyndrome d’insulinoresistance de type A de Kahn est le moinssevere, et se rencontre souvent chez la jeune femme. Lesyndrome de Rabson-Mendenhall et le leprechaunisme, ou

* Auteur correspondant.Service de neonatologie, hopital de Saint-Maurice, 12/14, rue du Val-d’Osne,94410 Saint-Maurice, France.e-mail : [email protected],[email protected] (D. Planchenault).

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0929-693X/$ - see front matter � 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2013.11.016 Archives de Pediatrie 2014;21:206-210

syndrome de Donohue, sont de revelation neonatale, detransmission autosomique recessive, et caracterises par unrecepteur de l’insuline anormal avec une activite residuellediminuee pour le premier et quasi absente pour le second [1].Le syndrome de Donohue (OMIM 246200) est donc le plussevere des 3, avec un deces precoce dans la premiere annee devie par trouble de l’homeostasie glucidique et du metabo-lisme energetique. Les patients atteints ont un retard decroissance intra-uterin (RCIU) et postnatal important, unedysmorphie caracteristique et un hyperinsulinisme avec deshypo- et hyperglycemies de survenue anarchique. Nous decri-vons ici le cas d’un patient decede a trois mois de vie d’une

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defaillance cardiaque par cardiomyopathie hypertrophique(CMH).

2. Cas Clinique

Ce nouveau-ne etait de sexe feminin. Sa mere etait agee de23 ans, et son pere de 34 ans. Ils etaient sains mais cousinsgermains. Il s’agissait d’une premiere grossesse. La deuxiemeechographie obstetricale avait revele un RCIU symetrique, unpolyhydramnios et une insertion lineaire des valves cardia-ques atrioventriculaires. Les recherches de cytomegaloviruset Parvovirus B19 avaient ete negatives et, apres amniocen-tese, le caryotype fœtal s’etait avere normal (46, XX). L’enfantetait ne a terme. Elle pesait 1720 g (< 3e percentile), sa tailleetait de 40 cm (< 3e percentile) et son perimetre cranien de32 cm (3e percentile). Elle etait dysmorphique avec un fronthaut, des fentes palpebrales larges avec de grands yeux, unnez a pointe bulbeuse, des ailes du nez epaisses, une ensel-lure nasale marquee, des narines larges anteversees et unegrande bouche. Les oreilles etaient grandes, bas situees, enrotation posterieure avec un lobule large et epais. La peauetait epaisse avec un aspect global hypotrophique (hypotro-phie musculaire et lipoatrophie). Les membres etaient finsavec des doigts longs. Par ailleurs, les mamelons etaientproeminents et il existait une hypertrophie clitoridienne,une distension abdominale, et une anteposition anale avecprolapsus anal (fig. 1). On notait une hypotonie globale, maisun bon contact.L’echographie transfontanellaire et l’imagerie par resonancemagnetique cerebrale etaient normales. L’echographie abdo-minale etait initialement normale mais avait revele a un moisde vie de volumineux ovaires multifolliculaires (fig. 2), unenephrocalcinose et un aspect de malrotation intestinale. Laradiographie thoracique avait montre une cardiomegalie etl’echocardiographie n’avait initialement identifie qu’une ste-nose valvulaire aortique, mais, a un mois de vie, une CMHimportante.Des hypo- et hyperglycemies anarchiques avaient ete misesen evidence des la naissance (de 0,27 a 2,21 g/L). L’hyperinsu-linemie confirmee y compris lors d’hypoglycemies (de 81 a4198 pmol/L) avait conduit au diagnostic de syndrome d’insu-linoresistance. Par ailleurs, l’enfant avait developpe un retardde croissance postnatal, une hypokaliemie, une hypoalbumi-nemie, une cholestase, des anomalies de l’hemostase et uneanemie.Le syndrome de Donohue a ete confirme par l’analyse gene-tique. Une mutation a ete retrouvee dans le gene INSR situe auniveau du chromosome 19 qui code pour le recepteur del’insuline. L’enfant etait homozygote pour la mutationc.1611-1G>A. Les parents etaient tous deux heterozygotes pourcette mutation. Il s’agit d’une mutation du site accepteurd’epissage de l’intron 7, potentiellement responsable de lanon transcription de l’exon 8. Par consequent, la sous-unite a

du recepteur de l’insuline qui en resulte, tronquee, n’est plus

capable de lier son ligand. Sur le plan biologique, le tauxd’hormone de croissance (GH) etait a 4,77 mUI/L donc normal,ceux d’IGF-1 (Insulin-like Growth Factor-1) et IGF-BP3 (IGF-Binding Protein 3) etaient diminues respectivement < 5 ng/mL et < 0,3 mg/mL. Ces donnees sont caracteristiques duleprechaunisme [2].La prise en charge de l’enfant s’est faite initialement dans lesservices de neonatologie et de medecine pediatrique. Unehypokaliemie mise en evidence a l’age d’un mois avait neces-site une supplementation orale par gluconate de potassiumpendant un mois. Une cholestase hepatique etait apparueprogressivement, avec, a 44 jours de vie, un taux de bilirubi-nemie totale de 172 mmol/L et de bilirubinemie conjuguee de71 mmol/L. Un traitement par acide ursodeoxycholique avaitalors ete instaure (20 mg/kg par jour). Apres un mois detraitement, la bilirubinemie totale etait a 39 mmol/L et labilirubinemie conjuguee a 16 mmol/L, mais les taux de selsbiliaires (non doses avant traitement) etaient a 111 mmol/L.Une hypoalbuminemie etait apparue a un mois et demi de vieet s’etait aggravee progressivement (minimum 15 g/L a deuxmois et demi), necessitant une perfusion d’albumine (1 g/kg),sans effet notable. Des anomalies de l’hemostase avaient eteobservees des la naissance avec un taux de prothrombineautour de 45 %, un facteur V normal, mais un facteur VIIabaisse a 16–22 %, faisant suspecter une mutation constitu-tionnelle de ce facteur. Une supplementation en vitamine Kavait ete regulierement donnee sans efficacite. Une anemieavait necessite trois transfusions sanguines.La CMH avait ete diagnostiquee a un mois de vie. Un traite-ment par propanolol avait ete commence a 44 jours de vie, a ladose de 3 mg/kg par jour en trois prises orales, sans modifica-tion significative des donnees echocardiographiques. Lestransfusions sanguines et perfusion d’albumine avaient eteencadrees d’injections intraveineuses de furosemide pourameliorer la tolerance cardiaque face a des apports volemi-ques importants.Face aux variations glycemiques importantes et au retard decroissance postnatal, une nutrition enterale continue avaitete entreprise a partir de 44 jours de vie, mais des hypogly-cemies etaient apparues lors des tentatives de passage ennutrition enterale discontinue. Pour permettre des apportscaloriques plus importants, le relais avait ete pris avec unenutrition parenterale par catheter central a partir de deuxmois de vie. Malgre ces mesures, la prise ponderale etaitrestee insuffisante, de l’ordre de 300 g par mois.Le seul traitement specifique dans le syndrome de Donohue,qui pourrait permettre d’ameliorer l’insulinoresistance, estl’IGF-1 recombinante ou rhIGF-1 (IncrelexW). Ce traitementavait ete instaure a deux mois de vie, a la dose de0,05 mg/kg en injections sous-cutanees toutes les 12 heures,et augmente progressivement jusqu’a la dose maximale de1,5 mg/kg toutes les huit heures. Aucune efficacite n’a eteobjectivee tant sur la prise ponderale que sur les variationsglycemiques.

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Figure 1. Dysmorphie. A. Visage de face. B. Visage de profil. C. Hypotrophie, atrophie musculaire et lipoatrophie, mamelon proeminent.

Une polypnee moderee, possiblement en rapport avecl’atteinte cardiaque, avait ete notee des un mois de vie. Elles’etait aggravee au cours des semaines, avec parfois necessited’une oxygenotherapie. A partir de deux mois de vie etaientsurvenus des malaises avec cyanose.A l’age de deux mois et demi, au decours d’une transfusionsanguine, l’enfant a fait une decompensation cardiaque etrespiratoire ayant necessite son transfert en unite de reani-mation. La CMH s’etait majoree, entraınant une compression

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des bronches souches. L’enfant a alors necessite une sedationet une ventilation assistee. En raison d’une hypertensionarterielle pulmonaire pre- et postcapillaire, un traitementpar monoxyde d’azote a ete instaure. Le traitement parpropranolol a ete poursuivi et un traitement par spironolac-tone (3 mg/kg par jour per os) et furosemide (jusqu’a 10 mg/kg par jour en injections intraveineuses toutes les trois heu-res) a ete mis en route. Le peptide natriuretique de type B a etedose quotidiennement et n’a cesse d’augmenter jusqu’a

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Figure 2. Echographie pelvienne : ovaires polykystiques. A. Ovaire droitmesurant 50 � 28 � 32 mm. B. Ovaire gauche mesurant14 � 22 � 22 mm.

9646 ng/L. Une hypotension arterielle a necessite plusieursexpansions volemiques et une perfusion continue d’adrena-line (0,05 a 0,08 mg/kg par minute). Par ailleurs, sur cinq jours,l’enfant a recu six perfusions d’albumine, trois perfusions deplasma frais congele, et une transfusion sanguine. Les trai-tements par acide ursodeoxycholique et rhIGF-1 ont ete pour-suivis, et un traitement par diazoxide (ProglicemW – 5 mg/kgpar jour en quatre prises orales) a ete instaure pour bloquer lasecretion d’insuline et ses effets indesirables sur la CMH.Malgre l’ensemble de la prise en charge, la situation s’estaggravee avec l’apparition d’une hypoxie, d’une hypercapnie,d’un choc cardiogenique et d’une oligoanurie. L’enfant estdecedee a deux mois et 25 jours de vie.

3. Discussion

Le syndrome de Donohue ou leprechaunisme est une maladierare, sa prevalence etant estimee a moins de un cas pour unmillions de naissances vivantes. C’est une maladie autoso-mique recessive decrite pour la premiere fois en 1954 parWilliam Leslie Donohue et induite par des mutations sur legene INSR du recepteur de l’insuline. Ce gene se situe sur le

chromosome 19, en 19p13.2. Il a 22 exons et code pour les sous-unites a et b du recepteur de l’insuline. Ce recepteur est unheterotetramere compose de deux sous-unites a extracellu-laires qui permettent la liaison de l’insuline, et de deux sous-unites b transmembranaires qui possedent un domainetyrosine kinase intracellulaire. La liaison de l’insuline auxsous-unites a du recepteur stimule l’autophosphorylationdes sous-unites b et l’activite kinasique [3]. Les mutationsdecrites sont variees avec differentes consequences fonc-tionnelles pour le recepteur : absence de fixation du ligand,absence d’expression du recepteur a la membrane, degrada-tion importante du recepteur, absence d’autophosphoryla-tion, absence d’activite tyrosine kinase. . . [4]. La mutationhomozygote de notre patiente n’a pas ete decrite a notreconnaissance.L’absence d’activite du recepteur qui en decoule est respon-sable de l’insulinoresistance avec hyperinsulinisme. Le meta-bolisme energetique est perturbe (perte de l’homeostasieglucidique, atrophie musculaire, lipoatrophie, retard de crois-sance, steatose et cholestase hepatique), un hyperandroge-nisme apparaıt (ovaires polykystiques [5,6], macropenis,hypertrophie clitoridienne, gynecomastie, hirsutisme), ainsiqu’un exces de croissance de certains organes (hepatomega-lie, splenomegalie, cardiomegalie, cardiomyopathie hypertro-phique). Les mecanismes moleculaires sont multiples etpartiellement inconnus. Il pourrait s’agir d’une action del’insuline en exces sur les recepteurs de l’IGF-1 avec une actiona type de facteur de croissance ou de perturbations dans lesvoies de signalisation reliees au recepteur de l’insuline mute[7,8].Plusieurs cas de leprechaunisme avec CMH ont ete decrits [9–11]. Une evaluation echocardiographique precoce et reguliereest donc necessaire chez ces patients. Il a par ailleurs ete decritune perte de sensibilite a la GH par modification du nombreou de l’affinite des recepteurs a la GH. L’insuline et la GH etantresponsables de la regulation de l’IGF-1 et de l’IGF-BP3, cesdernieres ont une concentration serique abaissee [2]. Cesconnaissances expliquent la possibilite de traitement parrhIGF-1, qui semble pouvoir retablir le metabolisme glucidiqueet diminuer l’insulinemie. Mais compte-tenu de la demi-viecourte de l’IGF-1 liee au taux faible d’IGF-BP3, il est maintenantrecommande de realiser un traitement par infusion sous-cutanee continue associee a des injections sous-cutaneesavant chaque repas. Les doses decrites vont de 0,4 a1,6 mg/kg par jour [11–13]. Plusieurs etudes ont rapporteune efficacite, y compris sur la CMH, sans effet secondaire[11]. On pourrait craindre en effet une aggravation de la CMHpar l’action sur la croissance de l’IGF-1, comme dans les casd’acromegalie [14] ou le cas rapporte par Satoh et al. [15]. Ilsemble donc necessaire, en cas de traitement par rhIGF-1,d’adapter le traitement aux taux seriques d’IGF-1 afin de lesmaintenir dans des valeurs normales pour l’age. Un autremoyen d’allonger la demi-vie d’IGF-1 tout en diminuant lerisque d’effets secondaires est de combiner les traitements

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par rhIGF-1 et IGF-BP3 (IGF-BP3 lie IGF-1, donc le taux d’IGF-1 libre est plus bas).

4. Conclusion

Le leprechaunisme est une maladie rare mais de pronostic tresreserve. Il peut se compliquer d’une CMH et de defaillancecardiaque, d’ou la necessite d’une surveillance echocardio-graphique precoce et reguliere. La seule possibilite therapeu-tique est la rhIGF-1 sous-cutanee continue avec dosagessanguins reguliers de l’IGF-1.

Declaration d’interets

Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.

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