le printemps arabe, quête de la dignité ou islamisation politique ?

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Zone géographique : Moyen orient Mohamed Saïd Bouizi ESC2-FT4 2016-2017 Le printemps arabe, quête de la dignité ou islamisation politique

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Page 1: Le printemps arabe, quête de la dignité ou islamisation politique ?

Zone géographique : Moyen orient

Mohamed Saïd Bouizi

ESC2-FT4

2016-2017

Le printemps arabe, quête de la dignité ou islamisation politique

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Sommaire

I- Introduction…………………………………………………………………3

II- Etude documentaire…………………………………………………….......5

Premier bilan………………………………………………………………5

La période constitutionnelle ………………………………………………8

La victoire des partis islamistes……………………………………………11

III- Problématique et hypothèses ……………………………………………...13

Contre argument………………………………………………………...…17

Cheminement difficile……………………………………………………..17

IV- Conclusion…………………………………………………………………19

V- Bibliographie………………………………………………………………21

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I. Introduction

Des millions de civils Arabes sont descendus dans les rues pour réclamer une restructuration

politique, sociale, de la justice et économique. Le printemps arabe, qui, il y a cinq ans portait

l’espoir de toute une génération rejetant les régimes autoritaires ou la corruption qui leur étaient

imposés, a affecté, à des degrés divers l’ensemble des pays arabes concernés.

Brutal ébranlement certes, mais c’est loin d’être arrivé par hasard. Même imprévu dans la forme

qu’il a prise, l’ébranlement n’était pas moins prévisible. Il y a eu, par le passé, des précédents

dans des contextes différents : l’intifada palestinienne en 1987, le printemps algérien de 1988,

le printemps tunisien au tournant de 1990, le printemps de Damas, début 2000, l’ouverture

parlementaire koweïtienne. Mais aucun précédent n’a donné lieu à un tel « tsunami » politique,

à un tel chambardement. Attribuer tout cela aux effets de mondialisation, aux réseaux sociaux,

aux chaînes satellitaires, serait un peu court, bien que cela ait joué dans l’amplification du

phénomène.

Certains pays qui semblaient faire l’exception. Les monarchies pétrolières peuvent compter sur

les pétrodollars encore pour quelque temps, mais pour combien ? Les monarchies non

pétrolières (Jordanie et Maroc) comptent sur leurs titres de noblesse, tandis qu’elles se voient

méfiantes face à l’ouverture de système politique sauf de manière contrôlée. L’Algérie se juge

protégée derrière son armée, derrière les liasses de pétrodollars, mais aussi derrière

l’amoncellement des souvenirs tragiques d’une guerre civile qui a fait plus de 150 000 morts

dans les années 1990.

Les autres pays ressemblaient à un vaste champ de broussailles asséchées qui n’attendait qu’une

mèche pour s’embraser. Ce fut l’immolation de Mohammad Bouazizi le 17 décembre 2010.

Depuis, tout un peuple s’est mis en marche sans crainte, sans leader, sans encadrement d’aucun

parti politique. Des révolutionnaires inspirés par le théoricien de la révolution pacifique « Gene

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Sharp ». Le mur de la peur brisé, la dictature s’effondre. Le 14 janvier 2011, Ben Ali s’enfuit.

Le 25 février, ce fut le tour de Moubarak, surnommé à tort « Pharaon d’Égypte ». Plusieurs

mois après, Kadhafi est exécuté. Ali Saleh du Yémen résiste à la tempête, mais est contraint à

passer la main et s’en va aux États-Unis pour un exil médical. Bachar el Assad sévit sans

retenue, mais il est aux abois. À Bahreïn, la monarchie sunnite minoritaire ne doit son salut

qu’au soutien des autres pétromonarchies et à la complaisance américaine qui dispose, dans ce

pays, d’une grande base navale.

Les questions qui se posent alors sont multiples : La quête de dignité menée par les

révolutionnaires a-t-elle réussi ? La révolution a-t-elle favorisée l’arrivée des frères

musulmans ? Les frères musulmans ont pu concilier l’Islam et la démocratie ?

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II. Etude documentaire :

Commençant de la Tunisie où il a fait tomber le gouvernement Ben Ali, un printemps de révolte

souffle sur tout l’ensemble géopolitique connu sous l’acronyme de MENA – Middle East North Africa

– et menaçait de bouleverser l’équilibre de toute la région voir carte 1 où les régimes que l’on pensait

solidement implantés, souvent soutenus par l’Occident, comme la Tunisie et l’Egypte étaient au bord du

chaos. Non seulement, le Printemps arabe a démontré qu’il était nécessaire de faire évoluer le

système économique et les institutions des pays arabes en transition (terme employé dans la

communauté internationale qui regroupe : l’Egypte, la Jordanie, la Libye, le Maroc, la Tunisie

et le Yémen). Depuis lors, il y a eu quelques avancées, mais les faiblesses structurelles

inhérentes à leurs systèmes économiques n’ont pas encore été corrigées. En réalité lorsqu’on

regarde la carte (1) des Etats touchés par les troubles internes l’on se dit que la forme du régime,

monarchique ou autoritaire, importe peu et que la raison est le plus souvent économique.

Carte 1 :

Le monde arabe en révolution

En effet, à l’exception de l’Algérie et du Yémen dont la situation interne balançait entre

sourde revendication et chaos contrôlé depuis des décennies, les pays touchés par ces troubles

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internes sont ceux qui ne disposent pas d’une rente énergétique pour assurer leur survie

économique. Les pays du Golfe, Arabie Saoudite, Koweït, Qatar, qui présentent pourtant de

nombreuses analogies politiques avec le Maroc, l’Egypte ou la Jordanie, ne subissent pas de

soulèvements, principalement grâce aux accords pétrolier.

En réalité, tout régime autoritaire, qu’il soit monarchique ou républicain, ne peut tenir

tant qu’il ne réunit pas autour de lui un large camp populaire, chose qui n’est réalisable que

quand l’économie assure une certaine prospérité générale. Les soulèvements populaires ayant

lieu en MENA sont donc en grande partie dus aux retombées de la crise qui est venue détruire

le fragile équilibre économique de la zone. Rappelons-nous que le point de départ du

soulèvement tunisien a été l’agacement d’une grande partie de la jeunesse au chômage. La

Tunisie a été donc le pays indiquant le chemin aux autres pays arabes, où jamais un chef d’État

n’avait été renversé par son peuple. Evidemment des coups d’État ont eu lieu, mais c’était des

coups de force militaires et principalement sans aucune participation populaire.

Ce n’est pas un effet domino dont la Tunisie aurait été la première pièce à basculer. Ce

n’est pas non plus un effet contagion. Mais sans doute un effet d’exemplarité. Car si les maux

sont communs à tous les pays arabes, l’histoire, la géographie, la géopolitique de chaque pays,

ainsi que les cadres nationaux et étatiques, notamment le rôle de l’armée, sont différents. Mais,

en brisant le mur de la peur, la Tunisie a démontré la fragilité intrinsèque des systèmes

autoritaires. Si les Tunisiens ont pu le faire, les autres Arabes le peuvent aussi, reprenant ainsi

le slogan électoral de Barack Obama (« Yes, we can »), crié à la place Al Tahrir.

Ainsi, en quelques mois, la scène politique dans les pays arabes s’est trouvées

bouleversées. Le statut international du Moyen-Orient et les modes d’articulation arabe au

système international ont été renversés. Les grandes puissances, qui, il y a si peu, glorifiaient le

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beau temps, sont conduites hors des espaces de contestation, perdent leurs relais régionaux et

voient leur autorité sur la région se desserrer. Par ailleurs, et contrairement à la théorie

conspirationniste, les événements qui secouaient la région arabe au début étaient endogènes et

non guidés de l’extérieur. Après le déclenchement des faits, il y a eu un appui politique,

financier et militaire aux Frères musulmans par les Qataris, l’Arabie saoudite par les

mouvements salafistes sunnites, la Turquie avec le parti AKP, qui a le même nom que le parti

qui détient le pouvoir au Maroc : espoir des Frères musulmans (Algérie, Tunisie, Jordanie,

Syrie, Maroc, etc.) avec son appui logistique, son exemplarité politique et qui se juge premier

succès de l’islamisme politique, l’Occident notamment par son appui politique, médiatique et

militaire (OTAN, FR, GB, EU, UE).

L’Iran n’était pas à l’abri non plus, et a été affecté notamment par le printemps arabe et

est sur la défensive face à un monde arabe sunnite qui s’affirme davantage dans une lutte

d’influence entre extrémistes. À l’intérieur du monde arabe, les cartes sont redistribuées : la

Syrie et l’Irak, le double pilier du système régional du Machrek sont hors-jeu. L’Irak, ruiné par

l’invasion américaine, miné par les divisions communautaires et dominé par un chiisme

revanchard, est loin d’avoir repris la stabilité. Quant au régime syrien, il fait face à une révolte

populaire sans précédent et le régime de Bachar el Assad semble à bout de souffle et de moyens

sans la Russie à son côté. L’Égypte ; l’autre centre de gravité du système régional arabe,

traverse une phase difficile de relance économique et de recomposition du système politique et,

pour l’heure, est davantage préoccupée par la stabilisation de sa scène intérieure où les

islamistes sont en activisme permanent, comme ailleurs. Assez curieusement, le printemps

arabe renforce le pôle conservateur dans le monde arabe : le pôle saoudien. Riyad semble

aujourd’hui éclipser les trois anciennes capitales califales arabes : Damas, Bagdad et Le Caire.

Mais l’Arabie saoudite est handicapée par son rigorisme religieux, ce qui lui aliène les courants

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modernistes et séculiers dans le monde arabe, et elle est trop alignée sur l’Amérique, ce qui lui

aliène les nationalistes et les courants de gauche. Bref elle est trop conservatrice pour

convaincre et trop rivée sur les États-Unis pour être aimée. Mais l’Arabie saoudite est riche.

Est-ce un facteur de puissance ? Les pétrodollars procurent de l’influence (al noufoudh), mais

ne confèrent pas du leadership (al-qiyadah), si l’on entend par leadership, l’aptitude à être une

locomotive régionale, capable d’aplanir les différends interétatiques, d’indiquer la direction à

suivre, de suggérer des lignes de conduites à l’échelle de la région et d’imposer le respect aux

acteurs régionaux et internationaux. À la limite, le petit émirat de Qatar, beaucoup plus

entreprenant, grâce à une gesticulation diplomatique permanente, une présence sur tous les

fronts (du sponsoring d’équipes de football à la participation, même symbolique, à la campagne

militaire de l’Otan en Libye) et la mise à sa disposition d’une force de frappe médiatique qu’est

Al-Jazzera.

La période constitutionnelle La fin de certaines dictatures inaugure une nouvelle ère constitutionnelle. Depuis lors,

les constitutions ont été révisées en majorité. C’est une priorité de tous les nouveaux

gouvernements car, comme le dit en 2011 Chibli Mallat1 « les constitutions sont des contrats

sociaux qui rassemblent les attentes du peuple dans un texte qui impose l’esprit du nouveau

régime construit sur les ruines de l’ancien ».

Partout, on cherche à affirmer la séparation des pouvoirs, le respect des droits de l’homme, la

durée du mandat présidentiel, l’indépendance de la justice, etc. C’est le roi du Maroc qui réagit

le premier au printemps arabe en annonçant, dans son discours du 9 mars 2011 une réforme

constitutionnelle. Le timing du discours n’est pas fortuit : il s’agit de couper l’herbe sous les

1 Chibli Mallat : avocat des droits de l’Homme et ancien candidat à la présidence au Liban

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pieds des protestataires et désamorcer la révolte du 20 février, en reconnaissant la pluralité

culturelle et linguistique du pays (l’amazigh), en promettant d’élargir les pouvoirs et les

compétences du premier ministre et du parlement, en appelant à l’approfondissement de la

réforme de la justice. Reste à savoir si c’est une manœuvre ou volonté réelle de moderniser le

pays ? Les points de vue divergent et le débat continue au Maroc sur cette question. Pour les

partisans du roi, c’est une avancée significative dans la voie de la modernisation du pays. Pour

les opposants, c’est une constitution octroyée à l’instar des autres Constitutions de 1962, 1970,

1972, 1992, 1996, et de plus, elle ne s’attaque ni aux supériorités politiques ni aux privilèges

économiques du Makhzen. Si j’épingle le cas du Maroc, c’est parce qu’il symbolise un

ensemble des transactions se passants en coulisses, des pressions occultes et des manœuvres du

makhzen, qui demeure le véritable pouvoir du pays. Mais aussi parce que le Maroc est révélateur

de la nouvelle ère ouverte par le printemps arabe : l’engouement pour les règles

constitutionnelles qui doivent régir l’espace politique. Faut-il rappeler que sur 13 450 000

électeurs marocains, 73,5 % ont participé au référendum du 1er juillet 2011 ? C’est 8,4 points

de plus que lors du vote sur la Constitution de 1996, (source : Lopez, 2011).

La Tunisie et l’Égypte se sont engagées aussi dans des révisions constitutionnelles. Mais

si les enjeux constitutionnels au Maroc s’articulent autour du rôle du Makhzen dans la vie

politique et économique du pays, ailleurs, comme en Égypte, ces enjeux s’articulent autour du

rôle de la religion et de l’État, la place de l’armée dans le nouveau système politique, le choix

du régime présidentiel ou parlementaire et la consécration du caractère non confessionnel de

l’État égyptien. On observe ainsi la diversité de situations dans les pays arabes derrière les

débats acharnés sur les nouvelles constitutions. Mais qui aurait pu imaginer, il y a vingt ou dix

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ans encore, qu’un leader d’un parti islamiste, comme Benkirane, deviendrait premier ministre

de son pays ?

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Une constitution est faite pour un pays et non pour un parti et elle affirme des principes

généraux qui organisent la vie en société et les rapports entre gouvernants et gouvernés, et non

des prises de positions partisanes et contingentes. Ces trois exemples – Maroc, Égypte, Tunisie

– nous montrent les enjeux des révisions constitutionnelles et les débats qu’ils suscitent. Tout

cela est très sain. Il est en effet révolu le temps où les dictateurs pouvaient tailler les

constitutions à leur mesure. Ce n’est donc pas le moindre des mérites du printemps arabe.

La victoire des partis islamistes En réalité, et selon les évolutions arabes historiques, démographiques, éducatives,

économiques et sociales, il n’y avait presque aucun doute que les islamistes allaient emporter

la mise et leur victoire était prévisible. En effet, dans les dictatures où le système politique est

verrouillé, où le marché politique est dominé par le parti unique, où les organisations de la

société civile sont contrôlées, censurées et réprimées, les islamistes sont apparus comme la

seule alternative la plus crédible. Et cela est dû à plusieurs raisons : Premièrement, ces partis

ont été historiquement le fer de lance de la contestation clandestine ou semi-clandestine et leurs

militants ont connu la peine de mort ou la prison, souffert de la torture et de l’exil. On les appelle

les « partis des torturés et des exilés », même s’ils avaient bénéficié, par moments, d’une

certaine indulgence de la part des régimes. Deuxièmement, ces partis ont maillé tout le territoire

national et de ce fait ont acquis non seulement une visibilité réelle, mais aussi une

reconnaissance sincère. En ville comme à la campagne, ils sont proches des populations, plus à

l’écoute de leurs problèmes, plus voués à leur service, plus prompts à venir à leur secours.

Partout leurs associations caritatives et leurs réseaux d’entraide dissimulent l’absence et les

carences de l’État. Ils représentent aux yeux des populations ce qui est « authentique et

endogène ». Ils ne reçoivent pas d’aide des pays occidentaux, mais des pays musulmans riches

ou des musulmans aisés. Et il va sans dire que si l’Arabie saoudite se montre généreuse avec

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eux, ce n’est certainement pas pour faire un élan moderniste. Troisièmement, ces partis sont

crédités d’images positives d’honnêteté face à des régimes corrompus jusqu’à la moelle, et de

solidarité face aux dérives inégalitaires et dernièrement parce que ces partis sont dotés d’une

organisation, d’une discipline et d’une capacité de mobilisation hors pair. Il faut reconnaître

cependant qu’ils disposent de milliers d’antennes électorales discrètes, à travers le réseau des

mosquées, ce qui accroît davantage leur présence et leur efficacité. Face à eux, ce qu’on appelle

la mouvance moderniste ou laïque, qui est présente surtout dans les villes et dans les milieux

éduqués et plutôt de classes moyennes, elle est perçue comme élitiste, orgueilleuse, tenant de «

beaux discours de salons », n’ayant jamais foulé le sol des quartiers en déchéance et parlant un

langage quasi incompréhensible pour la majorité du peuple, constitué notamment par un large

nombre d’analphabètes.

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III. Problématique et hypothèses Les opinions publiques arabes par toutes leurs actions, leur indifférence ou leur hostilité

ont joué un rôle important dans le succès ou l'échec des mouvements révolutionnaires.

Ces opinions sont caractérisées par leurs divisions profondes : entre les nouveaux détenteurs de

pouvoirs en place et ceux en faveur des opposants. Alors qu’une division s'ajoute au

précédentes, entre ceux que l'on a qualifiés d’islamo conservateurs" et, ceux qui apparaissent

comme "libéraux-progressistes".

De ce fait, et après le renversement des régimes dictatoriaux, ces deux divisions se sont

affrontées aussi bien en Tunisie qu'en Égypte. De même cette rivalité a contribuée à diviser et

donc à affaiblir l'opposition, incapable, comme en Syrie, de montrer un front uni face au

pouvoir. A ces divisions se superposent les structures traditionnelles, ethniques, tribales ou

religieuses.

La frontière entre ces différents courants a été dès le début, très fluctuant.

En Egypte, le Président Morsi et son parti PJL (Frères Musulmans) remporte la

première élection présidentielle démocratique de mai 2012 avec près de 52 % des voix. Ce pays

dont la moitié de la population est jeune, connait un taux d’alphabétisation de 30%, et même

avec ses 50% d’exportations couverts par le pétrole se voit toujours dépendant de l’étranger.

Les islamistes égyptiens sont alors vite débordés par la montée de Salafistes radicaux ; une

erreur du président Morsi qui s’est retrouvé prisonnier de son « radicalisme ».

L’Accord initial entre les Militaires dont al-Sissi, et les Frères Musulmans fait en 2012 est donc

rompu au printemps-été en 2013. Un coup d’Etat militaire du Maréchal Al-Sissi en Mai 2014

permettant son élection avec plus de 96 % des voix à la présidence et appel à l’ouverture

économique.

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La Tunisie ; un peuple connu par son ouverture et sa laïcité relatives, par l’émancipation

des femmes, par une circulation « libre » de l’information et par un taux d’alphabétisme

remarquable par rapport aux autres pays. Se voit aussi face au succès des frères musulmans

grâce à la révolution du jasmin.

Ces islamistes -qui terrifient les villages, harcèlent les femmes non-voilées, assassinent les

leaders laïcs comme Chokri Belaïd2, et autres comme Lotfi Nagdh ou Brahmi. - vont vite

décevoir les tunisiens. Et connaitront des oppositions massives de la part des laïques, libéraux

et partis de gauche. 20 millions de personnes au moins ont contestés cela.

Le résultat était donc la chute négociée du parti Ennahda et l’instauration d’une nouvelle

constitution, puis victoire des laïcs de « Nida Tounès » de Béji Caïd Essebi le 27 octobre 2014.

En Jordanie, après les contestations, le roi Abdellah II, a approuvé une réforme

constitutionnelle, en transférant quelques pouvoirs au parlement, puis par la nomination d’une

commission chargée d’élaborer des réformes puis une cour constitutionnelle indépendante

chargées de suivre les élections. Dans le pays, les frères musulmans sont de plus en plus contre

le roi et réclame un "amendement de la Constitution" permettant de limiter les pouvoirs du roi,

les tribus bédouines jordaniennes sont aussi mécontentes car le roi est entouré de palestiniens

(même le chef de la Maison royale est Palestinien). Sachant que 60 % des 6 millions de

Jordaniens sont d’origine palestinienne (souvent descendants des réfugiés des guerres de 1948

et1967), ils n’occupent que 20 % des emplois et postes administratifs et politiques.

En Algérie, la situation macro-économique et financière est favorable, la trop forte

dépendance du pays vis-à-vis du prix du pétrole et du gaz constitue 97 % des recettes

2Chokri Belaïd : l’avocat qui critiquait vivement la poussée de l’islam intégriste en Tunisie.

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d’exportations. Le pays a connu une croissance record surtout de 2003 jusqu’en 2010, mais les

dépenses publiques ont augmenté à cause des plans successifs de relance budgétaire.

Bouteflika ; le président a sorti le pays de la guerre civile, grâce à la « Concorde civile » et a

adopté des réformes comme les logements sociaux. Il a proposé la liberté de presse et une

constitution « démocratique » Ainsi que l’ouverture récente du pays au tourisme privé et donc,

aux sociétés étrangères. Les élections du 10 mai 2012 étaient alors un échec pour les partis

islamistes MSP, El Islah et Ennahda. La victoire du parti du pouvoir (FLN) et de son allié RND

(Rassemblement National démocratique) avec 290 sièges sur 462 contre toute attente face aux

Frères Musulmans. Les Islamistes protestent et manifestent donc. Mais sans de grandes

conséquences. Alors Bouteflika mourant, est « réélu » à la présidence, car cela permet de gagner

du temps pour la succession.

Au Maroc, l’économie est basée sur l’agriculture (avec de très larges firmes

mécanisées) et sur la pêche (avec la production de plusieurs centaines de milliers de tonnes de

sardines, de thons et autre). En plus du port de Casablanca, qui s’ajoute à celui de Tanger, sont

les deux importants centres industriels du pays. Ainsi, il ne faut pas perdre de vue la contribution

large du secteur de tourisme dans l’économie marocaine.

Après les réformes constitutionnelles faites par le roi, le mouvement de 20 février qui réclamait

l’abolition de la Monarchie, la laïcité et la désacralisation du roi, s’est retrouvé face à un

dilemme éternel et a réalisé l’impossibilité d’atteindre ses fins. Même s’ils ont l’appui des

démocrates marocains de gauche/libéraux qui dénoncent aussi la corruption et le patrimoine

royal.

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Mohamed VI a échappé à l’anarchie des révolutions par le caractère islamique de la

monarchie (commandeur des croyants ou Amir Al-mouminine), aussi par l’étroites relations

nouées avec les soufis : Kaderiyin, Boutchichiyin, Tijaniyin, etc. ainsi que la réforme de droit

de l’homme et la modernisation de la charte qui traite le code de famille et le statut de la

femme. Le développement du nord berbère et du Tanger (régions réprimées à l’époque de

Hassan II)

Graphique qui démontre la situation deux ans après le printemps arabe.

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Contre argument Toutes ces évolutions ayant conduits à la victoire des partis islamistes. Peuvent être

attribuées au changement même du paradigme religieux.

Pour développer plus cet argument, il convient de donner l’exemple de Rachid Ghannouchi,

dirigeant du parti tunisien Ennahda – qui ont été amenés à remettre en cause leur « modèle

idéologique inopérant », par le biais de la pratique politique (alliances, débats constitutionnels,

recherche de compromis et de consensus, obsession des résultats, etc.). Or tout cela, contraint

à une « reformulation de la doctrine des partis ». L’insistance des partis islamistes sur la liberté,

la justice, le développement, la démocratie et l’État civil atteste cette transformation.

Lentement, mais sûrement, un processus de laïcisation est en marche. Mais cette laïcisation qui

est loin de marginaliser le religieux, lui permet, en l’isolant, d’être plus visible. (Source : Olivier

Roy3, 2011)

Cheminement difficile Pour que les pays arabes réussissent leur transition, il est indispensable qu’ils

s’affranchissent de l’héritage de l’avant-2011. Ils vont devoir accélérer et intensifier les

réformes structurelles pour maintenir la stabilité macroéconomique et assurer une croissance

durable et solidaire. Les faiblesses structurelles qui ont causé le déphasage entre les indicateurs

macroéconomiques globaux et les conditions de vie dans ces pays ne peuvent pas être ignorées.

Dans tous les pays, cela nécessitera d’ambitieuses réformes de la gouvernance, la mise en place

d’un climat propice aux affaires, le basculement de l’investissement du public au privé,

l’amélioration de l’accès au crédit, des réformes du marché du travail et de l’éducation pour

stimuler l’emploi, l’édification de systèmes efficaces de protection sociale au profit des plus

3 Olivier Roy, est un politologue français, spécialiste de l'Islam.

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vulnérables et la réduction des barrières commerciales pour faciliter l’intégration au sein de

l’économie mondiale (Source : FMI, 2014).

Chaque pays doit développer sa propre vision et sa stratégie de réforme. La tâche sera encore

plus malaisée qu’avant le Printemps arabe. Les États ont des ressources financières limitées, et

la conjoncture extérieure est grevée par les conflits qui agitent la région et le peu d’appétit pour

les investissements, malgré le répit procuré par la chute des cours internationaux du pétrole.

Pour venir à bout de l’opposition passée aux réformes, il faudra de la volonté politique et de la

détermination, ainsi qu’un ferme appui de la communauté internationale.

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IV. Conclusion

Tout le monde convient que les références « panarabistes » ou la question palestinienne

ont été très discrètes dans les slogans du « printemps arabe ». En Tunisie, c’est l’hymne tunisien

qui est devenu le cri de ralliement des manifestants. En Égypte, on a scandé : « Irfa’ ra’sak anta

misri » (lève ta tête, tu es Égyptien). En Libye, les rebelles sont revenus à l’ancien drapeau

libyen d’avant le coup d’État de Kadhafi en 1969. Au Yémen et en Syrie, partout, on appelle

au renversement du régime et non à l’unité arabe ou à la libération de la Palestine. Tout cela est

vrai, mais la succession des révoltes, la similitude des slogans scandés en langue arabe,

notamment « Irhal » (dégage), le rôle joué par les chaînes satellitaires, la solidarité exprimée

dans tous les pays avec les peuples révoltés, ce sentiment de fierté retrouvée, tout cela a dessiné

les contours d’un nouveau sentiment panarabe dont le noyau est moins ethnique (et encore

moins racial) que politique : le refus du joug étranger, l’aspiration à la liberté et la foi en la

possibilité de changement ». On peut donc décrire le printemps arabe comme une révolution

pour la dignité. Car l’histoire des soixante dernières années a toujours été ressentie comme une

longue litanie d’humiliations multiples. Les régimes arabes sont devenus une « risée mondiale

» : ils ont essuyé plusieurs défaites militaires sans jamais juger les responsables, ils ont trahi les

grandes causes nationales et fait voler en éclats le rêve de libération de la Palestine, ils ont

confisqué les libertés de leurs peuples, tout en organisant des élections dont les résultats étaient

connus à l’avance, ils ont dilapidé les ressources en achetant des armes qui le plus souvent ont

servi à sévir contre leurs peuples et à faire tourner les usines de leurs patrons « étrangers ». Tous

les peuples arabes éprouvaient une honte profonde lorsqu’ils écoutaient les scores réalisés par

leurs présidents lors des élections « présidentielles », ou lorsqu’ils écoutaient les dirigeants

occidentaux donner des brevets de bonne conduite à leurs dictateurs.

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Quelle honte j’éprouvais moi-même en tant qu’arabe face à l’omniprésence des Portraits et des

statues à la gloire de certains dirigeants arabes, face à ce culte de la personnalité qui tapissait

les façades des bâtiments publics, ou bien lorsque je voyais un Kadhafi inviter à Rome les plus

belles femmes italiennes pour écouter ses insanités loufoques sur la libération des femmes à la

manière kadhafienne, ou bien lorsqu’on bloquait la circulation dans des quartiers entiers de

Casablanca ou du Caire pour laisser passer le cortège du roi de Maroc ou du président-pharaon

.

Il y a des années j’étais convaincu que le monde arabe en tant qu’entité n’est qu’une

fiction. Le printemps arabe m’a bien prouvé que j’avais tort et qu’il n’était pas une fiction et

que les Arabes partagent une langue, une histoire, une culture, des aspirations communes à la

liberté, à la citoyenneté et à la dignité. Éclipsée par les idéologies identitaires basées sur l’islam

depuis la défaite de 1967 et la « pétrodollarisation » du système régional depuis les chocs

pétroliers de 1973 et 1979, l’idéologie arabiste, sous la forme d’une Nahda démocratique et

citoyenne, est peut-être de retour. Non sous la forme d’une demande d’unité arabe, qui demeure

utopique, mais sous la forme d’une exigence d’intégration régionale, impératif incontournable

pour une sortie du malaise économique.

Désormais l’Occident devra compter non pas avec la « rue arabe », mais avec des « opinions

arabes » et il devra traiter non plus avec « les chefs » et les « zaïms », mais avec des sociétés

vivantes.

Ce n’est donc pas un hasard si le terme « printemps arabe » est devenu la marque de la période.

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Bibliographie :

Le « printemps arabe » : un premier bilan Bichara Khader

http://www.polemos.fr/2011/02/afrique-du-nord-moyen-orient-un-embrasement-programme/

https://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/fre/2015/06/pdf/mazarei.pdf

https://blog.nynjogan.me/quelques-cartes-pour-comprendre-la-crise-des-migrants/

http://www.podcastjournal.net/Islamistes-au-pouvoir_a23104.html