le fumier de jobby bernard lazare

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EHESS Le Fumier de Job by Bernard Lazare Review by: Michael Löwy Archives de sciences sociales des religions, 45e Année, No. 110 (Apr. - Jun., 2000), pp. 89-90 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30122731 . Accessed: 13/06/2014 09:37 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sciences sociales des religions. http://www.jstor.org This content downloaded from 62.122.79.90 on Fri, 13 Jun 2014 09:37:20 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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EHESS

Le Fumier de Job by Bernard LazareReview by: Michael LöwyArchives de sciences sociales des religions, 45e Année, No. 110 (Apr. - Jun., 2000), pp. 89-90Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30122731 .

Accessed: 13/06/2014 09:37

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Page 2: Le Fumier de Jobby Bernard Lazare

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

les plus extremes. Grace aux archives privies des rescapis qu'il a interviewds et grice I'important corpus de photos, de lettres, d'en- registrements et de documents divers qu'il a pu constituer au fil de son enquete, il redonne i chacun une voix ou un visage, parfois les

deux, ce que les Livres du Souvenir, ces mo- numents de papier drig6s i la m6moire de leurs chers disparus visent pricisdment i faire, mais A partir d'une tout autre d6marche, une d6mar- che qui fait appel, elle, i la mise en commun des souvenirs personnels et fragmentaires de chacun, A la mimoire partielle et partiale des survivants originaires d'un m~me lieu. Ce fai- sant, ce patient travail d'historien apporte ainsi sa propre rdponse et sa contribution au d6bat r6current sur le rapport entre m6moire et his- toire.

Rdgine Azria.

110-33 LAZARE (Bernard).

Le Fumier de Job. (texte 6tabli par Philippe Oriol), Paris, Honor6 Champion, 1998, 126 p.

Grace au travail patient de P.O., on dispose pour la premiere fois du texte int6gral et com- plet d'un des plus grands dcrits du judai'sme du XXe si~cle. Ces notes et fragments furent ridig6s peu avant sa mort (1903) par B.L., le premier d6fenseur du capitaine Dreyfus, &cri- vain symboliste et penseur libertaire, militant sioniste et anarchiste, consid6r6 par Charles

P6guy comme un des plus grands parmi les proph~tes d'Israel >.

L'histoire de la publication du document t6- moigne de son caractbre subversif et non-con- formiste. Peu avant sa mort, B.L. a r6dig6 un testament oii il demande A ses amis Lucien Herr et Emile Meyerson de publier ce Fumier de Job, ensemble de notes A peu prbs classdes gard6es dans son coffre. Or, ils ne l'ont pas fait. Furent-ils rebut6s par les passages trop vi- goureux du document (hypothise qu'envisage P.O.)? En 1908 le jeune frbre de l'auteur, Edmond Bernard, 6tablit le texte et annonce publiquement la parution du livre, pr6fac6 par son ami Pierre Quillard. En fait, il faudra at- tendre 1928 pour que paraisse enfin l'ouvrage, sans la pr6face, et dans une version incom- plete. Pourquoi ce retard ? En tout cas, man- quent certains des passages les plus virulents du document...Ce n'est que maintenant, dans la version 6tablie par P.O., qu'on peut lire la totalitd de ce texte sulfureux - presque un si&- cle aprbs sa redaction !

Le theme central du livre est la d6couverte que le juif est condamnd, dans l'Europe mo- derne, g rester un paria : (<Partout le juif est traqu6, objet de l'exdcration pour tous, paria sur qui le poids de toutes les calamit6s re- tombe >. Le parvenu, le juif riche et assimild, honteux d'&tre juif, mdprise et chasse de sa ta- ble les parents pauvres, les juifs russes ou rou- mains, mais il ne peut pas non plus 6chapper h son origine. Tout en saluant l'6mancipation dicr6tie par la R6volution - ce qu'il appelle < le coup de tonnerre de 1791 >> - B.L. constate que si la discrimination Idgale disparait, le pr6- jug6 antis6mite reste. Observons que cette ana- lyse sera int6gralement reprise i son compte par Hannah Arendt, dans ses brillants essais sur la condition juive paria et les pidges de I'6mancipation.

Non croyant, B.L. appr6cie le judaisme dans la mesure oii il est, contrairement au catholi- cisme, une religion sans dogme ni pr~tre, une sorte de d6isme rationaliste. Depuis la chute du Temple, 6crit-il, le pr~tre a disparu de la vie religieuse d'Israbl; d'oi le danger d'une restauration de la nationalit6 i J6rusalem : la reviviscence du pr~tre >>...

A ses yeux, chaque r6volution 6thique dans le christianisme - de la Rdforme jusqu'au tolsto'sme - n'est, au fond, qu'un retour au judaisme. C'est la raison pour laquelle l'Eglise a constamment combattu le judaisme en elle, notamment sous la forme de l'6galitarisme des Dulcinistes, des Puritains, des Niveleurs, etc. B.L. distingue, de fagon tranch6e, entre le J6sus des 6vangiles, qui serait 0la fleur supreme de l'esprit juif >, et le Christ des Eglises, figure hai'ssable, responsable des per- s6cutions contre les juifs. Contrairement au chritien, le juif ne croit pas A la vie future et place sur cette terre le rkgne d'un Messie r6a- lisant la justice : voici la raison, selon B.L., de l'adhdsion de tellement de juifs au socialisme. Si le juif se convertit, c'est, regrette-t-il, un ferment de revolution et d'affranchissement perdu pour le monde >.

Malgrd sa sympathie pour le sionisme, il se mdfie de ce qu'il appelle 0<l'utilisation du juif pauvre par le juif riche >> et ne cache pas son mdpris pour ce qu'il considbre comme les va- riantes bourgeoises du mouvement nationa- liste: ( Aller i Sion pour 8tre exploit6 par le juif riche. Quelle diffdrence avec la situation prdsente. C'est la ce que vous nous proposez ? La patriotique joie de n'8tre plus opprim6 que par ceux de sa race ? Nous n'en voulons pas >>.

Livre atypique, fi6vreux, traversd par ce que son auteur appelle ma haine d'opprim6, mes

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ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

coleres d'humili6, de paria>>, et par son d6sir d6sesp6r6 de se << refaire une dignitd et une per- sonnalit6>> en revenant i la source, ce docu- ment est unique en son genre. Oubli6 pendant longtemps, il fut red6couvert par H. Arendt qui I'a plac6 au coeur de ce qu'elle appelle <<la tra- dition cach6e du judai'sme moderne.

En annexe, I'6diteur a ajout6 la pr6face de 1908, rest6e in6dite, de Pierre Quillard, et le priere d'ins6rer de l'6dition de 1928.

Michael Lowy.

110-34 LORTAT-JACOB (Bernard).

Chants de Passion, au coeur d'une confrdrie de Sardaigne. Paris, Cerf, 1998, 342p. (bibliogr., discographie, glossaire, index ana- lytique, index des figures, index des photogra- phies, disque compact).

Lorsqu'il est question de musique, il est bon de commencer par le commencement : 6couter. Un disque compact, fort heureusement, est li- vr6 avec l'ouvrage de B.L.-J. II convient donc, d'abord, d'6couter le chant, 6couter ces voix masculines qui r6sonnent haut, apres, rugueu- ses et voluptueuses i la fois. Des voix 6ton- nantes, belles et fortes qui plongent leurs racines dans cette belle et forte terre de Sar- daigne et qui en sont comme l'6manation, le prolongement sonore. Le chant s'apaise sur une derniere calata; il est temps maintenant d'ouvrir le livre, d'6couter les mots qui vont avec la musique, qui lui donnent du sens. Car n'est-ce pas 1l le travail requis de l'ethnomu- sicologue, celui que l'on attend, sinon de don- ner i entendre la musique autrement, en I'accompagnant de langage ? Texte superpos6, intelligible, c'est-i-dire qui permet de d6chif- frer - comme on d6chiffre une partition - jus- tement la partition cach6e de la musique, cette inigmatique 6criture sonore du social, cette maniere singuliere et collective de se penser. La musique : du son socialement organis6 >, dit Blacking; reste, chaque fois, i en d6crire, i en diployer les modalites, i en faire vibrer toutes les r6sonances, i mettre g jour les r&- seaux de signification qui font que, dans un temps et un lieu particuliers, cette musique - ici le chant polyphonique - met en jeu, au sens musical du terme, toute une communaut&.

En cela la d6marche de B.L.-J., dans son bel ouvrage, est exemplaire -, si l'on peut regretter que les analyses purement musicologiques ou acoustiques - et accessibles seulement aux sp6- cialistes, mais n'est-ce pas la loi du genre ? - soient trait6es s6par6ment (Troisibme partie:

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Mat6riel, transcriptions et analyses, pp. 241- 283), il n'en demeure pas moins que l'on entre rapidement en resonance, grace A une ethno- graphie minutieuse et une qualit6 d'6criture certaine, avec ce petit monde sonore et fasci- nant de Castelsardo. Dans ce village du nord de la Sardaigne, toute la vie sociale, en effet, s'articule autour de la pratique du chant poly- phonique dont le fil se d6roule sans interrup- tion depuis le XVIe siecle. Ce chant qui scande les temps forts de la vie collective - fun6- railles, fetes religieuses et patronales - trouve son apogee et sa plus belle manifestation dans les rituels de la Semaine sainte; alors tout le village se met en marche, vibre, trouve son unite, sa voix dans la voix du coro, des choeurs - constitu6s chacun de quatre chanteurs - qui accompagnent ou plut6t organisent le chemi- nement du Christ vers sa Passion et sa mort. Les processions d6roulent leur long ruban, la Voce, le chant des ConfrEres, s'6leve t inter- valles r6guliers : Miserere, Stabba, Jesu vont r6sonner ainsi chaque jour saint, construisant peu t peu, au fil du chant, un corps collectif sonore; c'est-h-dire harmonieux. Un chant oii tous et toutes se retrouvent dans une 6motion attendue, partag6e, un chant dans lequel sem- blent se r6soudre les dissonances, les discor- dances qui ont accompagn6es, toute l'ann6e et jusqu'au dernier moment, la pr6paration de ce moment privil6gi6, de cette utopie fugitive- ment mise en oeuvre d'une harmonie sociale: le Lunissanti. Jour de paix, de r6conciliation, le centre meme de l'ann6e disent les ConfrE- res : Festa. Peut-etre alors s'6livera au cours du Stabba ou du Jesu - mais non du Miserere trop syllabique - LA note, a6rienne, fragile, cristalline, la Quintina, cette cinquibme voix que les quatre chanteurs en parfaite entente, en parfaite resonance, font 0 sortir >>; cette harmo- nique magique, cette voix quasi feminine qui nai~t des quatre voix masculines prend alors, dans le contexte dramatique de la Passion, un sens singulier : dans ce moment de communion intense, d'harmonie parfaite, la Vierge ferait- elle, de la plus extraordinaire des manieres, une fugitive apparition ? Ainsi l'utopie musi- cale - c'est-i-dire sociale - que construit le chant sacr6 tout au long de la Semaine sainte ne trouve-t-elle pas dans cet instant de grice, toujours disir6, toujours al6atoire, sa plus belle mitaphore?

Pour saisir au plus prbs l'arcane de ce mo- ment unique qui, au dire des chanteurs, consa- cre - presque au sens sacre du terme - le chant dans sa beautd et sa pl6nitude, fruit par ailleurs d'un long apprentissage, on aurait aim6 rentrer un peu plus dans la relation qui se tisse d'une

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