le discours diplomatique

Download Le discours diplomatique

If you can't read please download the document

Upload: lamdung

Post on 05-Jan-2017

233 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Le discours diplomatique

Constanze Villar, Le discourt diplomatique, (2006)PAGE 2

Constance Villar(2006)

Le discoursdiplomatique

Un document produit en version numrique par Mme Marcelle Bergeron, bnvoleProfesseure la retraite de lcole Dominique-Racine de Chicoutimi, QubecCourriel: HYPERLINK "mailto:[email protected]" [email protected] HYPERLINK "http://classiques.uqac.ca/inter/benevoles_equipe/liste_bergeron_marcelle.html" Page web

Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales"Site web: HYPERLINK "http://classiques.uqac.ca/" http://classiques.uqac.ca/

Une collection dveloppe en collaboration avec la BibliothquePaul-mile-Boulet de l'Universit du Qubec ChicoutimiSite web: HYPERLINK "http://bibliotheque.uqac.ca/" http://bibliotheque.uqac.ca/

Politique d'utilisationde la bibliothque des Classiques

Toute reproduction et rediffusion de nos fichiers est interdite, mme avec la mention de leur provenance, sans lautorisation formelle, crite, du fondateur des Classiques des sciences sociales, Jean-Marie Tremblay, sociologue.

Les fichiers des Classiques des sciences sociales ne peuvent sans autorisation formelle:

- tre hbergs (en fichier ou page web, en totalit ou en partie) sur un serveur autre que celui des Classiques.- servir de base de travail un autre fichier modifi ensuite par tout autre moyen (couleur, police, mise en page, extraits, support, etc...),

Les fichiers (.html, .doc, .pdf, .rtf, .jpg, .gif) disponibles sur le site Les Classiques des sciences sociales sont la proprit des Classiques des sciences sociales, un organisme but non lucratif compos exclusivement de bnvoles.

Ils sont disponibles pour une utilisation intellectuelle et personnelle et, en aucun cas, commerciale. Toute utilisation des fins commerciales des fichiers sur ce site est strictement interdite et toute rediffusion est galement strictement interdite.

L'accs notre travail est libre et gratuit tous les utilisateurs. C'est notre mission.

Jean-Marie Tremblay, sociologueFondateur et Prsident-directeur gnral,LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES.

Un document produit en version numrique par Mme Marcelle Bergeron, bnvole, professeure la retraite de lcole Dominique-Racine de Chicoutimi, Qubec.Courriels: "[email protected]"[email protected]; HYPERLINK "mailto:[email protected]" [email protected]

Constanze VILLAR

Le discours diplomatique.

Paris: LHarmattan diteur, 286 pp. LHarmattan, 2008, 301pp. Collection Pouvoirs compars dirige par Michel Berges, professeur des universits, agrg de science politique, Universit de Bordeaux IV Montesquieu.

[Autorisation formelle accorde par le directeur de la collection Pouvoirs compars, Michel Berges, le 5 mars 2011 de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

Courriel: HYPERLINK "mailto:[email protected]" [email protected]

Polices de caractres utilise: Times New Roman, 12 points.

dition lectronique ralise avec le traitement de textes Microsoft Word 2008 pour Macintosh.

Mise en page sur papier format: LETTRE US, 8.5 x 11.

dition numrique ralise le 9 mars 2012 Chicoutimi, Ville de Saguenay, Qubec.

Constanze VILLAR(2006)Le discours diplomatique.

Paris: LHarmattan diteur, 286 pp. LHarmattan, 2008, 301pp. Collection Pouvoirs compars dirige par Michel Berges, professeur des universits, agrg de science politique, Universit de Bordeaux IV Montesquieu.

Pouvoirs comparsCollection dirige par Michel BergsProfesseur de science politique lUniversit Montesquieu de Bordeaux

Nathalie Blanc-Nol (sous la direction de)La Baltique. Une nouvelle rgion en EuropeDavid Cumin et Jean-Paul JoubertLe Japon, puissance nuclaire?Dmitri Georges Lavroff (sous la direction de)La Rpublique dcentraliseThomas Lindemann et Michel Louis MartinLes Militaires et le recours la force arme. Faucons, colombes?Constanze VillarLe Discours diplomatiqueGrard DussouyLes Thories gopolitiques. Trait de relations internationales (I)Andr-Marie Yinda YindaLArt dordonner le monde. Usages de MachiavelGrard DussouyLes Thories de lintertatique. Trait de relations internationales (II)

Quatrime de couvertureLe discours diplomatique

Le discours diplomatique fascine les mdias, qui cependant le banalisent, voire le tournent en drision, prfrant flatter le "sens commun".La parole des diplomates mrite pourtant d'tre prise en considration. Exprimant des intentions et des transactions sur la scne mondiale, manifestant ou contournant des rapports de pouvoir, elle forme toujours sens.La diplomatie relve la fois, dans sa complexit, de la sociologie des institutions, des comportements, de la dcision, mais aussi des sciences du langage, des thories des relations internationales et de la construction de l paix. Alors que nombre de souvenirs et d'interprtations la concernant mettent en avant des anecdotes, cet ouvrage fait surgir une "diplomaticit" au cur des relations politiques entre les tats. partir des traces transhistoriques, gestuelles ou, verbales des diplomates, sont explors de faon interdisciplinaire les travaux affrents en pragmatique linguistique, en analyse stratgique, en micro-sociologie, en histoire, diplomatique... On dcouvre alors que cette "diplomaticit", en tant que "structure ouverte", cultive l'ambigit ainsi que des procds obliques. Matrice logique universelle susceptible, d'intresser les gender studies et les approches comparatistes, elle exploite les opportunits offertes par les interactions. Dpassant les idologies politiques, avec mesure, elle rpond aux dfis que posent les actes "machistes" et violents, les contextes de crise, de provocation, d'humiliation, de conflit ou de guerre. Pour cela, elle cherche "minimiser les cots" en termes de rciprocit calcule, d'"image" de sauvegarde de l'intgrit, de respect des acteurs collectifs et des personnes.La problmatique investie confronte l'thique du corps des diplomates et les intrts des tats en conjuguant, de faon originale et indite, smiotique et science politique. Paradoxalement, elle dmontre que le discours diplomatique, nglig par les thories ralistes, constitue une des ressources positives de la puissance tatique.Constanze VILLAR est membre du Centre d'Analyse Politique compare, de Gostratgie et de Relations internationales (CAPCGRI) de l'Universit Montesquieu de Bordeaux. Charge des programmes Socrates-Erasmus de cet tablissement pendant plus de quinze ans, plurilinguiste, matre de confrences en Science politique, elle enseigne sur la smiotique du discours politique, sur la diplomatie et sur le systme politique allemand. Le prsent ouvrage est tir d'une thse d'tat remarque concernant un sujet trangement dlaiss par les politologues franais.

[pp. 5, 6, 7]SommaireHYPERLINK \l "_INTRODUCTION" INTRODUCTION.LE DISCOURS DIPLOMATIQUE:UN OBJET LGITIME

HYPERLINK \l "_Les_connotations_dvalorisantes" 1. Les connotations dvalorisantes de la diplomatieHYPERLINK \l "p11_discours" Un discours banal et euphmique?HYPERLINK \l "_Un_discours_\_" Un discours discret, secret et silencieux?HYPERLINK \l "_Un_discours_\_1" Un discours mensonger et lacunaire?

HYPERLINK \l "_La_discrtion_des" 2. La discrtion des recherches franaisesHYPERLINK \l "_La_diplomatie_:" La diplomatie: un impens des manuels de rfrenceHYPERLINK \l "_Les_prjugs_du" Les prjugs du paradigme transnationaliste

HYPERLINK \l "_VERS_UNE_DISCURSIVIT" VERS UNE DISCURSIVIT DIPLOMATIQUE

HYPERLINK \l "_Langage_diplomatique_et" 1. Langage diplomatique et codesHYPERLINK \l "_La_diplomatie_produit-elle" La diplomatie produit-elle un langage interne?HYPERLINK \l "p40_diplomatie" La diplomatie subit-elle linfluence de codes externes?HYPERLINK \l "_Un_code_dinstitution" Un code dinstitution?HYPERLINK \l "_Un_code_philosophique" Un code philosophique?HYPERLINK \l "p48_idealisme" Lidalisme: communiquer en toute transparenceHYPERLINK \l "_Le_ralisme_:" Le ralisme: parler pour traduire lintrt et lactionHYPERLINK \l "p52_institutionalisme" Linstitutionnalisme: mettre en langue pour la transactionHYPERLINK \l "p54_constructivisme" Le constructivisme: dialoguer et produire linteractionHYPERLINK \l "_Un_code_idologique" Un code idologique universel?

HYPERLINK \l "_La_spcificit_du" 2. La spcificit du discours diplomatiqueHYPERLINK \l "_[p._64]_Un" Un discours feuilletHYPERLINK \l "_[p._69]_Un" Un discours type

HYPERLINK \l "_LA_LONGUE_DURE" LA LONGUE DURE DE LA DIPLOMATICIT

HYPERLINK \l "_Lmergence_dune_diplomaticit" 1. Lmergence dune diplomaticit universelleHYPERLINK \l "_[p._77]_Lancienne" Lancienne discursivit diplomatiqueHYPERLINK \l "_LAncien_Testament_:" LAncien Testament: lalternative manichenne du tout ou rienHYPERLINK \l "_La_Chine_ancienne" La Chine ancienne: allusion dtourne et neutralitHYPERLINK \l "_La_Grce_de" La Grce de Thucydide: discours directs et contradictoiresHYPERLINK \l "_La_Hanse_:" La Hanse: discours indirect et enchanement obliqueHYPERLINK \l "_Lessence_historique_de" Lessence historique de la diplomaticitHYPERLINK \l "_Une_construction_par" Une construction par empilementHYPERLINK \l "_La_frontire" La frontireHYPERLINK \l "_Limmunit" LimmunitHYPERLINK \l "_La_permanence" La permanenceHYPERLINK \l "_La_rciprocit" La rciprocitHYPERLINK \l "_Une_construction_par_" Une construction par rejetHYPERLINK \l "_Diplomate_et_espion" Diplomate et espion: une proximit compromettanteHYPERLINK \l "_Diplomatie_et_idologies" Diplomatie et idologies rvolutionnaires: une preuve de force

HYPERLINK \l "p107_discours" 2. Le discours autorfrentiel des manuels diplomatiquesHYPERLINK \l "_Les_formes_du" Les formes du discours: les invariants du styleHYPERLINK \l "_La_substance_du" La substance du discours: cohrence smantique

HYPERLINK \l "_Fonctions_et_structures" FONCTIONS ET STRUCTURESDE LA DIPLOMATICIT

HYPERLINK \l "_Les_structures_symboliques" 1. Les socio-structures de la diplomatieHYPERLINK \l "p125_symbolique" Une symbolique trois dimensionsHYPERLINK \l "p130_deontique" Dontique et thique des diplomatesHYPERLINK \l "_Les_comportements_du" Les comportements du corpsHYPERLINK \l "_Les_comportements_individuels" Les comportements individuels

HYPERLINK \l "p136_structures" 2. Structures smiotiques du discours diplomatiqueHYPERLINK \l "_Le_modle_greimasien" Le modle greimasienHYPERLINK \l "_Le_niveau_de" Le niveau de surface: matriaux et grilles danalyseHYPERLINK \l "_Le_niveau_intermdiaire" Le niveau intermdiaire: la narrativitHYPERLINK \l "_Une_tude_smiotique" Une tude smiotique de discours diplomatiquesHYPERLINK \l "p147_smantique" Une smantique binaireHYPERLINK \l "_Un_schma_actanciel" Un schma actanciel du syncrtismeHYPERLINK \l "_Une_lecture_de" Une lecture de la narrativit entre les lignes

HYPERLINK \l "_Discours_et_relations" DISCOURS ET RELATIONS INTERNATIONALES

HYPERLINK \l "_Le_discours_du" 1. Le discours du partage: la structuration par lchoHYPERLINK \l "_Limpact_discursif_dans" Limpact discursif dans le systme internationalHYPERLINK \l "_Symtrie_et_asymtrie" Symtrie et asymtrie des discoursHYPERLINK \l "_La_lgitimation_discursive" La lgitimation discursive dune intervention unilatraleHYPERLINK \l "_Lappel__la" Lappel la condamnation multilatraleHYPERLINK \l "_Lasymtrie_des_impacts" Lasymtrie des impacts du discoursen termes de cots

HYPERLINK \l "_Le_discours_dinfluence" 2. Le discours dinfluence: la stratgie par limageHYPERLINK \l "_Les_influences_discursives" Les influences discursivesHYPERLINK \l "_Les_ambiguts_du" Les ambiguts du discours diplomatiqueHYPERLINK \l "_Le_premier_niveau" Le premier niveau smantique de lambigut: corpus fig et code spcialisHYPERLINK \l "p173_second" Le second niveau de lambigut: lintersubjectivit dynamiqueHYPERLINK \l "_Vie_et_mort" Vie et mort de lambigut: un choix stratgiqueHYPERLINK \l "_[p._178]_Les" Les procds daffectation de valeur: couplage et dcouplage

HYPERLINK \l "_Smiotique_du_discours" SMIOTIQUE DU DISCOURS DIPLOMATIQUE

HYPERLINK \l "_La_structure_smantique" 1. La structure smantique du discours diplomatiqueHYPERLINK \l "_La_structure_lmentaire" La structure lmentaire de la cohrence smantique: le carr smiotiqueHYPERLINK \l "_Un_premier_niveau" Un premier niveau de signification: smes et smmesHYPERLINK \l "_Une_premire_structure" Une premire structure de la signification: la vracitHYPERLINK \l "_Trois_structures_modales" Trois structures modales de la performanceHYPERLINK \l "_Structures_smiotiques_et" Structures smiotiques et discours pratiques: un investissement ingalHYPERLINK \l "_Les_normativistes_idalistes" Les normativistes idalistes: un discours vridictoire et justeHYPERLINK \l "_Les_ralistes_et" Les ralisteset leur discours dintrt

HYPERLINK \l "_La_dialectique_du" 2. La dialectique du discours diplomatiqueHYPERLINK \l "p214_dialectique" La dialectique des formes: les figures rhtoriquesHYPERLINK \l "_Lhyperbole_ngative_:" Lhyperbole ngative: leuphmismeHYPERLINK \l "_Lhyperbole_positive_:" Lhyperbole positive: la politesseHYPERLINK \l "_Lintertextualit_diplomatique" Lintertextualit diplomatiqueHYPERLINK \l "_CONCLUSION" CONCLUSION

[p. 9]

INTRODUCTION

LE DISCOURS DIPLOMATIQUE:UN OBJET LGITIME

HYPERLINK \l "_Sommaire" Retour au sommaireCet ouvrage a pour objet le discours diplomatique en tant que variable des relations internationales. Il sintresse un type universel plutt qu des variantes spcifiques comme le sont des discours de politiques trangres marqus par les croyances des diplomates et hommes dtat dune priode et dun pays donns. Le discours diplomatique en tant que type universel se situe hors du temps et de lespace. Se prsente alors un ensemble discursif dont il faut essayer de percer la spcificit. Notre dmarche se place la croise de deux disciplines souvent spares, toutefois complmentaires: la science politique, dans son tude de lintertatique, du transnational et de linternational; la linguistique plus prcisment la smiotique , au niveau des structures et des fonctions discursives.Sur un plan thorique, il faudra nous interroger sur lessence de la diplomatie discursive, la diplomaticit. Cela reviendra rvaluer le concept de puissance, car la discursivit entre les tats et les acteurs transnationaux, dans sa diversit, relve aussi, au-del de ses motifs et de ses contenus conjoncturels, dun certain pouvoir de sduction (soft power). Avec le dveloppement sans prcdent des moyens techniques de communication et dinformation, qui rtrcissent le temps, agrandissent les espaces, dmultiplient les interactions, la diplomatie au sens large est plus que jamais devenue un instrument dinfluence, notamment dans la construction de la paix et travers les processus mondiaux ou rgionaux de ngociations.[p. 10]Sur le plan concret, la diplomatie revt une dimension pratique et institutionnelle lie laction de ses membres, mme si elle dgage un type de comportement spcifique et universel. Dans les dfinitions courantes Dictionnaire, Paris, Larousse-Bordas, 1998., le terme dsigne ainsi lappareil des Affaires trangres, la carrire, la fonction ou lensemble des diplomates, ladministration centrale et son rseau. Il peut encore renvoyer aux comportements entre les tats ou les individus, suggrant alors le dploiement dun certain art dans les relations avec autrui, empreint de tact et dhabilet.Quel que soit langle retenu, malgr son caractre effectivement incontournable dans ltude des relations internationales, lobjet diplomatique souffre paradoxalement dun certain opprobre. Nonobstant son scintillement suppos Nous pensons videmment aux fastes des lieux et des manifestations, dont les ouvrages consacrs au fond immobilier de certains ministres des Affaires trangres et ambassadesdonnent un aperu: Marie Hamon-Jugnet, Catherine Oudin-Doglioni, Le Quai dOrsay. Lhtel du Ministre des affaires trangres, Paris, ditions du Felin, 1991; Anne Leclerc (d.), Ambassades de France. Le Quai dOrsay et les trsors du patrimoine diplomatique, Paris, Perrin, 2000; Jane C.Loeffler, The Architecture of diplomacy. Building Americas Embassies, New York, Princeton Architectural Press, 1998; Pierre-Jean Rmy, Trsors et secrets du Quai dOrsay. Une histoire indite de la diplomatie franaise, Paris, J-C. Latts, 2001. Pour les crmonies, cf. la description de certaines remises de lettres de crances, notamment dans les mmoires de diplomates, par exemple: Jean Franois Deniau, Mmoires de sept vies. Croire et oser (tomeii), Paris, Plon, 1997, p.345 et suiv. Pour les mondanits, cf. le titre provocateur du livre dun diplomate, Albert Chambon, Mais que font donc ces Diplomates entre deux cocktails?, Paris, d. Pdone, 1983., il se voit souvent affubl dune connotation ngative. La persistance de lAncien Rgime ou le mythe des gros Arno Mayer, La Persistance de lAncien rgime. LEurope de 1848 la Grande Guerre, Paris, Flammarion, coll. Champs, 1983; Pierre Birnbaum, Le Peuple et les gros, Paris, Grasset, 1979., que le sens commun croit quil incarne toujours, les paillettes des antichambres des palais des sicles passs quil voque, constituent des prjugs pralables. Comment dconstruire ce mode de dlgitimation? Il nous faut valuer de faon introductive ce type de reprsentations dformantes partir dune approche sociocognitive des savoirs quotidiens. Puis nous examinerons ltat des recherches disponibles, principalement dans la science politique franaise, espace de rfrence simposant nous.

1. Les connotations dvalorisantesde la diplomatie

HYPERLINK \l "_Sommaire" Retour au sommaireRien qu lvocation des mots diplomates ou diplomatie, un certain mpris apparat, rvl par des aphorismes acerbes que relaient certains hommes politiques, voire les diplomates eux-mmes. Pour Charles de Gaulle, coutumier de formules tranchantes la faon des militaires, le jugement est sans appel:Les diplomates ne sont utiles que par beau temps fixe. Ds quil pleut, ils se noient dans chaque goutte Charles de Gaulle, Mmoires de guerre, tomeiii, Le Salut, Paris, Plon, 1959, p.627..Dautres se sont interrogs sur lutilit de linstitution. Zbigniew Brzezinski, conseiller dun prsident des tats-Unis, qualifie les diplomates danachronisme et propose mme de supprimer leurs ambassades Zbigniew Brzezinski, The diplomat is an anachronism, The Washington Post du 5.7.1970. Zbigniew Brzezinski a t Conseiller pour la scurit nationale du Prsident amricain Jimmy Carter (1977-1981).. George Kennan, diplomate amri-[p. 11] cain de la guerre froide, voque une diplomatie sans diplomates George F.Kennan, Diplomacy without diplomats?, Foreign Affairs, 76, sept.-oct. 1997.. Les sommets du pouvoir ne produisent pas innocemment de tels mots desprit et ce nest pas un hasard si de telles boutades circulent tous les niveaux de la socit Outre les mmoires de diplomates, certaines publications sacrifient particulirement aux anecdotes, par exemple: Albert Chambon, op. cit.; Pietro Gerbore, Formen und Stile der Diplomatie, [Hambourg], Rowohlt, 1964; Walter Zechlin, Diplomatie und Diplomaten, Stuttgart, Berlin, dva, 1935; id., Die Welt der Diplomatie, Francfort, Athenum, 1960; Hanns-Erich Haack, Diplomatengeflster Anekdoten vom internationalen Parkett, Munich, Piper, 1973; Jrg von Uthmann, Die Diplomaten. Affren und Staatsaffren von den Pharaonen bis zu den Ostvertrgen, Munich, dtv, 1988 (2. Aufl.); ainsi quune amusante satire sur le monde diplomatique: Lawrence Durrell, Esprit de corps oder Diplomaten unter sich, Hambourg, Rowohlt, 1969.. Leur persistance et leur abondance montrent que les reprsentations vhicules sont largement partages. Cette prgnance du sens commun reflte un savoir ordinaire tay par la perception dvalorisante de lunivers politique que ressent le grand public Par exemple, un ancien responsable au sein des structures jeunes de la majorit RPR-UDF en 1994, exprime, sans dtour, sa dception: Lhomme politique moderne a un discours qui oscille entre la banalit et le mensonge, Jean-Christophe Mounicq, Pour un retour de la pense politique, Revue des deux mondes, fvrier1994, p.144. Cf. aussi le rsum prsentant cet articlesur la base Esope: La meilleure faon dtudier la pense des hommes politiques, cest danalyser leur langage. Or il se rsume la plupart du temps au parler faux: langue de bois, non-choix, communication contradictoire, rduction dune question complexe une fausse alternative, dramatisation, utilisation du bouc missaire, et mme mensonges! Avec un discours oscillant entre banalit et contrevrits, lhomme politique moderne rflchit de moins en moins..Ainsi les reprsentations ordinaires reprochent aux diplomates de parler pour ne rien dire et de ne pas agir. Pour ces critiques, la diplomatie est assimile une administration de la parole une mineure au regard de laction , une machine discourir au sein du pouvoir, des appareils de ltat et des instances internationales. Les diplomates eux-mmes, quelles que soient les priodes, nont-ils pas volontiers aliment une prsentation ambivalente de leur fonction? Si la parole diplomatique naccapare pas lensemble des comportements et actes diplomatiques (composs aussi dcrits les textes diplomatiques , de gestes et de signes non verbaux), il est vident que cet objet complexe souffre de la mauvaise image dont on affuble souvent, de faon plus gnrale, le langage et la parole. Pour beaucoup dobservateurs, ceux-ci nont pas la consistance des actes et loralit nengage pas autant que lcrit. Ce qui est rendu explicite par les acteurs nest-il pas susceptible de dissimuler une ralit, des intrts inavous ou le sens cach des comportements? Bref, les diplomates parleraient, soit pour ne rien dire, soit pour masquer quelque chose.Il est donc important dapprofondir les images du sens commun qui qualifient au gr des circonstances le discours diplomatique de banal, deuphmique, de discret, de secret, de silencieux, de lacunaire, de mensonger.

Un discours banal et euphmique?HYPERLINK \l "_Sommaire" Retour au sommaireEn premier lieu, les diplomates seraient des professionnels de la langue de bois Pour lorigine du nologisme langue de bois du polonais dretwa mowa, signifiant langue fige ou bois mort, cf. Carmen Pineira, Maurice Tournier, De quel bois se chauffe-t-on? Origines et contextes de lexpression langue de bois, Mots, Paris, 1989 (21), dc. 89, p.5-19.Il existe de nombreux travaux sur la langue de bois comme langue idologique, par exemple: L.Martinez, La langue de bois sovitique, Commentaire, 16, 1981-1982, p.506-515; Franoise Thom, La Langue de bois, Paris, Julliard, 1987; Le discours politique en Pologne dans Mots, Paris, 1995, n42, mars1995, p.13-34. Sy ajoutent les tudes de lquipe Lexicomtrie et Textes Politiques de Saint-Cloud, publis dans la revue Mots, notamment le numro spcial coordonn par Pierre Fiala, Carmen Pineira et Patrick Sriot, La langue de bois en clat, les dfilements dans les titres de presse quotidienne franaise, Mots, Paris, 1989 (21), dc. 89, p.83-98; Slobodan Despot, La victoire est pure comme une larme. Laphorisme politique en Yougoslavie, une subversion de la langue de bois, Mots, Paris, 1989 (21), dc. 89, p.67-81. noter que Patrick Sriot ne partage pas cette vision du langage idologique: cf. Patrick Sriot, Langue de bois, langue de lautre et langue de soi. La qute du parler vrai en Europe socialiste dans les annes 1980, Mots, Paris, 1989 (21), dc. 89, p.50-65. Nous aurons revenir ultrieurement sur sa vision., qualificatif qui stigmatise parfois aussi le discours juridique, administratif, politique ou syndical. Pour Carmen Pineira la langue de bois soppose une parole vivante:[p. 12]Un discours coup du rel, qui tournerait vide pour satisfaire des objectifs politiques. Le formalisme, la rptition, luniformit, la rigidit contreviendraient cette proprit essentielle dune langue de permettre une communication dynamique, adaptative, cratrice entre nonciateurs. En ce sens, la langue de bois serait un langage vid de ses messages Carmen Pineira-Tresmontant, Rigidits discursives et flou smantique, Mots 17, 1988, p.145-169..Le discours diplomatique serait donc peu pertinent pour clairer les problmes internationaux. Qualifie soit de banale, en raison de son entropie proche de zro Lentropie est la mesure de lalatoire ou du dsordre. Ainsi, un vnement certain (un discours totalement attendu) ou impossible a une entropie gale 0, un vnement parfaitement alatoire (un discours entirement improbable, inattendu) a une entropie gale 1, cf. http://de.wikipedia.org, article information., soit deuphmique pour ses tournures dulcores, cette forme de discursivit, ferme sur elle-mme, napporterait rien. Banal Banal, 1 qui appartient au ban, au territoire o le seigneur fait proclamer les bans ou dits: territoire banal; 2 qui est tabli dans le ban: four, moulin banal, four, moulin du ban o tous les gens du village devaient aller faire moudre ou faire cuire leur farine; 3 objet banal, qui est la disposition de tous; 4 penses banales, que tous rptent et qui sont sans originalit, Arsne Darmesteter, La Vie des mots tudis dans leurs significations, Paris, Librairie Delagrave, 1928, p.78., car ne livrant quune quantit dinformations quasiment nulle ou dj connue de tous, sans originalit, et redondant, tel serait le discours pour le grand public. Il suffirait donc, pour restituer lessence de cette vacuit, de reprer sa redondance, rige au rang de rgle et de style.Ce phnomne parat stre aggrav de nos jours avec la standardisation des textes produits par les institutions diplomatiques de par le monde. Ainsi les services gouvernementaux et internationaux de traduction et de terminologie, qui transposent des discours diplomatiques dclarations, rsolutions et autres documents dune langue vers lautre, utilisent des mmoires de traduction Les mmoires de traduction sont des logiciels qui, lors de la traduction sur ordinateur, partir dun texte source, proposent, lcran, la traduction en langue cible dj valide par une traduction antrieure, de telle sorte quun click de souris suffit pour linsrer. et ditent des phrasologies systmatiques Cf., par exemple, Ministre fdral [allemand] des Affaires trangres, Phrasologie de lActe final de la CSCE, Bonn, Bundesdruckerei, sans date, en quatre langues et 3 tomes ici lexigence de cohrence et mme didentit peut tre facilement comprise.Cf. aussi des glossaires destins surtout aux praticiens de la parole diplomatique, qui affichent dailleurs clairement lobjectif recherch puisque comme on peut le lire dans une des prfaces, dcid dadopter progressivement larabe comme langue de travail, la diversit des termes employs par les orateurs et les rdacteurs arabes, selon leur formation, imposait lunification de la terminologie en langue arabe, Unesco, Glossary of Conference terms, 1980., notamment dans la production parajuridique de traits Cf., par exemple, Referat 105 (Sprachendienst) des Auswrtigen Amts, Standardformulierung fr deutsche Vertragstexte, Bonn, 1962.. Or, ces recueils ne sont pas seulement destins aux traducteurs et interprtes, mais aussi aux rdacteurs. On y prcise, par exemple, que les formulations standards [peuvent] servir de base pour les projets rdiger Die Standardformulierung [knnen] bei deutscherseits herzustellenden Entwrfen als Unterlage dienen, lettre de Karl Carstens, du 6.3.1962 qui introduit Standardformulierung, op. cit.; Karl Carstens, juriste de formation, tait alors directeur du service politique et secrtaire dtat au ministre des Affaires trangres Bonn (lquivalent de secrtaire gnral dans un ministre franais), ultrieurement, il fut prsident de la Rpublique fdrale dAllemagne (1979-1984).. Par ces procds, la varit des textes se restreint et la redondance se multiplie indniablement.Ensuite de nombreux aphorismes se plaisent souligner leuphmisation extrme dont sont coutumiers les propos et les textes diplomatiques. Ainsi, un lieu commun assne que la diplomatie cest faire et dire les plus vilaines choses de la manire la plus lgante Isaac Goldberg, Le rflexe, cit par Jrme Duhamel, Le Grand Mchant Dictionnaire de la politique et des politiciens, Paris, Acropole, 1986, p.20.. Un autre explique que quand un diplomate dit oui, cela signifie peut-tre; quand il dit peut-tre cela veut dire non; et quand il dit non ce nest pas un diplomate Henry Louis Mencken, Dictionary of quotations, Knopf, 1946, cit par Jrme Duhamel, op. cit., p.20..Ajoutons lambigut de certaines dnominations qui signifient le contraire de ce quelles semblent exprimer, inversant le sens apparent des formulations. Par exemple, le concept de trait de [p. 13] non-agression, qui, malgr son sens premier pacifique, peut signifier une menace pour des tiers. Un praticien averti, Alain Plantey, dfinit ainsi ce procd:La signature des traits de non-agression a t largement pratique avant la dernire guerre mondiale. Elle sest rvle de nul effet, lorsque la proposition venait dennemis potentiels, sa signification tant plutt celle de la menace pour les tiers.() Dans la phrasologie diplomatique actuelle les traits de non-recours la force, de consultation mutuelle, damiti et de coopration expriment ltablissement de relations particulires entre deux partenaires. Sans impliquer dalignement politique complet, ils traduisent souvent lacceptation dune idologie commune, voire dune conduite semblable, qui peut aller jusqu une coopration militaire ou culturelle troite.Quel que soit lhabillage terminologique ou polmique, le ralisme diplomatique restitue aux pactes leur vritable nature. Des traits damiti peuvent dissimuler un antagonisme virtuel; des accords de coopration, de consultation ou dassistance mutuelles, ont la nature dalliance Alain Plantey, De la Politique entre les tats: principes de diplomatie, Paris, A.Pdone, 1991 (2e d.), p.69-70. A.Plantey a t membre du cabinet du gnral de Gaulle la prsidence de la Rpublique, chef de mission diplomatique, dlgu lAssemble gnrale des Nations unies, haut fonctionnaire europen, prsident de la Cour internationale dArbitrage de la CCI, ngociateur diverses confrences internationales..Le sens commun conclurait une inversion hypocrite entre lexplicite et limplicite. De mme, on relve souvent une autre ambivalence: dans de nombreuses interventions de politique internationale, on trouve des formulations qui associent sur un mme axe syntagmatique deux termes contraires, du type indpendance dans linterdpendance Edgar Faure au sujet des relations de la France avec le Maroc, rglant laffaire marocaine aprs le rtablissement du sultan et les accords de novembre 1955 entre Antoine Pinay et Mohammed Ben Youssef (et cest ce propos quil lancera la fameuse formule de lindpendance dans linterdpendance), Encyclopaedia Universalis, op. cit., article Edgar Faure.. Les diplomates semblent se dlecter de phrases paradoxales, condenses, antinomiques, mais aussi de jeux de mots. Une premire raction consisterait penser, de faon mathmatique, que deux signes contraires sannulant, linformation diplomatique ainsi formule sannihilerait elle-mme, ce qui correspondrait bien une absence de signification. Nous aurons comprendre comment, par de telles formules syncrtiques, lnonciateur cherche prudemment mnager les vnements et les protagonistes sans sengager vraiment dans un sens ou dans un autre, comme si le jugement devait tre suspendu et comme si toute parole devait impliquer un nonc et son contraire, lexplicite et limplicite On accuse donc les diplomates de ce quils disent. Il en va de mme de ce quils taisent.[p. 14]Un discours discret, secret et silencieux?

HYPERLINK \l "_Sommaire" Retour au sommaireEn plus de cette culture de la banalit et de leuphmisme expressif, un autre dfaut est souvent reproch au langage diplomatique: le fait de diffrer une affirmation, un engagement, mais surtout, de sabstenir de parler. Les mdias sen font souvent lcho. La discrtion, la rtention dinformations, le secret, le silence, entourent rituellement ces hommes dantichambres qui frayent avec le pouvoir.La discrtion fait partie des recommandations classiques prodigues aux apprentis diplomates. Ainsi, au dbut du xviiie sicle, Franois de Callires conseillait aux ngociateurs:Pour russir en ces sortes demploys, il y faut beaucoup moins parler qucouter; il faut du flegme, de la retenue, beaucoup de discrtion et une patience toute preuve Callires, De la manire de ngocier avec les souverains, de lutilit des ngociations, du choix des ambassadeurs et des envoyez, et des qualits ncessaires pour russir dans ces employs, Paris et Amsterdam, M.Brunet, 1716 (trad. angl. A.F. White, Londres 1919), p.42, passage repris par Sir Ernest Satow, A guide to diplomatic practice, Longmans, Green and Co., Londres, New York, Toronto, 1958, 5e d. (1re d. 1917), p.93..De mme, le premier Earl of Malmesbury recommandait, dans une lettre prsentant la profession un futur diplomate:Le premier et le meilleur conseil que je puisse donner un jeune homme qui entre dans la carrire est dcouter et de ne pas parler, tout au moins pas plus quil est ncessaire pour inciter dautres parler E. Satow, op. cit., p. 96: The first and best advice I can give a young man on entering this career is to listen, not to talk - at least, not more than is necessary to induce others to talk.. lpoque contemporaine, la discrtion et leffacement sont toujours cultivs. Ils rsultent de la synthse entre public et secret, institutionnalise par la fonction de porte-parole. Alain Peyrefitte, alors mdiateur officiel de la communication gouvernementale, comprend ainsi sa tche de diplomate de lintrieur auprs du Gnral de Gaulle:Mon seul souci tait de mieux le saisir, de le comprendre assez fond pour distinguer ce qui pouvait tre communiqu lextrieur, de ce qui devait rester entre nous, tout en mclairant Alain Peyrefitte, Ctait de Gaulle, Paris, Fayard, 1994, p. 13..Une telle prsentation parat un peu flatteuse. Mais on se trouve bien en prsence dun faire savoir contenu, infrieur un savoir plus tendu. Le plus souvent, les responsables des relations avec la presse se montrent plus prudents. Ils adoptent une position minimaliste que rsume bien cette expression dun autre ancien porte-parole gouvernemental: autant que ncessaire, aussi peu que possible So wenig wie mglich, so viel wie ntig, expression entendue dans la bouche de Peter Bnisch, ancien porte-parole du gouvernement allemand, rsumant sa tche..Ajoutons une anecdote ce sujet: lors de linauguration dun nouveau service de presse Berlin, pas moins de sept porte-parole du gouvernement fdral allemand voqurent leur souci de [p. 15] communiquer le moins possible. Cette proccupation explicite culmina avec le jeu de mot dont lun dentre eux usa loccasion. Karl-Gnther Von Hase, qui servit trois chanceliers (Konrad Adenauer, Ludwig Erhard et Kurt-Georg Kiesinger), se replia en prononant une tournure allemande bien connue: Je mappelle Hase, je ne suis au courant de rien Mein Name ist Hase, ich weiss von nichts! Je mappelle Hase, je ne suis au courant de rien, Ruppert Mayr, in Das Parlament, Nr. 9/23. Februar 2001, Berlin. Cette expression aurait t forge par un tudiant portant le nom Hase qui veut dire lapin en allemand.. Ce prcepte dune communication en retrait, ce minimalisme de parole et de pense, semblent inns la diplomatie. Doit-on en dduire la pauvret de lapport informatif de tout discours diplomatique? Lunderstatement signifie-t-il pour autant absence de signification? Quelle est la part du naturel et du construit en diplomatie? Sagirait-il dun demi-discours qui dissimulerait tactiquement ou stratgiquement en partie ses messages, comme par ncessit fonctionnelle?

Un discours mensonger et lacunaire?

HYPERLINK \l "_Sommaire" Retour au sommaireUn autre problme et non des moindres a jet le discrdit sur la parole des diplomates: leur rapport prtendument tordu la vrit. Pousss jusquau bout, la banalit, leuphmisme cultiv et le secret confinent au mensonge par omission, voire au mensonge tout court, tant la frontire entre les deux est tnue. Le sens commun affirme ainsi que le discours diplomatique nest effectivement que mensonge et dissimulation. Sir Henry Wotton, ambassadeur anglais Venise, a port un jugement svre sur la profession, comme en atteste son inscription dans le livre dor dun commerant dAugsbourg:Un ambassadeur est un honnte homme qui est envoy ltranger afin dy mentir pour le bien de son pays Legatus est vir bonus, peregre missus ad mentiendum republicae causa. Cette citation est rapporte (daprs Logan Pearsall Smith, Life and Letters of Sir H.Wotton, Oxford 1907, II/9) dans plusieurs ouvrages, notamment un long dveloppement, Ernest M.Satow, A guide to diplomatic practice, Londres, New York, Toronto, Longmans, Green and Co., 1958, 5e d., p.132; Baron J.de Szilassy, Trait pratique de diplomatie moderne, Paris, Payot, 1928, p.43; Harold Nicolson, Diplomatie, Neuchtel, ditions de la Baconnire, 1948, p.39; Pietro Gerbore, Formen und Stile der Diplomatie, Hambourg, Rowohlt, 1964, p. 13; Jrg von Uthmann, Die Diplomaten. Affren und Staatsaffren von den Pharaonen bis zu den Ostvertrgen, Munich, Deutscher Taschenbuch Verlag, 1985, p.144; Jrme Duhamel, Le Grand Mchant Dictionnaire de la politique et des politiciens, op. cit., p.20..Selon Harold Nicolson, ce diplomate de sa Trs gracieuse Majest aurait seulement voulu faire de lesprit Harold Nicolson, Diplomatie, op. cit., p.39.. Les politologues Thomas M.Franck et Edward Weisband, dans le mme sens, ont repris ce prjug en variant la formule:Aprs tout, diplomates et hommes dtat sont connus pour tre des hommes pays pour mentir pour leur pays Thomas M.Franck, Edward Weisband, Word Politics. Verbal Strategy among Superpowers, New York, Oxford University Press, 1971, p.9: The tendency in the pragmatic West is to regard rhetoric at best as ornamentation. What matter what we say, or what the soviets say? It is what is done that counts..Cette caricature ne constitue pas seulement une coquetterie de lhistoire. De nos jours, Jacques Baeyens, ancien ambassadeur de France, porte-parole de la dlgation franaise dans des confrences internationales, membre de la direction de lInformation et de la Presse au ministre des Affaires trangres, alimenta lui-mme cette conception:[p. 16]Je ne me souviens plus quelle occasion javais sans doute pour pater et briller lanc une boutade stupide, sur mes fonctions. Interrog, javais dclar que mon rle consistait mentir et dmentir.Regrettant a posteriori davoir cd la tentation de faire de lesprit, il ajouta:Cette phrase malheureuse obtint un grand succs et fut reprise par maintes feuilles. Ctait maladroit et inexact. Le porte-parole peut manier la restriction mentale, taire certaines choses, mais il ne peut mentir sans se discrditer jamais.Dans lembarras, deux moyens peuvent tre utiliss, dabord noyer le poisson, puis annoncer No comment. Je nen suis venu cet ultime recours que sur instructions prcises de mes chefs, car jestime quil faut viter de rester coi Jacques Baeyens, Au Bout du Quai. Souvenirs dun retrait des postes, Paris, Fayard, 1975, p.269. Lambassadeur J.Baeyens fut notamment ngociateur aux Bermudes (dcembre1953), Berlin janvier-fvrier 1954), et Genve (avril-juin 1954)..La redondance de telles citations Legatus est vir bonus, peregre missus ad mentiendum republicae causa. Cette citation est rapporte (daprs Logan Pearsall Smith, Life and Letters of Sir H.Wotton, Oxford 1907, II/9) dans plusieurs ouvrages, notamment un long dveloppement, Ernest M.Satow, A guide to diplomatic practice, Londres, New York, Toronto, Longmans, Green and Co., 1958, 5e d., p.132; Baron J.de Szilassy, Trait pratique de diplomatie moderne, Paris, Payot, 1928, p.43; Harold Nicolson, Diplomatie, Neuchtel, ditions de la Baconnire, 1948, p.39; Pietro Gerbore, Formen und Stile der Diplomatie, Hambourg, Rowohlt, 1964, p. 13; Jrg von Uthmann, Die Diplomaten. Affren und Staatsaffren von den Pharaonen bis zu den Ostvertrgen, Munich, Deutscher Taschenbuch Verlag, 1985, p.144; Jrme Duhamel, Le Grand Mchant Dictionnaire de la politique et des politiciens, op. cit., p.20. montre la persistance, sinon de cette opinion largement rpandue, du moins de lattrait de la formule choc et de limpact de la dvalorisation du discours diplomatique en gnral. Le sens commun se voit confort par lhistoire anecdotique qui livre des traces multiples de tels comportements Comme exemple de mensonges diplomatiques, on peut se reporter Jrg von Uthmann qui voque Nikolaus Pawlowitsch Ignatiew, ambassadeur de Russie Constantinople (de 1864 1877) surnomm Menteur Pasha et Franz von Papen lors des ngociations du concordat avec le Vatican, ibid., p.144. et les retient bien volontiers pour leur pittoresque.Pourtant la science historique contredit le consentement universel en montrant que la grande majorit des diplomates se conduit autrement. Ceux-ci savent quun mensonge peut dtruire la confiance cruciale dans les relations entre tats et toucher la crdibilit mme de leur propos et de leurs crits (nous dvelopperons ce point en examinant plus loin le concept dimage).Enfin, aux lieux communs du mensonge et de la dissimulation, sajoutent encore les impressions et contradictions lies aux conditions de production du discours diplomatique moderne. Le charabia de certains textes est insparable de la complexit des excutifs tatiques: les affaires trangres sont traites par des secteurs administratifs multiples qui englobent les chefs dtat et leurs cabinets, les chefs de gouvernement, les ministres des affaires trangres, divers ministres impliqus par des dossiers de dimension internationale, les diplomates de la centrale, ceux des postes, les rseaux administratifs et politiques Un diplomate expriment, Yves Delahaye, a insist sur cette dilution du texte diplomatique:[Un mme acteur] est loin de ne produire quun seul type de texte et il a tendance les diversifier selon les interlocuteurs. [p. 17] () Une politique trangre () est en ralit une srie de textes produits simultanment et souvent fort diffrents les uns des autres par leur nature et leur orientation Yves Delahaye, La Frontire et le texte. Pour une smiotique des relations internationales, Paris, Payot, 1977, p.82..De plus, des imprcisions peuvent surgir du fait que le discours diplomatique comme toute langue de spcialit Cf. par exemple Ingrid Simonnaes, Textsorten und Terminologie, site Internet de lUniversit de Sarrebruck, 1998. utilise les mmes mots que ceux de la langue courante, mais dans un sens spcifique. Au-del de ce qui serait, ds lorigine, les caractristiques du mtier de diplomate, la polysmie qui en rsulte gnre, en partie, les reprsentations dformantes de linstitution. Tous ces travers attribus couramment la diplomatie, ses agents comme leurs discours la banalit, leuphmisation, lambigut, le minimalisme ou le mensonge , ne semblent au premier abord que des observations superficielles, qui apparaissent plus ou moins spontanes. Celles-ci doivent donc tre dconstruites.On comprend mieux partir de l lampleur de lobstacle pistmologique auquel se heurte lanalyse de la diplomatie: la prdominance des faits discursifs et des dbordements du sens commun dans son fonctionnement mme. Les exemples prcdents relvent principalement de lordre du discours, du discours mfiant et disqualifiant manant dobservateurs et dacteurs extrieurs, mais aussi du discours dtach des acteurs internes qui servent linstitution Cf. Marc Fumaroli propos de la langue franaise: Bien avant dtre lobjet dune science, la langue franaise a t lobjet dun discours sur son esprit et son gnie, Marc Fumaroli, Le gnie de la langue franaise, dans Pierre Nora, Les Lieux de la mmoire, tomeiii, 1997, Paris, Gallimard, p.4623.. Linterfrence de tous ces niveaux de langage se complique dautant plus que les interactions ordinaires sont aussi qualifies de diplomatiques. travers diverses formes discursives (discours quotidien, acadmique, professionnel, politique, mdiatique), on dtermine dans la langue courante la part du conforme et du non conforme, de ce quil convient de qualifier de diplomatique ou de peu diplomatique (ce qui, en langue diplomatique, veut dire pas diplomatique du tout!). Cest notamment le cas du commentaire politique des mdias, lexercice journalistique consistant relever tel ou tel segment dans la production discursive pour caractriser le climat international, qualifier ou disqualifier la parole.On ne peut cependant dfinir un tel objet ni par ses qualits supposes (quil ne possde pas toujours), ni par ses dfauts [p. 17] dnoncs (par rapport quelle norme?). On doit, pour aller plus loin, dpasser les savoirs quotidiens, discours sur le discours, en sachant que lon ne peut viter de se confronter aux ambivalences des interfrences discursives.Le discours diplomatique se prsente donc comme un langage prudent et subtil pour les uns, banal, ambigu, dissimulateur ou mme mensonger pour les autres. Il semble pauvre, car il opre avec un nombre de signes assez restreint et redondant.Une question vient lesprit: les prtendus dfauts ne seraient-ils pas des qualits dune communication masque qui fonctionnerait la dissimulation en tant que genre discursif?Et si les diplomates, pour mieux brouiller les pistes, alimentaient le sens commun, raillant les traits de la diplomatie et de son discours, alors que ceux-ci sont prcisment constitutifs de la diplomaticit?En profondeur, les travers dnoncs par les aphorismes et les plaisanteries habituelles pourraient recler une vritable ressource, rvler une fonctionnalit du discours vis. Lambigut de la langue au lieu de dvaloriser linstitution, voire de lui nuire, la servirait, dgagerait sa nature sociale profonde ainsi que ses fonctions.Avant dexplorer cette piste, face ces reprsentations ordinaires qui nous signalent de prime abord limportance de la discursivit diplomatique en tant quobjet, voire en tant que symptme, il faut dresser un rapide tat des travaux de littrature franaise sy rapportant. Allons-nous retrouver au niveau scientifique des attitudes comparables de rserves, de critiques, de rticences lencontre de la diplomatie?

2. La discrtion des recherches franaises

HYPERLINK \l "_Sommaire" Retour au sommairePremier symptme: le constat du manque de travaux sur la diplomatie apparat redondant travers de nombreux crits. Alors que Bernard du Rosier, ecclsiastique et diplomate, avait dj rdig prcocement en 1436 un court trait (brevilogus Bernard du Rosier, Ambaxiator Brevilogus, Bibliothque nationale (ms. latin 6020), 1436, et V.E. Hrabar (d.), De Legatis et Legationibus Tractatus Varii, Dorpat (Livonie), publication de luniversit, 1905, cit par Jean Baillou et al., Les Affaires trangres et le corps diplomatique franais, Paris, CNRS, 1984, tomei, p.37; on peut galement mentionner Etienne Dolet, De officio legato, Lyon, 1541, un crit bas sur lexprience de lauteur acquise en effectuant une ambassade Venise.Bernard du Rosier, archevque de Toulouse, a effectu plusieurs missions diplomatiques et a rdig son brviaire lors dune Ambassade en Castille, cf. Jean Baillou et al., Les Affaires trangres et le corps diplomatique franais, op. cit., tomei, p.37. Notons au passage lassociation dhommes dglise et de diplomates caractristique de la fin du Moyen ge jusqu la Renaissance: cf. Geoffrey R.Berridge, Diplomacy, Theory and Practice, Houndmills, Palgrave, Basingstoke, 2002 (2e d.), p.2 et suiv.).), le premier entirement consacr lenvoy et ses devoirs publi en Europe occidentale Peter Barber, Diplomacy: the world of the honest spy, Londres, British Library, 1979, p.13., en 1613, Ian Hotman remarquait propos de la fonction dambassadeur:[p. 19]Je ne sache aucun des anciens, qui tout dessein ait escrit de ce sujet: du moins nen est il venu rien ma connoissance Ian Hotman, Sieur de Villiers, De la Charge et dignit de lAmbassadeur, Dsseldorf, Bernard Busius, 1613, troisime dition, p.1..De mme, Martin Wight, un des fondateurs de lcole anglaise de relations internationales, constatait un dficit dtudes, et un sociologue belge confirmait:Les diplomates ont toujours t sous les projecteurs de la scne internationale, mais paradoxalement, peu dtudes systmatiques de leur comportement et de leur pense ont t entreprises. En 1893, le prsident de lAmerican Historical Association, James B.Angell, constata quaucun groupe de serviteurs de ltat ntait si mconnu dans ltude des relations internationales que les diplomates. Ce fait est toujours trs largement vrai Luc Reychler, Patterns of diplomatic thinking: A Cross-National Study of Structural and Social-Psychological Determinants. Foreword by Karl W.Deutsch, New York, Praeger, 1979, op. cit., p.1 (trad. par nous).Pour Martin Wight, Few political thinkers have made it their business to study the state-system, the diplomatic community itself, Why is There no International Theory?, dans Martin Wight, Herbert Butterfield (d.), Diplomatic Investigations. Essays in the Theory of International Politics, Londres, Unwin, 1966, p.22..Comment expliquer cette indiffrence, cet impens rcurrent de la part des intellectuels? Selon Luc Reychler, contrairement la guerre, la diplomatie ne soulve pas de passions. Elle souffrirait du secret qui lentoure, des confusions terminologiques qui lobscurcissent L. Reychler, op. cit., p.2.. Dautres mettent en avant un dtachement effectif de la thorie politique, lhistoire diplomatique stant montr gnralement plus descriptive quanalytique S. Sofer, Old and New Diplomacy: a Debate Revisited, Review of International Studies, 14mars, 1988, p.196.. Brian Hocking insiste sur limprgnation des apprciations ngatives du sens commun lencontre de laction diplomatique Brian Hocking, Catalytic Diplomacy: Beyond Newness and Decline dans Jan Melissen Innovation in Diplomatic Practice, Houndmills, Macmillan Press Ltd., 1999, p.22.. Doris A.Graber, attentive au poids de la communication dans les relations internationales, suggre quen dpit de sa grande signification politique le comportement verbal est gnralement nglig parce quil est considr comme moins fiable que la ralit empirique, et donc comme relativement secondaire Despite its great political significance, mans verbal behavior has received relatively little attention, Doris Appel Graber, Verbal behavior and politics, University of Illinois Press, Urbana, Chicago, Londres, 1976, p.8. Notons que lauteur voque galement le troisime type dexplication, lide de dissimulation et mensonge, dj expos ci-dessus..Pourtant, pnurie de recherches thoriques ne signifie pas absence de publications. Daprs Luc Reychler, labondante littrature dite diplomatique, classe selon la nature des crits L. Reychler, op. cit., p.1., permet de distinguer:les mmoires de diplomates Vu labondance des publications de cette catgorie, nous nous abstenons de citer des exemples. Notons toutefois que limportance des mmoires comme lieux de mmoire, dune manire gnrale, a t dmontre par Pierre Nora Les Mmoires dtat. De Commynes de Gaulle, dans Pierre Nora, Les lieux de mmoire, Paris, 1997, tomei, p. 1383 et suiv.; pour le champ diplomatique, en particulier, les mmoires trouvent une place de choix dans les travaux de lhistoire diplomatique, mais ils peuvent tre galement trs prcieux pour des analyses politologiques.;les manuels de procdures et de protocole Jean Serres, Manuel pratique de protocole, Courbevoie, ditions de la Bivre, 1992 (nouvelle d.); John Wood, Jean Serres, Diplomatic Ceremonial and Protocol: Principles, Procedures and Practices, Londres, Macmillan, 1970; et comme curiosit parce que destine aux diplomates de la dfunte RDA.: David Dreimann, Das diplomatische Protokoll. Aufgaben, Mittel, Methoden und Arbeitsweise, Leipzig, Koehler & Amelang, 1985 (3. Aufl.).;les traits rdigs par des diplomates clbres (comme ceux de Philippe de Commynes, Nicolas Machiavel, Abraham de Wicquefort, Richelieu, Franois de Callires, Jules Cambon, Ernest Satow, Harold Nicolson) Pour un aperu de ces ouvrages, cf. ci-aprs Le discours autorfrentiel des manuels diplomatiques.;les ouvrages dhistoires diplomatiques Ici encore, on observe une grande abondance des publications! Trois rfrences titres dexemples: Thucydide, Histoire de la guerre du Ploponnse, Paris, Garnier Flammarion, 1966; Augusto Torre, Versailles. Storia della Conferenza della Pace, Milan, Instituto per gli Studi di Politica internazionale, 1940; Philip Zelikow, Condoleezza Rice, Germany Unified and Europe Transformed. A Study in Statecraft, Cambridge Mass. & Londres, Harvard University Press, 1995.;les livres succs, souvent superficiels, reposant sur des anecdotes et paraphrasant des paroles de grands diplomates Par exemple, Pietro Gerbore, Formen und Stile der Diplomatie, Reinbek prs de Hambourg, Rowohlt, 1964; Jrg von Uthmann, Die Diplomaten. Affren und Staatsaffren von den Pharaonen bis zu den Ostvertrgen, Munich, dtv, 1988 (1re d. Stuttgart, Deutsche Verlagsanstalt, 1985).;[p. 20]les tudes portant sur des aspects substantiels de la diplomatie et des pratiques des diplomates;les recueils de documents et de textes diplomatiques, les publications priodiques ou les anthologies, axs soit autour dun acteur collectif (la France Par exemple, Pietro Gerbore, Formen und Stile der Diplomatie, op. cit.; Jrg von Uthmann, Die Diplomaten. Affren und Staatsaffren von den Pharaonen bis zu den Ostvertrgen, Munich, dtv, 1988 (1re d. Stuttgart, Deutsche Verlagsanstalt, 1985)., lOnu On peut ici renvoyer aux publications de lONU, galement disponible sur Internet HYPERLINK "http://www.un.org" http: //www.un.org.) ou individuel (Charles de Gaulle Charles de Gaulle, Discours et messages, Paris, Librairie Plon, 1970 (4 tomes)., Ronald Reagan Ronald Reagan, Les Discours de Ronald Reagan. Prface de Guy Sorman, Paris, J. C. Latts, 1990., Dietrich Genscher Ministre allemand des Affaires trangres, en fonction pendant les ngociations de lunification des deux Allemagne: Hans-Dietrich Genscher, Deutsche Aubenpolitik, Stuttgart, Verlag Bonn Aktuell, 1977; id., Deutsche Aubenpolitik. Ausgewhlte Grundsatzreden, Stuttgart, Verlag Bonn Aktuell, 1981; id., Deutsche Aubenpolitik. Ausgewhlte Aufstze 1974-1985, Stuttgart, Verlag Bonn Aktuell, 1985.), soit autour dune fonction Klaus von Beyme (Einleitung und Kommentar), Die groen Regierungserklrungen der deutschen Bundeskanzler von Adenauer bis Schmidt. Munich/Vienne, 1979., dun thme Charles Zorgbibe, Textes de politique internationale depuis 1945, Paris, PUF, QSJ, n2224, 1985 (1re d.). ou dune priode, agencs le plus souvent de manire chronologique.Malgr cette plthore de publications, la catgorie des tudes scientifiques portant sur des aspects substantiels de la diplomatie serait pratiquement vide The last category is virtually empty, Luc Reychler, op. cit., p.1.. La science politique franaise ne semble pas droger au paradoxe. Selon Guillaume Devin en juger par les mmoires et les rflexions quils lui consacrent, la diplomatie intresse les diplomates. Pour sa part, la communaut acadmique montre beaucoup moins dempressement. Les recherches sur la diplomatie demeurent en effet marginales dans le panorama des tudes politiques internationales (et plus encore en langue franaise). Les raisons de ce relatif dlaissement dun objet ancien mais toujours vivant des relations internationales ne sont pas trs claires Guillaume Devin, Les diplomaties de la politique trangre, dans Frdric Charillon (sous la dir. de), Politique trangre. Nouveaux regards, Paris, Presses de Sciences Po, 2002, p.215..Comme explication, ce politologue avance la prdominance dtudes portant sur les politiques trangres et lomniprsence des diplomates dans lenseignement suprieur, qui partent de lide que lon ne peut parler de la diplomatie que de lintrieur du corps et que les chercheurs ny pntrent gure. Pour valuer ltat de la question, aprs un rapide regard sur les recherches en histoire des relations internationales, nous apprcierons la situation franaise partir dune lecture croise des dictionnaires et manuels de rfrence, avant dvoquer les travaux qui ont abord directement lobjet diplomatique.

La diplomatie: un impensdes manuels de rfrence

HYPERLINK \l "_Sommaire" Retour au sommaireNuanons la remarque prcdente de Guillaume Devin sur un point: lhistoire diplomatique discipline ancienne ne semble pas, quant elle, vraiment concerne par une carence scientifique. Elle se rattache la branche prolixe de lhistoire des relations internationales, celle de la guerre et de la paix. Fonde sur une analyse minutieuse des documents diplomatiques publics ou privs, elle rvle les actions des responsables de politiques [p. 21] trangres, les grandes ngociations au sommet, les influences gravitant autour du pouvoir. Ainsi tudie-t-elle les arcanes des chancelleries, recherche une balance des pouvoirs, un systme priodis de jeux dalliance, comme par exemple le Concert europen du XIXesicle. Conteste par le courant de lcole des Annales qui la considrait comme trop traditionaliste, lhistoire des relations internationales a t dveloppe en France par Pierre Renouvin et Jean-Baptiste Duroselle Voir notamment, P.Renouvin, Rapport prsent au congrs international des sciences historiques, 1955; id., Histoire des Relations Internationales, tomei: Du Moyen ge 1789 et tomeii: De 1789 1871, Paris, Hachette, dernire d.; id., Histoire des Relations Internationales. Le xixesicle, de 1871 1914. LApoge de lEurope, Paris, Hachette, 1963; P.Renouvin, Jean-Baptiste Duroselle, Introduction lhistoire des relations internationales, Paris, 1964; Jean-Baptiste Duroselle, Histoire diplomatique de 1919 nos jours, Paris, Dalloz, 1993, et Tout Empire prira. Une vision thorique des relations internationales, Paris, Publications de la Sorbonne, 1982..Cest dans cette tradition que sinscrivent deux uvres substantielles, lune consacre lhistoire universelle de la diplomatie Vladimir Potiemkine, Histoire de la diplomatie (traduit du russe), Paris, Librairie de Mdicis, 1946-1947, 3tomes; voir galement avec profitpour une prise de vue synthtique: Harold Nicolson, Lvolution des mthodes en diplomatie (traduit de langlais), Neuchtel, ditions de la Baconnire, 1955., lautre celle de la France. La premire, en trois volumes, malgr un parti pris idologique, reste une source prcieuse dinformations, notamment concernant lAntiquit. La seconde, patronne par le ministre des Affaires trangres, dirige par Jean Baillou et ralise par une quipe de diplomates de carrire, dhistoriens (dont Jean-Baptiste Duroselle), darchivistes et, pour lpoque contemporaine, dune sociologue de ladministration, Marie-Christine Kessler, constitue une synthse sur le sujet. Ce travail monumental de plus de mille huit cents pages, trs document (il a puis dans les archives du Quai dOrsay) dcrit avec prcision laspect institutionnel de la diplomatie franaise, ainsi que son volution des origines lpoque moderne Jean Baillou et al., Les Affaires trangres et le corps diplomatique franais, op. cit.. Ces publications de rfrence de mme que bien dautres, soit gnriques Comme introductions gnrales: Jean Baillou, Pierre Pelletier, Les Affaires trangres, Paris, PUF, 1962; Jacques Chazelle, La Diplomatie, Paris, PUF, 1962, 2e d., 1968; comme grande fresque historique portant sur la lingua franca travers lhistoire: Alexander Ostrower, Language, law and diplomacy. A study of linguistic diversity in official international relations and international law, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1965., soit focalisant sur un pays en particulier Voir par exemple, Wilbur Edel, Diplomatic history State Department Style, Political Science Quarterly, 1991-1992 106 (4), hiv. 91-92, p.695-712; Enrico Brandt, Christian Buck (Hrsg.) Auswrtiges Amt. Diplomatie als Beruf, Opladen, Leske, Budrich, 2002, (2e d.)., ont t compltes rcemment par les ouvrages dirigs par Lucien Bly consacrs linvention de la diplomatie et aux ambassadeurs dans lEurope mdivale, renaissante et classique Lucien Bly (dir.), LInvention de la diplomatie. Moyen ge Temps modernes, Paris, PUF, 1998; id., LEurope des traits de Westphalie. Esprit de la diplomatie et diplomatie de lesprit, Paris, PUF, 2000. On peut aussi lire louvrage de Lucien Bly, Espions et ambassadeurs au temps de Louis XIV, Paris, Fayard, 1990., commmorant le 450e anniversaire de la Paix de Westphalie et de lmergence des tats-nations. On peut galement voquer les recherches originales de Daniel Mnager sur les relations entre diplomatie et thologie la Renaissance Daniel Mnager, Diplomatie et thologie la Renaissance, Paris, PUF, coll. Perspectives littraires, Paris, 2001..Ces apports tudient les conditions de production du discours diplomatiques, mais point le code sous-jacent. Les textes diplomatiques analyss comme des vidences explicites semblent suffisants pour clairer les vnements. Quen est-il alors des ouvrages classiques de science politique, censs dpasser lapproche historique traditionnelle, pour laborer un modle thorique?Dans lespace scientifique franais, la diplomatie ptit en fait de la place mineure qui touche pareillement le champ plus large [p. 22] des relations internationales. Dans le rapport de synthse dfinissant les concepts clefs de cette discipline (Core Concepts in European Political Science Max Kaase, Political Science Today: Contributions to the Thematic Network Conference, TN-Discussion Papers, n1, Leiden 1999, p. 13-18.), linventaire dress par un chercheur europen partir danthologies, de grands manuels et de dictionnaires, montre que cette branche spcifique, pourtant trs gnrale, nest prsente que dans un relev sur trois et ne donne lieu qu quatre mots-clefs sur trente-cinq. Linfriorisation des relations internationales est encore plus marque dans le cas de la France, comme la montr Franois Heisbourg dans son rapport de mission relatif lenseignement et la recherche dans ce domaine. Alors que les relations internationales sont une discipline-carrefour, il admet quelles ne sont pas reconnues comme une discipline par le systme universitaire Franois Heisbourg, Rapport de mission danalyse et de proposition relative lenseignement et la recherche en relations internationales et affaires stratgiques et de dfense, juin2000, disponible sur le site:http://www.archives.premierministre.gouv.fr/jospin_version2/PM/RAPPORTS. HTM.. Le politologue Jean-Jacques Roche confirme ce constat Jean-Jacques Roche, Lenseignement des relations internationales en France: les alas dune discipline-carrefour dans La Revue internationale et stratgique, n47, automne 2002..La plupart des dictionnaires franais de rfrence ne semblent pas vraiment sintresser lobjet diplomatique. Leurs index ny renvoient pas du tout ou de faon parse, voire allusive, surtout travers des vnements ponctuels pris dans lhistoire diplomatique contemporaine. Ainsi le dictionnaire spcialis de Pascal Boniface ne lui consacre aucun article spcifique et son index de prs de mille rfrences en omet le terme mme Pascal Boniface (dir.), Dictionnaire des relations internationales, Paris, Hatier, 1996.. Celui de Pascal Chaigneau effleure lobjet sans le dfinir, mentionnant des sujets diplomatiques clats, tels le conflit, la cellule de crise, la francophonie Pascal Chaigneau (dir.), Dictionnaire des relations internationales, Paris, conomica, 1998.. Le Lexique de politique de Charles Debbasch explique de faon concise quelques termes et outils de la diplomatie Charles Debbasch, Jacques Bourdon, Jean-Marie Pontier, Jean-Claude Ricci, Lexique de politique, Paris, Dalloz, 1984-1988, dernire d. 2001, avec par exempleles entres: Accrditation, Agents diplomatiques, Ambassadeur, Consul, Lettres de crance, Exequatur, persona grata ou non grata., mais ne mentionne pas sa dimension discursive. Le Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, centr sur des rfrences thoriques, ignore symptomatiquement le mot comme la chose Guy Hermet, Bertrand Badie, Pierre Birnbaum, Philippe Braud, Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, Paris, Armand Colin, 1994.. Toutefois, le Dictionnaire des relations internationales consacre cinq pages la diplomatie en traitant de son avnement, des fonctions classiques des diplomates et de leur mise en concurrence par la technicit croissante et la multiplication des acteurs Marie-Claude Smouts, Diplomatie, dans Marie-Claude Smouts et alii, Dictionnaire des relations internationales, Paris, Dalloz, 2003, p.132-137.. Dautres auteurs trangers (de Grande-Bretagne) ou de jadis (du XVIIIe et XIXesicle) voquent peine la langue Geoffrey R.Berridge, Alan James, Diplomatic language, A Dictionary of Diplomacy, Houndmills, Palgrave, 2001, p.67. ou se consacrent au style Par exemple, Baron Charles de Martens, Manuel diplomatique ou prcis des droits et des fonctions des agens [sic] diplomatiques; suivi dun recueil dactes et doffices pour servir de guide aux personnes qui se destinent la carrire politique, Paris, Treuttel & Wrtz [usw.], 1822, p.115 citant M.de Flassan dans lavant-propos de son Histoire de la diplomatie franaise; galement, Henri Auguste Meisel, Cours de style diplomatique, 2 tomes, Paris, J. P. Aillaud, 1826.. Peut-on dresser le mme bilan en ce qui concerne les manuels de relations internationales?Les crits sur la diplomatie, descriptifs ou critiques, la confinent en fait dans une approche pragmatique qui dnote un manque [p. 23] flagrant danalyses de cas, monographiques ou comparatives. Une majorit des manuels accorde lacteur tatique un rle non ngligeable, ainsi qu ses moyens de puissance. Dans cette perspective, la diplomatie na pas dexistence propre; elle devient un sous-produit, soit confondu ou absorb par la politique trangre Guillaume Devin, art. cit, p.215 et suiv., soit raval un rle dinstrument dapplication des orientations et dcisions prises par les autorits de ltat.Dans les manuels contemporains dinitiation diplomatique, les hommes de lart ont consign les rgles du srail destines aux jeunes entrants dans la profession, pour les familiariser avec les arcanes du protocole et avec celles de la haute politique. Ainsi, un diplomate expriment expose nombre dexemples concernant la pratique diplomatique ou les procdures de nomination et dentre en fonction dun ambassadeur Farag Moussa, Manuel de pratique diplomatique. LAmbassade, Bruxelles, Bruylant, 1972, p.59 et suiv.. De mme, divers guides de protocole, dans un but normatif et didactique et trs utiles sur le terrain Jean Serres, Manuel pratique, op. cit.; ainsi que John Wood, Jean Serres, Diplomatic Ceremonial and Protocol: Principles, Procedures and Practices, Londres, Macmillan, 1970., dcrivent et transmettent les rgles de ltiquette, du fonctionnement et du droulement des rapports officiels entre gouvernements. Ils consacrent gnralement un chapitre au langage diplomatique dont ils prsentent trs concrtement, exemples lappui, les qualits et les dfauts supposs (descriptions que lon peut qualifier de modles de comportement), en vue damliorer lexercice de la charge dambassadeur. dfaut denqute de terrain ou dobservation participante, ces matriaux nous rvlent la perception porte de lintrieur sur linstitution Certains manuels sont mmes constitus majoritairement dexemples historiques, par exemple, Abraham de Wicquefort, LAmbassadeur et ses fonctions augmente des rflexions sur les mmoires pour les ambassadeurs. De la Rponse lAuteur et du discours historique et llection de lempereur & des lecteurs, LaHaye, Cologne, Amsterdam, Pierre Marteau, 1677, 2 tomes. La dominante de lexpos par lexemple diminue avec le temps, de telle sorte que la proportion entre expos mthodique et le rcit danecdotes est inverse pour les manuels modernes.. un certain niveau thorique, Alain Plantey, diplomate de carrire, a abord le fonctionnement du champ diplomatique dans deux ouvrages danalyse stratgique. Aprs avoir dress le contexte des ngociations classiques entre les tats, il dcrit la communication diplomatique au niveau des relations et de la reprsentation, puis linstitution en tant que telle, dans ses procdures, son organisation et ses aspects multilatraux, avant danalyser des situations de crise Alain Plantey, De la Politique entre les tats: Principes de diplomatie, Paris, Pdone, 1987 (2e d. 1991).. Le mme auteur, dans un second ouvrage destin aux fonctionnaires de terrain, dtaille les rgles de la ngociation diplomatique en cas de guerre, au niveau commercial, sous leur aspect juridique, puis dans leur dimension institutionnelle sur le plan international, en sensibilisant le lecteur aux aspects subtils de la stratgie et de lart politique quelle implique Alain Plantey, La Ngociation internationale. Principes et mthodes, Paris, CNRS ditions, 1994..[p. 24]Pour ce qui est de la science politique acadmique, la plupart des publications de relations internationales ne consacrent que quelques rares pages la diplomatie et ses manifestations, en en faisant soit une branche des politiques publiques, soit un instrument de laction internationale de ltat.Lapproche institutionnelle classique lapprhende comme un moyen daction publique en dtaillant son administration centrale et les postes (la carte diplomatique), avec le rle des ambassadeurs sur le terrain, ou en abordant le corps diplomatique en termes sociologiques. La diplomatie, parfois assimile la politique trangre, nest quun outil sans influence dterminante par rapport dautres acteurs ou dcideurs, port par des individus. Comme lcrit Marie-Christine Kessler:Il ny a pas de position politique homogne [du corps des diplomates]. Derrire loutil diplomatique se trouvent des individus, des groupes, des clans, des clivages variant en fonction des problmes. Les points particulirement sensibles mobilisent des opinions contraires. Dune faon plus gnrale, il y a une prise de rle qui a pour effet de faire des titulaires dun dossier gographique les dfenseurs du pays dont ils ont la charge Marie-Christine Kessler, La Politique trangre de la France. Acteurs et processus, Paris, Presses de Science Po, 1999, p.133..Certaines analyses de la diplomatie en termes de politique publique proposent une rflexion sur lvolution de celle-ci et sur son adaptation face aux dfis de la mondialisation ou de laccroissement des tches multilatrales lies au dveloppement dune gouvernance mondiale. Sont alors tudies les nouvelles fonctions diplomatiques. Ainsi, dans une contribution critique un ouvrage collectif sur ltat de ladministration dans la France de lAn 2000, Franois Heisbourg a soulign les nouveaux dfis que lappareil des Affaires trangres franais a subis depuis la fin de la guerre froide Franois Heisbourg, Dfense et diplomatie: de la puissance linfluence, dans Roger Fauroux, Bernard Spitz (dir.), Notre tat. Le livre vrit de la fonction publique, Paris, Hachette Littratures, Robert Laffont, coll. Pluriel, 2000, p.214-239.. Il constate une relative inadaptation, malgr la densit juge un peu dsute du rseau des ambassades, un dpassement de sa technologie dinformation, ainsi quune perte de monopole par rapport dautres ministres qui interfrent dans les affaires internationales. Il regrette que la France ne suive pas le modle anglo-saxon et surtout amricain des rseaux de recherche (think tanks) ou des fondations, ainsi que celui de llargissement de lappareil des organisations non gouvernementales, pas suffisamment associes la politique trangre (mais comment dpasser dans le pays de Richelieu la logique dappropriation dun [p. 25] secteur de ltat par un grand corps, celui du Quai dOrsay, identique celle dploye dans dautres secteurs ministriels par les autres grands corps napoloniens de ltat, renforant lexception franaise?). Un diagnostic rcent, le rapport Lanxade, a constat les mmes carences, notamment en matire de communication, prcisant ce sujet:Lappareil de relations extrieures de la France dispose dune masse dinformations considrables, en particulier celles fournies par les postes diplomatiques. Il nest toutefois pas certain que latout que reprsente la diffusion de linformation ait t bien compris. Dans certains domaines, limpression prvaut que la France connat un retard proccupant dans lexpression de ses thses, la communication de ses analyses et la prise de parole publique. Or, le travail de linfluence passe par-l, comme il passe aussi par la qualit des relations entretenues avec la sphre acadmique. Malgr la tendance franaise labstraction, le poids et la force des ides paraissent, par un singulier paradoxe, encore insuffisamment reconnus Jean-Michel Charpin, Avant-propos au Rapport Lanxade, Organiser la Politique europenne et internationale de la France. Rapport du groupe prsid par lamiral Jacques Lanxade, Paris, Documentation franaise, dcembre2002, p.3, soulign par nous..Les manuels prsentent la diplomatie comme un des moyens des relations internationales Edmond Jouve, Relations internationales, Paris, PUF, coll. Premier Cycle, 1992, p.245-253., travers des typologies de ngociation, des processus bi- et multilatraux, parlementaires, ou encore des pratiques prventives onusiennes confrontes celle des appareils diplomatiques internationaux ou nationaux Serge Sur, Relations internationales, Paris, Domat Montchrtien, 2000, p.268-269, 405, 442-443.. Lobjet diplomatique est alors dcompos concrtement et dcrit partir de certaines manifestations dune action multiforme, commerciale, informelle, secrte, transnationale, triangulaire ou verte Josepha Laroche, Politique internationale, Paris, LGDJ, 1998.. Notons au passage que des articles monographiques intgrent souvent le mot, sinon le concept, et apprhendent la diplomatie au niveau gographique ou catgoriel, en utilisant en fait le terme au sens large de politique trangre globale ou sectorielle dun pays Hirotaka Watanabe, La diplomatie japonaise aprs la deuxime guerre mondiale, p.62-77 et Daniel Colard, La diplomatie franaise du dsarmement sous la veRpublique: 1958-2000, p.411-425, dans Annuaire franais des Relations internationales, Bruxelles, Bruylant, 2001.. Il en est de mme dune autre contribution (davant le 11septembre 2001), qui porte sur la symbiose, dans le cas de la France, entre diplomatie et dfense autour de la notion de prvention des risques et daction diplomatico-militaire en temps de paix Henry Zipper de Fabiani, Diplomatie de dfense et diplomatie prventive. Vers une nouvelle symbiose entre diplomatie et dfense, Annuaire franais des Relations internationales, Bruxelles, Bruylant, 2002, p.615-629..Les crits qui distinguent politique trangre et diplomatie, placent cette dernire parmi les instruments de la politique internationale ou parmi les instruments intertatiques Frank R.Pfetsch, La Politique internationale, Bruxelles, Bruylant, 2000, p.217; Jean-Jacques Roche, Relations internationales, Paris, Montchrestien, 1999, p.11; J.-J.Roche, Relations internationales, Paris, Montchrestien, 1999, p.11.. Ils la dfinissent par extension en dcrivant, de faon classique, [p.26] dune part, la diplomatie bilatrale avec ses modalits de fonctionnement positives (ouverture de relations, dlgation de conseillers spciaux, visite de chef dtat, ngociation, intervention de mdiateurs, canal des diplomates officiels) ou ngatives (rappel dambassadeur, suspension de relations, rupture des relations, protestation, rupture de ngociation, ralisation daccords, expulsion de citoyens trangers), dautre part, la diplomatie multilatrale dans ses dimensions constructives (organisation de confrences, mdiation ou arbitrage par une organisation internationale, rsolution en faveur dun tat, mdiation, enqute par un tiers, rencontres au sommet, confrences internationales) ou en situation de crise (boycottage de confrences, rsolution contre un tat, soutien des opposants exils) Frank R.Pfetsch, op. cit., p.219 et suiv.. La dimension pragmatique domine de mme un concept comme celui de loyaut dans les relations internationales, valoris par un groupe de chercheurs autour de Josepha Laroche. La nature et le rle des appareils diplomatiques ne sont pas abords de faon systmatique. Lanalyse sattache des cas particuliers ou priodiss dalliances guerrires, militaires et commerciales Josepha Laroche (dir.), La Loyaut dans les relations internationales, Paris, LHarmattan, 2001..Reconnaissons cependant que depuis peu, lintrt pour la diplomatie sest accru. En tmoigne un ouvrage dirig par Samy Cohen qui une fois nest pas coutume donne la parole des diplomates Samy Cohen (dir.), Les Diplomates. Ngocier dans un monde chaotique, Paris, ditions Autrement (coll. Mutations, n213), 2002.. Ceux-ci rflchissent sur les nouvelles faons de ngocier dans un monde chaotique confront au terrorisme mondialis qui a entran, contrairement ce que pensaient certains thoriciens transnationalistes, non un affaiblissement, mais un renforcement des tats, notamment des grandes puissances, ainsi quun fonctionnement en rseau de ceux-ci. Est prsente de faon raliste et pragmatique la modernisation de la diplomatie. loppos de la conception de Franois Heisbourg, cette confrontation indite avec les hommes du mtier montre que face aux ong et la prolifration dacteurs non tatiques, face aux mdias, les diplomates voient leur rle et leurs fonctions renforces, modernises et complexifies lorsquils se trouvent en situation de ngociation multilatrale permanente. La diplomatie, confronte aux progrs de la communication en temps rel, doit, par ses outils danalyse, clairer un monde apparemment transparent et pourtant opaque. De plus, elle doit aussi rpondre rapide-[p. 27] ment aux besoins pressants en informations de terrain pour des situations durgence. Dans un entretien de Samy Cohen avec Hubert Vdrine, alors ministre des Affaires trangres, on peroit les nouvelles exigences dune diplomatie moderne qui reste toutefois fortement dpendante, dans sa structure et surtout dans son fonctionnement concret, des orientations mmes de la politique trangre du pays quelle sert.Le manuel de relations internationales de Jean-Jacques Roche rserve premire vue le mme traitement la diplomatie que de nombreux autres ouvrages: description des mthodes diplomatiques voluant travers le temps, approche pragmatique et dfinition instrumentale. Certains dveloppements quil propose permettent cependant dapprofondir lanalyse politologique de lobjet. Dabord, lentre du mot, lindex analytique indique vingt et une rfrences la concernant, dont deux dveloppements (la conduite diplomatico-stratgique Jean-Jacques Roche, Relations internationales, Paris, Montchrestien, 1999, p.115-124. et la diplomatie verte Ibid., p.270-274.). Lauteur prsente ensuite la diplomatie comme un instrument de rgulation Ibid., p.11. au service de lintrt national Ibid., p.115., dont il modre le caractre rationnel en rappelant les recherches sur lanalyse dcisionnelle qui montrent les pres marchandages entre diffrentes administrations Ibid., p.108.. Jean-Jacques Roche souligne dautres aspects importants. Rsumant les tapes historiques de la diplomatie, il analyse lmergence de ses pratiques modernes et dgage cinq changements principaux au XXe sicle: les dveloppements de la diplomatie parlementaire, avec lmergence de lopinion publique et des ong, ceux de la diplomatie directe entre chefs dtats, conscutive aux progrs des moyens de transport et de communication, ceux de la diplomatie technique avec la cration de multiples organisations internationales fonctionnelles, ceux de la diplomatie conomique au moins quivalente sa dimension politique et, enfin, ceux dune diplomatie non officielle porte par de nouveaux acteurs (par exemple les anciens prsidents amricains) Ibid., p.116-117.. Enfin, Jean-Jacques Roche attire plusieurs reprises lattention sur la dimension discursive de la diplomatie en voquant par exemple la construction du discours dominant en matire de relations internationales Ibid., p.249., ou la diplomatie publique, qui attache plus dimportance au discours quaux faits Ibid., p.259..[p. 28] lexception de cet apport, la lecture des travaux consacrs la diplomatie montre un excs dempirisme et labsence de rflexion thorique. Cela est particulirement le fait dun courant dominant dans la thorie des relations internationales en France, emport par une idologie antitatique manifeste, qui en vient dlgitimer lobjet diplomatique au profit de la diversification de la scne internationale, de la fin de la souverainet des tats et de la survalorisation des flux transnationaux.

Les prjugs du paradigme transnationaliste

HYPERLINK \l "_Sommaire" Retour au sommaireLes auteurs transnationalistes entendent dissiper le cloisonnement sparant linterne de linternational Guy Hermet et al., Dictionnaire, op. cit., p.134.. Selon eux, ltat est concurrenc et contourn. Par consquent, la diplomatie comme objet de recherche ne revt aucune pertinence.Fait symptomatique: un ouvrage consacr aux nouvelles relations internationales et qui rassemble les recherches du Ceri Marie-Claude Smouts (dir.), Les Nouvelles Relations internationales. Pratiques et thories, Paris, Presses de Science Po, 1998. inspires par une conception transnationaliste homogne ouverte aux apports de la science politique anglo-saxonne, ne consacre aucune tude spcifique la diplomatie, manation de ltat. Aprs une prsentation claire des mutations de la discipline relations internationales, est simplement mentionne (contre les postulats ralistes) lexistence dune cole anglaise (les travaux dHedley Bull) selon laquelle lactivit diplomatique constitue une des cinq institutions de lordre international avec lquilibre de la puissance, le droit international, la guerre et le club des grandes puissances Ibid., p.18; on peut penser quil sagit dune rfrence Hedley Bull, The Anarchical Society, Londres, Macmillan, 1977.. Marie-Claude Smouts suggre simplement que la diplomatie a retenu lattention du paradigme pluraliste, qui, prcise-t-elle, sintresse la coopration et aux interactions entre acteurs publics et privs de la socit mondiale Marie-Claude Smouts (dir.), Les Nouvelles Relations internationales, op. cit., p.20.. linverse, la diplomatie, en tant quobjet dobservation et de recherche, napparatrait gure lgitime pour le paradigme raliste ou pour le paradigme behavioriste, mme si ce dernier a permis de faire entrer les acquis dautres disciplines dans lanalyse des relations internationales Ibid., p.17, avec notamment une rfrence Robert Jervis concernant son approche psychosociologique que nous abordons infra: Le discours dinfluence: la stratgie par limage..Louvrage, qui dfend une thorie de la fin de la souverainet de ltat, rejette par dfinition le paradigme stato-centr. Lappareil diplomatique lui apparat dautant moins pertinent [p. 29] tudier quil incarne une bureaucratie dtat assez troite et traditionnelle qui ngligerait la ralit des forces transnationalistes. Cet argument est alors avanc, malgr la dimension heuristique de certaines contributions:La puissance classique, territoriale et politico-militaire, se voit concurrence par des jeux informels anims par des rseaux avec lesquels ltat doit composer Marie-Claude Smouts (dir.), Les Nouvelles Relations internationales, op. cit., p.24..On trouve encore cette formule sous la plume dun des coauteurs les plus reprsentatifs de cette approche:Face au monde des tats qui demeure, avec ses principes traditionnels et les pratiques qui lui sont propres, se constitue un autre monde comptant une infinit dacteurs cherchant dabord protger et promouvoir leur autonomie, jouant davantage de la coopration (ou du refus de coopration) que de la force, et chappant aux normes traditionnelles de la diplomatie Ibid., p.50..Dans le mme ouvrage collectif, Samy Cohen dcortique cependant de faon plus nuance les nouvelles modalits des processus de rationalit et de dcision en sefforant surtout de montrer que face la mondialisation, les tats sont mal prpars pour laborer une politique trangre adquate Samy Cohen, Dcision, pouvoir et rationalit dans lanalyse de la politique trangre, dans M-C. Smouts, Les Nouvelles Relations, op. cit., p.75-101; rappelons par ailleurs que cet auteur a rcemment runi des contributions prsentes par des praticiens, cf. Samy Cohen (dir.), Les Diplomates, op. cit.. La perte de pertinence des frontires, des territoires, de la souverainet, lintervention dacteurs transnationaux humanitaires et cologistes, mais aussi la concurrence entre les administrations au sein des instances tatiques, altrent lefficacit tatique. Pour le paradigme de lanalyse dcisionnelle lintentionnalit obit, selon Samy Cohen, plus la satisfaction qu une optimisation, les actions manquant de cohrence et de vision stratgique. Pour tenter de comprendre une diplomatie, il ne suffit pas danalyser simplement la structure et le fonctionnement dun appareil isol ou de ses agents sur le terrain. Llargissement territorial et temporel des espaces de rfrence, lapparition de fonctions para-diplomatiques indites ou de nouvelles diplomaties conomiques Ariel Colonomos, Lacteur en rseau lpreuve de linternational, dans M-C. Smouts, Les Nouvelles Relations, op. cit., p.203-226., la multiplication des acteurs, des flux, des interactions, rendraient peu crdible toute analyse stato-centre. Derrire les prsupposs de cette approche dominante sociologique (la thorie des mobilisations et la prdominance des petits groupes), voire anthropologique, surgit un certain refus thorique de ltat mme si cependant Marie-Claude Smouts le reconnat elle-mme on manque encore de solides tudes de [p. 30] cas Marie-Claude Smouts, La mutation dune discipline, dans Les Nouvelles Relations internationales, op. cit., p.29.! Exit ainsi, une fois de plus, toute tude de la diplomatie comme objet pertinent de comprhension des relations internationales.Le mme vitement traverse un article dinspiration thorique diffrente sur le constructivisme en relations internationales. Audie Klotz et Ccilia Lynch Audie Klotz, Cecilia Lynch, Le constructivisme dans la thorie des relations internationales (trad. par Marie-Claude Smouts et al.) dans Critique Internationale, n2-1999 (hiver), Paris, Presse de Science Po. y dfendent lide selon laquelle ce sont les acteurs, par leurs pratiques, qui changent les rgles et les enjeux des interactions internationales. Les auteurs ne spcifient cependant pas le rle de la diplomatie, des diplomates et du langage, objet qui reste pourtant compatible avec une problmatique constructivistePlus nuancs sont les nouveaux regards ports par Frdric Charillon et divers auteurs franais sur la politique trangre, objet plus restreint que les relations internationales. Fait significatif cependant, dans cet ouvrage didactique, domin lui aussi par les prsupposs transnationalistes, la diplomatie, absente des exemples donns lindex, est annonce au sommaire dans le second dveloppement, intitul symptomatiquement les pratiques Frdric Charillon (sous la dir. de), Politique trangre. Nouveaux regards, Paris, Presses de Science Po, 2002. Y figure notamment ltude de Guillaume Devin, prcite pour son constat de manque de travaux sur la diplomatie.. La premire partie de la dmonstration, consacre lexamen des approches thoriques, rvle un flou habituel dans les ouvrages de relations internationales quant la classification des paradigmes concerns. La diplomatie napparat pas digne dtre thorise en tant que telle. Seule Marie-Christine Kessler la situe en quelques lignes dans ce quelle dnomme le paradigme de la politique publique. Avec cette expression, elle sous-entend quun paradigme peut se rsumer un objet concret Marie-Christine Kessler, La politique trangre comme politique publique, dans Frdric Charillon (sous la dir. de), Politique trangre. Nouveaux regards, op. cit., p.167-192.. La diplomatie fait bien partie du noyau dcisionnel politique et administratif, si important pour comprendre les faons dlaborer des dcisions de politique trangre. Elle constitue un des moyens de la politique rgalienne de ltat, mme si elle se ralise de faon intertatique travers des sommets et des confrences internationales. Elle revt une dimension symbolique significative qui sert de rfrentiel en fixant valeurs et principes gnraux pour laction politique comme pour le fonctionnement de linstitution Les tats ont gnralement un programme daction diplomatique, exprim dans les dclarations des autorits officielles avant et aprs les confrences internationales, dans les discours et interventions devant les parlements, lors des visites ltranger ou lors de la rception des chefs dtats trangers, des communiqus de presse manant des porte-parole des gouvernements. Il ne faut pas se cacher le ct formel et solennel de ces exercices qui, nanmoins, existent, ne sont pas sans signification officielle et ont un sens diplomatique. Ces textes et crits sont soutenus par un ensemble de principes et de valeurs qui sont la charpente stratgique et idologique cense soutenir laction et les relations diplomatiques du pays, cest--dire les choix qui seront adopts par les grands problmes politiques et techniques internationaux comme dans les objectifs dvelopper, Marie-Christine Kessler, La politique trangre comme, art. cit, p.169-170; soulign par nous.. Le qualificatif diplomatique est alors employ dans des acceptions diffrentes, signifiant tantt la mise en uvre par lappareil administratif, tantt une manire de comportement ou la rvlation dun contenu (un sens diplomatique), tantt, de nouveau, la politique trangre globale dun pays.[p. 31]Face une telle gnralisation, cette synthse, qui ne diffrencie pas lorganisation et le fonctionnement complexe, interne et externe de linstitution, a le mrite de tenir compte du discours diplomatique cest un fait assez rare pour tre soulign. Celui-ci est considr comme porteur de sens, mais il est jug formel et solennel, sans plus de prcision. Lapproche mise en valeur avec la bote outil des politiques publiques ouvre des perspectives positives qui restent videmment, l encore, traduire en tudes de cas, notamment au niveau des rseaux daction publique, des interactions entre niveaux interne et externe, des interdpendances institutionnelles, des styles daction Marie-Christine Kessler reconnat que des manuels de politique trangre anglo-sa