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ÉCOLE DU LOUVRE PIERRETTE BESSE Le développement durable dans la production des expositions temporaires Les moyens mis en œuvre par la Bibliothèque Nationale de France et les institutions muséales Mémoire de stage (2 ère année de 2 ème cycle) Présenté sous la direction de M me Hélène Vassal, M me Isabelle Loutrel et Anne-Hélène Rigogne mai 2012

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ÉCOLE DU LOUVRE

PIERRETTE BESSE

Le développement durable dans

la production des expositions

temporaires

Les moyens mis en œuvre par la Bibliothèque Nationale

de France et les institutions muséales

Mémoire de stage

(2ère année de 2ème cycle)

Présenté sous la direction

de Mme Hélène Vassal, Mme Isabelle Loutrel

et Anne-Hélène Rigogne

mai 2012

2

Remerciements

L’occasion m’est ici donnée de remercier Hélène Vassal et Isabelle Loutrel pour leurs

enseignements tout au long de l’année, ainsi que, Ariane James-Sarazin pour m’avoir

donné la possibilité d’accomplir mon stage de fin d’études dans le service des expositions

de la Bibliothèque Nationale de France. J’adresse aussi toute ma gratitude à Anne-Hélène

Rigogne qui m’a guidée dans mes recherches et fourni les éléments dont je pouvais avoir

besoin.

Je remercie bien évidemment l’ensemble des musées pour les réponses qu’ils ont

apportées à mon questionnaire : la Maison Rouge-Fondation Antoine de Galbert, le Musée

de Grenoble, le Musée Calvet d’Avignon, le Palais des Beaux-Arts de Lille et le Musée

des Beaux-Arts de Tours. Merci aussi à l’ensemble du service des expositions de la BnF

pour l’accueil que j’ai reçu, et, à toutes les personnes qui ont eu la gentillesse de répondre

à mes questions : Serge Derouault, Eric Vannereau, Eric Rousseau, Olivier Paitreault,

Christine Julien, Sébastien Meindre, Stéphanie Ensuque, Stéphane Duchesne, Gérard

Bailly, Hélène Lecarpentier, Frank Lamy, Pierre Chotard, Guillaume Rovet, Isabelle

Varloteaux et Zajia Aouimer. Parmi eux se trouve également Vincent Desjardins grâce à

qui j’ai pu acquérir de nouvelles connaissances en régie des œuvres pendant ces trois mois

de stage.

Enfin, je formule des remerciements particuliers à Anne-Sophie Lazou pour tout ce

qu’elle m’a appris professionnellement et humainement, ainsi qu’à Elisabeth Lourme et

Paul Roth pour leur soutien quotidien lors de l’heure Sodexo.

3

Avant-propos

Le choix d’un sujet se rapportant au développement durable participait de l’idée de

s’inscrire dans l’actualité du monde muséal où l’on cherche de plus en plus à acquérir des

méthodes économiques en même temps qu’écologiques. Le développement durable

appliqué à la production des expositions temporaires permettait de rejoindre la

Bibliothèque Nationale de France sur un sujet qui lui tenait à cœur. L’institution d’accueil

du stage constitua la trame centrale de ce mémoire autour de laquelle sont venus s’ajouter

les exemples d’autres musées.

Ce rapport de stage avait pour objectif à la fois de réaliser un travail d’enquête auprès

des institutions pour établir un état des lieux des initiatives prises en termes de

développement durable, et, de communiquer sur ces démarches entreprises dans le monde

des musées. La construction d’un questionnaire à envoyer aux institutions et les entretiens

effectués auprès des divers protagonistes de la production d’une exposition temporaire

furent des outils indispensables pour mener à bien ce travail. Le but étant aussi de partager

ces informations et de faire en sorte que les uns s’inspirent des autres, une attention toute

particulière a été portée aux annexes.

4

Sommaire

Remerciements ............................................................................................................... 2

Avant-propos .................................................................................................................. 3

Sommaire ........................................................................................................................ 4

Introduction.................................................................................................................... 5

I. Les enjeux de l’intégration d’une politique de développement durable ....... 10 A. Les contraintes liées aux démarches de développement durable : des ................

réticences compréhensibles .............................................................................. 10

1. Un surcoût ........................................................................................................ 10

2. Une préoccupation annexe ............................................................................... 12

B. Le développement durable : une antinomie avec des principes ..........................

fondamentaux ? ................................................................................................ 14

1. Développement durable et conservation préventive ........................................ 14

2. Développement durable et sécurité du public et des œuvres ........................... 16

3. Développement durable et esthétique .............................................................. 17

C. Une sensibilisation nécessaire .......................................................................... 19

1. L’importance du politique ................................................................................ 19

2. Un enjeu collectif ............................................................................................. 20

II. Le développement durable dans la production des expositions .......................

temporaires : actions menées. ........................................................................... 22 A. L’éco-conception des expositions temporaires ................................................ 23

1. Qu’est-ce que l’éco-conception ?..................................................................... 23

2. Comment favoriser l’éco-conception ? ............................................................ 27

B. Le rôle de la régie des œuvres .......................................................................... 30

1. Le transport d’œuvres d’art ............................................................................. 30

2. L’emballage et le conditionnement .................................................................. 34

C. Le démontage d’une exposition temporaire et la gestion de fin .........................

de vie des matériaux ......................................................................................... 37

1. La récupération ................................................................................................ 37

2. La valorisation des rebuts d’exposition ........................................................... 44

3. La cession solidaire .......................................................................................... 48

4. Le recyclage ..................................................................................................... 50

Conclusion .................................................................................................................... 52

Crédits photographiques ............................................................................................. 54

Bibliographie ................................................................................................................ 55

5

Introduction

Qu’est ce que le développement durable ?

Si au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, les années 1960 furent marquées par

l’optimisme de la reconstruction et l’effervescence des idées progressistes, elles furent

suivies par une série de catastrophes industrielles et écologiques qui ne laissaient pas de

doute quant à l’impact de la croissance économique et démographique sur

l’environnement. La prise de conscience de la communauté internationale face à cette

surexploitation des ressources et la mise en péril des équilibres naturels est née avec le

rapport du Club de Rome, Halte à la croissance1, publié en 1972. Mais le véritable

déclencheur d’une solidarité planétaire face aux bouleversements écologiques est sans

conteste le rapport de la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement

publié en 1987 sous le titre de Notre avenir à tous2. C’est à cette occasion que Gro Harlem

Brundtland, Présidente de la Commission et Premier Ministre de Norvège, définit le

développement durable comme étant « un développement qui répond aux besoins du

présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ».

Cette définition, aussi honorable soit-elle, recouvre un vaste programme que chaque

spécialiste s’y penchant n’a eu cesse de vouloir préciser. Le développement durable serait-

il alors « un concept fourre-tout ?»3. Parmi les multiples nuances qui peuvent être

apportées au concept, nous distinguons trois constantes : le volet environnemental, le volet

social et le volet économique. La prise en compte de ces trois aspects dans chaque

1 Jorgen Randers, Donella et Dennis Meadows, The limits to growth, 1972. Voir aussi le lien :

http://www.clubofrome.at/about/limitstogrowth.html 2 Gro Harlem Brundtland, Our common future, 1987. Voir aussi le lien : http://www.ourcommonfuture.de/en. 3 Sylvie Brunel se pose la question en introduction de son ouvrage Le développement durable, Paris, PUF, 2004, p.5.

6

entreprise humaine apporterait un équilibre viable sur le long terme. Le Ministère de

l’écologie, du développement durable, du transport et du logement est, par son titre même,

le reflet de la conciliation de ces trois piliers. Il nous indique qu’ « à long terme, il n’y

aura pas de développement possible s’il n’est pas économiquement efficace, socialement

équitable et écologiquement tolérable »4 [Fig. 1].

Fig.1. Schéma des trois piliers du développement durable.

En 1992, la France fait un premier pas en direction de l’intégration du

développement durable en tant que composante essentielle de sa politique

gouvernementale. C’est en effet à cette date que se déroule le Sommet de la Terre,

organisé par l’ONU à Rio de Janeiro, et que la France adopte, avec 172 autres chefs

d’Etat, un plan d’action pour le XXIème

siècle. Plus connu sous le nom d’Agenda 21, il se

compose d’une série de recommandations permettant de mettre en œuvre le

développement durable dans les secteurs les plus variés. Dans son article 28, il met en

avant le rôle essentiel qui revient aux collectivités territoriales d’appliquer un plan

d’action à leur échelle. Des agendas 21 locaux furent ainsi mis en place afin d’intégrer des

démarches de développement durable à chaque projet local. Aux recommandations

suivirent des engagements : en mai 2007 débute le Grenelle de l’environnement où la mise

en place de groupes de travail composés de représentants de l’Etat, des collectivités

locales, des entreprises, des syndicats et des ONG, aboutit à 268 vœux en faveur de

4Voir le site http://www.developpement-durable.gouv.fr/Definition-du-developpement,15067.html.

7

l’environnement et auprès desquels s’engagea le Président de la République. Entre 2008 et

2010, une traduction législative de ces engagements s’en suivit, notamment avec les lois

dites « Grenelle 1 » et « Grenelle 2 ». Dans cette volonté de bâtir une stratégie nationale

de développement durable, la circulaire du 3 décembre 2008 fixa les engagements de

l’Etat et imposa à chaque ministère d’établir un Plan Administration Exemplaire (PAE).

Ce dernier, visant à assurer la prise en compte des objectifs de développement durable

dans le fonctionnement quotidien de l’administration centrale, des services déconcentrés et

des établissements publics, fut lancé lors du séminaire du 16 mars 2009 à la Bibliothèque

Nationale de France. Le Musée du Louvre a suivi le mouvement en réalisant son propre

Plan Administration Exemplaire5, fixant une série d’objectifs en matière d’éco-

responsabilité. Dans le PAE du Ministère de la Culture et de la Communication, une

politique responsable des achats courants apparaît comme une priorité. De la même

manière, l’engagement des institutions dans une démarche « haute qualité

environnementale » (HQE) lors des projets de construction, de réhabilitation ou

d’aménagement est souvent placée au niveau des premières actions menées dans les

établissements publics et les musées. Si ces deux priorités s’expliquent par la quantité

importante de déchets due à des achats non responsables et la surconsommation

énergétique d’un bâtiment conçu sans attention portée à l’environnement, l’application de

démarches éco-responsables dans la production d’expositions temporaires n’en est pas

moins importante.

Problématique et méthodologie

Intégrer le « durable » dans une exposition « temporaire » peut sembler à première

vue antinomique. Pourtant, c’est à partir de cette apparente contradiction que se développe

la problématique de ce mémoire de stage. La production des expositions temporaires, dans

de nombreuses institutions muséales en général et à la Bibliothèque Nationale de France

en particulier, se fait à un rythme soutenu et dans des proportions importantes.

Parallèlement à cela, l’engouement de ces quinze dernières années pour les créations

scénographiques amène, dans la limite des contraintes budgétaires imparties, à la

construction accrue de décors. L’ensemble de ces éléments a un impact écologique

5 Cf. Annexe 21, p. 47 : Plan Administration Exemplaire du Musée du Louvre.

8

évident : les rebuts des expositions temporaires sont nombreux et de toutes sortes (métal,

carton, textile, bois, verre, plastique). Se pencher sur le développement durable dans la

production des expositions temporaires est donc désormais primordial. Répondant à une

volonté forte de s’inscrire dans l’actualité des musées, ce rapport de stage vise à

répertorier les actions menées par les institutions, à mutualiser les informations, mais aussi

et surtout à les partager et faire en sorte que les uns s’inspirent des initiatives des autres.

L’objectif est de maintenir en éveil la question du développement durable et d’amener

chacun à échanger sur le sujet.

Pour ce faire, plusieurs sources ont été utilisées et divers outils ont été mis en

place. Les documents fournis par Anne-Hélène Rigogne (conservateur en chef et

correspondant développement durable à la BnF) ont apporté énormément d’informations

et ont permis de lancer les recherches. Certains aspects ont ensuite été étudiés dans

d’autres ouvrages consultés dans les bibliothèques de l’Institut National du Patrimoine, de

l’Ecole du Louvre et du Muséum National d’Histoire Naturelle6. La toile internet fut une

autre source importante pour la progression des recherches de ce mémoire : de nombreux

sites ont permis d’approfondir le sujet. Parmi ces éléments de référence, le questionnaire

d’auto-évaluation fourni par la société ATEMIA à la BnF en 2008 et le Livret de l’Ifrée7

(Institut de formation et de recherche en éducation à l’environnement), ont servi de base

pour la construction d’un questionnaire. Permettant d’avoir un retour direct des musées sur

le sujet, cet outil composé de treize questions ouvertes8, aborde les thèmes de la

sensibilisation au développement durable, du transport, de l’éco-conditionnalité

(l’instauration du développement durable comme faisant partie des clauses d’un cahier des

charges), de l’éco-conception (l’intégration de l’environnement dès la phase de conception

des produits9), ou encore de la gestion de fin de vie des matériaux utilisés. Autour de

l’exemple central de la Bibliothèque Nationale de France, ce questionnaire a ainsi permis

d’établir un état des lieux non exhaustif des initiatives prises en termes de développement

durable dans quelques institutions muséales parisiennes et de province.

Ces sources et ces données constitueront la matière première pour analyser les

mesures prises par les musées pour l’intégration d’une politique de développement durable

6 Cf. Bibliographie p. 55. 7 Eco-conception des outils pédagogiques, Les livrets de l’Ifrée, n°1, 2010. 8 Cf. Annexe //, p. // : Questionnaire envoyé par mail aux institutions muséales. 9 Définition issue de la norme ISO 14062. Voir aussi le lien : http://ecoconception.wordpress.com/2008/01/23/la-norme-iso-14062/

9

dans la production des expositions temporaires. Les enjeux de cet engagement dans des

démarches de développement durable seront d’abord étudiés pour ensuite laisser place aux

solutions et initiatives prises par les musées. Ces dernières suivront le phasage

opérationnel de la mise en place d’une exposition, à savoir sa conception, son montage et

son démontage.

10

I. Les enjeux de l’intégration d’une

politique de développement durable

L’engagement dans des démarches de développement durable implique à la fois un

investissement humain et financier non négligeable. L’entreprise n’est pas sans risque et

semble parfois difficile à mettre en œuvre. Grâce aux divers entretiens et lectures qui ont

été réalisés au cours de ce stage, plusieurs contraintes ont pu être distinguées.

A. Les contraintes liées aux démarches de développement

durable : des réticences compréhensibles

1. Un surcoût

Bien ancrée dans la pensée commune, l’idée d’un surcoût lié à la prise en compte de

critères écologiques semble inéluctable. Elle est apparue en même temps que la norme

HQE (Haute Qualité Environnementale) des années 1990 s’appliquant au domaine de la

construction et où était alors considéré comme inévitable un surcoût incompressible de

10% à 15% dû à l’application de ces critères environnementaux. La même inquiétude se

déporte sur la conception des expositions. Il est vrai que les matériaux labellisés ou

certifiés représentent un coût supplémentaire par rapport aux matériaux issus de la filière

classique. Les procédés de fabrication écologiques sont en effet encore nouveaux et peu

diffusés. Leur coût de revient est donc tout logiquement plus élevé que les matériaux plus

classiques, produits à grande échelle. Aujourd’hui, le surcoût d’une démarche d’éco-

11

conception peut être évalué entre 5% et 10%10

et constitue de fait l’un des premiers freins

vers l’engagement dans le développement durable. Pourtant, il peut être minimisé :

« Les enjeux économiques et écologiques sont fortement imbriqués même s’il est généralement

considéré que les projets à haute qualité environnementale sont plus coûteux que les

opérations classiques. En réalité, l’engagement d’une démarche dès l’amont et

particulièrement pendant la programmation peut parfaitement contenir son impact

financier. »11

La prise en compte des critères écologiques dès le début du processus permet en effet

d’alléger ce coût supplémentaire. Envisager le développement durable dès la naissance

d’un projet permet de l’intégrer dans l’enveloppe budgétaire et de ne plus en faire une

option à part. Nous pouvons prendre l’exemple de la Bibliothèque Nationale de France.

Suite à l’étude d’audit et de recherche menée en 2008 par ATEMIA12

, la BnF a interrogé

toutes ses actions ayant un impact environnemental et a choisi de s’engager dans une

politique de développement durable. De fait, depuis 2011, 1% du budget global est mis en

réserve pour prendre en charge ce surcoût supposé des alternatives écologiques. Ces

dernières ont été ici prises en compte dans l’activité générale de l’institution mais elles

peuvent l’être aussi à plus petite échelle, pour chaque projet d’exposition temporaire.

Ainsi, au lieu de penser une exposition sur 20 panneaux classiques, par exemple, il

faudrait la penser dès le début sur 15 panneaux éco-conçus. Lorsque le surcoût est mesuré

et la contrainte intégrée dès le début, ils s’effacent et stimulent la réflexion vers d’autres

solutions. De plus, il ne faut pas négliger le terme « durable » accolé à celui de

« développement ». Parfois, un achat doit être pensé comme un coût différé plutôt qu’un

coût immédiat. Pour l’éclairage des salles d’exposition, par exemple, l’acquisition de Led

représente, certes, un investissement financier conséquent mais correspond à un achat

durable. Avec une consommation énergétique réduite de sept fois, une durée de vie de

5000 heures, un rendu esthétique satisfaisant et une maintenance facilitée, la Led permet

de conserver le confort lumineux souhaité tout en réalisant des économies d’énergie et

d’argent sur le long terme. Bien que le prix d’achat soit onéreux, il faut le considérer

10 Marie Clerc, Jérôme Caviglia, Raphaël Bouju, « L’éco-conception des expositions : un enjeu majeur pour les

structures muséales et les centres d’exposition » in Musées et développement durable, Paris, La documentation française, 2011, p. 104. 11 Virginio Gaudenzi et Caroline Roelens-Duchamp, « La qualité environnementale dans la production d’expositions » in

La lettre de l’Ocim, mai-juin 2005, n°99, p. 15. 12 ATEMIA est un bureau d’étude, de conseils et de formation dédié au développement durable des secteurs loisirs, culture, tourisme et évènements. Cf. Annexe 26, p. 127 : Publicité de la société ATEMIA.

12

comme un coût différé. En 2009, la BnF a ainsi pris le parti d’éclairer les Globes de

Coronelli avec des Led (BnF site F. Mitterand) [Fig.2], et, en 2010, d’en équiper la

Galerie des Donateurs (BnF site F. Mitterand) ainsi que la Galerie Mansart (BnF site

Richelieu). La Maison Rouge, quant à elle, en dote petit à petit son espace d’exposition et

ses bureaux13

.

Fig. 2. Les Globes de Coronelli, BnF

Vécu comme une des premières contraintes pour l’engagement dans le développement

durable, le surcoût des alternatives écologiques peut pourtant être minimisé. Nous verrons

qu’il peut même être réduit à néant si l’on s’implique dans un processus de récupération

des matériaux.

2. Une préoccupation annexe

Les premières initiatives des musées vers l’éco-conception sont très souvent liées au

thème abordé dans l’exposition. C’est avant tout par un souci logique d’accord entre le

propos et la réalisation de l’exposition que certaines institutions ont entrepris des actions

sur la problématique du développement durable. A la Cité des Sciences, par exemple, c’est

13 Cf. Annexe 4, p. 10 : Réponse de la Maison Rouge.

13

à l’occasion de l’exposition “Changer d’Ere”14

, qui eut lieu en 2006, que l’institution

entama une réflexion sur le sujet :

« L’exposition traitait des moyens de réduire son empreinte écologique au quotidien. Pour la

crédibilité du propos, nous nous devions de construire une exposition en accord avec le

message délivré. »15

Au Museo Nacional de Artes Decorativas de Madrid, c’est avec l’exposition “Diseño

contra la pobreza”16

(Design contre la pauvreté) ou encore “Reciclaje, la vieja historia de

una palabra joven”17

(Recyclage, la vieille histoire d’un mot jeune) qu’ont débuté les

initiatives d’éco-conception : les bornes d’information, par exemple, étaient réalisées en

carton. Le thème de l’exposition semble donc être le moteur vers la prise en compte des

critères écologiques dans la conception des expositions temporaires. L’itinérance peut

aussi en être la cause. Pour l’exposition “Volcans et séismes”18

au Palais de la Découverte

en 2006 (puis en voyage en France et à l’étranger pendant 5 ans), des « paravents »

constitués de panneaux en carton alvéolaire recyclé et recyclable ont été conçus, non

seulement par souci écologique, mais aussi pour des questions pratiques : leur légèreté, la

facilité de leur montage et de leur remplacement en cas de dommages permettaient une

itinérance optimale.

Nous ne pouvons que nous féliciter de ces initiatives. Toutefois, elles révèlent aussi

autre chose : dès lors que l’exposition ne traite plus d’écologie, les agents se sentent moins

concernés. S’impliquer dans des démarches de développement durable semble aujourd’hui

tout à fait logique pour les musées de sciences naturelles ou pour les expositions

temporaires dédiée à ce sujet, mais, reste encore loin des préoccupations des autres

institutions. Le sentiment de ne pas être concerné directement par la question est latent.

C’est d’ailleurs, peut-être, l’analyse que nous pouvons faire du peu de réponses reçues à

notre questionnaire. Sur la quinzaine d’institutions muséales de Paris et de province

sollicitées, seulement cinq ont répondu. Si l’emploi du temps chargé des personnes

contactées explique certainement en grande partie cette absence de réponse, nous pouvons

14 Changer d’Ere, 17 octobre 2006 – 12 août 2007, Cité des Sciences et de l’Industrie. 15 Agathe Pellas et Marie-Christine Hergault, « De la diffusion des sciences à l’Agenda 21 » in La Lettre de l’Ocim,

mars-avril 2012, n° 140, p. 5. 16 Diseño contre la pobreza, 17 décembre 2010 – 13 avril 2011, Museo Nacional de Artes Decorativas, Madrid. 17 Reciclaje, la vieja historia de una palabra joven, 17 décembre - 17 mars 2011, Museo Nacional de Artes Decorativas,

Madrid. 18 Volcans et séismes, octobre 2007 – mai 2008, Palais de la Découverte. Sur l’éco-conception de cette exposition, voir Eco-conception des outils pédagogiques, Les Livrets de l’Ifrée, n° 1, 2010, p. 11.

14

y voir aussi un manque d’intérêt pour le sujet, ou du moins, le signe d’une sensibilisation

au développement durable encore trop faible. Les préoccupations écologiques ne sont pas

considérées comme prioritaires et passent encore, parfois, pour une entrave à l’activité

régulière du musée.

Au-delà de ces réticences liées davantage à l’intérêt porté sur le sujet ou à des aspects

financiers, l’envie de s’engager dans le développement durable peut être freiné par la

crainte de mettre en péril des principes fondamentaux accompagnant la production d’une

exposition à savoir la conservation des œuvres, la sécurité du public ou encore l’aspect

esthétique de la scénographie.

B. Le développement durable : une antinomie avec des

principes fondamentaux ?

1. Développement durable et conservation préventive

D’après la définition du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France

(C2RMF), la conservation préventive « intervient sur l’ensemble des domaines qui

peuvent avoir des incidences et des effets sur l’intégrité d’une collection, d’un objet ou

d’une œuvre d’art, et menacer à terme son existence »19

. Parmi ces domaines se trouvent

le contrôle du climat et de la lumière. Or, pour chacun de ces deux points, nous pourrions

y voir une antithèse entre écologie et conservation préventive. Le contrôle des conditions

climatiques, essentiel à la bonne conservation des œuvres, nécessite souvent des

équipements de climatisation coûteux et énergivores. Leur entretien est généralement

complexe et difficile à mettre en œuvre. Maintenir une température et un taux d’humidité

relative corrects pour la conservation des collections semble donc se faire au détriment de

l’aspect environnemental. De la même manière, dans le cadre d’un engagement dans le

développement durable, l’utilisation de la lumière naturelle pour l’éclairage des salles

d’exposition semblerait tout à fait logique, en particulier dans les pays disposant de faibles

19 Vademecum de la conservation préventive, C2RMF(http://www.c2rmf.fr/documents/Vade_Mecum_ConservPrev.pdf). Voir aussi la définition donnée par l’ICOM sur le site : http://www.icom-cc.org/36/Preventive%20Conservation.

15

ressources. Ouvrir des pans de murs sur l’extérieur permettrait de faire entrer dans les

salles cette source naturelle de luminosité. Or, la lumière du soleil est particulièrement

nocive pour les œuvres, notamment en papier et en textile. Elle entraîne une décoloration

importante de la surface et une dégradation physique du matériau pouvant aller jusqu’à la

déchirure. Il est donc impensable de placer des œuvres dans un tel environnement. Le

recours à l’électricité s’avère alors indispensable. Encore une fois, les deux sphères de la

conservation préventive et de l’écologie s’affrontent. Comme nous l’indique Virginio

Gaudenzi et Caroline Roelens-Duchamp20

:

« La recherche du moindre coût énergétique oblige d’emblée à s’interroger sur la faisabilité et

la compatibilité entre, d’une part, les exigences fortes de la conservation des collections et,

d’autre part, les contraintes d’un lieu qui ne le permet qu’à renfort de moyens excessifs. » 21

Il faut donc arbitrer entre ces objectifs paraissant contradictoires.

Pourtant, des solutions peuvent être trouvées. Il est, par exemple, de plus en plus acquis

par les professionnels de musées que les normes qui avaient été établies jusqu’à présent

sur les conditions climatiques, à savoir l’exigence d’un taux de 50 % d’humidité relative et

d’une température de 18°C quels que soient le lieu et la saison, sont désormais à revoir. Si

ces chiffres restent une référence, ils sont aujourd’hui assouplis et surtout déterminés selon

l’environnement climatique du site. Grâce aux études de l’Institut Canadien de

Conservation (ICC) et du Centre de Recherches sur la Conservation des Collections

(CRCC-CNRS) de Paris, la réflexion a évolué vers un assouplissement de ces normes tout

en gardant l’objectif premier de la bonne conservation des œuvres. Ainsi, nous savons

aujourd’hui qu’il n’est pas utile de conserver des pièces archéologiques lapidaires et

céramiques dans une salle climatisée lorsqu’il s’agit d’un pays à climat tempéré.

L’environnement du site permet déjà le maintien des collections. D’autre part, les

recherches menées par le Getty Conservation Institute (GCI) de Los Angeles ont permis

de favoriser une gestion « mécanique » du climat en utilisant des ventilateurs et des

déshumidificateurs plutôt que des installations climatiques coûteuses et consommatrices

d’énergie. Un système de contrôle du climat a été mis en place dans certaines institutions

de pays à climat tropical chaud et humide (tel qu’au musée Goeldi au Brésil) et le choix

20 Virginio Gaudenzi est directeur du projet jardin des Sciences à l’Université Louis Pasteur de Strasbourg. Caroline

Roelens-Duchamp est attachée de conservation du Patrimoine au parc naturel régional des Vosges du Nord. 21 Virginio Gaudenzi et Caroline Roelens-Duchamp, « La qualité environnementale dans la production d’expositions » in La lettre de l’Ocim, mai-juin 2005, n°99, p. 14.

16

d’un traitement de l’air plus simple par le biais de ces équipements « portables » a donc pu

ensuite être appliqué22

. Si l’engagement dans des pratiques attentives à l’impact

environnemental peut sembler à première vue se placer en opposition à la bonne

conservation des œuvres, nous remarquons que des institutions spécialisées mènent de

nombreuses recherches sur le sujet et parviennent à faire éclore des solutions où écologie

et conservation s’harmonisent.

2. Développement durable et sécurité du public et des œuvres

De la bonne conservation des œuvres à leur sécurité il n’y a qu’un pas. La mise en

parallèle du développement durable et de la sécurité du public et des œuvres semble

révéler là aussi une contradiction. Un entretien avec Hélène Lecarpentier23

, scénographe

de l’Agence NC, a permis de mettre en lumière certaines réalités. Les scénographes sont

aujourd’hui soumis à de nombreuses règles, dont celle de concevoir et d’utiliser des

papiers ou des bois ignifugés dits « M1 », soit « non inflammables »24

. Ces matériaux

répondent à la norme NF P. 92.507 « portant classification des matériaux de construction

et d’aménagement selon leur réaction au feu »25

. C’est le cas par exemple du « drop

paper », classé « M1 » et régulièrement utilisé par H.Lecarpentier dans les scénographies

qu’elle conçoit. Or, les multiples aditifs permettant la résistance de ce papier au feu

compliquent de façon évidente son recyclage. Puisque garantir la non-inflammabilité des

matériaux est fondamental dans la conception des expositions, l’application de cette

norme ne peut être exclue. De fait, l’association du développement durable et de la

sécurité des biens et des hommes semble impossible.

Néanmoins, le problème peut être abordé sous un autre angle. Si le recyclage de ces

matériaux ne peut se faire, nous pouvons trouver le moyen de les revaloriser ou de les

récupérer. Ces possibilités existent et doivent être favorisées. Les théâtres, par exemple,

22 Pour l’ensemble de ces informations, voir l’article de Frédérique Vincent, consultante en conservation préventive et

restauratrice d’objets ethnographiques, « La conservation préventive et développement durable » in La Lettre de l’Ocim, mars-avril 2012, n°140, p. 29-30. Voir aussi le lien

http://www.getty.edu/conservation/our_projects/science/environmental/index.html. 23 Cf. Annexe 10, p. 23 : Entretien avec l’Agence de scénographie Nathalie Crinière. 24 Le Palais des Beaux-arts de Lille indique aussi cette exigence dans sa réponse à la question 11. Cf. Annexe 6, p. 14. 25 Voir le site de la législation non-feu avec le lien http://www.agent-textile.com/r16/home.nsf/pages/legislation.

17

sont eux aussi soumis à la norme exigeant l’utilisation de matériaux M1. Certains d’entre

eux pourraient donc être intéressés de récupérer ces papiers et bois ignifugés. Cette

récupération représenterait un gain économique tout en respectant les normes de sécurité

auxquelles le bâtiment est soumis.

3. Développement durable et esthétique

Que l’institution muséale fasse appel ou non à un scénographe pour la conception d’une

exposition, la part accordée à l’aspect esthétique est souvent très importante. Au-delà de

considérations purement décoratives où primerait le plaisir des yeux, une scénographie

esthétique permet de mettre en valeur les objets, de guider le visiteur à travers le parcours

muséographique, de donner du sens à l’enchaînement des sections et ainsi de souligner le

propos de l’exposition. L’aspect esthétique a donc pleinement son rôle à jouer dans la

médiation de l’exposition. Lorsqu’à cela doit venir se greffer l’aspect écologique,

l’esthétique et le développement durable semblent alors antinomiques. En effet,

l’introduction de notions de développement durable impliquent notamment la réduction de

la consommation énergétique. Pour ce faire, il est préférable que les musées se dotent d’un

éclairage constitué de lampes fluorescentes. Considérées comme des lampes « à basse

énergie », elles consomment beaucoup moins d’électricité que les lampes à incandescence

ou les halogènes. Les lampes fluorescentes dégageant peu de chaleur, leur emploi

permettrait aussi d’avoir une installation de climatisation plus petite. Or, si ces lampes

représentent une économie d’énergie non négligeable, il n’en reste pas moins que,

« comme l’attestera n’importe quel concepteur d’exposition, il n’est pas facile d’obtenir

un éclairage agréable avec les lampes fluorescentes »26

. D’autre part, les scénographes

tendent à penser que la réutilisation du mobilier permanent (tel que c’est le cas à la

Bibliothèque Nationale de France avec son parc de vitrines) ou que l’emploi de matériaux

considérés comme peu nobles (tel que le carton), contraignent leur créativité et la beauté

de leurs réalisations. Cette inquiétude compréhensible peut toutefois être pensée

différemment.

26 Stefan Michalski, « Trouver des mesures de préservation durable » in Comment gérer un musée : manuel pratique, Paris, Unesco, 2006, p.69. Voir aussi le lien http://unesdoc.unesco.org/images/0014/001478/147854f.pdf.

18

Les contraintes liées au mode d’éclairage, par exemple, peuvent être résolues par

l’emploi de Led. Comme nous avons déjà pu le voir auparavant, l’achat de Led, même s’il

représente un investissement conséquent, est un achat durable, pour un produit offrant le

confort lumineux requis. Quant à la qualité esthétique d’une scénographie utilisant des

matériaux recyclés ou recyclables, nous savons qu’elle reste intacte. L’exposition qui a eu

lieu récemment à la Bibliothèque Nationale de France sur Boris Vian27

, par exemple,

disposait de cloisonnements en carton alvéolaire. Or, ces derniers n’ont en aucun cas

empêché l’appréciation esthétique de la scénographie et de l’exposition par les visiteurs et

les professionnels [Fig. 3].

Fig. 3. Les cloisonnements en carton alvéolaires dans l’exposition Boris Vian, BnF

L’engagement dans une politique de développement durable peut sembler contraignant

et fastidieux. Il est certain que l’entreprise n’est pas aisée. Toutefois, des solutions peuvent

être apportées. Pour ce faire, il est primordial de fédérer le personnel des musées autour de

cette problématique et de faire du développement durable un enjeu commun.

27 Boris Vian, 11 octobre 2011 - 15 janvier 2012, Bibliothèque Nationale de France site F. Mitterrand, scénographie Je formule.

19

C. Une sensibilisation nécessaire

1. L’importance du politique

En termes de développement durable, la plupart des actions menées se réalisent parce

qu’elles sont portées par la hiérarchie de l’institution ou des volontés individuelles fortes.

A la Bibliothèque Nationale de France, c’est l’impulsion donnée par le président Bruno

Racine à son arrivée en 2007 et le volontarisme de la directrice générale adjointe de

l’époque, Valérie Vesque-Jeancard, qui permirent d’engager un bilan carbone de

l’établissement en 2008, des audits thermiques du bâtiment ou encore un appel à idées

auprès de l’ensemble du personnel. C’est grâce à cette impulsion que le parc

d’imprimantes a pu être réduit et que des poubelles permettant le recyclage du papier ont

pu être installées dans tous les bureaux. Dans le partenariat28

qui associa en 2010

Guillaume Rovet, de l’association de récupération des rebuts d’exposition L’écume des

arts, et Pierre Chotard, attaché de conservation du Musée-Château d’Histoire de Nantes,

c’est l’investissement personnel et la volonté sans bornes de ces deux protagonistes qui

permit de gérer la complexité de l’opération et de mener l’expérience de valorisation des

déchets d’exposition jusqu’à son terme. L’impulsion et le soutien de la hiérarchie est donc

essentiel. Toutefois, pour que le développement durable puisse se réaliser, c’est

l’ensemble des agents qu’il faut mobiliser. Agathe Pellas, chef de projet performances

environnementales à la Cité des Sciences et de l’Industrie, et Marie-Christine Hergault,

chargée de projet à la direction des expositions de la même institution, reconnaissent la

sensibilisation au développement durable comme un défi avant tout autre:

« Les démarches d’éco-conception dépendent encore trop souvent de volontés individuelles

et d’engagements personnels. Il est indispensable d’institutionnaliser une culture commune qui

soit à la fois portée par la hiérarchie et intégrée de plein gré par les utilisateurs aux méthodes

de travail. »29

28 Nous aborderons en détails ce partenariat à la fin du rapport : partie II. C. 2. p. 45. 29 Agathe Pellas et Marie-Christine Hergault, « De la diffusion des sciences à l’Agenda 21 » in La Lettre de l’Ocim, mars-avril 2012, n° 140, p. 5

20

2. Un enjeu collectif

Le développement durable est une arborescence. Chaque action menée ne peut être

efficace que si l’ensemble des branches sont contrôlées. Agir dès l’amont mais aussi

poursuivre la réflexion jusqu’à l’après est donc essentiel. Pour cela, il faut mobiliser

l’ensemble des agents autour de la problématique et, surtout, faire en sorte que chacun se

sente concerné. Chacun doit avoir le sentiment qu’il peut agir à son échelle et que son

action n’est pas vaine. Il est donc important de sensibiliser et de former aussi bien les

chargés d’exposition et les régisseurs que les scénographes, les transporteurs, les

graphistes et les entreprises de fabrication de mobilier. Si le développement durable peut

être suscité par une volonté individuelle, il ne se réalisera que par une décision collégiale

et une action collective. Il faut qu’une envie commune existe. Elle seule permettra de

mener à bien des projets et de faire naître des initiatives. Comme l’a indiqué lors d’un

entretien Gérard Bailly, conseiller en charge du développement durable et du

renouvellement du bâtiment au Musée du Quai Branly :

« Il ne faut plus que ce soit une connaissance mais que ce soit un savoir […] Il ne faut pas

essayer que nous, nous fassions quelque chose ; il faut essayer qu’ensemble nous fassions

quelque chose. »30

L’engagement des musées dans des pratiques de développement durable comporte de

nombreuses contraintes et implique des enjeux importants. Certaines d’entre elles sont

directement liées à l’investissement des personnels et à l’intérêt porté sur la question,

d’autres concernent davantage les principes généraux accompagnant la conception d’une

exposition. Ces contraintes sont réelles et vécues comme telles par les institutions

muséales. Il n’y a pas lieu ici de les nier. Toutefois, des contre-exemples ont été apportés

et mettent en relief la complexité du sujet. L’objectif de cette première partie n’est pas de

démontrer qu’il y a une solution à tout mais de démontrer qu’il y a souvent des

possibilités. À chacun de les trouver, de s’y engager, de les améliorer et de les partager.

Grâce à une sensibilisation de l’ensemble des protagonistes, une prise de conscience

générale s’est fait jour et les musées s’y penchent désormais davantage.

30 Cf. Annexe 11, p. 27 : Entretien avec le Musée du Quai Branly. Voir aussi l’annexe 23, p. 67 : Extrait du rapport de développement durable du Musée du Quai Branly.

21

Cette implication est nécessaire car, en effet, si l’on tient compte de l’ensemble de la

chaîne de production d’une exposition, de sa conception jusqu’à son démontage en passant

par les impressions, les fabrications de mobilier, les transports et les déchets, l’empreinte

écologique est considérable. Pour la réduire, des actions et des alternatives sont possibles,

et cela à chaque étape de la conception d’une exposition.

22

II. Le développement durable dans la

production des expositions

temporaires : actions menées.

Les patrimoines naturel et culturel peuvent être considérés comme deux ressources non

renouvelables dont nous avons besoin pour perdurer. L’un et l’autre doivent être protégés

et maintenus pour les générations futures. A notre échelle, nous pouvons faire en sorte que

la conservation du premier n’entrave pas celle du second. Pour mener à bien une démarche

de développement durable dans la production d’une exposition, il est primordial de porter

une réflexion en amont de la naissance du projet. Si elle est accompagnée de données

chiffrées, cette réflexion peut s’avérer très instructive et utile pour la conduite des

opérations ultérieures. De fait, il est souvent recommandé d’établir un diagnostic de

l’existant avant toute action plus concrète. Ce diagnostic, qu’il se présente sous la forme

d’un bilan carbone, d’un calcul de l’empreinte écologique ou d’une Analyse du Cycle de

Vie (ACV), permet de cibler les points défaillants et de fixer des objectifs pour les

améliorer. Pour réaliser cette analyse, les institutions peuvent être aidées par l’ADEME,

l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie, placée sous la tutelle du

ministère du développement durable. C’est la solution qui fut choisie par le Musée du

Louvre pour réaliser son bilan carbone en 200931

. Le recours à un bureau d’étude ou une

société extérieure peut aussi être un moyen pour évaluer l’impact environnemental de ses

activités et y trouver des alternatives. Le Musée du Quai Branly s’apprête à utiliser cette

solution32

, la Cité des Sciences et de l’Industrie y a eu recours récemment (2011-2012) par

le biais de l’entreprise ATEMIA tout comme l’avait fait auparavant la Bibliothèque

Nationale de France (2008). Avec l’aide de ce bureau d’étude, la BnF et la Cité des

31 Cf. Annexe 22, p. 60 : Extrait du Rapport bilan carbone du Musée du Louvre. 32 Un appel d’offres sera bientôt lancé pour qu’une société vienne étudier ce qui se fait aujourd’hui en termes de

développement durable au Musée du Quai Branly mais aussi pour former le personnel du service des expositions à des pratiques plus écologiques. Cf. Annexe 11, p. 27 : Entretien avec le Musée du Quai Branly.

23

Sciences sont ainsi parvenues à intégrer les enjeux écologiques à la conception

scénographique.

A. L’éco-conception des expositions temporaires

1. Qu’est-ce que l’éco-conception ?

Définitions

La conception, la fabrication, l’exploitation puis la fin de vie d’une exposition sont

autant d’étapes sources de pollutions diverses et conséquentes. Parce qu’ils interviennent

au début du processus, les scénographes ont un rôle essentiel à jouer dans l’engagement

vers une démarche de développement durable. Les ressources matérielles requises pour la

création d’une exposition temporaire étant importantes, il est nécessaire d’adopter une

gestion saine des matériaux utilisés. Celle-ci se traduit par le concept d’ « éco-

conception ». D’après la définition de l’ADEME,

« L’éco-conception est une démarche préventive qui se caractérise par la prise en compte de

l’environnement lors de la phase de conception ou d’amélioration d’un produit. »33

Celle de la norme AFNOR de 2005 précise :

« L’éco-conception ou l’intégration des aspects environnementaux dans la conception et le

développement du produit (biens et services) a pour objectif la réduction des impacts négatifs

des produits sur l’environnement tout au long de leur cycle de vie, tout en préservant la qualité

d’usage du produit ou en l’améliorant. »34

Parce que l’avant conditionne l’après, il est essentiel de se poser une série de questions en

amont. Eco-concevoir, c’est se demander si l’utilisation des consommables (papier, encre)

et des transports (pour les réunions) durant la phase de réflexion est maîtrisée ? C’est aussi

s’interroger sur la nécessité de l’ensemble des dispositifs, sur la provenance des

matériaux, sur l’économie de matière, la résistance et la durée de vie des éléments de

mobilier. C’est préparer dès le début le recyclage, la réutilisation ou la récupération de la

33 Définition citée dans Eco-conception des outils pédagogiques, Les livrets de l’Ifrée, n°1, 2010, p. 5. 34 Idem.

24

scénographie. Il faut savoir si les transports d’œuvres sont optimisés et si la consommation

énergétique pendant la phase d’exploitation est réduite au minimum ? Enfin, c’est aussi

adopter des conditions de travail juste et équitable, regrouper les retours d’expérience et

communiquer sur la démarche. Ces questions permettront de mieux cibler les objectifs et

d’adopter des méthodes non seulement durables mais aussi efficaces.

Applications

C’est en faisant ce travail d’auto-questionnement que la Bibliothèque Nationale de

France et les scénographes sélectionnés pour les projets sont parvenus à éco-concevoir les

expositions. En 2010, l’exposition “La légende du roi Arthur”35

adoptait une démarche

développement durable sur plusieurs aspects. Une attention particulière était en effet

portée aux matériaux : les bois correspondaient à la norme FSC-PEFC36

et les peintures

avaient l’Ecolabel Européen. De plus, les scénographes Philippe Maffre et Flavio

Bonucelli chargés de cette exposition avaient choisi de définir les espaces à l’aide de

voilages et de textiles [Fig. 4]. Ce choix, moins impactant pour l’environnement, montre

la prise en compte des critères écologiques dans la conception de cette scénographie. De la

même manière, Alain Batifoulier proposa en 2009 d’utiliser du carton, un matériau

économique et écologique, pour réaliser le mobilier scénographique de l’exposition

“Ionesco”37

[Fig.5].

35 La légende du roi Arthur, 22 mars – 3 juillet 2011, Bibliothèque Nationale de France site F. Mitterrand, scénographie

MAW. 36 Le label FSC signifie Forest Stewardship Council et le label PEFC signifie Program for the Endorsement of Forest

Certification. Ils ont tous les deux été créés dans les années 1990 et garantissent la gestion responsable des forêts dont le

bois utilisé est issu. Cf. Annexe 24, p. 71 : Guide de recommandations pour les scénographes, BnF. 37 Ionesco, 6 octobre 2009 – 3 janvier 2010, Bibliothèque Nationale de France site F. Mitterrand, scénographie Alain Batifoulier.

25

Fig. 4. Cloisonnements en textile de l’exposition La légende du roi Arthur, BnF

Fig. 5. Scénographie en carton de l’exposition Ionesco, BnF

L’anticipation est un élément primordial de l’éco-conception. Elle a été poussée à son

maximum pour l’exposition “Ma terre première pour construire demain”38

qui fut

présentée à la Cité des Sciences et de l’Industrie en 2009-2010. Prévue pour l’itinérance,

l’exposition a été pensée et conçue en fonction. Les parois, par exemple, se présentaient

avec une face noble accueillant les textes, et, une face arrière structurée par une ossature

38 Ma terre première pour construire demain, 6 octobre 2009 – juin 2010, Cité des Sciences et de l’Industrie. L’exposition sera en itinérance jusqu’à mars 2013.

26

en bois. Assemblés par deux, ces modules de parois formaient une caisse sans ajout de

matière pour protéger les éléments [Fig. 6]. L’ensemble était dimensionné en fonction du

gabarit du camion. C’est donc aussi en pensant à l’optimisation des formes en vue du

transport que l’on applique les principes d’une éco-conception. Le volet social peut aussi

être intégré à cette démarche, comme ce fut le cas en 2009 au SDEC (Syndicat

Intercommunal d’Energies et d’Equipement du Calvados) qui réalisa une exposition sur la

thématique de l’énergie39

. La scénographie comprenait en effet des palettes en bois

fabriquées par une association de personnes en insertion professionnelle. Recyclable à

95%, modulable sans modifications de la structure porteuse et faisant appel à un éclairage

et des tapis issus de la récupération, cette exposition fut réellement pensée dans sa

durabilité. Plus récemment, en 2010, le Compa (Conservatoire de l’agriculture, à Chartres)

entrepris le même type de démarche sociale et solidaire en faisant appel à trois

associations d’aide à la réinsertion par le travail pour la fabrication des mobiliers

scénographiques: le FAC (Foyer d’Accueil Chartrain), l’ESAT (Etablissement et Services

d’Aide par le Travail), et l’AFPA (Association de Formation pour Adultes)40

.

Fig. 6. Transport des parois de l’exposition Ma terre première, Cité des Sciences et de l’Industrie

39 Eco-conception des outils pédagogiques, Les Livrets de l’Ifrée, n° 1, 2010, p. 13-14. 40 Marion Ménard, Eric Verrier et Bruno Souêtre, « Eco-conception ?...Eco-système ! » in La Lettre de l’Ocim, mars-avril 2012, n° 140, p. 18.

27

Toutefois, il faut noté que l’application des principes d’éco-conception n’est pas le fruit

du hasard : des outils permettent la mise en place concrète de ces réalisations. Ils peuvent

être incitatifs, et se traduisent généralement par des guides de recommandations, ou

coercitifs et se présentent alors comme des critères édictés dans le cahier des charges.

Quelque soit leur forme, ils accompagnent et favorisent l’éco-conception.

2. Comment favoriser l’éco-conception ?

Les outils d’aide à l’éco-conception : les guides de recommandations

La Bibliothèque Nationale de France et la Cité des Sciences et de l’Industrie sont les

premières institutions à avoir développé des outils qui accompagnent le travail des

scénographes vers une conception plus respectueuse de l’environnement41

. Elaborés avec

l’aide de l’entreprise ATEMIA et présentés sous forme de guides, ils permettent de réunir

sous le même défi de l’éco-conception les trois principaux protagonistes de la production

des expositions : le maître d’ouvrage, le scénographe, les entreprises. L’objectif premier

est avant tout de sensibiliser et d’informer les professionnels sur la démarche. Le but est

ainsi de faire en sorte que les lecteurs s’approprient le message de développement durable

qui y est porté mais aussi de bousculer les préjugés, tels que ceux étudiés en première

partie de ce rapport. Comme nous l’indique Anne-Hélène Rigogne42

, le guide est donc

l’occasion de :

« […] proposer une vision positive du développement durable, davantage conçu comme un

facilitateur, une source d’économies et de créativité. »43

Cet outil incitatif pousse les professionnels à aller vers d’autres pratiques. Il invite à

s’interroger sur les matériaux utilisés et présente, pour les aider dans cette démarche, une

sélection de produits labellisés répondant aux principes de l’éco-conception. Loin d’en

faire uniquement l’inventaire, ces guides fournissent des préconisations et

recommandations quant à l’utilisation de ces matériaux. D’autre part, ils proposent des

41 Cf. Annexe 24, p. 71 et annexe 25, p. 107 : Guide de recommandations pour les scénographes, BnF, et, Guide d’éco-conception, Cité des Sciences et de l’Industrie. Voir aussi le lien http://www.universcience.fr/fr/ressources-

thematiques/contenu-thematique/sl/1239028630738/energie-environnement-developpement-durable/ 42 Anne-Hélène Rigogne est conservateur en chef des bibliothèques, adjointe du chef du service des expositions de la

BnF, correspondant développement durable et tutrice pour ce mémoire de stage. 43 Cf. Annexe 24, p. 71 : Guide de recommandations pour les scénographes, BnF.

28

pistes de réflexions qui amènent chacun à se sentir investi par cette mission. Il est

primordial d’accompagner les agents vers le développement durable afin que celui-ci

devienne un acquis. À Eve Arachtingi et Marie-Christine Hergault de conclure que :

« Pouvoir anticiper et imaginer son exposition avec des principes d’éco-conception doit

devenir un savoir-faire intellectuel. »44

Les guides publiés par la Bibliothèque Nationale de France et la Cité des Sciences et de

l’Industrie sont un premier pas vers l’éco-conception. Néanmoins, ils n’en font pas un

automatisme. Pour que l’éco-conception devienne une pratique quotidienne, ancrée dans

les habitudes de travail, d’autres outils peuvent être utilisés.

L’éco-conditionnalité

Pour que les institutions muséales et les scénographes travaillent de concert vers

l’intégration d’une démarche de développement durable dans la conception des

expositions temporaires, il est fondamental de formaliser ces actions. Dans l’exposition

que nous venons de prendre pour exemple, au SDEC, le respect et l’intégration de l’éco-

conception dans le choix des matériaux et du mobilier entrait pour 10% dans la sélection

du candidat. Ce dernier devait répondre alors à des critères précis inscrits dans le cahier

des charges à savoir : « d’intégrer des matériaux issus de ressources renouvelables,

d’utiliser des matériaux de nature clairement identifiée et facilement recyclables,

d’optimiser la durée de vie de l’exposition (durabilité des matériaux), de fournir les

documents attestant de l’éco-conception des matériaux utilisés, de réaliser un panneau

d’information destiné au public expliquant l’éco-conception de l’exposition ».

L’attribution du marché étant basée sur ce cahier des charges, la réponse du candidat ne

pouvait que satisfaire les principes d’une démarche écologique dans la conception de la

scénographie. De la même manière, depuis 2008, la Bibliothèque Nationale de France a

informé ses fournisseurs que les prestations en développement durable seront intégrées

44 Eve Arachtingi et Marie-Christine Hergault, « Eco-conception, une démarche initiée à Universcience » in Musées et développement durable, Paris, La documentation française, 2011, p. 107.

29

comme un critère de 10% dans son marché régulier de prestations graphiques45

. L’éco-

conditionnalité est donc un moteur vers la prise en considération de ces aspects

environnementaux. Pourtant, dans les réponses au questionnaire que nous avons envoyé

aux institutions muséales, nous remarquons qu’aucun musée n’a intégré des clauses de

développement durable dans les marchés publics et les cahiers des charges. Seul le Palais

des Beaux-Arts de Lille indique que cette idée fait partie des réflexions menées

actuellement sur le sujet46

. Or, imposer ces critères permettrait non seulement de changer

les habitudes de travail à la fois des scénographes et du personnel des musées, mais aussi

de contenir l’impact financier de ces actions. Car, en effet, si les critères d’attribution

concernant l’éco-conception sont fixés dès l’origine dans le cahier des charges, les

solutions seront adaptées au budget imparti. Grâce à la l’élaboration de ce cahier des

charges, le SDEC n’a noté aucun surcoût.

Si imposer n’est jamais la meilleure des solutions, nous ne pouvons nier le pouvoir de

la contrainte. Contraindre c’est aller vers un changement des habitudes, des manières de

penser et des manières de faire. C’est inciter à s’adapter et à créer autrement. Or, en

termes de développement durable, ce sont bien ces réflexes qu’il faut s’attacher à changer

afin qu’ils deviennent des réflexes éco-responsables. La contrainte se transforme alors en

un moyen positif d’aller ensemble vers des pratiques plus attentives à l’environnement.

La régie des œuvres a aussi son rôle à jouer dans le changement des habitudes de

travail. Acteur essentiel dans la mise en place d’une exposition temporaire, le régisseur

intervient au moment clé de l’emballage et du transport des œuvres. Pour ces deux

missions, une attention portée aux aspects écologiques et économiques est primordiale.

45 « Intégrer la démarche de développement durable à la production des expositions : l’expérience de la Bibliothèque

Nationale de France » in Musées et développement durable, Paris, La documentation française, 2011, p. 125. 46 Cf. Annexe 5, p. 12 : Réponse du Palais des Beaux-Arts, Lille.

30

B. Le rôle de la régie des œuvres

1. Le transport d’œuvres d’art

L’intégration du développement durable chez les transporteurs

Le transport des œuvres d’art est à l’origine d’importantes émissions de gaz à effets de

serre. Le caractère temporaire et le rythme soutenu des expositions font que les institutions

muséales recourent de façon intensive aux sociétés de transport. Parmi ces dernières,

certaines ont initié de véritables changements en faveur du développement durable. La

société André CHENUE, par exemple, a renouvelé son parc de véhicules afin que ces

derniers soient conformes à la norme EURO5, correspondant à une baisse des émissions

polluantes et de la consommation. D’ici la fin 2012, la société s’engage à ce que

l’ensemble des véhicules n’émettent pas plus de 119g CO2/km. Renouvelé tous les cinq

ans pour les camions et tous les trois ans pour les véhicules légers, le parc dont dispose

l’entreprise suit donc l’évolution des technologies et vise à être chaque fois plus

respectueux de l’environnement. D’autre part, l’optimisation des voyages est étudiée par

les chargés de clientèle afin de réduire l’impact écologique de ces prestations de transport,

et, un partenariat avec la société Greenway permet actuellement d’expérimenter

l’utilisation de véhicules 100% électriques dans Paris et sa proche banlieue. Enfin, le volet

sociétal est aussi mis à l’étude : une politique de diversification des profils a été engagée

pour augmenter l’embauche de femmes, de seniors et d’handicapés dans la société47

. La

société CROWN FINE ARTS cherche aussi à s’investir davantage dans des pratiques plus

écologiques. La plupart des véhicules sont conformes à la norme EURO5, et, s’ils ne le

sont pas, ils possèdent néanmoins l’Ad-Blue. Cet additif injecté dans le système

d’échappement permet la conversion des oxydes d’azote en vapeur d’eau et en azote

gazeux, présents naturellement dans l’air. En outre, CROWN FINE ARTS a développé

pour trois de ses plus grands marchés (Australie, Grande-Bretagne, Hong-Kong) une

politique de management qui garantit la norme ISO 14001 dans l’offre de ses

47 Cf. Annexe 27, p. 128 : Charte de développement durable André Chenue.

31

prestations48

. Bientôt appliquée dans l’ensemble des pays où la société est présente, la

norme ISO 14001 garantit l’amélioration du tri et la valorisation des déchets, la maîtrise

des consommations d’eau et d’énergie, l’optimisation de la consommation de carburant

des véhicules et la formation du personnel à la prévention des risques environnementaux.

De son côté, la société LP ART a signé le 18 novembre 2011 une charte d’engagements

volontaires des émissions de CO2 avec onze autres entreprises franciliennes, la Direction

Régionale et Interdépartementale de l’Equipement et de l’Aménagement d’Ile-de-France

(DRIEA-IF) et l’ADEME49

.

Il est essentiel que les musées se tiennent éveillés face à ces démarches. Ils peuvent y

participer de façon concrète en demandant à leur prestataire une optimisation des

transports, ce que font la plupart d’entre eux si l’on se base sur les réponses au

questionnaire que nous avons envoyé. Le Palais des Beaux-Arts de Lille, par exemple,

demande systématiquement un groupage à la société de transport qu’il emploie, et, lorsque

les trajets sont effectués en interne, la réduction de la consommation de carburant est gérée

par l’adaptation de la taille du véhicule à celle des œuvres transportées. Le nombre de

convoyeurs est fixé en fonction des difficultés de manipulation des œuvres sur les lieux de

rendez-vous et le transport est pensé pour réaliser plusieurs enlèvements sur le même

trajet50

. Le Musée de Grenoble procède aussi par groupages : les œuvres de la région

Rhône-Alpes sont réunies dans un entrepôt sécurisé de la société LP ART et une navette

hebdomadaire réalise le trajet Lyon-Paris afin de réduire le nombre de voyages d’une ville

à l’autre. D’autre part, un véhicule interne permet de mutualiser les besoins en réalisant

non seulement certains transport du Musée de Grenoble mais aussi ceux relatifs aux

projets de la Direction des Affaires Culturelles ou des bibliothèques municipales51

. Enfin,

le Musée de Grenoble fait partie du Bizot group qui réunit musées français et américains

autour de grands thèmes communs. Parmi ces derniers se trouvent celui du développement

durable où l’on explore les moyens permettant de favoriser le groupement des transports

par avion et d’éviter le convoiement systématique des œuvres par chaque institution. Cette

réflexion invite les musées à des usages raisonnés du transport aérien. À la Bibliothèque

48 Cf. Annexe 28, p. 132 : Extrait du site internet de l’entreprise Crown Fine Arts. Voir aussi le lien

http://www.crownfineart.com/fa/fr/about.html 49 Cf. Annexe 29, p. 134 : Charte d’engagement des entreprises franciliennes pour la réduction des émissions de Co2. 50 Cf. Annexe 6, p. 14 : Réponse du Palais des Beaux-Arts de Lille. 51 Cf. Annexe 7, p. 16 : Réponse du Musée de Grenoble.

32

Nationale de France, l’engagement depuis 2008 dans une démarche de développement

durable englobe aussi la question du transport d’œuvres d’art.

Le transport des œuvres à la Bibliothèque Nationale de France

Menant de front une politique d’intégration du développement durable dans chacune de

ses activités, la BnF s’attache à ce que ses prestataires répondent à certains critères

écologiques. En décembre 2011, par exemple, le renouvèlement de l’accord-cadre relatif

au transport des œuvres comprenait un paragraphe consacré au développement durable.

Les transporteurs candidats (Bovis, Crown Fine Arts, Atlantis, LP Art et André Chenue)

se sont donc vus attribuer une note selon leur investissement dans des pratiques attentives

à l’environnement, à la fois en ce qui concerne le type de véhicules utilisés, l’emballage

des œuvres et la gestion du bâtiment (en particulier des espaces de stockage)52

.

La BnF procède au transport des œuvres d’art par le biais de sociétés extérieures mais

aussi par celui d’une flotte de véhicules internes, gérée par la « cellule transport » de

l’établissement. Les trois véhicules dédiés au transport d’œuvres ont chacun une

volumétrie différente afin de pouvoir adapter la taille du véhicule à celle des œuvres

transportées. Ils datent de 2007 et 2009 et sont donc relativement récents. Quant à la

surconsommation d’huile et de carburant, elle est limitée grâce à une vidange annuelle de

chaque véhicule et une vérification mensuelle de la pression des pneus53

. Au cours de ce

stage, nous avons souvent eu l’occasion d’utiliser les véhicules internes, et, chaque fois,

les rendez-vous chez les prêteurs étaient regroupés afin d’éviter une surenchère de

déplacements impactant sur l’environnement. Lorsque les trajets entre le site François

Mitterrand et Richelieu ne concernaient pas le transport d’œuvres d’art, ils étaient réalisés

en métro ou en bus. L’attention portée à l’environnement s’illustre aussi par la formation

obligatoire en éco-conduite pour tous les chauffeurs de la BnF. Dispensée par une

entreprise extérieure, cette formation apprend aux agents à conduire avec souplesse pour

réguler la consommation de carburant et réduire les émissions polluantes. La Bibliothèque

Nationale de France veille donc à s’inscrire dans une pratique éco-responsable de ses

transports effectués en interne.

52 Cf. Annexe 30, p. 137 : Accord cadre du marché de transport, BnF. 53 Cf. Annexe 12, p. 30 : Entretien avec la cellule transport de la BnF.

33

Il en est de même pour ses transports réalisés en externe. Suite à l’étude menée en 2008

par ATEMIA recommandant de compenser financièrement les déplacements liés au

transport du personnel et des œuvres, la BnF a mis en place avec la Société Climat Mundi

un processus de compensation carbone pour les transports en avion afin de « lutter contre

le réchauffement climatique en finançant un projet qui va réduire les émissions de CO2 à

la hauteur de [ses] propres rejets »54

. Le prix unitaire de la compensation par tonne de

CO2 est basé sur la quantité globale compensée annuellement par la BnF et l’ensemble de

ses emprunteurs (soit aujourd’hui un prix de 19 € TTC). Le calcul des émissions de CO2

est réalisé en fonction de la distance du trajet et peut être effectué directement grâce à

l’outil de calcul fourni à la BnF par l’entreprise Climat Mundi. La somme est ensuite

versée à une association de lutte contre le réchauffement climatique. La BnF compense

systématiquement tous les transports en avion effectués pour les œuvres qu’elle emprunte,

et, depuis 2010, présente cette démarche dans l’article 4 des contrats de prêts pour inviter

ses emprunteurs à suivre la même voie55

. Ainsi, l’exposition “Salvador Dali, Federico

Garcia Lorca y la residencia de estudiantes” qui fut présentée du 22 septembre 2010 au 6

février 2011 pour laquelle la Caixa Forum de Madrid avait emprunté onze œuvres à la

Bibliothèque Nationale de France, représentait une émission de 1,03 teq CO2 (tonne

équivalent CO2) pour le trajet aller-retour en avion, correspondant à une compensation de

19,57 €, et, une émission de 0,85 teq CO2 pour les deux caisses d’œuvres transportées,

correspondant à une compensation de 16,15 €56

. Un total de 35,72 € TTC a donc été versé

pour ce transport à la société Climat Mundi qui se charge au nom de la BnF de collecter

les contributions des emprunteurs et de les redistribuer pour des projets visant à réduire les

émissions de gaz carbonique. Toutefois, il faut souligner que l’engagement des institutions

emprunteuses dans cette opération reste faible. La procédure demande donc à la BnF de

l’organisation et un travail de relance constant auprès des emprunteurs. Le temps passé par

les agents du service des prêts extérieurs de la BnF étant trop conséquent par rapport au

nombre de compensations réalisées par les emprunteurs fait que, aujourd’hui, bien que la

BnF continue de compenser ses propres transports, elle ne réalise plus de suivi des

compensations des autres institutions.

54 Document interne fourni à la BnF par la société Climat Mundi. 55 Cf. Annexe 31, p. 142 : Contrat de prêt de la BnF. 56 Informations données dans le Tableau de calcul des compensations carbone des emprunteurs, document interne, fourni par Anne-Hélène Rigogne.

34

Le régisseur d’œuvre a donc pleinement son rôle à jouer dans l’intégration d’une

politique de développement durable dans la production des expositions temporaires. À

travers sa mission de gestion logistique des transports d’œuvres d’art, il a la possibilité

d’optimiser les trajets réalisés par des véhicules internes et peut exiger des critères

écologiques dans le marché passé avec les transporteurs externes. Dans son activité

quotidienne, il est amené à être en contact avec les œuvres, à les convoyer, à les recevoir.

L’emballage et le conditionnement de ces dernières doit aussi, dans la mesure du possible,

répondre à des pratiques éco-responsables.

2. L’emballage et le conditionnement

Dans la clause de développement durable de l’accord-cadre relatif au marché de

transport de la BnF, une partie est consacrée à l’emballage et au conditionnement des

œuvres. Les transporteurs y ont décrit leurs pratiques. Certaines de ces sociétés portent

une attention particulière aux matériaux qu’ils utilisent. La société LP ART, par exemple,

fabrique ses caisses avec du bois certifié FSC et les monte grâce à une colle garantie sans

solvants. Lorsque les caisses sont peintes, la peinture utilisée est une acrylique de type

« aquaryl satin » ayant reçu la certification Ecolabel. Enfin, depuis décembre 2010, la

société a acquis un logiciel d’assistance à la fabrication des caisses qui permet une

diminution de 50% des chutes de mousse de polyuréthane. L’entreprise s’inscrit donc dans

une véritable volonté de fabriquer durablement. La société André CHENUE, quant à elle,

indique que la chaîne de production des caisses prévoit que tous les matériaux bois, métal

et papier soient recyclés tout comme le sont les fournitures d’emballages du transporteur

ATLANTIS après utilisation.

Les missions quotidiennes de la régie des œuvres semblent être à l’opposé de la notion

de développement durable. L’emballage des œuvres nécessite une quantité importante de

fournitures pour une durée limitée et un usage unique. Il serait en effet dangereux d’un

point de vue de la sécurité comme de la conservation de l’œuvre qu’un matériau

d’emballage qui a déjà été utilisé le soit de nouveau. La manière dont il est utilisé répond

donc avant tout à des exigences de conservation. Pourtant, un tri rapide des fournitures

ayant déjà été utilisées permettrait de distinguer celles qu’il faut jeter de celles qui

35

pourraient être réutilisées sans compromettre la bonne conservation de l’œuvre. Le tyvek,

par exemple, est un matériau très résistant et coûteux à l’achat. N’en faire qu’un usage

unique serait regrettable. De fait, le Musée de Grenoble s’applique à le récupérer lorsqu’il

n’est pas trop altéré et à le réemployer en matériau de seconde couche57

. N’étant pas au

contact direct de l’œuvre, il ne lui fait prendre aucun risque. Au cours de ce stage, une

attention particulière a été portée sur la récupération du papier de soie et du papier bulle.

Lorsque ces matériaux ne présentaient pas de défauts notables, ils étaient récupérés puis

réutilisés pour l’emballage extérieur ou le calage des œuvres. D’autre part, des pochettes

papier bulle de diverses dimensions correspondant aux formats variés des ouvrages sont

régulièrement utilisées, récupérées après transport, puis, rangées en vue d’une future

réutilisation. Cette pratique existe depuis plusieurs années. Le régisseur peut donc

contribuer au développement durable à son échelle, notamment par la récupération de

matériel et de fournitures de conditionnement. À la Bibliothèque Nationale de France, des

petites mallettes servant à transporter des manuscrits ont ainsi été conservées d’une

exposition à l’autre58

. Solides, de taille raisonnable et garnies de mousses encore en très

bon état, ces mallettes assurent donc un transport optimal pour les manuscrits et ne

requiert que peu de place pour le stockage [Fig. 7]. Certaines caisses fabriquées par les

transporteurs peuvent aussi être conservées. Si elles nécessitent un espace de stockage

conséquent, elles n’en sont pas moins très utiles pour gérer des transports d’œuvres en

interne [Fig. 8]. La caisse fabriquée par la société LP ART pour le transport des

manuscrits de l’exposition “Miniatures flamandes”59

de la BnF jusqu’à la Bibliothèque

Royale de Bruxelles, par exemple, a été réutilisée pour le transport des œuvres de Joel-

Peter Witkin de la Galerie Baudouin-Lebon jusqu’au site Richelieu. Malgré la nature

différente des œuvres transportées, la caisse convenait pour les deux missions. Dès lors,

elle s’avère être un produit de récupération efficace.

57 Information donnée lors d’un entretien téléphonique par Isabelle Varloteaux, attachée de conservation et régisseur des

collections au Musée de Grenoble. 58 Cf. Annexe 16, p. 39 : Entretien avec la régie des œuvres de la BnF. 59 Miniatures flamandes, 6 mars – 10 juin 2012, Bibliothèque Nationale de France, site F. Mitterrand.

36

Fig. 7. Matériel d’emballage et de conditionnement stocké dans les réserves de la BnF

Fig. 8. Caisse de conditionnement récupérée, stockée dans les réserves de la BnF

Dans le cadre de la production d’une exposition temporaire, le régisseur peut favoriser

une pratique éco-responsable en étant attentif à l’optimisation des transports mais aussi à

la récupération de fournitures d’emballage, quand elles sont encore en bon état. La

récupération est s’inscrit totalement dans une démarche de développement durable et est

de plus en plus pratiquée par les musées.

37

C. Le démontage d’une exposition temporaire et la

gestion de fin de vie des matériaux

En termes d’intégration d’une politique de développement durable dans le phasage

opérationnel d’une exposition temporaire, le démontage est une étape cruciale. C’est à ce

moment que les efforts portés sur l’éco-conception de l’exposition prennent leurs sens : si

la scénographie est éco-conçue mais les éléments qui la composent ne sont pas gérés dans

leur fin de vie, les objectifs écologiques des actions menées lors des phases antérieures

sont réduits à néant. Cette étape ultime de l’exposition est encore trop souvent négligée et

passée sous silence. On estime trop souvent qu’une exposition éco-conçue a déjà accompli

son devoir vis-à-vis du développement durable. C’est un premier pas, certes, mais il est

fondamental de parcourir l’ensemble du chemin. De fait, il est important de réfléchir dès le

début du projet à la gestion de fin de vie des éléments et matériaux composant

l’exposition.

1. La récupération

Le mobilier scénographiques et les cimaises

Cette réflexion en amont est indispensable pour anticiper le sort des rebuts

d’exposition. Elle permet de prévoir la récupération de matériaux, c'est-à-dire la collecte

de certains éléments de scénographie (construction, mobilier, signalétique …) en vue

d’une future réutilisation. Pour encourager cette récupération, la Bibliothèque Nationale de

France a intégré dans les contrats passés avec les scénographes la possibilité de réutiliser

une partie des matériaux employés pour l’exposition suivante. De plus, à chaque projet,

les candidats scénographes reçoivent le plan de l’exposition précédente et participent à une

visite sur place. Ils ont ainsi toutes les clés en main pour repérer les éléments qui

pourraient être récupérés et réemployés. Ainsi en 2011, le plancher conçu par les

scénographes Olivia Berthon et Julia Kravtsova pour l’exposition “La France de

38

Raymond Depardon”60

à la Bibliothèque Nationale de France a été sélectionné et réutilisé

par D.Adjaye pour construire la scénographie de l’exposition “Richard Prince, American

prayer”61

[Fig. 9].

Fig. 9. Plancher réutilisable de l’exposition Depardon, BnF

Concevoir en prenant en compte ce qui peut être réemployé est un exercice synonyme à

la fois d’économie et d’écologie : il permet la réduction des coûts et celle de l’impact

environnemental lié à la fabrication du mobilier. À plusieurs occasions, Hélène

Lecarpentier, scénographe de l’Agence Nathalie Crinière, opta pour une conception basée

« sur un principe de modularité »62

:

« Sur les expositions “Controverses”, “John Batho” et “Michael Kenna” à la BnF, le mobilier

a été dessiné en pensant à sa déclinaison sur les trois expositions. Il s’agissait de cimaises

épaisses qui étaient laissées en bois blanc pour “Controverses”. Pour “John Batho”, nous

avions prévu d’enlever la plaque de bois et de créer une vitrine à l’intérieur. Pour “Michael

Kenna”, nous savions qu’on enlèverait les têtes de cimaises pour faire autre chose. Puisque

nous avons eu la chance de savoir dès le début que nous allions faire les trois scénographies et

que nous connaissions les sujets, nous avons vraiment joué le jeu de faire quelque chose de

modulaire. »

60 La France de Raymond Depardon, 30 septembre 2010 – 9 janvier 2011, Bibliothèque Nationale de France, site F.

Mitterrand. 61 Richard Prince, American prayer, 29 mars – 26 juin 2011, Bibliothèque Nationale de France, site F. Mitterrand. 62 Cf. Annexe 10, p. 23 : Entretien avec l’Agence de scénographie Nathalie Crinière.

39

L’Agence NC a repris ce principe très récemment pour les expositions “Beauté, morale et

volupté dans l’Angleterre d’Oscar Wilde”63

au Musée d’Orsay et “Debussy, la musique et

les arts” au Musée de l’Orangerie64

. S’agissant de la même institution et de concours

concomitants, les deux scénographies ont pu être pensées l’une en fonction de l’autre, ce

qui s’est traduit par la réutilisation des capots de vitrine de la première exposition pour la

seconde. En général, parmi les éléments de scénographie, les cimaises représentent non

seulement la plus grande part du budget de l’exposition mais aussi la plus grande quantité

de déchets émis au démontage. Les récupérer, en partie ou en entier, a donc un intérêt

économique et écologique évident. Plusieurs institutions s’y sont penchées et sont

parvenues, chacune à leur échelle, à mettre en place un principe de modularité et une

politique de récupération des cimaises. La Maison Rouge-Fondation Antoine de Galbert,

par exemple, a adopté un système de cimaises réutilisables permettant de faire au moins

trois expositions, soit de couvrir la production des expositions temporaires d’une année.

Laurent Guy, régisseur d’œuvres à la Maison Rouge, indique avoir utilisé ces cimaises

quatre fois et ne pense les renouveler qu’après leur cinquième utilisation65

. Si pour chaque

nouvelle exposition elles doivent être complétées par des cimaises en plâtre ou bois à

usage unique, ces cimaises réutilisables restent une alternative particulièrement

intéressante. Le MAC/VAL, quant à lui, dispose d’un autre système : les cimaises sont

constituées de briques de médium et peuvent ainsi être modulées et réutilisées d’une

exposition à l’autre. Toutefois, la manipulation complexe de ces cimaises ne permet pas

d’utiliser le système de façon optimale. Les principales contraintes liées à la récupération

sont en effet la manutention mais aussi le stockage. Avant toute entreprise de récupération,

ces points doivent, à défaut d’être résolus de façon définitive, être au moins mis à l’étude.

C’est le chemin que suit le Musée des Beaux-Arts de Tours en prévoyant dans ses futures

réserves externalisées un espace de stockage dédié à l’entrepôt d’éléments

scénographiques66

.

Souvent rare ou encombré, cet espace de stockage est pourtant essentiel pour mener à

bien une démarche de récupération du mobilier au démontage des expositions temporaires.

À la Bibliothèque Nationale de France, les réserves conservent une paire de fauteuils

63 Beauté, morale et volupté dans l’Angleterre d’Oscar Wilde, 13 septembre 2011 – 15 janvier 2012, Musée d’Orsay. 64 Debussy, la musique et les arts, 22 février – 11 juin 2012, Musée de l’Orangerie. 65 Cf. Annexe 4, p. 10 : Réponse de la Maison Rouge-Fondation Antoine de Galbert. 66 Cf. Annexe 8, p. 18 : Réponse du Musée des Beaux-Arts de Tours.

40

« club », fabriqués à l’origine pour l’exposition “Sartre”67

et réutilisés récemment pour

l’exposition “Presse à la Une”68

. Récupérés au démontage, inscrits sur la liste du mobilier

permanent de la BnF et stockés dans une partie dédiée des réserves, ces fauteuils

pouvaient donc être réutilisés facilement. Sur cette liste du mobilier permanent, fournie à

chaque candidat scénographe lors d’un concours, se trouvent aussi les plaques de verres

conçues par l’Agence Nathalie Crinière pour l’exposition “Sartre” en 2005. Utilisées pour

créer un feuilletage à l’intérieur des vitrines, ces plaques sont depuis cette date à la

disposition de tous les scénographes auxquels fait appel la BnF pour concevoir ses

expositions temporaires. À ce jour, les plaques ont été utilisées trois fois : la première pour

“Sartre”, la seconde pour l’exposition “Artaud”69

dont la conception scénographique

intégrait une variante dans l’emploi des plaques de verres (elles étaient disposées cette

fois-ci à la verticale) et la troisième fois pour l’exposition “Presse à la Une”.

L’élaboration d’une liste précise de l’existant est donc à l’évidence un facilitateur vers

l’engagement dans une politique de récupération et de réemploi du mobilier

scénographique. Cette liste constitue un outil de gestion essentiel sans lequel la

réutilisation de matériaux ne pourrait se faire dans de bonnes conditions : il est

fondamental de savoir ce dont dispose l’institution pour pouvoir l’exploiter à son

maximum.

Les vitrines

Les parcs permanents de vitrines font partie de ce mobilier mis à la disposition du

scénographe par certaines institutions muséales. Plus qu’une simple récupération à court

ou moyen terme telle que nous avons pu le voir jusqu’alors dans nos exemples, le recours

à un parc de vitrines est une véritable pratique durable. Le Musée du Quai Branly, par

exemple, possède une série de vitrines permanentes situées sur les mezzanines où se

déroulent les expositions temporaires. Conçues par l’architecte Jean Nouvel, elles sont

adaptées pour recevoir tous types d’objets et représentent donc un mobilier

muséographique réutilisable pour chaque nouvelle exposition temporaire. Selon les

scénographies, elles sont complétées par d’autres vitrines fabriquées sur mesure. Ce

67 Sartre, 9 mars – 25 août 2005, Bibliothèque Nationale de France, site F. Mitterrand. 68 Presse à la Une, 11 avril 2012 – 15 juillet 2012, Bibliothèque Nationale de France, site F. Mitterrand. 69 Artaud, 7 novembre 2006 – 4 février 2007, Bibliothèque Nationale de France, site F. Mitterrand.

41

système permet ainsi d’exploiter l’existant et d’éviter un renouvellement systématique des

vitrines pour chaque exposition. La Bibliothèque Nationale de France a, elle aussi, pensé

et conçu un parc permanent de vitrines dès la construction du bâtiment en 1996. Dessinées

par Charles Perrault, l’architecte du site François Mitterrand de la BnF, ces vitrines se

composent d’une ossature en bois et d’un capot en verre qui font d’elles un mobilier

robuste : en seize ans, seul 10% des capots de verre du parc ont été cassés70

[Fig. 10].

Fig. 10. Socle en bois et capot en verre composant les vitrines de la BnF

Utilisées dans le maximum de leurs possibilités, ces vitrines prouvent l’investissement de

la BnF dans une démarche de développement durable sur le long terme. Malgré les

contraintes liées à leur manipulation (la robustesse des vitrines les rend pesantes), elles

restent encore aujourd’hui après toutes ces années un dispositif largement exploité par les

scénographes et représentent donc un réel gain écologique et économique. De dimensions

diverses, elles sont essentiellement destinées à accueillir des ouvrages ou des petits objets

en trois dimensions. De fait, même si les contrats passés avec les scénographes stipulent

que ces derniers doivent utiliser le plus possible le mobilier de la BnF, d’autres vitrines

sont parfois fabriquées pour les besoins de l’exposition. Si la fabrication de ces vitrines

complémentaires est à limiter autant que faire se peut en raison de son empreinte

écologique, elle n’est pas pour autant synonyme d’une future conversion en rebut

d’exposition. Le Musée des Beaux-Arts de Tours, par exemple, a adopté une gestion éco-

responsable de ce mobilier en « s’efforçant [depuis deux ans] de réutiliser les vitrines

70 Cf. Annexe 15, p. 36 : Entretien avec la régie technique de la BnF.

42

fabriquées pour les expositions temporaires »71

. Au Musée d’histoire de Nantes, un parc

de 6 vitrines a été constitué à partir de cloches en verre et de caisses de conditionnement

en bois et métal utilisées comme socle puis habillées de housses sur mesure en tissu.

Lorsque la vitrine est démontée, elle est rangée dans la caisse et les housses en tissu sont

utilisées pour protéger les capots en verre dans la réserve. Jusqu’alors emballées par du

papier bulle, les vitrines sont désormais mieux stockées, mieux protégées et réutilisables

[Fig. 11]. La conception de ce parc représente donc une réelle plus-value. D’autre part,

une série de vitrines hybrides ont aussi été confectionnées à partir de tabourets et de

cloches en verre et sont désormais à la disposition du service des publics de l’institution.

Enfin, Frank Lamy, responsable des expositions temporaires du MAC/VAL, indique que

le musée bénéficie d’un espace de stockage suffisant où sont entreposées les vitrines dans

l’attente de leur réutilisation72

. Lorsqu’elles sont trop spécifiques pour être réutilisées

facilement, elles sont données (à des artistes ou des prêteurs) ou mises à la benne.

L’exploitation d’un parc permanent ou la réutilisation de vitrines fabriquées sur

commande sont donc autant d’actes de récupération allant vers une démarche plus

écologique et plus durable.

Fig. 11. La récupération des caisses de conditionnement et la transformation en vitrines au Musée

d’histoire de Nantes

71 Cf. Annexe 8, p. 18 : Réponse du Musée des Beaux-Arts de Tours. 72 Cf. Annexe 32, p. 145 et annexe 18, p. 43 : Complément iconographique sur les « objets ressourcés » du Musée d’histoire de Nantes et Notes prises au cours d’un entretien téléphonique avec le Musée d’histoire de Nantes.

43

Les socles

Prolonger la durée de vie des éléments de scénographie est un engagement que tient

l’atelier de préparation des expositions de la BnF de façon exemplaire. Malgré l’espace de

stockage réduit, les restaurateurs de l’atelier ont toujours eu à cœur de conserver depuis la

naissance du bâtiment des morceaux de cimaises, des encadrements mais aussi et surtout

des socles. Généralement créés par leurs propres soins, les socles en polyester ou plexiglas

sont systématiquement récupérés par les agents de l’atelier de préparation des expositions

à chaque démontage. Les critères de conservation dictent leur sort : si les socles sont

fendus ou abimés aux arrêtes et qu’ils mettent en péril la bonne conservation de l’œuvre,

ils sont retaillés ou jetés. Généralement, ce cas se présente peu. En effet, 80% des supports

fabriqués par l’atelier sont récupérés et stockés dans une petite réserve attenante à l’espace

de confection [Fig. 12 et Fig. 13]

Fig. 12. La récupération de socles par l’atelier de préparation des expositions, BnF

Fig. 13. La récupération des encadrements par l’atelier de préparation des expositions, BnF

44

Si les matériaux utilisés pour la fabrication des socles (polyester, polyéthylène) sont

issus d’une ressource non renouvelable qu’est le pétrole et ont donc une incidence sur

l’environnement, leur usage raisonné et leur réutilisation constante par les agents en font

des matériaux durables. Comme nous le confirme Frédérique Vincent :

« […] L’utilisation de matériaux à base de pétrole comme les plastiques présente des

avantages malgré leur empreinte carbone. Dans le cadre d’une vision de la conservation à

long terme, l’utilisation de matériaux pérennes, neutres et adaptés à la conservation des

collections est intéressante plutôt que d’utiliser des matériaux de moins bonne qualité qu’il

faudra remplacer à court ou moyen terme. »73

Pour l’exposition “Miniatures flamandes”, tous les socles en plexiglas utilisés avaient

déjà été utilisés auparavant74

. De la même manière, la majorité des cartons neutres servant

de supports pour les documents en vitrines dans l’exposition “Presse à la Une” ont servis

de fonds d’encadrement sur les expositions précédentes.

La politique de récupération est donc bien ancrée dans le travail quotidien du personnel

de l’atelier de préparation des expositions de la Bibliothèque Nationale de France. Elle

donne de la durée au temporaire. La réutilisation des éléments de scénographie permet

d’inscrire dans un processus durable ce qui est à l’origine prévu pour être limité dans le

temps. La récupération consiste souvent à réemployer tel quel. Toutefois, l’élément peut

aussi être réutilisé après avoir subi une transformation. Il devient alors un produit valorisé.

2. La valorisation des rebuts d’exposition

La valorisation des rebuts d’exposition s’avèrerait être la solution la plus satisfaisante en

termes de développement durable. Elle n’est pas seulement une gestion de fin de vie éco-

responsable, elle offre une véritable seconde vie à l’élément scénographique transformé et

s’inscrit dans un réel processus durable. C’est dans cette optique que Pierre Chotard,

responsable des expositions temporaires au Musée d’histoire de Nantes, et Guillaume

Rovet, responsable de l’association L’écume des arts, établirent un partenariat visant à

73 Frédérique Vincent, « La conservation préventive et développement durable » in La Lettre de l’Ocim, mars-avril 2012,

n°140, p. 30. 74 Cf. Annexe 13, p. 32 et annexe 14, p. 34 : Entretien avec l’atelier de préparation des expositions de la BnF.

45

démonter, réutiliser et transformer les éléments constitutifs de l’exposition “La soie et le

canon” qui eut lieu à Nantes du 26 juin au 7 novembre 2010. Deux volets étaient

présents : le don de dispositifs scénographiques et la transformation de certains d’entre

eux en produits dérivés. Avant toute action, une réflexion en amont était essentielle. Il a

donc d’abord fallu rechercher des partenaires intéressés par la démarche et insérés dans le

réseau culturel de la ville de Nantes dont dépend le musée. Après avoir fourni une fiche

descriptive des éléments constitutifs de l’exposition, les partenaires devaient spécifier le

réemploi envisagé pour les éléments récupérés. Celui-ci devait alors être en accord avec

les intentions du Musée d’histoire de Nantes à savoir de participer de près ou de loin à une

action culturelle ou sociale. Après une analyse et une négociation des droits d’auteurs, des

conventions ont été signées entre les partenaires et le musée afin de céder légalement le

mobilier scénographique et en permettre une exploitation élargie. La bibliothèque et les

archives municipales ont ainsi récupéré des vitrines cloches et des socles en bois poutres

pour le réutiliser en tant que mobilier d’exposition. Le théâtre Universitaire de la ville a

choisi les structures scéniques et les présentoirs en métal pour faire un atelier de création.

Enfin, l’EPCC Arc’Antique a récupéré des caisses en bois contreplaqué pour en faire des

rangements et du transport d’œuvres d’art75

. Chaque partenaire avait à charge de procéder

aux enlèvements lors de l’opération de collecte organisée pendant le démontage. Au terme

de l’exposition, 86% du total démonté avait été réemployé, soit 7,9 tonnes de matériaux76

.

Outre cette récupération par d’autres institutions, certains éléments de mobilier furent

transformés en « objets ressourcés ». Ces produits dérivés présentaient une grande variété

de choix, allant du porte-crayon, aux pense-bêtes magnet en passant par le mobilier

décoratif [Fig. 14]. Chacun de ces produits était issus d’une fabrication locale permettant

d’intégrer le volet social dans la démarche. Ils étaient ensuite vendus à la boutique du

Musée d’histoire de Nantes à un prix couvrant uniquement les coûts de revient. Le projet

proposait donc une véritable intégration des divers aspects du développement durable dans

la phase de démontage de l’exposition temporaire et mérite de ce fait d’être souligné. Si

l’organisation complexe et le temps nécessaire à l’entreprise ne permet pas au musée de

Nantes de renouveler l’expérience tout de suite, Pierre Chotard signale qu’elle a permis de

75 Cf. Annexe 32, p. 145 : Complément iconographique sur les « objets ressourcés » du Musée d’histoire de Nantes. 76 Guillaume Rovet, « Objets ressourcés : une expérience de valorisation et de réemploi des rebuts d’exposition » in La Lettre de l’Ocim, mars-avril 2012, n°140, p. 23.

46

« faire vivre un réseau professionnel et d’inciter chacun à chercher un sens à la

réutilisation et la récupération du matériel. Ce projet a fait évoluer la préparation

intellectuelle des expositions temporaires et la gestion de leur fin de vie »77

.

Fig. 14. Scénographie de l’exposition La soie et le canon transformé en mobilier décoratif (table,

paravent, tabouret)

Tout comme L’écume des arts, l’association La réserve des arts vise à optimiser la

récupération et la valorisation des rebuts78

. De nombreuses entreprises, tous domaines

confondus, sont membres de l’association et fournissent chaque mois leurs déchets aux

bénévoles « valoristes ». Il s’agit aussi bien de papier, de cartons, de visserie, de fils de

couture ou de cuirs, qui sont alors entreposés dans la boutique de l’association et revendus

à prix réduits aux professionnels de la création [Fig. 15 et Fig. 16]. Comptant aujourd’hui

plus de 800 adhérents, l’association intervient ainsi à la dernière phase d’exploitation d’un

matériau pour le récupérer et le fournir aux créateurs. Des conventions de confidentialité

empêchent de citer les institutions muséales travaillant avec La réserve des arts. Seule la

participation du Centre Pompidou et du Palais de Tokyo dans cette démarche nous a été

révélée. C’est d’ailleurs dans cette dernière institution qu’avait lieu la vente des matériaux,

77 Cf. Annexe 18, p. 43 : Notes prises au cours d’un entretien téléphonique avec le Musée d’histoire de Nantes. 78 Voir le site http://lareservedesarts.org/

47

une fois par mois, avant qu’un espace boutique ne soit ouvert dans le quartier de

Belleville79

.

Fig. 15. Des matériaux en tout genre sont vendus aux professionnels de la création grâce à La

Réserve des arts

Fig. 16. La boutique de La Réserve des arts

79 Voir le site internet http://lareservedesarts.org/

48

La valorisation des éléments scénographiques est un domaine où la Bibliothèque

Nationale de France s’est aussi investie. Depuis 2008, un contrat a été passé avec la

société Bilum80

afin que les bannières signalétiques utilisées lors des expositions

temporaires soient récupérées et transformées en divers articles de bagagerie. Les

bannières sont donc collectées puis envoyées à la société Bilum où des personnes en

réinsertion procèdent à la transformation de l’objet, en réutilisant parfois d’autres éléments

de récupération tels que des ceintures de sécurité pour faire les bandoulières des sacs. La

robustesse des matériaux utilisés s’ajoutent ainsi à la contribution écologique de cette

société située à moins de 5 km de la BnF. L’origine des matières (issues de la

récupération) et leur solidité confèrent en effet à ces sacs un véritable aspect durable. La

cession des bannières graphiques n’a pu se faire légalement que par l’engagement de la

directrice générale adjointe de l’époque, Valérie Vesque-Jeancard, en termes de

responsabilité. Cette prise en charge a ensuite fait école et a permis à d’autres institutions

comme la Pinacothèque ou la Cité des Sciences, par exemple, de se lancer dans la même

voie. La valorisation des rebuts d’exposition est une entreprise complexe et lourde à

mettre en œuvre. Elle requiert une anticipation et une organisation sans faille. Elle est

souvent le fait de quelques personnes volontaires et n’est que très peu choisie par les

musées pour gérer la fin de vie des dispositifs scénographiques. Dans le domaine du

développement durable, les associations ou bureaux d’études préconisent généralement

d’appliquer la règle des « 3R » : réduire, réutiliser, recycler. Il nous tenait à cœur d’y

insérer le « V » de valorisation, mais aussi d’aborder le « C » de cession, car chacun de

ces termes doit être envisagé comme une solution possible pour la gestion de fin de vie

des déchets d’exposition.

3. La cession solidaire

À la question « un système de don des mobiliers et dispositifs en fin de vie est-il mis

en œuvre ? », la plupart des institutions muséales ont répondu par la négative81

. Le cadre

juridique contraint en effet les musées publics à passer par les Domaines s’ils souhaitent

céder un élément constitutif d’une scénographie. Achetés avec l’argent du contribuable,

80 Voir le site http://www.bilum.fr/ 81 Cf. Annexe 4 à 9, p. 10 à 20 : Ensemble des réponses au questionnaire.

49

ces dispositifs ne peuvent qu’être vendus et doivent être traités à travers une procédure

lourde et fastidieuse. Le poids administratif de cette démarche décourage bien souvent les

institutions. Pourtant, celle-ci pourrait être envisagée de manière simplifiée. La signature

de conventions précisant le transfert de responsabilité, les modalités de droits d’auteur et

les intentions de la réutilisation permettrait de céder les dispositifs plus aisément, comme

nous avons pu le voir précédemment avec L’écume des arts et la société Bilum. Plusieurs

institutions contournent le cadre juridique en privilégiant le bon sens de la cession

solidaire à la procédure administrative. C’est le cas du Quai Branly82

, du MAC/VAL

lorsqu’il fait don de vitrines spécifiques à des artistes83

, ou encore du Musée Calvet

d’Avignon qui cède son mobilier en fin de vie au « cas par cas »84

. Le Musée de Grenoble,

quant à lui, a fait don à des MJC de maisons en cartons construite par l’institution pour des

ateliers de création plastique dans le cadre de l’exposition “Chagall” 85

[Fig. 17]. La

cession solidaire n’est pratiquement jamais envisagée par les musées lors du démontage

des expositions temporaires. Pourtant, nombreux seraient les demandeurs parmi les

compagnies de théâtre, les cirques, les centres aérés, les artistes, et bien sur les petits

musées. Avant de tout envoyer à la benne, il reste à appliquer de dernier « R » de la règle

de trois.

Fig. 17. Maisons construites par le Musée de Grenoble lors d’un atelier de création et données à

une MJC

82 Gérard Bailly nous a indiqué que le Quai Branly avait déjà fait don d’éléments scénographiques à des associations. Toutefois, nous n’avons pas pu obtenir davantage de précisions sur ce sujet. Cf. Annexe 11, p. 27 : Entretien avec le

Musée du Quai Branly. 83 Cf. Annexe 19, p. 44 : Notes prises au cours d’un entretien téléphonique avec le MAC/VAL. 84 Cf. Annexe 9, p. 20 : Réponse du Musée Calvet d’Avignon. 85 Cf. Annexe 7, p. 16 : Réponse du Musée de Grenoble.

50

4. Le recyclage

Le recyclage est la dernière alternative possible avant l’incinération des rebuts

d’exposition. Il n’est pourtant que très peu pratiqué dans les musées : les contraintes de

temps et d’espace nécessaire pour procéder au tri sont les plus souvent évoquées.

Généralement, le recyclage s’effectue donc à l’échelle du bâtiment sans prise en compte

particulière des déchets liés aux expositions temporaires. Il concerne habituellement le

papier issus des bureaux, comme c’est le cas au MAC/VAL et la Bibliothèque Nationale

de France, ou encore le matériel électrique et informatique tel qu’il est pratiqué à la

Maison Rouge. À la BnF, les cannettes et les bouteilles plastiques sont recyclées depuis

2007, le papier et les piles depuis 2000 et le pilon des ouvrages périmés existe depuis la

construction du bâtiment en 199686

. Ce dernier consiste à récupérer les agendas périmés et

anciens numéros des revues éditées par l’institution (Trajectoires, Chroniques) pour les

broyer et en faire par la suite du papier d’impression pour la presse. En 2011, 133 tonnes

de documents ont été envoyés au pilon et 58 tonnes de janvier à mars 2012. Les toners

d’imprimantes sont aussi séparés des déchets courants : entre juin et décembre 2011,

environ une tonne de toners ont été recyclés87

. Le tonnage des papiers est aussi

conséquent. Mis dans un bac à part par les agents de la Bibliothèque, le papier est ensuite

ramassé par la société de nettoyage et de ramassage de déchets, la société SEPUR. Une

vingtaine de bacs sont donc ramassés sur le site F. Mitterrand, cinq fois par semaine. Si le

trie et le recyclage du papier fonctionne aujourd’hui correctement, ce n’est pas le cas des

déchets de l’atelier de préparation des expositions et des rebuts des expositions

temporaires. En effet, les déchets de l’atelier sont considérés comme des déchets

industriels et sont alors mélangés puis mis à la benne. Or, la plupart des déchets émis par

l’atelier sont recyclables : cartons, plastiques, bois. Le véritable frein vers un tri sélectif est

donc économique. Les déchets ne sont pas produits en quantité suffisante pour que des

containers soient mis à disposition et que des transports soient organisés. La rentabilité

serait moindre. Comme nous l’a confié Zajia Aouimer de la société SEPUR88

, pour

pouvoir être rentable, il faudrait que l’atelier de préparation des expositions produise

régulièrement près d’une tonne de déchets afin qu’une benne de 15m3 soit remplie et

86 Cf. Annexe 17, p. 41 : Entretien avec la cellule entretien de la BnF 87 Cf. Annexe 33, p. 147 : Tableaux de suivi des déchets à la BnF 88 Cf. Annexe 20, p. 45 : Notes prises au cours d’un entretien téléphonique avec la société SEPUR.

51

enlevée. S’il est regrettable que rien de ce qui est émis par l’atelier ne soit recyclé, nous

pouvons tout de même nous satisfaire des quantités minimes de déchets qui prouvent que

la méthode de récupération et de réemploi des fonds d’encadrement et des socles par les

agents est efficace. Les rebuts liés à la scénographie de l’exposition temporaires, quant à

eux, sont directement envoyés à la benne, sans tri préalable. La pensée commune renvoie

vers l’idée que les cimaises recouvertes de peinture et conçue parfois en matériaux

composites ne seraient pas recyclables. Un entretien téléphonique avec Mme Aouimer a

permis de découvrir que cela n’était pas le cas : les bois peints, collés, agglomérés,

pourraient en effet être « broyés en paillettes puis transformés en bois bas de gamme ». La

société SEPUR ne traitant que du ramassage des déchets, le tri devrait donc être réalisé au

préalable par les agents de la Bibliothèque Nationale de France. D’autre part, un suivi

précis du ramassage des déchets effectué par la société SEPUR permettrait à la BnF de

savoir ce qu’il advient de ses rebuts et, à terme, d’en maîtriser totalement la fin de vie.

Dans les institutions muséales, il est évident que l’engagement dans le développement

durable péche à ce stade de la production de l’exposition temporaire : à son démontage. Il

s’agit pourtant d’une phase essentielle où l’ensemble des efforts portant sur le respect de

l’environnement peuvent alors prendre leur sens. Certaines institutions y parviennent

néanmoins. Le Musée des Beaux-Arts de Lille et le Musée de Grenoble font partie des

rares exemples procédant au tri de tous les déchets en vue de leur recyclage. À Lille,

l’institution trie systématiquement les déchets générés par les expositions

temporaires grâce à des containers mis à disposition pour la mousse, le bois, et le tout-

venant. Au cours de ce rapport, nous nous sommes attachés à dire que la gestion de fin de

vie des matériaux pouvait et devait s’anticiper. Cette notion a bel et bien était saisie par

l’institution lilloise qui réfléchit en ce moment même à la fabrication de cimaises en

carton triple cannelure89

. Le matériau de conception pourra ainsi être recyclé au

démontage.

89 Cf. Annexe 5, p. 12 : Réponse du Palais des Beaux-Arts de Lille.

52

Conclusion

Le patrimoine doit être transmis aux générations futures, le développement durable vise

à les protéger. L’un comme l’autre se tourne vers l’avenir.

La notion de temps est ici fondamentale. Mieux gérer la fin de vie des matériaux

utilisés pour concevoir une exposition consiste à donner du temps à l’éphémère.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le « durable » peut donc s’accorder avec le

« temporaire ». L’éco-conception, l’optimisation des transports et la récupération des

matériaux participent toutes à cette démarche durable, respectueuse de l’environnement. À

chaque phase de la conception d’une exposition temporaire, des moyens peuvent être mis

en œuvre pour réduire l’empreinte écologique qu’elle génère. Pour ce faire, il est

primordial d’avoir une approche globale et de mener une réflexion allant de l’avant-

conception jusqu’à la gestion de fin de vie des dispositifs. C’est certainement ce long

chemin à étudier et contrôler qui freine les initiatives. L’avant doit être pensé avec l’après.

Pour y parvenir, les institutions muséales requièrent inévitablement des moyens humains

et financiers. Toutefois, si l’engagement dans des démarches de développement durable

paraît complexe, il ne dépend souvent que du bon sens et de la volonté de certains

protagonistes.

Or, le développement durable ne pourra se réaliser que s’il est porté par une envie

commune de changer les habitudes de travail. La sensibilisation des personnels est donc

essentielle. Imposer parfois l’éco-conditionnalité dans les marchés passés avec les

prestataires peut être une autre solution. Il faut ainsi parvenir à généraliser des pratiques

éco-responsables par la sensibilisation des agents et pérenniser la prise en compte du

développement durable dans l’institution par l’inscription de clauses particulières dans les

cahiers des charges. Mais rien de tout cela n’a de sens s’il n’existe pas de suivi des déchets

53

et d’attention portée sur leur fin de vie. Des associations existent et des partenariats avec

elles sont possibles pour éviter que tout parte à la benne sans distinction. Les théâtres, les

écoles, les Maison de la jeunesse et de la culture sont autant de demandeurs qui pourraient

récupérer et valoriser les rebuts d’exposition.

L’objectif de ce rapport n’est pas de construire une vision idyllique de ce que pourrait

être l’intégration d’une politique de développement durable au sein des institutions

muséales. Il ne s’agit pas non plus de construire une liste de bonnes manières et de faire

des recommandations précises. Il s’agit davantage de reconnaître les difficultés de cet

engagement mais aussi et surtout de montrer que des choses ont déjà été réalisées et que

d’autres sont à poursuivre. L’enquête menée a permis de souligner les initiatives des uns

pour inspirer les autres. Les entretiens avec les divers protagonistes de la production d’une

exposition temporaire- scénographes, régisseurs, transporteurs, membres associatifs,

agents de ramassage des déchets – ont bien souvent été l’occasion de constater certaines

actions menées mais aussi d’en faire découvrir. Au terme de trois mois de stage où les

montages et démontages s’en sont suivis, c’est bel et bien cette envie de faire connaître les

initiatives prises et à prendre en termes de développement durable qui se dégage ici.

54

Crédits photographiques

Fig. 1. Internet (site Wikipédia)

Fig. 2. Aude Porcedda, Musées et développement durable, Paris, La documentation

française, 2011, p. 121.

Fig. 3. BnF/ David-Paul Carr, La Lettre de l’Ocim, mars-avril 2012, n°140, p.12.

Fig. 4. BnF/ Pascal Lafay, La Lettre de l’Ocim, mars-avril 2012, n°140, p. 11.

Fig. 5. BnF/ David-Paul Carr, La Lettre de l’Ocim, mars-avril 2012, n°140, p. 10.

Fig. 6. Aude Porcedda, Musées et développement durable, Paris, La documentation

française, 2011, p. 112.

Fig. 7. Photographie personnelle

Fig. 8. Photographie personnelle

Fig. 9. BnF/ Emmanuel Nguyen Ngoc, La Lettre de l’Ocim, mars-avril 2012, n°140,

p.13.

Fig. 10. Photographie personnelle

Fig. 11. Alain Guillard et Guillaume Rovet, complément iconographique fourni par

Guillaume Rovet de l’association l’Ecume des arts

Fig. 12. Photographie personnelle

Fig. 13. Photographie personnelle

Fig. 14. Alain Guillard / Guillaume Rovet, La Lettre de l’Ocim, mars-avril 2012,

n°140, p. 24.

Fig. 15. Photographie personnelle

Fig. 16. Photographie personnelle

Fig. 17. Photographie fournie par Isabelle Varloteaux du Musée de Grenoble

55

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L’ensemble du mémoire a été imprimé avec du papier recyclé (50%) et certifié PEFC.