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ARTC-B-462 Notes 2007-2009 L’art cinématographique, son histoire et ses moyens d’expression II : approche spécifique – D. Nasta La Warner Bros NB : Support synopsis + textes dans le syllabus LISTE DES FILMS A VISIONNER : The Jazz Singer (A. Crossland, 1927) Gold Diggers of 1933/35 (B. Berkeley) Footlight Parade (L. Bacon, 1933) Public Enemy (W. Wellman, 1931) Jezebel (W. Wyler, 1938) Mildred Pierce (M. Curtiz, 1945) Casablanca (Curtiz, 1943) The Maltese Falcon (J. Huston, 1941) Rebel Without a Cause (N. Rey, 1955) A Streetcar Named Desire (E. Kazan, 1951) Baby Doll (Kazan, 1956) 1

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ARTC-B-462 Notes 2007-2009

L’art cinématographique, son histoire et ses moyens

d’expression II : approche spécifique – D. Nasta

La Warner Bros

NB : Support synopsis + textes dans le syllabus

LISTE DES FILMS A VISIONNER   :

The Jazz Singer (A. Crossland, 1927)

Gold Diggers of 1933/35 (B. Berkeley)

Footlight Parade (L. Bacon, 1933)

Public Enemy (W. Wellman, 1931)

Jezebel (W. Wyler, 1938)

Mildred Pierce (M. Curtiz, 1945)

Casablanca (Curtiz, 1943)

The Maltese Falcon (J. Huston, 1941)

Rebel Without a Cause (N. Rey, 1955)

A Streetcar Named Desire (E. Kazan, 1951)

Baby Doll (Kazan, 1956)

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I. INTRODUCTION

Paradigme du studio : il a un rôle important dans l’histoire du cinéma. C’est un micro-

univers familial qui permet de suivre les acteurs, les réalisateurs…

D’une manière générale, c’est entre les années 1920 et 1950 qu’ont eu lieu les plus grandes

innovations au niveau du jeu et du genre. Après, ce sont plutôt des innovations

techniques/technologiques et rien d’autre.

La première fois qu’on brise les tabous (avant les producteurs indépendants), c’est Kazan et

la Warner.

LA FAMILLE WARNER

Au départ 9 frères, il en restera 4. Famille juive qui quitte les pogroms d’Europe. Dès qu’ils

touchent le sol américain, ils veulent rendre compte de la réalité européenne. C’est une

entreprise familiale qui recherche l’opportunité qu’on trouve aux USA. Ils arrivent au

moment où s’ouvre le monde cinématographique (1910-20), et décident donc de s’y

investir : petits métiers sur la côte Ouest.

Ils veulent absolument garder leur particularité européenne : idée de patrimoine, de

continuité, de pérennité, intérêt pour leur origine juive israélite. Cela est associé à un désir

d’américanisme, qui les fera constamment rester en contact avec des journalistes et des

auteurs US, et explique leur proximité avec le milieu de Broadway, les pièces musicales...

Ils ont très peu de moyens, leur mot d’ordre est donc l’efficacité : budgets draconiens qu’ils

ne dépassent pas, sévérité opposée à l’esprit des années folles. Ils compensent ce manque en

développant des droits d’adaptation : énorme groupe de scénaristes.

Lors de la construction des studios, ils s’associent à d’autres sociétés spécialisées (gestion,

décor etc.…).

Après le département des scénaristes, le 2e plus important est celui de la composition

musicale : idée d’accompagner le spectateur pour qu’il comprenne mieux l’action.

Les réalisateurs sont engagés sous contrat exclusif le plus longtemps possible. Au début, ils

sont considérés comme de simples artisans qui obéissent aux fils conducteurs de la Warner

(efficacité, économie…). Progressivement, les stratégies de la Warner vont changer, et des

réalisateurs, par exemple Curtiz, vont réussir à imposer leur marque.

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Les comédiens, aussi engagés sous longs contrats, doivent pouvoir tout jouer, s’adapter à

n’importe quel rôle. (Parfois il y a des exceptions : emploi unique d’un acteur spécifique,

comme Ingrid Bergman pour « Casablanca »).

LA TRANSITION CINEMA MUET-PARLANT

Tout d’abord, il faut souligner que le cinéma n’est pas complètement muet : il y a toujours un

accompagnement musical au piano. Vers 1908-10, on fait quelques essais avec un

gramophone, mais les résultats ne sont pas satisfaisants et on revient au piano.

Dès 1925, se développent les muets sonorisés : une bande-son musicale sur pellicule

accompagne les projections, mais il n’y a toujours pas de dialogues parlés.

Don Juan, de (…) : innovation qui fonctionne bien avec l’introduction d’instrumentaux.

Après ce film, la Warner décide de lancer The Jazz Singer et cela connaît un grand succès. Il

n’y a que 2 minutes de dialogue, mais l’intensité est telle qu’on sait à l’avance que le cinéma

sera désormais parlant.

The Jazz Singer , A.Crosland, 1927.  

Film sur l’israélite, le phénomène ghetto. Basé sur une pièce homonyme de Broadway (S.

Raphaelson). L’acteur principal, Al Jolson, joue le fils d’un rabbin renié par son père car il

préfère chanter du jazz que des chants religieux à la synagogue.

Le film est composite, hétéroclite et complexe par la variété de ses thèmes :

- Thème du passage à la modernité : Mittel Europa vs. Usa, autorité paternaliste vs.

libéralisme, confrontation entre chanteur de la synagogue et chanteur de jazz.

- Problématique raciale : l’acteur est blanc mais maquillé en noir pour chanter du jazz.

- Sujet ethnique qui mêle tradition juive et vaudeville, ouverture du monde du ghetto.

- Humour juif, humour situationniste américain.

Caractéristiques techniques :

- Logique cinématographique du muet, mais en même temps la focalisation sur le

passage au parlant est constante. Intertitres informatifs

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- Grande économie de moyens visuels : cross-cutting, il y a très peu de trajet entre les 3

endroits, énormément d’informations en peu de temps. C’est la technique de l’ellipse

qui permet la continuité et la contraction.

- Grand souci d’authenticité au niveau des acteurs : peu de maquillage, éléments

composites qui font un caractère, c’est plus réaliste que beau. Il y a donc une

modestie par rapport au phénomène du star-system hollywoodien.

- Musique programmatique qui illustre, conditionne les scènes (comme dans les muets

sonorisés) : rapidité, efficacité, tension émotionnelle… Ici elle fait référence à la

musique yiddish, et aussi on y trouve des introductions de Debussy, Tchaïkovski…

Technique du ‘mickey mouse’ : synchronisme absolu du son par rapport aux actions.

Utilisation de leitmotivs musicaux.

- Grand soin des descriptions : ici d’une société basée sur l’artisanat et sur l’activité

familiale.

- Efficacité : Répétition des espaces connus, reconnaissance des persos qui sont les

pareils et ont quand même changé, situations familières.

- Paradigme warnérien de la mère : l’affection de la mère est surdéveloppée.

Démonstration de la tendresse typiquement européenne (en opposition avec la

restriction, l’austérité protestante).

- Idée d’urgence, d’immédiateté constante et à tous les niveaux.

La scène parlante : principe de la catch-phrase, la phrase qui interpelle et qui répond à la

double exigence d’efficacité et métaphore. En 2 minutes de paroles se déploie un univers,

une prégnance, une valeur de progression et de réalisme.

Al Jolson parle tout en continuant de jouer au piano, ce qui instaure une bilatéralité entre

muet et parlant.

Il explique à sa mère qu’il va chanter le morceau religieux, ancien, en version jazz -> symbole

du changement. Lorsque le père apparaît, le silence s’installe et il y a reprise des intertextes -

> symbole de la tradition étouffante.

On voit que Crosland punit le silence : le fils défend la modernité, le son, la musique. La

parole fait vivre ce clash dialectique des valeurs.

A l’époque, la Warner est la seule à favoriser le son direct.

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II. LA COMEDIE MUSICALE ( MUSICAL )

Dans le contexte des 30’s, pleine dépression, il y a un désir de donner une échappatoire au

public. Ce n’est pas un produit né du cinéma (cf. Broadway), mais ce dernier se l’approprie

en y changeant des éléments.

A la Warner, les producteurs ne sont pas nécessairement spécialistes des comédies

musicales, excepté Berkeley. Il a une formation militaire (manœuvres) et de chorégraphe, et

va inventer le musical collectif (donc pratiquement pas de solo ou de duo) : on retrouve donc

l’hypothèse communautaire typique de la Warner (>< à F.Astaire, G.Rogers).

Malgré le code principal du musical qui est de masquer la réalité en l’ornementant et en

l’édulcorant (cabaret de luxe, exotique), on a toujours l’idéal social sous-jacent. Berkeley

réussit à mélanger les styles ancien et neuf. Il va introduire un sous-texte (subtext) ironique

qu’on nommera « Understatement ».

Sous-catégorie de la Warner qui illustre des situations sociales, via les sous-textes. On le voit

dans l’intrigue et la manière dont elle est traitée : vocation des personnages de faire mieux,

double ambition au niveau du spectacle et de la société. Au début, on a cette situation de

crise qui va être ensuite résolue par la magie du spectacle. À la fin du film il y a un réveil par

rapport à ce beau rêve et un retour à la réalité se fait.

La comédie musicale existe depuis le début du siècle, donc elle n’est pas un produit né avec

le cinéma. Berkeley se contente de se l’approprier et le transforme par la vocation qu’il a

d’intégrer ses propres spécificités (plans, découpages etc.).

Il y a donc beaucoup de changements par rapport à la scène classique.

Caractéristiques :

- Backstage, la catégorie principale de la Warner : ce qui se passe en coulisses. ≠ MGM,

on retrouve autre chose (ex : Astaire, Rogers)

- Production numbers : numéros dansés qui présentent les spécificités de la boîte.

- Il y a toujours nécessité de sortir du rêve après avoir résolu la situation de crise par

le spectaculaire.

- Esthétique des décors et des chorégraphies : on retrouve les influences artistiques

des mouvements d’avant-garde européens (Cf. Anton Grot, peintre décorateur

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d’origine allemande, il commence fin des années 20’ chez Warner). Phénomène de

désanthropomorphisation typique. Donc, on est en pleine sophistication moderniste,

on va passer du concret à l’abstrait. Pourquoi retrouve t’on ce style ? Car les

réalisateurs-artisans SONT européens et mettent leur influence en place. On pense

notamment à RAUCSH qui crée une chorégraphie en accord avec les standards

hollywoodiens mais avec aussi les influences européennes.

- Musique traditionnelle, et esthétique fin de siècle, classique. Il est à noter que nous

sommes au début du « dansant » don l’usage de cette musique est normal. C’est

Berkeley qui va harmoniser les deux sur ses chorégraphies.

Footlight Parade , L. Bacon, 1933.

Intrigue de Backstage Musical. Encore très gauche, primitif. James Cagney et Joan Blondell,

les 2 protagonistes, joueront énormément de musicals. Cagney est l’acteur qui incarne la

Warner : mauvais garçon qui refuse l’esthétisme par son allure. Le code Hayes n’est pas

encore généralisé à l’époque, et certaines scènes sont donc encore assez osées.

(*) Extrait 1 : Prologue

Caractéristiques :

- Texte simple et géographie formelle accessible. Danses peu sophistiquées.

- Mélodie facile à comprendre.

- Hypothèse animalière mais qui garde l’aspect humain via les costumes. C’est une

caractéristique du back stage.

- Sérialité : il y a plusieurs mêmes personnages, mais aussi un désir de diversité

physique chez les danseuses.

- Système de double discours, multiculturalité warnérienne. Il y aura des enfants, des

nains, etc. toute une panoplie, ce qui crée des sous-textes, de l’ironie…

(*) Extrait 2, Morceau complètement autonome : homme qui cherche une femme, veut

reconquérir son amour etc.… On comprend l’ensemble sans avoir besoin de connaître le

reste du film.

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On y retrouve un double scénario : une quête + une manière dont sont conçus les numéros.

Déjà, au début, on a des cellules de dialogues qui s’enchainent.

Caractéristiques :

- Multiculturalité (ex : Casablanca)

- Travelling latéral, sans l’arrêter, chaque groupe social est parcouru dans la continuité

des chants dialogués, et ils sont tous différents.

- Image du mauvais garçon. Le personnage qui est à la recherche est la grande star des

années 30, il incarne l’esprit de la Warner : il sait tout faire, c’est un mauvais garçon

qui veut bien faire, il refuse l’esthétisme, mais veut montrer son essence. C’est le

héros Warnérien.

- Obligation de la danse individuelle lorsque le couple se rencontre (cf. danse de

claquettes sur une variation jazzy du leitmotiv).

- Influence expressionniste : contrastes, ombres, couleur noire, surcadrage, grillage

dans la salle des femmes, sérialité des regards.

- Influence art déco : décors géométriques, ombres. Le cadrage est contenu dans la

perspective exotique car l’art déco travaille beaucoup sur le métissage entre la

structure géométrique et exotique (Asie, etc.)

Gold Diggers of 1933, M. Leroy et B.Berkeley.

Une chercheuse d’or est une femme à la recherche d’un mari riche. Rappel du tragique de la

1ère Guerre Mondiale : problématique des femmes seules, laissées car leurs hommes sont

envoyés au front. C’est très ironique par rapport à la situation de crise. On est dans

l’évocation, la mémoire du passé.

(*) Extrait 1 : chanson synthétique (« Remember my forgotten Man ») qui reprend la

victimisation de la femme. Dès la deuxième phrase, on a une idée pacifiste sur la thématique

de la femme seule, abandonnée, qui doit reprendre une identité Pas de danse, juste une

marche militaire.

(*) Extrait 2 : Symbole du temps mesuré, la fête a une fin. L’extrait est un intermezzo, on

peut le supprimer, mais il a une fin esthétique, c’est un exercice de style.

Caractéristiques :

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- Stratégie évocative warnérienne ; vision collectiviste (aide, justice).

- Focalisation sur le gros plan des visages, diversité des femmes.

(*) Extrait 3 : « Faire la cour dans le parc » Petting in the Park.

- Hypothèse de dématérialisation de la danse, qui devient très vite abstraite. C’est une

alternative, mais on garde la continuité du récit. Pour le passage du réel à l’abstrait,

utilisation d’un monorail qui permet de garder le + grand plan possible en

conservant les mouvements (tous les éléments mobiles sont utilisables). Il garde la

logique du divertissement (entertainment).

- Influence art déco : architecture, utilisation du métallique, géométrie monumentale

circulaire, ombres chinoises, matérialité affirmée. Obsession pour cette forme

circulaire, plus tard ce sera le triangle.

- Transgression érotique très mesurée, subtile, qui ne fait que renforcer la portée.

- Unité se sens, articulation grâce au mouvement. Travail très sophistiqué de

transformations infinies.

- La base musicale est facile, à varier par la suite.

(*) Extrait 4. Désincarner puis réincarner. Comment gagner ce double pari tout étant dans

cette ambiance un peu fleur bleue ?

L’influence est dans le mouvement, la géométrie, la caméra est toujours en mouvement.

Extrême esthétisation. Lorsqu’il y a des effets, des trucages, qu’on passe à l’objectuel en

modulation, ce qui intéresse, c’est cette idée chère aux décors de perspective en point de

fuite, la géométrie circulaire, mais aussi monumentale, verticale.

Il y a une grande innovation au niveau des dispositifs, et un retour aux origines avant-

gardistes. On revient au réel par l’horloge : formelle, temporelle, quantifiable.

Gold Diggers of 1935 , B.Berkeley.

Idée du rêve absolu en pleine période de dépression.

(*) Extrait 1, The lullaby of Broadway (la berceuse de Broadway) : évocation très réaliste de la

vie citadine, et en même temps vie blues de la chanteuse. On voit le quotidien féminin,

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l’intimité. Synthèse totale entre le chant, la danse et l’avant-garde. Ici, on a un standard sur

la solitude de la chanteuse, de la femme qui travaille.

(*) Extrait 2: visage des poèmes d’Eluard, cf. photos de Man Ray précédé du gros plan sonore

(cf. Dancer in the Dark avec Bjork).

On a aussi un effet de masque : le visage est petit pendant longtemps, quasi inexistant. Il est

important de comprendre cette grande nouveauté point de vue esthétique. Là, on isole la

voix dans un espace dépourvu de présence, c’est très original.

On a toute la philosophie du siècle nouveau dans cet extrait.

Caractéristiques :

- Gros plan sonore : on entend, mais on ne voit rien.

- Citation surréaliste : au fur et à mesure, le visage de la femme à la cigarette se

rapproche et puis est transposé à la ville.

- Synthèse extraordinaire entre le temps, le mouvement, l’espace etc. : tout est dans

l’urgence. Ce n’est plus un Backstage Musical, ça explose et se déroule partout. (Cf. All

that Jazz)

- Parfaite continuité : le morceau est toujours en sous-texte.

- Décor monumental, géométrie art déco : plans vides où seule l’architecture génère le

sens.

- Les morceaux se terminent en scènes collectives.

III. LE FILM CRIMINEL

Que se passe-t-il dans la politique Warner, à partir du moment où l’on travaille hors du code

Hayes ? C’est le retour de la violence, du message direct (et non plus métaphore). En cette

période de Dépression (1927-33), l’hypothèse des gangsters est une réalité qui fascine aux

USA, et il faut divertir les gens.

Dans le film de gangster, il y a plusieurs genres : crime individuel, axé sur un personnage ; et

crime collectif, axé sur une organisation, sur une famille. La plupart de ces films sont

inspirés de faits divers. C’est l’éloge du mal, mais il y a tout de même une mise en garde

moralisante. On a une identification forte entre la configuration historique du moment et des

gangsters. Les producteurs sentent l’attrait du public, la fascination du mal à l’écran

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provoque une réaction de cause à effet. Ces films vont être sublimés, le montage sera fluide,

les dialogues en prise directe avec la réalité. À ce moment, on est à la limite du code Hayes,

mais il y a encore une élasticité assez grande, pas trop de violence, de sexualité. Public

Enemy ne respecte quasi aucune règle !

Public Enemy , W.Wellman, 1931.

La Warner contourne la logique du film de genre. Non-respect du code Hayes. Escalade vers

le mal. James Cagney est Tom Powers. Ici les droits d’adaptation sont passés par un roman

« War and Blood ».

Le jeu d’acteurs est caractéristique de la Warner, plurifonctionnel.

(*) Extrait 1 : Summary. Introduction.

- Grand Réalisme dans les plans du début sur 1909.

- Présence de la musique pour dynamiser le début. Après, il n’y en aura plus.

En moins d’une minute, la situation est plantée armée du salut, l’armée à côté et puis la

présence de deux enfants dans cette dualité.

Dès le début, on a cette présence de l’humour, de l’ironie, on a une grande mobilité de

l’action. On a envie de voir ce qu’ils vont faire faire comme bêtise, comment ils se jouent de

la police, comment l’idée de transgression est déjà présente.

Il faut un très bon scénario pour renverser la règle. On a une grande rapidité du geste, de la

réplique, de la sanction aussi. L’entrée en matière du crime organisé est immédiate, subite.

Les enfants agissent comme des adultes, travaillent avec Putty Nose qu’ils tueront plus tard.

(On retrouve la même chose que dans « Jazz Singer » où ils entrent dans un milieu

d’amoralité >< à l’univers de répression avec son père).

(*) Extrait 2 : Retour du grand frère. Thème biblique transposé : le frère qui revient estropié

de la guerre // Caïn et Abel. Le grand frère est pathétique, son jeu est mauvais >< Tommy

réplique bien, il est + vif et attirant.

À ce moment, on n’a toujours pas de musique.

Mais qui nous intéresse, nous stimule ? Le frère rentré de guerre au silence pesant ? Non,

c’est Tommy.

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Ici, la scène est presque théâtrale, on a quasi pas de montage, on a des champs-

contrechamps dans les plans. Une fois de plus, le pathos n’est pas recherché. Le jeu est

subtile, économique, retenu.

(*) Extrait 3 : Scène du pamplemousse. Pas de simulation de la part de Cagney. Tout est un

travail de dosage. On a beaucoup de plans de dos, de, et alors, on a cette scène de téléphone

qui d’habitude se présente en « split screen ». Ici, on a une dynamique qui vient de la grande

lisibilité de plans.

(*) Extrait 4 : Assassinat de Putty Nose. Meurtre hors champ, efficacité et refus du pathos.

Logique musicale autonome : quand il chante, il ralentit et cela annonce déjà la fin (de la

chanson, et de sa vie). La sobriété, la simplicité de l’ensemble donne plus de force.

(*) Extrait 5 : Tom à l’hôpital. 1re fin. Tom est alité, et même s’il n’a plus son assurance

physique il reste très attachant. Il a toujours cette présence, cette répartie, on réalise que le

mouvement n’est qu’un ajout à sa personnalité. Jeu de la mère délibérément infantile :

gestion du pathos par l’ironie.

(*) Extrait 6 : Préparation au retour de Tom, mort de Tom. 2e fin. Le frère présage le pire,

alors que la mère est toute heureuse. Quand il ouvre la porte, et que le corps de Tom tombe :

grande prégnance, le frère reste immobile, le regard vide. Il ne sait comment réagir contre le

crime organisé, pas d’alternative. Fin moralisante.

Caractéristiques :

- Sublimation, réalisme emblématique assez violent et sexiste.

- Jeu d’acteur : absence de pathos, masculinité (sauf dans la relation avec la mère). Le

public se transfert tout à fait sur le protagoniste, même s’il incarne le mal : le jeu est

très fort, donc le perso est très attachant et omniprésent. Tension constante, musique

non nécessaire.

- Summary : pour expliquer le déclenchement de la situation. Nécessité d’expliquer,

dès le début, le cheminement du personnage.

- Aspect documentaire : plans réels sur la rue pour décrire la période de la Dépression.

La situation est plantée en 1 minute (vente clandestine d’alcool, Armée du Salut

larguée, garçons délinquants…).

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- Lisibilité : association visible d’actions, mais syntaxe conçue à l’envers pour illustrer

la transgression.

- Aspect prédictif, moralisateur : rapidité du rythme qui montre la sentence finale.

- Entrée en matière directe : les garçons sont déjà comme des adultes, délinquance.

Symbole du café (// The Jazz singer) comme lieu immoral où l’on se sent bien.

- Problème de limite qui provoque des réactions inattendues. (Cf. scène du

pamplemousse).

- Amoralité : trafic d’alcool, perversité avec les femmes, sexisme. Mais aucune scène

n’est gratuite, cela montre le parcours de Tom vers le mal.

- Plusieurs niveaux de narration : mise en abîme de ce qui va se passer.

IV. LE MELODRAME

Fin années 30/début 40, c’est l’accomplissement de la Warner. Les films sont beaucoup

basés sur le système des stars, c’est un domaine réservé, cadenassé. Les acteurs sous contrat

accèdent à une dimension surhumaine, c’est la création de types humains immortels. Le

spectateur est dépendant, et il y a aussi le problème du stéréotype. Les comédiens de la

Warner sont les seuls à pouvoir garder un lien entre rêve et retour à la réalité.

Dans la décennie 35-45, on voit apparaitre les comédiens rois. Par exemple ; Bette Davis qui

n’avait pas été choisie par les studios pour jouer Scarlet O’Hara dans Autant en emporte le

vent. Elle va se venger en faisant appel aux scénaristes et réalisateurs pour le rôle de Jezebel.

Ce phénomène a aussi du bon, car grâce à la Star, on va innover.

Un autre élément de pouvoir va être la présence d’une musique qui s’inscrit dans une

certaine logique, car elle va configurer un prototype musical : drame, retenue, émotion, etc.

Jezebel , W.Wyler, 1938.

4 scénaristes, rôle central de Bette Davis. Beaucoup de moyens sont mis en oeuvre pour

mettre la star en avant.

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(*) Extrait 1 : scène du bal : Cet extrait montre l’incident déclencheur, la première

transgression. Ici, de nouveau, en moins d’une minute, on a tout : travelling, filmage à la

grue, au milieu, avec l’orchestre etc.

Il y a beaucoup d’exhaustivité (on retrouve la même chose avec Scorsese et Le temps de

l’innocence). Le dynamisme va solliciter le plaisir, la contemplation chez le spectateur.

La musique souligne la singularité féminine, le côté rebelle de Julie. Le contexte est planté :

elle arrive en robe rouge au bal des débutantes, au lieu de porter du blanc comme toutes les

filles à marier. Comment Julie va-t-elle gérer l’adversité ?

Par des regards, par gestion physionomique. Le manque de réaction, de crédibilité au

niveau de l’échange installe la tension. C’est intéressant car Henry Fonda (Press) est un

comédien très retenu, mais, dans l’angoisse, il va l’utiliser. La tension va passer par le

travelling subjectif, et là, plus de musique. La musique qui doit bercer et accompagner ici

punit, elle sanctionne Julie, qui veut quitter la salle. Tout renforce le côté dramatique, qui est

très puissant (cf. mouvement de la robe).

(*) Extrait 2 : retour de Press. Julie joue un rôle, on sait qu’elle fait semblant et qu’elle sera

punie d’une manière ou d’une autre. Amy, la femme de Press, est tout son contraire. Elle

représente le Nord, le stéréotype opposé à celui de femme du Sud qu’incarne Julie. Il est trop

tard pour le récupérer.

(*) Extrait 3 : Intermezzo musical (que l’on peut couper sans que ça influe sur la cohérence).

Julie connaît toute une série d’échecs répétés. La seule solution qu’elle trouve est de se

tourner vers les noirs de sa plantation. Elle prend enfin conscience que l’amour est dans la

communauté, dans l’ouverture à autrui. Contact sociétal warnérien.

(*) Extrait 4 : la fièvre jaune, c’est la fin. Julie va complètement changer. Dominante foncée =

ombres qui marquent la dualité des personnages. Musique légère en fond qui rappelle le

thème du bal, le passé. Back light qui inonde le plan, Julie est transformée par la douleur et la

souffrance, elle se rachète. Pas de fin heureuse, c’est une leçon.

Caractéristiques   :

- Musique qui colle parfaitement à l’action (cf. scène du bal).

- Esprit rebelle, transgression typique de la Warner.

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- Mobilité de la caméra : l’ensemble est montré en 1 min. Exhaustivité et réalisme

grâce à la maîtrise technique.

- L’adversité est gérée avec presque rien : regard, gestuelle. Le manque installe la

tension.

- Utilisation de l’ellipse : pour montrer le temps qui a passé. Retardement de

l’information pour créer le suspens.

- Caractère ambigu du personnage féminin.

- Economie, rapidité du récit.

- Réalisme représentationnel grâce au montage dynamique qui mêle plan de fiction et

plan de réalisme documentaire.

- Eclairage en 3 points : keylight pour mettre le visage en évidence ; backlight pour

renforcer la présence du personnage ; filllight pour renforcer la présence. Cet

éclairage donne plus d’impact au personnage. Il y a focalisation spectatorielle, on

veut créer une interaction avec le spectateur.

- Refus du pathos, du larmoyant.

Mildred Pierce , M.Curtiz, 1945.

Adaptation d’un roman de Kane. Histoire d’une femme trompée par son mari, qui doit se

débrouiller seule, mais sera freinée par la société.

Fin de la 2e Guerre Mondiale, la femme des 40’s est active. Grâce à ce film s’est développée la

théorie féministe au cinéma : il y a dualité de la femme, qui est active et séduisante. Le statut

acquis par la femme complexifie la culture et donc le cinéma, on ne peut retourner à la

femme passive du cinéma d’avant.

(*) Extrait 1 : synthèse qui définit le cadre et les personnages. Mildred ne révèle pas tout de

suite, il faut jouer un niveau en-dessous.

(*) Extrait 2 : Accumulation des éléments caricaturaux qui font comprendre la vie que

Mildred veut fuir. Elle veut absolument assurer un avenir à ses filles. Le discours du mari

annonce l’émancipation de Mildred. Mais on voit qu’elle ne sera pas assez forte pour

supporter son indépendance.

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(*) Extrait 3 : univers quotidien des filles et leur mère, qui n’ont pas besoin du père pour

affronter l’adversité.

(*) Extrait 4 : Ascension de Mildred Pierce. Elle devient une femme d’affaire redoutable. On

trouve dans le sous-texte un arrière-fond lesbien typique.

(*) Extrait 5 : elle décrit tout au spectateur, et ajoute qu’elle craint que sa fille apprenne son

métier. Complicité avec le spectateur. Elle monte très vite, cela annonce une plus grande

chute.

(*) Extrait 6 : Mort de sa fille cadette. Cela fait ressurgir son manque au rôle de mère, et elle

se consacre d’autant plus à son aînée.

(*) Extrait 7 : 1re conclusion du film. La motivation 1ère qu’elle tient durant le film, à savoir

l’accomplissement de sa fille Veda, s’écroule. Mildred se sentira toujours coupable, même si,

d’une certaine manière elle sera innocentée du crime.

Caractéristiques :

- Mise en scène européenne expressionniste : vagues, tonnerre, ombres qui reflètent

l’âme humaine.

- Economie de moyens, suspension qui donne un impact émotionnel très fort.

- Eclairage en 3 points.

- Refus du pathos : version très terre-à-terre des dialogues, langage typique de la

Warner.

- Dualité de la femme : affirmation de sa masculinité alors qu’elle est très élégante.

Dualité complexe de la femme par rapport à la société qui fait naître un sentiment de

culpabilité.

- Voix off (flashback) : typique du film noir. Le commentaire est une version très

féminine, en une phrase elle critique sa condition de femme au foyer.

- Synthèse des éléments visuels, et en même temps subjectivité par la voix, cela donne

2 points de vue.

- Prédestination mélodramatique : élément triste associé à un élément heureux.

Accomplissement dans la douleur.

- L’homme est un personnage ambigu : la situation ne sera jamais résolue, sauf dans la

mort.

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- Cassure entre les domaines de la famille et du travail.

- Switch pan (panoramique filé) : passage d’une temporalité à une autre.

- Narration non-restrictive : possibilité de voyager dans différents lieux, temporalités,

etc.

Casablanca , M.Curtiz, 1943.

Plutôt mélodrame de guerre que mélodrame classique, l’intrigue arrive très tard dans le

scénario. L’idée maîtresse du film est que l’Histoire est plus grande que la volonté humaine,

la passion des 2 protagonistes. C’est une vision typique de la Warner.

(*) Extrait 1 : Ilsa arrive au café de Rick.

(*) Extrait 2 : Confrontation des anciens amants.

(*) Extrait 3 : Rick se souvient de Paris.

(*) Extrait 4 : Scène de chant au café. Les nazis chantent, puis Rick lance la Marseillaise. On

voit Ilsa qui est perdue entre cette bipolarisation, elle doit choisir. Suit un gros plan sur une

autre femme (Yvonne, la française) beaucoup plus engagée, active. Et à nouveau un gros plan

sur Ilsa qui sourit, qui a choisit son camp

Caractéristiques   :

- Catch phrases

- Dialectique entre sphère privée et sphère collective, niveau social dans les dialogues.

Déplacement de l’intrigue personnelle au collectif. Extrapolation de l’histoire

individuelle sur l’histoire.

- Complexification : tout le temps des obstacles au retour du souvenir. Il n’y a pas de

continuité, à chaque x il y a une négation. Cela change complètement le principe

d’économie de la Warner : hypothèses, fausses pistes, répliques inachevées, on

prépare le spectateur. C’est une nouvelle forme d’attente : début d’évocation

classique (cf. violons, yeux embués…), qui est chaque x coupé, transgression.

- Autre façon de gérer la narration : évocation émotionnelle de la chanson et pas avec

les grands violons habituels d’Hollywood. Articulation en 3 parties.

- Gros plan des visages : on ne sait pas à quoi ils pensent.

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- Scénario conçu pour déjouer toute hypothèse de fiction.

- Le décor annonce la destinée du perso (Cf. Rick, alcoolique -> lumières tamisées,

sombres..). Apparition du héros moderne, dont la faille est grande.

- Le temps de l’évocation ne peut être configuré, c’est très différent de tout ce qui a été

vu précédemment. Pour évoquer le souvenir, il faut instaurer le temps mythique, il

faut réunir toutes les temporalités.

- Hédonisme : le bonheur de vivre l’instant est plus important que le passé ou le futur,

c’est ça le temps mythique. Ce qui justifie les personnages c’est une passion

universelle. Mais il y a toujours une reprise historique qui empêche le temps

mythique de s’installer, qui met fin à la passion. Ici, Laszlo est la métaphore de

l’Histoire qui prend le dessus.

- Regard hors-champ : Ilsa est dans le présent, mais elle pense constamment au passé.

- Laszlo et Rick sont chacun une facette d’une unité indivisible : symétrie stylistique

constante à travers le film.

V. CONTINUITE DE LA WARNER AU-DELA DU CLASSIQUE

Les 3 films suivants vont donner naissance à la technique de l’Actor’s studio, et marquent

des transformations et la pérennité de certaines règles.

Rebel without a cause , Nicholas Ray, 1955.

2 scénarios, 2 tendances qui sont caractérisées par 2 garçons. Film mythique par son

personnage principal, il y a un décalage entre la réception de l’acteur mythique (James Dean

mourra 2 ans plus tard dans un accident de voiture), et la réception du personnage même.

Sujet d’un jeune homme en rupture avec le noyau familial, avec la société, avec la manière

dont on gère les adolescents à l’après-guerre aux USA. L’autre garçon n’est en rupture de la

même manière. Contexte de crise pour les studios américains qui doivent se redéfinir. Boom

économique et problématique de la gestion de l’individu dans le monde sociétal.

(*) Extrait 1, commissariat : rouge qui connote l’importance du personnage. Jim est à la

périphérie du plan, il n’est pas dans une position honorable : c’est une révolution figurale à

l’époque. Forte contre-plongée pour donner du poids au commissariat pesant sur Jim.

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Interrogatoire de Plato, accompagné de sa nanny noire qui est une formidable mère de

substitution. Elle montre la tolérance ethnique warnérienne, et c’est par elle que passe toute

la perspective de l’abandon.

(*) Extrait 2, rencontre de Jim et Judy. Musique romantique qui encadre : interlude puis on

bifurque totalement, il faut un autre ton pour le dialogue, que Jim ne parle plus de manière

stéréotypée. Il faut partir sur une autre complicité.

(*) Extrait 3, le planétarium. Prologue de Jim qui dit ne pas vouloir faire partie du monde

communautaire, mise en abîme par le film sur la voie lactée : il veut être une particule libre,

comme les particules dans l’univers.

(*) Extrait 4, dispute avec les parents. Jim est en rupture par rapport au noyau familial. Ils

sont dans 2 registres de réaction différents : Jim est dans un registre réaliste, tandis que ses

parents sont dans le dramatique. Il est le paradigme du jeu de l’Actor’s studio : tête baissée,

déclarant des faits terribles sur un ton calme et en même temps réalise qu’il est incompris,

bras en diagonale qui donnent du poids et de la profondeur. La rupture est induite dans le

plan. La violence arrive comme une continuité, une conséquence, elle n’est pas hors champ.

Musique grave, qui rappelle une lecture plus classique.

(*) Extrait 5, défi en voiture. Scène d’action classique : dualité, conflit. Jim l’aborde malgré

tout différemment, en sautant au dernier moment de la voiture. Plusieurs niveaux de sens,

mais noyau psychologique. Plato croise les doigts et annonce ainsi l’amitié naissante.

(*) Extrait 6, ils se cachent dans la maison. Jim a trouvé une nouvelle famille : ses amis sont

le noyau reconfiguré en toute liberté. Judy et Jim sont les parents, Plato le fils, qui sera

sacrifié à la fin.

(*) Extrait 7. Il y a une 1re fin, sacrificielle : la mort de Plato. Elle relève de l’action induite, la

rébellion trouve continuité en Plato. 3 étapes : Jim prend conscience de la situation ;

Stylisation de la violence comme une chorégraphie, et niveau métaphorique ; Impudeur et

tristesse de Jim qui demande de l’aide à son père. La 2e fin est le planétarium en dernière

prise, symbole du retour au non-anthropomorphisme (cf. discours du prof, scène 3).

Caractéristiques, entre classicisme et nouveauté :

- Toujours même préoccupation du contenu social et de l’esthétique ;

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- Mélodrame : hypothèse qu’une action se développe, qu’il y a une fatalité. Happy end

avec le sacrifice du 2e personnage.

- Scénarisation plutôt classique : les phrases annoncent les faits qui auront lieu,

comme des clins d’œil…

- Pas de logique classique dans la manière de gérer les scènes.

- Caméra fixe et sons hors champ qui donnent un décalage perceptuel.

- Utilisation du cinémascope pour revêtir une fonction psychologique.

- Dimension scope : permet une grande hiérarchisation des différents niveaux de

narration. L’action a plusieurs centres d’intérêts. Simultanéité induite de micro-

histoires, hypothèse de fractionnement. Capture globale pour inciter le spectateur à

comprendre plus que les lignes d’action.

- Chromatisme : la couleur a une fonction active, elle suggère des états.

- Jeu d’acteur : homme emphatique, pas d’exagération, on ne canalise pas l’attention

du spectateur par un geste ou une attitude. C’est un autre type d’émotion qui répond

aux principes de marginalité (le personnage n’occupe plus le centre) et physicalité

(impudeur et intimité qui s’implique dans le spectateur comme une dialectique, pour

lui faire découvrir le personnage). Les personnages ont un poids psychologique, ils

ne veulent pas créer de dialogue, ne répondent pas ou de manière décalée. (Cf.

manière dont la logique de comportement est adverse, en décalage constant).

- Phrases très franches.

- Critique sociale qui s’installe rapidement et de façon insidieuse. C’est un travail à

partir de l’opulence. Jim agit à travers le cynisme pour répondre à son malaise : cris

hystériques, mauvaise articulation. Il n’y a pas toujours de causalité directe à son

agressivité.

- Programme musical de type classique, pour générer du sens.

- Connotation très sémaphorique des gestes.

- Radicalité de la mise en scène très moderniste.

- Système de référence où le profil psychologique du personnage est plus important

que le déroulement de l’action. Grande référence au sensoriel qui permet la

connaissance du personnage.

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- Intrusion du détail périphérique, étranger au film d’action, qui sera désormais

important dans tous les films.

- Grands temps de pause : réflexion du personnage, qui aboutit à un changement de

réaction mais pas toujours une action.

- Subjectivisation de la vision pour aller plus loin dans les possibilités.

- La part des médias est importante à l’époque, elle fait rentrer la délinquance dans le

domaine public.

- Scène en 2 étapes : mode déductif et mode très descriptif.

- Manière dialectique d’interroger le spectateur : mode continu, puis insidieux, puis

explosif. Il y a un constant va-et-vient entre ces modes.

Fin 40’s, la Warner est déjà intéressée par l’achat les droits d’adaptation de T.Williams, qui

est probablement l’écrivain cinématographique par excellence. On retrouve chez lui la

préoccupation sociale chère à la Warner et à Kazan.

Les thèmes chers à Williams sont :

- Pluri-ethnie, qui révèle surtout la typologie des USA : Nord et Sud, grands

propriétaires et parvenus, ruraux, noirs… Cette thématique des communautés ré

enrichit la Warner qui était revenue à un certain classicisme.

- Marginalité et altérité : les personnages ne sont rattachés à aucun groupe social, c’est

ce qui fait que les spectateurs les aiment.

Un tramway nommé désir , Elia Kazan, 1951.

Pièce phare aux USA. Avant de s’occuper de films, Kazan est un grand directeur de théâtre.

Avec ce film, il marque un passage dramaturgique entre théâtre et cinéma. Williams

collabore au scénario. Thématique de l’amour basé sur un viol, qui entraînera des problèmes

de censure (// Baby Doll). Cette négation se transformera en succès.

(*) Extrait 1, Blanche arrive chez les Kowalski. C’est une femme qui sort du Sud profond, qui

cherche à combler un manque. En opposition, Stanley est marginal, vulgaire, il exhibe son

corps. Le son de fond est un jazz tranquille qui contraste avec la tension dramatique de la

scène.

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(*) Extrait 2, partie de poker et dispute : la rage de Stanley est déclenchée par la jalousie.

Métaphore de la purification par la douche forcée. Ensuite il pleure : manifestation de la

fragilité malgré la force. Blanche représente l’antagonisme des sociétés étrangères aux USA

et provoque la colère de Stanley.

Caractéristiques :

- Changement du rapport au film, ce n’est plus du classicisme.

- Type de captation musical différent.

- Interrogation sur le décor cinématographique ; économie de moyens qui donne une

force.

- Ouverture vers une riche typologie humaine et rupture au niveau du jeu d’acteur.

Coexistence possible de plusieurs styles : Vivian Leigh est une grande actrice de

théâtre dont la manière de jouer rompt totalement avec la violence de Brando.

- Les personnages fixent leur marginalité à travers leur rapport au monde. Fragilité et

impudeur qui rend le personnage accessible, familier.

- Très cinématographique, même si ça semble théâtral.

- Thème de la confrontation des mondes, laquelle va créer un nouveau type de

dialogue.

- Le physique prend toujours le dessus dans la continuité du dialogue. On met une

logique dans les situations de grande intensité grâce à la physicalité et les états

psychologiques des personnages.

- Audition subjective (Kazan est en avance par rapport à tout le monde) : l’évocation

mentale ne passe que par le son, pas de flashback visuel (cf. instabilité mentale de

Blanche).

- Changements de registre très brusques : réception spectatorielle tout à fait nouvelle.

- Morale sous-jacente : le viol est mis en parallèle avec l’accouchement. Ce sont les

états consubstantiels de Stanley : marginal et rebelle, mais qui veut que la vie

continue malgré tout.

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Baby Doll , Elia Kazan, 1956.

Disparition totale de la mainmise des studios sur la création du réalisateur. Film à l’érotisme

décalé, il sera censuré par la Warner dès sa sortie. C’est un moment-clé qui généraliser le

cinéma indépendant. Ecrit avec la collaboration de Williams, combinaison de 2 de ses pièces.

(*) Extrait 1, introduction.

(*) Extrait 2, 1re séduction. Il y a 2 modalités narratives simultanées : une qui avance

(séduction) et une qui recule (révélation des méfaits du mari). La gestion d’une

complexification de l’action est ramassée en une scène plan contre plan sur la balançoire.

Intensité à 2 niveaux.

(*) Extrait 3, jeu de poursuite dans la maison en ruine. Chanson « Shame » est un grand

standard à l’époque, et fait sens dans la scène.

Caractéristiques :

- Grande métaphore de la confrontation du Sud et de ses valeurs face à un Nord plus

moderne.

- Baby doll, femme-enfant : nouveau rapport de séduction et nouveau niveau de la

féminité. Ici la typologie du rebelle vire au féminin. C’est une grande révolution : une

femme développe le caustique, l’humour, l’auto-ironie. Elle n’est pas une victime, et

assume sa position de femme-enfant, sa sexualité. Grande audace, peu de films ont

montré un tel niveau par rapport au rôle de la femme.

- Refus de la beauté masculine (≠ Brando, Dean) afin d’éviter qu’on s’attache au

personnage pour cette unique raison.

- Eloge de la marginalité, de l’étranger, de l’écart, de la transgression. Dimension sociale.

- Changements dynamiques de montage.

- Dimension poétique du personnage.

- Techniques poly sensorielles de l’Actor’s studio.

On assiste donc à la conclusion de l’ouverture instaurée par la Warner à ses débuts : grandes

possibilités même avec peu de moyens, flexibilité, capacité d’adaptation (typiquement

américaine). Ils arrivent ainsi à évoquer des thèmes actuels avec des sujets d’époques même

très anciennes.

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