la poésie urbaine

53

Upload: alice-le-pottier

Post on 07-Mar-2016

228 views

Category:

Documents


4 download

DESCRIPTION

Mémoire de recherches.

TRANSCRIPT

Page 1: La poésie urbaine
Page 2: La poésie urbaine

2

Page 3: La poésie urbaine

3

Urban space is one of our personality foundation and the space's experience plays an essential role in the

construction of our identity.

The body, whether mere a presence, a movement, a moving or a itinerary, reflects an infinity of expressions of

identities which contribute to urban poetry's creation.

As an urban memory, the city is a individual and collective experiences container, an urban languages container.

These languages are very personal, proper to a particular situation, a culture, to places and they define the

urban poetry.

People are involved in the urban poetry because of their spaces affective uses.

By creating a relationship with a picked place, they transform it in an urban habited space, an urban identifying

space, a poetic space.

Page 4: La poésie urbaine

4

Page 5: La poésie urbaine

5

La relation de l’homme à son environnement et plus

précisément à la ville, est au centre des préoccupations

contemporaines. Il n’est que de citer les ouvrages de Pierre Sansot1,

Henri Lefebvre2 et Raymond Ledrut3 pour comprendre à quel point

la ville, considérée comme une «poétique» ou comme l’expression

d’une dialectique économique et (ou) imaginaire, pose question,

suscite des réflexions toujours actuelles car elles mettent en jeu la

vie de l’homme dans son ensemble.

1 SANSO Pierre, La poétique de la ville, Petite bibliothèque Payot, 1973.2 LEFREBVRE Henri, Le droit à la ville, Economica, 1968.3 LEDRUT Raymond, L’espace social de la ville, Edition Anthropos Paris, 1968.Source image // Stépnie JUNG - Berlin

Page 6: La poésie urbaine

6

Page 7: La poésie urbaine
Page 8: La poésie urbaine
Page 9: La poésie urbaine

9

Le cadre bâti est un système complexe, amené à se transformer suite aux

mutations comportementales, sociétales et culturelles. Il est composé de bâtiments

publics et privés, d’espaces extérieurs et intérieurs, d’installations pérennes et

éphémères. Le cadre bâti est conçu et construit par l’Homme. La « mutation » se

définit à travers différents termes tels que le changement, la croissance, la conversion,

la métamorphose ou bien encore le passage d’un état à un autre et le mouvement

permanent.

La mégalopole, appelée « Ville générique » par Rem Koolhaas4 , est une ville

multiculturelle, en constante évolution et qui ne cesse de se transformer, tel un aéroport

relié avec le monde. Elle est la juste représentation d’une mutation du cadre bâti et est

un sujet d’étude riche et foisonnant auquel je me suis intéressée pour la composition

de ce mémoire.

Cette ville, que je nommerai « ville dense » est un lieu d’expression individuelle

et collective. Les rapports qu’entretiennent les individus avec le milieu urbain et plus

particulièrement la rue n’ont de cesse d’évoluer. La rue est le reflet d’identités multiples

et l’homme s’y exprime de multiples manières afin de transmettre un message, une

idée ou bien plus encore. Ces expressions forment et racontent ce que j’appellerai

le langage urbain, la poésie urbaine. Dans ce mémoire, j’analyserai de quelles manières l’homme participe t-il à la poésie urbaine.

Source image // Jasper James - City Silhouettes 4 KOOLHAAS Rem et MAU Bruce, S M L X L, The Monacelli Pres, 1997.

Introduction

Page 10: La poésie urbaine

10

9,7 m2050

7 m2012

203036

Mégalopoles

201230

Mégalopoles

199523

Mégalopoles

Dans une ville dense, on peut observer de nombreuses mutations: elle se densifie, s’étale, prend de la hauteur, change d’architecture et d’identité.

LA VILLE MUTE

10

Source image // Darwinfish - Tokyo

Page 11: La poésie urbaine
Page 12: La poésie urbaine

12

L’identité est le caractère permanent et fondamental de quelqu’un, d’un

groupe, qui en fait son individualité et sa singularité. C’est un ensemble de données,

de faits et de droits qui permettent d’individualiser une personne. Le principe d’identité

affirme qu’une chose, une personne est entièrement et exclusivement égale à elle-

même (« A = A »)6.

Selon Renaud Sainsaulieu7, l’identité est issue d’un processus de production à la fois

collectif et individuel. Ces deux typologies interviennent en même temps mais jouent

des rôles différents dans cette même construction. Il me sera donc primordial d’étudier

distinctement les identités individuelles et les identités collectives.

En effet, nous avons tous une manière distincte et personnelle de définir et de

construire notre identité. Pour certains, l’identité et le rapport à soi s’élaborent dans

la logique collective de l’appartenance à un groupe ou un sous-groupe, où ils sont

identifiés comme membres à part entière. Pour d’autres, ce processus de construction

est issu de la dimension individuelle où le sentiment d’identité est basé sur la perception

de la similitude avec soi-même et la certitude de la continuité de soi dans le temps.

C’est être un et le même à travers le temps, l’être en soi, pour soi et pour autrui8.

L’identité dépend de l’équilibre permanent entre le « je » (l’être privé) et le « nous »

(l’être collectif). L’excès de socialisation (de « nous ») ou le repli sur la sphère privé (le

« je ») menacerait cet équilibre identitaire. Il y a dans la conception identitaire une

dualité entre l’identité personnelle et l’identité sociale, deux notions importantes qu’il

me faudra analyser.

S’identifier revient donc à se différencier des autres tout en affirmant son appartenance

à des catégories, des groupes, mais aussi des espaces. Nous pouvons observer dans

la ville et sous différentes formes, cette action d’identification (vêtements, art de la

rue, manifestations, tags, etc.). Cela me donne à croire que la rue est un lieu de mise

en scène où les individus s’expriment à travers des attitudes et des comportements

choisis et exprimés telle une improvisation théâtrale ou bien encore une chorégraphie

urbaine bien orchestrée. De ce point de vue la rue est donc plus qu’une voie de

circulation routière aménagée à l’intérieur d’une agglomération, habituellement formée

6 LE PETIT LAROUSSE ILLUSTRÉ 2012, Larousse, 2012.7 SAINSAULIEU Renaud, L’identité au travail, Les effets culturels de l’organisation, Paris, Presses de Sciences Po, 1988.8 DURKHEIM Émile, La division du travail social, Edition Puf, 1893.9 LE PETIT LAROUSSE ILLUSTRÉ 2012, Larousse, 2012.

de maisons, d’immeubles et de propriétés closes9. Au contraire la rue devient alors lieu

de vie, d’action et d’improvisation, espace de représentation et de mise en scène,

elle a une histoire, une poésie à nous conter.

Afin d’aborder la poésie urbaine, il m’est primordial d’étudier la multitude

d’identités qui habitent l’espace urbain. Pour cela j’ai choisi de travailler dans un ordre

croissant et de commencer mon analyse par l’identité personnelle puis par l’identité

sociale, culturelle et pour finir par l’identité dans la ville, l’identité urbaine.

« Pour être confirmé dans mon identité, je dépends entièrement des autres. »

Hannah Arendt

IntroductionQu’est-ce que l’identité ?

Page 13: La poésie urbaine

13

l’identité «Je est un autre.»Arthur Rimbaud

l’altéritéLe caractère de ce

qui est autre.

Le caractère de ce qui demeure identique

à soi-même

Page 14: La poésie urbaine

14

L’identité personnelle s’institue comme valeur et par des valeurs. Par l’action

et l’œuvre, l’individu se valorise aux yeux de tous, tant il est vrai qu’il a besoin d’être

reconnu, aimé, admiré et accepté par l’autre pour confirmer ses propres pouvoirs10.

L’élaboration de l’identité individuelle résulte d’un besoin psychique d’existence et

de reconnaissance en tant qu’être singulier mais identique, dans sa réalité physique,

psychique et sociale. L’identité individuelle est donc indéniablement liée à l’identité

sociale, qui est un processus d’attribution, d’intervention et de positionnement dans

l’environnement. Elle s’exprime à travers la participation à un ou des groupes, à une

ou des institutions. Les identités sociales sont de multiples appartenances ; politiques,

religieuses, familiales, amicales… Elles se structurent par des références identificatoires

liées aux expériences partagées avec d’autres acteurs et sont principalement

observables dans des lieux publics tels que l’espace urbain. Selon Edward T.Hall,

L’homme tend à identifier sa propre image avec celle de l’espace qu’il habite11.

L’identité apparaît ainsi comme le résultat à la fois stable et provisoire, individuel

et collectif, subjectif et objectif, biographique et structurel des divers processus de

socialisation qui, conjointement, construisent les individus et définissent les institutions12.

Sans processus et moyens identificatoires, l’individu ne se sentirait alors peut-être pas

exister. Il y a ici un lien indissociable entre les notions d’identité et d’existence ; exister

qui signifie être dans la réalité, se trouver quelque part, être dans le temps ou dans

l’espace, avoir une réalité. Il apparaît donc que les individus ont un besoin presque

vital de s’identifier aux autres afin de se sentir vivre, d’avoir un rôle, de l’importance

dans la société à travers un espace, l’espace urbain. C’est pourquoi il m’a parut

intéressant en tant que designer d’espace de réaliser une étude sur l’identité et la

poésie urbaine qui en résulte.

Identité personnelle, sociale et culturelle

10 TAP Pierre, L’individu, Le groupe, La société, 1998.11 T.HALL Edward, La dimension cachée, p.219, 1978. 12 DUBAR Claude, La socialisation, Construction des identités sociales et professionnelles, Paris, Armand Colin, Collection U, 1991.

Le besoin de s’identifier peut se retranscrire sous différentes

formes et est facilement observable dans la rue. Patronyme, style

vestimentaire, attitude et langage sont des exemples de formes

d’identifications personnelles qui définissent chaque individu et qui

différencient une personne d’une autre.

Page 15: La poésie urbaine

15

Source image // Ron Gessel - America today

15

Page 16: La poésie urbaine

16

Source image // Jean Luc Artigaud- Manifestations anti ACTA

Source image //Manifestation Anti mariage Gay - 2012

Source image // D.Pezera - Manifestation FEMEN - 2011

16

Page 17: La poésie urbaine

17

Processus d’identification à la ville

L’espace urbain est la scène de la vie quotidienne qui définit la communauté

des citadins, c’est un territoire de vie et d’identité. Lieu public par excellence, la rue

me semble être l’espace idéal d’expression individuelle et collective. Les processus

individuels et collectifs d’identification se combinent dans la production de significations

et de signifiants associés à l’espace ici la ville, et plus précisément la rue. La rue est

composée de plusieurs identités ; des identités individuelles, collectives et culturelles,

qui, projetées en elle, donnent une signification aux lieux, créent une identité urbaine.

Les identités personnelles, sociales et culturelles sont généralement retranscrites

dans un contexte spatial spécifique. Je nommerai cette action de « processus

identificatoire ». Ce processus participe à l’élaboration de l’identité urbaine et donc

de la poésie urbaine, c’est pourquoi j’ai décidé d’en faire l’analyse.

Il existe deux formes identitaires majeures pouvant être dégagées des

processus d’identification à la ville. Elles concernent un nombre illimité d’individus et de

groupes qui la pratiquent13.

Il y a dans un premier temps des formes d’identités définies par des groupes

constitués à partir d’une appartenance de fait à la ville ou à une portion de la ville

: associations de riverains, de voisins, associations de défense du patrimoine… Dans

un second temps il y a des identités constituées par l’existence de collectifs regroupés

autour d’autres éléments comme les communautés de valeurs, de pratiques et de

provenances qui s’inscrivent dans la ville et sont susceptibles de s’approprier des

éléments urbains dans lesquels ils se reconnaissent.

Ces éléments sont des signifiants identitaires pouvant être des lieux, des emblèmes

ou des pratiques spatiales spécifiques comme par exemple des rassemblements

ou des manifestations. Ils peuvent également être une structuration symbolique de

13 VESCHAMBRE Vincent et Ripoll, Le processus de patrimonialisation : revalorisation, appropriation et marquage de l’espace, 2006

La rue est également un espace d’expression identitaire sociale

et culturelle, montrant à voir les appartenances parfois politiques,

religieuses, familiales ou amicales des individus.

Page 18: La poésie urbaine

18

l’espace physique qui conditionne les différentes pratiques urbaines et processus

d’identification.

La capacité d’appropriation de la ville à travers le processus identificatoire ne

repose pas dans ces deux cas sur les lieux en tant que tels, tant varient les échelles

d’identifications (rue, place, quartier, ou territoire). Cette appropriation est en effet

bien plus déterminée par l’aptitude de ces structurations symboliques à rendre visibles

les singularités identitaires personnelles et collectives.

La ville peut donc être perçue comme un ensemble de pratiques territorialisées,

promues volontairement au rang d’emblèmes signalant aux autres des singularités

positives, sources de fierté pour les gens du lieu14. Elle peut également être envisagée

comme un espace vécu, perçu et pratiqué, où les manifestations identitaires seraient

comme un ensemble d’habitudes singulières, qui affleurent à peine à la conscience

et ne faisant l’objet d’aucune revendication. C’est la manière d’être ce que l’on est

là où on est, la manifestation d’une présence, de l’occupation d’un lieu. Il s’agit là de

cultures vécues au quotidien, de codes sous-jacents, qui se déchiffrent plutôt qu’ils

ne s’affichent. Ces codes sont une partie de la réponse à ma problématique ; c’est

à travers eux et des habitudes singulières que l’homme participe à la poésie urbaine.

En somme, l’identité dans la ville serait le processus sans cesse renouvelé de la

construction d’un lien intime entre l’individu, le collectif et l’environnement urbain, par

les usages et pratiques du quotidien, les perceptions et les jeux de projection dans

l’espace. Cette approche rend compte des différentes échelles d’appropriation et

d’identification aux espaces dans la ville, comme le définit Abraham Moles15 à travers

les différentes « coquilles de l’homme », et s’intéresse à une identité en actes et en

pratiques. Moles ouvre son énoncé par l’exposé de deux attitudes philosophiques

distinctes, conduisant à formuler deux psychologies de l’espace différentes,

apparemment contradictoires et pourtant toutes deux essentielles.

La première attitude correspond à une philosophie cartésienne (Je pense, donc je

suis16) de l’espace comme étendue ; Elle adopte le point de vue d’un observateur

extérieur qui n’habite pas cet espace et qui examine de manière rationnelle un monde

étendu et illimité dans lequel tous les points s’avèrent équivalents, car aucun n’est

privilégié. L’espace se réduit alors à une configuration géométrique, caractérisée

par un système de coordonnées purement arbitraire. Dans ce premier cas de figure,

l’individu ferait partie d’une chorégraphie urbaine parfaitement orchestrée, composée

de gestes devenus rituels, presque mécaniques et faisant principalement référence

à une utilisation pratique de l’espace - par opposition à un support d’expression.

L’individu n’a pas ici conscience de participer à l’identité du lieu, ce n’est pas son

intention première, mais il donne à travers ses actions une fonction aux lieux, donc une

identité à l’espace pratiqué.

Une seconde attitude qui est appelée philosophie de la centralité par Abraham

Moles correspond au point de vue «Ici et Maintenant» de l’individu en situation, qui

éprouve son propre rapport à l’environnement. Dans cette perspective, l’être s’éprouve

comme le centre du monde et celui-ci s’étend autour de lui. Le rapport entre l’individu

et l’espace, la rue, devient alors identitaire.

Je retiens de cette présentation que l’individu est partagé entre deux systèmes de

pensées contradictoires. D’un côté l’individu sait raisonner de façon rationnelle, il

s’oriente, calcule des distances, élabore des trajets. De l’autre, il investit l’espace d’une

affectivité égocentrique, lui conférant des propriétés anisotropiques*. Cela me laisse

penser qu’il y a plusieurs identités urbaines racontant chacune une histoire et une

poésie urbaine différente.

Le processus identitaire urbain s’orchestre donc de diverses manières. Consciemment

ou non, les actions opérées dans l’espace urbain participent à l’élaboration de

l’identité urbaine.

14 BRONBERGER Christian et MEYER Mireille, Cultures régionales. Singularités et revendications, Ethnologie française, 2003.15 MOLES Abraham, Les coquilles de l’homme, Revue SADG Architecture, n° 165, juin 1968.16 LE PETIT LAROUSSE ILLUSTRÉ 2012, Larousse, 2012.* Anisotropique, se dit des substances dont les propriétés physique varient en fonction de la direction.

« Une grande partie de la réussite architecturale de Franck Lloyd Wright tient au fait qu’il a reconnu la diversité qui caractérise les individus dans leur expérience de

l’espace » Edward T.Hall, La dimension cachée.

Page 19: La poésie urbaine

19

Le samedi 4 avril 2009, 1600 pandas ont investi la Place Royale de Nantes. Tout au long de la journée, les nantais ont pu admirer et s’interroger face à l’écrasante vérité que dénoncent ces vaillants et chaleureux petits pandas en papier mâché. En effet, il ne restait ce jour là que 1600 représentants de l’espèce. Inconsciemment ou non, l’association OWF à participé à l’identité Nataise durant une cette journée, changeant la vision habituelle de la Place Royal.

Source image // Stephan J - Nantes

19

Page 20: La poésie urbaine

20

Source image // Panos Pictures - Metropolis

20

Page 21: La poésie urbaine

21

L’identité urbaine

La mosaïque sociale et culturelle que constitue la ville d’hier et d’aujourd’hui

est une juxtaposition ou association de la différence. La ville révèle et rend visible des

formes inédites d’existences et ce faisant, donc d’expressions et de mises en valeur

culturelle.

Que ce soit pour se singulariser, être visible ou pour revendiquer son appartenance à

un groupe politique ou autre, la ville est traversée par une grande diversité de formes

d’expressions identitaires formant l’identité urbaine. Affichées et revendiquées, elles

contribuent à marquer et à transformer les espaces urbains, la rue17. Ces expressions

traduisent le jeu identitaire complexe auquel se prêtent les individus, utilisant la ville

comme décor et comme ressource pour l’action, comme moyen de médiation, comme

moyen d’exister.

Bernard Lamizet18 parle de la médiation pratique de la ville comme ce qui

« va scander l’espace urbain de la temporalité des usages et des parcours de

ses habitants. Par elle, la ville cesse de n’être qu’un site pour devenir pleinement un

espace de culture et de sociabilité : une médiation entre la dimension collective de

cet espace et la dimension singulière de son appropriation par les habitants qui lui

donnent, ainsi, sens et signification ». Cette citation me conforte dans l’idée que la rue

donne à raconter une histoire que les individus vivent et construisent. La rue est donc

un moyen de communication composé d’une multitude de supports d’expressions.

La co-construction collective de l’identité de la ville s’élabore donc par l’ensemble

des pratiques des lieux. Hétérogènes et multiples, ces pratiques intègrent les valeurs

assignées à la mobilité et aux lieux géographiques, aux technologies d’habiter et

d’habitat, à la représentation, la conception des espaces, à la qualité des lieux et

aux agencements spatiaux. La ville est à la fois le cadre des actions quotidiennes et

le produit des usages des habitants. Elle est un espace habité ; un espace qui est

investi émotionnellement19. La thématique de l’habiter définie par Mathis Stock20 est un

« ensemble de pratiques associées à des lieux ». Pratiquer les lieux c’est donc en faire

l’expérience, c’est déployer, en actes, un faire qui a une certaine signification.

L’identité urbaine est multiscalaire, contextuelle, et se matérialise dans l’interaction

entre individus et sociétés, dans les rapports qu’ont ces individus à l’espace urbain.

La réception du message identitaire urbain se fait donc de différentes manières

et il me faudra les étudier afin de définir les moyens que mettent en œuvre les individus

dans l’élaboration de la poésie urbaine. J’analyserai d’abord la matérialisation de

l’identité à travers le langage puis à travers la pratique que l’on fait des lieux, ce qui

me permettra de déterminer par la suite la signification des espaces identitaires.

17 VAN DEN AVENNE Cécile, DORIER APPRILL Elisabeth, GERVAIS-LAMBONY Philippe, Parler, Vies citadines, Paris et Belin, 2007.18 LAMIZET Bernard, Penser la médiation, L’Harmattan Communication, 200819 BOLLNOW Otto, Mensch und Raum, Alber-Broschur Philosophie, 1963.20 STOCK Mathis, L’habiter comme pratique des lieux géographiques, www.espacestemps.net, 2004.

Page 22: La poésie urbaine

22

L E L A N G A G E H U M A I N , L E L A N G A G E A R T I C U L É , L E L A N G A G E

D E L A PA R O L E , L A N G A G E I N T É R I E U R , L A N G A G E N A T U R E L ,

L A N G A G E É C R I T , L A N G A G , PA R L É , L A N G A G E D O C U M E N T A I R E ,

L A N G A G E F O R M E L , L A N G A G E L O G I Q U E , L A N G A G E F O R M A L I S É ,

L A N G A G E A R T I F I C I E L , L A N G A G E D E P R O G R A M M A T I O N , L A N G A G E

S Y M B O L I Q U E , L A N G A G E M A C H I N E , L A N G A G E C H I F F R É , L A N G A G E

C O D É , L A N G A G E G E S T U E L , L A N G A G E D E M I M I Q U E , L A N G A G E

D E S F L E U R S , D E S PA R F U M S , L A N G A G E PA R S I G N A U X , L A N G A G E

A U D I T I F, L A N G A G E V I S U E L , L A N G A G E A N I M A L , L A N G A G E F A M I L I E R ,

L A N G A G E A C A D É M I Q U E , L A N G A G E A M P O U L É , L A N G A G E

A R C H A Ï Q U E , L A N G A G E C L A I R , L A N G A G E E X P R E S S I F, L A N G A G E

F I G U R É , L A N G A G E M É T A P H O R I Q U E , L A N G A G E P O M P E U X , L A N G A G E

S I M P L E , L A N G A G E S O U T E N U , L E B E A U L A N G A G E , L A N G A G E

C H O I S I , L A N G A G E C O U R A N T , L A N G A G E N O B L E , L A N G A G E

O R D I N A I R E , L A N G A G E V U L G A I R E , L A N G A G E A R G O T I Q U E , L A N G A G E

P O P U L A I R E , L A N G A G E P O I S S A R D , L A N G A G E D I P L O M A T I Q U E ,

L A N G A G E D E L A C O N V E R S A T I O N , L A N G A G E D E S M A R C H A N D S ,

L A N G A G E D U P E U P L E , L A N G A G E D E S C O U L I S S E S , L A N G A G E D E

L A R U E , L A N G A G E F A U B O U R I E N , L A N G A G E C O M M U N , L A N G A G E

L I T T É R A I R E , L A N G A G E P O É T I Q U E , L A N G A G E A D M I N I S T R A T I F,

L A N G A G E J U R I D I Q U E , L A N G A G E P H I L O S O P H I Q U E , L A N G A G E

T E C H N I Q U E , L A N G A G E D U D R O I T , L A N G A G E D E L’ É C O N O M I E ,

L A N G A G E D E S S C I E N C E S , L A N G A G E C H R O M A T I Q U E , L A N G A G E

M U S I C A L , L A N G A G E H A R M O N I Q U E , L A N G A G E A M B I G U , L A N G A G E

C R U , L A N G A G E C Y N I Q U E , L A N G A G E D I R E C T , L A N G A G E D R O I T ,

L A N G A G E F R A N C , L A N G A G E G R O S S I E R , L A N G A G E H Y P O C R I T E ,

L A N G A G E M E N S O N G E R , L A N G A G E O R G U E I L L E U X , L A N G A G E

L’identité urbaine se matérialise par l’expérience qu’entretiennent les

individus avec les espaces qui constituent la ville, par exemple les places publiques,

les avenues, les rues et ruelles, les jardins publics et autres. La ville est comme un

réceptacle identitaire où les individus s’expriment et se mettent en scène grâce à ce

que je nomme le « langage urbain ».

Le langage est la capacité, observée chez l’humain, à exprimer ses pensées

et à communiquer au moyen d’un système de signes vocaux et éventuellement

graphique. C’est également un système structuré de signes non verbaux remplissant

une fonction de communication21.

Le langage urbain est donc l’ensemble des expressions urbaines qu’utilisent les

individus afin de transmettre un message et de retranscrire, d’affirmer leur identité à

travers l’espace urbain. Chaque expression raconte une histoire, une idée, un point

de vue ou bien encore une action passée. C’est la poésie urbaine ; l’art d’évoquer

et de suggérer les sensations, les impressions et les émotions les plus vives de la rue

par l’union intense des sons, des rythmes, des harmonies, des couleurs et des odeurs.

Il y a plusieurs types de langages, correspondant à différentes cultures, lieux

et moments ainsi qu’à diverses personnes et relations. À chaque individu son langage,

à chaque situation et à chaque lieu son expression. La ville regorge d’innombrables

signes, valsants et tournoyants à chaque angle de rues, tel un ballet de Pina Bausch22,

formant ainsi la poétique urbaine.

Chacun participe à cette poésie avec son propre langage et à travers une pratique

du lieu d’expression qui lui est singulière.

Le langage urbainMatérialisation du message identitaire

21 LE PETIT LAROUSSE ILLUSTRÉ 2012, Larousse, 2012.22 BAUSCH Pina est une chorégraphe et danseuse allemande. Décédée en 2005, elle était la fondatrice de la compagnie Tanztheater Wuppertal et était considérée comme l’une des principales figures de la danse contemporaine et initiatrice du style danse-théâtre.

Page 23: La poésie urbaine

2323

Source image // Panos Pictures - Metropolis

Page 24: La poésie urbaine

24 24

Source image // Alice Le Pottier - Péniche NantesUn homme a investi la rue avec des plantes.

24

Page 25: La poésie urbaine

25

Nous pratiquons la rue à notre « langage » (manière) et à travers ceux des

individus qui expérimentent, eux aussi, l’espace urbain.

Selon le géographe Yi-Fu Tuan23, l’expérience spatiale comprend trois moments

principaux : la sensation, la perception et la conception. Ces moments oscillent

entre l’émotion et la pensée de l’individu et ont comme médiation le corps, l’objet, le

mouvement et le temps. L’expérience de l’espace comprend les sensations (les odeurs,

les textures et les sons), la perception visuelle par rapport aux objets et aux mouvements

du corps dans l’espace (dedans, dehors, grand, petit, étroit, clair, obscur, proche et

lointain) et la conception ; qui d’une certaine manière organise une représentation de

l’espace par l’appréhension mentale24. Ces trois moments qui composent l’expérience

spatiale participent à la poésie urbaine car liés à la pratique que nous faisons de

l’espace.

Le contexte de découverte de l’expression « pratiques des lieux » a émergé à

partir de deux sources majeures. D’abord, Michel de Certeau25 en 1990 qui appelle «

pratique du lieu » le fait de déployer les pratiques pour que le lieu devienne espace.

La seconde source réside dans les questionnements de Bono Werlen26 en 1996

concernant une « pratique de l’ancrage dans le monde avec laquelle les sujets […]

se mettent en rapport avec le monde ». Selon Michel de Certeau, le lieu devient

espace lorsqu’on appréhende dans leurs dimensions temporelles et spatiales les

pratiques qui s’y déroulent. J’appellerai cette pratique de l’espace, l’ « habiter ». Cela

signifie qu’un espace identitaire est un espace habité par ses utilisateurs.

Les termes « habiter » et « habitat » sont d’un usage commun en géographie.

Par « habiter », on désigne le fait « d’avoir son domicile en un lieu »27. Par « habitat

», on désigne le lieu où l’on s’est établi, où l’on vit et où l’on est habituellement. Plus

classiquement encore, l’habitat se définit par l’ensemble des habitations, dans lequel

on distingue l’habitat urbain et l’habitat rural. Dans les études contemporaines de

géographie et de sociologie urbaine, habiter signifie « occuper un logement » ou

« résider »28. Par conséquent, les « habitants » sont ceux qui résident dans un lieu

donné. L’ensemble des pratiques qu’un individu associe à des lieux définit un mode

d’habiter. Les êtres humains n’habitent pas seulement un lieu de domicile, ou plus

précisément n’habitent pas seulement lorsqu’ils résident ; n’importe quelle pratique des

La pratique du lieu

23 TUAN Yi-Fu, La perspective de l’expérience, Editions Transcript Verlag, 1977.24 LEITE Julieta, La ville incalculable, www.trapèze.com.25 DE CERTEAU Michel, L’invention du quotidien, 1. Arts de faire et 2. Habiter, cuisiner, Gallimard, 1990.26 WERLEN Benno, Geographie globalisierter Lebenswelten, Österreichische Zeitschrift für Soziolo-gie, vol. 21, n°2, 1996.27 THÉRY Hervé et BRUNET Roger, Habiter, p. 250, 1993.28 LELIÈVRE Éva et LÉVY-VROELAND Claire, La ville en mouvement, habitat, habitants, Paris, 1992.29 KANFOU Rémy, Atlas de France Touristique et Loisirs, Éditions Documentation Française, collection Atlas de France, 1997.

lieux contribue à les habiter29. Qu’il s’agisse des pratiques touristiques qui associent

des lieux du hors quotidien, à des pratiques de recréation, des pratiques de loisir

ou bien encore de travail, toutes impliquent pour les personnes « l’habiter » ; une

forme d’appropriation de l’espace urbain. On peut ainsi penser que l’ensemble des

pratiques, loin d’être liées à un lieu unique, s’associe simplement à plusieurs lieux : on

peut l’interpréter comme le prolongement fonctionnel du ou des lieux de résidence.

Les espaces identitaires urbains deviennent alors une extension de la sphère privée,

représentante de l’identité individuelle.

L’ensemble des pratiques des espaces participe donc à « l’habiter », ainsi,

cette signification des lieux ne se réduit pas, pour un seul individu et à un seul endroit.

Les individus pratiquent une multiplicité de lieux avec lesquels ils construisent une

relation touchant parfois à l’affectivité. L’habiter, en tant qu’ensemble des expériences

spatiales, implique que les espaces ainsi pratiqués aient un certain sens pour les

hommes. Ici réside la différence fondamentale avec la définition pauvre du terme «

pratique » en tant que simple « fréquentation » des lieux ainsi qu’avec les termes «

comportement » et « action ».

Page 26: La poésie urbaine

26

Les pratiques d’appropriation révèlent combien l’espace urbain est investi

physiquement et émotionnellement par les individus qui l’expérimentent. Dans le contexte

spécifique de la ville, ces pratiques d’appropriation peuvent être matérialisées par

des événements (grèves et manifestations, défilés, happenings), des usages et des

expressions spécifiques dans l’espace urbain plus ou moins réguliers, éphémères,

saisonniers ou quotidiens (militants, artistiques ou mêlant les registres d’action : squat,

graffiti, skateboard, hiphop, etc.). Ils témoignent de différents modes et niveaux

d’appropriation et de marquage, selon qu’ils soient réprimés, tolérés, ou élevés au

rang de ce qui est souvent désigné comme des « cultures urbaines ». Dans ce cas, ils

n’apparaissent plus comme de seules expressions d’identités en ville, mais tendent à

être mobilisés pour participer à la production de l’identité urbaine par les institutions30.

Pratiquer les lieux, c’est en faire l’expérience, c’est déployer, en actes, un

faire qui a une certaine signification. C’est l’étude des manières de pratiquer les

lieux géographiques qui semble être porteuse de l’intelligibilité de la spatialité des

individus31. Il semblerait donc que plus l’intelligibilité spatiale d’un lieux est forte et plus

il en devient un espace habité et donc identitaire. Les espaces urbains n’ont alors pas

tous la même capacité d’appropriation et certain seront plus identitaire que d’autres.

L’espace urbain, nous l’avons dit précédemment, est fondateur de la

personnalité et l’expérience spatiale joue un rôle capital dans le fondement de notre

identité. En effet, une appréhension positive de l’espace favorisera son intelligibilité

tandis qu’un espace à l’orientation et l’appréhension difficile perdra sa capacité à

être habité. L’expérience que nous vivons avec la rue joue un rôle capital car c’est à

travers elle que se fonde la connaissance même que nous avons de notre subjectivité

et de notre identité. Les individus participent au langage urbain, à la poésie urbaine,

grâce à des pratiques spatiales affectives. En créant un lien affectif avec un lieu choisi,

ils le transforment en un espace urbain habité, un espace identitaire.

Dans une ville dense et en pleine mutation, les espaces urbains habitables sont

nombreux, différents et changeants. Les individus peuvent donc s’identifier en de

nombreux endroits et lieux géographiques, pouvant chacun vivre une expérience

spatiale très différente et donnant ainsi à la ville une grande pluralité d’identités et

d’histoires urbaines. 30 VESCHAMBRE Vincent et Ripoll, Le processus de patrimonialisation : revalorisation, appropriation et marquage de l’espace, 2006.31 STOCK Mathis, L’habiter comme pratique des lieux géographiques, 2004.

Source image // Alice Le Pottier - Pont des Arts, PAris

Page 27: La poésie urbaine

27

grâce à des pratiques spatiales affectives. En créant un lien avec un lieu choisi, ils le

transforment en un espace urbain habité, un espace identitaire. Nous avons remarqué

que suite à la forte mobilité des individus dans les villes, les espaces urbains ont des

significations identitaires sensibles et parfois très différentes.

Quelles sont ces significations et identités des lieux ainsi pratiqués ? Et quels sont les

espaces choisis et investis comme référents identitaires ?

Afin de répondre à ces questionnements, je m’intéresserai d’abord à la sémiotique de

l’espace urbain et à la signification des lieux déterminés par des fonctions sociétales

retranscrites en fonctions urbaines. Cela me permettra d’associer un type de pratique

urbaine à un type d’espace urbain. Je pourrai ainsi définir les composants de la poésie

urbaine.

Les lieux géographiques, différents selon leur qualité et/ou leur identité,

constituent le focus de mon investigation, non pas en tant que milieu, mais en tant que

contexte des pratiques et référent des symbolisations humaines.

La « géographicité »32 est le rapport qu’ont les êtres humains avec les lieux et les

espaces géographiques. La forte mobilité géographique des villes en mutations a pour

conséquence la pratique d’un grand nombre de lieux, tous susceptibles de constituer

un référent géographique et identitaire pour les individus. Cette mobilité accrue fait

advenir une « société à individus mobiles »33 et procède à une recomposition des

pratiques et des valeurs assignées aux lieux géographiques. Une recomposition qui

touche notamment le rapport entre identité/altérité, familiarité/étrangeté exprimé par

les lieux. Cette mobilité accrue permet aux individus d’appréhender de nombreuses

zones urbaines et donc d’habiter plusieurs parties d’une ville, plusieurs espaces urbains.

Le lien intime à la ville, tissé de sensible, d’émotions, d’expérience et de pratiques, se

construit par les parcours des individus dans la ville et s’exprime par le corps et les

symboles l’imprégnant. Qu’il soit simple présence, mouvement, déplacement ou itinéraire,

le corps dans la ville reflète une infinité d’expressions identitaires. Les expressions

individuelles et sociales contribuent à identifier la ville, qui est alors un support rendant

possible et stimulant l’expression, une source d’inspiration et de création et, parfois,

de conflit. L’espace public urbain est un lieu privilégié pour observer le mouvement

des corps, qui expriment des rapports intimes entre l’individu et le lieu. Les pas des

touristes, des passants et des flâneurs, tout comme les pratiques ludiques ou artistiques

en ville, désignent comme des formes de l’expérience physique urbaine, « pratique

quotidienne, esthétique ou artistique »34 rythment la ville et « donnent à voir l’espace

public différemment, tant d’un point de vue matériel qu’idéel »35. La ville peut ainsi être

comparée à une mémoire urbaine du corps, mode singulier d’enregistrement de son

expérience.

On peut trouver dans une même ville de nombreuses significations et symboles

identitaires. D’une rue à l’autre, d’un quartier à un autre la rue ne donnera pas à voir

les mêmes identités, ne donnant pas à voir la même histoire et enrichissant le langage

urbain, la poésie urbaine.

Il résulte de cette analyse que les individus participent à la poésie urbaine

32 DARDEL Éric, L’Homme et la Terre : nature de la réalité géographique, Editions du CTHS, 1990 (édition originale de 1952). 33 STOCK Mathis, Les sociétés à individus mobiles : vers un nouveau mode d’habiter, 2001.34 JEUDY Henri-Pierre et BERENSTEIN-JACQUES Paola, Corps et décors urbains, Edition l’Harmattan, Paris, 200635 MIAUX Sylvie, Le libre mouvement des corps, 2009

Source image // PPAG architekten enzi

Page 28: La poésie urbaine

28

Une approche sémiotique de l’espace de la ville pense un espace urbain

structuré par des signes. Zone de la rencontre et de l’échange, la ville est composée

de lieux de communication qui articulent l’identité qu’ils expriment et les langages qui y

sont mis en œuvre par les acteurs de la communication et de la signification36. La rue

communique, elle raconte une histoire passée, elle rappelle des anciens modes de

vies, certains styles architecturaux et différents actes de la vie urbaine.

Dans la ville, se mêlent des appartenances à des groupes, des sociabilités et

des cultures ; des identités. Le langage urbain est semblable à une polyphonie ; une

forme sémiotique de communication inscrivant les formes d’expression et les dynamiques

de la signification et de l’interprétation dans des lieux de communication. Ces lieux

articulent l’identité des acteurs et leurs langages dans la géographie politique

de l’espace public. Pour reprendre les travaux de Mikhaïl Bakhtine37, un espace

polyphonique est un espace qui met en scène ensemble plusieurs langages, plusieurs

codes distincts et plusieurs systèmes symboliques d’expression et de représentation. La

polyphonie met donc en œuvre des langages et des formes multiples d’expression et

de signification.

L’espace urbain met en scène des langues, des langages et des cultures très différentes

qui se rencontrent au cours de l’histoire d’une ville. C’est ainsi par exemple, qu’une

ville comme Marseille a vu se succéder et se rencontrer la culture grecque, la culture

française, des cultures orientales, la culture italienne, et d’autres identités qui ont pu

inscrire leurs traces, leurs représentations et leurs significations dans l’espace de la ville.

Une telle succession de cultures s’exprime, en particulier, par les noms de lieux et de

rues (le Pharo, emplacement d’une tour grecque, la Canebière, trace du travail du

chanvre) et par les objets du patrimoine (le quartier de la Bourse révèle une partie

des vestiges de la cité grecque).

Enfin, la polyphonie urbaine désigne une sémiotique de la communication

qui articule les formes de l’expression et les dynamiques de la signification et de

l’interprétation. L’espace urbain est un lieu dans lequel se lisent et se déchiffrent les

signes de la culture et de la sociabilité38. Les pratiques sociales ne se donnent pas

seulement à voir, mais se donnent aussi à lire ; en effet, afin de découvrir comment les

Signification des espaces urbains

36 LAMIZET Bernard, Le sens de la ville, L’Harmattan Communication, 2002.37 BAKHTINE Mikhaïl et KRISTEVA J, Le mot, le dialogue et le roman, p. 143-173, 1969.38 PAQUOT Thierry, Homo urbanus, 1990.39 BAUTÈS Nicolas et GUIU Clair, Cheminement autours de l’identité urbaine, La France en ville, Editions Atlande, 2010.

individus participent à la poésie urbaine, je ne dois donc pas seulement m’intéresser

aux pratiques que les habitants et visiteurs font de la ville. Il me faudra comprendre et

interpréter ces expérimentations urbaines sociales porteuses de significations.

L’espace public que les Grecs appelaient l’agora, représenté par le lieu

du théâtre, est l’endroit où se produit la rencontre avec les autres. C’est pourquoi

il est l’essentiel lieu de la sociabilité et de l’identité. Au delà d’être un espace de

sociabilité, la ville est aussi un espace conflictuel. Elle laisse apparaître au grand

jour les désaccords institutionnels et politiques, les conflits d’acteurs, de personnes,

d’idées et de représentations. L’agora est le lieu où les conflits qui sont l’essence de la

sociabilité parviennent à la connaissance de tous pour être mis en scène aux yeux de

chacun. C’est parce qu’elle est un lieu de conflits que la ville est un lieu de langages

et de représentations, un espace de pratiques identitaires et symboliques.39

Vivre la ville c’est vivre dans l’espace public, la rue, un espace qui est à la fois chez

tout le monde et chez personne. Les appartenances et les pratiques y sont donc

symboliques. Dans la ville, les liens entre les habitants, qui structurent la sociabilité et

la citoyenneté, sont inscrits dans des relations symboliques et dans la mise en œuvre

de langages et de représentations qui donnent naissance à une culture et à une

dimension de la ville elle aussi symbolique. L’espace public est un lieu de visibilité, de

communication, d’échange de signes, de circulation des identités et d’informations.

Habiter et pratiquer la ville, c’est s’inscrire dans des relations de médiation et de

représentation. C’est s’ouvrir aux autres individus et à la société grâce au langage

urbain.

Page 29: La poésie urbaine

29

Source image // Panos Pictures - Metropolis

29

Page 30: La poésie urbaine

30

L’espace de la ville est structuré par des repères et des aménagements,

par des informations et des orientations, il est institué par des systèmes sociaux qui

régulent et organisent la vie urbaine. Dans la ville, même les configurations liées à la

nature sont socialisées par les institutions urbaines : les fleuves qui traversent les villes

sont encadrés par des berges aménagées et enjambées par des ponts. Les mers qui

bordent les espaces urbains sont aménagées par des ports et par des quais. Le rôle

de la voirie est, ainsi, de socialiser, d’institutionnaliser, les usages de l’espace urbain.40

Tous ces aménagements sont autant de supports de signes et de codes. Dans la

ville apparaissent cinq grands lieux de communication et d’expression, qui, ensemble,

dessinent une géographie symbolique de l’espace urbain.41 Ils favorisent la polyphonie

urbaine qui articule des systèmes collectifs d’information et de communication ainsi

que des systèmes privés et singuliers d’expression de l’identité.

Les cinq catégories d’espaces urbains correspondent à différents types d’appropriation

de l’individu, différents types d’expressions et de langages urbains.

Je commencerai l’analyse des catégories urbaines par les lieux de l’habitation, qui sont les lieux de l’ancrage identitaire personnel, ceux de la communication privée

et de l’intersubjectivité. La différenciation entre espaces privés et espaces publics

constitue une forme d’élaboration de l’espace urbain en un système de signes. C’est

un type d’information que l’on peut lire dans la ville, en découvrant par les portes et

les fenêtres et en observant jardins et cours d’entrées, les aménagements des espaces

de vie privés. À Amsterdam par exemple, la taille et le grand nombre de fenêtres

disposées sur les façades des maisons laissent aux marcheurs le loisirs d’observer

des scènes de vies du quotidien ; une famille qui déjeune, un couple qui regarde la

télévision devant un plateau repas, quelqu’un faisant le ménage… La sphère privée

vient alors participer à la poésie urbaine.

L’espace urbain met également en scène toute une sémiotique du singulier à travers,

d’abord, les postures, attitudes et vêtements des individus qui le parcourent puis à

travers les pratiques de communication singulière ; un vieil homme lisant un journal, une

femme au téléphone, un groupe de personnes parlant de vive voix au coin d’une

rue, un homme qui marche en boitant, un autre en costume qui apparemment pressé

court de rue en rue et un couple qui papillonne sur un banc public… Toutes ces

attitudes font partie de la communication singulière et viennent nourrir la polyphonie

40 STOCK Mathis, Pour un traitement approfondi de l’apport d’Edward Relph à la question du rap-port aux lieux, p. 173-185, 2000 et 200141 THÉRY Hervé et BRUNET Roger, Habiter, p. 250, 1993.

Source image // Michael Wolf

Page 31: La poésie urbaine

31

de l’espace urbain et la poésie urbaine, en accentuant son imprévisibilité.

Les lieux de l’échange et du commerce sont les lieux de la communication

publicitaire et de la négociation. Il s’agit d’un autre espace de la polyphonie urbaine

qui repose, lui, sur une polyphonie marchande. Le marché urbain a toujours été une

polyphonie, faite de cris, de gestes, d’odeurs, de couleurs et également de vitrines

et d’affiches publicitaires ; des informations communiquées dans les lieux institués de

l’échange et du commerce comme les marchés, les foires, les fêtes foraines ou bien

encore les grandes braderies. Le tout participant à l’identité commerçante du lieux.

Les acteurs de ces espaces urbains participent à la poésie urbaine à travers leurs

comportements et attitudes.

Les agoras sont les lieux du débat politique et de la confrontation. La ville

est l’espace du politique, car elle est l’espace du débat public, des pouvoirs et

de la représentation. En ce sens, la polyphonie urbaine comporte une dimension

proprement politique, qui est elle-même une polyphonie, car étant un système de

communication dans lequel les différentes identités politiques s’opposent les unes aux

autres dans la confrontation permanente du débat et des pratiques politiques. La

polyphonie politique de l’espace urbain s’exprime en particulier dans les défilés et

les manifestations de protestation, dans la confrontation des partis et des journaux

engagés ainsi que dans la mise en scène du débat institutionnel. La rue devient un lieu

polyphonique quand elle est parcourue par des manifestants qui font d’elle un espace

de confrontation politique. Espaces identitaires, les agoras permettent aux individus

d’affirmer leurs appartenances à des catégories sociales et des partis politiques. Ces

derniers participent à la poésie urbaine à travers des mots, des slogans, des champs

et des points de vues personnels montrés aux yeux de tous.

L’espace urbain connaît également les lieux de la communication de

crise, ou de la communication de souffrances, que sont les hôpitaux et les lieux de la

relégation urbaine. La polyphonie urbaine est ici celle de la santé et de la maladie,

celle du bien-être et de la misère, celle de l’ordre et de la souffrance. L’espace urbain

connait une coexistence, une confrontation, souvent conflictuelle, entre deux façons

d’habiter la ville et de vivre la rue : il y a ceux qui l’habitent en se l’appropriant et en

y trouvant leurs marques et ceux qui l’habitent en s’en faisant rejeter, en vivant une

véritable exclusion. La cour des miracles a souvent été une caractéristique de l’espace

urbain au même titre que les lieux du pouvoir. Les ponts, entrées d’hôtels, lieux d’accueil

Source image // Diogo Salles - Times Square

Page 32: La poésie urbaine

32

de la précarité sont, ainsi, des lieux caractéristiques de la sociabilité urbaine. Cette

confrontation de milieux sociaux s’affiche dans la rue au travers d’espaces identitaires

bien distincts qui racontent l’histoire d’individus et qui participent à la poésie urbaine.

Enfin, les lieux de circulation et de déplacement font apparaître une

communication urbaine mobile et nomade de ses utilisateurs. La communication urbaine

est celle du déplacement et de la rencontre. Elle est faite de signes, de symboles, de

panneaux de signalisation routière, d’affiches et d’enseignes publicitaires. Les zones

de circulation portent également des signes exprimés par les acteurs qui parcourent

l’espace urbain. Toutes ces traces, signes, empreintes et symboles rendent l’espace

urbain lisible, nous donnent à lire et à observer la poésie urbaine.

Ces cinq grands lieux de communication et d’expression sont chacun constitués

d’innombrables « sous lieux » dont les symboliques varient selon les individus qui les

pratiquent, les « habitent » et selon les fonctions qui leurs sont attribuées. Qu’il fasse

jour ou nuit, que ce soit l’été, l’automne, l’hiver ou le printemps et selon les personnes qui

expérimentent l’espace urbain, les fonctions et pratiques associées à un ou plusieurs

lieux peuvent se modifier, évoluer ou bien encore disparaître. Cela donne à la poésie

urbaine une once d’imprévisibilité, de surprenant et d’incroyable, montrant au lecteur

de la ville un récit, une poésie haute en couleurs et en péripéties.

Source image // Darwinfich - Tokyo

Page 33: La poésie urbaine

33

Identité urbaine

Milieu urbain

COMMUNICATIONlangage urbain

MÉMOIRE URBAINEContenant des expériences individuelle et collective.

PRATIQUES SPATIALES AFFECTIVES

Source image // Stépnie JUNG - Berlin

33

Page 34: La poésie urbaine
Page 35: La poésie urbaine

35

Au loin, les bâillements de la ville se faisaient déjà entendre. Assise sur le

rebord de ma fenêtre, J’observais les premiers rayons du soleil chercher leur chemin

à travers les sombres ruelles d’Amsterdam. Mon thé encore fumant, je profitais de ces

quelques minutes pour admirer le premier acte de cette merveilleuse danse urbaine

où cyclistes, coureurs, patineurs, marcheurs et voitures se mêlaient et s’entremêlaient au

fil de l’Amstel qui, en ce mois de janvier, est recouvert d’une épaisse couche de glace.

Un carillon m’ôtait de mes pensées, le soleil était enfin parvenu à atteindre Tuinstraat

et venait doucement s’engouffrer sous les combles de cette vieille maison Hollandaise

où j’habite. La rue m’appelait ; bonnet, gants et grosse écharpe, j’étais prête. Sous mes

pieds la neige crissait, je m’enfonçais en suivant les pas de cet homme qui était passé

avant moi. Il avait pris à gauche, je continuais ma route à droite, vers Prinsengracht, où

j’avais laissé mon vélo. La lumière était douce et orangée, les maisons flamboyantes

et leurs vitres éblouissantes. Je croisais madame Vanderplas qui semblait être encore

plus pressée que les matins précédents. Cheveux dans le vent, joues rougies par le

froid, elle me souriait et disparaissait soudainement dans la brume, laissant derrière

elle une fine ligne sur le sol où, à force de passages, la neige commençait déjà à

se transformer en une boue sombre et visqueuse. Dans une maison, un gamin à la

chevelure explosive tentait de me dessiner une grimace à travers une vitre embuée

de sa maison. Je l’entendais rire et lui renvoya ma plus belle moue. Un vieil homme assis

sur un banc, s’amusait de nous voir ainsi se chamailler. Emmitouflé dans une couverture

aux couleurs de Noël, du givre recouvrait son bonnet et sa longue barbe cachait

une partie de son visage abimé par le temps. En passant devant lui, une odeur acre

et forte venait perturber mes pensées et je me rendais compte qu’il avait certainement

passé la nuit ici, recouvert de cartons que je distinguais alors sous son sac. Quelle

était son histoire ? Depuis quand était-il là ? Je continuais ma route, questions en tête. A

l’angle de la rue, une tache rouge recouvrait une partie de la chaussée. Que s’était-il

passé ? Une personne était-elle blessée, morte même ? Je restais là quelques instants

en imaginant le scénario de la scène qui avait du se dérouler quelques minutes plus

tôt. Un vélo passa soudainement à travers cette tache, le cycliste continua sa route,

laissant derrière lui une trace rouge. Immobile, j’observais ce dessin rouge qui se formait

à force de passages. Je pensais à l’œuvre de Painting reality qui avait versé des litres

de peintures de différentes couleurs au carrefour de plusieurs rues. Donnant ainsi à voir

le chassé croisé des centaines de véhicules qui l’empruntaient.

Source // Painting Réality

Page 36: La poésie urbaine

36

Source // Haas & Hahn - Favelas painting

Page 37: La poésie urbaine

37

Un bruit de klaxon retentissait au loin, me ramenant ainsi à la réalité. Je levais les yeux

et décidais de poursuivre ma route. J’apercevais mon vélo au loin, parmi la centaine

d’autres bécanes, rouges, roses, bleues, noires, à pois, à fleurs… chacun y avait mis

de son imagination afin de se différencier des autres et d’amener un peu de vie et de

couleur à cet hiver grisonnant qui n’était pas encore prêt à partir. Cela me rappelait

le projet « Favela Painting » réalisé par les néerlandais Haas & Hahn qui ont eu l’idée

de peindre les favelas de bossanova au Brésil en faisant participer les habitants afin

de les transformer en œuvre d’art. J’atteignais mon vélo, sortais une clef de mon sac,

clic, le cadenas était ouvert et je l’enroulais autour de la selle dans un bruit métallique,

rangeais ma clef et tentais de dégivrer la selle avec la manche de mon manteau. Ces

gestes deviennent rituels à force de répétitions. Ici, en Hollande, chaque personne

se déplaçant à vélo les répète au moins quatre fois par jours. Ces répétitions sont

comparables à l’apprentissage du « tour » en danse classique, où la danseuse,

encore, encore et encore le répète inlassablement jusqu’à atteindre la perfection.

Me voilà sur mon vélo, fesses gelées, presque douloureuses, je décidais de prendre

Prinsenstraat pour rejoindre le centre ville. Un arôme de pain chaud vint s’engouffrer

dans mes narines. Senteur exaltante, je me rappelais mes promenades matinales au

marché des Lices, à Rennes, où les étalages de pains et de viennoiseries fraiches me

faisaient perdre la tête. Je ralentissais et décidais d’assouvir ma gourmandise. Déviant

rapidement sur le trottoir, je sentis ma roue avant glisser mais il est déjà trop tard. Je

perdais l’équilibre et m’effondrais soudain sur une plaque de verglas que je n’avais vue,

emportant avec moi quelques vélos garés sur le trottoir, le tout dans une cacophonie

assourdissante. La rue entière s’arrêta, tel une photographie, conducteurs, cyclistes

et piétons avaient stoppé leurs courses, attendant ma réaction. Cela me rappela le

tournage d’une pub Tic-Tac sur la place de l’hôtel de ville de Rouen en mars 2012.

La marque de bonbons avait piégé plusieurs personnes en caméra cachée avec

un immense flash mob, intitulé «La Pire haleine du monde». Le principe était qu’un

acteur demande son chemin à un anonyme et qu’il s’écroule si ce dernier lui répond,

conséquence directe de la prétendue mauvaise haleine de son interlocuteur. Toutes

les personnes présentes autour du passant s’effondraient alors en même temps et le

temps semblait s’être soudainement arrêté. Une femme se rapprochait de moi, inquiète,

m’aida à me démêler de ce pétrin et la vie reprit doucement son cours. J’entendais

quelques rires moqueurs au loin mais n’y prêtais pas attention. Une fois les vélos remis

en place, je décidais d’aller m’offrir une viennoiserie.

Source // Tic Tac «La pire haleine du monde»

Page 38: La poésie urbaine

38

Après avoir cadenassé mon vélo, je traversais la rue pour rejoindre la fille d’attente,

longue d’une dizaine de mètres et qui se finissait sur le trottoir. Le pain devait y être bon

! Croissants, pains au chocolat, stroopwafel, cookies, brioches, tartelettes à la fraise et

les fameux petits cupcakes ornaient la vitrine qui portait toujours les décorations de

Noël. Je ne savais que choisir et observais avec envie ces nombreuses mignardises.

L’homme qui se tenait devant moi, certainement un habitué, me conseillait le croissant,

disant qu’il n’en avait jamais mangé d’aussi bon. Je lui suggérais qu’il n’avait jamais dû

goûter le croissant français, le « vrai ». Il souriait en entendant mon accent et décidait

de m’en offrir un, afin de me prouver que le croissant hollandais pouvait être meilleur

que le français. Installés sur un banc, nous parlions de cuisine et de nos spécialités

culinaires nationales respectives. Je finissais par admettre que ce croissant était

délicieux et nous repartîmes chacun de notre côté. J’aime ces moments où la rue nous

offre des rencontres incongrues, nous ouvrant ainsi aux personnes que nous croisons

habituellement sans y prêter attention. Avant de remonter sur mon vélo, je pris le temps

d’admirer les quelques patineurs en herbe et parfois plus expérimentés, glisser, sauter et

tournoyer sur le canal qui longeait la rue. De nombreuses traces se dessinaient sur leurs

sillages me laissant imaginer une pirouette, un saut ou bien encore une chute. Deux

enfants se chamaillaient, prononçant des mots qui n’étaient pas encore dans mon

vocabulaire. La mère, qui semblait épuisée, haussait le ton et un des petits se mis à

pigner. Je reprenais mon vélo en direction de Damsquare, le soleil se faisait timide mais

la neige commençait déjà à fondre. Vent de face, je peinais à gravir les trois ponts qui

me séparaient du vieux centre-ville. Devant moi, une femme se battait afin de préserver

son parapluie contre les souffles violents en vain. Le vent prenait le dessus et cassait

plusieurs baleines. De nombreux parapluies mouraient sur les trottoirs, abandonnés

pour casse. À certains endroits on aurait cru un cimetière de tissus à pois, à fleurs et

à rayures. Je me rapprochais et seules quelques ruelles me séparaient désormais de

la place centrale. Je m’engouffrais dans Lijnbaanssteeg, ruelle sombre et étroite, il y

régnait un puissant et saisissant parfum d’herbe. Je passais devant un coffeshop qui

laissait émaner quelques bouffées de fumées depuis son d’entrée.

En l’espace d’une ruelle, le printemps s’était installé dans la ville, la neige avait fondu, laissant apparaître les vieux pavés hollandais, usés, cabossés et disparates. J’empruntais désormais Nieuwezijds Voorburgwal, cette grande artère de la ville où

voitures et bus roulaient à cent à l’heure, m’obligeant à respirer leurs désagréables émanations de gaz. Le bruit de la ville se faisait bien entendre, les hollandais n’étaient pas avares en klaxon et les cyclistes sonnaient à tout va, signalant aux nombreux touristes qu’ils n’avaient rien à faire sur leurs chemins et allant parfois même jusqu’aux cris. Je me trouvais alors dans le deuxième acte de cette chorégraphie urbaine. J’étais dans la course, dépassant et me faisant dépasser, nous étions des centaines à danser sur nos vélos. Certains téléphonaient, d’autres lisaient, discutaient et se tenaient la main… C’est amusant de voir tout ce que l’on peut faire sur un vélo ! Je tournais à l’angle de Raadhuisstraat et voyais enfin apparaître le majestueux palais royal baigné dans une lumière blanche et vive. Un dernier pont à passer, je contournais le bâtiment et arrivais finalement à Damsquare. Stoppée, je ne pouvais plus avancer. Un flot interminable de passants rendait toute circulation impossible. J’entendais déjà quelques râleurs derrières moi et la femme qui me précédait tentait d’écraser le pied d’une passante tandis qu’une autre jouait des coudes. Les sonnettes se faisaient de plus en plus entendre, j’appuyais sur mon canard klaxon, un homme criait et les voitures faisaient ronronner leurs moteurs. L’animosité ambiante prenait le dessus, les piétons cédèrent place et tel un départ de formule 1, nous avions tous démarré. Je garais mon vélo un peu plus loin sur la place, parmi la centaine d’autres. À peine le temps de sortir mes clefs qu’une bourrasque de vent venait faire s’effondrer au sol la moitié des vélos qui y étaient garés. Les touristes riaient et prenaient des photos, certains propriétaires tentaient de se faufiler à travers ce labyrinthe désormais à terre. J’essayais de trouver un poteau pouvant servir de tuteur à mon vélo, en vain, je l’abandonnais donc parmi les autres, aux mains de la tempête qui arrivait. Sur la place, des hommes statues faisaient leur show, un homme jouait de la guitare et quelques personnes s’étaient arrêtées pour profiter de sa reprise de « The yellow submarine » des Beatles. On se croyait sur les Ramblas à Barcelone. Devant le centre commercial De Bijenkorf, je croisais cet homme qui, tous les jours, tentait de jouer du xylophone. Chacune de ses notes était parfaitement fausses et il était presque impossible de trouver une chanson correspondant aux sons qu’il produisait. Sa ténacité, qui me rendait admirative, l’a élevé au rang d’emblème et beaucoup le connaissent. L’entrée de ce centre commercial ne serait plus la même sans lui, il fait désormais partie des murs, partie de la rue.

Page 39: La poésie urbaine

39

Source image // Ramblas - Barcelone

39

Page 40: La poésie urbaine

40

Source image // Moment factory - La vitrine numérique

40

Page 41: La poésie urbaine

41

Une goutte venait de se poser sur mon nez, une seconde sur mes pieds, à peine

le temps de me mettre à l’abri qu’une pluie torrentielle s’abattait sur la ville. La rue

s’était vidée en quelques secondes et seuls quelques courageux avaient décidé

de continuer leur routes. La plupart des cyclistes et piétons s’étaient réfugiés sous les

hauvents et à l’intérieur des magasins. Nous étions tous là, immobiles, à regarder la

pluie tomber sur cette place désormais vide de vie. Un homme qui avait déjà bien

entamé un dessin à la craie à même le sol, comme le fameux dessinateur nantais,

voyait son œuvre pleurer et s’écouler le long du caniveau. L’averse ne dura pas bien

longtemps et je pus rapidement sortir de mon abri afin de me diriger vers Kalverstraat,

la principale rue marchande de la ville. Le soleil faisait apparition et un puissant rayon

éclaira la place, réchauffant les pigeons regroupés en son centre, immobiles, plumes

relevées, attendant de sécher. Le flot de personnes qui s’engouffrait dans Kalverstraat

m’emportait avec lui et je n’avais d’autre choix que de le suivre. Le moindre arrêt, la

moindre déviation aurait provoqué un trouble de la circulation. La rue étant étroite

et le flot piétonnier dense, je m’y sentais légèrement oppressée. Sans but précis, je

me laissais guider parmi la foule. Une fillette apparemment distraite manqua de me

rentrer dedans, un homme, petit et relativement corpulent mangeait un hamburger

avec une telle fougue qu’il ne prenait pas la peine d’essuyer sa bouche ou bien

encore la graisse qui tombait parfois sur le sol, sur ses pieds et qui recouvrait déjà

une partie de sa manche droite. Un sentiment de dégout commençait à m’envahir et

il s’amplifia lorsque je cette femme fort apprêtée me frôla, laissant derrière elle une

forte odeur, âcre, de parfum à la rose. Je décidais de regarder ailleurs et vis une

famille, certainement des touristes, qui tentaient d’avancer en vélo dans la rue, ce

qui est formellement interdit dans cette rue. Un homme donna un coup d’épaule au

père qui perdit l’équilibre et manqua de tomber. Français et quelque peu arrogant,

le cycliste commença à faire des grands gestes, cria et rattrapa le passant. Des

policiers qui passaient par là calmèrent rapidement le jeu et ils furent priés de repartir

à pied. Bruyante, odorante et bondée d’une foule dense et mouvante, cette rue était

semblable à un parc d’attraction. La circulation reprenait tranquillement son cours

tandis que je m’approchais d’un attroupement de personnes qui gesticulait dans

tous les sens. Intriguée, je les rejoignis et découvris une vitrine interactive, comme celle

réalisée par Moment Factory à Montréal. Elle réagissait aux mouvements des passants

et produisait de la lumière à différentes intensités. Le passant devenait ainsi acteur

de la rue et de la vitrine. Amusée, je me prêtais au jeu pendant quelques secondes,

accompagnée d’un ravissant Hollandais et notre chorégraphie fut remarquable ! Un

peu plus loin, le fameux magasin Lunch laissait s’échapper de son entrée un doux

parfum de lavande accompagné de vanille. Je me sentais transportée quelques

années en arrière, pensant à mes étés passés en Ardèche. Attirée, je m’approchais

de la vitrine et restais admirative face à cette diversité de formes et de couleurs

et je n’étais pas la seule d’ailleurs ! Un groupe d’adolescentes, doigts posés sur la

vitrine, montraient en s’extasiant la multitude de savons, à rayures, à poids, roses, à

paillettes, en forme de cœurs, d’étoiles et de sucettes, gros, énormes et gigantesques.

Tel des bijoux, les vitrines décoraient la rue, la sublimaient. À quelques pas de là,

un magasin avait disposé de nombreuses boules à facettes, guirlandes et étoiles

lumineuses dans sa vitrine et avait mis une musique à plein volume. Je me demandais si

ce n’était pas une discothèque ! Je pris à gauche, sur Gapersteeg et passais devant

Gartine, ce petit restaurant qui propose de fabuleux brunch que j’avais eu l’occasion

de déguster la semaine passée. Je me remémorais quelques souvenirs et mon ventre

ce mit soudainement à gargouiller, ce qui fit sourire une femme qui lisait la carte du

restaurant à l’extérieur.

Source // Alice Le Pottier

Page 42: La poésie urbaine

42

Bientôt midi, je décidais de reprendre mon vélo pour aller au marché d’Aldert Cuypst,

le plus grand d’Amsterdam. Avant cela je du remonter la rue d’Oudezjids, une des

plus anciennes de la ville où les maisons y sont superbes. Rouges, marron, ocres,

jaunes et oranges, certaines ne font parfois que deux fenêtres de large tandis que

d’autres presque cinq ! Un canal venait s’engouffrer dans cette rue et de nombreux

ponts ornés d’une multitude de lumières le dominaient. Ce sublime spectacle était

malheureusement perturbé par d’importants et assourdissants travaux de rénovation

urbaine. De nouveau à Damsquare, je rejoignais mon vélo, à terre, l’enfourchais en

direction du marché et décidais de passer par Reguliersgracht, la fameuse rue aux

sept ponts alignés. La nuit, les ampoules qui recouvrent leurs voutes se reflètent dans

l’eau et donnent à voir un magnifique spectacle. De nombreux touristes tentaient

d’y obtenir la plus belle photo, se mettant en scène et n’hésitant pas à légèrement

bousculer leur voisin pour avoir la meilleure place. C’est amusant de les observer.

Cela me faisait penser à la merveilleuse fête des lumières de Lyon, où le temps d’un

weekend, les rues se transforment et donnent à voir un spectacle époustouflant.

Source image // Fête des lumières - LyonSource image // Fête des lumières - Lyon

Page 43: La poésie urbaine

43

Source image // The phone booth aquarium - Kingyibu

Après le second pont, je passais devant une vieille cabine téléphonique qui me

rappelait l’œuvre de Kingyibu, « The phone booth aquariums ». Cet artiste avait rempli

d’eau et de poissons rouges une cabine téléphonique afin d’en faire un aquarium. Ce

n’est pas une mauvaise idée de donner une seconde vie à ces édicules urbains qui

n’ont presque plus aucune utilité, si ce n’est rappeler le temps passé. La rue regorgeait

d’endroits et de mobilier urbain semblables à la cabine téléphonique ; inutilisés et

délaissé par la population.

De nombreuses personnes et artistes les utilisent, telle une toile blanche, afin d’y exprimer

leurs arts ou bien encore des opinions personnelles, politiques et autres.

Source // Banksy - Mis

Page 44: La poésie urbaine

44

Je m’engageais dans la rue Lijnbaansgracht où de nombreux oiseaux m’accueillirent

dans un concerto en La mineur et de nouveau, je me souvenais d’une œuvre, celle-ci

réalisée à Sydney, pour le Vivid festival. La ville avait disposé dans le ciel d’Angel place

une centaine de cages accompagnées de hauts parleurs qui diffusaient des champs

d’oiseaux, afin de se remémorer ceux se trouvant anciennement dans les environs

et qui avaient été forcé de se réfugier dans les terres lorsque les colons avaient

débarqué. Bercée par mes pensées, j’arrivais déjà sur le marché et cherchais à trouver

une place pour mon vélo. Après une longue recherche et à cause du manque flagrant

de places dites légales, je décidais de le poser contre tous les autres déjà en tas sur

une petite place. Le marché d’Aldert Cuypstraat représente à la perfection la culture

hollandaise. Il est au cœur du Pijp, un quartier d’Amsterdam vivant et très agréable.

On peut y trouver de nombreux stands qui proposent de manger sur le pouce du

hareng fumé accompagné d’un cornichon géant et d’oignons crus, le tout dans un

pain brioché (typique et original !). On peut également y manger les fameux cornets

de frites accompagnés de mayonnaise, des jus de fruits frais et pressés à la demande.

Les odeurs affluent de tous côtés, fromages, poissons, chocolats, fruits frais et fleurs, on

Source image // Fête des lumières - Lyon

peut toucher, sentir et goûter, la rue donne faim !

Certains marchants crient, d’autres sont plus calmes, une jeune femme au loin

chante ses légumes, j’entendais du hollandais, de l’anglais, du français, de l’espagnole

et bien d‘autres langues encore. J’étais arrivée dans le troisième acte de cette

chorégraphie urbaine. Que pouvaient bien raconter ces personnes aux langages que

je ne comprenais pas ? Je m’arrêtais quelques instants sur un banc à l’angle d’une rue

qui traversait le marché, le temps de déguster ma gauffre hollandaise, une stroopwafel,

accompagnée d’un bon jus d’oranges frais. En cette fin de printemps, moufles, bottes

et gros manteau avaient été mis au placard. La rue était plus colorée, plus bruyante

et semblait également plus vivante qu’il y a quelques semaines. Les femmes avaient

découvert leurs jambes, ne laissant pas les hommes indifférents. Je m’amusais à comparer

cette scène à celle du film de Pina Bausch, « Les rêves dansants » où les hommes en

costumes et les femmes en robes de soies colorées, cheveux détachés, dansaient, se

regardaient, se cherchaient et se trouvaient grâce à une chorégraphie romantique

et à une gestuelle bien précise. Je retrouvais dans la rue ces mêmes attitudes et

regards, qu’hommes et femmes mettaient en scène inconsciemment. Le sol était en

partie recouvert par des détritus, des cornets de frites vides, des serviettes en papier

et des fruits trop mûrs. Un homme se faisant bousculer renversait son jus d’orange par

terre et plusieurs personnes se mirent à sauter en arrière, sauts de biche improvisés,

essayant d’éviter d’éventuelles éclaboussures.

Source image // Pina Bausch - Les rêves dansants

Page 45: La poésie urbaine

45

Source image // Pina Bausch - Les rêves dansants

45

Page 46: La poésie urbaine

46

À l’écart de la foule, dans la rue perpendiculaire au marché, quelques enfants

dessinaient sur le trottoir marelles et autres dessins enfantins à l’aide de craies. C’était

comme cet été dans le quartier latin de Montréal, pendant le festival de rue Oumf,

où enfants, adolescent, adultes, parents et grands parents dessinaient ensemble à

même la route avec de la peinture mise à disposition par la ville. Chacun y allait de

son imagination, de sa couleur et de son histoire, donnant un autre sens à la rue,

participant ensemble au langage urbain, à la poésie urbaine. Ce même jour, après

qu’habitants et touristes eurent fini de recouvrir le sol de messages divers et variés,

plusieurs troupes de théâtre vinrent faire leur show. Tout au long de la rue que je

descendais, j’avais pu écouter et admirer de surprenantes performances théâtrales qui

se déroulaient au même moment et à seulement quelques dizaines de mètres d’écart.

Certains jouaient dans une baignoire pleine d’eau, d’autres dans une voiture, parfois

nus ou bien habillés comme dans les années 60, seul ou à plusieurs, toute la poésie

de la rue était là, libre d’expressions, spectaculaire et singulière. Acteurs et spectateurs

jouaient ensemble délibérément et inconsciemment. Ils écrivaient, chantaient, parlaient,

dessinaient et vivaient la poésie urbaine. La sonnette d’un vélo m’extirpa de mes

pensées, j’étais toujours assise sur mon banc et la chaleur de l’été qui avait pris place

devenait insupportable.

Source image // Alice Le PottierFestival Oumf - Montréal

peut toucher, sentir et goûter, la rue donne faim !

Je retournais à mon vélo et mon envie de fraicheur me guida jusqu’à Vondelparc.

Long de presque trois kilomètres, il était recouvert d’une végétation luxuriante aux

couleurs de l’automne qui avait déjà pris place. Je me retrouvais projeté dans le

quatrième et dernier acte de ma chorégraphie urbaine. De magnifiques maisons

bordaient les côtés du parc et les promeneurs affluaient de toutes parts. Les pelouses

étaient recouvertes de personnes, assises à jouer à des jeux de cartes, allongées,

parfois en maillots de bain, profitant des dernières chaleurs de l’année. La vie semblait

Source image //Olivier P - Paris plage

Page 47: La poésie urbaine

47

être au ralenti. Fini l’agitation du marché, ici le calme régnait, les oiseaux se faisaient

entendre et seul le bruit des enfants qui pataugeaient et jouaient dans les étendues

d’eau venait perturber ce paisible moment. La chaleur y était pesante, c’est pourquoi

je décidais de m’abriter du soleil sous les branches d’un gigantesque et magnifique

saule pleureur. J’entendais au loin le jazz d’un clarinettiste venant faire profiter à tous ses

talents de musicien. Un couple de personnes âgées venait de se lever, l’homme avait

amoureusement pris la main de sa femme, en avait pausé une autre sur ses hanches et

ils commencèrent à danser à l’ombre d’un arbre. Attendrie, j’observais la scène avec

envie. Un autre couple, puis un second et encore plusieurs autres les rejoignirent et

le musicien se mit à jouer de plus belle. Nous nous serions cru sur les bords de Seine,

lors de l’évènement Paris plage, où de nombreux touristes et parisiens s’adonnent à la

danse de salon en plein air, transformant un habituellement lieu silencieux et inanimé

en un espace joyeux et convivial, de rencontre et d’amusement. Seule, je n’avais pas

osé me lever pour danser. J’étais restée là jusqu’à ce que le soleil décide d’aller

disparaître au loin, donnant à voir un magnifique spectacle de lumière aux couleurs

ocre. Je reprenais mon vélo pour finir ma balade le long des canaux où de nombreux bateaux voguaient au fil de l’eau. Les Hollandais, très friands des « After works » ont pour habitude de se retrouver sur les fameuses vedettes hollandaises après le travail et d’y boire quelques verres accompagnés de musique, de champs et de bonne humeur. La rue avait changé de couleur. Une fois la nuit tombée, lumières et vitrines animaient la rue et se reflétaient dans l’Amstel, donnant ainsi une nouvelle dimension à la ville. Les nombreuses et grandes fenêtres donnaient à voir les intérieurs de maisons Amstellodamoises souvent décorées et aménagées avec goût. Je passais au hasard dans la rue Nieuwezijds Voorburgwal où la ville a donné libre cours à l’imagination de certains artistes qui avaient peints et tagués sur les façades des personnages et bêtes imaginaires, apportant une touche d’imaginaire à la rue. Je me laissais guider par les canaux et me retrouvais finalement au point de départ de ma chorégraphie urbaine. Fatiguée, je quittais la rue et rentrais chez moi, de la poésie plein les yeux.

Source // Nieuwezijds Voorburgwal - Amsterdam

Page 48: La poésie urbaine
Page 49: La poésie urbaine

4949

Source image /Navid Barathy-Intersection

49

Page 50: La poésie urbaine

50

BAKHTINE Mikhaïl et KRISTEVA J, Le mot, le dialogue et le roman, p. 143-173, 1969.

Ils ont introduit la notion de polyphonie dans ses travaux sur l’esthétique du roman et la littérature.

BAUTÈS Nicolas et GUIU Clair, Cheminement autours de l’identité urbaine, La France en ville, Editions

Atlande, 2010.

CAMILLERI Carmel, Chocs de cultures, Édition L’Harmattan, 1989.

Qu’est-ce que la culture. L’identité à travers la culture.

CHOAY Françoise, Urbanisme, utopie et réalités, Éditions du Seuil, 1972.

Histoire et épistémologies des théories de l’urbanisme et de l’aménagement.

DARDEL Éric, L’Homme et la Terre : nature de la réalité géographique, Editions du CTHS, 1990 (édition

originale de 1952).

DURKHEIM Émile, La division du travail social, Édition Puf, 1893.

Définition du sentiment d’identité.

KANFOU Rémy, Atlas de France Touristique et Loisirs, Éditions Documentation Française, collection

Atlas de France, 1997.

L’ensemble des pratiques qu’un individu associe à des lieux définit un mode d’habiter.

KOOLHAAS Rem et MAU Bruce, S M L X L, The Monacelli Pres, 1997.

Réflexion sur les mutations urbaines et la ville générique. L’identité dans la ville générique.

T.HALL Edward, La dimension cachée, p.219, 1978.

La connaissance que nous pouvons avoir d’autrui et sur le danger que nous courons, dans nos cités

modernes, à ignorer cette dimension cachée (celle du territoire de tout être vivant) : peut-être est-ce

moins le surpeuplement qui nous menace que la perte de notre identité.

TUAN Yi-Fu, La perspective de l’expérience, Editions Transcript Verlage, 1977.

BOLLNOW Otto, Mensch und Raum, Alber-Broschur Philosophie, 1963.

L’espace habité

BRONBERGER Christian et MEYER Mireille, Cultures régionales. Singularités et revendications,

Ethnologie française, 2003.

Elle connote, dans des proportions variables, un art de vivre ancré dans un territoire, un sentiment de «

pays «, un « entre-soi « un folklore pittoresque volontiers exhibé à des fins touristiques, la défense et la

promotion d’une langue et de ses expressions singulières, parfois une revendication d’autonomie, voire,

récemment, d’indépendance.

BULOT Thierry, Bibliographie sociolinguistique des pays européens pour 2000, section France dans

Sociolinguistica 16, 2002.

La dialectique entre les pratiques sociales des lieux et la mise en mot des identités.

DE CERTEAU Michel, L’invention du quotidien, 1. Arts de faire et 2. Habiter, cuisiner, Gallimard, 1990.

Définition du « lieu ».

DUBAR Claude, La socialisation, Construction des identités sociales et professionnelles, Paris, Armand

Colin, Collection U, 1991.

Définition de l’identité.

DI MÉO Guy, Les murs invisibles. Femmes, genre et géographie sociale, Paris, Armand Colin, 2004.

Qu’est-ce que la volonté de s’identifier.

GERVAIS-LAMBONY Philippe, Vocabulaire de la ville. Notions et références, Editions du Temps, Paris,

2011.

La citadinité.

GERVAIS-LAMBONY Philippe, Mondialisation, métropolisation et changement urbain en Afrique du

Sud, Revue d’histoire 2004/1, no 81, 2004.

Qu’est-ce que l’identité.

GOSSÉ Marc, Informalité, illégalité… Modèles de gouvernance.

L’architecture, Qu’est-ce que c’est ? Ce qu’elle représente ? Formes urbaines et mutations architecturales,

Conférence à la J. Tanghe-Stichting, Bruges, juin 1998.

Bibliographie // LIVRES Bibliographie // ARTICLES

Page 51: La poésie urbaine

51

HARTKE Wolfgang, Pour une analyse approfondie de la pratique touristique des lieux, 1959.

Actions de l’Homme sur l’espace.

JEUDY Henri-Pierre et BERENSTEIN-JACQUES Paola, Corps et décors urbains, Edition l’Harmattan,

Paris, 2006.

Le lien intime à la ville.

KASPI André et RUANO-BORBALAN Jean-Claude, Identité : l’individu, le groupe, et la société, dans

Sciences humaines, 1996-1997.

Définition de l’identité.

KILPATRICK, Explorations in Transactional Psychology, 1961

Rapport entre l’homme et son environnement.

K.MORISSET Lucie et NOPPEN Luc, Identités urbaines, Échos de Montréal et Québec, Éditions Nota

bene, 2003.

LAMIZET Bernard, Penser la médiation, L’Harmattan Communication, 2008.

LAMIZET Bernard, Le sens de la ville, L’Harmattan Communication, 2002.

LAZZAROTI Olivier « Habiter, la condition géographique. », coll. Mappemonde, Belin, 2006.

Les représentations et valeurs associées à certains (hauts) lieux.

LELIÈVRE Éva et LÉVY-VROELAND Claire, La ville en mouvement, habitat, habitants, Paris, 1992.

LEITE Julieta, La ville incalculable, dans Trapèze, un site internet qui regroupe des articles sur

l’architecture, les arts et paysages contemporains.

L’expérience de l’espace et définition de l’identité urbaine.

LUSSAULT Michel, Figures de l’urbain. Des villes, des banlieues et de leurs représentations, Dirigé avec

Christian Calenge et Bernard Pagand, collection «Sciences de la Ville», 1997.

Définition de l’identité spatiale.

MIAUX Sylvie, Le libre mouvement des corps, 2009.

Le « Parkour », une nouvelle expérience de déplacement dans la ville. Elle remet en question la mise en

scène et l’aménagement des espaces publics urbains.

MOLES Abraham, Les coquilles de l’homme, Revue SADG Architecture, n° 165, juin 1968.

PAQUOT Thierry, Homo urbanus, 1990.

RODIER Rodolphe, Les périurbains et la ville : entre individualisme et logiques collectives, 2007.

Le remaniement des catégories d’espaces urbain, périurbain et rural.

SAINSAULIEU Renaud, L’identité au travail, Les effets culturels de l’organisation, Paris, Presses de

Sciences Po, 1988.

Identités collectives et reconnaissance de soi dans le travail.

STOCK Mathis, Pour un traitement approfondi de l’apport d’Edward Relph à la question du rapport

aux lieux, p. 173-185, 2000 et 2001.

La prise en compte de la plus ou moins grande étrangeté des lieux et analyse des pratiques urbaines.

STOCK Mathis, Les sociétés à individus mobiles : vers un nouveau mode d’habiter, 2001.

La mobilité géographique.

STOCK Mathis, L’habiter comme pratique des lieux géographiques, 2004.

La co-construction collective de l’identité de la ville.

TAP Pierre, L’individu, Le groupe, La société, 1998.

Définition de l’identité personnelle.

THÉRY Hervé et BRUNET Roger, Habiter, p. 250, 1993.

VAN DEN AVENNE Cécile, DORIER APPRILL Elisabeth, GERVAIS-LAMBONY Philippe, Parler, Vies

citadines, Paris et Belin, 2007.

La ville et ses expressions identitaires.

VESCHAMBRE Vincent et Ripoll, Le processus de patrimonialisation : revalorisation, appropriation et

marquage de l’espace, 2006

Les formes identitaires majeures peuvent être dégagées de la complexité des processus d’identification

à la ville.

VILLEPONTOUX Stéphane, Utopies urbaines, « ville rêvée », « ville programmée », « ville possible ».

Docteur en géographie, il a travaillé sur les principes de gouvernance, la politique de la ville, l’urbanité

nomade et l’imaginaire habitant.

WERLEN Benno, Geographie globalisierter Lebenswelten, Österreichische Zeitschrift für Soziologie,

vol. 21, n°2, 1996.

Page 52: La poésie urbaine

52

KOOLHAAS Rem, Les grandes conférences d’architecture, Bordeaux, 2009.

Conférence dans le cadre de ville d’aujourd’hui, vies de demain.

LAMIZET Bernard, Penser la médiation, Laboratoire de recherche en Information et Communication,

2008.

Définition de la médiation comme pratique de la ville.

www.x-environnement.org Réunion débat sur une question touchant à l’environnement.

www.arbreapalabre.comLieu d’échange d’articles et de citations.

www.cnrs.frPrincipal organisme de recherche à caractère pluridisciplinaire en France, le CNRS (Centre national

de la recherche scientifique) mène des recherches dans l’ensemble des domaines scientifiques,

technologiques et sociétaux.

www.revues.orgRevues.org est une plateforme de revues et collections de livres en sciences humaines et sociales,

ouverte aux collections désireuses de publier en ligne du texte intégral.

www.lesechos.frQuotidien économique.

www.collabcubed.comTendance, arts de la rue, design.

http://www.notcot.org/Réseau de tendance design et graphic.

Bibliographie // CONFÉRENCES

Bibliographie // SITES INTERNET

Page 53: La poésie urbaine

53

Remerciements

Pour conclure ce mémoire je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont permis d’avancer

sur ce mémoire et mon projet de fin d’études. Les enseignants de Mutation du Cadre Bâti

de L’Ecole de Design Nantes Atlantique, pour leurs conseils et leur encadrement lors de la

conception et la réalisation de ce projet. Je remercie Juliette Maitre, tutrice de ce projet,

Yohan Dumortier pour avoir su me guider, me conseiller et m’aider tout au long de ce projet

de fin d’études ainsi que Félix Le Pottier, Heidi Guernati et plus particulièrement Hervé Le

Pottier, qui a rendu ce projet possible.

Je remercie tous ceux qui m’ont donné des idées pour concrétiser ce projet, ou qui ont pris le

temps de m’écouter et de me comprendre. Des personnes qui ont pu m’aider de près ou de

loin à la réalisation de ce projet, des personnes qui ont contribué à son élaboration, à son

développement.

Alice Le Pottier Mémoire de fin d’études