la poésie urbaine
DESCRIPTION
Mémoire de recherches.TRANSCRIPT
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3
Urban space is one of our personality foundation and the space's experience plays an essential role in the
construction of our identity.
The body, whether mere a presence, a movement, a moving or a itinerary, reflects an infinity of expressions of
identities which contribute to urban poetry's creation.
As an urban memory, the city is a individual and collective experiences container, an urban languages container.
These languages are very personal, proper to a particular situation, a culture, to places and they define the
urban poetry.
People are involved in the urban poetry because of their spaces affective uses.
By creating a relationship with a picked place, they transform it in an urban habited space, an urban identifying
space, a poetic space.
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5
La relation de l’homme à son environnement et plus
précisément à la ville, est au centre des préoccupations
contemporaines. Il n’est que de citer les ouvrages de Pierre Sansot1,
Henri Lefebvre2 et Raymond Ledrut3 pour comprendre à quel point
la ville, considérée comme une «poétique» ou comme l’expression
d’une dialectique économique et (ou) imaginaire, pose question,
suscite des réflexions toujours actuelles car elles mettent en jeu la
vie de l’homme dans son ensemble.
1 SANSO Pierre, La poétique de la ville, Petite bibliothèque Payot, 1973.2 LEFREBVRE Henri, Le droit à la ville, Economica, 1968.3 LEDRUT Raymond, L’espace social de la ville, Edition Anthropos Paris, 1968.Source image // Stépnie JUNG - Berlin
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Le cadre bâti est un système complexe, amené à se transformer suite aux
mutations comportementales, sociétales et culturelles. Il est composé de bâtiments
publics et privés, d’espaces extérieurs et intérieurs, d’installations pérennes et
éphémères. Le cadre bâti est conçu et construit par l’Homme. La « mutation » se
définit à travers différents termes tels que le changement, la croissance, la conversion,
la métamorphose ou bien encore le passage d’un état à un autre et le mouvement
permanent.
La mégalopole, appelée « Ville générique » par Rem Koolhaas4 , est une ville
multiculturelle, en constante évolution et qui ne cesse de se transformer, tel un aéroport
relié avec le monde. Elle est la juste représentation d’une mutation du cadre bâti et est
un sujet d’étude riche et foisonnant auquel je me suis intéressée pour la composition
de ce mémoire.
Cette ville, que je nommerai « ville dense » est un lieu d’expression individuelle
et collective. Les rapports qu’entretiennent les individus avec le milieu urbain et plus
particulièrement la rue n’ont de cesse d’évoluer. La rue est le reflet d’identités multiples
et l’homme s’y exprime de multiples manières afin de transmettre un message, une
idée ou bien plus encore. Ces expressions forment et racontent ce que j’appellerai
le langage urbain, la poésie urbaine. Dans ce mémoire, j’analyserai de quelles manières l’homme participe t-il à la poésie urbaine.
Source image // Jasper James - City Silhouettes 4 KOOLHAAS Rem et MAU Bruce, S M L X L, The Monacelli Pres, 1997.
Introduction
10
9,7 m2050
7 m2012
203036
Mégalopoles
201230
Mégalopoles
199523
Mégalopoles
Dans une ville dense, on peut observer de nombreuses mutations: elle se densifie, s’étale, prend de la hauteur, change d’architecture et d’identité.
LA VILLE MUTE
10
Source image // Darwinfish - Tokyo
12
L’identité est le caractère permanent et fondamental de quelqu’un, d’un
groupe, qui en fait son individualité et sa singularité. C’est un ensemble de données,
de faits et de droits qui permettent d’individualiser une personne. Le principe d’identité
affirme qu’une chose, une personne est entièrement et exclusivement égale à elle-
même (« A = A »)6.
Selon Renaud Sainsaulieu7, l’identité est issue d’un processus de production à la fois
collectif et individuel. Ces deux typologies interviennent en même temps mais jouent
des rôles différents dans cette même construction. Il me sera donc primordial d’étudier
distinctement les identités individuelles et les identités collectives.
En effet, nous avons tous une manière distincte et personnelle de définir et de
construire notre identité. Pour certains, l’identité et le rapport à soi s’élaborent dans
la logique collective de l’appartenance à un groupe ou un sous-groupe, où ils sont
identifiés comme membres à part entière. Pour d’autres, ce processus de construction
est issu de la dimension individuelle où le sentiment d’identité est basé sur la perception
de la similitude avec soi-même et la certitude de la continuité de soi dans le temps.
C’est être un et le même à travers le temps, l’être en soi, pour soi et pour autrui8.
L’identité dépend de l’équilibre permanent entre le « je » (l’être privé) et le « nous »
(l’être collectif). L’excès de socialisation (de « nous ») ou le repli sur la sphère privé (le
« je ») menacerait cet équilibre identitaire. Il y a dans la conception identitaire une
dualité entre l’identité personnelle et l’identité sociale, deux notions importantes qu’il
me faudra analyser.
S’identifier revient donc à se différencier des autres tout en affirmant son appartenance
à des catégories, des groupes, mais aussi des espaces. Nous pouvons observer dans
la ville et sous différentes formes, cette action d’identification (vêtements, art de la
rue, manifestations, tags, etc.). Cela me donne à croire que la rue est un lieu de mise
en scène où les individus s’expriment à travers des attitudes et des comportements
choisis et exprimés telle une improvisation théâtrale ou bien encore une chorégraphie
urbaine bien orchestrée. De ce point de vue la rue est donc plus qu’une voie de
circulation routière aménagée à l’intérieur d’une agglomération, habituellement formée
6 LE PETIT LAROUSSE ILLUSTRÉ 2012, Larousse, 2012.7 SAINSAULIEU Renaud, L’identité au travail, Les effets culturels de l’organisation, Paris, Presses de Sciences Po, 1988.8 DURKHEIM Émile, La division du travail social, Edition Puf, 1893.9 LE PETIT LAROUSSE ILLUSTRÉ 2012, Larousse, 2012.
de maisons, d’immeubles et de propriétés closes9. Au contraire la rue devient alors lieu
de vie, d’action et d’improvisation, espace de représentation et de mise en scène,
elle a une histoire, une poésie à nous conter.
Afin d’aborder la poésie urbaine, il m’est primordial d’étudier la multitude
d’identités qui habitent l’espace urbain. Pour cela j’ai choisi de travailler dans un ordre
croissant et de commencer mon analyse par l’identité personnelle puis par l’identité
sociale, culturelle et pour finir par l’identité dans la ville, l’identité urbaine.
« Pour être confirmé dans mon identité, je dépends entièrement des autres. »
Hannah Arendt
IntroductionQu’est-ce que l’identité ?
13
l’identité «Je est un autre.»Arthur Rimbaud
l’altéritéLe caractère de ce
qui est autre.
Le caractère de ce qui demeure identique
à soi-même
14
L’identité personnelle s’institue comme valeur et par des valeurs. Par l’action
et l’œuvre, l’individu se valorise aux yeux de tous, tant il est vrai qu’il a besoin d’être
reconnu, aimé, admiré et accepté par l’autre pour confirmer ses propres pouvoirs10.
L’élaboration de l’identité individuelle résulte d’un besoin psychique d’existence et
de reconnaissance en tant qu’être singulier mais identique, dans sa réalité physique,
psychique et sociale. L’identité individuelle est donc indéniablement liée à l’identité
sociale, qui est un processus d’attribution, d’intervention et de positionnement dans
l’environnement. Elle s’exprime à travers la participation à un ou des groupes, à une
ou des institutions. Les identités sociales sont de multiples appartenances ; politiques,
religieuses, familiales, amicales… Elles se structurent par des références identificatoires
liées aux expériences partagées avec d’autres acteurs et sont principalement
observables dans des lieux publics tels que l’espace urbain. Selon Edward T.Hall,
L’homme tend à identifier sa propre image avec celle de l’espace qu’il habite11.
L’identité apparaît ainsi comme le résultat à la fois stable et provisoire, individuel
et collectif, subjectif et objectif, biographique et structurel des divers processus de
socialisation qui, conjointement, construisent les individus et définissent les institutions12.
Sans processus et moyens identificatoires, l’individu ne se sentirait alors peut-être pas
exister. Il y a ici un lien indissociable entre les notions d’identité et d’existence ; exister
qui signifie être dans la réalité, se trouver quelque part, être dans le temps ou dans
l’espace, avoir une réalité. Il apparaît donc que les individus ont un besoin presque
vital de s’identifier aux autres afin de se sentir vivre, d’avoir un rôle, de l’importance
dans la société à travers un espace, l’espace urbain. C’est pourquoi il m’a parut
intéressant en tant que designer d’espace de réaliser une étude sur l’identité et la
poésie urbaine qui en résulte.
Identité personnelle, sociale et culturelle
10 TAP Pierre, L’individu, Le groupe, La société, 1998.11 T.HALL Edward, La dimension cachée, p.219, 1978. 12 DUBAR Claude, La socialisation, Construction des identités sociales et professionnelles, Paris, Armand Colin, Collection U, 1991.
Le besoin de s’identifier peut se retranscrire sous différentes
formes et est facilement observable dans la rue. Patronyme, style
vestimentaire, attitude et langage sont des exemples de formes
d’identifications personnelles qui définissent chaque individu et qui
différencient une personne d’une autre.
15
Source image // Ron Gessel - America today
15
16
Source image // Jean Luc Artigaud- Manifestations anti ACTA
Source image //Manifestation Anti mariage Gay - 2012
Source image // D.Pezera - Manifestation FEMEN - 2011
16
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Processus d’identification à la ville
L’espace urbain est la scène de la vie quotidienne qui définit la communauté
des citadins, c’est un territoire de vie et d’identité. Lieu public par excellence, la rue
me semble être l’espace idéal d’expression individuelle et collective. Les processus
individuels et collectifs d’identification se combinent dans la production de significations
et de signifiants associés à l’espace ici la ville, et plus précisément la rue. La rue est
composée de plusieurs identités ; des identités individuelles, collectives et culturelles,
qui, projetées en elle, donnent une signification aux lieux, créent une identité urbaine.
Les identités personnelles, sociales et culturelles sont généralement retranscrites
dans un contexte spatial spécifique. Je nommerai cette action de « processus
identificatoire ». Ce processus participe à l’élaboration de l’identité urbaine et donc
de la poésie urbaine, c’est pourquoi j’ai décidé d’en faire l’analyse.
Il existe deux formes identitaires majeures pouvant être dégagées des
processus d’identification à la ville. Elles concernent un nombre illimité d’individus et de
groupes qui la pratiquent13.
Il y a dans un premier temps des formes d’identités définies par des groupes
constitués à partir d’une appartenance de fait à la ville ou à une portion de la ville
: associations de riverains, de voisins, associations de défense du patrimoine… Dans
un second temps il y a des identités constituées par l’existence de collectifs regroupés
autour d’autres éléments comme les communautés de valeurs, de pratiques et de
provenances qui s’inscrivent dans la ville et sont susceptibles de s’approprier des
éléments urbains dans lesquels ils se reconnaissent.
Ces éléments sont des signifiants identitaires pouvant être des lieux, des emblèmes
ou des pratiques spatiales spécifiques comme par exemple des rassemblements
ou des manifestations. Ils peuvent également être une structuration symbolique de
13 VESCHAMBRE Vincent et Ripoll, Le processus de patrimonialisation : revalorisation, appropriation et marquage de l’espace, 2006
La rue est également un espace d’expression identitaire sociale
et culturelle, montrant à voir les appartenances parfois politiques,
religieuses, familiales ou amicales des individus.
18
l’espace physique qui conditionne les différentes pratiques urbaines et processus
d’identification.
La capacité d’appropriation de la ville à travers le processus identificatoire ne
repose pas dans ces deux cas sur les lieux en tant que tels, tant varient les échelles
d’identifications (rue, place, quartier, ou territoire). Cette appropriation est en effet
bien plus déterminée par l’aptitude de ces structurations symboliques à rendre visibles
les singularités identitaires personnelles et collectives.
La ville peut donc être perçue comme un ensemble de pratiques territorialisées,
promues volontairement au rang d’emblèmes signalant aux autres des singularités
positives, sources de fierté pour les gens du lieu14. Elle peut également être envisagée
comme un espace vécu, perçu et pratiqué, où les manifestations identitaires seraient
comme un ensemble d’habitudes singulières, qui affleurent à peine à la conscience
et ne faisant l’objet d’aucune revendication. C’est la manière d’être ce que l’on est
là où on est, la manifestation d’une présence, de l’occupation d’un lieu. Il s’agit là de
cultures vécues au quotidien, de codes sous-jacents, qui se déchiffrent plutôt qu’ils
ne s’affichent. Ces codes sont une partie de la réponse à ma problématique ; c’est
à travers eux et des habitudes singulières que l’homme participe à la poésie urbaine.
En somme, l’identité dans la ville serait le processus sans cesse renouvelé de la
construction d’un lien intime entre l’individu, le collectif et l’environnement urbain, par
les usages et pratiques du quotidien, les perceptions et les jeux de projection dans
l’espace. Cette approche rend compte des différentes échelles d’appropriation et
d’identification aux espaces dans la ville, comme le définit Abraham Moles15 à travers
les différentes « coquilles de l’homme », et s’intéresse à une identité en actes et en
pratiques. Moles ouvre son énoncé par l’exposé de deux attitudes philosophiques
distinctes, conduisant à formuler deux psychologies de l’espace différentes,
apparemment contradictoires et pourtant toutes deux essentielles.
La première attitude correspond à une philosophie cartésienne (Je pense, donc je
suis16) de l’espace comme étendue ; Elle adopte le point de vue d’un observateur
extérieur qui n’habite pas cet espace et qui examine de manière rationnelle un monde
étendu et illimité dans lequel tous les points s’avèrent équivalents, car aucun n’est
privilégié. L’espace se réduit alors à une configuration géométrique, caractérisée
par un système de coordonnées purement arbitraire. Dans ce premier cas de figure,
l’individu ferait partie d’une chorégraphie urbaine parfaitement orchestrée, composée
de gestes devenus rituels, presque mécaniques et faisant principalement référence
à une utilisation pratique de l’espace - par opposition à un support d’expression.
L’individu n’a pas ici conscience de participer à l’identité du lieu, ce n’est pas son
intention première, mais il donne à travers ses actions une fonction aux lieux, donc une
identité à l’espace pratiqué.
Une seconde attitude qui est appelée philosophie de la centralité par Abraham
Moles correspond au point de vue «Ici et Maintenant» de l’individu en situation, qui
éprouve son propre rapport à l’environnement. Dans cette perspective, l’être s’éprouve
comme le centre du monde et celui-ci s’étend autour de lui. Le rapport entre l’individu
et l’espace, la rue, devient alors identitaire.
Je retiens de cette présentation que l’individu est partagé entre deux systèmes de
pensées contradictoires. D’un côté l’individu sait raisonner de façon rationnelle, il
s’oriente, calcule des distances, élabore des trajets. De l’autre, il investit l’espace d’une
affectivité égocentrique, lui conférant des propriétés anisotropiques*. Cela me laisse
penser qu’il y a plusieurs identités urbaines racontant chacune une histoire et une
poésie urbaine différente.
Le processus identitaire urbain s’orchestre donc de diverses manières. Consciemment
ou non, les actions opérées dans l’espace urbain participent à l’élaboration de
l’identité urbaine.
14 BRONBERGER Christian et MEYER Mireille, Cultures régionales. Singularités et revendications, Ethnologie française, 2003.15 MOLES Abraham, Les coquilles de l’homme, Revue SADG Architecture, n° 165, juin 1968.16 LE PETIT LAROUSSE ILLUSTRÉ 2012, Larousse, 2012.* Anisotropique, se dit des substances dont les propriétés physique varient en fonction de la direction.
« Une grande partie de la réussite architecturale de Franck Lloyd Wright tient au fait qu’il a reconnu la diversité qui caractérise les individus dans leur expérience de
l’espace » Edward T.Hall, La dimension cachée.
19
Le samedi 4 avril 2009, 1600 pandas ont investi la Place Royale de Nantes. Tout au long de la journée, les nantais ont pu admirer et s’interroger face à l’écrasante vérité que dénoncent ces vaillants et chaleureux petits pandas en papier mâché. En effet, il ne restait ce jour là que 1600 représentants de l’espèce. Inconsciemment ou non, l’association OWF à participé à l’identité Nataise durant une cette journée, changeant la vision habituelle de la Place Royal.
Source image // Stephan J - Nantes
19
20
Source image // Panos Pictures - Metropolis
20
21
L’identité urbaine
La mosaïque sociale et culturelle que constitue la ville d’hier et d’aujourd’hui
est une juxtaposition ou association de la différence. La ville révèle et rend visible des
formes inédites d’existences et ce faisant, donc d’expressions et de mises en valeur
culturelle.
Que ce soit pour se singulariser, être visible ou pour revendiquer son appartenance à
un groupe politique ou autre, la ville est traversée par une grande diversité de formes
d’expressions identitaires formant l’identité urbaine. Affichées et revendiquées, elles
contribuent à marquer et à transformer les espaces urbains, la rue17. Ces expressions
traduisent le jeu identitaire complexe auquel se prêtent les individus, utilisant la ville
comme décor et comme ressource pour l’action, comme moyen de médiation, comme
moyen d’exister.
Bernard Lamizet18 parle de la médiation pratique de la ville comme ce qui
« va scander l’espace urbain de la temporalité des usages et des parcours de
ses habitants. Par elle, la ville cesse de n’être qu’un site pour devenir pleinement un
espace de culture et de sociabilité : une médiation entre la dimension collective de
cet espace et la dimension singulière de son appropriation par les habitants qui lui
donnent, ainsi, sens et signification ». Cette citation me conforte dans l’idée que la rue
donne à raconter une histoire que les individus vivent et construisent. La rue est donc
un moyen de communication composé d’une multitude de supports d’expressions.
La co-construction collective de l’identité de la ville s’élabore donc par l’ensemble
des pratiques des lieux. Hétérogènes et multiples, ces pratiques intègrent les valeurs
assignées à la mobilité et aux lieux géographiques, aux technologies d’habiter et
d’habitat, à la représentation, la conception des espaces, à la qualité des lieux et
aux agencements spatiaux. La ville est à la fois le cadre des actions quotidiennes et
le produit des usages des habitants. Elle est un espace habité ; un espace qui est
investi émotionnellement19. La thématique de l’habiter définie par Mathis Stock20 est un
« ensemble de pratiques associées à des lieux ». Pratiquer les lieux c’est donc en faire
l’expérience, c’est déployer, en actes, un faire qui a une certaine signification.
L’identité urbaine est multiscalaire, contextuelle, et se matérialise dans l’interaction
entre individus et sociétés, dans les rapports qu’ont ces individus à l’espace urbain.
La réception du message identitaire urbain se fait donc de différentes manières
et il me faudra les étudier afin de définir les moyens que mettent en œuvre les individus
dans l’élaboration de la poésie urbaine. J’analyserai d’abord la matérialisation de
l’identité à travers le langage puis à travers la pratique que l’on fait des lieux, ce qui
me permettra de déterminer par la suite la signification des espaces identitaires.
17 VAN DEN AVENNE Cécile, DORIER APPRILL Elisabeth, GERVAIS-LAMBONY Philippe, Parler, Vies citadines, Paris et Belin, 2007.18 LAMIZET Bernard, Penser la médiation, L’Harmattan Communication, 200819 BOLLNOW Otto, Mensch und Raum, Alber-Broschur Philosophie, 1963.20 STOCK Mathis, L’habiter comme pratique des lieux géographiques, www.espacestemps.net, 2004.
22
L E L A N G A G E H U M A I N , L E L A N G A G E A R T I C U L É , L E L A N G A G E
D E L A PA R O L E , L A N G A G E I N T É R I E U R , L A N G A G E N A T U R E L ,
L A N G A G E É C R I T , L A N G A G , PA R L É , L A N G A G E D O C U M E N T A I R E ,
L A N G A G E F O R M E L , L A N G A G E L O G I Q U E , L A N G A G E F O R M A L I S É ,
L A N G A G E A R T I F I C I E L , L A N G A G E D E P R O G R A M M A T I O N , L A N G A G E
S Y M B O L I Q U E , L A N G A G E M A C H I N E , L A N G A G E C H I F F R É , L A N G A G E
C O D É , L A N G A G E G E S T U E L , L A N G A G E D E M I M I Q U E , L A N G A G E
D E S F L E U R S , D E S PA R F U M S , L A N G A G E PA R S I G N A U X , L A N G A G E
A U D I T I F, L A N G A G E V I S U E L , L A N G A G E A N I M A L , L A N G A G E F A M I L I E R ,
L A N G A G E A C A D É M I Q U E , L A N G A G E A M P O U L É , L A N G A G E
A R C H A Ï Q U E , L A N G A G E C L A I R , L A N G A G E E X P R E S S I F, L A N G A G E
F I G U R É , L A N G A G E M É T A P H O R I Q U E , L A N G A G E P O M P E U X , L A N G A G E
S I M P L E , L A N G A G E S O U T E N U , L E B E A U L A N G A G E , L A N G A G E
C H O I S I , L A N G A G E C O U R A N T , L A N G A G E N O B L E , L A N G A G E
O R D I N A I R E , L A N G A G E V U L G A I R E , L A N G A G E A R G O T I Q U E , L A N G A G E
P O P U L A I R E , L A N G A G E P O I S S A R D , L A N G A G E D I P L O M A T I Q U E ,
L A N G A G E D E L A C O N V E R S A T I O N , L A N G A G E D E S M A R C H A N D S ,
L A N G A G E D U P E U P L E , L A N G A G E D E S C O U L I S S E S , L A N G A G E D E
L A R U E , L A N G A G E F A U B O U R I E N , L A N G A G E C O M M U N , L A N G A G E
L I T T É R A I R E , L A N G A G E P O É T I Q U E , L A N G A G E A D M I N I S T R A T I F,
L A N G A G E J U R I D I Q U E , L A N G A G E P H I L O S O P H I Q U E , L A N G A G E
T E C H N I Q U E , L A N G A G E D U D R O I T , L A N G A G E D E L’ É C O N O M I E ,
L A N G A G E D E S S C I E N C E S , L A N G A G E C H R O M A T I Q U E , L A N G A G E
M U S I C A L , L A N G A G E H A R M O N I Q U E , L A N G A G E A M B I G U , L A N G A G E
C R U , L A N G A G E C Y N I Q U E , L A N G A G E D I R E C T , L A N G A G E D R O I T ,
L A N G A G E F R A N C , L A N G A G E G R O S S I E R , L A N G A G E H Y P O C R I T E ,
L A N G A G E M E N S O N G E R , L A N G A G E O R G U E I L L E U X , L A N G A G E
L’identité urbaine se matérialise par l’expérience qu’entretiennent les
individus avec les espaces qui constituent la ville, par exemple les places publiques,
les avenues, les rues et ruelles, les jardins publics et autres. La ville est comme un
réceptacle identitaire où les individus s’expriment et se mettent en scène grâce à ce
que je nomme le « langage urbain ».
Le langage est la capacité, observée chez l’humain, à exprimer ses pensées
et à communiquer au moyen d’un système de signes vocaux et éventuellement
graphique. C’est également un système structuré de signes non verbaux remplissant
une fonction de communication21.
Le langage urbain est donc l’ensemble des expressions urbaines qu’utilisent les
individus afin de transmettre un message et de retranscrire, d’affirmer leur identité à
travers l’espace urbain. Chaque expression raconte une histoire, une idée, un point
de vue ou bien encore une action passée. C’est la poésie urbaine ; l’art d’évoquer
et de suggérer les sensations, les impressions et les émotions les plus vives de la rue
par l’union intense des sons, des rythmes, des harmonies, des couleurs et des odeurs.
Il y a plusieurs types de langages, correspondant à différentes cultures, lieux
et moments ainsi qu’à diverses personnes et relations. À chaque individu son langage,
à chaque situation et à chaque lieu son expression. La ville regorge d’innombrables
signes, valsants et tournoyants à chaque angle de rues, tel un ballet de Pina Bausch22,
formant ainsi la poétique urbaine.
Chacun participe à cette poésie avec son propre langage et à travers une pratique
du lieu d’expression qui lui est singulière.
Le langage urbainMatérialisation du message identitaire
21 LE PETIT LAROUSSE ILLUSTRÉ 2012, Larousse, 2012.22 BAUSCH Pina est une chorégraphe et danseuse allemande. Décédée en 2005, elle était la fondatrice de la compagnie Tanztheater Wuppertal et était considérée comme l’une des principales figures de la danse contemporaine et initiatrice du style danse-théâtre.
2323
Source image // Panos Pictures - Metropolis
24 24
Source image // Alice Le Pottier - Péniche NantesUn homme a investi la rue avec des plantes.
24
25
Nous pratiquons la rue à notre « langage » (manière) et à travers ceux des
individus qui expérimentent, eux aussi, l’espace urbain.
Selon le géographe Yi-Fu Tuan23, l’expérience spatiale comprend trois moments
principaux : la sensation, la perception et la conception. Ces moments oscillent
entre l’émotion et la pensée de l’individu et ont comme médiation le corps, l’objet, le
mouvement et le temps. L’expérience de l’espace comprend les sensations (les odeurs,
les textures et les sons), la perception visuelle par rapport aux objets et aux mouvements
du corps dans l’espace (dedans, dehors, grand, petit, étroit, clair, obscur, proche et
lointain) et la conception ; qui d’une certaine manière organise une représentation de
l’espace par l’appréhension mentale24. Ces trois moments qui composent l’expérience
spatiale participent à la poésie urbaine car liés à la pratique que nous faisons de
l’espace.
Le contexte de découverte de l’expression « pratiques des lieux » a émergé à
partir de deux sources majeures. D’abord, Michel de Certeau25 en 1990 qui appelle «
pratique du lieu » le fait de déployer les pratiques pour que le lieu devienne espace.
La seconde source réside dans les questionnements de Bono Werlen26 en 1996
concernant une « pratique de l’ancrage dans le monde avec laquelle les sujets […]
se mettent en rapport avec le monde ». Selon Michel de Certeau, le lieu devient
espace lorsqu’on appréhende dans leurs dimensions temporelles et spatiales les
pratiques qui s’y déroulent. J’appellerai cette pratique de l’espace, l’ « habiter ». Cela
signifie qu’un espace identitaire est un espace habité par ses utilisateurs.
Les termes « habiter » et « habitat » sont d’un usage commun en géographie.
Par « habiter », on désigne le fait « d’avoir son domicile en un lieu »27. Par « habitat
», on désigne le lieu où l’on s’est établi, où l’on vit et où l’on est habituellement. Plus
classiquement encore, l’habitat se définit par l’ensemble des habitations, dans lequel
on distingue l’habitat urbain et l’habitat rural. Dans les études contemporaines de
géographie et de sociologie urbaine, habiter signifie « occuper un logement » ou
« résider »28. Par conséquent, les « habitants » sont ceux qui résident dans un lieu
donné. L’ensemble des pratiques qu’un individu associe à des lieux définit un mode
d’habiter. Les êtres humains n’habitent pas seulement un lieu de domicile, ou plus
précisément n’habitent pas seulement lorsqu’ils résident ; n’importe quelle pratique des
La pratique du lieu
23 TUAN Yi-Fu, La perspective de l’expérience, Editions Transcript Verlag, 1977.24 LEITE Julieta, La ville incalculable, www.trapèze.com.25 DE CERTEAU Michel, L’invention du quotidien, 1. Arts de faire et 2. Habiter, cuisiner, Gallimard, 1990.26 WERLEN Benno, Geographie globalisierter Lebenswelten, Österreichische Zeitschrift für Soziolo-gie, vol. 21, n°2, 1996.27 THÉRY Hervé et BRUNET Roger, Habiter, p. 250, 1993.28 LELIÈVRE Éva et LÉVY-VROELAND Claire, La ville en mouvement, habitat, habitants, Paris, 1992.29 KANFOU Rémy, Atlas de France Touristique et Loisirs, Éditions Documentation Française, collection Atlas de France, 1997.
lieux contribue à les habiter29. Qu’il s’agisse des pratiques touristiques qui associent
des lieux du hors quotidien, à des pratiques de recréation, des pratiques de loisir
ou bien encore de travail, toutes impliquent pour les personnes « l’habiter » ; une
forme d’appropriation de l’espace urbain. On peut ainsi penser que l’ensemble des
pratiques, loin d’être liées à un lieu unique, s’associe simplement à plusieurs lieux : on
peut l’interpréter comme le prolongement fonctionnel du ou des lieux de résidence.
Les espaces identitaires urbains deviennent alors une extension de la sphère privée,
représentante de l’identité individuelle.
L’ensemble des pratiques des espaces participe donc à « l’habiter », ainsi,
cette signification des lieux ne se réduit pas, pour un seul individu et à un seul endroit.
Les individus pratiquent une multiplicité de lieux avec lesquels ils construisent une
relation touchant parfois à l’affectivité. L’habiter, en tant qu’ensemble des expériences
spatiales, implique que les espaces ainsi pratiqués aient un certain sens pour les
hommes. Ici réside la différence fondamentale avec la définition pauvre du terme «
pratique » en tant que simple « fréquentation » des lieux ainsi qu’avec les termes «
comportement » et « action ».
26
Les pratiques d’appropriation révèlent combien l’espace urbain est investi
physiquement et émotionnellement par les individus qui l’expérimentent. Dans le contexte
spécifique de la ville, ces pratiques d’appropriation peuvent être matérialisées par
des événements (grèves et manifestations, défilés, happenings), des usages et des
expressions spécifiques dans l’espace urbain plus ou moins réguliers, éphémères,
saisonniers ou quotidiens (militants, artistiques ou mêlant les registres d’action : squat,
graffiti, skateboard, hiphop, etc.). Ils témoignent de différents modes et niveaux
d’appropriation et de marquage, selon qu’ils soient réprimés, tolérés, ou élevés au
rang de ce qui est souvent désigné comme des « cultures urbaines ». Dans ce cas, ils
n’apparaissent plus comme de seules expressions d’identités en ville, mais tendent à
être mobilisés pour participer à la production de l’identité urbaine par les institutions30.
Pratiquer les lieux, c’est en faire l’expérience, c’est déployer, en actes, un
faire qui a une certaine signification. C’est l’étude des manières de pratiquer les
lieux géographiques qui semble être porteuse de l’intelligibilité de la spatialité des
individus31. Il semblerait donc que plus l’intelligibilité spatiale d’un lieux est forte et plus
il en devient un espace habité et donc identitaire. Les espaces urbains n’ont alors pas
tous la même capacité d’appropriation et certain seront plus identitaire que d’autres.
L’espace urbain, nous l’avons dit précédemment, est fondateur de la
personnalité et l’expérience spatiale joue un rôle capital dans le fondement de notre
identité. En effet, une appréhension positive de l’espace favorisera son intelligibilité
tandis qu’un espace à l’orientation et l’appréhension difficile perdra sa capacité à
être habité. L’expérience que nous vivons avec la rue joue un rôle capital car c’est à
travers elle que se fonde la connaissance même que nous avons de notre subjectivité
et de notre identité. Les individus participent au langage urbain, à la poésie urbaine,
grâce à des pratiques spatiales affectives. En créant un lien affectif avec un lieu choisi,
ils le transforment en un espace urbain habité, un espace identitaire.
Dans une ville dense et en pleine mutation, les espaces urbains habitables sont
nombreux, différents et changeants. Les individus peuvent donc s’identifier en de
nombreux endroits et lieux géographiques, pouvant chacun vivre une expérience
spatiale très différente et donnant ainsi à la ville une grande pluralité d’identités et
d’histoires urbaines. 30 VESCHAMBRE Vincent et Ripoll, Le processus de patrimonialisation : revalorisation, appropriation et marquage de l’espace, 2006.31 STOCK Mathis, L’habiter comme pratique des lieux géographiques, 2004.
Source image // Alice Le Pottier - Pont des Arts, PAris
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grâce à des pratiques spatiales affectives. En créant un lien avec un lieu choisi, ils le
transforment en un espace urbain habité, un espace identitaire. Nous avons remarqué
que suite à la forte mobilité des individus dans les villes, les espaces urbains ont des
significations identitaires sensibles et parfois très différentes.
Quelles sont ces significations et identités des lieux ainsi pratiqués ? Et quels sont les
espaces choisis et investis comme référents identitaires ?
Afin de répondre à ces questionnements, je m’intéresserai d’abord à la sémiotique de
l’espace urbain et à la signification des lieux déterminés par des fonctions sociétales
retranscrites en fonctions urbaines. Cela me permettra d’associer un type de pratique
urbaine à un type d’espace urbain. Je pourrai ainsi définir les composants de la poésie
urbaine.
Les lieux géographiques, différents selon leur qualité et/ou leur identité,
constituent le focus de mon investigation, non pas en tant que milieu, mais en tant que
contexte des pratiques et référent des symbolisations humaines.
La « géographicité »32 est le rapport qu’ont les êtres humains avec les lieux et les
espaces géographiques. La forte mobilité géographique des villes en mutations a pour
conséquence la pratique d’un grand nombre de lieux, tous susceptibles de constituer
un référent géographique et identitaire pour les individus. Cette mobilité accrue fait
advenir une « société à individus mobiles »33 et procède à une recomposition des
pratiques et des valeurs assignées aux lieux géographiques. Une recomposition qui
touche notamment le rapport entre identité/altérité, familiarité/étrangeté exprimé par
les lieux. Cette mobilité accrue permet aux individus d’appréhender de nombreuses
zones urbaines et donc d’habiter plusieurs parties d’une ville, plusieurs espaces urbains.
Le lien intime à la ville, tissé de sensible, d’émotions, d’expérience et de pratiques, se
construit par les parcours des individus dans la ville et s’exprime par le corps et les
symboles l’imprégnant. Qu’il soit simple présence, mouvement, déplacement ou itinéraire,
le corps dans la ville reflète une infinité d’expressions identitaires. Les expressions
individuelles et sociales contribuent à identifier la ville, qui est alors un support rendant
possible et stimulant l’expression, une source d’inspiration et de création et, parfois,
de conflit. L’espace public urbain est un lieu privilégié pour observer le mouvement
des corps, qui expriment des rapports intimes entre l’individu et le lieu. Les pas des
touristes, des passants et des flâneurs, tout comme les pratiques ludiques ou artistiques
en ville, désignent comme des formes de l’expérience physique urbaine, « pratique
quotidienne, esthétique ou artistique »34 rythment la ville et « donnent à voir l’espace
public différemment, tant d’un point de vue matériel qu’idéel »35. La ville peut ainsi être
comparée à une mémoire urbaine du corps, mode singulier d’enregistrement de son
expérience.
On peut trouver dans une même ville de nombreuses significations et symboles
identitaires. D’une rue à l’autre, d’un quartier à un autre la rue ne donnera pas à voir
les mêmes identités, ne donnant pas à voir la même histoire et enrichissant le langage
urbain, la poésie urbaine.
Il résulte de cette analyse que les individus participent à la poésie urbaine
32 DARDEL Éric, L’Homme et la Terre : nature de la réalité géographique, Editions du CTHS, 1990 (édition originale de 1952). 33 STOCK Mathis, Les sociétés à individus mobiles : vers un nouveau mode d’habiter, 2001.34 JEUDY Henri-Pierre et BERENSTEIN-JACQUES Paola, Corps et décors urbains, Edition l’Harmattan, Paris, 200635 MIAUX Sylvie, Le libre mouvement des corps, 2009
Source image // PPAG architekten enzi
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Une approche sémiotique de l’espace de la ville pense un espace urbain
structuré par des signes. Zone de la rencontre et de l’échange, la ville est composée
de lieux de communication qui articulent l’identité qu’ils expriment et les langages qui y
sont mis en œuvre par les acteurs de la communication et de la signification36. La rue
communique, elle raconte une histoire passée, elle rappelle des anciens modes de
vies, certains styles architecturaux et différents actes de la vie urbaine.
Dans la ville, se mêlent des appartenances à des groupes, des sociabilités et
des cultures ; des identités. Le langage urbain est semblable à une polyphonie ; une
forme sémiotique de communication inscrivant les formes d’expression et les dynamiques
de la signification et de l’interprétation dans des lieux de communication. Ces lieux
articulent l’identité des acteurs et leurs langages dans la géographie politique
de l’espace public. Pour reprendre les travaux de Mikhaïl Bakhtine37, un espace
polyphonique est un espace qui met en scène ensemble plusieurs langages, plusieurs
codes distincts et plusieurs systèmes symboliques d’expression et de représentation. La
polyphonie met donc en œuvre des langages et des formes multiples d’expression et
de signification.
L’espace urbain met en scène des langues, des langages et des cultures très différentes
qui se rencontrent au cours de l’histoire d’une ville. C’est ainsi par exemple, qu’une
ville comme Marseille a vu se succéder et se rencontrer la culture grecque, la culture
française, des cultures orientales, la culture italienne, et d’autres identités qui ont pu
inscrire leurs traces, leurs représentations et leurs significations dans l’espace de la ville.
Une telle succession de cultures s’exprime, en particulier, par les noms de lieux et de
rues (le Pharo, emplacement d’une tour grecque, la Canebière, trace du travail du
chanvre) et par les objets du patrimoine (le quartier de la Bourse révèle une partie
des vestiges de la cité grecque).
Enfin, la polyphonie urbaine désigne une sémiotique de la communication
qui articule les formes de l’expression et les dynamiques de la signification et de
l’interprétation. L’espace urbain est un lieu dans lequel se lisent et se déchiffrent les
signes de la culture et de la sociabilité38. Les pratiques sociales ne se donnent pas
seulement à voir, mais se donnent aussi à lire ; en effet, afin de découvrir comment les
Signification des espaces urbains
36 LAMIZET Bernard, Le sens de la ville, L’Harmattan Communication, 2002.37 BAKHTINE Mikhaïl et KRISTEVA J, Le mot, le dialogue et le roman, p. 143-173, 1969.38 PAQUOT Thierry, Homo urbanus, 1990.39 BAUTÈS Nicolas et GUIU Clair, Cheminement autours de l’identité urbaine, La France en ville, Editions Atlande, 2010.
individus participent à la poésie urbaine, je ne dois donc pas seulement m’intéresser
aux pratiques que les habitants et visiteurs font de la ville. Il me faudra comprendre et
interpréter ces expérimentations urbaines sociales porteuses de significations.
L’espace public que les Grecs appelaient l’agora, représenté par le lieu
du théâtre, est l’endroit où se produit la rencontre avec les autres. C’est pourquoi
il est l’essentiel lieu de la sociabilité et de l’identité. Au delà d’être un espace de
sociabilité, la ville est aussi un espace conflictuel. Elle laisse apparaître au grand
jour les désaccords institutionnels et politiques, les conflits d’acteurs, de personnes,
d’idées et de représentations. L’agora est le lieu où les conflits qui sont l’essence de la
sociabilité parviennent à la connaissance de tous pour être mis en scène aux yeux de
chacun. C’est parce qu’elle est un lieu de conflits que la ville est un lieu de langages
et de représentations, un espace de pratiques identitaires et symboliques.39
Vivre la ville c’est vivre dans l’espace public, la rue, un espace qui est à la fois chez
tout le monde et chez personne. Les appartenances et les pratiques y sont donc
symboliques. Dans la ville, les liens entre les habitants, qui structurent la sociabilité et
la citoyenneté, sont inscrits dans des relations symboliques et dans la mise en œuvre
de langages et de représentations qui donnent naissance à une culture et à une
dimension de la ville elle aussi symbolique. L’espace public est un lieu de visibilité, de
communication, d’échange de signes, de circulation des identités et d’informations.
Habiter et pratiquer la ville, c’est s’inscrire dans des relations de médiation et de
représentation. C’est s’ouvrir aux autres individus et à la société grâce au langage
urbain.
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Source image // Panos Pictures - Metropolis
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30
L’espace de la ville est structuré par des repères et des aménagements,
par des informations et des orientations, il est institué par des systèmes sociaux qui
régulent et organisent la vie urbaine. Dans la ville, même les configurations liées à la
nature sont socialisées par les institutions urbaines : les fleuves qui traversent les villes
sont encadrés par des berges aménagées et enjambées par des ponts. Les mers qui
bordent les espaces urbains sont aménagées par des ports et par des quais. Le rôle
de la voirie est, ainsi, de socialiser, d’institutionnaliser, les usages de l’espace urbain.40
Tous ces aménagements sont autant de supports de signes et de codes. Dans la
ville apparaissent cinq grands lieux de communication et d’expression, qui, ensemble,
dessinent une géographie symbolique de l’espace urbain.41 Ils favorisent la polyphonie
urbaine qui articule des systèmes collectifs d’information et de communication ainsi
que des systèmes privés et singuliers d’expression de l’identité.
Les cinq catégories d’espaces urbains correspondent à différents types d’appropriation
de l’individu, différents types d’expressions et de langages urbains.
Je commencerai l’analyse des catégories urbaines par les lieux de l’habitation, qui sont les lieux de l’ancrage identitaire personnel, ceux de la communication privée
et de l’intersubjectivité. La différenciation entre espaces privés et espaces publics
constitue une forme d’élaboration de l’espace urbain en un système de signes. C’est
un type d’information que l’on peut lire dans la ville, en découvrant par les portes et
les fenêtres et en observant jardins et cours d’entrées, les aménagements des espaces
de vie privés. À Amsterdam par exemple, la taille et le grand nombre de fenêtres
disposées sur les façades des maisons laissent aux marcheurs le loisirs d’observer
des scènes de vies du quotidien ; une famille qui déjeune, un couple qui regarde la
télévision devant un plateau repas, quelqu’un faisant le ménage… La sphère privée
vient alors participer à la poésie urbaine.
L’espace urbain met également en scène toute une sémiotique du singulier à travers,
d’abord, les postures, attitudes et vêtements des individus qui le parcourent puis à
travers les pratiques de communication singulière ; un vieil homme lisant un journal, une
femme au téléphone, un groupe de personnes parlant de vive voix au coin d’une
rue, un homme qui marche en boitant, un autre en costume qui apparemment pressé
court de rue en rue et un couple qui papillonne sur un banc public… Toutes ces
attitudes font partie de la communication singulière et viennent nourrir la polyphonie
40 STOCK Mathis, Pour un traitement approfondi de l’apport d’Edward Relph à la question du rap-port aux lieux, p. 173-185, 2000 et 200141 THÉRY Hervé et BRUNET Roger, Habiter, p. 250, 1993.
Source image // Michael Wolf
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de l’espace urbain et la poésie urbaine, en accentuant son imprévisibilité.
Les lieux de l’échange et du commerce sont les lieux de la communication
publicitaire et de la négociation. Il s’agit d’un autre espace de la polyphonie urbaine
qui repose, lui, sur une polyphonie marchande. Le marché urbain a toujours été une
polyphonie, faite de cris, de gestes, d’odeurs, de couleurs et également de vitrines
et d’affiches publicitaires ; des informations communiquées dans les lieux institués de
l’échange et du commerce comme les marchés, les foires, les fêtes foraines ou bien
encore les grandes braderies. Le tout participant à l’identité commerçante du lieux.
Les acteurs de ces espaces urbains participent à la poésie urbaine à travers leurs
comportements et attitudes.
Les agoras sont les lieux du débat politique et de la confrontation. La ville
est l’espace du politique, car elle est l’espace du débat public, des pouvoirs et
de la représentation. En ce sens, la polyphonie urbaine comporte une dimension
proprement politique, qui est elle-même une polyphonie, car étant un système de
communication dans lequel les différentes identités politiques s’opposent les unes aux
autres dans la confrontation permanente du débat et des pratiques politiques. La
polyphonie politique de l’espace urbain s’exprime en particulier dans les défilés et
les manifestations de protestation, dans la confrontation des partis et des journaux
engagés ainsi que dans la mise en scène du débat institutionnel. La rue devient un lieu
polyphonique quand elle est parcourue par des manifestants qui font d’elle un espace
de confrontation politique. Espaces identitaires, les agoras permettent aux individus
d’affirmer leurs appartenances à des catégories sociales et des partis politiques. Ces
derniers participent à la poésie urbaine à travers des mots, des slogans, des champs
et des points de vues personnels montrés aux yeux de tous.
L’espace urbain connaît également les lieux de la communication de
crise, ou de la communication de souffrances, que sont les hôpitaux et les lieux de la
relégation urbaine. La polyphonie urbaine est ici celle de la santé et de la maladie,
celle du bien-être et de la misère, celle de l’ordre et de la souffrance. L’espace urbain
connait une coexistence, une confrontation, souvent conflictuelle, entre deux façons
d’habiter la ville et de vivre la rue : il y a ceux qui l’habitent en se l’appropriant et en
y trouvant leurs marques et ceux qui l’habitent en s’en faisant rejeter, en vivant une
véritable exclusion. La cour des miracles a souvent été une caractéristique de l’espace
urbain au même titre que les lieux du pouvoir. Les ponts, entrées d’hôtels, lieux d’accueil
Source image // Diogo Salles - Times Square
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de la précarité sont, ainsi, des lieux caractéristiques de la sociabilité urbaine. Cette
confrontation de milieux sociaux s’affiche dans la rue au travers d’espaces identitaires
bien distincts qui racontent l’histoire d’individus et qui participent à la poésie urbaine.
Enfin, les lieux de circulation et de déplacement font apparaître une
communication urbaine mobile et nomade de ses utilisateurs. La communication urbaine
est celle du déplacement et de la rencontre. Elle est faite de signes, de symboles, de
panneaux de signalisation routière, d’affiches et d’enseignes publicitaires. Les zones
de circulation portent également des signes exprimés par les acteurs qui parcourent
l’espace urbain. Toutes ces traces, signes, empreintes et symboles rendent l’espace
urbain lisible, nous donnent à lire et à observer la poésie urbaine.
Ces cinq grands lieux de communication et d’expression sont chacun constitués
d’innombrables « sous lieux » dont les symboliques varient selon les individus qui les
pratiquent, les « habitent » et selon les fonctions qui leurs sont attribuées. Qu’il fasse
jour ou nuit, que ce soit l’été, l’automne, l’hiver ou le printemps et selon les personnes qui
expérimentent l’espace urbain, les fonctions et pratiques associées à un ou plusieurs
lieux peuvent se modifier, évoluer ou bien encore disparaître. Cela donne à la poésie
urbaine une once d’imprévisibilité, de surprenant et d’incroyable, montrant au lecteur
de la ville un récit, une poésie haute en couleurs et en péripéties.
Source image // Darwinfich - Tokyo
33
Identité urbaine
Milieu urbain
COMMUNICATIONlangage urbain
MÉMOIRE URBAINEContenant des expériences individuelle et collective.
PRATIQUES SPATIALES AFFECTIVES
Source image // Stépnie JUNG - Berlin
33
35
Au loin, les bâillements de la ville se faisaient déjà entendre. Assise sur le
rebord de ma fenêtre, J’observais les premiers rayons du soleil chercher leur chemin
à travers les sombres ruelles d’Amsterdam. Mon thé encore fumant, je profitais de ces
quelques minutes pour admirer le premier acte de cette merveilleuse danse urbaine
où cyclistes, coureurs, patineurs, marcheurs et voitures se mêlaient et s’entremêlaient au
fil de l’Amstel qui, en ce mois de janvier, est recouvert d’une épaisse couche de glace.
Un carillon m’ôtait de mes pensées, le soleil était enfin parvenu à atteindre Tuinstraat
et venait doucement s’engouffrer sous les combles de cette vieille maison Hollandaise
où j’habite. La rue m’appelait ; bonnet, gants et grosse écharpe, j’étais prête. Sous mes
pieds la neige crissait, je m’enfonçais en suivant les pas de cet homme qui était passé
avant moi. Il avait pris à gauche, je continuais ma route à droite, vers Prinsengracht, où
j’avais laissé mon vélo. La lumière était douce et orangée, les maisons flamboyantes
et leurs vitres éblouissantes. Je croisais madame Vanderplas qui semblait être encore
plus pressée que les matins précédents. Cheveux dans le vent, joues rougies par le
froid, elle me souriait et disparaissait soudainement dans la brume, laissant derrière
elle une fine ligne sur le sol où, à force de passages, la neige commençait déjà à
se transformer en une boue sombre et visqueuse. Dans une maison, un gamin à la
chevelure explosive tentait de me dessiner une grimace à travers une vitre embuée
de sa maison. Je l’entendais rire et lui renvoya ma plus belle moue. Un vieil homme assis
sur un banc, s’amusait de nous voir ainsi se chamailler. Emmitouflé dans une couverture
aux couleurs de Noël, du givre recouvrait son bonnet et sa longue barbe cachait
une partie de son visage abimé par le temps. En passant devant lui, une odeur acre
et forte venait perturber mes pensées et je me rendais compte qu’il avait certainement
passé la nuit ici, recouvert de cartons que je distinguais alors sous son sac. Quelle
était son histoire ? Depuis quand était-il là ? Je continuais ma route, questions en tête. A
l’angle de la rue, une tache rouge recouvrait une partie de la chaussée. Que s’était-il
passé ? Une personne était-elle blessée, morte même ? Je restais là quelques instants
en imaginant le scénario de la scène qui avait du se dérouler quelques minutes plus
tôt. Un vélo passa soudainement à travers cette tache, le cycliste continua sa route,
laissant derrière lui une trace rouge. Immobile, j’observais ce dessin rouge qui se formait
à force de passages. Je pensais à l’œuvre de Painting reality qui avait versé des litres
de peintures de différentes couleurs au carrefour de plusieurs rues. Donnant ainsi à voir
le chassé croisé des centaines de véhicules qui l’empruntaient.
Source // Painting Réality
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Source // Haas & Hahn - Favelas painting
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Un bruit de klaxon retentissait au loin, me ramenant ainsi à la réalité. Je levais les yeux
et décidais de poursuivre ma route. J’apercevais mon vélo au loin, parmi la centaine
d’autres bécanes, rouges, roses, bleues, noires, à pois, à fleurs… chacun y avait mis
de son imagination afin de se différencier des autres et d’amener un peu de vie et de
couleur à cet hiver grisonnant qui n’était pas encore prêt à partir. Cela me rappelait
le projet « Favela Painting » réalisé par les néerlandais Haas & Hahn qui ont eu l’idée
de peindre les favelas de bossanova au Brésil en faisant participer les habitants afin
de les transformer en œuvre d’art. J’atteignais mon vélo, sortais une clef de mon sac,
clic, le cadenas était ouvert et je l’enroulais autour de la selle dans un bruit métallique,
rangeais ma clef et tentais de dégivrer la selle avec la manche de mon manteau. Ces
gestes deviennent rituels à force de répétitions. Ici, en Hollande, chaque personne
se déplaçant à vélo les répète au moins quatre fois par jours. Ces répétitions sont
comparables à l’apprentissage du « tour » en danse classique, où la danseuse,
encore, encore et encore le répète inlassablement jusqu’à atteindre la perfection.
Me voilà sur mon vélo, fesses gelées, presque douloureuses, je décidais de prendre
Prinsenstraat pour rejoindre le centre ville. Un arôme de pain chaud vint s’engouffrer
dans mes narines. Senteur exaltante, je me rappelais mes promenades matinales au
marché des Lices, à Rennes, où les étalages de pains et de viennoiseries fraiches me
faisaient perdre la tête. Je ralentissais et décidais d’assouvir ma gourmandise. Déviant
rapidement sur le trottoir, je sentis ma roue avant glisser mais il est déjà trop tard. Je
perdais l’équilibre et m’effondrais soudain sur une plaque de verglas que je n’avais vue,
emportant avec moi quelques vélos garés sur le trottoir, le tout dans une cacophonie
assourdissante. La rue entière s’arrêta, tel une photographie, conducteurs, cyclistes
et piétons avaient stoppé leurs courses, attendant ma réaction. Cela me rappela le
tournage d’une pub Tic-Tac sur la place de l’hôtel de ville de Rouen en mars 2012.
La marque de bonbons avait piégé plusieurs personnes en caméra cachée avec
un immense flash mob, intitulé «La Pire haleine du monde». Le principe était qu’un
acteur demande son chemin à un anonyme et qu’il s’écroule si ce dernier lui répond,
conséquence directe de la prétendue mauvaise haleine de son interlocuteur. Toutes
les personnes présentes autour du passant s’effondraient alors en même temps et le
temps semblait s’être soudainement arrêté. Une femme se rapprochait de moi, inquiète,
m’aida à me démêler de ce pétrin et la vie reprit doucement son cours. J’entendais
quelques rires moqueurs au loin mais n’y prêtais pas attention. Une fois les vélos remis
en place, je décidais d’aller m’offrir une viennoiserie.
Source // Tic Tac «La pire haleine du monde»
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Après avoir cadenassé mon vélo, je traversais la rue pour rejoindre la fille d’attente,
longue d’une dizaine de mètres et qui se finissait sur le trottoir. Le pain devait y être bon
! Croissants, pains au chocolat, stroopwafel, cookies, brioches, tartelettes à la fraise et
les fameux petits cupcakes ornaient la vitrine qui portait toujours les décorations de
Noël. Je ne savais que choisir et observais avec envie ces nombreuses mignardises.
L’homme qui se tenait devant moi, certainement un habitué, me conseillait le croissant,
disant qu’il n’en avait jamais mangé d’aussi bon. Je lui suggérais qu’il n’avait jamais dû
goûter le croissant français, le « vrai ». Il souriait en entendant mon accent et décidait
de m’en offrir un, afin de me prouver que le croissant hollandais pouvait être meilleur
que le français. Installés sur un banc, nous parlions de cuisine et de nos spécialités
culinaires nationales respectives. Je finissais par admettre que ce croissant était
délicieux et nous repartîmes chacun de notre côté. J’aime ces moments où la rue nous
offre des rencontres incongrues, nous ouvrant ainsi aux personnes que nous croisons
habituellement sans y prêter attention. Avant de remonter sur mon vélo, je pris le temps
d’admirer les quelques patineurs en herbe et parfois plus expérimentés, glisser, sauter et
tournoyer sur le canal qui longeait la rue. De nombreuses traces se dessinaient sur leurs
sillages me laissant imaginer une pirouette, un saut ou bien encore une chute. Deux
enfants se chamaillaient, prononçant des mots qui n’étaient pas encore dans mon
vocabulaire. La mère, qui semblait épuisée, haussait le ton et un des petits se mis à
pigner. Je reprenais mon vélo en direction de Damsquare, le soleil se faisait timide mais
la neige commençait déjà à fondre. Vent de face, je peinais à gravir les trois ponts qui
me séparaient du vieux centre-ville. Devant moi, une femme se battait afin de préserver
son parapluie contre les souffles violents en vain. Le vent prenait le dessus et cassait
plusieurs baleines. De nombreux parapluies mouraient sur les trottoirs, abandonnés
pour casse. À certains endroits on aurait cru un cimetière de tissus à pois, à fleurs et
à rayures. Je me rapprochais et seules quelques ruelles me séparaient désormais de
la place centrale. Je m’engouffrais dans Lijnbaanssteeg, ruelle sombre et étroite, il y
régnait un puissant et saisissant parfum d’herbe. Je passais devant un coffeshop qui
laissait émaner quelques bouffées de fumées depuis son d’entrée.
En l’espace d’une ruelle, le printemps s’était installé dans la ville, la neige avait fondu, laissant apparaître les vieux pavés hollandais, usés, cabossés et disparates. J’empruntais désormais Nieuwezijds Voorburgwal, cette grande artère de la ville où
voitures et bus roulaient à cent à l’heure, m’obligeant à respirer leurs désagréables émanations de gaz. Le bruit de la ville se faisait bien entendre, les hollandais n’étaient pas avares en klaxon et les cyclistes sonnaient à tout va, signalant aux nombreux touristes qu’ils n’avaient rien à faire sur leurs chemins et allant parfois même jusqu’aux cris. Je me trouvais alors dans le deuxième acte de cette chorégraphie urbaine. J’étais dans la course, dépassant et me faisant dépasser, nous étions des centaines à danser sur nos vélos. Certains téléphonaient, d’autres lisaient, discutaient et se tenaient la main… C’est amusant de voir tout ce que l’on peut faire sur un vélo ! Je tournais à l’angle de Raadhuisstraat et voyais enfin apparaître le majestueux palais royal baigné dans une lumière blanche et vive. Un dernier pont à passer, je contournais le bâtiment et arrivais finalement à Damsquare. Stoppée, je ne pouvais plus avancer. Un flot interminable de passants rendait toute circulation impossible. J’entendais déjà quelques râleurs derrières moi et la femme qui me précédait tentait d’écraser le pied d’une passante tandis qu’une autre jouait des coudes. Les sonnettes se faisaient de plus en plus entendre, j’appuyais sur mon canard klaxon, un homme criait et les voitures faisaient ronronner leurs moteurs. L’animosité ambiante prenait le dessus, les piétons cédèrent place et tel un départ de formule 1, nous avions tous démarré. Je garais mon vélo un peu plus loin sur la place, parmi la centaine d’autres. À peine le temps de sortir mes clefs qu’une bourrasque de vent venait faire s’effondrer au sol la moitié des vélos qui y étaient garés. Les touristes riaient et prenaient des photos, certains propriétaires tentaient de se faufiler à travers ce labyrinthe désormais à terre. J’essayais de trouver un poteau pouvant servir de tuteur à mon vélo, en vain, je l’abandonnais donc parmi les autres, aux mains de la tempête qui arrivait. Sur la place, des hommes statues faisaient leur show, un homme jouait de la guitare et quelques personnes s’étaient arrêtées pour profiter de sa reprise de « The yellow submarine » des Beatles. On se croyait sur les Ramblas à Barcelone. Devant le centre commercial De Bijenkorf, je croisais cet homme qui, tous les jours, tentait de jouer du xylophone. Chacune de ses notes était parfaitement fausses et il était presque impossible de trouver une chanson correspondant aux sons qu’il produisait. Sa ténacité, qui me rendait admirative, l’a élevé au rang d’emblème et beaucoup le connaissent. L’entrée de ce centre commercial ne serait plus la même sans lui, il fait désormais partie des murs, partie de la rue.
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Source image // Ramblas - Barcelone
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Source image // Moment factory - La vitrine numérique
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Une goutte venait de se poser sur mon nez, une seconde sur mes pieds, à peine
le temps de me mettre à l’abri qu’une pluie torrentielle s’abattait sur la ville. La rue
s’était vidée en quelques secondes et seuls quelques courageux avaient décidé
de continuer leur routes. La plupart des cyclistes et piétons s’étaient réfugiés sous les
hauvents et à l’intérieur des magasins. Nous étions tous là, immobiles, à regarder la
pluie tomber sur cette place désormais vide de vie. Un homme qui avait déjà bien
entamé un dessin à la craie à même le sol, comme le fameux dessinateur nantais,
voyait son œuvre pleurer et s’écouler le long du caniveau. L’averse ne dura pas bien
longtemps et je pus rapidement sortir de mon abri afin de me diriger vers Kalverstraat,
la principale rue marchande de la ville. Le soleil faisait apparition et un puissant rayon
éclaira la place, réchauffant les pigeons regroupés en son centre, immobiles, plumes
relevées, attendant de sécher. Le flot de personnes qui s’engouffrait dans Kalverstraat
m’emportait avec lui et je n’avais d’autre choix que de le suivre. Le moindre arrêt, la
moindre déviation aurait provoqué un trouble de la circulation. La rue étant étroite
et le flot piétonnier dense, je m’y sentais légèrement oppressée. Sans but précis, je
me laissais guider parmi la foule. Une fillette apparemment distraite manqua de me
rentrer dedans, un homme, petit et relativement corpulent mangeait un hamburger
avec une telle fougue qu’il ne prenait pas la peine d’essuyer sa bouche ou bien
encore la graisse qui tombait parfois sur le sol, sur ses pieds et qui recouvrait déjà
une partie de sa manche droite. Un sentiment de dégout commençait à m’envahir et
il s’amplifia lorsque je cette femme fort apprêtée me frôla, laissant derrière elle une
forte odeur, âcre, de parfum à la rose. Je décidais de regarder ailleurs et vis une
famille, certainement des touristes, qui tentaient d’avancer en vélo dans la rue, ce
qui est formellement interdit dans cette rue. Un homme donna un coup d’épaule au
père qui perdit l’équilibre et manqua de tomber. Français et quelque peu arrogant,
le cycliste commença à faire des grands gestes, cria et rattrapa le passant. Des
policiers qui passaient par là calmèrent rapidement le jeu et ils furent priés de repartir
à pied. Bruyante, odorante et bondée d’une foule dense et mouvante, cette rue était
semblable à un parc d’attraction. La circulation reprenait tranquillement son cours
tandis que je m’approchais d’un attroupement de personnes qui gesticulait dans
tous les sens. Intriguée, je les rejoignis et découvris une vitrine interactive, comme celle
réalisée par Moment Factory à Montréal. Elle réagissait aux mouvements des passants
et produisait de la lumière à différentes intensités. Le passant devenait ainsi acteur
de la rue et de la vitrine. Amusée, je me prêtais au jeu pendant quelques secondes,
accompagnée d’un ravissant Hollandais et notre chorégraphie fut remarquable ! Un
peu plus loin, le fameux magasin Lunch laissait s’échapper de son entrée un doux
parfum de lavande accompagné de vanille. Je me sentais transportée quelques
années en arrière, pensant à mes étés passés en Ardèche. Attirée, je m’approchais
de la vitrine et restais admirative face à cette diversité de formes et de couleurs
et je n’étais pas la seule d’ailleurs ! Un groupe d’adolescentes, doigts posés sur la
vitrine, montraient en s’extasiant la multitude de savons, à rayures, à poids, roses, à
paillettes, en forme de cœurs, d’étoiles et de sucettes, gros, énormes et gigantesques.
Tel des bijoux, les vitrines décoraient la rue, la sublimaient. À quelques pas de là,
un magasin avait disposé de nombreuses boules à facettes, guirlandes et étoiles
lumineuses dans sa vitrine et avait mis une musique à plein volume. Je me demandais si
ce n’était pas une discothèque ! Je pris à gauche, sur Gapersteeg et passais devant
Gartine, ce petit restaurant qui propose de fabuleux brunch que j’avais eu l’occasion
de déguster la semaine passée. Je me remémorais quelques souvenirs et mon ventre
ce mit soudainement à gargouiller, ce qui fit sourire une femme qui lisait la carte du
restaurant à l’extérieur.
Source // Alice Le Pottier
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Bientôt midi, je décidais de reprendre mon vélo pour aller au marché d’Aldert Cuypst,
le plus grand d’Amsterdam. Avant cela je du remonter la rue d’Oudezjids, une des
plus anciennes de la ville où les maisons y sont superbes. Rouges, marron, ocres,
jaunes et oranges, certaines ne font parfois que deux fenêtres de large tandis que
d’autres presque cinq ! Un canal venait s’engouffrer dans cette rue et de nombreux
ponts ornés d’une multitude de lumières le dominaient. Ce sublime spectacle était
malheureusement perturbé par d’importants et assourdissants travaux de rénovation
urbaine. De nouveau à Damsquare, je rejoignais mon vélo, à terre, l’enfourchais en
direction du marché et décidais de passer par Reguliersgracht, la fameuse rue aux
sept ponts alignés. La nuit, les ampoules qui recouvrent leurs voutes se reflètent dans
l’eau et donnent à voir un magnifique spectacle. De nombreux touristes tentaient
d’y obtenir la plus belle photo, se mettant en scène et n’hésitant pas à légèrement
bousculer leur voisin pour avoir la meilleure place. C’est amusant de les observer.
Cela me faisait penser à la merveilleuse fête des lumières de Lyon, où le temps d’un
weekend, les rues se transforment et donnent à voir un spectacle époustouflant.
Source image // Fête des lumières - LyonSource image // Fête des lumières - Lyon
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Source image // The phone booth aquarium - Kingyibu
Après le second pont, je passais devant une vieille cabine téléphonique qui me
rappelait l’œuvre de Kingyibu, « The phone booth aquariums ». Cet artiste avait rempli
d’eau et de poissons rouges une cabine téléphonique afin d’en faire un aquarium. Ce
n’est pas une mauvaise idée de donner une seconde vie à ces édicules urbains qui
n’ont presque plus aucune utilité, si ce n’est rappeler le temps passé. La rue regorgeait
d’endroits et de mobilier urbain semblables à la cabine téléphonique ; inutilisés et
délaissé par la population.
De nombreuses personnes et artistes les utilisent, telle une toile blanche, afin d’y exprimer
leurs arts ou bien encore des opinions personnelles, politiques et autres.
Source // Banksy - Mis
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Je m’engageais dans la rue Lijnbaansgracht où de nombreux oiseaux m’accueillirent
dans un concerto en La mineur et de nouveau, je me souvenais d’une œuvre, celle-ci
réalisée à Sydney, pour le Vivid festival. La ville avait disposé dans le ciel d’Angel place
une centaine de cages accompagnées de hauts parleurs qui diffusaient des champs
d’oiseaux, afin de se remémorer ceux se trouvant anciennement dans les environs
et qui avaient été forcé de se réfugier dans les terres lorsque les colons avaient
débarqué. Bercée par mes pensées, j’arrivais déjà sur le marché et cherchais à trouver
une place pour mon vélo. Après une longue recherche et à cause du manque flagrant
de places dites légales, je décidais de le poser contre tous les autres déjà en tas sur
une petite place. Le marché d’Aldert Cuypstraat représente à la perfection la culture
hollandaise. Il est au cœur du Pijp, un quartier d’Amsterdam vivant et très agréable.
On peut y trouver de nombreux stands qui proposent de manger sur le pouce du
hareng fumé accompagné d’un cornichon géant et d’oignons crus, le tout dans un
pain brioché (typique et original !). On peut également y manger les fameux cornets
de frites accompagnés de mayonnaise, des jus de fruits frais et pressés à la demande.
Les odeurs affluent de tous côtés, fromages, poissons, chocolats, fruits frais et fleurs, on
Source image // Fête des lumières - Lyon
peut toucher, sentir et goûter, la rue donne faim !
Certains marchants crient, d’autres sont plus calmes, une jeune femme au loin
chante ses légumes, j’entendais du hollandais, de l’anglais, du français, de l’espagnole
et bien d‘autres langues encore. J’étais arrivée dans le troisième acte de cette
chorégraphie urbaine. Que pouvaient bien raconter ces personnes aux langages que
je ne comprenais pas ? Je m’arrêtais quelques instants sur un banc à l’angle d’une rue
qui traversait le marché, le temps de déguster ma gauffre hollandaise, une stroopwafel,
accompagnée d’un bon jus d’oranges frais. En cette fin de printemps, moufles, bottes
et gros manteau avaient été mis au placard. La rue était plus colorée, plus bruyante
et semblait également plus vivante qu’il y a quelques semaines. Les femmes avaient
découvert leurs jambes, ne laissant pas les hommes indifférents. Je m’amusais à comparer
cette scène à celle du film de Pina Bausch, « Les rêves dansants » où les hommes en
costumes et les femmes en robes de soies colorées, cheveux détachés, dansaient, se
regardaient, se cherchaient et se trouvaient grâce à une chorégraphie romantique
et à une gestuelle bien précise. Je retrouvais dans la rue ces mêmes attitudes et
regards, qu’hommes et femmes mettaient en scène inconsciemment. Le sol était en
partie recouvert par des détritus, des cornets de frites vides, des serviettes en papier
et des fruits trop mûrs. Un homme se faisant bousculer renversait son jus d’orange par
terre et plusieurs personnes se mirent à sauter en arrière, sauts de biche improvisés,
essayant d’éviter d’éventuelles éclaboussures.
Source image // Pina Bausch - Les rêves dansants
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Source image // Pina Bausch - Les rêves dansants
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À l’écart de la foule, dans la rue perpendiculaire au marché, quelques enfants
dessinaient sur le trottoir marelles et autres dessins enfantins à l’aide de craies. C’était
comme cet été dans le quartier latin de Montréal, pendant le festival de rue Oumf,
où enfants, adolescent, adultes, parents et grands parents dessinaient ensemble à
même la route avec de la peinture mise à disposition par la ville. Chacun y allait de
son imagination, de sa couleur et de son histoire, donnant un autre sens à la rue,
participant ensemble au langage urbain, à la poésie urbaine. Ce même jour, après
qu’habitants et touristes eurent fini de recouvrir le sol de messages divers et variés,
plusieurs troupes de théâtre vinrent faire leur show. Tout au long de la rue que je
descendais, j’avais pu écouter et admirer de surprenantes performances théâtrales qui
se déroulaient au même moment et à seulement quelques dizaines de mètres d’écart.
Certains jouaient dans une baignoire pleine d’eau, d’autres dans une voiture, parfois
nus ou bien habillés comme dans les années 60, seul ou à plusieurs, toute la poésie
de la rue était là, libre d’expressions, spectaculaire et singulière. Acteurs et spectateurs
jouaient ensemble délibérément et inconsciemment. Ils écrivaient, chantaient, parlaient,
dessinaient et vivaient la poésie urbaine. La sonnette d’un vélo m’extirpa de mes
pensées, j’étais toujours assise sur mon banc et la chaleur de l’été qui avait pris place
devenait insupportable.
Source image // Alice Le PottierFestival Oumf - Montréal
peut toucher, sentir et goûter, la rue donne faim !
Je retournais à mon vélo et mon envie de fraicheur me guida jusqu’à Vondelparc.
Long de presque trois kilomètres, il était recouvert d’une végétation luxuriante aux
couleurs de l’automne qui avait déjà pris place. Je me retrouvais projeté dans le
quatrième et dernier acte de ma chorégraphie urbaine. De magnifiques maisons
bordaient les côtés du parc et les promeneurs affluaient de toutes parts. Les pelouses
étaient recouvertes de personnes, assises à jouer à des jeux de cartes, allongées,
parfois en maillots de bain, profitant des dernières chaleurs de l’année. La vie semblait
Source image //Olivier P - Paris plage
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être au ralenti. Fini l’agitation du marché, ici le calme régnait, les oiseaux se faisaient
entendre et seul le bruit des enfants qui pataugeaient et jouaient dans les étendues
d’eau venait perturber ce paisible moment. La chaleur y était pesante, c’est pourquoi
je décidais de m’abriter du soleil sous les branches d’un gigantesque et magnifique
saule pleureur. J’entendais au loin le jazz d’un clarinettiste venant faire profiter à tous ses
talents de musicien. Un couple de personnes âgées venait de se lever, l’homme avait
amoureusement pris la main de sa femme, en avait pausé une autre sur ses hanches et
ils commencèrent à danser à l’ombre d’un arbre. Attendrie, j’observais la scène avec
envie. Un autre couple, puis un second et encore plusieurs autres les rejoignirent et
le musicien se mit à jouer de plus belle. Nous nous serions cru sur les bords de Seine,
lors de l’évènement Paris plage, où de nombreux touristes et parisiens s’adonnent à la
danse de salon en plein air, transformant un habituellement lieu silencieux et inanimé
en un espace joyeux et convivial, de rencontre et d’amusement. Seule, je n’avais pas
osé me lever pour danser. J’étais restée là jusqu’à ce que le soleil décide d’aller
disparaître au loin, donnant à voir un magnifique spectacle de lumière aux couleurs
ocre. Je reprenais mon vélo pour finir ma balade le long des canaux où de nombreux bateaux voguaient au fil de l’eau. Les Hollandais, très friands des « After works » ont pour habitude de se retrouver sur les fameuses vedettes hollandaises après le travail et d’y boire quelques verres accompagnés de musique, de champs et de bonne humeur. La rue avait changé de couleur. Une fois la nuit tombée, lumières et vitrines animaient la rue et se reflétaient dans l’Amstel, donnant ainsi une nouvelle dimension à la ville. Les nombreuses et grandes fenêtres donnaient à voir les intérieurs de maisons Amstellodamoises souvent décorées et aménagées avec goût. Je passais au hasard dans la rue Nieuwezijds Voorburgwal où la ville a donné libre cours à l’imagination de certains artistes qui avaient peints et tagués sur les façades des personnages et bêtes imaginaires, apportant une touche d’imaginaire à la rue. Je me laissais guider par les canaux et me retrouvais finalement au point de départ de ma chorégraphie urbaine. Fatiguée, je quittais la rue et rentrais chez moi, de la poésie plein les yeux.
Source // Nieuwezijds Voorburgwal - Amsterdam
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Source image /Navid Barathy-Intersection
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www.x-environnement.org Réunion débat sur une question touchant à l’environnement.
www.arbreapalabre.comLieu d’échange d’articles et de citations.
www.cnrs.frPrincipal organisme de recherche à caractère pluridisciplinaire en France, le CNRS (Centre national
de la recherche scientifique) mène des recherches dans l’ensemble des domaines scientifiques,
technologiques et sociétaux.
www.revues.orgRevues.org est une plateforme de revues et collections de livres en sciences humaines et sociales,
ouverte aux collections désireuses de publier en ligne du texte intégral.
www.lesechos.frQuotidien économique.
www.collabcubed.comTendance, arts de la rue, design.
http://www.notcot.org/Réseau de tendance design et graphic.
Bibliographie // CONFÉRENCES
Bibliographie // SITES INTERNET
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Remerciements
Pour conclure ce mémoire je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont permis d’avancer
sur ce mémoire et mon projet de fin d’études. Les enseignants de Mutation du Cadre Bâti
de L’Ecole de Design Nantes Atlantique, pour leurs conseils et leur encadrement lors de la
conception et la réalisation de ce projet. Je remercie Juliette Maitre, tutrice de ce projet,
Yohan Dumortier pour avoir su me guider, me conseiller et m’aider tout au long de ce projet
de fin d’études ainsi que Félix Le Pottier, Heidi Guernati et plus particulièrement Hervé Le
Pottier, qui a rendu ce projet possible.
Je remercie tous ceux qui m’ont donné des idées pour concrétiser ce projet, ou qui ont pris le
temps de m’écouter et de me comprendre. Des personnes qui ont pu m’aider de près ou de
loin à la réalisation de ce projet, des personnes qui ont contribué à son élaboration, à son
développement.
Alice Le Pottier Mémoire de fin d’études