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14 CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 21 • Septembre 2006 Attitudes Angor stable : les nouvelles recommandations de la Société européenne de cardiologie (I) Nicolas Danchin, Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris Près de dix ans après la publication des premières recommanda- tions de la Société européenne de cardiologie sur la prise en charge de l’angor stable, leur nouvelle mouture était particulièrement attendue. La première partie du texte est dévolue à la démarche diagnos- tique devant un angor stable. Elle marque une nette évolution par rapport aux recommandations de 1997, prenant notamment en compte la diffusion des techniques d’imagerie de stress et de la coronarographie. Clinique L’interrogatoire reste la pierre angulaire de la démarche diagnos- tique, permettant souvent à lui seul d’avoir une quasi-certitude sur l’origine coronaire des douleurs. Les caractéristiques cliniques clas- siques de la douleur sont rappelées et permettent de définir une symp- tomatologie typique, atypique, ou non angineuse (encadré). Il per- met aussi de caractériser la sévérité de l’angor, en utilisant de préférence la classification canadienne en quatre stades. Classification clinique des douleurs thoraciques Angor typique (certain) Présente trois des caractéristiques suivantes : douleur rétroster- nale ayant des caractéristiques et une durée typiques ; survenant à l’effort ou lors de stress émotionnels ; soulagée par l’arrêt de l’effort ou la trinitrine. Angor atypique (probable) Présente deux des caractéristiques précédentes. Douleur non cardiaque Présente une seule ou aucune des caractéristiques précédentes. L’examen physique est souvent moins contributif, en l’absence de pathologie associée ; il doit comprendre le calcul de l’index de masse corporelle et la mesure du périmètre abdominal. Biologie Les examens biologiques servent au diagnostic de certains fac- teurs de risque, à la mise en évidence de causes possibles d’isché- mie, ou à l’évaluation pronostique. La numération-formule recherche une éventuelle anémie ; en cas d’orientation clinique, le dosage des marqueurs thyroïdiens peut être indiqué. La mesure de la créatinine sérique est utile dans un but pro- nostique et les marqueurs de nécrose myocardique (troponines ou CK-MB) doivent être mesurés en cas de suspicion d’angor instable. Sur le plan métabolique, la mesure de la glycémie à jeun et un bilan lipidique complet (cholestérol total, HDL et LDL-cholestérol, triglycé- rides) sont nécessaires. Un contrôle régulier de ces paramètres doit être effectué, à une fréquence qui ne fait pas l’objet d’une recom- mandation formelle et qui dépend des premières constatations. Le dosage de la CRP ultrasensible, comme celui du NT-proBNP ne sont pas recommandés de manière systématique. Recommandations sur les dosages biologiques dans l’évaluation initiale de l’angor Classe I (chez tous les patients) - Bilan lipidique complet à jeun (niveau de preuve B) - Glycémie à jeun (niveau de preuve B) - Numération-formule sanguine (niveau de preuve B) - Créatinine (niveau de preuve C) Classe I (en fonction des données de l’évaluation clinique initiale) - Marqueurs de nécrose en cas de suspicion d’instabilité (niveau de preuve A) - Marqueurs thyroïdiens, selon la clinique (niveau de preuve C) Classe IIa - Hyperglycémie provoquée orale (niveau de preuve B) Classe IIb - CRP-US (niveau de preuve B) - Lp(a), ApoA, ApoB (niveau de preuve B) - Homocystéine (niveau de preuve B) - HbA1c (niveau de preuve B) - NT-BNP (niveau de preuve B) Radiographie thoracique La radiographie thoracique n’est pas jugée indispensable, en l’absence de signes d’orientation particuliers. Examens non invasifs L’ECG de repos doit être pratiqué systématiquement (enregistrement 12 dérivations). Bien qu’il soit régulièrement normal en dehors des crises, même en cas de maladie coronaire sévère, il peut montrer différents types d’anomalies dont certaines peuvent avoir une réelle implication pronostique. En revanche, les recommandations actuelles considèrent que la répétition des enregistrements ECG en dehors des crises, en l’absence de changement de symptomatologie, n’est pas nécessaire (niveau de recommandation IIb ; niveau de preuve C). L’épreuve d’effort est l’examen diagnostique initial de choix ; l’in- terprétation du test repose sur l’analyse de la repolarisation, mais aussi sur le niveau et la durée de l’effort, sur l’évolution de la fré- quence cardiaque pendant l’effort et en récupération et sur une ana- lyse bayésienne prenant en compte la probabilité de maladie coro-

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14CONSENSUS CARDIO pour le praticien - N° 21 • Septembre 2006

Attitudes

Angor stable : les nouvellesrecommandations de la Sociétéeuropéenne de cardiologie(I)

Nicolas Danchin, Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris

Près de dix ans après la publication des premières recommanda-tions de la Société européenne de cardiologie sur la prise en chargede l’angor stable, leur nouvelle mouture était particulièrementattendue.

La première partie du texte est dévolue à la démarche diagnos-tique devant un angor stable. Elle marque une nette évolution parrapport aux recommandations de 1997, prenant notamment encompte la diffusion des techniques d’imagerie de stress et de lacoronarographie.

CliniqueL’interrogatoire reste la pierre angulaire de la démarche diagnos-tique, permettant souvent à lui seul d’avoir une quasi-certitude surl’origine coronaire des douleurs. Les caractéristiques cliniques clas-siques de la douleur sont rappelées et permettent de définir une symp-tomatologie typique, atypique, ou non angineuse (encadré). Il per-met aussi de caractériser la sévérité de l’angor, en utilisant depréférence la classification canadienne en quatre stades.

Classification clinique des douleurs thoraciques

Angor typique (certain)Présente trois des caractéristiques suivantes : douleur rétroster-nale ayant des caractéristiques et une durée typiques ; survenantà l’effort ou lors de stress émotionnels ; soulagée par l’arrêt del’effort ou la trinitrine.Angor atypique (probable)Présente deux des caractéristiques précédentes.

Douleur non cardiaquePrésente une seule ou aucune des caractéristiques précédentes.

L’examen physique est souvent moins contributif, en l’absence depathologie associée ; il doit comprendre le calcul de l’index de massecorporelle et la mesure du périmètre abdominal.

BiologieLes examens biologiques servent au diagnostic de certains fac-teurs de risque, à la mise en évidence de causes possibles d’isché-mie, ou à l’évaluation pronostique. La numération-formule recherche une éventuelle anémie ; en casd’orientation clinique, le dosage des marqueurs thyroïdiens peut êtreindiqué. La mesure de la créatinine sérique est utile dans un but pro-nostique et les marqueurs de nécrose myocardique (troponines ouCK-MB) doivent être mesurés en cas de suspicion d’angor instable. Sur le plan métabolique, la mesure de la glycémie à jeun et un bilan

lipidique complet (cholestérol total, HDL et LDL-cholestérol, triglycé-rides) sont nécessaires. Un contrôle régulier de ces paramètres doitêtre effectué, à une fréquence qui ne fait pas l’objet d’une recom-mandation formelle et qui dépend des premières constatations.Le dosage de la CRP ultrasensible, comme celui du NT-proBNP nesont pas recommandés de manière systématique.

Recommandations sur les dosages biologiques dans l’évaluation initiale de l’angor

Classe I (chez tous les patients)- Bilan lipidique complet à jeun (niveau de preuve B)- Glycémie à jeun (niveau de preuve B)- Numération-formule sanguine (niveau de preuve B)- Créatinine (niveau de preuve C)

Classe I (en fonction des données de l’évaluation clinique initiale)- Marqueurs de nécrose en cas de suspicion d’instabilité (niveaude preuve A)- Marqueurs thyroïdiens, selon la clinique (niveau de preuve C)

Classe IIa- Hyperglycémie provoquée orale (niveau de preuve B)

Classe IIb- CRP-US (niveau de preuve B)- Lp(a), ApoA, ApoB (niveau de preuve B)- Homocystéine (niveau de preuve B)- HbA1c (niveau de preuve B)- NT-BNP (niveau de preuve B)

Radiographie thoraciqueLa radiographie thoracique n’est pas jugée indispensable, en l’absence de signes d’orientation particuliers.

Examens non invasifsL’ECG de repos doit être pratiqué systématiquement (enregistrement12 dérivations). Bien qu’il soit régulièrement normal en dehors descrises, même en cas de maladie coronaire sévère, il peut montrerdifférents types d’anomalies dont certaines peuvent avoir une réelleimplication pronostique. En revanche, les recommandations actuellesconsidèrent que la répétition des enregistrements ECG en dehorsdes crises, en l’absence de changement de symptomatologie, n’est pasnécessaire (niveau de recommandation IIb ; niveau de preuve C).

L’épreuve d’effort est l’examen diagnostique initial de choix ; l’in-terprétation du test repose sur l’analyse de la repolarisation, maisaussi sur le niveau et la durée de l’effort, sur l’évolution de la fré-quence cardiaque pendant l’effort et en récupération et sur une ana-lyse bayésienne prenant en compte la probabilité de maladie coro-

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naire avant test. L’épreuve d’effort peut aussi être utile pour contrô-ler l’efficacité anti-ischémique du traitement. Néanmoins l’intérêt dela répétition périodique des épreuves d’effort n’est pas démontré.

Recommandations pour la réalisation des épreuves d’effortdiagnostiques

Classe IPatients angineux avec une probabilité pré-test intermédiaire àélevée de maladie coronaire (fonction de l’âge, du sexe et dessymptômes), capables d’effectuer un effort et sans anomalies ECGrendant l’interprétation du test aléatoire (niveau de preuve B)

Classe IIb- Patients ayant un sous-décalage de ST ≥ 1 mm sur l’ECG de reposou traités par digitaliques (niveau de preuve B)- Patients ayant une faible probabilité de maladie coronaire (< 10%) (niveau de preuve B)

Recommandations pour le suivi par épreuve d’effort des patients coronariens stables

Classe IIb- Epreuve d’effort systématique périodique en l’absence de modi-fication clinique (niveau de preuve C)

L’imagerie de stress repose essentiellement sur l’échographie et lascintigraphie, qui peuvent être effectuées soit à l’effort, soit pendantun stress pharmacologique. Les techniques d’imagerie de stress ontune plus grande performance diagnostique et elles permettent enoutre de localiser et de quantifier l’ischémie. Le choix de l’une oul’autre technique repose avant tout sur leur disponibilité et sur leniveau d’expertise des équipes qui les pratiquent. L’utilisation destechniques de stress pharmacologique est recommandée quand iln’est pas possible d’obtenir un niveau d’effort suffisant. L’IRM destress (dobutamine) donne d’excellents résultats, mais la techniquea moins largement été évaluée que l’échographie et la scintigraphie.

Recommandations sur l’utilisation de l’imagerie de stresspour l’évaluation initiale de l’angor

Classe I- Patients avec anomalies à l’ECG de repos, BBG, sous-décalagede ST > 1 mm, PM, WPW (niveau de preuve B)- Patients avec épreuve d’effort non concluante, ayant une tolé-rance à l’effort raisonnable et n’ayant pas une haute probabilitéde maladie coronaire, chez lesquels le diagnostic reste douteux(niveau de preuve B)

Classe IIa- Patients revascularisés chez lesquels la localisation de l’ischémieest importante (niveau de preuve B)- En alternative à l’épreuve d’effort standard quand les ressourcesle permettent (niveau de preuve B)- En alternative à l’épreuve d’effort standard, quand la probabi-lité pré-test est faible (par exemple : femmes avec douleurs aty-piques) (niveau de preuve B)- Evaluation du retentissement fonctionnel d’une sténose consta-tée en coronarographie (niveau de preuve C)- Localisation de l’ischémie avant revascularisation chez des patientsayant été coronarographiés (niveau de preuve C)

L’échocardiographie de repos est recommandée en cas de souffle,de suspicion d’insuffisance cardiaque, d’antécédent d’infarctusou en cas d’anomalies ECG associées. Le Holter est recommandéchez les patients angineux ayant une suspicion de troubles durythme (classe I, niveau de preuve B) et dans les suspicions d’an-gor spastique (classe IIa, niveau de preuve C). Les recomman-dations sur l’utilisation du scanner coronaire tiennent compte deson excellente valeur prédictive négative : recommandation declasse IIb pour les patients ayant une faible probabilité pré-test, avec une épreuve d’effort ou une imagerie de stress nonconcluantes (niveau de preuve C). L’IRM n’est pas recommandéeactuellement pour l’évaluation anatomique des artères coronairesen routine clinique.

Explorations invasivesLa coronarographie est considérée comme une technique essen-tielle dans la démarche diagnostique. Dans certaines situations,elle peut être proposée même en l’absence d’examens non inva-sifs préalables.

Recommandations sur la coronarographie diagnostique

Classe I- Angor sévère (classe III ou plus de la classification canadienne),avec une probabilité pré-test élevée, en particulier si les symp-tômes répondent mal au traitement médicamenteux (niveau depreuve B)- Survivants d’arrêts cardiaques récupérés (niveau de preuve B)- Patients avec troubles du rythme ventriculaire sévères (niveaude preuve C)- Patients revascularisés avec récidive symptomatique modéréeou sévère précoce (niveau de preuve C)

Classe IIa- Patients avec probabilité intermédiaire à élevée de maladiecoronaire dont les tests non invasifs sont discordants ou nonconcluants (niveau de preuve C)- Patients à haut risque de resténose après angioplastie, si celle-ci a été effectuée sur une lésion cruciale sur le plan pronostique(niveau de preuve C)

Enfin les recommandations envisagent à part le problème dia-gnostique des douleurs thoraciques à coronaires normales. ■

Dans notre numéro d’octobre, nous aborderons la deuxièmepartie des recommandations qui concerne le traitement de l’angor stable.

Guidelines on the management of stable angina pectoris. European Heart Journal 2006.

Pour en savoir plus :

Pour toute correspondance avec l’auteur :

[email protected]

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