intérêt du versajet® dans le traitement chirurgical du rhinophyma. À propos d’un cas
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CAS CLINIQUE
Intérêt du VersajetW dans le traitement chirurgicaldu rhinophyma. À propos d’un cas
Interest of VersajetW in surgical treatment of therhinophyma. Case report
J. Nicolas *, R. Garmi, D. Labbé, J.-F. Compère, H. Benateau
Service de chirurgie maxillofaciale et plastique, CHU de Caen, avenue Cote-de-Nacre, 14033 Caen cedex, France
Recu le 16 janvier 2008 ; accepte le 16 mai 2008
Annales de chirurgie plastique esthétique (2009) 54, 78—81
MOTS CLÉSRhinophyma ;Chirurgie ;Décortication
* Auteur correspondant.Adresse e-mail : julien.nicolas2@w
0294-1260/$ — see front matter # 20doi:10.1016/j.anplas.2008.05.004
Résumé Le rhinophyma est une hypertrophie du nez survenant essentiellement chez l’hommeà partir de 40 ans, secondaire à une hyperplasie et une fibrose des glandes sébacées. Cettepathologie est particulièrement inesthétique et parfois responsable d’une obstruction nasale. Letraitement de cette pathologie est essentiellement chirurgical et toutes les techniques ont pourbut de réaliser une décortication. Les auteurs décrivent un cas de traitement chirurgical derhinophyma par hydrodissection à l’aide du Versajet1. Après avoir présenté les autres possi-bilités de prise en charge chirurgicale de cette pathologie, les auteurs comparent les avantageset inconvénients de cette nouvelle technique par rapport à celles décrites dans la littératureinternationale.# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDSRhinophyma;Surgery;Decortication
Summary Rhinophyma is an hypertrophy of the nose occurring primarily in man, as from40 years, secondary of an hyperplasy and a fibrosis of sebaceous glands. This pathology isparticularly unesthetic and sometimes responsible of nasal obstruction. The treatment of thispathology is primarily surgical and the purpose of all techniques is to carry out a decortication.The authors describe one case of surgical treatment of rhinophyma by hydrodissection usingVersajet1. After having presented the other possibilities of surgical technics for the treatmentof this pathology, the authors compare the advantages and drawbacks of this new techniquecompared to those described in the international literature.# 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
anadoo.fr (J. Nicolas).
08 Elsevier Masson SAS. Tous droi
ts réservés.Figure 1 Vues préopératoires. A : de face ; B : en contre-plongée.
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Introduction
Signifiant étymologiquement hypertrophie du nez, le rhino-phyma est l’expression clinique la plus sévère de la rosacée[1,2]. Cette dernière est une dermatose fréquente (2 à 3 % dela population française [2]), caractérisée par une érythrosefaciale, des papulovésicules et, au stade ultime, un éléphan-tiasis facial correspondant au niveau du nez au rhinophyma.
Cliniquement, le rhinophyma se caractérise par un nezvolumineux, déformé, bosselé, érythémateux, parfois res-ponsable d’une obstruction nasale.
Cette pathologie survient essentiellement chez l’hommede type caucasien à partir de la quatrième décennie [2].
Son étiologie n’est pas clairement établie, mais différentsfacteurs ont été évoqués, comme un excès en hormonesstéroïdes (androgènes) [3,4], un déficit en vitamines (vita-mines B) [5], une parasitose (Demodex folliculorum) [3] etune consommation alcoolique chronique. Depuis longtemps,le rhinophyma est associé dans l’esprit populaire à l’alcoo-lisme, lui valant le surnom de « whisky nose », « rum nose »sans qu’aucune relation entre les deux n’ait été clairementdémontrée [3,6].
D’un point de vue histologique, la partie inférieure du nezest le siège d’une fibrose dermique, d’une hyperplasiesébacée avec sébostase, d’une hypervascularisation etd’une hypotrophie de l’épiderme [1,2,7].
Le traitement du rhinophyma est chirurgical. Le traite-ment médical permet uniquement de stabiliser la maladie etd’éviter les récidives.
De nombreuses techniques chirurgicales ont été décritespour traiter le rhinophyma avec, comme même principe, ladécortication.
Après avoir rapporté un cas clinique d’utilisation duVersajet1 dans le rhinophyma, nous développerons les avan-tages et inconvénients de cette technique par rapport auxtechniques habituellement utilisées.
Cas clinique
M. B., âgé de 72 ans, a consulté pour un volumineux rhino-phyma responsable d’une gêne esthétique et fonctionnelle(obstruction nasale) (Fig. 1). En dehors d’une consommationalcoolique excessive, le patient ne présentait aucun antécé-dent particulier. L’intervention a été réalisée sous anesthé-sie générale, sans infiltration locale au sérum adrénaliné.Elle a débuté par l’exérèse de la volumineuse tuméfactionnarinaire droite au bistouri froid, puis la décortication a étéréalisée par hydrodissection avec le Versajet1.
Le système hydrochirurgical Versajet1 est composé detrois éléments : la pièce à main qui est à usage unique, laconsole qui génère un flux de liquide qui fait fonctionner lapièce à main et une pédale qui active le système. Il utilise unflux de sérum physiologique circulant à haute vitesse paral-lèlement à la surface de la plaie, permettant d’exciser lestissus. La très grande vitesse du flux permet d’évacuersimultanément les débris tissulaires et ainsi de diminuerles projections. Cette décortication a permis de redéfinirles reliefs narinaires (Fig. 2). En fin d’intervention, un pan-sement gras a été mis en place. L’examen anatomopatho-logique de la tuméfaction retrouvait des glandes sébacéeshypertrophiques sans signes histologiques de malignité.
L’examen parasitologique était négatif (pas de Demodexfolliculorum retrouvé).
Le patient est sorti le lendemain de l’intervention. Dessoins locaux ont été réalisés tous les jours par une infirmièrependant dix jours, puis deux fois par semaine jusqu’à cica-trisation complète, obtenue à 45 jours postopératoires(Fig. 3).
Discussion
Le traitement du rhinophyma est chirurgical et de nombreu-ses techniques chirurgicales ont été décrites : dermasection,électrocoagulation, laser et dermabrasion. Toutes ces tech-niques répondent au même principe, la réalisation d’unedécortication.
Les différentes méthodes utilisées présentent des avan-tages et des inconvénients qu’il faut évaluer pour traiter aumieux la lésion et avoir un rendu cicatriciel satisfaisant. Ladermasection est la technique la plus ancienne, consistanten une décortication au bistouri froid après infiltration à laXylocaïne1 adrénalinée (1%), afin d’être le plus exsanguepossible [7]. Les avantages de cette méthode sont uneexérèse précise des lésions hyperplasiques, la possibilité
Figure 2 Vue peropératoire. Décortication au Versajet1, undoigt est utilisé comme conformateur endonarinaire afin defaciliter le geste et permettre une bonne redéfinition des ailesnarinaires.
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de rester superficiel en respectant les glandes sébacées, lefaible coût du traitement et la possibilité d’une analysehistologique des fragments. Les inconvénients sont parfoisun aspect « taillé au couteau » du nez, le saignementperopératoire qui nécessite quelquefois le recours à l’élec-trocoagulation. De plus, cette technique n’est utilisable quedans les formes sévères.
L’électrocoagulation a l’avantage d’être la technique lamoins sanglante et elle est peu onéreuse. En revanche, ellene permet pas une analyse histologique des fragments, estmoins précise et peut entraîner des brûlures thermiques destissus (cartilage et peau saine périphérique). Ces brûluresentraînent un retard de cicatrisation. Néanmoins, l’électro-coagulation est utile lorsqu’elle est associée aux autrestechniques afin de rester le plus exsangue possible [3,6,7].
Le laser est utilisé depuis la fin des années 1980. Troistypes de laser sont souvent utilisés [3,6,8] :
� le
laser CO2 ; � le laser argon ; � leFigure 3 Résultats à 45 jours postopératoires. A : de face ; B :en contre-plongée.
laser erbium-YAG couplé au laser CO2.
Les lasers permettent un bon contrôle de l’hémostase,sont simples d’utilisation et la variation de la puissancepermet un travail en surface limitant les brûlures des tissussous-jacents. C’est un outil ouvrant la voie à une chirurgierapide, précise et agréable pour le patient. Cependant, cettetechnique est onéreuse, plutôt réservée aux lésions peuétendues et superficielles. Plusieurs cures sont parfoisnécessaires et un érythème du nez peut persister.
La dermabrasion était pour nous la technique deréférence car elle permet un modelage du nez respectantson anatomie. Elle a un coût modéré par rapport aux autrestechniques et un bon rendu cicatriciel. En revanche, sonprincipal inconvénient est la projection importante demicroparticules lors du geste chirurgical nécessitant unménage appuyé du bloc opératoire après chaque interven-tion. De plus, ces micoprojections entraînent une augmenta-tion du risque d’accidents d’exposition au sang. L’analysehistologique est impossible et des troubles de la pigmenta-tion peuvent survenir en cas d’exposition solaire [7].
La technique d’hydrodissection par le Versajet1 utilise unflux de sérum physiologique à haute pression, et donc à hautevélocité, permettant simultanément :
� u
ne excision (décollement et section précise destissus) ; � u ne irrigation (nettoyage et dissolution des débris) ; � u ne aspiration (évacuation des débris cellulaires).Les avantages du Versajet1 par rapport aux autres techni-ques sont sa facilité d’utilisation, sa précision dans le remo-delage du nez, le minimum de projections contrairement à ladermabrasion et un résultat esthétique très satisfaisant avecun bon rendu cicatriciel. Son utilisation est possible mêmedans le rhinophyma débutant. Les inconvénients du Versajet1
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sont tout d’abord un prix élevé, qui peut être dans certainscas un facteur limitant, ainsi que l’impossibilité d’analyserhistologiquement les débris.
Dans notre cas clinique, en dehors de l’éviction solaire etde la diminution des facteurs irritants (alcool) [9], aucuntraitement postopératoire n’a été proposé pour diminuer lerisque de récidive. Une diminution de la consommationalcoolique a été demandée au patient même si l’alcooln’apparaît plus comme un facteur favorisant cette patholo-gie[3,6]. Certains auteurs [10] proposent, afin de diminuer lerisque de récidive, un traitement postopératoire à débutertrois semaines après l’intervention à base d’acide rétinoïqueA et d’oxyde de zinc.
Conclusion
Le rhinophyma, de par son retentissement esthétique et dela mauvaise image dont il souffre, nécessite un traitementradical qui ne peut être obtenu que par chirurgie. Denombreuses techniques chirurgicales ont été développéeset publiées dans la littérature internationale [3—8]. Iln’existe pas de technique de référence. Cette nouvelletechnique par hydrodissection au Versajet1 a les avantagesde la dermabrasion (qualité esthétique du résultat) sansson principal inconvénient qu’est la projection de sang etde débris.
Références
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