infertilité masculine : cherchez le gène

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12 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - DÉCEMBRE 2010 - N°427 La Fondation Arthritis a lancé une campagne nationale d’information des Français (public et professionnels de santé) sur un groupe de rhumatismes un peu occultés par l’omniprésence actuelle des rhumatismes inflamma- toires de l’adulte : l’arthrite juvénile idiopathique (AJI), qui touche quelque 12 000 enfants et adolescent(e)s. Le terme AJI regroupe en fait un ensemble de maladies articulaires inflammatoires sans cause reconnue, débutant avant 16 ans et durant plus de 6 semaines. La génétique a indiqué qu’il s’agit de maladies distinctes et non de formes dif- férentes d’une même maladie. Les critères diagnostiques font consensus depuis 2001. Ce sont 6 pathologies qui entrent dans ce groupe : polyarthrite sys- témique ou maladie de Still ; oligo-arthrite juvénile (50 % des cas) ; polyarthrite avec facteur rhumatoïde ; polyarthrite sans fac- teur rhumatoïde ; arthrites avec enthésites ou spondylarthropathies ; rhumatismes psoriasiques… et arthrites non-classées L’AJI entraîne un handicap dans 20 à 30 % des cas, dont le taux est fonction du nombre et du niveau d’atteinte arti- culaire et du profil évolutif. Les atteintes polyarticulaires sont les plus invalidantes du fait de l’alternance d’épisodes dou- loureux perturbant le sommeil, obligeant au dérouillage matinal et des difficultés à se déplacer seul et à participer aux activités de groupe pouvant compro- mettre la scolarité. La pratique d’activités sportives en milieu scolaire est souvent très limitée. La campagne a pris comme symbole un jeune garçon atteint d’AJI depuis l’âge de 3 ans : Victor. Il a d’abord commencé à se plaindre de douleur de la hanche gauche. Ce symptôme, d’abord négligé, s’est par la suite accompagné de pics d’hyperthermie de plus en plus fréquents, qui ont alors alerté le corps médical et permis la recherche et le diagnostic d’une forme grave d’AJI. La maladie et la contrainte du traitement médical font de lui un enfant différent. Il est plus petit que les enfants de son âge car l’AJI ralentit la AJI rhumatisme oublié Infertilité masculine : cherchez le gène Une équipe de l’Institut Pasteur a iden- tifié des mutations affectant un même gène, à l’origine de troubles sévères de la fertilité masculine, découverte qui ouvre la voie à un diagnostic génétique précoce de certaines formes d’inferti- lité encore mal comprises, permettant alors d’orienter les couples vers cer- taines solutions de l’AMP. L’infertilité constituant dans certains cas un facteur de risque de certains cancers, ces travaux pourraient également amener à renforcer le suivi médical des patients porteurs de ces mutations. Dans le monde, la stérilité touche 1 couple sur 7, et dans 30 à 50 % des cas, l’ori- gine est chez l’Homme, mais il reste des cas inexpliqués. Ken McElreavey et ses collaborateurs de l’Unité de génétique du développement humain de l’Institut Pasteur ont identifié des mutations géné- tiques qui expliqueraient certains cas d’infertilité masculine sévères. En 2009 déjà, ils avaient trouvé que les mutations touchant le gène NR5A1 pou- vaient être à l’origine, chez la femme, d’in- suffisance ovarienne sévère, ce qui les a conduits à les rechercher chez l’homme. L’étude concernait 315 hommes porteurs d’une infertilité inexpliquée. Le séquen- çage du gène NR5A1 sur l’ensemble des échantillons a révélé 7 mutations, respon- sables de 4 % des infertilités sévères, soit la cause monogénique la plus fréquente d’infertilité à ce jour. Des études in vitro sur chacune des mutations ont montré qu’elles réduisent l’expression de gènes impliqués dans le développement et la fonction hormonale testiculaires. Le développement d’un examen diagnos- tique est en jeu : chez certains hommes porteurs d’une de ces mutations, la qualité du sperme se détériore avec le temps. On pourrait leur conseiller de procréer assez jeunes ou de procéder à une congélation de leur sperme. On sait que l’infertilité masculine peut constituer un facteur de risque de can- cers testiculaires ou prostatiques. Sur des modèles animaux, ces mutations sont également responsables d’hypertension artérielle ou d’obésité. D’où nécessité d’assurer un suivi médical renforcé chez les hommes porteurs de mutations sur NR5A1. L’étude a été réalisée avec l’Hôpital Tenon (Paris) et la biobanque Germetheque pour la Recherche sur la reproduction humaine, qui ont fourni les échantillons nécessaires à l’étude, et avec une équipe de l’Univer- sity College de Londres. J.-M. M. DR © BSIP/SPL DR BSIP/SPL croissance osseuse et son activité phy- sique est réduite du fait des arthralgies. Le traitement rejoint celui de la polyarthrite rhumatoïde adulte : traitement de fond (biothérapie et méthotréxate), AINS et cortisone. Les biothérapies (anticyto- kines) ont révolutionné prise en charge et pronostic des formes les plus sévères (rémissions longues), le méthotréxate restant la référence en seconde intention. Dans ces cas, d’autres traitements sont utilisés ou en cours d’étude : thalidomide, antagoniste du récepteur de l’IL 1 anti- corps monoclonal anti-récepteur de l’IL 6 (MRA). J.-M. M. Source : Campagne www.pourquoilui.org Fondation Arthritis : www.fondatioin-arthritis.org Image d’un spermatozoïde déformé, réalisée au  microscope électronique à balayage.

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Page 1: Infertilité masculine : cherchez le gène

12 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - DÉCEMBRE 2010 - N°427

La Fondation Arthritis a lancé une campagne nationale d’information des Français (public et professionnels de santé) sur un groupe de rhumatismes un peu occultés par l’omniprésence actuelle des rhumatismes inflamma-toires de l’adulte : l’arthrite juvénile idiopathique (AJI), qui touche quelque 12 000 enfants et adolescent(e)s.

Le terme AJI regroupe en fait un ensemble de maladies articulaires inflammatoires sans cause reconnue, débutant avant 16 ans et durant plus de 6 semaines. La génétique a indiqué qu’il s’agit de maladies distinctes et non de formes dif-férentes d’une même maladie.Les critères diagnostiques font consensus depuis 2001. Ce sont 6 pathologies qui entrent dans ce groupe : polyarthrite sys-témique ou maladie de Still ; oligo-arthrite juvénile (50 % des cas) ; polyarthrite avec facteur rhumatoïde ; polyarthrite sans fac-teur rhumatoïde ; arthrites avec enthésites ou spondylarthropathies ; rhumatismes psoriasiques… et arthrites non-classées

L’AJI entraîne un handicap dans 20 à 30 % des cas, dont le taux est fonction du nombre et du niveau d’atteinte arti-culaire et du profil évolutif. Les atteintes polyarticulaires sont les plus invalidantes du fait de l’alternance d’épisodes dou-loureux perturbant le sommeil, obligeant au dérouillage matinal et des difficultés à se déplacer seul et à participer aux activités de groupe pouvant compro-mettre la scolarité. La pratique d’activités sportives en milieu scolaire est souvent très limitée.La campagne a pris comme symbole un jeune garçon atteint d’AJI depuis l’âge de 3 ans : Victor. Il a d’abord commencé à se plaindre de douleur de la hanche gauche. Ce symptôme, d’abord négligé, s’est par la suite accompagné de pics d’hyperthermie de plus en plus fréquents, qui ont alors alerté le corps médical et permis la recherche et le diagnostic d’une forme grave d’AJI. La maladie et la contrainte du traitement médical font de lui un enfant différent. Il est plus petit que les enfants de son âge car l’AJI ralentit la

AJI rhumatisme oublié

Infertilité masculine :cherchez le gèneUne équipe de l’Institut Pasteur a iden-tifié des mutations affectant un même gène, à l’origine de troubles sévères de la fertilité masculine, découverte qui ouvre la voie à un diagnostic génétique précoce de certaines formes d’inferti-lité encore mal comprises, permettant alors d’orienter les couples vers cer-taines solutions de l’AMP.

L’infertilité constituant dans certains cas un facteur de risque de certains cancers, ces travaux pourraient également amener à renforcer le suivi médical des patients porteurs de ces mutations.Dans le monde, la stérilité touche 1 couple sur 7, et dans 30 à 50 % des cas, l’ori-gine est chez l’Homme, mais il reste des cas inexpliqués. Ken McElreavey et ses collaborateurs de l’Unité de génétique du développement humain de l’Institut Pasteur ont identifié des mutations géné-tiques qui expliqueraient certains cas d’infertilité masculine sévères.

En 2009 déjà, ils avaient trouvé que les mutations touchant le gène NR5A1 pou-vaient être à l’origine, chez la femme, d’in-suffisance ovarienne sévère, ce qui les a conduits à les rechercher chez l’homme.L’étude concernait 315 hommes porteurs d’une infertilité inexpliquée. Le séquen-çage du gène NR5A1 sur l’ensemble des échantillons a révélé 7 mutations, respon-sables de 4 % des infertilités sévères, soit la cause monogénique la plus fréquente d’infertilité à ce jour.Des études in vitro sur chacune des mutations ont montré qu’elles réduisent l’expression de gènes impliqués dans le développement et la fonction hormonale testiculaires.Le développement d’un examen diagnos-tique est en jeu : chez certains hommes porteurs d’une de ces mutations, la qualité du sperme se détériore avec le temps. On pourrait leur conseiller de procréer assez jeunes ou de procéder à une congélation de leur sperme.

On sait que l’infertilité masculine peut constituer un facteur de risque de can-cers testiculaires ou prostatiques. Sur des modèles animaux, ces mutations sont également responsables d’hypertension artérielle ou d’obésité. D’où nécessité d’assurer un suivi médical renforcé chez les hommes porteurs de mutations sur NR5A1.L’étude a été réalisée avec l’Hôpital Tenon (Paris) et la biobanque Germetheque pour la Recherche sur la reproduction humaine, qui ont fourni les échantillons nécessaires à l’étude, et avec une équipe de l’Univer-sity College de Londres. ■■

J.-M. M.

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croissance osseuse et son activité phy-sique est réduite du fait des arthralgies.Le traitement rejoint celui de la polyarthrite rhumatoïde adulte : traitement de fond (biothérapie et méthotréxate), AINS et cortisone. Les biothérapies (anticyto-kines) ont révolutionné prise en charge et pronostic des formes les plus sévères (rémissions longues), le méthotréxate restant la référence en seconde intention. Dans ces cas, d’autres traitements sont utilisés ou en cours d’étude : thalidomide, antagoniste du récepteur de l’IL 1 anti-corps monoclonal anti-récepteur de l’IL 6 (MRA). ■■J.-M. M.

Source : Campagne www.pourquoilui.org – Fondation Arthritis : www.fondatioin-arthritis.org

Image d’un spermatozoïde déformé, réalisée au  microscope électronique à balayage.