infarctus rénal bilatéral et prise d’ecstasy
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Journal des Maladies Vasculaires (2014) 39, 285—287
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LETTRE À LA RÉDACTION
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Infarctus rénal bilatéral et prised’ecstasy
Bilateral renal infarction and ecstasy
MOTS CLÉSInfarctus rénal bilatéral ;Ecstasy/MDMA
KEYWORDSBilateral renal infarction;Ecstasy/MDMA
Introduction
L’utilisation de stupéfiants expose les consommateurs àdes risques, en particulier cardiovasculaires souvent malconnus des médecins eux-mêmes [1]. Les dernières donnéesépidémiologiques indiquent une consommation de plus enplus élevée et de plus en plus précoce de ces produits.En France métropolitaine, parmi les 12—75 ans en 2005,900 000 personnes ont expérimenté l’ecstasy dont 200 000 enont fait usage dans l’année [2]. La disponibilité et les modesde consommation (ingestion, inhalation, injection) de cessubstances dites récréatives parfois dérivées de médica-ments comme la kétamine se diversifient, augmentant lenombre de consultations aux urgences pour complication dela toxicomanie [3].
Observation
Il s’agissait d’un homme de 30 ans, aviateur de profession,
en bon état général, actif sans antécédents médico-chirurgicaux hormis une amibiase colique non compliquéecontractée lors d’un voyage et un terrain atopique asthma-tique pour lequel il utilisait du salbutamol à la demande. IltLpr
http://dx.doi.org/10.1016/j.jmv.2014.04.0080398-0499/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
’avait pas d’antécédent familial significatif. Il était taba-ique actif depuis plusieurs années et mentionnait uneonsommation d’alcool régulière dans des contextes fes-ifs. Il s’était présenté aux urgences vers 5 h du matin poures douleurs abdominales prédominantes au niveau lom-aire, bilatérales intenses à type de coup de poignard. Il’agissait du premier épisode du genre. Lorsque l’on repre-ait l’interrogatoire, il précisait une prise 6 h auparavantors d’une soirée arrosée de plusieurs comprimés de MDMA3,4-méthylène-dioxy-N-méthylamphétamine) mélangés àu cannabis et de l’alcool. Cliniquement à l’entrée l’EVAtait à 7/10 et la température à 38,2 ◦C. Il n’y avait pase trouble hémodynamique. Les examens biologiques deébrouillage retrouvaient un syndrome inflammatoire avecne hyperleucocytose à 21 G/L et une CRP > 200 mg/L. Laonction rénale était modérément altérée avec une allurerganique (créatinine à 130 �mol/L, urée 5,1 mmol/L etapport inférieur à 10). La bandelette urinaire était néga-ive pour les leucocytes et nitrites mais positive à 1 croixour les protides. Le bilan hépatique et lipase étaient nor-aux. Devant ce tableau atypique hyperalgique abdominal,
n scanner abdominopelvien avec injection de produit deontraste iodé était effectué. Celui-ci objectivait un infarc-us rénal polaire inférieur bilatéral sans argument pour uneissection ou d’aspect évocateur de vascularite (Fig. 1 et 2).
Une anticoagulation curative par héparine de bas poidsoléculaire avec relais par antivitamine K était initiée.
’antalgie était rapidement obtenue sous morphinique. Il’y avait pas d’insuffisance rénale aiguë ou de complicationsnfectieuses (ECBU négatif). Les bilans toxicologiques reve-aient positifs pour THC-COOH et les métamphétaminesrinaires. L’analyse pharmacologique d’un des compriméspporté par le patient confirmait la prise de MDMA. Danse bilan étiologique de cette localisation inhabituelle etilatérale d’infarctus, nous avons éliminé l’endocarditenfectieuse et la cardiopathie emboligène après échocardio-raphie transœsophagienne et holter rythmique. Les causesmmunologiques ont été écartées. En effet, on n’a pas misn évidence de déficit en antithrombine, protéine C ou pro-
éine S libre. Les mutations dans les gènes du facteur Veiden et de la prothrombine étaient absentes. Il n’existaitas d’anticorps antinucléaire ou anti-phospholipide. Laecherche d’anticoagulant circulant de type lupique et de286
Figure 1 Tomodensitométrie : temps artériel, hypodensitébilatérale, absence de rehaussement des artères polaires infé-rieures.Cn
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ryoglobulinémie était négative. L’imputabilité aux stupé-ants (MDMA, cannabis et alcool) de ces infarctus rénauxilatéraux a été retenue.
iscussion
a MDMA pour 3,4-méthylène-dioxy-N-méthylamphétaminelus connue sous l’appellation ecstasy est une amphéta-ine de synthèse stimulante du système nerveux central.
a prise de cette molécule à usage initialement psychia-
rique n’est pas anodine car diverses réactions adversesui ont ainsi été attribuées incluant : attaques de panique,roubles dépressifs, troubles psychotiques. . . La MDMA a éga-ement été impliquée dans la survenue de complicationsigure 2 Tomodensitométrie : temps portal tardif objectivant’infarctus rénal bilatéral avec persistance du cortex corticis.omputed tomography: late portal time, bilateral renal infarc-ion with persistence of the cortex corticis.
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Lettre à la rédaction
rganiques de type : infarctus du myocarde, rhabdomyolyse,oagulation intravasculaire disséminée (CIVD), insuffisanceénale aiguë, hépatite, coma, hyperthermie, hyponatrémie.ur le plan neurologique, des cas d’infarctus cérébraux [4],’hémorragie cérébrale ou de thrombose de sinus veineuxnt été rapportés. Huraut de Ligny en 2005 [5] a imputé lesas de perte précoce de 2 greffons rénaux chez 2 receveursistincts sans argument immunologique à la consommatione cette drogue, la donneuse étant une consommatriceégulière d’ecstasy. L’ecstasy est en effet néphrotoxique,esponsable de nécrose tubulaire aiguë (via hyperthermie,éshydratation, rhabdomyolyse secondaire et syndromeérotoninergique), de néphroangiosclérose aiguë (sur pous-ée hypertensive) et tubulopathie interstitielle [6].
Nous n’avons pas retrouvé dans la littérature de cas simi-aire au nôtre avec cette drogue de synthèse d’autant plusue l’atteinte est ici bilatérale. Cependant des cas sont plusréquemment rapportés avec l’usage d’autres drogues tellesue la kétamine ou la cocaïne [7].
Par ailleurs, l’infarctus rénal aigu est une pathologieare. Les étiologies habituelles sont post-traumatiques, liées
l’athérosclérose, à une dysplasie fibromusculaire, à unertérite inflammatoire ou sont d’origine emboligène (endo-ardite, fibrillation auriculaire, embolie paradoxale. . .).e traitement de choix en cas d’atteinte unilatérale estrincipalement médical (anticoagulation ou fibrinolyse)ais peut être plus invasif avec intervention percutanée
thrombo-embolectomie par cathétérisme). La chirurgieonventionnelle est envisageable en cas d’atteinte bilaté-ale et massive ou sur un rein unique pour sauvetage [8].
En conclusion, la hausse de la consommation à butécréatif souvent de type poly-intoxication massive exposees jeunes usagers à des risques et complications médico-sychiatriques souvent méconnus et banalisés [9]. Nousuggérons donc que la recherche systématique des toxiquesype MDMA, cocaïne et cannabis peut être utile chezes personnes à artères saines, victimes d’accidentsardiovasculaires.
éclaration d’intérêts
es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.
éférences
1] Vandhuick O, Pistorius MA, Jousse S, Ferreira-Maldent N, GuilmotJ-L, Guias B, et al. Toxicomanies et pathologies cardiovascu-laires. J Mal Vasc 2004;29:243—8.
2] Beck F, Legleye S, Spilka S, Briffault X, Gautier A, Lamboy B,et al. Les niveaux d’usage des drogues en France en 2005.Exploitation des données du Baromètre santé 2005 relatives auxpratiques d’usage de substances psychoactives en population
adulte. Tendances 2006;48 [6 p.].3] http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2010-05/consommation de cocaine - recommandations.pdf
4] Muntan CD, Tuckler V. Cerebrovascular accident following MDMAingestion. J Med Toxicol 2006;2:16—8.
5] Hurault de Ligny B, El Haggan W, Comoz F, Lobbedez T, PujoM, Griveau AM. Early loss of two renal grafts obtained from
Lettre à la rédaction
the same donor: role of ecstasy? Transplantation 2005;80:153—6.
[6] Podraza J. MDMA (Ecstasy): does it play a causal rolein nephropathy? A review. http://www.maps.org/research/mdma/podraza.html
[7] Chen JL, Cha TL, Wu ST, Tang SH, Tsao CW, Meng E. Renalinfarction secondary to ketamine abuse. Am J Emerg Med2013;31:1153 [e3-5].
[8] Joulin V, Sallusto F, Deruelle C, Taccoen X, Valeri A, Four-
nier G. Infarctus rénal partiel aigu idiopathique. Prog Urol2005;15:75—7.[9] http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/202/?sequence=11
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M. Dufour ∗
C. PayetA. Gillet
Service de médecine vasculaire, 1, rue Jean-Burguet,33075 Bordeaux, France
∗ Auteur correspondant. Service de médecine vasculaire,hôpital Saint-André, CHU de Bordeaux,
1, rue Jean-Burguet, 33075 Bordeaux, France.Adresse e-mail : [email protected] (M. Dufour)
Disponible sur Internet le 21 juin 2014