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ARTICLE ORIGINAL Indication de la sclérothérapie dans le traitement de l’escarre ischiatique. À propos de 13 cas Indication of sclerotherapy in the treatment of ischiatic pressure sore: About 13 cases L. Bahé a, * , A. Prud’homme b , A. Penaud a , N. Formé a , G. Zakine a a Service de chirurgie plastique, reconstructrice et esthe ´ tique, centre des bru ˆle ´s, ho ˆ pital Trousseau, CHRU de Tours, 37044 Tours, France b Centre me ´ dical Albertini, 13, impasse Roumanille, 34500 Be ´ ziers, France Rec¸u le 23 mai 2009 ; accepte´ le 28 novembre 2009 MOTS CLÉS Escarre ischiatique ; Sclérothérapie ; Lambeaux Résumé Introduction. L’escarre ischiatique, pathologie fréquente chez le patient paraplégique et habituellement traitée par des lambeaux musculaires et fasciocutanés, présente un important taux de récidive. La sclérothérapie, par injection directe dans la cavité de l’escarre d’éthanol pur, est, dans certaines indications, une alternative thérapeutique avantageuse. Patients et me´thode. Une sclérothérapie était effectuée chez 13 patients, dans le service de chirurgie plastique, pour traiter des escarres ischiatiques présentant une poche de décollement et une perte de substance cutanée limitées. Re´sultats. La durée moyenne d’hospitalisation était de 24 jours. Une fermeture complète de l’escarre sans cavité résiduelle était obtenue chez neuf patients (65 %) à la sortie. Deux patients présentaient un retard de cicatrisation superficiel sans ouverture de la cavité. Deux autres patients avaient une récidive précoce et étaient traités par une nouvelle séance de scléro- thérapie permettant une fermeture complète au deuxième mois postopératoire après des soins simples. Le suivi moyen postopératoire était de 14,6 mois (de quatre à 24 mois). Douze patients gardaient une cicatrice stable dans le temps. Un seul patient récidivait à 12 mois. Conclusion. La sclérothérapie par injection d’éthanol pur, indiquée dans certains types d’escarres ischiatiques, est simple, rapide, efficace et permet une cicatrisation stable. La durée d’hospitalisation est plus courte et le taux de récidive comparable aux autres techniques de couverture. # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Annales de chirurgie plastique esthétique (2012) 57, 587593 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Bahé). 0294-1260/$ see front matter # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anplas.2009.11.019

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Page 1: Indication de la sclérothérapie dans le traitement de l’escarre ischiatique. À propos de 13 cas

ARTICLE ORIGINAL

Indication de la sclérothérapie dans le traitementde l’escarre ischiatique. À propos de 13 casIndication of sclerotherapy in the treatment of ischiatic pressure sore:About 13 cases

L. Bahé a,*, A. Prud’homme b, A. Penaud a, N. Formé a, G. Zakine a

a Service de chirurgie plastique, reconstructrice et esthetique, centre des brules, hopital Trousseau, CHRU de Tours, 37044 Tours,FrancebCentre medical Albertini, 13, impasse Roumanille, 34500 Beziers, France

Recu le 23 mai 2009 ; accepte le 28 novembre 2009

MOTS CLÉSEscarre ischiatique ;Sclérothérapie ;Lambeaux

RésuméIntroduction. — L’escarre ischiatique, pathologie fréquente chez le patient paraplégique ethabituellement traitée par des lambeaux musculaires et fasciocutanés, présente un importanttaux de récidive. La sclérothérapie, par injection directe dans la cavité de l’escarre d’éthanolpur, est, dans certaines indications, une alternative thérapeutique avantageuse.Patients et methode. — Une sclérothérapie était effectuée chez 13 patients, dans le service dechirurgie plastique, pour traiter des escarres ischiatiques présentant une poche de décollementet une perte de substance cutanée limitées.Resultats. — La durée moyenne d’hospitalisation était de 24 jours. Une fermeture complète del’escarre sans cavité résiduelle était obtenue chez neuf patients (65 %) à la sortie. Deux patientsprésentaient un retard de cicatrisation superficiel sans ouverture de la cavité. Deux autrespatients avaient une récidive précoce et étaient traités par une nouvelle séance de scléro-thérapie permettant une fermeture complète au deuxième mois postopératoire après des soinssimples. Le suivi moyen postopératoire était de 14,6 mois (de quatre à 24 mois). Douze patientsgardaient une cicatrice stable dans le temps. Un seul patient récidivait à 12 mois.Conclusion. — La sclérothérapie par injection d’éthanol pur, indiquée dans certains typesd’escarres ischiatiques, est simple, rapide, efficace et permet une cicatrisation stable. Ladurée d’hospitalisation est plus courte et le taux de récidive comparable aux autres techniquesde couverture.# 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Annales de chirurgie plastique esthétique (2012) 57, 587—593

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (L. Bahé).

0294-1260/$ — see front matter # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

doi:10.1016/j.anplas.2009.11.019
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KEYWORDSIschiatic pressure sore;Sclerotherapy;Flap

Summary

Introduction. — Ischiatic pressure sore is a common pathology of the paraplegic patient. Usuallytreated after medical therapy, with fasciocutaneous or musculocutaneous local flaps, despitethis treatment the recurrence rate is high. Sclerotherapy, injection of pure ethanol in the cavityof the pressure sore could be an interesting solution in the armentarium of the plastic surgeon insome indications.Patients and methods. — Sclerotherapy was used for 13 patients in the plastic surgery depart-ment to treat ischiatic pressure sores with a cavity, beneath the defect.Results. — The mean length of stay was 24 days. The ischiatic pressure sore was completelyhealed with no skin defect or cavity for nine patients (65%). For two patients, there was a delay ofhealing of the skin defect but no cavity beneath. There were two early recurrences of thepressure sore. They were treated by sclerotherapy with a complete recovery in 2 months withsimple hydrocolloid dressings. The mean post op follow-up was 14,6 months (4 to 24). Only onerecurrence was observed after 12 months.Conclusion. — The injection of pure ethanol in the cavity of specifics ischiatics pressure sores isa simple, fast and effective technique with a good and stable long term wound healing. The meanlength of stay is shorter and the recurrence rate is equivalent to other techniques.# 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

588 L. Bahé et al.

Introduction

L’escarre est une lésion cutanée d’origine ischémique liée àune compression des tissus mous entre un plan dur et lessaillies osseuses.

L’escarre ischiatique, compliquant l’appui prolongé enposition assise dans un fauteuil roulant, se développe le plussouvent chez les patients paraplégiques.

La pression exercée sur les tissus mous est le principalfacteur de survenue de l’escarre. Il existe également desfacteurs intrinsèques tels que la paralysie, la spasticité, lestroubles de la sensibilité et des troubles extrinsèques telsque la macération, le cisaillement et l’infection.

Les indications chirurgicales sont plus larges chez lespatients neurologiques afin de préserver le capital cutané.

Au niveau de la tubérosité ischiatique, il existe anatomi-quement une bourse séreuse qui réalise un plan de glisse-ment permettant l’adaptation du grand fessier lors desmouvements de la hanche. L’hyper appui et les phénomènesde cisaillement créent au niveau de cette bourse séreuse uneinflammation entraînant une bursite. La surinfection de

Tableau 1 Population.

Patient Ans Pathologie Niveau lésionnel

1 72 Escarre décubitus —

2 31 Spina bifida D7—D8

3 46 AVP D12—L1

4 38 AVP D2—D3

5 64 AVP L1—L2

6 54 AVP L1—L2

7 18 Spina bifida D7—D8

8 47 AVP C6—C7

9 57 AVP D9—D10

10 43 AVP D2—D3

11 67 Sd Westphal L3—L4

12 45 Exostose vertébrale D4—D5

13 48 AVC D1—D2

AVP : accident de la voie publique ; AVC : accident vasculaire cérébr

cette bursite conduit à sa fistulisation cutanée qui est alorsune indication chirurgicale en raison du risque évolutif.

Hayashi et al. ont utilisé des injections locales d’éthanolpur pour traiter des escarres ischiatiques chez des patientsparaplégiques [1]. Ils ont décrit cette technique comme plussimple, moins invasive chirurgicalement et efficace pour desescarres avec une large bourse et une petite perte de sub-stance cutanée.

Nous avons souhaité confirmer ces résultats en utilisant lemême protocole opératoire chez 13 patients et étudier plusprécisément les avantages et inconvénients par rapport auxautres techniques standard.

Patients et méthode

Population

Notre étude, descriptive et prospective, porte sur 13 patientstraités de janvier 2006 à juin 2008 pour une escarre ischia-tique avec une perte de substance cutanée et une poche dedécollement limitées.

Facteurs favorisants

Hospitalisations multiples pour insuffisance respiratoireDialyse pour insuffisance rénale chroniqueZone donneuse lambeau glutéal inférieurInfections intestinalesDiabète type2 + sd dépressifActivité professionnelleObésité + fauteuilObésité + fauteuilRésection tête—col fémoralInfections urinaires à répétitionParaplégie flasqueActivité professionnelleParaplégie post-AVC

al ; Sd : syndrome.

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Indication de la sclérothérapie dans le traitement de l’escarre ischiatique 589

Il s’agissait de 11 hommes et deux femmes, âgés de 18 à72 ans, avec un âge moyen de 48,8 ans. Sur 13 patients,11 étaient paraplégiques, un patient était tétraplégique etun seul était valide et présentait une escarre de décubitus.L’origine était traumatique après un accident de la voiepublique chez huit patients. Un patient était atteint dusyndrome de Westphal, syndrome du métabolisme des ionspotassium.

Les deux plus jeunes patients (18 et 31 ans) souffraient deséquelles de spina bifida et avaient subi plusieurs interven-tions au niveau du rachis, le patient le plus âgé (72 ans) étaitvalide et présentait une escarre de décubitus secondaire àdes hospitalisations multiples (Tableau 1).

Le délai d’apparition de la lésion était compris entre unmois et trois ans.

Un patient présentait une récidive de son escarre apparuequelques années auparavant traitée par un lambeau muscu-locutané d’ischiojambiers en VY dans un autre centre.

Un patient avait eu une résection de la tête et du colfémoral pour une ostéoarthrite sévère de l’articulation

Figure 1 A. Patient présentant une escarre ischiatique gauche

pératoire et résultats à trois mois montrant une guérison de l’escarreparage chirurgical. D. Résultat à 18 mois : absence de récidive.

coxofémorale. Il persistait une fistule entre l’escarre ischia-tique et la zone de résection sans signes d’infection.

Un patient avait bénéficié précédemment d’un lambeau dela partie inférieure du muscle gluteus maximus et présentaitdans les suites une nouvelle escarre au niveau du site donneur.

Un patient présentait une récidive à plus de 20 ans d’uneescarre ischiatique traitée à l’époque par un lambeau fas-ciocutané de face postérieure de cuisse.

Deux patients ont bénéficié d’un parage chirurgical avecischiectomie partielle et deux autres ont eu un parage simpledes zones nécrotiques deux semaines à un mois avant l’inter-vention.

Une patiente a bénéficié d’un traitement par pressionnégative (TPN) à domicile avant l’intervention.

Le but était d’obtenir une escarre propre, bourgeonnantedans toute la cavité, sans contact osseux franc, et une peaupérilésionnelle suffisamment étoffée pour permettre unefermeture directe sans tension (Fig. 1A).

Les images tomodensitométriques réalisées chez quatrepatients objectivaient l’escarre et sa cavité, avec une

avec une importante poche de décollement. B. Scanner préo- ischiatique gauche après sclérothérapie. C. Même patient après

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590 L. Bahé et al.

atteinte osseuse superficielle limitée en regard de la lésion(Fig. 1B).

Intervention

Elle se déroulait sous anesthésie générale et en décubitusventral afin d’avoir accès à toute la cavité.

Un parage des berges cutanées en zones saines, desprélèvements bactériologiques de la cavité, puis un lavageau sérum physiologique et à l’eau oxygénée étaient effec-tués. Le bourgeon était respecté et l’hémostase devait êtreparfaite avant la fermeture (Fig. 1C).

Un drain de Redon no 12 était mis en place dans la cavitéet ressortait le plus loin possible en zone saine. Il étaitimportant de veiller à ce que seule la cavité soit au contactavec l’alcool et pas les tissus sains. La fermeture étaitréalisée en trois plans par des points séparés de fils tressésrésorbables en profondeur et de monofilament non résor-bable pour la peau.

La suture devait être étanche tout le long de la plaie sansêtre ischémiante.

Une tubulure et un robinet trois voies étaient alors vissés àl’extrémité du drain pour injecter un volume de sérumphysiologique dans la cavité jusqu’à obtenir une résistance.

Cela permettait de repérer et de corriger les éventuellesfuites et de mesurer le volume à injecter dans la cavité. Lesérum était ensuite réaspiré, puis le même volume d’éthanolpur était injecté et laissé en contact dans la cavité durant90 secondes. Un contact prolongé risquait d’entraîner uneabsorption de l’alcool trop importante.

L’alcool était retiré par aspiration à la seringue etl’opération était répétée cinq fois. Au dernier retrait, ilfallait veiller à aspirer le maximum d’alcool possible. Ilfallait également éviter tout contact avec la peau saine pourne pas engendrer de brûlures superficielles.

Un pansement sec et compressif protégeait la cicatrice,puis le drain était mis sous vide aspiratif.

Un seul opérateur pouvait réaliser l’intervention dont ladurée moyenne était de 50 minutes.

Tableau 2 Résultats.

Patient Volumecavité(cm3)

Germes identifiés

1 30 Staphylococcus aureus/Pseudomonas aerugin2 30 Bacteroides fragilis

3 20 Staphylococcus lentus/P. aeruginosa

4 20 S. aureus

5 10 S. aureus

6 15 S. aureus/Streptococcus equisimilis/Escheric7 20 Streptococcus sanguis/Streptococcus constel8 20 S. aureus

9 35 Enterococcus faecalis/E. coli

10 15 Staphylococcus xylosus

11 15 S. aureus

12 15 S. aureus

13 15 Bacteroides fragilis/Corynebacterium striatu

Scléro : sclérothérapie.

Une antibiothérapie préventive par amoxicilline + acideclavulanique en intraveineuse était débutée en postopéra-toire, puis adaptée aux résultats bactériologiques.

Le patient était hospitalisé dans un lit fluidisé avec inter-diction de s’asseoir, une inclinaison jusqu’à 308 étant auto-risée.

Les soins de cicatrice étaient réalisés par les infirmièresquotidiennement. Le pansement compressif devait êtrepoursuivi jusqu’au retrait des fils. Le drain était retiré dèsque le volume était inférieur à 10 ml toutes les 24 heures, lesfils étaient retirés entre j18 et j21, la cicatrisation cutanéeétant plus longue que chez le sujet sain.

La sortie du lit fluidisé se faisait le jour du retrait des filssur un matelas à air pulsé. Après 48 heures, si l’évolutionrestait favorable, la sortie au domicile était possible. Laposition assise avec appui était autorisée au deuxième moispostopératoire. L’antibiothérapie était maintenue pendantles trois semaines postopératoires (Fig. 1D).

Résultats

La durée moyenne d’hospitalisation était de 24 jours (de septà 60 jours) après l’intervention. Tous les patients quittaientle service pour retourner à leur domicile (Tableau 2).

Les drains de Redon étaient retirés entre j8 et j10, lespansements étaient simples, à base d’hydrocolloïdes, les filsretirés à j21. La position assise était proscrite jusqu’au 45e

jour postopératoire.À la sortie, neuf patients (65 %) avaient cicatrisé avec une

fermeture complète de l’escarre sans cavité résiduelle pal-pable (Fig. 2).

Le suivi moyen postopératoire était de 14,6 mois (dequatre à 24 mois). Tous les patients avaient cicatrisé aumaximum deux mois après l’intervention et 12 d’entre euxavaient gardé une cicatrice stable dans le temps. Un seulpatient présentait une récidive à 12 mois traitée alors sim-plement par TPN.

Deux patients avaient présenté un retard de cicatrisationsuperficiel au niveau des fils de sutures sans ouverture de la

Duréehospitalisation (j)

Délaicicatrisation

Suivi(mois)

osa 15 21 j 2430 21 j 187 21 j 28

30 2 mois 1821 2 mois 10

hia coli 30 5 mois (2 scléro) 14latus/E. coli 15 21 j 18

60 3 mois (2 scléro) 821 21 j 1215 21 j 1421 21 j 421 21 j 4

m 30 21 j 18

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Figure 2 Autre patient après parage et cicatrisation à trois mois.

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cavité, et la fermeture complète était obtenue au deuxièmemois postopératoire.

Deux patients avaient présenté un lâchage précoce dessutures avec une nécrose des tissus sains le long du drain.Cette complication était probablement due à une infiltrationde l’alcool dans les tissus sous-cutanés le long du drain.L’évolution était favorable sous pansements et nous avionsalors réalisé une nouvelle sclérothérapie qui avait permis unefermeture complète en six semaines.

Discussion

L’escarre ischiatique est une pathologie difficile à traiter. Ils’agit souvent de patients jeunes, paraplégiques, avec uneactivité professionnelle, donc très demandeurs d’une cica-trisation rapide. Le traitement médical est limité aux trèspetites pertes de substances, le taux de récidive est le plusélevé de tous les types d’escarre et la chirurgie a un taux decomplications de 30 %.

La préparation du patient en préopératoire est la pre-mière étape indispensable à sa prise en charge. Il faut doncassocier au minimum : renutrition, traitement d’une anémie,correction de troubles hydroélectrolytiques, gestion du tran-sit et des urines.

Les soins locaux sont quotidiens afin de déterger aumaximum la cavité, une TPN ou un parage chirurgical sontréalisés si l’évolution est longue. La TPN a plusieursavantages : détersion efficace, diminution de l’œdèmepérilésionnel et des sécrétions, comblement de la cavitépar un tissu de bourgeonnement [2].

La technique de sclérothérapie par injection d’éthanolpur est une technique utilisée depuis de nombreuses annéesdans le traitement des varices œsophagiennes [3], des mal-formations vasculaires [4] et des kystes hépatiques [5].

L’éthanol entraîne une nécrose tissulaire consécutive àdes phénomènes de coagulation protéique et de destructioncellulaire hyperosmolaire. Il s’ajoute aussi un effet bactéri-cide de l’alcool [6].

Hayashi et al. [1] sont les seuls auteurs à utiliser cettetechnique pour le traitement d’escarres ischiatiques.S’appuyant sur les résultats de la sclérothérapie sur les

kystes et supposant que les effets de l’éthanol sur la cavitéseraient identiques, avec une stérilisation bactérienne etune abrasion chimique des parois permettant la formationd’un tissu scléreux cicatriciel, ils ont appliqué cette tech-nique à des patients porteurs d’escarres.

Ils rapportent les résultats de cette technique chez septpatients paraplégiques qui souffrent d’escarres ischiatiquesrécidivant après un traitement chirurgical de couverture parlambeaux. Cinq patients sont cicatrisés à un an, un patient arécidivé à quatre mois, puis a cicatrisé après une deuxièmeséance de sclérothérapie. Ils déplorent un échec à deuxsemaines qu’ils ont ensuite perdu de vue.

Nos résultats sont donc comparables pour une série plusimportante. L’indication était la même pour des patientssemblables en termes d’âge et de pathologies associées.

Il s’agit donc pour nous d’une technique de réalisationfacile et donnant des résultats satisfaisants à condition deposer la bonne indication et de préparer le patient commepour n’importe quelle technique de chirurgie d’escarres.

L’indication reste limitée à une escarre ischiatique pro-pre, bourgeonnante, sans ostéite franche et avec une pertede substance cutanée permettant une fermeture sans ten-sion. Un premier temps de parage chirurgical associé à uneTPN peut être utile et permettre de remplir ces conditions.La position assise doit être proscrite pour un minimum de45 jours comme pour toute chirurgie des escarres.

Le suivi moyen de 14,6 mois est relativement court maisdéjà encourageant pour les patients qui ont repris leur vie« sans escarres » au bout de deux mois.

Les complications postopératoires sont restées assez sim-ples, avec seulement des retards de cicatrisation cutanée.

Les deux patients ayant présenté des récidives avaientdes pathologies associées et ont cicatrisé dès que celles-ciétaient contrôlées. La technique peut être reproduite dèsque l’état local le permet en cas de récidive.

Nous ne déplorons pas de complications graves aprèsl’intervention, celles-ci restent théoriques, comme un comaéthylique [7] ou une infection précoce et grave avec risquesde fasciite.

Si la sclérothérapie est une alternative intéressante auxtechniques classiques, la chirurgie reste cependant le trai-tement de référence de l’escarre ischiatique constituée.

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592 L. Bahé et al.

La couverture par un lambeau local, régional ou libre,musculaire, musculocutané ou fasciocutané se fait alors dansle même temps opératoire que l’excision.

L’excision suture simple ou la greffe de peau ne sontréalisables que pour des escarres superficielles et de petitetaille car elles laissent des cicatrices adhérentes et fragilessituées au niveau des zones d’appui.

Le but de la chirurgie est le comblement de tous lesespaces morts et l’apport d’un tissu de matelassage et deprotection. Il faut garder à l’esprit la possibilité d’unenouvelle récidive et gérer au mieux le capital musculocutanérestant du patient.

Le lambeau de Griffith associé à un lambeau musculairede biceps femoris, comme l’avaient décrit Mateu et al. [8],est la technique la plus fréquemment effectuée dans notreservice pour traiter les escarres ischiatiques.

Les avantages sont nombreux, associant une dissectionfacile, une vascularisation fiable, une fermeture primaire, unlambeau remobilisable et la préservation du capital cutanéet musculaire.

Le principal inconvénient est le risque d’hématomecompte tenu du décollement au niveau du site donneur.

Yamamoto et al. [9] ont montré que l’utilisation delambeaux fasciocutanés donnait à long terme un meilleurrésultat que les lambeaux musculaires ou musculocutanés.Ils comparaient le taux de récidive à cinq ans en fonction dutype de lambeau utilisé. Le lambeau de face postérieure decuisse était le plus réalisé et le plus fiable.

Ce lambeau peut être utilisé seul ou en association avecun lambeau musculaire. La levée d’un lambeau de bicepsfemoris par la même voie d’abord est aisée avec, en fonctionde la trophicité du muscle, un lambeau de semitendinosus[10].

Les lambeaux à perforantes tels le lambeau en VY basé surune perforante de l’artère fémorale profonde [11] ou lelambeau basé sur une perforante de l’artère glutéaleinférieure (IGAP flap) [12] sont aussi utilisés seuls oucombinés à un lambeau musculaire [13].

D’autres auteurs ont décrit un lambeau fasciocutané deface postérolatérale de cuisse avec une fermeture en VY ouun lambeau antérolatéral de cuisse, associé à un muscle devastus lateralis.

Ces auteurs confirment la supériorité des lambeaux fas-ciocutanés qui ont l’avantage d’être remobilisables tout engardant une vascularisation fiable [13—15].

Pourtant, les lambeaux musculaires ou musculocutanésrestent les plus utilisés, notamment la partie inférieure dumuscle gluteus maximus [16—17]. C’est un lambeau facile,fiable, qui comble bien la cavité à condition que celle-ci soitpetite.

Le lambeau musculocutané d’avancement de hamstringen VY aux dépens des muscles ischiojambiers est très utiliséen pratique courante car il est également facile et fiable. Lavariante décrite par Kauer [18] a l’avantage en plus deredessiner un sillon sous fessier en faisant pivoter la palettede 908.

Mais ce lambeau ne peut pas être remobilisé et de plus ilempêche toute réalisation d’un autre lambeau aux dépens dela face postérieure de la cuisse.

Les autres alternatives sont soit un lambeau musculocu-tané de rectus abdominis [19] soit les lambeaux libres[20—22].

Conclusion

La technique de sclérothérapie par injection d’éthanol purest une technique simple, fiable et reproductible pour traitercertains types d’escarres ischiatiques. La cicatrisation eststable dans le temps, la durée d’hospitalisation plus courteet le taux de récidive est comparable aux autres techniquesde couverture.

Cette technique est proposée en première intention dansnotre service pour traiter des escarres ischiatiques avec unecavité de décollement et une perte de substance cutanéelimitées ; les escarres plus importantes restant des indica-tions de couverture par un lambeau fasciocutané.

Les indications de cette technique encore limitée pour-raient s’étendre au traitement de certaines fistules sous-cutanées ou de lymphocèles chroniques.

Conflit d’intérêt

Pas de conflit d’intérêt.

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