ictère fébrile… et si c’était une leptospirose. À propos d’un cas de l. interrogans...
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Annales Francaises d’Anesthesie et de Reanimation 32 (2013) 439–443
Cas clinique
Ictere febrile. . . et si c’etait une leptospirose. A propos d’un cas deL. interrogans Icterohaemorrhagiae dans le Nord de la France
Fever and jaundice. . . and if it was a leptospirosis. About a case of L. interrogans
Icterohaemorrhagiae in Northern France
N. Assez *, P. Mauriaucourt, J. Cuny, P. Goldstein, E. Wiel
Pole de l’urgence, Samu regional de Lille, 5, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France
I N F O A R T I C L E
Historique de l’article :
Recu le 13 mars 2013
Accepte le 18 mars 2013
Mots cles :
Ictere
Leptospirose
Contamination
Serologie
France metropolitaine
Keywords:
Jaundice
Leptospirosis
Contamination
Serology
Metropolitan France
R E S U M E
La leptospirose est une anthropozoonose c’est-a-dire une maladie animale transmissible a l’homme,
provoquee par un spirochete, du genre Leptospira qui vit essentiellement parmi les rongeurs, mais aussi
dans les zones humides. Elle sevit dans le monde entier particulierement en Asie, en Amerique latine et
en Afrique. En Europe, son incidence est modeste (sauf en France et en Grande-Bretagne ou sa frequence
s’est accrue ces dernieres annees) mais la frequence peut etre sous-estimee. Certaines regions d’outre-
mer sont particulierement touchees. En France, le potentiel epidemique de la leptospirose est soumis aux
variations climatiques, justifiant d’une surveillance constante de la maladie assuree par le Centre
national de reference (CNR) des leptospires. La transmission a l’homme se fait surtout par contact avec
les milieux souilles par les urines d’animaux infectes. La maladie peut atteindre le foie et les reins
(hepatonephrite) sous forme de cytolyse, cholestase et d’insuffisance renale associee a la fievre. Une
coagulopathie accompagne generalement le tableau. Son diagnostic est difficile en raison du
polymorphisme clinique. Un diagnostic precoce de la leptospirose permet une prise en charge medicale
efficace, ameliorant le pronostic du patient. Ce dernier repose actuellement sur amplification genique
(PCR) ou par une serologie positive par le microscopic agglutination test (MAT) qui est la methode de
reference. Son evolution est generalement favorable sous traitement antibiotique adapte (aminopenicil-
line). Mais 5 a 10 % des patients symptomatiques presentent une forme severe multiviscerale. Pres d’un
siecle apres la decouverte de l’agent causal, cette zoonose reste un probleme de sante publique, zoonose
prioritaire, sur le plan de la virulence, sa declaration est obligatoire dans notre pays. Nous rapportons le
cas d’une forme d’hepatonephrite severe par contamination d’eau contaminee par leptospire observee
dans le Nord de la France.
� 2013 Societe francaise d’anesthesie et de reanimation (Sfar). Publie par Elsevier Masson SAS. Tous
droits reserves.
A B S T R A C T
Leptospirosis is an anthropozoonose, an animal disease transmissible to humans, caused by a
spirochete of the genus Leptospira that lives mainly among rodents but also in wetlands. It occurs
worldwide, particularly in Asia, Latin America and Africa. In Europe, the incidence is small (except in
France and Great Britain, where its frequency has increased in recent years) but the frequency may be
underestimated. Some areas overseas are particularly affected. In France, the potential epidemic of
leptospirosis is subject to climatic variations, justifying a constant monitoring of the disease provided
by the National Reference Centre (CNR) of leptospires. Transmission to humans primarily occurs
through contact with environments contaminated by the urine of infected animals. The disease can
affect the liver and kidneys (hepatonephritis) as cytolysis, cholestasis and renal failure associated with
fever. A coagulopathy usually accompanies the clinical table. Its diagnosis is difficult because of the
clinical polymorphism. Early diagnosis of leptospirosis allows effective medical care, improving
patient outcomes. This is currently based on gene amplification (PCR) or serology positive by the
microscopic agglutination test (MAT), which is the reference method. Its evolution is usually favorable
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected], [email protected] (N. Assez).
0750-7658/$ – see front matter � 2013 Societe francaise d’anesthesie et de reanimation (Sfar). Publie par Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.
http://dx.doi.org/10.1016/j.annfar.2013.03.010

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with appropriate antibiotic treatment (aminopenicillin). However 5–10% of symptomatic patients
have a severe multisystem defaillance. Nearly a century after the discovery of the causative agent, this
zoonosis remains a public health problem, zoonosis priority in terms of virulence, its reporting is
mandatory in our country. We report the case of a severe form of hepatonephritis due to water
contaminated with Leptospira observed in Northern France.
� 2013 Societe francaise d’anesthesie et de reanimation (Sfar). Published by Elsevier Masson SAS. All
rights reserved.
1. Introduction
La leptospirose est une anthropozoonose mondiale qui toucheune grande variete d’especes animales. Cette maladie infectieuserare est due a une bacterie de l’ordre des Spirochetes, du genreLeptospira de l’espece pathogene interrogans constituee denombreuses especes ou serotypes (300) regroupes selon leursparentes antigeniques en serogroupes (30) et responsables desdifferentes formes de la maladie [1]. Le tableau clinique decritinitialement par Weil et Mathieu en 1886 est polymorphe allantdes formes asymptomatiques a des formes icteriques multi-viscerales gravissimes (4–5 % sous nos latitudes) [2]. Lesdiagnostics differentiels sont nombreux et peuvent egarer leclinicien. Cette affection plus specifique des pays tropicaux chaudset humides [3] se rencontre aussi dans les pays temperes [4,5]. EnFrance, on compte pres de 600 cas diagnostiques par an [6] dont lamoitie dans les departements et territoires d’outre-mer (DOM-TOM) [7,8]. En France metropolitaine, l’incidence varie selon lesregions (entre 2006 et 2010 : 0,45 cas/100 000 en moyenne) [2].Elle reste relativement elevee dans le Nord Pas-de-Calais (0,55/100 000 habitants, soit 22 cas declares au Centre national dereference en 2010). Parmi 300 serovars L. interrogans Icterohae-morrhagiae est la plus souvent incriminee (30 %) avec,L. Grippotyphosa, L. Canicola, L. Australis, L. Pomona, L. Ballum(selon le bilan du CNR, 2007). La forme ictero-hemorragiqued’evolution biphasique represente 20 % des cas. Nous rapportonsici une forme grave de leptospirose observee au service desurgences d’un centre hospitalier general du Nord de la France etprise en charge au service de reanimation du centre hospitalieruniversitaire de Lille.
2. Observation
En janvier 2010, un homme, age de 38 ans, eleveur de bergersallemands sans aucun antecedent medicochirurgical ni allergique,sans intoxication alcoolo-tabagique etait adresse par son medecintraitant au service des urgences de l’hopital de proximite.
L’histoire clinique a debute debut janvier, une semaine avantson hospitalisation avec l’apparition de myalgies diffuses dans uncontexte de fievre (38–38,5 8C), frissons et sueurs, avec alterationde l’etat general (asthenie, anorexie) sans cephalee, ni nausee, nivomissement, ni trouble du transit. En cette periode de l’annee, lepatient attribuait ces symptomes a un etat grippal et n’a pasconsulte de medecin. Devant la persistance des symptomes, ilconsultait son medecin traitant dix jours apres les premierssymptomes. Celui-ci, apres avoir constate un ictere febrile ainsique des œdemes bilateraux des mollets, ne prenant pas le godet,l’adressait aux urgences. A son arrivee, le patient etait conscient(score de Glasgow a 15), avec une pression arterielle a 132/77 mmHg, une frequence cardiaque a 100 b/min, une SpO2 a 97 %en air ambiant avec une frequence respiratoire de 16 c/min, iln’existait ni marbrure, ni cyanose, la temperature etait a 37,6 8C.L’examen cardiopulmonaire etait normal, a l’exception de bruits ducœur rapides. Il n’existait aucun syndrome meninge. L’abdomenetait souple et indolore, sans hepatomegalie, ni splenomegalie. Lesaires ganglionnaires etaient libres. Le patient etait oligurique
(< 500 mL/24 h). On observait un discret purpura petechial desmembres inferieurs sans syndrome hemorragique. Le patient etaitalors rapidement transfere par le Samu vers le CHU en reanimation.Le lendemain, l’apparition d’un syndrome meninge conduisait arealiser une ponction lombaire retrouvant un liquide eau de roche,a polynucleaires, sans germe, temoignant d’une meningiteaseptique. La reprise de l’anamnese nous apprenait que le patientvivait a la campagne, elevait des chiens dans une ferme, etpossedait trois vaches et un cochon. Par ailleurs, il avait l’habitudede consommer l’eau de son puits qu’il buvait sans la filtrer ni lafaire bouillir. Le bilan biologique mettait en evidence uneinsuffisance renale aigue oligoanurique (creatinine a 68 mg/L,uree a 1,83 g/L), associee a un ictere febrile, une cytolyse hepatique(aspartate aminotransferase [ASAT] a 744 UI/L, alanine amino-transferase [ALAT] a 230 UI/L) et une cholestase (bilirubine a81 mg/L, phosphates alcalines a 416 UI/L et gamma GT a 208 UI/L).Il existait une augmentation de la proteine C reactive (CRP)superieure a 200 mg/L. La creatine phosphokinase (CPK) etaitelevee (902 UI/L) temoin d’une rhabdomyolyse. La numerationformule sanguine (NFS) etait normale. Des troubles de coagulationavec une thrombopenie moderee a 33 000/mm3, une baisse du tauxde prothrombine (TP) a 81 %, un allongement du temps decephaline activee (TCA) 104 s/temoin a 33, et un fibrinogene a 8 g/Letaient constates. Le gaz du sang en air ambiant traduisait unealcalose respiratoire. L’electrocardiogramme deroulait un rythmesinusal, avec des ondes T negatives isolees en D3. La radiographiedu thorax etait normale, sans signe de pneumopathie, ni syndromealveolaire, de meme que l’echographie transthoracique. L’echo-graphie abdominale revelait une discrete hepatomegalie sansdilatation des voies biliaires intra- ou extrahepatiques, sanssplenomegalie. La vesicule biliaire etait alithiasique, a parois fines.On notait un epanchement dans l’espace de Morrisson et dans lecul-de-sac de Douglas. Les reins etaient de taille normale, sansdilatation des cavites pyelocalicielles. Les differentes hemocul-tures sur milieux usuels etaient negatives. Sur le plan bacte-riologique, les serologies a cytomegalovirus, herpes, rougeole,oreillons, virus pneumotrope, Ricketsia, Coxiella burnetti, brucel-lose, Salmonella etaient negatives, de meme que les serologies HIV,hepatites B, C. La serologie hepatite A traduisait une infectionancienne. Les serologies et hemocultures etaient negatives ahantavirus. Le diagnostic a leptospirose suspecte (IgM partechnique Elisa) revenait positif et a ete confirme grace au testde micro-agglutination (MAT). Le diagnostic de certitude etaitobtenu par une serologie repetee trois semaines apres la premiere :L. interrogans Icterohaemorrhagiae. L’evolution etait secondaire-ment favorable sous antibiotherapie avec apyrexie en 72 heures,disparition de l’ictere et du purpura. L’apparition d’un erythememorbiliforme diffus a conduit a l’arret de la double antibiotherapie(Clamoxyl1 et Oflocet1) et la mise sous Vibramycine1 100 mg x 2/j. Un traitement symptomatique specifique a ete initie pour chaquecomplication, ainsi le patient beneficiait de deux seancesd’hemodialyse. La derniere seance (cinq jours apres l’admission)permettait une reprise rapide de la diurese et une normalisation dela fonction renale (creatinine a 20 mg/L, uree a 0,9 g/L, kaliemie a3,8 mmol/L). Le bilan hepatique se normalisait (en dix jours) et lestroubles de coagulation disparaissaient apres normalisation dutaux de plaquettes.

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3. Discussion
L’epidemiologie de la leptospirose est etroitement liee auxecosystemes : les leptospires vivent longtemps (six mois) atemperature ambiante (20 8C–30 8C), dans les sols boueux (pHalcalin) abrites des ultraviolets et les eaux douces (egouts, mines),souillees par les urines des animaux contamines, ou le contactdirect avec les animaux (morts ou vivants) infestes [9]. En Francesont particulierement exposees les personnes vivant dans desconditions d’hygiene precaire, les taudis urbains et les habitatsinsalubres en peripherie des megapoles. Les leptospiroses sontresponsables de manifestations extremement variees allant d’unsyndrome pseudogrippal benin (80 %) a une atteinte hepatorenalepotentiellement letale (500 000/an) [2]. Les formes gravespeuvent s’observer avec tous les serogroupes, meme siL. Icterohaemorrhagiae est responsable des leptospiroses les plusgraves [9].
L’homme se retrouve etre un hote occasionnel dans un cycleimpliquant les animaux sauvages et domestiques ou d’elevage(porteurs chroniques) [2,7] (Fig. 1). Le reservoir primaire enmetropole est constitue par les rongeurs (rats, souris), hotesnaturels du serogroupe Icterohaemorrhagiae qui excretent lesleptospires dans leurs urines et contaminent ainsi l’environnementhydrique, propageant la maladie [9]. Les conditions de promiscuiteentre l’homme et l’animal sont donc favorables a la contamination[10]. Chez l’homme, celle-ci est le plus souvent indirecte a traversles excoriations cutanees, les muqueuses conjonctivales, parinhalation ou ingestion (muqueuse pharyngee, digestive) d’eauxcontaminees par l’urine de rongeur comme chez ce patient quiconsomme l’eau de son puits non bouillie [10,11]. Habituellement,en France, la majorite des cas survient entre juillet et novembre,periode ou les activites nautiques et agricoles estivales conduisenta une recrudescence, plus rarement en hiver. Si la maladie de Weilest bien individualisee, elle est peu frequente (moins de 10 % descas). Dans la leptospirose, tous les organes cibles sont atteints [11],mais avec une intensite et une evolution variable. Cette variabiliteinterindividuelle reste inexpliquee. Mais la virulence de la bacteriepeut s’expliquer par la quantite de l’inoculum ingere, l’atteintetissulaire directe des muqueuses et la presence de la lipoproteineLoa22 [12,13]. Les manifestations de la forme typique peuvent etre
Fig. 1. Cycle de contamination de la leptospirose (6). Reservoir animal : diversite extreme
chiens ; sauvages : suides, cervides, primates, rongeurs (+ + + ), batraciens. Contaminati
(passage transplacentaire, rapports sexuels, allaitement) et les autres especes animales p
Les leptospires peuvent survivre plusieurs semaines dans les milieux aquatiques ou sur le
desinfectants. Hotes preferentiels : les principaux hotes naturels sont : les rats pour L. Icter
et ovins pour L. Hardjo ; porcs, suides sauvages et bovins pour L. Pomona. L’homme est
animaux peuvent etre egalement pathogenes pour l’homme. Modes de transmission
nasopharyngees, digestives en cas de contact prolonge avec de l’eau contaminee, et par
direct avec le germe (personnel de laboratoire), ou avec des animaux infectes ou leurs org
Le contact indirect est le plus frequent (travail en environnement contamine par l’urine
stations d’epuration, d’entreprises de travaux publics, agriculteurs travaillant en terrain
extremement rare.
D’apres http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Depliant_Leptospirose_2008.pdf.
dissociees : il existe des formes meningees pures, renales,pseudogrippales, febriles pures. La forme typique (renale eticterique) ne represente en fait que 20 % des cas. La fievre apparaıtcomme un symptome constant en cas d’infection par L. interrogans
Icterohaemorragiae [14]. Les symptomes initiaux sont peuspecifiques, le contexte epidemiologique a ici une valeur evocatricesuperieure a la presentation clinique. La forme icterique plu-riviscerale evolue classiquement en trois phases d’environ cinqjours chacune :
� l’incubation est souvent silencieuse d’environ dix jours (de cinq a21 jours), elle est liee au passage transcutane ou muqueux desleptospires, qui gagnent la circulation sanguine ou lymphatique ;� la phase preicterique est la periode d’invasion (ou leptospi-
remique). Elle realise un syndrome grippal a debut brutal, plus oumoins severe caracterisee par une fievre elevee a 39 8C avecfrissons, asthenie, parfois cephalees, des arthralgies, des myal-gies (mollets, cuisses). Elle dure de trois a cinq jours. Cesmyalgies sont frequentes dans la forme typique (60 %), ellessignent alors une rhabdomyolyse comme chez ce patient. Uneeruption maculaire, maculo-papuleuse ou petechiale fugace peutetre observee au niveau du tronc ou en position pretibiale. Desmanifestations hemorragiques sont possibles (deux tiers descas). L’oligurie (avec proteinurie) a attire l’attention descliniciens chez ce patient. L’atteinte renale (leucocyturie,hematurie, proteinurie) est frequente (50–80 %), mais l’insuffi-sance renale est inconstante (10 %), mais peut etre severe,realisant chez ce patient un tableau d’hepatonephrite oliguriquenecessitant une hemodialyse d’urgence. L’atteinte pulmonairesevere souvent associee aux formes diffuses multi-organes n’apas ete constatee dans notre observation [15] ;� la phase icterique correspond a la periode d’etat ou immune. Elle
est correlee a l’apparition des IgM circulants. Le syndromeinfectieux persiste, mais s’attenue. Au dixieme jour debute laphase d’apyrexie avec recrudescence au 15e jour puis la chute dela temperature au 20e jour avec une crise urinaire. Lesmanifestations viscerales sont au premier plan : l’ictere« flamboyant » apparaıt du quatrieme au sixieme jours et dureen moyenne cinq jours, puis regresse. La frequence des formesgraves est d’autant plus elevee que le traitement antibiotique est
des especes animales reservoirs : domestiques : bovins, porcins, petits ruminants,
on : les animaux porteurs contaminent leurs congeneres par transmission directe
ar transmission indirecte (milieu exterieur souille par l’urine des animaux infectes).
s sols humides et sont en revanche detruites par un milieu sec, sale ou acide et par les
ohaemorrhagiae ; campagnol pour L. Grippotyphosa ; chien pour L. Canicola ; bovins
un hote occasionnel : tous les serogroupes et tous les serovars pathogenes pour les
a l’homme : penetration par les muqueuses intactes (conjonctives, muqueuses
des plaies ou excoriations cutanees (blessure bouche, nez ou les yeux), par contact
anes (eleveurs, veterinaires, employes d’abattoir, bouchers, employes de tanneries).
d’animaux infectes : egoutiers, agents de voirie, eboueurs, deratiseurs, agents de
humide ou en rizieres, forestiers). La transmission interhumaine est possible mais

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retarde et/ou que la maladie survient sur un terrain debilite(alcoolisme) [16,17]. Une atteinte meningee (L. Canicola),souvent trompeuse, peut s’y associer [18].
La convalescence est longue, marquee par une asthenieprolongee, mais la guerison survient habituellement sans sequellescomme ce fut ici le cas.
Le cas que nous rapportons presente la plupart des aspectsepidemiologiques, cliniques et biologiques lies a la leptospirose,mais est survenu en janvier lors d’un hiver humide. Une expositiona ete identifiee environ une semaine avant l’apparition dessymptomes. Il s’agit d’une contamination liee au mode de vie dupatient, ce qui n’est pas habituel en France metropolitaine ou l’onenregistre surtout des expositions professionnelles. Devant unsyndrome febrile algique, il faut evoquer des pathologieshivernales plus frequentes dans notre region et en premier lieula grippe. Dans la forme icterique, il faudra garder a l’esprit lesangiocholites et les hepatites virales. Notre patient n’ayant passejourne en zone d’endemie palustre, ni effectue de voyage enzones ou coexistent la leptospirose, la dengue, ou le chikungunya,ou d’autres arboviroses, les diagnostics differentiels ont rapide-ment ete elimines [7]. En zone temperee, c’est le contexteepidemiologique et le bilan biologique non specifique (bilaninflammatoire) qui seront determinants pour exclure l’hypothesevirale [11] : hyperleucocytose a polynucleaires (jusqu’a 50000 mm3), non observee dans ce cas, thrombopenie (< 30 000/mm3), avec taux de prothrombine peu perturbe ; cytolysemoderee, avec elevation (cinq a dix fois la normale) destransaminases, dont les ASAT refletent la severite de la maladie,de la bilirubinemie a predominance conjuguee, des phosphatasesalcalines ; elevation de la creatininemie, des CPK et LDH. Lediagnostic specifique repose sur la culture, la serologie et ladetection moleculaire. Les leptospires peuvent etre isolees aumicroscope a fond noir dans le sang au debut de la maladie (zero audixieme jours), puis dans le liquide cephalorachidien (LCR)(cinquieme au 15e jours) et les urines (12e–25e jours). Dans cetteobservation les leptospires n’ont pu etre identifiees lors del’examen direct effectue lors de l’admission au dixieme jour, nilors des differentes mises en culture sur milieux specifiques. LaFig. 2 resume les strategies diagnostiques proposees par la Haute
Période d’incu bat ion Leptospi rémie
Exposi�on à la bactéri e
Premiers symp tômes (j
j3-j30 Semain e 1
PCR/ culture : sang
PCR/ cul
Fig. 2. Cinetique de la leptospirose au cours de l’infection et methodes diagnostiques. L’in
l’augmentation du titre des anticorps agglutinants (phase immune), les leptospires sont
liquide cephalorachidien (LCR) et de maniere transitoire dans les urines. Microscopic ag
reaction, PCR.
Autorite de sante en fonction de la cinetique de la maladie. Ledeveloppement de la polymerase chain reaction (PCR) en temps reelest actuellement preconise en premiere intention pour lesprelevements precoces. C’est le seul test biologique utilisable enpratique clinique pendant la premiere semaine de la maladie [19].Le diagnostic serologique est plus precoce, a partir du sixieme jourpour les IgM en Elisa, accessible a tout laboratoire, il permet auclinicien d’etayer sa decision pour la prise en charge d’un patientsuspecte de leptospirose. Il doit etre confirme par le test dereference ou MAT (reaction d’agglutination lyse de Martin et Pettit)[20]. La cinetique des anticorps est indispensable (deux tests adeux semaines d’intervalle) ; en effet l’apparition des anticorps estobservee vers le huitieme au dixieme jours, avec une positivitenette au 15e, le taux maximal est obtenu au 50e jour, puisdiminution lente, son interpretation integre donc les donneescliniques surtout en cas de formes severes, d’antibiotherapieprecoce, et de phenomenes de coagglutination. En pratique, ondefinit un cas probable avec un titre d’au moins 1/100 (1/400 dansles regions endemiques) et au moins un antigene pathogene, et uncas confirme en cas de seroconversion (multiplication par quatre)du titre entre deux prelevements ; detection des leptospires parPCR (sang, urines, LCR) ; isolement de leptospires (sang, urines,LCR) a au moins deux semaines d’intervalle. La determination duserogroupe est donnee par l’antigene donnant le titre le plus eleve[20]. Quelle que soit la forme, la mise sous traitement antibiotiqueprecoce ameliore le pronostic. Le traitement des formes gravesnecessite une hospitalisation et un transfert precoce vers unservice de reanimation quand il existe des signes cliniques etbiologiques compatibles avec une atteinte grave. Il repose sur lareanimation medicale et l’administration d’antibiotiques quidiminuent le risque de complications (en particulier renales),raccourcit l’evolution, attenue la symptomatologie et diminue laduree du portage [21]. Le traitement de premiere intention de laleptospirose, quoique controverse en cas de lesions renales aigues,fait appel a la penicilline G intraveineuse (1,5 MUI en flash, quatrefois par jour pendant sept jours). D’autres betalactamines :ampicilline, amoxicilline (1 g trois fois par jour), doxycycline(100 mg deux fois par jour pendant sept jours) et les cephalospor-ines de troisieme generation (ceftriaxone intraveineuse 1 g/24 h),constituent des alternatives [11]. Les patients les plus graves
Phase immune
0)
Se maine 2
ture : LCR
PCR/ culture : urine
ELlSA IgM : sérum
MAT : sérum
fection entraıne une bacteriemie durant les premiers jours apres exposition. Suite a
eliminees de la circulation sanguine. Les leptospires sont aussi retrouvees dans le
glutination test, MAT; enzyme-linked immunosorbent assay, Elisa; polymerase chain

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doivent beneficier comme ici de la dialyse et/ou de la ventilationmecanique. La prevention repose essentiellement sur le controledu reservoir animal et hydrique. Des mesures prophylactiquesindividuelles par vaccination (Sprolept1) ont ete proposees [11].En cas de risque d’exposition a des eaux polluees, une chimio-prophylaxie par doxycycline 200 mg par semaine est efficace a 95 %et peut etre proposee.
4. Conclusion
La leptospirose est une affection rare dans notre region, maisdoit etre evoquee devant une hepatonephrite severe des lors que lecontexte epidemiologique s’y prete.
Declaration d’interets
Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.
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