histiocytose x : à propos d’un cas

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J Radiol 2006;87:314-6 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2006 fait clinique ostéo-articulaire Histiocytose X : à propos d’un cas G Larroque (1), E Decoux (1), MP Barron-Sabarrere (1), P Baldet (2) et C Cyteval (1) histiocytose Langhéransienne est répandue chez l’enfant et l’adoles- cent (incidence de 1/200 000) mais beaucoup plus rare chez l’adulte. Sa loca- lisation est le plus souvent osseuse et pul- monaire. Son diagnostic clinique est diffi- cile, souvent tardif et l’imagerie apporte des arguments surtout en cas d’atteinte osseuse. La biopsie reste l’examen de réfé- rence. Nous rapportons un cas d’adulte atteint d’histiocytose Langhéransienne et décrivons son évolution. Observation Un homme de 21 ans consulte pour une asthénie majeure, accompagnée de fièvre et de sueurs nocturnes depuis quelques mois. Récemment sont apparues des douleurs du bassin et de l’épaule gauche. L’examen clinique retrouve une hépato- mégalie et une adénopathie inguinale dont les biopsies montrent une adénite banale et une stéatose aspécifique. La biologie révèle une CRP augmentée et une élévation de gammaGT. Le bilan ra- diologique (radiographie standard, TDM) met en évidence des lésions simi- laires de la métaphyse humérale et de l’aile iliaque (fig. 1-3). Ces lésions ostéo- lytiques ne déforment pas l’os et sont bien limitées (type IA) par une ostéosclérose périphérique épaisse. Dans les zones où la lésion est au contact de la corticale, cel- le-ci a disparu avec un bombement de la masse dans les parties molles. La scinti- graphie montre deux hyperfixations mo- dérées focales. La biopsie osseuse sous TDM réalisée sur l’aile iliaque gauche conclut au diagnostic d’histiocytose X. Le traitement mis en place est une chi- miothérapie par vinblastine (8 cures) pendant deux mois qui permet la dé- croissance des douleurs. Cliniquement, apparaît au creux axillaire une tuméfac- tion des parties molles avec fistulisation cutanée. Le contrôle radiologique mon- tre une discrète augmentation du volume de la lyse humérale. L’étude scanogra- phique met en évidence l’extension aux parties molles d’une collection à point de départ osseux allant jusqu’à la peau (fig. 4). La lésion du bassin reste stable. Discussion L’histiocytose Langhéransienne atteint plus fréquemment l’enfant et l’adoles- cent. Plus rarement on constate l’appari- tion de la maladie chez l’adulte, qu’elle soit d’apparition récente ou due à la pro- gression d’une maladie infantile passée inaperçue. Chez l’adulte, l’age moyen d’expression est de 30 ans avec une prédominance mas- culine (1-3). L’étiopathologie de l’histio- cytose X reste inconnue mais chez l’adul- te, le tabagisme semble être un facteur déclenchant par réaction immune. Arico et Howarth mettent en avant la fréquence non négligeable de l’atteinte multisysté- mique, de l’atteinte osseuse multiple et du diabète insipide associé (conséquence de l’infiltration hypophysaire) (1, 3). La localisation de l’histiocytose X peut être ubiquitaire. Chez l’adulte, les ano- malies osseuses sont les plus fréquentes, 60 % des cas rapportés ne touchant que l’os, notamment le crâne, la face et les cô- tes (3-5). Les atteintes cutanéomuqueuses coexistent fréquemment avec l’atteinte osseuse (10/16 pour Baumgarter) (4). L’at- teinte pulmonaire est également fréquen- te en particulier dans la forme multisysté- mique et chez le fumeur (3). L’histiocytose X a une expression clinique très vaste et non spécifique. Elle dépend de ou des organes atteints et peut s’expri- mer tardivement dans la maladie. Le symptôme le plus fréquent, chez l’enfant comme chez l’adulte, est la douleur osseu- se (3, 5). Le diagnostic formel repose sur la biopsie avec mise en évidence de cellule X : éléments monocytoïdes exprimant des facteurs antigéniques de surface tels le PS100 et surtout le CD1a plus spécifique de la maladie. Comme dans notre cas, la séméiologie to- modensitométrique décrite dans la littéra- ture est celle d’une ostéolyse en « carte géo- graphique » à point de départ médullaire avec une limite nette cernée d’un liseré d’os- téocondensation périphérique épais. Cette ostéocondensation peut être complète ou parfois incomplète. On peut observer des réactions périostées ou un séquestre. Dans la forme non agressive le diagnostic différentiel est principalement celui d’une dysplasie fibreuse ou d’un kyste os- seux. Dans la forme plus agressive, on évoquera plutôt un sarcome d’Ewing ou une ostéomyélite. L’évolution est très variable. Elle peut ré- gresser spontanément dans les formes uniques et isolées, évoluer par récurrence (1), par récidive ou encore de façon chro- nique. Son extension locorégionale par envahissement des organes adjacents de Abstract Résumé Langherans’ cell histiocytosis: a case report J Radiol 2006;87:314-6 Langherans’ cell histiocytosis is rare in adults. It should be considered in patients with lytic osseous lesions with sclerotic rim especially when involvement of adjacent soft tissues is present. L’histiocytose X de l’adulte est rare. Il faut savoir l’évoquer devant des lacunes osseuses cerclées d’un liseré d’autant qu’il existe des exten- sions dans les parties molles. Key words: Langherans’ cell histiocytosis. CT scan. Adult. Mots-clés : Histiocytose X. Tomodensitométrie. Adulte. L’ (1) Service d’imagerie ostéoarticulaire, (2) Service d’ana- tomopathologie, Hôpital Lapeyronie, 34000 Montpel- lier, France. Correspondance : G Larroque, 72 rue Joseph Kessel, Bâtiment B, 34090 Montpellier. E-mail : [email protected]

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Page 1: Histiocytose X : à propos d’un cas

J Radiol 2006;87:314-6© Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2006

fait clinique

ostéo-articulaire

Histiocytose X : à propos d’un cas

G Larroque (1), E Decoux (1), MP Barron-Sabarrere (1), P Baldet (2) et C Cyteval (1)

histiocytose Langhéransienne estrépandue chez l’enfant et l’adoles-cent (incidence de 1/200 000) mais

beaucoup plus rare chez l’adulte. Sa loca-lisation est le plus souvent osseuse et pul-monaire. Son diagnostic clinique est diffi-cile, souvent tardif et l’imagerie apportedes arguments surtout en cas d’atteinteosseuse. La biopsie reste l’examen de réfé-rence. Nous rapportons un cas d’adulteatteint d’histiocytose Langhéransienne etdécrivons son évolution.

Observation

Un homme de 21 ans consulte pour uneasthénie majeure, accompagnée de fièvreet de sueurs nocturnes depuis quelquesmois. Récemment sont apparues desdouleurs du bassin et de l’épaule gauche.L’examen clinique retrouve une hépato-mégalie et une adénopathie inguinaledont les biopsies montrent une adénitebanale et une stéatose aspécifique. Labiologie révèle une CRP augmentée etune élévation de gammaGT. Le bilan ra-diologique (radiographie standard,TDM) met en évidence des lésions simi-laires de la métaphyse humérale et del’aile iliaque

(fig. 1

-

3)

. Ces lésions ostéo-lytiques ne déforment pas l’os et sont bienlimitées (type IA) par une ostéosclérosepériphérique épaisse. Dans les zones oùla lésion est au contact de la corticale, cel-le-ci a disparu avec un bombement de la

masse dans les parties molles. La scinti-graphie montre deux hyperfixations mo-dérées focales. La biopsie osseuse sousTDM réalisée sur l’aile iliaque gaucheconclut au diagnostic d’histiocytoseX. Le traitement mis en place est une chi-miothérapie par vinblastine (8 cures)pendant deux mois qui permet la dé-croissance des douleurs. Cliniquement,apparaît au creux axillaire une tuméfac-tion des parties molles avec fistulisationcutanée. Le contrôle radiologique mon-tre une discrète augmentation du volumede la lyse humérale. L’étude scanogra-phique met en évidence l’extension auxparties molles d’une collection à point dedépart osseux allant jusqu’à la peau

(fig. 4)

. La lésion du bassin reste stable.

Discussion

L’histiocytose Langhéransienne atteintplus fréquemment l’enfant et l’adoles-cent. Plus rarement on constate l’appari-tion de la maladie chez l’adulte, qu’ellesoit d’apparition récente ou due à la pro-gression d’une maladie infantile passéeinaperçue.Chez l’adulte, l’age moyen d’expressionest de 30 ans avec une prédominance mas-culine (1-3). L’étiopathologie de l’histio-cytose X reste inconnue mais chez l’adul-te, le tabagisme semble être un facteurdéclenchant par réaction immune. Aricoet Howarth mettent en avant la fréquencenon négligeable de l’atteinte multisysté-mique, de l’atteinte osseuse multiple et dudiabète insipide associé (conséquence del’infiltration hypophysaire) (1, 3).La localisation de l’histiocytose X peutêtre ubiquitaire. Chez l’adulte, les ano-

malies osseuses sont les plus fréquentes,60 % des cas rapportés ne touchant quel’os, notamment le crâne, la face et les cô-tes (3-5). Les atteintes cutanéomuqueusescoexistent fréquemment avec l’atteinteosseuse (10/16 pour Baumgarter) (4). L’at-teinte pulmonaire est également fréquen-te en particulier dans la forme multisysté-mique et chez le fumeur (3).L’histiocytose X a une expression cliniquetrès vaste et non spécifique. Elle dépendde ou des organes atteints et peut s’expri-mer tardivement dans la maladie. Lesymptôme le plus fréquent, chez l’enfantcomme chez l’adulte, est la douleur osseu-se (3, 5). Le diagnostic formel repose sur labiopsie avec mise en évidence de celluleX : éléments monocytoïdes exprimant desfacteurs antigéniques de surface tels lePS100 et surtout le CD1a plus spécifiquede la maladie.Comme dans notre cas, la séméiologie to-modensitométrique décrite dans la littéra-ture est celle d’une ostéolyse en « carte géo-graphique » à point de départ médullaireavec une limite nette cernée d’un liseré d’os-téocondensation périphérique épais. Cetteostéocondensation peut être complète ouparfois incomplète. On peut observer desréactions périostées ou un séquestre.Dans la forme non agressive le diagnosticdifférentiel est principalement celuid’une dysplasie fibreuse ou d’un kyste os-seux. Dans la forme plus agressive, onévoquera plutôt un sarcome d’Ewing ouune ostéomyélite.L’évolution est très variable. Elle peut ré-gresser spontanément dans les formesuniques et isolées, évoluer par récurrence(1), par récidive ou encore de façon chro-nique. Son extension locorégionale parenvahissement des organes adjacents de

Abstract Résumé

Langherans’ cell histiocytosis: a case report

J Radiol 2006;87:314-6

Langherans’ cell histiocytosis is rare in adults. It should be considered in patients with lytic osseous lesions with sclerotic rim especially when involvement of adjacent soft tissues is present.

L’histiocytose X de l’adulte est rare. Il faut savoir l’évoquer devant des lacunes osseuses cerclées d’un liseré d’autant qu’il existe des exten-sions dans les parties molles.

Key words: Langherans’ cell histiocytosis. CT scan. Adult.

Mots-clés : Histiocytose X. Tomodensitométrie. Adulte.

L’

(1) Service d’imagerie ostéoarticulaire, (2) Service d’ana-tomopathologie, Hôpital Lapeyronie, 34000 Montpel-lier, France.Correspondance : G Larroque, 72 rue Joseph Kessel, Bâtiment B, 34090 Montpellier.E-mail : [email protected]

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Fig. 1 : Radiographie du bassin lors de la découverte de la maladie : ostéolyse en carte géographique de l’aile iliaque gauche entourée d’une ostéosclérose épaisse.

Fig. 1: Pelvis radiograph at presentation: osteolytic lesion with sur-rounding thick sclerotic margin in the left iliac bone.

Fig. 2 : Scanner de l’aile iliaque gauche lors de la découverte de la maladie.a Ostéolyse bien limitée avec interruption de la corticale au contactb et bombement tissulaire dans les parties molles.

Fig. 2: Left iliac bone CT scan at presentation.a well-defined osteolytic lesion with cortical break,b bulging in the soft tissues.

a b

Fig. 3 : Radiographie de l’épaule gauche de face lors de la découverte de la maladie : ostéolyse métaphysaire aux contours bien limités par un liséré d’ostéosclérose incomplet avec disparition de la corticale médiale.

Fig. 3: Left shoulder radiograph at pres-entation: osteolysis with partial sclerotic margin and medial corti-cal break.

Fig. 4 :a Scanner de l’épaule gauche après 6 mois d’évolution : ostéolyse métaphysaire

entourée d’un liseré condensant et associée à une interruption corticale.b Scanner de l’épaule gauche après 6 mois d’évolution : extension dans les parties

molles du creux axillaire.

Fig. 4:a Left shoulder CT scan at 6 months: metaphyseal osteolysis with marginal sclerosis

and cortical break.b Left shoulder CT scan at 6 months: Soft tissue lesion extending to the axilla.

a b

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G Larroque et al.

proche en proche et en particulier jusqu’àla peau est classique (1, 3).

Le pronostic est indépendant de l’âge, dusexe et de la consommation du tabac. Il estsouvent considéré comme imprévisible. Ilest cependant lié à la forme mono ou mul-ti-viscérale. La forme multifocale (> ou= 2 sites tissulaires avec ou sans atteinteosseuse) est plus agressive et de moins bonpronostic surtout en cas d’atteinte osseuseavec infiltration tissulaire adjacente, d’at-teinte hépatique ou encore dans les trans-formations lymphoblastiques. Dans cescas, la régression spontanée est beaucoupplus rare et la récurrence après traitementest plus fréquente (1, 3).

Conclusion

L’histiocytose Langhéransienne de l’adul-te est rare, hétérogène dans sa présentationclinique, avec une évolution imprévisible.L’imagerie des structures osseuses tou-chées peut évoquer le diagnostic devantune ostéolyse bien limitée, entourée d’uneostéosclérose périphérique, unique oumultiple.

Références

1. Arico M, Girschikofsky M et al. Lange-rhans cell histiocytosis in adults. Report

from the International Registry of theHistiocyte Society. Eur J Cancer 2003;39:2341-8.

2. Isling RB, Kulo TR et al. Langerhans’cell histiocytosis in patient older than21 years. Clin Ortho and Related Re-search 2000;1:213-35.

3. Howarth DM, Gilchrist GS et al. Lange-rhans cell histiocytosis: diagnosis, naturalhistory, management and outcome. Can-cer 1999;85:231-5.

4. Baumgartner I, Hoschstetter AV et al.Langerhans’cell histiocytosis in adults.Med Pediatr Oncol 1997;28:9-14.

5. Kilpatrick SE, Wenger DE et al. Lange-rhan’s cell histiocytosis of bone. A clinico-pathologic analysis of 263 pediatric andadult cases. Cancer 1995;76:2471-84.