hématome périrénal bilatéral récidivant révélant une périartérite noueuse
TRANSCRIPT
Feuillets de Radiologie 2009, 49, n° 1,9-13© 2009. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Feuillets de Radiologie © 2009. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
9
Hématome périrénal bilatéral récidivant révélant une périartérite noueuse
A. Darbi, A. El Kharras, S. Semlali, J. El Fenni, A. Hanine, T. Amil, S. Schaouir, L. Benaïssa
Service d’imagerie médicale, Hôpital Militaire d’Instruction Mohamed-V, Rabat, Maroc.
Correspondance :A. Darbi,
Imm. C8, Appt 19, Hay Menzah, Cym,Rabat, 10000 Maroc.
Email : [email protected]
Introduction
L’hématome périrénal spontané est rare. Il révèle le plus sou-
vent une pathologie rénale dont les causes sont largement
dominées par les tumeurs rénales et les vascularites [1]. Un
hématome périrénal récidivant bilatéral compliquant un
infarctus rénal et révélant une périartérite noueuse est une
situation exceptionnelle rarement décrite.
3
mise au point
3333
abdomen
Résumé
Summary
Objectif.
Rapporter un mode de déclaration rare de la périarté-
rite noueuse révélée par un hématome spontané périrénal bila-
téral récidivant.
Matériel et méthodes.
Un homme de 40 ans, sans antécédent, a
présenté de façon aiguë un syndrome douloureux abdominal
fébrile exploré par échographie et scanner.
Résultats.
L’échographie et le scanner abdominaux ont objectivé
un hématome périrénal droit avec des multiples infarctus corticaux
rénaux bilatéraux. L’étude histologique de la pièce opératoire de la
néphrectomie d’hémostase a conclu au diagnostic de périartérite
noueuse (PAN). Le patient est revenu trois ans plus tard pour un
hématome périrénal du rein restant. La tomodensitométrie a
objectivé un hématome avec des multiples infarctus rénaux.
Conclusion.
La tomodensitométrie volumique en montrant
l’association de l’hématome périrénal spontané, des multiples
infarctus corticaux rénaux chez ce patient mal suivi pour une
PAN, a permis de rattacher cet hématome à sa cause par saigne-
ment d’un infarctus cortical dans le cadre de l’évolution de la
périartérite noueuse malgré l’absence de microanévrismes, et
d’éviter le recours à l’artériographie rénale jugée à risque sur ce
terrain de rein unique.
Polyarteritis nodosa revealed by a recurring bilateral perirenal spontaneous hematoma.
Objective.
We report a rare inaugural presentation of polyarteri-
tis nodosa revealed by a recurring spontaneous bilateral peri-
renal hematoma.
Material and methods.
A 40-year-old man, with an uneventful
past history developed abdominal pain with fever, explored by
CT scan and ultrasonography.
Results.
Abdominal CT scan and abdominal ultrasound imaging
showed a right perirenal
hematoma with multiple bilateral renal
cortical infarcts. The histological examination of the hemostasis
nephrectomy led to the diagnosis of polyarteritis nodosa. The same
patient was seen again three years later for a perirenal hematoma
of the left kidney. The CT scan disclosed a massive spontaneous
perirenal hematoma with areas of multifocal segmental ischemia.
Conclusion.
The association of a perirenal hematoma and areas of
multifocal segmental ischemia shown by the CT scan in this
patient with known but poorly monitored PAN enabled the disco-
very that the cause of the hematoma was bleeding of a cortical
infarct complicating the PAN despite the absence of microaneu-
rysms. Renal arteriography which would have been potentially
dangerous for this patient with a single kidney was thus avoided.
Mots-clés :
Périrénal, Hématome, Spontané, Périartérite noueuse, Tomodensitométrie
Key words:
Perirenal, Hematoma, Spontaneous, Polyarteritis, Nodosa, CT scan
Hématome périrénal bilatéral récidivant révélant une périartérite noueuse
10
Observation
Un homme de 40 ans, tabagique chronique, est admis au ser-
vice des urgences pour une douleur de la fosse iliaque droite,
d’apparition brutale depuis 48 heures, avec vomissement.
L’examen clinique met en évidence une contracture abdomi-
nale et une fébricule à 38,5
°
C. Le diagnostic clinique de péri-
tonite appendiculaire est évoqué. L’échographie faite aux
urgences objective une collection périrénale droite refoulant
le rein en avant. Le complément tomodensitométrique (TDM)
(fig. 1)
a confirmé la collection périrénale droite de densité
tissulaire et a objectivé la présence de multiples formations
hypodenses corticales, grossièrement triangulaires à sommet
médullaire et à base périphérique siégeant sur la face anté-
rieure du pôle supérieur
(fig. 1A)
et sur la face postéro laté-
rale en médiorénale droite et gauche ayant fait évoquer des
infarctus rénaux
(fig. 1B)
. Il n’a pas été retrouvé de processus
expansif rénal ni d’autres anomalies vasculaire ou viscérale.
Compte tenu de l’état hémodynamique précaire, une néphrec-
tomie d’hémostase est réalisée. L’étude anatomopathologi-
que de la pièce de néphrectomie confirme la nature hémati-
que de la collection dont l’origine a été le saignement de
l’infarctus rénal polaire supérieur. Dans la zone de l’infarctus,
il est noté la présence d’une artère arquée juxta médullaire et
d’une artère interlobulaire, sièges d’une destruction de leurs
parois qui ont été remplacées par un tissu fibrinoïde et entou-
rées d’éléments inflammatoires avec des thromboses arté-
rielles fibrineuses complètes compatibles avec une périarth-
rite noueuse. Le patient a été perdu de vue et s’est présenté
trois ans plus tard aux urgences pour des coliques néphrétiques
gauches. La TDM réalisée selon un protocole d’angioscanner
avec des acquisitions volumiques en différents temps arté-
riels, veineux et tardif et des reconstructions fines millimétri-
ques dans les différents plans, a objectivé la présence d’un
hématome périrénal sur rein unique gauche, spontanément
hyperdense refoulant le rein en avant et fusant le long du
muscle psoas
(fig. 2)
. Après injection du produit de contraste
et analyse des différents temps vasculaires, il n’est pas noté
de rehaussement de la collection ni de mise en évidence de
lésions anévrismale sur les artères rénales ou digestives
(fig. 3)
. Par contre, il existe de multiples infarctus corticaux
(fig. 4)
. Le bilan biologique montre un syndrome inflamma-
toire avec une VS à 88 mm à la première heure, un taux de
fibrinogène à 11,08 g/l, une CRP à 203, un taux de LDH à
418 IU/l, une anémie hypochrome à 8,5 g/100 ml et un TP à
A
B
Figure 1. TDM abdominal après injection d’iode : important hématomepérirénal droit avec la présence de formations hypodenses corticales,triangulaires en rapport avec des infarctus corticaux.
Figure 2. TDM abdominal avant injection d’iode : collection hématiquepérirénal spontanément hyperdense refoulant le rein en avant etfusant le long du muscle psoas.
A. Darbi
et al.
2222
mise au point
Feuillets de Radiologie © 2009. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
11
73 %. Le bilan immunologique est négatif notamment les
anticorps anti DNA, les anticorps anti antigènes nucléaires
solubles et les anticorps antinucléaires. La recherche de fac-
teur rhumatoïde, la sérologie syphilitique et de l’hépatite B
sont négatives. Les facteurs C3 et C4 du complément sont nor-
maux et les anti phospholipides sont absents. La protéinurie
des 24 heures est négative.
Le diagnostic de périartérite noueuse (PAN) est posé sur la
preuve histologique, la présence des infarctus rénaux et la
négativité du bilan immunologique même en absence de
lésion anévrismale sur les artères rénales ou digestives et le
traitement spécifique a été démarré.
Discussion
Le diagnostic et la cause des hématomes périrénaux sponta-
nés doivent être établis rapidement pour guider la décision
thérapeutique [2]. Chez notre patient, porteur d’une périarté-
rite noueuse et mal suivi, l’association de l’hématome rénal,
des infarctus rénaux multiples et l’absence des microanévris-
mes sur les données de l’angioscanner était suffisante pour
lier l’hématome périrénal à la complication de la PAN par sai-
gnement d’un infarctus cortical et d’éviter le recours à l’arté-
riographie jugée dangereuse pour ce patient à rein unique,
pour rechercher d’éventuels microanévrismes non détectés
par la tomodensitométrie volumique.
La présentation clinique des hématomes périrénaux est non
spécifique, simulant parfois des tableaux d’abdomen aigu
chirurgical. L’imagerie a un rôle capital pour redresser le dia-
gnostic et rechercher l’étiologie. L’échographie retrouve aisé-
ment la collection rétro péritonéale sans pouvoir préciser
avec certitude sa nature. La TDM reste l’examen de référence.
L’hématome apparaît au stade aigu comme une collection
liquidienne intracapsulaire ou périrénale, spontanément
dense dont les densités varient entre 40 à 70 unités Houns-
field (HU), ne se rehaussant pas après injection. À un stade
tardif, l’aspect sera différent et le diagnostic différentiel sera
posé avec les autres causes de collections périrénales telles
les urinomes ou les abcès. L’IRM, grâce aux séquences T1, T2
et T2*, permet dans des situations difficiles, de redresser le
diagnostic en affirmant le caractère hémorragique de la col-
lection, de faire le diagnostic d’un saignement semi récent
par son aspect en hypersignal T1 [3, 4].
Les causes de l’hématome périrénal spontané, sont multiples
et largement dominées par les causes tumorales et les vascu-
larites. Les causes tumorales occupent la première place dont
les angiomyolipomes et les adénocarcinomes rénaux sont
les plus fréquents [4]. Les vascularites, dont la périartérite
noueuse (PAN) représente plus de 70 % [2], occupent la
deuxième position.
La périartérite noueuse, décrite en 1866 par Küssmaul et
Maier, est une vascularite systémique survenant à tout âge
avec une prédominance entre 40 et 60 ans, sans influence
pour le sexe et dont l’étiopathogénie reste mal élucidée. Elle
est le plus souvent primitive, rarement secondaire à une
infection virale notamment par le virus de l’hépatite [5, 6].
Histologiquement, elle est définie par la présence d’un infil-
trat riche en polynucléaires neutrophiles et d’une nécrose
fibrinoïde de la paroi des vaisseaux artériels de petit et
moyen calibre [7]. Elle touche avec une prédilection caracté-
ristique les artères rénales et digestives et épargne générale-
ment les artères pulmonaires [6]. L’atteinte rénale est histo-
logiquement présente dans 70 à 90 % des cas [8]. Les artères
Figure 3. TDM abdominal après injection d’iode et acquisitions volumi-ques en temps artériel : pas de rehaussement de la collection ni delésions anévrismales sur les artères rénales ou digestives.
Figure 4. TDM abdominal après injection d’iode en temps cortical :mise en évidence de multiples infarctus corticaux.
Hématome périrénal bilatéral récidivant révélant une périartérite noueuse
12
rénales intra parenchymateuses sont le siège d’anévrismes,
de sténoses, et d’occlusions distales associées à des infarctus
multifocaux. L’incidence des anévrismes varie de 13 à 60 %
[9]. Ils sont la plupart du temps multiples, de taille variable
mais souvent inférieure à 5 mm, et siègent volontiers à la
bifurcation des artères interlobaires et arquées pouvant
régresser sous traitement. D’après la revue de la littérature,
c’est la rupture de ces micro-anévrismes qui donne l’héma-
tome périrénal, rarement c’est le saignement de l’infarctus
cortical qui en serait le responsable, ce qui fait l’originalité de
notre observation où l’hématome est dû dans les deux épiso-
des au saignement de l’infarctus, comme cela a été confirmé
par l’étude anatomopathologique de la pièce de néphrecto-
mie pour le premier épisode, et par les multiples infarctus
corticaux et l’absence de visualisation de lésions anévrisma-
les rénales ou digestives sur les différents temps angiographi-
ques des différentes acquisitions volumiques du scanner pour
le second épisode [10]. Sur le plan de l’imagerie, certes,
l’artériographie reste l’examen de référence pour mettre en
évidence les lésions vasculaires. Mais compte tenu de son
caractère très invasif, la scanographie volumique grâce au
temps angiographique et sans être invasive, peut suffire pour
asseoir le diagnostic de PAN sur des terrains à risque. Cepen-
dant, une technique rigoureuse est nécessaire avec d’une
part une chronologie d’acquisition adaptée évitant les acqui-
sitions trop précoces qui risqueraient de moins bien montrer
les lésions micro anévrysmales et/ou sténosantes, et d’autre
part des coupes fines de 1 à 2 mm permettant de bien objec-
tiver les lésions et des reconstructions MIP de bonne qualité.
Le diagnostic de PAN pouvait alors être facilement envisagé
dès l’épisode aigu, devant la présence au scanner d’anévris-
mes rénaux ou viscéraux dont la taille voisine 5 mm, et
d’infarctus rénaux corticaux multiples de petite taille. En
absence de visualisation d’anévrismes, l’association d’infarc-
tus multifocaux de petite taille, une néphrographie artérielle
pâle, hétérogène et retardée et une augmentation franche
des résistances artérielles intrarénales (indice de résistance
> 0,80) au doppler pulsé, oriente vers une vascularite. Les
principaux diagnostics différentiels se posent alors avec les
autres maladies qui donnent des micro-anévrismes notam-
ment la poly-angéite microscopique, la maladie de Wegener,
la maladie périodique, le lupus, l’hypertension artérielle mali-
gne, les embolies septiques de l’endocardite bactérienne ou
tumorales du myxome de l’oreillette et les complications de
la toxicomanie intraveineuse [5, 10-13].
Sur le plan thérapeutique, l’embolisation sélective des ané-
vrismes doit être le traitement de première intention dès lors
que l’état du patient le permet. Certains préconisent, à la
phase aiguë, en cas d’hémorragie non massive, de fortes
doses intraveineuses de prednisolone et cyclophosphamide,
ce qui a été préconisé pour notre patient avec bonne évolu-
tion après un recul de six mois [5].
Conclusion
Les hématomes périrénaux spontanés sont rares, leur cause
est dominée par les tumeurs rénales et les vascularites. Chez
notre patient aux antécédents de PAN non suivie, les don-
nées de la tomodensitométrie volumique montrant l’asso-
ciation de l’hématome périrénal spontané, des multiples
infarctus corticaux rénaux, suffisent pour rattacher cet
hématome au saignement d’un infarctus cortical lié aux
complications évolutives de la périartérite noueuse malgré
l’absence de visualisation de microanévrismes permettant
ainsi d’éviter le recours à l’artériographie rénal jugé à risque
sur ce terrain de rein unique et d’entamer le traitement spé-
cifique précocement.
Références
1. Álvarez GÁ, Santana LJ, García LL, García LM,Cabanes FB, Méndez AR, Rodríguez BL. Ro-tura renal bilateral espontanea en la poliarte-ritis nodosa. Rev Cubana Med 2003;42:59-61.
2. Park SK, Kim H, Lhee HY, Lee KB. Develop-ment of a perirenal hematoma after Hula-Hooping. Yonsei Med J 2007;48:868-70.
3. Dubosq F, Traxer O, Estrad V, Tligui M, Haa F,Thibault P, Gattegno B. Hématomes sponta-nés du rein : conduite à tenir diagnostique etthérapeutique : à propos de 7 cas. Prog Urol2004;14:295-301.
4. Zhang JQ, Fielding JR, Zou KH. Etiology ofspontaneous perirenal. Hemorrhage: a meta-analysis. J Urol 2002;167:1593-6.
5. Lederlin M, Cales V, Parent Y, Strainchamps P.Quel est votre diagnostic. J Radiol 2005;86:177-80.
6. Mnif N, Chaker M, Oueslati S, Ellouze Th, Ten-zakhti F, Turki S, et al. Périartérite noueusedans sa forme intra abdominale : aspectsangiographiques. J Radiol 2004;85:635-8.
7. Guillevin L, Cohen P. Périartérite noueuse :caractéristiques cliniques, pronostic et trai-tement. Ann Med Interne 2000;151:184-92.
8. Stanson AW, Friese JL, Johnson CM, McKu-sick MA, Breen JF, Sabater EA, Andrews JC.Polyarteritis nodosa: Spectrum of angio-graphic findings. RadioGraphics 2001;21:151-9.
9. Sellar RJ, Mackay IG, Buist T. The inci-dence of microaneurysms in polyarteritis
nodosa. Cardiovasc Intervent Radiol 1986;9:123-6.
10. Tarhan NC, Coskun M, Kayahan EM, YildirimE, Yucel E. Regression of abdominal visceralaneurysms in polyarteritis nodosa: CT fin-dings. AJR 2003;180:1617-9.
11. Jee NK, Knoun Ha H, In Jae L. Radiologic fin-ding of abdominal polyarteritis nodosa. Am JRoentgenol 2000;174:675-9.
12. Bouvard B, Lavigne C, Mar G, Menei P, De-Bray JM, Dubas F. Deux hémorragies cérébra-les révélatrices d’une périartérite noueuse.Rev Med Interne 2007;28:651-4.
13. Hélénon O, Correas JM, Eiss D, Khairoune A,Merran S. Diagnostic imaging of peripheralrenal vascular disorders. J Radiol 2004;85(2Pt 2).
Hématome périrénal bilatéral récidivant révélant une périartérite noueuse
3333
test de formation médicale continue
Feuillets de Radiologie © 2009. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
13
Qu’avez-vous retenu de cet article ?
Testez si vous avez assimilé les points importants de cet article en répondant à ce questionnaire sous forme de QCM.
1. Les deux principales étiologies des hématomes
périrénaux spontanés sont :
A : Les tumeurs rénales ;
B : Les vascularites ;
C : Les troubles de la coagulation ;
D : L’hypertension artérielle.
2. La périartérite noueuse comme cause d’hématome
périrénal spontané est suspectée devant :
A : Sujet jeune sans antécédent ;
B : Fumeur chronique ;
C : Présence de multiples anévrismes rénaux et
viscéraux ;
D : Présence de multiples infarctus rénaux et
viscéraux.
3. Devant un hématome périrénal spontané :
A : Un angioscanner rénal doit être réalisé en
premier lieu ;
B : Une artériographie doit être réalisée quels que
soient les résultats du scanner ;
C : Parfois les données de l’écho doppler et du
scanner sont suffisantes pour poser le diagnostic
de vascularite ;
D : L’artériographie est le seul examen capable de
visualiser les microanévrismes dans le cadre d’une
vascularite.
Réponses : p. 80