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Hémangiome infantile traité avec du propranolol : Apprendre du décès d’un enfant 1 de 8 Bulletin de l’ISMP Canada www.ismp-canada.org/fr/dossiers/bulletins UN PARTENAIRE CLÉ DU Institut pour la sécurité des médicaments aux patients du Canada Pour déclarer les accidents liés à la médication En ligne : Téléphone : 1-866-544-7672 www.ismp-canada.org/fr/form_dec.htm Volume 16 Numéro 1 Le 18 février 2016 Introduction L’hémangiome infantile (parfois appelé angiome tubéreux) est une tumeur vasculaire bénigne du tissu mou touchant de 4 % à 10 % des nourrissons 1-4 . La plupart des hémangiomes infantiles se résorbent de façon spontanée sans aucun traitement, mais d’autres peuvent justifier un traitement médical ou une chirurgie en raison de l’interférence avec les fonctions physiologiques, si elles risquent de défigurer l’enfant ou, dans de rares cas, si elles compromettent la vie 4,5 . Dans le cadre d’une collaboration permanente avec les services provinciaux d’investigation médico-légale, ISMP Canada a reçu un rapport évoquant la mort d’un nourrisson à qui on avait administré du propranolol pour traiter un hémangiome infantile (une indication non approuvée pour ce médicament). Bien que, dans ce cas, l’évaluation d’ISMP Canada sur l’utilisation du propranolol n’ait révélé aucune preuve d’un accident lié à la médication, plusieurs occasions d’apprentissage ont été identifiées et partagées. Description de cas Une petite fille en bonne santé de 4 mois atteinte d’un hémangiome de la lèvre supérieure fut dirigée en pédiatrie pour une consultation, car on croyait que l’hémangiome nuisait à l’alimentation de l’enfant (pour consulter la chronologie des évènements, voir figure 1). Après plusieurs évaluations et enquêtes, le Évaluer attentivement le rapport préjudices-avantages du traitement aux bêta-bloquants en ce qui a trait aux hémangiomes infantiles. Reconnaître que les renseignements sur les médicaments y compris les directives sur l’utilisation et la surveillance sont moins disponibles pour les indications non approuvées des médicaments. Avant de prescrire des bêta-bloquants, discutez des dangers potentiels avec les parents et aidez-les en leur donnant des informations importantes sur les médicaments (par ex. : heures d’administration du médicament en fonction des heures de boire et les signes et symptômes nécessitant des soins médicaux). Afin de réduire le risque d’hypoglycémie, donnez à l’enfant le médicament dans une formulation à base de sirop simple. Afin de réduire les risques de mort subite du nourrisson, tirez profit de toutes les occasions que vous avez de conseiller les futurs et nouveaux parents.

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Hémangiome infantile traité avec du propranolol : Apprendre du décès d’un enfant

1 de 8Bulletin de l’ISMP Canada – www.ismp-canada.org/fr/dossiers/bulletins

UN PARTENAIRE CLÉ DUInstitut pour la sécurité des médicaments aux patients du CanadaPour déclarer les accidents liés à la médicationEn ligne :

Téléphone : 1-866-544-7672 www.ismp-canada.org/fr/form_dec.htm

Volume 16 • Numéro 1 • Le 18 février 2016

Introduction

L’hémangiome infantile (parfois appelé angiome tubéreux) est une tumeur vasculaire bénigne du tissu mou touchant de 4 % à 10 % des nourrissons1-4. La plupart des hémangiomes infantiles se résorbent de façon spontanée sans aucun traitement, mais d’autres peuvent justifier un traitement médical ou une chirurgie en raison de l’interférence avec les fonctions physiologiques, si elles risquent de défigurer l’enfant ou, dans de rares cas, si elles compromettent la vie4,5. Dans le cadre d’une collaboration permanente avec les services provinciaux d’investigation médico-légale, ISMP Canada a reçu un rapport évoquant la mort d’un nourrisson à qui on avait administré du propranolol pour traiter un hémangiome infantile (une indication non approuvée pour ce médicament). Bien que, dans ce cas, l’évaluation d’ISMP Canada sur l’utilisation du propranolol n’ait révélé aucune preuve d’un accident lié à la médication, plusieurs occasions d’apprentissage ont été identifiées et partagées.

Description de cas

Une petite fille en bonne santé de 4 mois atteinte d’un hémangiome de la lèvre supérieure fut dirigée en pédiatrie pour une consultation, car on croyait que l’hémangiome nuisait à l’alimentation de l’enfant (pour consulter la chronologie des évènements, voir figure 1). Après plusieurs évaluations et enquêtes, le

pédiatre a prescrit une dose orale de propranolol à 1 mg/kg/jour à diviser en 3 doses par jour. À la pharmacie communautaire, l’ordonnance fut préparée et remplie, puis le traitement commença à la clinique externe d’un établissement hospitalier où on évalua les effets de la première dose en surveillant la pression artérielle et la fréquence cardiaque. Cinq jours plus tard, les parents amenaient leur bébé au service des urgences parce que leur fille buvait beaucoup moins de liquide et qu’elle présentait des symptômes de léthargie. Lors de l’examen, l’urgentologue constata que le bébé tétait la bouteille vigoureusement, qu’il semblait bien hydraté et qu’il n’était pas léthargique. Elle reçut son congé du service des urgences.

Deux jours plus tard, étant donné que les parents s’inquiétaient des symptômes de léthargie de leur fille, le pédiatre réduisait la dose de propranolol de moitié à 0,5 mg/kg par jour divisée en 3 doses par jour. Cinq jours après que la dose ait été réduite, le bébé dormait presque toute la journée, se réveillant que pour boire. Le lendemain matin, elle fut nourrie, resta éveillée pendant quelque temps, puis fut placée dans son berceau, 2 heures plus tard. Tôt dans la soirée, le nourrisson fut retrouvé sans vie dans son berceau avec une couverture recouvrant son visage. L’autopsie n’a pu révéler la cause du décès et les niveaux de propranolol sérum se situaient bien en dessous du seuil de mortalité. La cause du décès demeure indéterminée.

Contexte

L’hémangiome infantile apparaît habituellement dans les premiers mois de vie et on traite généralement les nourrissons dont la respiration, l’alimentation, la vision et le cœur sont affectés4. Antérieurement, les corticostéroïdes systémiques étaient considérés comme le traitement de première intention, l’interféron alfa et la vincristine représentaient d’autres options pharmacologiques5. Toutefois, ces thérapies ne sont plus très utilisées en raison de leurs effets indésirables graves.

Par un heureux hasard, on a découvert que le propranolol, un bêta-bloquant non sélectif, s’avérait efficace pour le traitement de l’hémangiome infantile lorsque l’on observa son effet bénéfique chez plusieurs nourrissons qui recevaient ce médicament pour des problèmes cardiaques6. Bien que le mécanisme d’action précis reste flou, on croit que le propranolol agit sur les récepteurs bêta-adrénergiques de l’hémangiome entraînant la vasoconstriction (provoquant un changement de couleur et un palissement de la lésion?)5. Le propranolol peut aussi diminuer la libération de molécules de signalisation de croissance des vaisseaux sanguins et déclencher la mort cellulaire normale7.

Quelques publications décrivant son utilisation pour le traitement de l’hémangiome infantile indiquent qu’il est généralement bien toléré et qu’il entraîne des effets indésirables potentiels semblables à ceux

ressentis lorsqu’il est prescrit à d’autres fins. L’hypotension, la bradycardie et l’hypoglycémie sont les effets indésirables les plus préoccupants. L’hypotension et la bradycardie surviennent le plus souvent après la première dose avec un pic 2 heures après l’administration7. L’hypoglycémie, quant à elle, est imprévisible et ne semble pas reliée à la dose7,8. D’autres préoccupations ont été formulées sur les effets cognitifs et neurocomportementaux potentiels à long terme du propranolol chez les nourrissons.9,10.

Il existe très peu de documentation scientifique officielle sur le traitement de l’hémangiome infantile, à l’exception d’un rapport sur l’utilisation du propranolol provenant d’une conférence de consensus publié en 20138. En général, il est recommandé de surveiller la fréquence cardiaque et la pression artérielle pendant 2 heures après l’amorce du traitement ou suite à une augmentation de dose. La dose doit être augmentée graduellement sur une période de 1 à 2 semaines jusqu’à l’atteinte de la dose cible (1 à 3 mg/kg par jour administrés 2 ou 3 fois par jour)8,11. Une surveillance étroite de l’hypoglycémie est aussi recommandée dans le cas de l’administration concomitante d’un corticostéroïde12. Par contre, utilisé en monothérapie, le propranolol peut accroître le risque d’hypoglycémie chez les enfants et les nourrissons, plus particulièrement chez les enfants prématurés. Il commence à y avoir risque d’hypoglycémie après 8 heures de jeûne chez les enfants de 2 ans et moins prenant du propranolol7,8. À l’exception de la transpiration8, les caractéristiques cliniques de l’hypoglycémie sont amoindries par les bêta-bloquants. Afin de réduire le risque d’épisode d’hypoglycémie8,11, les parents devraient être informés qu’ils doivent surveiller la sudation chez leur enfant, du moment le plus approprié pour lui administrer le propranolol (pendant que l’on nourrit le bébé ou juste après) et des cas où le propranolol ne devrait pas être administré (par ex. : en présence de maladie concomitante et d’incapacité d’ingestion par voie orale).

Résultats et discussion

La cause n’a pu être déterminée dans le cas rapporté. Dans son analyse, ISMP Canada a tenu compte des problèmes suivants.

Indication thérapeutique

Pour l’hémangiome infantile, on considère habituellement un traitement pharmacologique pour le nourrisson si le trouble perturbe ses fonctions normales comme sa respiration, son alimentation, sa vision ou son audition ou que l’on craint une défiguration permanente8. Dans le cas présent, l’hémangiome nuisait à l’alimentation du bébé, le traitement pharmacologique pour l’hémangiome était donc conforme aux lignes directrices reconnues.

Surveillance du patient

Le début du traitement au propranolol a commencé en milieu clinique avec surveillance de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle du bébé. On ne sait toutefois pas si la glycémie a été surveillée ou encore si les parents étaient au courant des risques potentiels d’hypoglycémie chez leur bébé. On pourrait supposer que la grande somnolence du bébé avant sa mort aurait pu avoir un lien avec l’hypoglycémie, mais la fillette avait été nourrie normalement ce jour-là ainsi que le matin de son décès. On ne sait pas à quels moments le propranolol a été administré, mais l’étiquette d’ordonnance indiquait 3 fois par jour à des intervalles d’au moins 6 heures. La visite à l’urgence a permis de mesurer la glycémie et de poser un diagnostic d’hypoglycémie, le cas échéant. Malheureusement, le résultat des tests sanguins n’était pas disponible lors de l’examen et l’hypoglycémie n’a pu être confirmée à partir des échantillons de l’autopsie.

Préparation magistrale et instrument de mesure de dose

L’ordonnance nécessitait une préparation dans une pharmacie communautaire. On ne connaît pas le type de diluant qui a été utilisé (sirop simple ou liquide sans sucre), car les registres de préparation de la pharmacie n’étaient pas disponibles au moment de la révision du dossier. Bien que les pharmacies remettent généralement des seringues orales pour mesurer les doses de médicaments liquides pour enfants, on ne connaît pas l’instrument de mesure les que parents ont utilisé pour mesurer et administrer le médicament. Étant donné les résultats de l’analyse toxicologique postérieurs au décès, qui ont démontré

• Évaluer attentivement le rapport préjudices-avantages du traitement aux bêta-bloquants en ce qui a trait aux hémangiomes infantiles.

• Reconnaître que les renseignements sur les médicaments y compris les directives sur l’utilisation et la surveillance sont moins disponibles pour les indications non approuvées des médicaments.

• Avant de prescrire des bêta-bloquants, discutez des dangers potentiels avec les parents et aidez-les en leur donnant des informations importantes sur les médicaments (par ex. : heures d’administration du médicament en fonction des heures de boire et les signes et symptômes nécessitant des soins médicaux).

• Afin de réduire le risque d’hypoglycémie, donnez à l’enfant le médicament dans une formulation à base de sirop simple.

• Afin de réduire les risques de mort subite du nourrisson, tirez profit de toutes les occasions que vous avez de conseiller les futurs et nouveaux parents.

que les niveaux de propranolol étaient inférieurs aux doses mortelles, il est peu probable qu’il s’agisse d’une surdose due à une erreur de préparation ou de mesure de la dose.

Pratiques de sommeil sécuritaires

Une attention particulière a été portée sur l’information transmise aux parents sur les pratiques de sommeil sécuritaires et les stratégies à mettre en place pour prévenir le risque du syndrome de mort subite du nourrisson. L’Agence de la santé publique du Canada fournit de la documentation portant sur les facteurs de risque et les stratégies à employer pour assurer un sommeil sécuritaire aux enfants.13 Dans le cas présent, plusieurs facteurs de risque potentiels ont été répertoriés, mais il est impossible de déterminer s’ils ont contribué à la mort de l’enfant.

Autres facteurs à considérer en lien avec l’aspect pharmacologique du propranolol

Propranolol est un médicament lipophile pouvant traverser la barrière hémato-encéphalique; cette propriété peut entraîner des effets indésirables sur le système nerveux central (SNC) comme la somnolence et les troubles du sommeil14. Au Canada, certains grands hôpitaux pédiatriques utilisent le nadolol, un bêta-bloquant hydrophile, plutôt que propranolol afin de réduire les risques de problèmes au niveau du système nerveux central; le schéma posologique du nadolol est aussi beaucoup plus pratique15,16.

Recommandations

Médecins prescripteurs

• Conformez-vous aux lignes directrices rigoureuses de dépistage des patients et avant de prescrire du propranolol, évaluez attentivement les méfaits et bienfaits du médicament; si vous êtes incertain, demandez un deuxième avis médical avant le début du traitement.

• Informez les parents et les soignants des risques et avantages éventuels du traitement au propranolol. Les aviser que le médicament est prescrit en fonction d’un usage hors indication. Assurez-vous qu’ils comprennent bien ce que « hors indication » signifie. Inscrire toute l’information fournie dans

un formulaire de consentement signé.• Effectuez un dépistage chez les enfants prenant du

propranolol afin d’identifier ceux qui prennent aussi d’autres médicaments qui peuvent accroître le risque d’hypoglycémie comme les corticostéroïdes systémiques.

• Élaborez un plan de gestion précis faisant état des besoins en surveillance.

• Informez les parents et les soignants des signes et symptômes nécessitant des soins médicaux ainsi que des exigences en matière de surveillance (par ex. : hypotension ou hypoglycémie)8,11.

• Insistez sur les principes et stratégies de sommeil sécuritaires et encouragez-les à cesser de fumer.

Pharmaciens hospitaliers et communautaires

• Pour faciliter l’administration des préparations buvables, remettez aux parents des instruments de mesure conviviaux et demandez-leur de vous démontrer de quelle façon ils utiliseront ces instruments afin qu’ils sachent comment administrer le volume adéquat.

• En attendant que les préparations pédiatriques de propranolol et nadolol soient offertes au Canada, faites ces préparations en utilisant le sirop simple comme diluant, afin de minimiser le risque d’hypoglycémie. Au cours de l’année 2016, la préparation de propranolol disponible aux États-Unis (Hemangeol) devrait être approuvée pour l’utilisation au Canada (communication électronique : Pierre Fabre Pharmaceuticals Inc., 18 septembre 2015).

• Afin de prévenir les cas d’hypoglycémie, apprenez aux parents à administrer les bêta-bloquants lorsqu’ils nourrissent l’enfant.

• Informez les parents et les soignants des signes et symptômes importants exigeant que le traitement soit arrêté ou des soins médicaux soient donnés (par ex. : la transpiration est un symptôme de l’hypoglycémie).

• Avec les nouveaux parents, insistez sur les principes et les stratégies à adopter pour que leur enfant ait un sommeil sécuritaire. Les pharmaciens communautaires ont souvent l’occasion de discuter avec les patientes enceintes qui fument et de les inciter à cesser de fumer afin de créer un environnement de sommeil sécuritaire pour le bébé avant et après sa naissance.

Infirmières et infirmières enseignantes

• Suivez une formation professionnelle continue afin de reconnaître les signes et symptômes des problèmes associés à l’hypoglycémie (par ex. : transpiration, irritabilité), bradycardie (par ex. : fatigue) ou hypotension.

• Insistez auprès des parents qu’il est important de respecter les temps d’administration recommandés et les principes et stratégies à adopter pour que leur enfant ait un sommeil sécuritaire. Incitez-les à cesser de fumer, si tel est le cas.

Conclusion

Tout traitement médical comporte des risques. Avant de commencer un traitement aux bêta-bloquants, tous les facteurs pertinents à chacun des patients doivent être pris en considération afin de s’assurer que les avantages surpassent les risques d’effets nocifs. Dans le cas de l’hémangiome infantile, cet avertissement est encore plus important, car il s’agit d’une maladie qui se résorbe habituellement d’elle-même avec le temps. De plus, lorsque les médicaments sont utilisés pour une indication non approuvée, il est possible que les directives en ce qui a trait à la prescription et à la surveillance soient limitées ou difficilement accessibles ou soient fréquemment modifiées à la lumière de nouvelles données ou d’expériences antérieures. Nous avons partagé ce cas tragique afin de faire ressortir les considérations et occasions d’intervention en lien avec l’utilisation du propranolol pour le traitement de l’hémangiome infantile.

Remerciements

ISMP Canada tient à remercier les personnes suivantes pour avoir fourni leur expertise lors de l’examen de ce bulletin (en ordre alphabétique) :

Matthew Bowes M.D. médecin légiste en chef, Service de médecin légiste de la Nouvelle-Écosse, Halifax (N.-É.); Glenn Brown bac. Ès sciences, M.D., CCMF(EM), FCMF, maîtrise en santé publique, directeur de département, Département de médecine familiale, Queen’s University, Kingston; Susan E MacDonald M.D. M.Sc.S FCFP, Département de médecine familiale, Queens University, Kingston (Ont.); Elena Pope, M. Sc. FRPC, professeure en pédiatrie, Université de Toronto, directrice du programme de fellowship et chef de section, dermatologie pédiatrique, The Hospital for Sick Children, Toronto (Ont.); R. Kent Stewart, coroner en chef de la Saskatchewan, Régina (Sask.); Robert I Stubbins M.D., professeur adjoint en clinique de médecine familiale, McMaster University, Penetanguishene (Ont.).

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Figure 1. Chronologie des évènements avant la mort du bébé.

Hémangiome infantile détecté sur la

lèvre supérieure 2 MOIS

Début du traitement oral de propranolol

5 MOIS

4 MOISConsultation en pédiatrie pour

évaluation

Réduction de la dose de

propranolol 2 JOURS APRÈS

VISITE À L’URGENCE

5 JOURS APRÈS LE DÉBUT DU

TRAITEMENT AU PROPRANOLOL

Visite à l’urgence

6 JOURS APRÈS LA VISITE

À L’URGENCEMort du bébé

Introduction

L’hémangiome infantile (parfois appelé angiome tubéreux) est une tumeur vasculaire bénigne du tissu mou touchant de 4 % à 10 % des nourrissons1-4. La plupart des hémangiomes infantiles se résorbent de façon spontanée sans aucun traitement, mais d’autres peuvent justifier un traitement médical ou une chirurgie en raison de l’interférence avec les fonctions physiologiques, si elles risquent de défigurer l’enfant ou, dans de rares cas, si elles compromettent la vie4,5. Dans le cadre d’une collaboration permanente avec les services provinciaux d’investigation médico-légale, ISMP Canada a reçu un rapport évoquant la mort d’un nourrisson à qui on avait administré du propranolol pour traiter un hémangiome infantile (une indication non approuvée pour ce médicament). Bien que, dans ce cas, l’évaluation d’ISMP Canada sur l’utilisation du propranolol n’ait révélé aucune preuve d’un accident lié à la médication, plusieurs occasions d’apprentissage ont été identifiées et partagées.

Description de cas

Une petite fille en bonne santé de 4 mois atteinte d’un hémangiome de la lèvre supérieure fut dirigée en pédiatrie pour une consultation, car on croyait que l’hémangiome nuisait à l’alimentation de l’enfant (pour consulter la chronologie des évènements, voir figure 1). Après plusieurs évaluations et enquêtes, le

pédiatre a prescrit une dose orale de propranolol à 1 mg/kg/jour à diviser en 3 doses par jour. À la pharmacie communautaire, l’ordonnance fut préparée et remplie, puis le traitement commença à la clinique externe d’un établissement hospitalier où on évalua les effets de la première dose en surveillant la pression artérielle et la fréquence cardiaque. Cinq jours plus tard, les parents amenaient leur bébé au service des urgences parce que leur fille buvait beaucoup moins de liquide et qu’elle présentait des symptômes de léthargie. Lors de l’examen, l’urgentologue constata que le bébé tétait la bouteille vigoureusement, qu’il semblait bien hydraté et qu’il n’était pas léthargique. Elle reçut son congé du service des urgences.

Deux jours plus tard, étant donné que les parents s’inquiétaient des symptômes de léthargie de leur fille, le pédiatre réduisait la dose de propranolol de moitié à 0,5 mg/kg par jour divisée en 3 doses par jour. Cinq jours après que la dose ait été réduite, le bébé dormait presque toute la journée, se réveillant que pour boire. Le lendemain matin, elle fut nourrie, resta éveillée pendant quelque temps, puis fut placée dans son berceau, 2 heures plus tard. Tôt dans la soirée, le nourrisson fut retrouvé sans vie dans son berceau avec une couverture recouvrant son visage. L’autopsie n’a pu révéler la cause du décès et les niveaux de propranolol sérum se situaient bien en dessous du seuil de mortalité. La cause du décès demeure indéterminée.

Contexte

L’hémangiome infantile apparaît habituellement dans les premiers mois de vie et on traite généralement les nourrissons dont la respiration, l’alimentation, la vision et le cœur sont affectés4. Antérieurement, les corticostéroïdes systémiques étaient considérés comme le traitement de première intention, l’interféron alfa et la vincristine représentaient d’autres options pharmacologiques5. Toutefois, ces thérapies ne sont plus très utilisées en raison de leurs effets indésirables graves.

Par un heureux hasard, on a découvert que le propranolol, un bêta-bloquant non sélectif, s’avérait efficace pour le traitement de l’hémangiome infantile lorsque l’on observa son effet bénéfique chez plusieurs nourrissons qui recevaient ce médicament pour des problèmes cardiaques6. Bien que le mécanisme d’action précis reste flou, on croit que le propranolol agit sur les récepteurs bêta-adrénergiques de l’hémangiome entraînant la vasoconstriction (provoquant un changement de couleur et un palissement de la lésion?)5. Le propranolol peut aussi diminuer la libération de molécules de signalisation de croissance des vaisseaux sanguins et déclencher la mort cellulaire normale7.

Quelques publications décrivant son utilisation pour le traitement de l’hémangiome infantile indiquent qu’il est généralement bien toléré et qu’il entraîne des effets indésirables potentiels semblables à ceux

ressentis lorsqu’il est prescrit à d’autres fins. L’hypotension, la bradycardie et l’hypoglycémie sont les effets indésirables les plus préoccupants. L’hypotension et la bradycardie surviennent le plus souvent après la première dose avec un pic 2 heures après l’administration7. L’hypoglycémie, quant à elle, est imprévisible et ne semble pas reliée à la dose7,8. D’autres préoccupations ont été formulées sur les effets cognitifs et neurocomportementaux potentiels à long terme du propranolol chez les nourrissons.9,10.

Il existe très peu de documentation scientifique officielle sur le traitement de l’hémangiome infantile, à l’exception d’un rapport sur l’utilisation du propranolol provenant d’une conférence de consensus publié en 20138. En général, il est recommandé de surveiller la fréquence cardiaque et la pression artérielle pendant 2 heures après l’amorce du traitement ou suite à une augmentation de dose. La dose doit être augmentée graduellement sur une période de 1 à 2 semaines jusqu’à l’atteinte de la dose cible (1 à 3 mg/kg par jour administrés 2 ou 3 fois par jour)8,11. Une surveillance étroite de l’hypoglycémie est aussi recommandée dans le cas de l’administration concomitante d’un corticostéroïde12. Par contre, utilisé en monothérapie, le propranolol peut accroître le risque d’hypoglycémie chez les enfants et les nourrissons, plus particulièrement chez les enfants prématurés. Il commence à y avoir risque d’hypoglycémie après 8 heures de jeûne chez les enfants de 2 ans et moins prenant du propranolol7,8. À l’exception de la transpiration8, les caractéristiques cliniques de l’hypoglycémie sont amoindries par les bêta-bloquants. Afin de réduire le risque d’épisode d’hypoglycémie8,11, les parents devraient être informés qu’ils doivent surveiller la sudation chez leur enfant, du moment le plus approprié pour lui administrer le propranolol (pendant que l’on nourrit le bébé ou juste après) et des cas où le propranolol ne devrait pas être administré (par ex. : en présence de maladie concomitante et d’incapacité d’ingestion par voie orale).

Résultats et discussion

La cause n’a pu être déterminée dans le cas rapporté. Dans son analyse, ISMP Canada a tenu compte des problèmes suivants.

Indication thérapeutique

Pour l’hémangiome infantile, on considère habituellement un traitement pharmacologique pour le nourrisson si le trouble perturbe ses fonctions normales comme sa respiration, son alimentation, sa vision ou son audition ou que l’on craint une défiguration permanente8. Dans le cas présent, l’hémangiome nuisait à l’alimentation du bébé, le traitement pharmacologique pour l’hémangiome était donc conforme aux lignes directrices reconnues.

Surveillance du patient

Le début du traitement au propranolol a commencé en milieu clinique avec surveillance de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle du bébé. On ne sait toutefois pas si la glycémie a été surveillée ou encore si les parents étaient au courant des risques potentiels d’hypoglycémie chez leur bébé. On pourrait supposer que la grande somnolence du bébé avant sa mort aurait pu avoir un lien avec l’hypoglycémie, mais la fillette avait été nourrie normalement ce jour-là ainsi que le matin de son décès. On ne sait pas à quels moments le propranolol a été administré, mais l’étiquette d’ordonnance indiquait 3 fois par jour à des intervalles d’au moins 6 heures. La visite à l’urgence a permis de mesurer la glycémie et de poser un diagnostic d’hypoglycémie, le cas échéant. Malheureusement, le résultat des tests sanguins n’était pas disponible lors de l’examen et l’hypoglycémie n’a pu être confirmée à partir des échantillons de l’autopsie.

Préparation magistrale et instrument de mesure de dose

L’ordonnance nécessitait une préparation dans une pharmacie communautaire. On ne connaît pas le type de diluant qui a été utilisé (sirop simple ou liquide sans sucre), car les registres de préparation de la pharmacie n’étaient pas disponibles au moment de la révision du dossier. Bien que les pharmacies remettent généralement des seringues orales pour mesurer les doses de médicaments liquides pour enfants, on ne connaît pas l’instrument de mesure les que parents ont utilisé pour mesurer et administrer le médicament. Étant donné les résultats de l’analyse toxicologique postérieurs au décès, qui ont démontré

que les niveaux de propranolol étaient inférieurs aux doses mortelles, il est peu probable qu’il s’agisse d’une surdose due à une erreur de préparation ou de mesure de la dose.

Pratiques de sommeil sécuritaires

Une attention particulière a été portée sur l’information transmise aux parents sur les pratiques de sommeil sécuritaires et les stratégies à mettre en place pour prévenir le risque du syndrome de mort subite du nourrisson. L’Agence de la santé publique du Canada fournit de la documentation portant sur les facteurs de risque et les stratégies à employer pour assurer un sommeil sécuritaire aux enfants.13 Dans le cas présent, plusieurs facteurs de risque potentiels ont été répertoriés, mais il est impossible de déterminer s’ils ont contribué à la mort de l’enfant.

Autres facteurs à considérer en lien avec l’aspect pharmacologique du propranolol

Propranolol est un médicament lipophile pouvant traverser la barrière hémato-encéphalique; cette propriété peut entraîner des effets indésirables sur le système nerveux central (SNC) comme la somnolence et les troubles du sommeil14. Au Canada, certains grands hôpitaux pédiatriques utilisent le nadolol, un bêta-bloquant hydrophile, plutôt que propranolol afin de réduire les risques de problèmes au niveau du système nerveux central; le schéma posologique du nadolol est aussi beaucoup plus pratique15,16.

Recommandations

Médecins prescripteurs

• Conformez-vous aux lignes directrices rigoureuses de dépistage des patients et avant de prescrire du propranolol, évaluez attentivement les méfaits et bienfaits du médicament; si vous êtes incertain, demandez un deuxième avis médical avant le début du traitement.

• Informez les parents et les soignants des risques et avantages éventuels du traitement au propranolol. Les aviser que le médicament est prescrit en fonction d’un usage hors indication. Assurez-vous qu’ils comprennent bien ce que « hors indication » signifie. Inscrire toute l’information fournie dans

un formulaire de consentement signé.• Effectuez un dépistage chez les enfants prenant du

propranolol afin d’identifier ceux qui prennent aussi d’autres médicaments qui peuvent accroître le risque d’hypoglycémie comme les corticostéroïdes systémiques.

• Élaborez un plan de gestion précis faisant état des besoins en surveillance.

• Informez les parents et les soignants des signes et symptômes nécessitant des soins médicaux ainsi que des exigences en matière de surveillance (par ex. : hypotension ou hypoglycémie)8,11.

• Insistez sur les principes et stratégies de sommeil sécuritaires et encouragez-les à cesser de fumer.

Pharmaciens hospitaliers et communautaires

• Pour faciliter l’administration des préparations buvables, remettez aux parents des instruments de mesure conviviaux et demandez-leur de vous démontrer de quelle façon ils utiliseront ces instruments afin qu’ils sachent comment administrer le volume adéquat.

• En attendant que les préparations pédiatriques de propranolol et nadolol soient offertes au Canada, faites ces préparations en utilisant le sirop simple comme diluant, afin de minimiser le risque d’hypoglycémie. Au cours de l’année 2016, la préparation de propranolol disponible aux États-Unis (Hemangeol) devrait être approuvée pour l’utilisation au Canada (communication électronique : Pierre Fabre Pharmaceuticals Inc., 18 septembre 2015).

• Afin de prévenir les cas d’hypoglycémie, apprenez aux parents à administrer les bêta-bloquants lorsqu’ils nourrissent l’enfant.

• Informez les parents et les soignants des signes et symptômes importants exigeant que le traitement soit arrêté ou des soins médicaux soient donnés (par ex. : la transpiration est un symptôme de l’hypoglycémie).

• Avec les nouveaux parents, insistez sur les principes et les stratégies à adopter pour que leur enfant ait un sommeil sécuritaire. Les pharmaciens communautaires ont souvent l’occasion de discuter avec les patientes enceintes qui fument et de les inciter à cesser de fumer afin de créer un environnement de sommeil sécuritaire pour le bébé avant et après sa naissance.

Infirmières et infirmières enseignantes

• Suivez une formation professionnelle continue afin de reconnaître les signes et symptômes des problèmes associés à l’hypoglycémie (par ex. : transpiration, irritabilité), bradycardie (par ex. : fatigue) ou hypotension.

• Insistez auprès des parents qu’il est important de respecter les temps d’administration recommandés et les principes et stratégies à adopter pour que leur enfant ait un sommeil sécuritaire. Incitez-les à cesser de fumer, si tel est le cas.

Conclusion

Tout traitement médical comporte des risques. Avant de commencer un traitement aux bêta-bloquants, tous les facteurs pertinents à chacun des patients doivent être pris en considération afin de s’assurer que les avantages surpassent les risques d’effets nocifs. Dans le cas de l’hémangiome infantile, cet avertissement est encore plus important, car il s’agit d’une maladie qui se résorbe habituellement d’elle-même avec le temps. De plus, lorsque les médicaments sont utilisés pour une indication non approuvée, il est possible que les directives en ce qui a trait à la prescription et à la surveillance soient limitées ou difficilement accessibles ou soient fréquemment modifiées à la lumière de nouvelles données ou d’expériences antérieures. Nous avons partagé ce cas tragique afin de faire ressortir les considérations et occasions d’intervention en lien avec l’utilisation du propranolol pour le traitement de l’hémangiome infantile.

Remerciements

ISMP Canada tient à remercier les personnes suivantes pour avoir fourni leur expertise lors de l’examen de ce bulletin (en ordre alphabétique) :

Matthew Bowes M.D. médecin légiste en chef, Service de médecin légiste de la Nouvelle-Écosse, Halifax (N.-É.); Glenn Brown bac. Ès sciences, M.D., CCMF(EM), FCMF, maîtrise en santé publique, directeur de département, Département de médecine familiale, Queen’s University, Kingston; Susan E MacDonald M.D. M.Sc.S FCFP, Département de médecine familiale, Queens University, Kingston (Ont.); Elena Pope, M. Sc. FRPC, professeure en pédiatrie, Université de Toronto, directrice du programme de fellowship et chef de section, dermatologie pédiatrique, The Hospital for Sick Children, Toronto (Ont.); R. Kent Stewart, coroner en chef de la Saskatchewan, Régina (Sask.); Robert I Stubbins M.D., professeur adjoint en clinique de médecine familiale, McMaster University, Penetanguishene (Ont.).

3 de 8Bulletin de l’ISMP Canada – Volume 16 • Numéro 1 • Le 18 février 2016

Introduction

L’hémangiome infantile (parfois appelé angiome tubéreux) est une tumeur vasculaire bénigne du tissu mou touchant de 4 % à 10 % des nourrissons1-4. La plupart des hémangiomes infantiles se résorbent de façon spontanée sans aucun traitement, mais d’autres peuvent justifier un traitement médical ou une chirurgie en raison de l’interférence avec les fonctions physiologiques, si elles risquent de défigurer l’enfant ou, dans de rares cas, si elles compromettent la vie4,5. Dans le cadre d’une collaboration permanente avec les services provinciaux d’investigation médico-légale, ISMP Canada a reçu un rapport évoquant la mort d’un nourrisson à qui on avait administré du propranolol pour traiter un hémangiome infantile (une indication non approuvée pour ce médicament). Bien que, dans ce cas, l’évaluation d’ISMP Canada sur l’utilisation du propranolol n’ait révélé aucune preuve d’un accident lié à la médication, plusieurs occasions d’apprentissage ont été identifiées et partagées.

Description de cas

Une petite fille en bonne santé de 4 mois atteinte d’un hémangiome de la lèvre supérieure fut dirigée en pédiatrie pour une consultation, car on croyait que l’hémangiome nuisait à l’alimentation de l’enfant (pour consulter la chronologie des évènements, voir figure 1). Après plusieurs évaluations et enquêtes, le

pédiatre a prescrit une dose orale de propranolol à 1 mg/kg/jour à diviser en 3 doses par jour. À la pharmacie communautaire, l’ordonnance fut préparée et remplie, puis le traitement commença à la clinique externe d’un établissement hospitalier où on évalua les effets de la première dose en surveillant la pression artérielle et la fréquence cardiaque. Cinq jours plus tard, les parents amenaient leur bébé au service des urgences parce que leur fille buvait beaucoup moins de liquide et qu’elle présentait des symptômes de léthargie. Lors de l’examen, l’urgentologue constata que le bébé tétait la bouteille vigoureusement, qu’il semblait bien hydraté et qu’il n’était pas léthargique. Elle reçut son congé du service des urgences.

Deux jours plus tard, étant donné que les parents s’inquiétaient des symptômes de léthargie de leur fille, le pédiatre réduisait la dose de propranolol de moitié à 0,5 mg/kg par jour divisée en 3 doses par jour. Cinq jours après que la dose ait été réduite, le bébé dormait presque toute la journée, se réveillant que pour boire. Le lendemain matin, elle fut nourrie, resta éveillée pendant quelque temps, puis fut placée dans son berceau, 2 heures plus tard. Tôt dans la soirée, le nourrisson fut retrouvé sans vie dans son berceau avec une couverture recouvrant son visage. L’autopsie n’a pu révéler la cause du décès et les niveaux de propranolol sérum se situaient bien en dessous du seuil de mortalité. La cause du décès demeure indéterminée.

Contexte

L’hémangiome infantile apparaît habituellement dans les premiers mois de vie et on traite généralement les nourrissons dont la respiration, l’alimentation, la vision et le cœur sont affectés4. Antérieurement, les corticostéroïdes systémiques étaient considérés comme le traitement de première intention, l’interféron alfa et la vincristine représentaient d’autres options pharmacologiques5. Toutefois, ces thérapies ne sont plus très utilisées en raison de leurs effets indésirables graves.

Par un heureux hasard, on a découvert que le propranolol, un bêta-bloquant non sélectif, s’avérait efficace pour le traitement de l’hémangiome infantile lorsque l’on observa son effet bénéfique chez plusieurs nourrissons qui recevaient ce médicament pour des problèmes cardiaques6. Bien que le mécanisme d’action précis reste flou, on croit que le propranolol agit sur les récepteurs bêta-adrénergiques de l’hémangiome entraînant la vasoconstriction (provoquant un changement de couleur et un palissement de la lésion?)5. Le propranolol peut aussi diminuer la libération de molécules de signalisation de croissance des vaisseaux sanguins et déclencher la mort cellulaire normale7.

Quelques publications décrivant son utilisation pour le traitement de l’hémangiome infantile indiquent qu’il est généralement bien toléré et qu’il entraîne des effets indésirables potentiels semblables à ceux

ressentis lorsqu’il est prescrit à d’autres fins. L’hypotension, la bradycardie et l’hypoglycémie sont les effets indésirables les plus préoccupants. L’hypotension et la bradycardie surviennent le plus souvent après la première dose avec un pic 2 heures après l’administration7. L’hypoglycémie, quant à elle, est imprévisible et ne semble pas reliée à la dose7,8. D’autres préoccupations ont été formulées sur les effets cognitifs et neurocomportementaux potentiels à long terme du propranolol chez les nourrissons.9,10.

Il existe très peu de documentation scientifique officielle sur le traitement de l’hémangiome infantile, à l’exception d’un rapport sur l’utilisation du propranolol provenant d’une conférence de consensus publié en 20138. En général, il est recommandé de surveiller la fréquence cardiaque et la pression artérielle pendant 2 heures après l’amorce du traitement ou suite à une augmentation de dose. La dose doit être augmentée graduellement sur une période de 1 à 2 semaines jusqu’à l’atteinte de la dose cible (1 à 3 mg/kg par jour administrés 2 ou 3 fois par jour)8,11. Une surveillance étroite de l’hypoglycémie est aussi recommandée dans le cas de l’administration concomitante d’un corticostéroïde12. Par contre, utilisé en monothérapie, le propranolol peut accroître le risque d’hypoglycémie chez les enfants et les nourrissons, plus particulièrement chez les enfants prématurés. Il commence à y avoir risque d’hypoglycémie après 8 heures de jeûne chez les enfants de 2 ans et moins prenant du propranolol7,8. À l’exception de la transpiration8, les caractéristiques cliniques de l’hypoglycémie sont amoindries par les bêta-bloquants. Afin de réduire le risque d’épisode d’hypoglycémie8,11, les parents devraient être informés qu’ils doivent surveiller la sudation chez leur enfant, du moment le plus approprié pour lui administrer le propranolol (pendant que l’on nourrit le bébé ou juste après) et des cas où le propranolol ne devrait pas être administré (par ex. : en présence de maladie concomitante et d’incapacité d’ingestion par voie orale).

Résultats et discussion

La cause n’a pu être déterminée dans le cas rapporté. Dans son analyse, ISMP Canada a tenu compte des problèmes suivants.

Indication thérapeutique

Pour l’hémangiome infantile, on considère habituellement un traitement pharmacologique pour le nourrisson si le trouble perturbe ses fonctions normales comme sa respiration, son alimentation, sa vision ou son audition ou que l’on craint une défiguration permanente8. Dans le cas présent, l’hémangiome nuisait à l’alimentation du bébé, le traitement pharmacologique pour l’hémangiome était donc conforme aux lignes directrices reconnues.

Surveillance du patient

Le début du traitement au propranolol a commencé en milieu clinique avec surveillance de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle du bébé. On ne sait toutefois pas si la glycémie a été surveillée ou encore si les parents étaient au courant des risques potentiels d’hypoglycémie chez leur bébé. On pourrait supposer que la grande somnolence du bébé avant sa mort aurait pu avoir un lien avec l’hypoglycémie, mais la fillette avait été nourrie normalement ce jour-là ainsi que le matin de son décès. On ne sait pas à quels moments le propranolol a été administré, mais l’étiquette d’ordonnance indiquait 3 fois par jour à des intervalles d’au moins 6 heures. La visite à l’urgence a permis de mesurer la glycémie et de poser un diagnostic d’hypoglycémie, le cas échéant. Malheureusement, le résultat des tests sanguins n’était pas disponible lors de l’examen et l’hypoglycémie n’a pu être confirmée à partir des échantillons de l’autopsie.

Préparation magistrale et instrument de mesure de dose

L’ordonnance nécessitait une préparation dans une pharmacie communautaire. On ne connaît pas le type de diluant qui a été utilisé (sirop simple ou liquide sans sucre), car les registres de préparation de la pharmacie n’étaient pas disponibles au moment de la révision du dossier. Bien que les pharmacies remettent généralement des seringues orales pour mesurer les doses de médicaments liquides pour enfants, on ne connaît pas l’instrument de mesure les que parents ont utilisé pour mesurer et administrer le médicament. Étant donné les résultats de l’analyse toxicologique postérieurs au décès, qui ont démontré

que les niveaux de propranolol étaient inférieurs aux doses mortelles, il est peu probable qu’il s’agisse d’une surdose due à une erreur de préparation ou de mesure de la dose.

Pratiques de sommeil sécuritaires

Une attention particulière a été portée sur l’information transmise aux parents sur les pratiques de sommeil sécuritaires et les stratégies à mettre en place pour prévenir le risque du syndrome de mort subite du nourrisson. L’Agence de la santé publique du Canada fournit de la documentation portant sur les facteurs de risque et les stratégies à employer pour assurer un sommeil sécuritaire aux enfants.13 Dans le cas présent, plusieurs facteurs de risque potentiels ont été répertoriés, mais il est impossible de déterminer s’ils ont contribué à la mort de l’enfant.

Autres facteurs à considérer en lien avec l’aspect pharmacologique du propranolol

Propranolol est un médicament lipophile pouvant traverser la barrière hémato-encéphalique; cette propriété peut entraîner des effets indésirables sur le système nerveux central (SNC) comme la somnolence et les troubles du sommeil14. Au Canada, certains grands hôpitaux pédiatriques utilisent le nadolol, un bêta-bloquant hydrophile, plutôt que propranolol afin de réduire les risques de problèmes au niveau du système nerveux central; le schéma posologique du nadolol est aussi beaucoup plus pratique15,16.

Recommandations

Médecins prescripteurs

• Conformez-vous aux lignes directrices rigoureuses de dépistage des patients et avant de prescrire du propranolol, évaluez attentivement les méfaits et bienfaits du médicament; si vous êtes incertain, demandez un deuxième avis médical avant le début du traitement.

• Informez les parents et les soignants des risques et avantages éventuels du traitement au propranolol. Les aviser que le médicament est prescrit en fonction d’un usage hors indication. Assurez-vous qu’ils comprennent bien ce que « hors indication » signifie. Inscrire toute l’information fournie dans

un formulaire de consentement signé.• Effectuez un dépistage chez les enfants prenant du

propranolol afin d’identifier ceux qui prennent aussi d’autres médicaments qui peuvent accroître le risque d’hypoglycémie comme les corticostéroïdes systémiques.

• Élaborez un plan de gestion précis faisant état des besoins en surveillance.

• Informez les parents et les soignants des signes et symptômes nécessitant des soins médicaux ainsi que des exigences en matière de surveillance (par ex. : hypotension ou hypoglycémie)8,11.

• Insistez sur les principes et stratégies de sommeil sécuritaires et encouragez-les à cesser de fumer.

Pharmaciens hospitaliers et communautaires

• Pour faciliter l’administration des préparations buvables, remettez aux parents des instruments de mesure conviviaux et demandez-leur de vous démontrer de quelle façon ils utiliseront ces instruments afin qu’ils sachent comment administrer le volume adéquat.

• En attendant que les préparations pédiatriques de propranolol et nadolol soient offertes au Canada, faites ces préparations en utilisant le sirop simple comme diluant, afin de minimiser le risque d’hypoglycémie. Au cours de l’année 2016, la préparation de propranolol disponible aux États-Unis (Hemangeol) devrait être approuvée pour l’utilisation au Canada (communication électronique : Pierre Fabre Pharmaceuticals Inc., 18 septembre 2015).

• Afin de prévenir les cas d’hypoglycémie, apprenez aux parents à administrer les bêta-bloquants lorsqu’ils nourrissent l’enfant.

• Informez les parents et les soignants des signes et symptômes importants exigeant que le traitement soit arrêté ou des soins médicaux soient donnés (par ex. : la transpiration est un symptôme de l’hypoglycémie).

• Avec les nouveaux parents, insistez sur les principes et les stratégies à adopter pour que leur enfant ait un sommeil sécuritaire. Les pharmaciens communautaires ont souvent l’occasion de discuter avec les patientes enceintes qui fument et de les inciter à cesser de fumer afin de créer un environnement de sommeil sécuritaire pour le bébé avant et après sa naissance.

Infirmières et infirmières enseignantes

• Suivez une formation professionnelle continue afin de reconnaître les signes et symptômes des problèmes associés à l’hypoglycémie (par ex. : transpiration, irritabilité), bradycardie (par ex. : fatigue) ou hypotension.

• Insistez auprès des parents qu’il est important de respecter les temps d’administration recommandés et les principes et stratégies à adopter pour que leur enfant ait un sommeil sécuritaire. Incitez-les à cesser de fumer, si tel est le cas.

Conclusion

Tout traitement médical comporte des risques. Avant de commencer un traitement aux bêta-bloquants, tous les facteurs pertinents à chacun des patients doivent être pris en considération afin de s’assurer que les avantages surpassent les risques d’effets nocifs. Dans le cas de l’hémangiome infantile, cet avertissement est encore plus important, car il s’agit d’une maladie qui se résorbe habituellement d’elle-même avec le temps. De plus, lorsque les médicaments sont utilisés pour une indication non approuvée, il est possible que les directives en ce qui a trait à la prescription et à la surveillance soient limitées ou difficilement accessibles ou soient fréquemment modifiées à la lumière de nouvelles données ou d’expériences antérieures. Nous avons partagé ce cas tragique afin de faire ressortir les considérations et occasions d’intervention en lien avec l’utilisation du propranolol pour le traitement de l’hémangiome infantile.

Remerciements

ISMP Canada tient à remercier les personnes suivantes pour avoir fourni leur expertise lors de l’examen de ce bulletin (en ordre alphabétique) :

Matthew Bowes M.D. médecin légiste en chef, Service de médecin légiste de la Nouvelle-Écosse, Halifax (N.-É.); Glenn Brown bac. Ès sciences, M.D., CCMF(EM), FCMF, maîtrise en santé publique, directeur de département, Département de médecine familiale, Queen’s University, Kingston; Susan E MacDonald M.D. M.Sc.S FCFP, Département de médecine familiale, Queens University, Kingston (Ont.); Elena Pope, M. Sc. FRPC, professeure en pédiatrie, Université de Toronto, directrice du programme de fellowship et chef de section, dermatologie pédiatrique, The Hospital for Sick Children, Toronto (Ont.); R. Kent Stewart, coroner en chef de la Saskatchewan, Régina (Sask.); Robert I Stubbins M.D., professeur adjoint en clinique de médecine familiale, McMaster University, Penetanguishene (Ont.).

4 de 8Bulletin de l’ISMP Canada – Volume 16 • Numéro 1 • Le 18 février 2016

Introduction

L’hémangiome infantile (parfois appelé angiome tubéreux) est une tumeur vasculaire bénigne du tissu mou touchant de 4 % à 10 % des nourrissons1-4. La plupart des hémangiomes infantiles se résorbent de façon spontanée sans aucun traitement, mais d’autres peuvent justifier un traitement médical ou une chirurgie en raison de l’interférence avec les fonctions physiologiques, si elles risquent de défigurer l’enfant ou, dans de rares cas, si elles compromettent la vie4,5. Dans le cadre d’une collaboration permanente avec les services provinciaux d’investigation médico-légale, ISMP Canada a reçu un rapport évoquant la mort d’un nourrisson à qui on avait administré du propranolol pour traiter un hémangiome infantile (une indication non approuvée pour ce médicament). Bien que, dans ce cas, l’évaluation d’ISMP Canada sur l’utilisation du propranolol n’ait révélé aucune preuve d’un accident lié à la médication, plusieurs occasions d’apprentissage ont été identifiées et partagées.

Description de cas

Une petite fille en bonne santé de 4 mois atteinte d’un hémangiome de la lèvre supérieure fut dirigée en pédiatrie pour une consultation, car on croyait que l’hémangiome nuisait à l’alimentation de l’enfant (pour consulter la chronologie des évènements, voir figure 1). Après plusieurs évaluations et enquêtes, le

pédiatre a prescrit une dose orale de propranolol à 1 mg/kg/jour à diviser en 3 doses par jour. À la pharmacie communautaire, l’ordonnance fut préparée et remplie, puis le traitement commença à la clinique externe d’un établissement hospitalier où on évalua les effets de la première dose en surveillant la pression artérielle et la fréquence cardiaque. Cinq jours plus tard, les parents amenaient leur bébé au service des urgences parce que leur fille buvait beaucoup moins de liquide et qu’elle présentait des symptômes de léthargie. Lors de l’examen, l’urgentologue constata que le bébé tétait la bouteille vigoureusement, qu’il semblait bien hydraté et qu’il n’était pas léthargique. Elle reçut son congé du service des urgences.

Deux jours plus tard, étant donné que les parents s’inquiétaient des symptômes de léthargie de leur fille, le pédiatre réduisait la dose de propranolol de moitié à 0,5 mg/kg par jour divisée en 3 doses par jour. Cinq jours après que la dose ait été réduite, le bébé dormait presque toute la journée, se réveillant que pour boire. Le lendemain matin, elle fut nourrie, resta éveillée pendant quelque temps, puis fut placée dans son berceau, 2 heures plus tard. Tôt dans la soirée, le nourrisson fut retrouvé sans vie dans son berceau avec une couverture recouvrant son visage. L’autopsie n’a pu révéler la cause du décès et les niveaux de propranolol sérum se situaient bien en dessous du seuil de mortalité. La cause du décès demeure indéterminée.

Contexte

L’hémangiome infantile apparaît habituellement dans les premiers mois de vie et on traite généralement les nourrissons dont la respiration, l’alimentation, la vision et le cœur sont affectés4. Antérieurement, les corticostéroïdes systémiques étaient considérés comme le traitement de première intention, l’interféron alfa et la vincristine représentaient d’autres options pharmacologiques5. Toutefois, ces thérapies ne sont plus très utilisées en raison de leurs effets indésirables graves.

Par un heureux hasard, on a découvert que le propranolol, un bêta-bloquant non sélectif, s’avérait efficace pour le traitement de l’hémangiome infantile lorsque l’on observa son effet bénéfique chez plusieurs nourrissons qui recevaient ce médicament pour des problèmes cardiaques6. Bien que le mécanisme d’action précis reste flou, on croit que le propranolol agit sur les récepteurs bêta-adrénergiques de l’hémangiome entraînant la vasoconstriction (provoquant un changement de couleur et un palissement de la lésion?)5. Le propranolol peut aussi diminuer la libération de molécules de signalisation de croissance des vaisseaux sanguins et déclencher la mort cellulaire normale7.

Quelques publications décrivant son utilisation pour le traitement de l’hémangiome infantile indiquent qu’il est généralement bien toléré et qu’il entraîne des effets indésirables potentiels semblables à ceux

ressentis lorsqu’il est prescrit à d’autres fins. L’hypotension, la bradycardie et l’hypoglycémie sont les effets indésirables les plus préoccupants. L’hypotension et la bradycardie surviennent le plus souvent après la première dose avec un pic 2 heures après l’administration7. L’hypoglycémie, quant à elle, est imprévisible et ne semble pas reliée à la dose7,8. D’autres préoccupations ont été formulées sur les effets cognitifs et neurocomportementaux potentiels à long terme du propranolol chez les nourrissons.9,10.

Il existe très peu de documentation scientifique officielle sur le traitement de l’hémangiome infantile, à l’exception d’un rapport sur l’utilisation du propranolol provenant d’une conférence de consensus publié en 20138. En général, il est recommandé de surveiller la fréquence cardiaque et la pression artérielle pendant 2 heures après l’amorce du traitement ou suite à une augmentation de dose. La dose doit être augmentée graduellement sur une période de 1 à 2 semaines jusqu’à l’atteinte de la dose cible (1 à 3 mg/kg par jour administrés 2 ou 3 fois par jour)8,11. Une surveillance étroite de l’hypoglycémie est aussi recommandée dans le cas de l’administration concomitante d’un corticostéroïde12. Par contre, utilisé en monothérapie, le propranolol peut accroître le risque d’hypoglycémie chez les enfants et les nourrissons, plus particulièrement chez les enfants prématurés. Il commence à y avoir risque d’hypoglycémie après 8 heures de jeûne chez les enfants de 2 ans et moins prenant du propranolol7,8. À l’exception de la transpiration8, les caractéristiques cliniques de l’hypoglycémie sont amoindries par les bêta-bloquants. Afin de réduire le risque d’épisode d’hypoglycémie8,11, les parents devraient être informés qu’ils doivent surveiller la sudation chez leur enfant, du moment le plus approprié pour lui administrer le propranolol (pendant que l’on nourrit le bébé ou juste après) et des cas où le propranolol ne devrait pas être administré (par ex. : en présence de maladie concomitante et d’incapacité d’ingestion par voie orale).

Résultats et discussion

La cause n’a pu être déterminée dans le cas rapporté. Dans son analyse, ISMP Canada a tenu compte des problèmes suivants.

Indication thérapeutique

Pour l’hémangiome infantile, on considère habituellement un traitement pharmacologique pour le nourrisson si le trouble perturbe ses fonctions normales comme sa respiration, son alimentation, sa vision ou son audition ou que l’on craint une défiguration permanente8. Dans le cas présent, l’hémangiome nuisait à l’alimentation du bébé, le traitement pharmacologique pour l’hémangiome était donc conforme aux lignes directrices reconnues.

Surveillance du patient

Le début du traitement au propranolol a commencé en milieu clinique avec surveillance de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle du bébé. On ne sait toutefois pas si la glycémie a été surveillée ou encore si les parents étaient au courant des risques potentiels d’hypoglycémie chez leur bébé. On pourrait supposer que la grande somnolence du bébé avant sa mort aurait pu avoir un lien avec l’hypoglycémie, mais la fillette avait été nourrie normalement ce jour-là ainsi que le matin de son décès. On ne sait pas à quels moments le propranolol a été administré, mais l’étiquette d’ordonnance indiquait 3 fois par jour à des intervalles d’au moins 6 heures. La visite à l’urgence a permis de mesurer la glycémie et de poser un diagnostic d’hypoglycémie, le cas échéant. Malheureusement, le résultat des tests sanguins n’était pas disponible lors de l’examen et l’hypoglycémie n’a pu être confirmée à partir des échantillons de l’autopsie.

Préparation magistrale et instrument de mesure de dose

L’ordonnance nécessitait une préparation dans une pharmacie communautaire. On ne connaît pas le type de diluant qui a été utilisé (sirop simple ou liquide sans sucre), car les registres de préparation de la pharmacie n’étaient pas disponibles au moment de la révision du dossier. Bien que les pharmacies remettent généralement des seringues orales pour mesurer les doses de médicaments liquides pour enfants, on ne connaît pas l’instrument de mesure les que parents ont utilisé pour mesurer et administrer le médicament. Étant donné les résultats de l’analyse toxicologique postérieurs au décès, qui ont démontré

que les niveaux de propranolol étaient inférieurs aux doses mortelles, il est peu probable qu’il s’agisse d’une surdose due à une erreur de préparation ou de mesure de la dose.

Pratiques de sommeil sécuritaires

Une attention particulière a été portée sur l’information transmise aux parents sur les pratiques de sommeil sécuritaires et les stratégies à mettre en place pour prévenir le risque du syndrome de mort subite du nourrisson. L’Agence de la santé publique du Canada fournit de la documentation portant sur les facteurs de risque et les stratégies à employer pour assurer un sommeil sécuritaire aux enfants.13 Dans le cas présent, plusieurs facteurs de risque potentiels ont été répertoriés, mais il est impossible de déterminer s’ils ont contribué à la mort de l’enfant.

Autres facteurs à considérer en lien avec l’aspect pharmacologique du propranolol

Propranolol est un médicament lipophile pouvant traverser la barrière hémato-encéphalique; cette propriété peut entraîner des effets indésirables sur le système nerveux central (SNC) comme la somnolence et les troubles du sommeil14. Au Canada, certains grands hôpitaux pédiatriques utilisent le nadolol, un bêta-bloquant hydrophile, plutôt que propranolol afin de réduire les risques de problèmes au niveau du système nerveux central; le schéma posologique du nadolol est aussi beaucoup plus pratique15,16.

Recommandations

Médecins prescripteurs

• Conformez-vous aux lignes directrices rigoureuses de dépistage des patients et avant de prescrire du propranolol, évaluez attentivement les méfaits et bienfaits du médicament; si vous êtes incertain, demandez un deuxième avis médical avant le début du traitement.

• Informez les parents et les soignants des risques et avantages éventuels du traitement au propranolol. Les aviser que le médicament est prescrit en fonction d’un usage hors indication. Assurez-vous qu’ils comprennent bien ce que « hors indication » signifie. Inscrire toute l’information fournie dans

un formulaire de consentement signé.• Effectuez un dépistage chez les enfants prenant du

propranolol afin d’identifier ceux qui prennent aussi d’autres médicaments qui peuvent accroître le risque d’hypoglycémie comme les corticostéroïdes systémiques.

• Élaborez un plan de gestion précis faisant état des besoins en surveillance.

• Informez les parents et les soignants des signes et symptômes nécessitant des soins médicaux ainsi que des exigences en matière de surveillance (par ex. : hypotension ou hypoglycémie)8,11.

• Insistez sur les principes et stratégies de sommeil sécuritaires et encouragez-les à cesser de fumer.

Pharmaciens hospitaliers et communautaires

• Pour faciliter l’administration des préparations buvables, remettez aux parents des instruments de mesure conviviaux et demandez-leur de vous démontrer de quelle façon ils utiliseront ces instruments afin qu’ils sachent comment administrer le volume adéquat.

• En attendant que les préparations pédiatriques de propranolol et nadolol soient offertes au Canada, faites ces préparations en utilisant le sirop simple comme diluant, afin de minimiser le risque d’hypoglycémie. Au cours de l’année 2016, la préparation de propranolol disponible aux États-Unis (Hemangeol) devrait être approuvée pour l’utilisation au Canada (communication électronique : Pierre Fabre Pharmaceuticals Inc., 18 septembre 2015).

• Afin de prévenir les cas d’hypoglycémie, apprenez aux parents à administrer les bêta-bloquants lorsqu’ils nourrissent l’enfant.

• Informez les parents et les soignants des signes et symptômes importants exigeant que le traitement soit arrêté ou des soins médicaux soient donnés (par ex. : la transpiration est un symptôme de l’hypoglycémie).

• Avec les nouveaux parents, insistez sur les principes et les stratégies à adopter pour que leur enfant ait un sommeil sécuritaire. Les pharmaciens communautaires ont souvent l’occasion de discuter avec les patientes enceintes qui fument et de les inciter à cesser de fumer afin de créer un environnement de sommeil sécuritaire pour le bébé avant et après sa naissance.

Infirmières et infirmières enseignantes

• Suivez une formation professionnelle continue afin de reconnaître les signes et symptômes des problèmes associés à l’hypoglycémie (par ex. : transpiration, irritabilité), bradycardie (par ex. : fatigue) ou hypotension.

• Insistez auprès des parents qu’il est important de respecter les temps d’administration recommandés et les principes et stratégies à adopter pour que leur enfant ait un sommeil sécuritaire. Incitez-les à cesser de fumer, si tel est le cas.

Conclusion

Tout traitement médical comporte des risques. Avant de commencer un traitement aux bêta-bloquants, tous les facteurs pertinents à chacun des patients doivent être pris en considération afin de s’assurer que les avantages surpassent les risques d’effets nocifs. Dans le cas de l’hémangiome infantile, cet avertissement est encore plus important, car il s’agit d’une maladie qui se résorbe habituellement d’elle-même avec le temps. De plus, lorsque les médicaments sont utilisés pour une indication non approuvée, il est possible que les directives en ce qui a trait à la prescription et à la surveillance soient limitées ou difficilement accessibles ou soient fréquemment modifiées à la lumière de nouvelles données ou d’expériences antérieures. Nous avons partagé ce cas tragique afin de faire ressortir les considérations et occasions d’intervention en lien avec l’utilisation du propranolol pour le traitement de l’hémangiome infantile.

Remerciements

ISMP Canada tient à remercier les personnes suivantes pour avoir fourni leur expertise lors de l’examen de ce bulletin (en ordre alphabétique) :

Matthew Bowes M.D. médecin légiste en chef, Service de médecin légiste de la Nouvelle-Écosse, Halifax (N.-É.); Glenn Brown bac. Ès sciences, M.D., CCMF(EM), FCMF, maîtrise en santé publique, directeur de département, Département de médecine familiale, Queen’s University, Kingston; Susan E MacDonald M.D. M.Sc.S FCFP, Département de médecine familiale, Queens University, Kingston (Ont.); Elena Pope, M. Sc. FRPC, professeure en pédiatrie, Université de Toronto, directrice du programme de fellowship et chef de section, dermatologie pédiatrique, The Hospital for Sick Children, Toronto (Ont.); R. Kent Stewart, coroner en chef de la Saskatchewan, Régina (Sask.); Robert I Stubbins M.D., professeur adjoint en clinique de médecine familiale, McMaster University, Penetanguishene (Ont.).

Introduction

L’hémangiome infantile (parfois appelé angiome tubéreux) est une tumeur vasculaire bénigne du tissu mou touchant de 4 % à 10 % des nourrissons1-4. La plupart des hémangiomes infantiles se résorbent de façon spontanée sans aucun traitement, mais d’autres peuvent justifier un traitement médical ou une chirurgie en raison de l’interférence avec les fonctions physiologiques, si elles risquent de défigurer l’enfant ou, dans de rares cas, si elles compromettent la vie4,5. Dans le cadre d’une collaboration permanente avec les services provinciaux d’investigation médico-légale, ISMP Canada a reçu un rapport évoquant la mort d’un nourrisson à qui on avait administré du propranolol pour traiter un hémangiome infantile (une indication non approuvée pour ce médicament). Bien que, dans ce cas, l’évaluation d’ISMP Canada sur l’utilisation du propranolol n’ait révélé aucune preuve d’un accident lié à la médication, plusieurs occasions d’apprentissage ont été identifiées et partagées.

Description de cas

Une petite fille en bonne santé de 4 mois atteinte d’un hémangiome de la lèvre supérieure fut dirigée en pédiatrie pour une consultation, car on croyait que l’hémangiome nuisait à l’alimentation de l’enfant (pour consulter la chronologie des évènements, voir figure 1). Après plusieurs évaluations et enquêtes, le

pédiatre a prescrit une dose orale de propranolol à 1 mg/kg/jour à diviser en 3 doses par jour. À la pharmacie communautaire, l’ordonnance fut préparée et remplie, puis le traitement commença à la clinique externe d’un établissement hospitalier où on évalua les effets de la première dose en surveillant la pression artérielle et la fréquence cardiaque. Cinq jours plus tard, les parents amenaient leur bébé au service des urgences parce que leur fille buvait beaucoup moins de liquide et qu’elle présentait des symptômes de léthargie. Lors de l’examen, l’urgentologue constata que le bébé tétait la bouteille vigoureusement, qu’il semblait bien hydraté et qu’il n’était pas léthargique. Elle reçut son congé du service des urgences.

Deux jours plus tard, étant donné que les parents s’inquiétaient des symptômes de léthargie de leur fille, le pédiatre réduisait la dose de propranolol de moitié à 0,5 mg/kg par jour divisée en 3 doses par jour. Cinq jours après que la dose ait été réduite, le bébé dormait presque toute la journée, se réveillant que pour boire. Le lendemain matin, elle fut nourrie, resta éveillée pendant quelque temps, puis fut placée dans son berceau, 2 heures plus tard. Tôt dans la soirée, le nourrisson fut retrouvé sans vie dans son berceau avec une couverture recouvrant son visage. L’autopsie n’a pu révéler la cause du décès et les niveaux de propranolol sérum se situaient bien en dessous du seuil de mortalité. La cause du décès demeure indéterminée.

Contexte

L’hémangiome infantile apparaît habituellement dans les premiers mois de vie et on traite généralement les nourrissons dont la respiration, l’alimentation, la vision et le cœur sont affectés4. Antérieurement, les corticostéroïdes systémiques étaient considérés comme le traitement de première intention, l’interféron alfa et la vincristine représentaient d’autres options pharmacologiques5. Toutefois, ces thérapies ne sont plus très utilisées en raison de leurs effets indésirables graves.

Par un heureux hasard, on a découvert que le propranolol, un bêta-bloquant non sélectif, s’avérait efficace pour le traitement de l’hémangiome infantile lorsque l’on observa son effet bénéfique chez plusieurs nourrissons qui recevaient ce médicament pour des problèmes cardiaques6. Bien que le mécanisme d’action précis reste flou, on croit que le propranolol agit sur les récepteurs bêta-adrénergiques de l’hémangiome entraînant la vasoconstriction (provoquant un changement de couleur et un palissement de la lésion?)5. Le propranolol peut aussi diminuer la libération de molécules de signalisation de croissance des vaisseaux sanguins et déclencher la mort cellulaire normale7.

Quelques publications décrivant son utilisation pour le traitement de l’hémangiome infantile indiquent qu’il est généralement bien toléré et qu’il entraîne des effets indésirables potentiels semblables à ceux

ressentis lorsqu’il est prescrit à d’autres fins. L’hypotension, la bradycardie et l’hypoglycémie sont les effets indésirables les plus préoccupants. L’hypotension et la bradycardie surviennent le plus souvent après la première dose avec un pic 2 heures après l’administration7. L’hypoglycémie, quant à elle, est imprévisible et ne semble pas reliée à la dose7,8. D’autres préoccupations ont été formulées sur les effets cognitifs et neurocomportementaux potentiels à long terme du propranolol chez les nourrissons.9,10.

Il existe très peu de documentation scientifique officielle sur le traitement de l’hémangiome infantile, à l’exception d’un rapport sur l’utilisation du propranolol provenant d’une conférence de consensus publié en 20138. En général, il est recommandé de surveiller la fréquence cardiaque et la pression artérielle pendant 2 heures après l’amorce du traitement ou suite à une augmentation de dose. La dose doit être augmentée graduellement sur une période de 1 à 2 semaines jusqu’à l’atteinte de la dose cible (1 à 3 mg/kg par jour administrés 2 ou 3 fois par jour)8,11. Une surveillance étroite de l’hypoglycémie est aussi recommandée dans le cas de l’administration concomitante d’un corticostéroïde12. Par contre, utilisé en monothérapie, le propranolol peut accroître le risque d’hypoglycémie chez les enfants et les nourrissons, plus particulièrement chez les enfants prématurés. Il commence à y avoir risque d’hypoglycémie après 8 heures de jeûne chez les enfants de 2 ans et moins prenant du propranolol7,8. À l’exception de la transpiration8, les caractéristiques cliniques de l’hypoglycémie sont amoindries par les bêta-bloquants. Afin de réduire le risque d’épisode d’hypoglycémie8,11, les parents devraient être informés qu’ils doivent surveiller la sudation chez leur enfant, du moment le plus approprié pour lui administrer le propranolol (pendant que l’on nourrit le bébé ou juste après) et des cas où le propranolol ne devrait pas être administré (par ex. : en présence de maladie concomitante et d’incapacité d’ingestion par voie orale).

Résultats et discussion

La cause n’a pu être déterminée dans le cas rapporté. Dans son analyse, ISMP Canada a tenu compte des problèmes suivants.

Indication thérapeutique

Pour l’hémangiome infantile, on considère habituellement un traitement pharmacologique pour le nourrisson si le trouble perturbe ses fonctions normales comme sa respiration, son alimentation, sa vision ou son audition ou que l’on craint une défiguration permanente8. Dans le cas présent, l’hémangiome nuisait à l’alimentation du bébé, le traitement pharmacologique pour l’hémangiome était donc conforme aux lignes directrices reconnues.

Surveillance du patient

Le début du traitement au propranolol a commencé en milieu clinique avec surveillance de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle du bébé. On ne sait toutefois pas si la glycémie a été surveillée ou encore si les parents étaient au courant des risques potentiels d’hypoglycémie chez leur bébé. On pourrait supposer que la grande somnolence du bébé avant sa mort aurait pu avoir un lien avec l’hypoglycémie, mais la fillette avait été nourrie normalement ce jour-là ainsi que le matin de son décès. On ne sait pas à quels moments le propranolol a été administré, mais l’étiquette d’ordonnance indiquait 3 fois par jour à des intervalles d’au moins 6 heures. La visite à l’urgence a permis de mesurer la glycémie et de poser un diagnostic d’hypoglycémie, le cas échéant. Malheureusement, le résultat des tests sanguins n’était pas disponible lors de l’examen et l’hypoglycémie n’a pu être confirmée à partir des échantillons de l’autopsie.

Préparation magistrale et instrument de mesure de dose

L’ordonnance nécessitait une préparation dans une pharmacie communautaire. On ne connaît pas le type de diluant qui a été utilisé (sirop simple ou liquide sans sucre), car les registres de préparation de la pharmacie n’étaient pas disponibles au moment de la révision du dossier. Bien que les pharmacies remettent généralement des seringues orales pour mesurer les doses de médicaments liquides pour enfants, on ne connaît pas l’instrument de mesure les que parents ont utilisé pour mesurer et administrer le médicament. Étant donné les résultats de l’analyse toxicologique postérieurs au décès, qui ont démontré

que les niveaux de propranolol étaient inférieurs aux doses mortelles, il est peu probable qu’il s’agisse d’une surdose due à une erreur de préparation ou de mesure de la dose.

Pratiques de sommeil sécuritaires

Une attention particulière a été portée sur l’information transmise aux parents sur les pratiques de sommeil sécuritaires et les stratégies à mettre en place pour prévenir le risque du syndrome de mort subite du nourrisson. L’Agence de la santé publique du Canada fournit de la documentation portant sur les facteurs de risque et les stratégies à employer pour assurer un sommeil sécuritaire aux enfants.13 Dans le cas présent, plusieurs facteurs de risque potentiels ont été répertoriés, mais il est impossible de déterminer s’ils ont contribué à la mort de l’enfant.

Autres facteurs à considérer en lien avec l’aspect pharmacologique du propranolol

Propranolol est un médicament lipophile pouvant traverser la barrière hémato-encéphalique; cette propriété peut entraîner des effets indésirables sur le système nerveux central (SNC) comme la somnolence et les troubles du sommeil14. Au Canada, certains grands hôpitaux pédiatriques utilisent le nadolol, un bêta-bloquant hydrophile, plutôt que propranolol afin de réduire les risques de problèmes au niveau du système nerveux central; le schéma posologique du nadolol est aussi beaucoup plus pratique15,16.

Recommandations

Médecins prescripteurs

• Conformez-vous aux lignes directrices rigoureuses de dépistage des patients et avant de prescrire du propranolol, évaluez attentivement les méfaits et bienfaits du médicament; si vous êtes incertain, demandez un deuxième avis médical avant le début du traitement.

• Informez les parents et les soignants des risques et avantages éventuels du traitement au propranolol. Les aviser que le médicament est prescrit en fonction d’un usage hors indication. Assurez-vous qu’ils comprennent bien ce que « hors indication » signifie. Inscrire toute l’information fournie dans

un formulaire de consentement signé.• Effectuez un dépistage chez les enfants prenant du

propranolol afin d’identifier ceux qui prennent aussi d’autres médicaments qui peuvent accroître le risque d’hypoglycémie comme les corticostéroïdes systémiques.

• Élaborez un plan de gestion précis faisant état des besoins en surveillance.

• Informez les parents et les soignants des signes et symptômes nécessitant des soins médicaux ainsi que des exigences en matière de surveillance (par ex. : hypotension ou hypoglycémie)8,11.

• Insistez sur les principes et stratégies de sommeil sécuritaires et encouragez-les à cesser de fumer.

Pharmaciens hospitaliers et communautaires

• Pour faciliter l’administration des préparations buvables, remettez aux parents des instruments de mesure conviviaux et demandez-leur de vous démontrer de quelle façon ils utiliseront ces instruments afin qu’ils sachent comment administrer le volume adéquat.

• En attendant que les préparations pédiatriques de propranolol et nadolol soient offertes au Canada, faites ces préparations en utilisant le sirop simple comme diluant, afin de minimiser le risque d’hypoglycémie. Au cours de l’année 2016, la préparation de propranolol disponible aux États-Unis (Hemangeol) devrait être approuvée pour l’utilisation au Canada (communication électronique : Pierre Fabre Pharmaceuticals Inc., 18 septembre 2015).

• Afin de prévenir les cas d’hypoglycémie, apprenez aux parents à administrer les bêta-bloquants lorsqu’ils nourrissent l’enfant.

• Informez les parents et les soignants des signes et symptômes importants exigeant que le traitement soit arrêté ou des soins médicaux soient donnés (par ex. : la transpiration est un symptôme de l’hypoglycémie).

• Avec les nouveaux parents, insistez sur les principes et les stratégies à adopter pour que leur enfant ait un sommeil sécuritaire. Les pharmaciens communautaires ont souvent l’occasion de discuter avec les patientes enceintes qui fument et de les inciter à cesser de fumer afin de créer un environnement de sommeil sécuritaire pour le bébé avant et après sa naissance.

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Infirmières et infirmières enseignantes

• Suivez une formation professionnelle continue afin de reconnaître les signes et symptômes des problèmes associés à l’hypoglycémie (par ex. : transpiration, irritabilité), bradycardie (par ex. : fatigue) ou hypotension.

• Insistez auprès des parents qu’il est important de respecter les temps d’administration recommandés et les principes et stratégies à adopter pour que leur enfant ait un sommeil sécuritaire. Incitez-les à cesser de fumer, si tel est le cas.

Conclusion

Tout traitement médical comporte des risques. Avant de commencer un traitement aux bêta-bloquants, tous les facteurs pertinents à chacun des patients doivent être pris en considération afin de s’assurer que les avantages surpassent les risques d’effets nocifs. Dans le cas de l’hémangiome infantile, cet avertissement est encore plus important, car il s’agit d’une maladie qui se résorbe habituellement d’elle-même avec le temps. De plus, lorsque les médicaments sont utilisés pour une indication non approuvée, il est possible que les directives en ce qui a trait à la prescription et à la surveillance soient limitées ou difficilement accessibles ou soient fréquemment modifiées à la lumière de nouvelles données ou d’expériences antérieures. Nous avons partagé ce cas tragique afin de faire ressortir les considérations et occasions d’intervention en lien avec l’utilisation du propranolol pour le traitement de l’hémangiome infantile.

Remerciements

ISMP Canada tient à remercier les personnes suivantes pour avoir fourni leur expertise lors de l’examen de ce bulletin (en ordre alphabétique) :

Matthew Bowes M.D. médecin légiste en chef, Service de médecin légiste de la Nouvelle-Écosse, Halifax (N.-É.); Glenn Brown bac. Ès sciences, M.D., CCMF(EM), FCMF, maîtrise en santé publique, directeur de département, Département de médecine familiale, Queen’s University, Kingston; Susan E MacDonald M.D. M.Sc.S FCFP, Département de médecine familiale, Queens University, Kingston (Ont.); Elena Pope, M. Sc. FRPC, professeure en pédiatrie, Université de Toronto, directrice du programme de fellowship et chef de section, dermatologie pédiatrique, The Hospital for Sick Children, Toronto (Ont.); R. Kent Stewart, coroner en chef de la Saskatchewan, Régina (Sask.); Robert I Stubbins M.D., professeur adjoint en clinique de médecine familiale, McMaster University, Penetanguishene (Ont.).

Le risque d’erreur relié à la médication est élevé à cause de la fragmentation des soins (ou de la mauvaise communication entre soignants) pendant les transitions de soins. ISMP Canada, en collaboration avec l’Institut canadien pour la sécurité des patients, des membres de Patient Safety Canada, la Société canadienne des pharmaciens d’hôpitaux et l’Association pharmaceutique canadienne ont travaillé à élaborer une série de cinq questions visant à aider les patients et les soignants à discuter des médicaments, a�n d’améliorer les communications avec le personnel soignant.

Pour de plus amples renseignements, consultez le : www.ismp-canada.org/fr/BCM/5questions.htm

5 questions à poser à propos de vos médicaments

Références

1. Hoornweg MJ, Smeulders MJ, Ubbink DT, van der Horst CM. The prevalence and risk factors of infantile haemangiomas: a case-control study in the Dutch population. Paediatr Perinat Epidemiol. 2012;26(2):156-162.

2. Kanada KN, Merin MR, Munden A, Friedlander SF. A prospective study of cutaneous findings in newborns in the United States: correlation with race, ethnicity, and gestational status using updated classification and nomenclature. J Pediatr. 2012;161(2):240-245.

3. Kilcline C, Frieden IJ. Infantile hemangiomas: how common are they? A systematic review of the medical literature. Pediatr Dermatol. 2008;25(2):168-173.

4. Keller RG, Patel KG. Evidence-based medicine in the treatment of infantile hemangiomas. Facial Plast Surg Clin North Am. 2015;23(3):373-392.

5. Shayan YR, Prendiville J, Goldman RD. Use of propranolol in treating hemangiomas. Can Fam Physician. 2011;57(3):302-303.6. Léauté-Labrèze C, Dumas de la Roque E, Hubiche T, Boralevi F, Thambo JB, Taïeb A. Propranolol for severe hemangiomas of

infancy. N Engl J Med. 2008;358(24):2649-2651.7. Horev A, Haim A, Zvulunov A. Propranolol induced hypoglycemia. Pediatr Endocrinol Rev. 2015;12(3):308-310.8. Drolet BA, Frommelt PC, Chamlin SL, Haggstrom A, Bauman NM, Chiu YE, et al. Initiation and use of propranolol for infantile

hemangioma: report of a consensus conference. Pediatrics. 2013;131(1):128-140.9. Langley A, Pope E. Propranolol and central nervous system function: potential implications for paediatric patients with infantile

haemangiomas. Br J Dermatol. 2015;172(1):13-23.10. Bryan BA. Reconsidering the use of propranolol in the treatment of cosmetic infantile hemangiomas. Angiology. 2013[cited 2015

Jan 4];1:e101. Disponible au : http://www.esciencecentral.org/journals/Reconsidering-the-Use-of-Propranolol-in-the-Treatment-of-Cosmetic-2329-9495-1-e101.php?aid=17316

11. HEMANGEOL [information posologique]. Parsippany (NJ):Pierre Fabre Pharmaceuticals Inc.; mars 2014 [cité le 21 sept. 2015]. Disponible au : http://www.accessdata.fda.gov/drugsatfda_docs/label/2014/205410s000lbl.pdf

12. HEMANGEOL [profil d’innocuité]. Parsippany (NJ): Parsippany (NJ):Pierre Fabre Pharmaceuticals, Inc.; mars 2014 [cité le 3 janvier 2016]. Disponible au : http://www.hemangeol.com/hcp/safety-pierre-fabre/

13. Sommeil sécuritaire pour votre bébé. Ottawa (Ont.) : Agence de la santé publique du Canada; 2010 [révisé en 2014; cité le 18 sept. 2015]. Disponible au : http://www.phac-aspc.gc.ca/hp-ps/dca-dea/stages-etapes/childhood-enfance_0-2/sids/pdf/sleep-sommeil-fra.pdf

14. McAinsh J, Cruickshank JM. Beta-blockers and central nervous system side effects. Pharmacol Ther. 1990;46(2):163-197.15. Pope E, Chakkittakandiyil A, Lara-Corrales I, Maki E, Weinstein M. Expanding the therapeutic repertoire of infantile

haemangiomas: cohort-blinded study of oral nadolol compared with propranolol. Br J Dermatol. 2013;168(1):222-224.16. Randhawa HK, Sibbald C, Garcia Romero MT, Pope E. Oral nadolol for the treatment of infantile hemangiomas: a

single-institution retrospective cohort study. Pediatr Dermatol. 2015;32(5):690-695.

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Cette portion du bulletin décrit une publication récente de medicamentssecuritaires.ca dans le cadre du programme pour consommateurs d’ISMP Canada.

Médicamentssécuritaires.ca, qui est le site Web d’ISMP Canada consacré aux consommateurs, publie une série de documents en trois parties expliquant les mauvaises perceptions que peuvent avoir les consommateurs sur les médicaments. Cette série de documents est basée sur la plus récente analyse d’erreurs de médicaments d’ISMP sur les décès associés à des accidents liés à la médication survenus en dehors des centres hospitaliers réglementés (http://www.ismp-canada.org/fr/dossiers/bulletins/2014/BISMPC2014-02_DecesAssociesAccidentsMedication.pdf).

Le premier article de la série porte sur le comportement d’un parent qui observe un jeune enfant boire du jus d’orange d’une bouteille qu’un autre membre de la famille avait laissé à sa portée par inadvertance. Le parent n’était pas au courant que le jus contenait de la méthadone. Le lendemain matin, l’enfant ne se réveilla pas et son décès fut constaté à l’hôpital. Cet incident illustre bien l’importance d’entreposer tous les médicaments de façon adéquate - et nous fait comprendre que même un oubli peut entraîner un dénouement tragique.

Veuillez consulter le bulletin complet suivant pour de plus amples renseignements sur l’entreposage sécuritaire des médicaments : www.medicamentssecuritaires.ca/bulletins/dossiers/201601BulletinV7N1Fausses1endroit.pdf

Janvier 2016 – Bulletin :

Mauvaises perceptions sur les médicaments pouvant s’avérer mortelles : Partie 1 – Entreposage sécuritaire

Conseils à donner aux consommateurs :• Ne laissez jamais un enfant seul en présence de médicaments.

Lorsque vous êtes en train de prendre ou de donner un médicament et que vous êtes interrompu, rangez le médicament dans un endroit sécuritaire avant de faire quoi que ce soit ou apportez le médicament avec vous.

• Entreposez tous les médicaments dans un endroit sécuritaire (par ex. : armoire avec serrure de sûreté ou un co�ret verrouillé) hors de la portée des enfants ou des adultes pouvant éprouver une certaine confusion. Cette précaution s’avère plus particulièrement importante dans le cas d’opioïdes comme la méthadone. Même en petites quantités, les opioïdes peuvent entraîner la mort d’un enfant ou d’une personne n’ayant jamais pris ce genre de médicament.

• Apprenez aux enfants à toujours demander à un adulte avant de manger ou boire quoi que ce soit.

Conseils pour les prestataires de soins de santé :• Expliquez aux parents et aux

soignants comment entreposer les médicaments de façon adéquate et sécuritaire.

• Insistez sur l’importance d’entreposer les médicaments dans un endroit sécuritaire, hors de la portée des enfants et des adultes pouvant éprouver une certaine confusion.

• Discutez avec les patients de l’entreposage de leurs médicaments et comment faire pour s’en débarrasser.

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Le Système canadien de déclaration et de prévention des incidents médicamenteux (SCDPIM) est un regroupement pancanadien de Santé Canada, en partenariat avec l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), l'Institut pour la sécurité des médicaments aux patients du Canada (ISMP Canada) et l’Institut canadien pour la sécurité des patients (ICSP). Le SCDPIM a pour but de réduire et de prévenir les incidents médicamenteux indésirables au Canada.

Le CHUM, le Centre hospitalier de l'Université de Montréal, est le principal collaborateur francophone de l’ISMP Canada aux fins de traduction de la documentation et de la dispensation des formations concernées. Il offre prioritairement des soins et des services surspécialisés à une clientèle adulte régionale et suprarégionale.

Le CHUM est innovateur et exemplaire, il est doté d'un centre de recherche qui le distingue, il se démarque comme pôle unique de développement, de mise en pratique et de transfert des connaissances à travers ses activités intégrées de soins, de recherche, d'enseignement, d'évaluation des technologies et modes d'intervention en santé, et de promotion de la santé.

L'Institut pour la sécurité des médicaments aux patients du Canada est un organisme national indépendant à but non lucratif engagé à la promotion de l'utilisation sécuritaire des médicaments dans tous les secteurs de la santé. Les mandats de l'ISMP Canada sont les suivants : recueillir et analyser les déclarations d'incidents/accidents liés à l'utilisation des médicaments, formuler des recommandations pour prévenir les accidents liés à la médication et porter assistance dans le cadre des stratégies d'amélioration de la qualité.

Veuillez noter que l’information présentée est fournie à titre informatif et ne constitue pas un avis formel de l’ISMP Canada ou du CHUM. Vous ne devez pas prendre de décision en vous fiant uniquement à ces renseignements. En tout temps, veuillez–vous référer aux normes qui régissent votre profession.

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